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Club International Virtuel d’Insertion par la Réflexion pour la Démocratie et la Paix en Afrique FICHES POUR COMPRENDRE LE DROIT CONSTITUTIONNEL Cécile MOREAU Novembre 2011
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Jan 28, 2023

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FICHES POUR COMPRENDRE LE DROIT CONSTITUTIONNEL

Cécile MOREAU

Novembre 2011

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FICHES POUR COMPRENDRE LE DROIT CONSTITUTIONNEL

Brèves de cours et exercices corrigés

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Table des matières

Fiche 1 L'Etat et la nation 4

Fiche 2 Les formes d'organisation de l'Etat 10

Fiche 3 La constitution 16

Fiche 4 La démocratie et la souveraineté 25

Fiche 5 Les systèmes électoraux 31

Fiche 6 La séparation des pouvoirs 42

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I- L’ETAT

L’Etat est constitué de trois éléments : une population, un territoire et une

autorité publique.

Une population : une population est constituée par les individus vivant sur

un même territoire. Ces individus sont soumis à l’autorité étatique. Par individus

vivant sur un même territoire, il faut distinguer et regrouper deux catégories

d’individus : d’une part, ceux vivant sur le territoire et d’autre part, ceux qui ne

vivent pas sur ce territoire mais qui sont attachés à l’Etat par le lien de la

nationalité.

Un territoire : la notion d’Etat est indissociable de celle de territoire. C’est

par l’existence même de la notion de frontières permettant de délimiter

physiquement un territoire que l’exercice du pouvoir étatique connaît des

limites.

Une autorité publique : encore appelée autorité étatique. L’autorité

étatique c'est-à-dire l’autorité de l’Etat qui exerce son pouvoir (prise de décision

sur la gestion des affaires et pouvoir de contrainte) à la fois sur un territoire et

FICHE 1L’ETAT ET LA NATION

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sur la population vivant sur ce territoire. L’autorité étatique présente 3

caractéristiques :

L’Etat est une personne morale : il possède la personnalité

juridique. Il représente le pouvoir sous une forme institutionnalisée, il a la

capacité de vouloir et de pouvoir sur le plan juridique. Il se distingue des

gouvernants dont les décisions, prises dans le cadre de leur fonction étatique,

sont imputables à l’Etat en tant que personne morale.

L’Etat est souverain : l’Etat tient son pouvoir de lui-même et

n’est soumis à aucune autre autorité que la sienne. L’Etat possède un pouvoir

absolu de décision en dernier ressort. Mais il est tenu de respecter la

souveraineté d’un autre Etat.

L’Etat respecte le droit : c’est la limitation de l’Etat par l’Etat

grâce au droit. La souveraineté de l’Etat n’est pas arbitraire puisqu’elle est

limitée par le droit. Le juriste autrichien Hans Kelsen a défini cette notion, au

début du XXème comme étant « un Etat dans lequel les normes juridiques sont

hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée ».

II- LA NATION

La nationalité est un lien juridique qui unit les individus composant une

population à un Etat. Ce sentiment d’appartenir à une communauté caractérisée

par une identité collective, c’est ce que l’on peut appeler la nation.

Il existe 2 conceptions :

Une conception allemande : la nation repose sur des éléments objectifs

comme la langue, la religion, la culture qui traduisent l’appartenance à une

communauté. Fichte, dans ses Discours à la nation allemande (1807-1808),

insiste sur l’idée de peuple et l’importance de la langue.

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Une conception française : la nation se construit sur la base d’une volonté

de vivre ensemble, fondée sur un passé partagé. Ernest Renan, dans sa célèbre

conférence de 1882 intitulée "Qu’est-ce qu’une Nation ?", pose, quant à lui

comme critères de l’appartenance nationale, « le désir de vivre ensemble, la

volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ». Selon lui,

« l’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours ».

Mais la définition complète de la nation n’allie t’elle pas éléments objectifs

(conception allemande) et éléments subjectifs (conception française) ? Il vrai

qu’il n’existe pas de nation sans volonté de vivre ensemble ; pourtant, cette

volonté repose sur une langue ou une culture commune dont d’ailleurs, l’histoire

partagée ne représente qu’un élément constitutif.

Une autre question se pose : faut-il identifier nation et population ? Par

conséquent, chaque nation doit-elle correspondre à un Etat ?

2 conceptions s’opposent :

La nation coïncide avec l’Etat : ceci n’est possible que si et seulement si

l’Etat est capable d’intégrer les immigrés dans la collectivité nationale. Un débat

peut naître entre unité de la République et communautarisme.

Reconnaissance de l’existence de communautés distinctes sur le territoire

étatique avec reconnaissance de droits spécifiques.

En réalité, la nation permet à l’Etat d’être lié à sa population en lui donnant une

légitimité démocratique. C’est alors que les notions d’Etat et de nation vont être

associées. Dans ces circonstances, certains vont affirmer que toute nation a alors

le droit de disposer d’un Etat et que tout Etat doit se reposer sur l’existence

même d’une nation. L’existence de l’Etat-nation apparaît comme une

conséquence du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

L’Etat se détermine par l’addition de l’entité politique souveraine et de

l’ensemble culturel (religion, langue…).

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Ernest RENAN – 11 MARS 1882 – Sorbonne – réponse au Discours de

FICHTE sur la nation allemande de 1807

"Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. L’homme, Messieurs, ne s’improvise pas. La nation, comme l’individu, est l’aboutissant d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j’entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. On aime en proportion des sacrifices qu’on a consentis, des maux qu’on a soufferts. On aime la maison qu’on a bâtie et qu’on transmet. Le chant spartiate : « Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes » est dans sa simplicité l’hymne abrégé de toute patrie. Dans le passé, un héritage de gloire et de regrets à partager, dans l’avenir un même programme à réaliser ; avoir souffert, joui, espéré ensemble ! Voilà ce qui vaut mieux que des douanes communes et des frontières conformes aux idées stratégiques ; voilà ce que l’on comprend malgré les diversités de race et de langue. Je disais tout à l’heure « avoir souffert ensemble » ; oui, la souffrance en commun unit plus que la joie. En fait de souvenirs nationaux, les deuils valent mieux que les triomphes, car ils imposent des devoirs, ils commandent l’effort en commun.

Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L’existence d’une nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous les jours, comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de vie. Oh ! je le sais, cela est moins métaphysique que le droit divin, moins brutal que le droit prétendu historique. Dans l’ordre d’idées que je vous soumets, une nation n’a pas plus qu’un roi le droit de dire à une province : « Tu m’appartiens, je te prends. » Une province, pour nous, ce sont ses habitants ; si quelqu’un cri cette affaire a droit d’être consulté, c’est l’habitant. Une nation n’a jamais un véritable intérêt à s’annexer ou à retenir un pays malgré lui. Le vœu des nations est, en définitive, le seul critérium légitime, celui auquel il faut toujours en revenir. Nous avons chassé de la politique les abstractions métaphysiques et théologiques. Que reste-t-il, après cela ? Il reste l’homme, ses désirs, ses besoins. La sécession, me direz-vous, et, à la longue, l’émiettement des nations sont la conséquence d’un système qui met ces vieux organismes à la merci de volontés souvent peu éclairées. Il est clair qu’en pareille matière aucun principe ne doit être poussé à l’excès. Les vérités de cet ordre ne sont applicables que dans leur ensemble et d’une façon très générale.

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Les volontés humaines changent ; mais qu’est-ce qui ne change pas ici-bas ? Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. !

(Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européenne, probablement, les remplacera. Mais telle n’est pas la loi du siècle où nous vivons. A l’heure présente, l’existence des nations est bonne, nécessaire même. Leur existence est la garantie de la liberté, qui serait perdue si le monde n’avait qu’une loi et qu’un maître.

Par leurs facultés diverses, souvent opposées, les nations servent à l’œuvre commune de la civilisation ; toutes apportent une note à ce grand concert de l’humanité, Qui, en somme, est la plus haute réalité idéale que nous atteignions. Isolées, elles ont leurs parties faibles. Je me dis souvent qu’un individu qui aurait les défauts tenus chez les nations pour des qualités, qui se nourrirait de vaine gloire ; qui serait à ce point jaloux, égoïste, querelleur ; qui ne pourrait rien supporter sans dégainer, serait le plus insupportable des hommes. Mais toutes ces dissonances de détail disparaissent dans l’ensemble. Pauvre humanité, que tu as souffert ! Que d’épreuves t’attendent encore ! Puisse l’esprit de sagesse te guider pour te préserver des innombrables dangers dont ta route est semée !

Je me résume, Messieurs. L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation. Tant que cette conscience morale prouve sa force par les sacrifices qu’exige l’abdication de l’individu au profit d’une communauté, elle est légitime, elle a le droit d’exister. Si des doutes s’élèvent sur ses frontières, consultez les populations disputées. Elles ont bien le droit d’avoir un avis dans la question. Voilà qui fera sourire les transcendants de la politique, ces infaillibles qui passent leur vie à se tromper et qui, du haut de leurs principes supérieurs, prennent en pitié notre terre à terre. « Consulter les populations, fi donc ! Quelle naïveté ! Voilà bien ces chétives idées françaises qui prétendent remplacer la diplomatie et la guerre par des moyens d’une simplicité enfantine. » - Attendons, Messieurs ; laissons passer le règne des transcendants ; sachons subir le dédain des forts. Peut-être, après bien des tâtonnements infructueux, reviendra t-on à nos modestes solutions empiriques. Le moyen d’avoir raison dans l’avenir est, à certaines heures, de savoir se résigner à être démodé"

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QCM

Les éléments constitutifs d’un Etat sont :

a/ une nation et un pouvoir politique démocratique ;

b/ un territoire, une population, une autorité publique ;

c/ une portion territoriale caractérisée par l’autonomie ;

d/ le fait d’être une organisation politique reconnue par l’Organisation des Nations Unies.

(b)

Pour réfléchir

Qu’est ce que la balkanisation de l’Etat ?

Le terme de balkanisation est utilisé pour la première fois par un Allemand,

Walther Rathenau, en septembre 1918 sans pour autant renvoyer explicitement à

l’Europe des Balkans.

Le mot est entré dans le vocabulaire politique à la suite de l’adoption des traités

relatifs à la fin de la première Guerre Mondiale.

Il est relatif au processus de morcellement d’unités politiques mais aussi

géographiques existantes.

Exemples : Somalie et Somaliland.

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I- L’ETAT UNITAIRE

L’Etat unitaire est celui où s’exerce un pouvoir politique seulement sur

l’ensemble du territoire. C’est un Etat qui est un dans ces trois éléments

constitutifs. Il est composé d’autorités politiques uniques, d’un seul

gouvernement, d’un seul parlement et d’un seul système judiciaire.

Ce système n’exclut pas que l’Etat unitaire puisse comprendre des collectivités

territoriales capables de créer leur propre droit, par le biais des règlements. En

effet, ces collectivités ont l’obligation de se soumettre au droit commun issu du

gouvernement central.

Pour des raisons d’efficacité, des aménagements ont été apportés à ce grand

principe par la déconcentration et la décentralisation.

La déconcentration : La déconcentration est un système d’organisation

administrative dans lequel sont créés à la périphérie des relais du pouvoir

central. C’est donc toujours l’Etat qui agit mais pour être plus efficace, il

rapproche certaines de ses autorités de ses administrés. En termes plus

juridiques, les organes centraux de l’administration d’Etat installent des agents,

FICHE 2LES FORMES D’ORGANISATION DE L’ETAT

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les services déconcentrés, afin d’agir dans des aires géographiques délimitées,

les circonscriptions administratives. Les attributions confiées aux services

déconcentrés sont toujours exercées sur instructions et sous le contrôle des

autorités centrales. (Exemple : le préfet).

La décentralisation : la relation entre les organes centraux et les organes

décentralisés est différente puisque l’Etat confie à des collectivités territoriales

l’exercice d’un certain nombre de compétences exercées sous son contrôle.

Cependant, le mot clef de la décentralisation est l’autonomie. Cette autonomie

est à la fois organique c’est-à-dire que les collectivités territoriales

s’administrent librement par des conseils élus.et une autonomie fonctionnelle et

financière. Les collectivités territoriales gèrent par leurs délibérations leurs

propres affaires et disposent d’un budget propre financé par des ressources

propres. (Exemple : les communes). Le statut de personne morale de droit public

est ainsi octroyé à des collectivités infra étatiques.

II- L’ETAT FEDERAL

L’Etat fédéral est un regroupement de collectivités qui acceptent d’abandonner

une partie de leurs compétences au profit du regroupement qu’elles forment.

Plus précisément, la fédération est une union d’Etats (ou Etats fédérés) qui

donne par cette union la création d’un nouvel Etat (ou Etat fédéral). L’Etat

fédéral se superpose aux Etats fédérés qui gardent une certaine autonomie. Il n’y

a pas de disparition des Etats fédérés.

Il existe 2 cas de fédéralismes :

Les Etats fédérés se sont regroupés parce qu’ils recherchent une plus

grande efficacité. C’est le cas des Etats-Unis.

Des collectivités très différentes mais qui étaient regroupées au sein d’un

même Etat unitaire ne souhaite plus une existence commune tout en acceptant

l’existence d’une seule constitution. C’est le cas de la Belgique.

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La fédération est régie par 3 grands principes :

Le principe de superposition : l’ordre juridique de l’Etat fédéral est

superposé à l’ordre juridique des Etats fédérés. L’Etat fédéral a donc des

institutions qui lui sont propres dans le domaine exécutif, législatif et judiciaire.

Mais les Etats fédérés gardent les leurs. Cependant, le droit fédéral est supérieur

au droit des Etats fédérés dans les domaines de compétences de la fédération

(c’est la règle de primauté).

Le principe d’autonomie : les compétences de l’Etat fédéral et des Etats

fédérés sont fixées par la Constitution. Par conséquent, les Etats fédérés

continuent de disposer de compétences propres.

De même, les Etats fédérés disposent d’une autonomie institutionnelle sous

réserve de ce qui est établie par la constitution fédérale. Ainsi les Etats fédérés

continuent de disposer d’un pouvoir législatif, exécutif et judiciaire.

Le principe de participation : les Etats fédérés participent à la gestion de

l’Etat fédéral par exemple lors des révisions de la Constitution de la fédération.

Mais ils participent également à l’élaboration des lois par le biais d’une chambre

qui les représente au sein du Parlement. (Exemple le Sénat aux Etats-Unis). Il

s’agit, selon le constitutionnaliste Georges Scelle, d’une participation des Etats

fédérés à la formation de la « volonté » fédérale.

La décentralisation ne peut pas s’appliquer aux Etats fédérés dans le cadre de la

fédération. Elle donne aux entités décentralisées une autonomie bien moindre

que celles dont disposent les Etats fédérés. Les collectivités territoriales ne

peuvent pas avoir de Constitution ni disposer d’un pouvoir législatif.

En revanche, la décentralisation peut s’exercer au sein de chaque Etat fédéré et

s’appliquer à ses collectivités territoriales.

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Alexis de Tocqueville – De la Démocratie en Amérique- 1835

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QCM

L’Etat unitaire :

a/ est un Etat dont la structure territoriale est totalement continue ;

b/ est un Etat qui ne possède qu’une seule institution politique représentative ;

c/ est un Etat sans façade maritime ;

d/ est un Etat qui ne connaît pas de fractionnement du pouvoir politique entre le niveau national et la niveau local.

(d)

Pour réfléchir

Qu’est ce qu’une confédération d’Etats ?

Une union confédérale est créée par la signature d’un traité international entre

les Etats souverains qui veulent y prendre part. Les Etats qui souhaitent y

participer se regroupent dans une organisation qui s’apparente à une association

d’Etats. Il n’y a aucune fusion.

Elle diffère complètement de la fédération par la nature sensiblement relâchée

des liens qui existent entre les Etats membres. Les Etats de la confédération

demeurent pleinement souverains.

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I- L’ELABORATION DE LA CONSTITUTION

Une Constitution est un ensemble de règles énoncées sous diverses formes,

selon les traditions nationales et la nature du régime. Ces règles sont écrites ou

orales mais elles ont une valeur supérieure à celle de toutes les autres normes

juridiques positives. Elles sont destinées à établir les modalités d’acquisition et

d’exercice du pouvoir politique.

Dès le moment où apparaît un Etat, il faut penser aux règles qui s’appliqueront à

l’autorité politique et à leur fondement. C’est au pouvoir constituant qu’il

revient d’élaborer et de réviser la Constitution. Il existe 2 pouvoirs constituants :

Le pouvoir constituant originaire : c’est le pouvoir constituant qui se

trouve à l’origine d’un nouvel ordre juridique. Il élabore une Constitution alors

qu’aucune autre n’était en vigueur jusque là, sa compétence est

« inconditionnée ». Cet évènement peut arriver lors de la création d’un nouvel

Etat ou la suite d’une révolution qui aurait mis fin à une Constitution en vigueur.

En réalité le pouvoir constituant originaire trouve sa légitimité dans son succès

politique.

FICHE 3LA CONSTITUTION

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Le pouvoir constituant dérivé : c’est le pouvoir constituant créé par la

Constitution qui le charge de modifier le texte constitutionnel existant. Le

pouvoir constituant dérivé agit en conformité avec le texte lui-même et doit

respecter les limites qui lui sont imposées en matière de révisions

constitutionnelles.

Dans le recensement des limitations instaurées par les procédures de révision de

la Constitution, des limites d’ordre formel et des limites d’ordre matériel sont

distinguables.

Limites formelles : il s’agit de l’encadrement procédural. Il peut consister

en un allongement de la procédure, par l’introduction d’un délai avant lequel la

Constitution ne peut pas être révisée (le délai de révision entre 2 révisions

constitutionnelles est de 5 ans au Portugal - ART 284 de la Constitution) ; une

majorité qualifiée peut, également, être exigée afin de rendre plus difficile

l’exercice de ce pouvoir constituant ; il convient de mentionner l’existence de

limites ratione temporis c’est-à-dire l’interdiction de réviser dans certains textes

constitutionnels lors de périodes ou de circonstances données (art 89 al 4 de la

Constitution française de 1958 interdisant toute révision lorsqu’une partie du

territoire est occupée). Enfin, il faut faire une place particulière à l’intervention

du peuple qui peut être une intervention directe (le peuple procède à la

ratification des projets de révisions constitutionnelles. Cette ratification peut être

obligatoire quel que soit le texte de révision comme en Suisse ou que pour

certains textes comme en France pour les propositions d’origine parlementaire)

ou une intervention indirecte (le peuple n’est pas amené à se prononcer

directement sur la révision mais sur les auteurs de celle-ci comme en Espagne).

Limites de fond : la question soulevée est celle de la limitation de l’objet

de la révision constitutionnelle.

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Les constituants peuvent interdire au pouvoir constituant dérivé de modifier un

aspect spécifique ou un article de la Constitution (en France, toute révision

portant atteinte « à la forme républicaine du gouvernement »est interdite, ART

89 al 5 de la Constitution de 1958).

II- LA FORCE RELATIVE DU POUVOIR CONSTITUANT

La Constitution est un acte fondamental qui possède une valeur supérieure aux

lois ordinaires, il est donc logique de procéder à des contrôles de

constitutionnalité que ce soit des lois par rapport à la constitution ou encore des

révisions constitutionnelles elles-mêmes.

C’est la garantie de la suprématie de la Constitution.

L’intervention du peuple : Rousseau écrit dans le Contrat social que « en

tout état de cause le peuple est toujours maître de changer ses lois, même les

meilleures car s’il lui plaît de se faire mal à lui-même, qu’est ce qui a le droit de

l’en empêcher ? ».

En matière de révisions constitutionnelles, la ratification peut être faite par le

peuple par le biais d’un référendum (ART 89 de la Constitution de 1958 prévoit

que si les parlementaires sont à l’origine de la révision constitutionnelle, la

ratification se fait par le peuple. Si le pouvoir exécutif est à l’origine de la

révision constitutionnelle alors le Président de la République a le choix entre la

ratification par les assemblées réunies en Congrès ou par référendum).

Le contrôle du juge constitutionnel : le juge constitutionnel statue sur la

conformité des lois à la Constitution avant leur promulgation. En France,

désormais, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 élargit ses compétences en

instituant une question prioritaire de constitutionnalité (ART 61-1 de la

constitution dispose désormais que lorsqu'à l'occasion d'une instance en cours

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devant une juridiction quelconque il est soutenu qu'une disposition législative

porte atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit, le Conseil peut

être saisi de cette question sur le renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de

cassation).L'article 62 précise qu'une disposition déclarée inconstitutionnelle

dans ce cadre est abrogée à compter de la décision du Conseil ou d'une date

fixée par cette décision et que le juge constitutionnel détermine les conditions et

les limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont

susceptibles d'être remis en cause.

Il existe différentes formes de contrôle de constitutionnalité. Le Portugal est le

seul à pratiquer le contrôle avant l’entrée en vigueur des dispositions contestées.

Pour les autres pays, le contrôle intervient après l’entrée en vigueur des

normes .Le contrôle « concret », c'est-à-dire à l'occasion d'un litige, n'est

possible qu'au Portugal et aux États-Unis, où le juge constitutionnel statue sur la

décision prise par une juridiction au sujet d'une question qui a trait au respect de

la constitution. En effet, dans ces deux systèmes, toutes les juridictions

inférieures exercent un contrôle de constitutionnalité, sans pouvoir poser, à ce

titre, de question préjudicielle. Sinon, la saisine du juge constitutionnel s’opère

par le biais d’une question préjudicielle.

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Charles de GaulleConférence de presse du 31 janvier 1964

Une Constitution, c'est un esprit, des institutions, une pratique

[« La nation française est en paix. » Ayant fait remarquer, au début de sa conférence, combien la chose est nouvelle, le général de Gaulle répond ensuite à une question sur les institutions. Ces réflexions provoqueront un grand débat sur la nature des institutions de la Cinquième République, notamment à l'Assemblée nationale, où, le vendredi 24 avril 1964, François Mitterrand, Paul Coste-Floret et André Chandernagor notamment s'opposent au premier ministre, Georges Pompidou.]

Je vous répondrai qu'une Constitution, c'est un esprit, des institutions, une pratique.

Pour ce qui est de la nôtre, son esprit procède de la nécessité d'assurer aux Pouvoirs publics l'efficacité, la stabilité et la responsabilité dont ils manquaient organiquement sous la troisième et la quatrième République.

Sans doute, le déclenchement de la réforme, en 1958, a-t’il été déterminé par la secousse survenue à Alger, étalant l'impuissance du régime d'alors à surmonter un drame où était en train de sombrer notre unité nationale. D'ailleurs, en 1940, dans des circonstances beaucoup plus tragiques encore, on avait déjà vu abdiquer un régime semblable. Mais, même en dehors de ces brutales démonstrations, nul ne doutait, et depuis longtemps, qu'un système qui mettait le pouvoir à la discrétion des partis, végétait dans les compromis, s'absorbait dans ses propres crises, était inapte à mener les affaires de notre pays. C'est pourquoi l'esprit de la Constitution nouvelle consiste, tout en gardant un Parlement législatif, à faire en sorte que le pouvoir ne soit plus la chose des partisans, mais qu'il procède directement du peuple, ce qui implique que le chef de l'Etat, élu par la nation, en soit la source et le détenteur. C'est ce qui fut réalisé au vu et au su de tout le monde quand je repris la direction des affaires, puis quand j'assumai les fonctions de Président. C'est ce qui a été simplement précisé par le dernier référendum. Il ne semble pas que, depuis qu'elle s'applique, cette conception ait été méconnue par les responsables, ni rejetée par le peuple, ni infirmée par les événements.

Quant à la répartition des pouvoirs, elle a été observée suivant ce que prévoit notre Constitution. Les rôles attribués respectivement : au Président, garant du destin de la France et de celui de la République, chargé par conséquent de graves devoirs et disposant de droits étendus ; au gouvernement, nommé par le chef de l'Etat, siégeant autour de lui pour la détermination et la mise en úuvre de la politique et dirigeant l'administration ; au Parlement, exerçant le pouvoir législatif et contrôlant l'action du ministère, ont été remplis ainsi que l'exigeaient la volonté du pays, les conditions où nous nous trouvons, l'obligation de mener les affaires d'une manière active, ferme et continue.

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Il est vrai que, concurremment avec l'esprit et avec le texte, il y a eu la pratique. Celle - ci a naturellement tenu pour une part aux hommes. Pour ce qui est du chef de l'Etat, il est bien évident que son équation personnelle a compté et je doute que, dès l'origine, on ne s'y attendît pas. Quant aux ministres, et d'abord, aux Premiers : successivement Monsieur Michel Debré et Monsieur Georges Pompidou, ils ont agi avec une évidente efficacité, mais chacun à sa façon et qui n'était pas la même. Le Parlement a imprimé à sa tâche et à son attitude un caractère différent, suivant que, dans l'actuel régime, il ait vécu sa première ou sa deuxième législature. Il faut dire aussi que nos institutions ont eu à jouer, depuis plus de 5 ans, dans des conditions très variables, y compris à certains moments sous le coup de graves tentatives de subversion. Mais, justement, l'épreuve des hommes et des circonstances a montré que l'instrument répond à son objet, non point seulement pour ce qui concerne la marche ordinaire des affaires, mais encore en ce qui a trait aux situations difficiles, auxquelles la Constitution actuelle offre, on l'a vu, les moyens de faire face : référendum, article 16, dissolution de l'Assemblée Nationale.

Sans doute, cette réussite tient-elle essentiellement à ceci que nos institutions nouvelles répondent aux exigences de l'époque autant qu'à la nature du peuple français et à ce qu'il souhaite réellement. Cependant, certains, trouvant peut-être la mariée trop belle, suggèrent des changements qui, en fait, bouleverseraient le système de fond en comble.

[…]

On ne saurait méconnaître qu'une Constitution de cette sorte a pu, jusqu'à présent, fonctionner cahin-caha aux Etats-Unis, c'est-à-dire dans un pays qui, en raison de sa composition ethnique, de ses richesses économiques, de sa situation géographique, n'a connu aucune invasion, ni même, depuis un siècle, aucune révolution ; dans un pays qui comprend deux partis politiques seulement, lesquels ne sont opposés par rien d'essentiel dans aucun domaine : national, social, moral ou international ; dans un pays fédéral, enfin, où le gouvernement n'assume que les tâches générales : défense, diplomatie, finances, tandis qu'il appartient aux 50 Etats de l'Union de pourvoir à tout le reste. Mais comment ce régime conviendrait - il à la nation française, très fortement centralisée par le long effort des siècles, victime de toutes les secousses intérieures et extérieures depuis sept générations, toujours exposée à en subir d'autres, et où les multiples partis politiques, à l'exception de celui qui pousse au bouleversement, sont divisés et inconsistants ?

[…]

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QCM

La Constitution se définit comme :

a/ l’ensemble des règles relatives à l’organisation du pouvoir dans l’Etat ;

b/ le statut fondateur de n’importe quelle institution politique ;

c/ le mode de création d’un Etat ;

d/ un texte prévoyant une séparation poussée des pouvoirs.

(a)

Pour réfléchir

CONSEIL CONSTITUTIONNEL DU SENEGAL

AFFAIRE n° 3-C-2005 du 18 janvier 2006Le Conseil constitutionnel saisi d’un recours en inconstitutionnalité par requête en date du 22 décembre 2005 enregistrée à son greffe le 23 décembre 2005 sous le n° 3-C-2005 contre la loi constitutionnelle n°29-2005 prorogeant le mandat des députés élus à l’issue des élections du 29 avril 2001 votée par l’Assemblée nationale le 16 décembre 2005 par Ousmane Tanor DIENG, Amath DANSOKHO, Abdoulaye BATHILY, Wagane FAYE, Etiènne SARR, Aminata Mbengue NDIAYE, Moussa TINE, Oully Diome CISSE, Madior DIOUF, Seynabou KÂ, Madieyna DIOUF, Cheikh Amidou KÂNE, Thiedel DIALLO, Famara SARR et Aminata MBAYE, tous députés à l’Assemblée nationale.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Vu la Constitution ;

Vu la loi organique n° 92-23 du 30 mai 1992 sur le conseil constitutionnel, modifié par la loi organique n° 99-71 du 17 février 1999 ;

Vu les pièces du dossier, notamment le procès - verbal analytique de la séance du vendredi 16 décembre 2005 de l’Assemblée nationale ;

Le rapporteur ayant été entendu :

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

1. Considérant que les requérants demandent au Conseil constitutionnel de se déclarer compétent et de décider que la loi déférée est contraire à la constitution ; qu’ils soutiennent qu’elle est une fausse loi constitutionnelle et que la procédure prévue par l’article 103 de la constitution à été violée.

[|SUR L’ARGUMENTATION SELON LAQUELLE LA LOI DEFEREE EST UNE FAUSSE LOI CONSTITUTIONNELLE :|]

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2. Considérant que les requérants font valoir que la loi déférée, bien que votée par les trois cinquièmes des députés à l’Assemblée nationale, intervient dans une matière législatives régie par l’article 146 du code électoral ; qu’elle ne substitue pas un ordre constitutionnel à un autre ordre constitutionnel par une autre ; qu’elle règle une question ponctuelle née d’une situation exceptionnelle ; que le conseil constitutionnel doit la requalifier en loi ordinaire et dire qu’elle est contraire à la Constitution.

3. Considérant que le pouvoir constituant est souverain, que sous réserve, d’une part, des limitations qui résulte des articles 39, 40 et 52 du texte constitutionnel touchant aux périodes au cours des quelles une révision de la constitution ne peut être engagée ou poursuivie et, d’autre part, du respect des prescriptions de l’alinéa 7 de l’article 103 en vertu desquelles la forme républicaine de l’Etat ne peut faire l’objet d’une révision, il peut abroger, modifier ou compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu’il estime appropriée et introduire explicitement ou implicitement dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans le cas qu’elles visent, dérogent à des règles ou principes de valeur constitutionnelle, que cette dérogation soit transitoire ou définitive.

4. Considérant que la durée du mandat des députés est fixée par l’article 60 alinéa 1er de la Constitution ; que la fixation et la prorogation de la durée du mandat des députés relèvent des lors de la constitution, que l’article 146 du Code électoral se borne à préciser la date d’expiration du mandat des députés ;

5. Considérant que l’élection des députés le 29 avril 2001, en application de l’article 60 précité, a créé un ordonnancement constitutionnel ; que la loi prorogeant la durée du mandat des députés de cinq ans à cinq ans et huit mois modifie des lors cet ordonnancement constitutionnel ;

[|SUR LE MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 103 DE LA CONSTITUTION|]

6. Considérant qu’aux termes de l’article 103 de la constitution : « l’initiative de la révision de constitution appartient concurremment au Président de la République et aux députés ..... Le projet ou la proposition de révision de la Constitution doit être adopté par l’Assemblée nationale ..... Toutefois, le projet ou la proposition n’est pas présenté au référendum lorsque le Président décide de le soumettre à la seule Assemblée nationale. Dans ce cas, le projet ou la proposition n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquième (3/5) des membres de l’Assemblée nationale » ;

7. Considérant que les requérants font valoir que la loi déférée n’a pas suivi la procédure prescrite par l’article suscité ;

8. Considérant que par décret n°2005-1180 du 6 décembre 2005 contresigné par le premier Ministre, le Président de la République a ordonné la présentation à l’Assemblée nationale, au cours de la session ordinaire, d’un projet de loi constitutionnelle prorogeant le mandat des députés élus à l’issue des élections du 29 avril 2001 et a désigné un ministre pour en soutenir la discussion ;

9. Considérant que le projet de loi de révision a été approuvé par les trois cinquièmes des députés à l’Assemblée nationale ;

10. Considérant que dans le cas de révision de la constitution par la seule Assemblée nationale, le vote à la majorité qualifiée des trois cinquièmes réalise à la fois l’adoption et l’approbation de la loi ;

[|SUR LA COMPETENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL|]

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la loi contestée prorogeant le mandat des députés à l’Assemblée nationale est une loi constitutionnelle ; que la procédure prescrite par l’article 103 de la constitution n’a pas été violée ;

12. Considérant que la compétence du Conseil constitutionnel est strictement délimitée par la constitution et la loi organique sur le conseil constitutionnel ; que le Conseil ne saurait être appelé à se prononcer dans d’autres cas que ceux limitativement prévus par ces textes ; que le Conseil

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constitutionnel ne tient ni des articles 74 et 103 de la Constitution ni d’aucune disposition de la loi organique le pouvoir de statuer sur une révision constitutionnelle ;

Décide :

• Article 1

Le conseil constitutionnel n’a pas compétence pour statuer sur la demande susvisée.

• Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la république du Sénégal.

Délibérée par le Conseil constitutionnel en sa séance du 18 janvier 2006, à laquelle siégeaient :

Mme Mireille NDIAYE : Président

MR Babacar KANTE : Vice Président

Abdoulaye Lath DIOUF : Membre

Mamadou SY : Membre

Mamadou Kikou NDIAYE : Membre

Avec l’assistance de Maître Ousmane BÂ : Greffier en Chef P.I.

En foi de quoi, la présente décision a été signée par le Président, le Vice - Président, les autres membres et le Greffier en Chef P.I.

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I- LA SOUVERAINETE OU LE FONDEMENT DU POUVOIR

La question du fondement du pouvoir est essentielle car elle permet de

s’interroger sur la nature même du régime.

A partir du 18ème siècle, le pouvoir n’est plus d’origine divine, il trouve son

fondement dans les citoyens.

Une démocratie est par conséquent un régime dans lequel le peuple participe à la

question des affaires publiques directement ou indirectement par le biais de ses

représentants.

Deux types de théorie de la souveraineté se sont dégagés :

La théorie de la souveraineté populaire : Rousseau l’a développé dans le

Contrat social (1762). Pour Rousseau, un pacte garantissant l’égalité et la liberté

entre tous les citoyens repose sur une organisation sociale « juste ».

Ce pacte est contracté par tous les citoyens ; pacte par lequel chacun renonce à

sa liberté naturelle pour gagner une liberté civile.

La souveraineté populaire est le principe fondamental du contrat social. Cette

souveraineté demeure indivisible c’est-à-dire que le pouvoir souverain ne saurait

FICHE 4LA DEMOCRATIE ET LA SOUVERAINETE

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être divisé et ce dernier ne peut s’en séparer à cause d’un intérêt particulier. En

effet, l’intérêt particulier est contraire au principe de la recherche de l’intérêt

général, objectif du contrat social. La dissolution du contrat social, c’est le

retour à un état de nature primitif, « tyrannique et vain ».

La souveraineté populaire réside donc dans le peuple qui est la réunion des

parties de souveraineté dont les individus sont titulaires.

La théorie de la souveraineté nationale : ce concept a pour origine la

Révolution française et trouve sa formulation dans la Constitution française de

1790 qui précise que « la souveraineté est une, indivisible, inaliénable et

imprescriptible. Elle appartient à la nation ; aucune section du peuple, ni aucun

individu ne peut s’en attribuer l’exercice. ». Par conséquent, le pouvoir peut être

séparé de la personne du Roi. En effet, le roi ne peut pas détenir la souveraineté

qui appartient à la nation et qui ne peut pas l’aliéner.

Dans la théorie de la souveraineté nationale, la souveraineté n’appartient pas au

peuple en tant que rassemblement d’invidus mais la souveraineté appartient à la

collectivité, à la nation qui l’exerce par le biais de ses représentants.

II- LES MODES D’EXERCICE DU POUVOIR

Les théories de la souveraineté populaires et de la souveraineté nationale ont

donné naissance à des modes d’exercice du pouvoir différents.

Le régime issu de la souveraineté populaire : il s’agit de la démocratie

directe. C’est le système préféré de Rousseau. En effet, chaque citoyen dispose

d’une part de souveraineté qu’il peut exprimer par son droit de vote qui ne peut

pas être supprimé par la société puisqu’il lui est antérieur. C’est l’avènement du

suffrage universel.

Dans ce système de démocratie directe, les représentants désignés par le peuple

disposent uniquement d’un mandat impératif (ils sont soumis à la volonté de

leurs électeurs qui peuvent toujours les révoquer le cas échéant).

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Enfin, le pouvoir législatif appartient au peuple. Les actes d’administration sont

accomplis par le pouvoir exécutif choisi et contrôlé par le peuple qui peut aussi

le révoquer.

Ce régime étant difficilement applicable dans un Etat moderne il peut subir

quelques transformations et devenir une démocratie semi-directe où il existe un

contrôle de l’élu (à la demande d’un certains nombres d’électeurs, de nouvelles

élections sont organisées pour confirmer ou infirmer le mandat d’un élu).

Surtout dans la démocratie semi-directe, le référendum permet d’associer le

peuple à l’exercice du pouvoir législatif ou de le consulter sur des grandes

questions nationales.

Le régime issu de la souveraineté nationale : il s’agit ici d’un régime

représentatif. La souveraineté réside dans la nation qui l’exerce par ses

représentants. Ceux qui produisent les normes de niveau législatif ou

constitutionnel expriment la volonté du souverain qu’ils représentent.

L’élu devenu dépendant de ses électeurs et des partis politiques est un des

éléments clés du régime représentatif. De plus, le peuple devient partie prenante

du jeu politique grâce aux électeurs qui désignent de manière directe ou

indirecte le pouvoir exécutif grâce au suffrage universel.

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Les six livres de la République- Jean Bodin- 1576

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QCM

La théorie de la souveraineté populaire réside :

a/ dans le peuple qui est la réunion des parties de souveraineté dont les individus sont titulaires ;

b/ dans la collectivité globale, la nation, qui l’exerce par ses représentants.

(a)

Pour réfléchir

Ne trouvez-vous pas ambigüe la phrase suivante :

« La souveraineté nationale appartient au peuple […] ? » (ART 3 de la

constitution française du 4 octobre 1958 et ART 4 de la constitution nigérienne

du 25 novembre 2010) ?

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Le choix d’un mode de scrutin n’est pas anodin car les résultats varient selon le

choix effectué. Classiquement, le scrutin majoritaire est opposé au scrutin

proportionnel.

I- LE SCRUTIN MAJORITAIRE

C’est le mode de scrutin le plus simple.

Le candidat ou la liste qui obtient le plus de voix est élu.

Le scrutin majoritaire peut être uninominal ou de liste :

Le scrutin majoritaire uninominal : les électeurs désignent dans ce cas un

seul représentant. C’est la personnalité des candidats qui est mise en valeur.

Le scrutin majoritaire de liste : ici les électeurs désignent plusieurs

représentants. Ce sont les partis politiques qui sont mis en valeur. En effet, les

électeurs choisissent les partis politiques qui remporteront l’élection.

Ensuite le scrutin majoritaire qu’il soit uninominal ou de liste peut être à un ou

deux tours.

Le scrutin majoritaire à un tour : celui qui a obtenu le plus de voix est élu.

FICHE 5LES SYSTEMES ELECTORAUX

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Ce système va de pair avec le bipartisme. Cependant, il a un défaut, il est très

déformateur puisqu’il suffit de l’emporter pour obtenir la majorité

parlementaire. Par contre, sa qualité réside dans la stabilité gouvernementale

qu’il créé.

Le scrutin majoritaire à deux tours : le candidat qui obtient la majorité

absolue (c’est-à-dire la moitié des voix plus une voix) des suffrages exprimés

(c’est-à-dire le nombre de votants moins les bulletins nuls) est élu au premier

tour.

Si aucun candidat n’obtient cette majorité absolue, il est procédé à un second

tour. Il y a ballotage. Dans ce cas, le candidat qui sera élu sera celui qui

obtiendra le plus de voix.

Souvent des candidats se retirent et demandent à leurs électeurs de voter pour un

candidat précis, il y a désistement de la part du candidat qui s’en va. Selon les

législations électorales en cours, un minimum de voix peut être requis pour ce

maintenir au second tour.

II- LE SCRUTIN PROPORTIONNEL

Son principe consiste à accorder aux partis politiques présents un nombre de

sièges proportionnel au nombre de voix obtenues.

Cependant, son calcul reste une étape compliquée.

D’abord, il faut répartir les sièges par rapport au nombre de voix obtenues

par le biais du quotient électoral. Le calcul du quotient électoral se fait comme

suit : c’est le nombre de suffrages exprimés au niveau national / le nombre de

sièges à pourvoir.

Le résultat exprimera le nombre de sièges attribués à une liste.

Toutefois, cette méthode ne permet pas toujours de répartir la totalité des sièges

à pourvoir.

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Il faut procéder à une répartition pour ces sièges. Deux techniques de

répartition existent :

La répartition des plus forts restes : cette technique va permettre

d’attribuer les sièges restants aux listes qui ont le plus grand nombre de voix

inemployées. Les petits partis politiques sont avantagés par cette méthode.

Le calcul pour chacune des listes correspond au calcul suivant : suffrages

exprimés pour une liste donnée – (le nombre de sièges obtenus par le biais du

quotient électoral pour cette liste donnée x le quotient électoral).

La répartition à la plus forte moyenne : cette méthode de calcul

favorise davantage les grandes formations politiques. Le calcul pour chacune

des listes correspond au calcul suivant : le nombre de suffrages exprimés pour

une liste donnée / (le nombre de sièges obtenus par le biais du quotient électoral

pour cette liste donnée +1).

Certains systèmes essaient de cumuler les deux modes de scrutin majoritaire et

proportionnel afin de cumuler les effets de stabilité gouvernementale

occasionnés par l’un et l’absence d’effets déformateurs de l’autre (exemple :

l’Allemagne).

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Les modes de scrutin en Afrique francophone- Symposium international de Bamako 25/27 avril 2000 à Paris

ATA MESSAN AJAVON Professeur de Droit à l’Université du Bénin Ancien Député

Le phénomène de l’organisation d’élections libres, transparentes et démocratiques est en train de s’imposer timidement, mais fermement sur le continent africain, notamment en Afrique francophone. Les modes de scrutin sont les techniques utilisées pour connaître les résultats des votes et déterminer les élus. Ils sont variés.Traditionnellement, on les regroupe en scrutin majoritaire et en scrutin proportionnel. Pour certaines élections, on trouve parfois la combinaison de ces deux modes de scrutin ; ces systèmes sont appelés scrutins mixtes ou hybrides. En Afrique francophone, on retrouve ces différentes méthodes.I.– LE SCRUTIN MAJORITAIRELe scrutin majoritaire peut être à un ou à deux tours ; il est uninominal ou de liste. Pour le référendum, une seule formule est utilisée : c’est le scrutin majoritaire à un tour. Dans ce cas, la majorité est toujours absolue.A.– Le scrutin uninominalAvec ce mode de scrutin, chaque circonscription électorale élit un seul représentant. En Afrique francophone, les régimes politiques constitutionnels instaurés sont de type présidentiel, semi-présidentiel ou présidentiel déconcentré.Le régime présidentiel se rencontre au Bénin (Constitution du 11 décembre 1990), en Côte d’Ivoire (Constitution du 3 novembre 1960 modifiée en 1963, 1975, 1980, 1985, 1986 et 1990 et en vigueur jusqu’au coup d’État du 24 décembre 1999), en République Arabe d’Égypte (Constitution du 22 mai 1980), en République du Sénégal (Constitution du 7 mars 1963, modifiée en 1967, 1968, 1970, 1976, 1978, 1981, 1983, 1984, 1991 et 1992), à Djibouti (Constitution du 15 septembre 1992), etc.Quant aux régimes semi-présidentiels et présidentiels déconcentrés, ils sont mis en œuvre à Madagascar (Constitution de 1992), au Niger (Constitution de 1999), au Tchad (Constitution d’avril 1996), au Togo (Constitution du 14 octobre 1992), au Gabon (Constitution du 26 mars 1991), au Burkina Faso (Constitution du 11 juin 1991), au Mali (Constitution du 25 février 1992), etc. À l’exception du Cameroun, quel que soit le régime politique adopté, le président de la République est invariablement élu au suffrage universel direct et au scrutin uninominal à deux tours. L’élection a lieu, au premier tour, à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue, il est procédé à un deuxième tour de scrutin auquel ne peuvent se présenter que les deux candidats arrivés en tête lors du premier tour. Au Cameroun, le président de la République est élu au scrutin uninominal à un seul tour. Le scrutin uninominal à un tour, s’il peut paraître d’application simple, d’effet distordant très limité si le nombre de candidats est réduit, est celui qui présente le plus d’inconvénients. Ce mode de scrutin permet au candidat qui a dépassé ses concurrents, ne fût-ce que d’une seule voix, d’être élu.La majorité relative peut conduire à l’élection d’un président ou d’un député par une minorité de corps électoral. Il suffit que cette minorité soit supérieure à toute autre.En Grande-Bretagne et aux États-Unis d’Amérique, l’utilisation de ce mode de scrutin a pour effets, au niveau du parlement, la sur-représentation de la majorité et, par voie de conséquence, la sous-représentation de la minorité, ce qui induit l’instauration de fait du bipartisme et la formation d’une majorité cohérente et forte. La conjugaison de ses effets conduit à l’alternance des partis politiques au pouvoir.En Afrique, l’utilisation du scrutin uninominal à un tour dans des sociétés dominées par le phénomène ethnique ou régional pourra entraîner l’élection d’un président de la République, d’un député, voire d’un parlement entier par une minorité de ses composantes. Il suffit de se référer aux violences et aux débordements que peuvent engendrer les antagonismes ethniques sur le continent pour déconseiller l’adoption d’un tel mode de scrutin.

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Quant au scrutin uninominal à deux tours, il permet, au second tour, le regroupement des candidats par tendance ou par sensibilité politique. Lorsqu’une société africaine en mutation est en période d’alternance politique, le scrutin uninominal à deux tours est le mieux indiqué dans la mesure où les chefs des partis politiques d’opposition qui se battent pour le changement démocratique n’arrivent presque jamais à s’entendre pour désigner un candidat à opposer au candidat de l’ordre ancien. Telle fut la situation qui a prévalu lors des élections présidentielles de l’ère pré-démocratique. Par contre, le regroupement, au second tour, derrière le candidat le mieux placé de l’opposition, a permis d’obtenir l’alternance. Nous pouvons citer, entre autres, les exemples du Bénin en 1991 et en1996, de la République centrafricaine en 1992. Le cas le plus significatif est celui de la dernière élection présidentielle sénégalaise de mars 2000.Le scrutin uninominal à deux tours assorti parfois de quelques variantes, est celui que les constituants et les législateurs africains choisissent généralement pour l’élection de leurs députés.Dans presque tous les cas, il est prévu, comme pour l’élection du président de la République, que seuls les deux candidats ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour peuvent se présenter au second tour du scrutin.Une particularité est apportée par l’article 142 de la loi n° 98.004 portant code électoral de la République centrafricaine.Cet article prescrit, en son alinéa 3 qu’au cas où aucun candidat n’aurait obtenu la majorité absolue pour être élu au premier tour, tous les candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés peuvent de nouveau se présenter au second tour. Il s’agit d’éviter qu’un candidat ne soit élu que grâce à une très forte proportion d’abstentionnistes. Cette particularité, si elle peut avoir pour inconvénient de faire élire un candidat à la majorité relative, a l’avantage, en retour, d’éviter la bipolarisation du paysage politique souvent empreint de manichéisme. Elle pourrait permettre la dédramatisation du jeu politique sur le continent.Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours présente l’inconvénient majeur de favoriser la bipolarisation des forces politiques et le manichéisme qui pourrait en découler. En effet, le second tour de scrutin est un scrutin d’élimination dans la mesure où il est très rare d’obtenir la majorité absolue au premier tour. Dans ces conditions, l’électeur vote utile au second tour.L’adoption d’un tel système consolide sans aucun doute le multipartisme au niveau de l’État. Au second tour, des regroupements s’opèrent et des alliances se négocient. Il s’agit d’un scrutin qui favorise la mise en place de gouvernements de coalition, phénomène très souhaitable en Afrique. L’élection présidentielle sénégalaise de mars 2000 constitue une belle illustration de cette démonstration.B.– Le scrutin de liste majoritaireIl s’agit d’un scrutin apparemment simple à mettre en œuvre. En effet, avec ce mode de scrutin, la victoire est donnée à la liste qui a obtenu le plus de suffrages. Cependant, ce mode de scrutin est le plus injuste, il permet parfois une caricature du corps électoral par l’élimination d’une partie des tendances politiques, voire l’exclusion totale de l’Assemblée nationale, de toute opposition ou d’une partie du paysage régional ou ethnique du pays. Il en a été ainsi à Djibouti lors des élections législatives de décembre 1992, où l’application du scrutin de liste majoritaire, telle que prévue par la loi organique n° 1/AN/92 relative aux élections, avait eu pour effet la composition monopartite de l’Assemblée nationale. Nous nous permettons de déconseiller vigoureusement l’adoption de ce mode scrutin.II.– LA REPRÉSENTATION PROPORTIONNELLE (R.P.)Elle fonctionne avec le scrutin de liste. Elle a l’avantage considérable d’être d’un coût relativement peu élevé par rapport au scrutin uninominal à deux tours, dans la mesure où d’une part, comme le scrutin majoritaire à un tour, le vote ne dure qu’un seul jour et où d’autre part, s’agissant d’un scrutin de liste, il n’est élaboré qu’un seul bulletin de vote par département ou par commune selon le cas.Le fondement de la représentation proportionnelle est la recherche d’une représentation exacte de tout le corps électoral. Autrement dit, avec cette méthode, les minorités politiques, voire ethniques ou régionales ont des chances d’être représentées. Au regard des sociétés africaines pluri-ethniques, cet avantage fondamental est de nature à favoriser l’adoption de cette modalité de scrutin.

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Malheureusement, l’inconvénient d’un tel système est l’émergence d’une multitude de partis politiques à coloration fortement régionale et pire, clanique, ethnique ou tribale, à moins que le constituant ou le législateur n’assortisse la création des partis politiques à certaines conditions de nature à limiter les tendances naturelles aux regroupements par des affinités autres que politiques.Il en est ainsi des dispositions de la loi n° 1/AN/92 – 2ème L relative aux partis politiques en République de Djibouti. L’article 4 de ladite loi prescrit que le nombre de membres fondateurs d’un parti politique ne doit pas être inférieur à 3 membres par district, dont 18 pour le district de Djibouti, soit 30 membres pour la République. La loi dispose en outre que chaque composante de la communauté nationale doit être représentée parmi les fondateurs.Il en est de même au Togo où la loi n° 91-4 du 12 avril 1991 portant charte des partis politiques, en son article 11, dispose que les fondateurs des partis politiques, au minimum au nombre de trente, doivent être originaires des deux tiers au moins des trente préfectures (départements) que comporte la carte administrative du pays.L’utilisation de la représentation proportionnelle est, dans certains États africains, prévue aussi bien pour les élections législatives que pour les élections locales ; dans d’autres États, la loi ne la prescrit que pour les seules élections locales. La tendance dans les pays francophones du continent est son adoption pour lesdites élections.A.– Représentation proportionnelle et élections législativesLa R.P. est adoptée par un certain nombre d’États pour le choix des députés. Il en est ainsi au Bénin où la loi n° 94-015 du 27 janvier 1995 définissant les règles particulières pour l’élection des membres de l’Assemblée nationale prévoit l’élection des députés au scrutin de liste proportionnelle pour un mandat de quatre ans. Au Burkina Faso, l’article 112 de la loi n° 003/97/ADP du 12 février 1997 portant code électoral prescrit l’élection des députés au « scrutin de liste provincial, au suffrage universel direct, à la représentation proportionnelle.»L’élection des députés à la représentation proportionnelle est également prévue à Madagascar (article 66 de la constitution) et au Bénin (loi n° 94-013 du 17 janvier 1995).Au Niger et au Bénin, la R.P. est appliquée selon la règle du plus fort reste alors qu’au Burkina Faso, la répartition des restes s’effectue suivant la règle de la plus forte moyenne (article 112 de la loi du 12 février 1997). La règle du plus fort reste favorise les plus petits partis politiques alors que celle de la plus forte moyenne favorise les plus grands partis.L’utilisation de la R.P. pour les élections législatives permet à tous les partis politiques, même les plus petits, d’espérer avoir ne serait-ce qu’un siège au parlement pour le chef du parti. Cependant il a pour inconvénient principal d’entraîner l’émiettement des forces politiques à l’Assemblée nationale et à la précarité des majorités parlementaires et, par-delà, du gouvernement. Néanmoins, tout dépend du régime politique adopté. Les risques d’instabilité gouvernementale sont réels en régime semi-présidentiel et surtout en régime parlementaire.Par contre, en régime présidentiel, la stabilité gouvernementale est assurée pendant la durée du mandat présidentiel. Toutefois, il est grand le risque d’une dérive vers l’exercice solitaire du pouvoir qui aboutit au présidentialisme primaire, voie auguste vers le monolithisme et vers la dictature, lorsque le parlement ne peut constituer le contrepoids indispensable à l’instauration d’un régime démocratique pluraliste véritable.En Afrique, en régime semi-présidentiel et présidentiel, la « présidence impériale » s’inscrit dans une perspective de concentration des pouvoirs au profit du chef de l’État. Dans ces conditions, que vaut une Assemblée nationale devant un président de la République élu au suffrage universel, imbu de sa personne et ayant des velléités dictatoriales ?La situation créée au Bénin par la combinaison du scrutin proportionnel au régime présidentiel est des plus heureuses et constitue l’exception qui confirme la règle.Les conditions exceptionnelles qui ont présidé à l’instauration d’un régime pluraliste au Bénin et l’absence d’une majorité parlementaire soutenant l’action du président de la République du fait de la mise en œuvre de la représentation proportionnelle pour l’élection des députés ont, sans aucun doute, favorisé l’émergence d’un véritable équilibre des pouvoirs.Plus que l’élection des députés, la désignation des membres des assemblées locales est le domaine de référence du scrutin de liste à la représentation proportionnelle.

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B.– Représentation proportionnelle et élections localesLa circonscription électorale est la préfecture (loi du 5 avril 2000 portant code électoral au Togo), le département et le secteur (loi du 12 février 1997 portant code électoral au Burkina Faso), l’arrondissement (ordonnance du 16 avril 1996 portant code électoral au Niger) et la commune. À l’exception du Royaume du Maroc où la loi n° 12-92 relative à l’établissement et à la révision des listes électorales générales et à l’organisation des élections des conseils municipaux adopte le scrutin uninominal à un tour et de la République centrafricaine où les membres de l'Assemblée régionale sont élus au scrutin uninominal à deux tours, nous retrouvons les mêmes dispositions sur l’élection des Assemblés locales au scrutin de liste proportionnelle dans la quasi-totalité des États francophones d’Afrique. Il en est ainsi au Togo (articles 214 et 243 de la loi n° 2 000-007 du 5 avril 2 000 portant code électoral), au Mali (loi du 14 janvier 1997 portant loi électorale), au Burkina Faso (loi du 12 février 1997) et au Niger (ordonnance du 16 avril 1996) etc.La gestion des affaires locales doit pouvoir mobiliser toutes les ressources disponibles et toutes les énergies. C’est pourquoi la représentation proportionnelle constitue le mode de scrutin par excellence des élections locales.III.– LE SCRUTIN MIXTEIl consiste à rechercher à apporter des correctifs majoritaires au fonctionnement de la R.P. C’est le système utilisé en Allemagne où, à l’issue des élections législatives, le nombre de sièges à pourvoir est divisé en deux parts ; une part est pourvue d’après un scrutin majoritaire à un tour au niveau des circonscriptions électorales et l’autre, d’après la R.P. au niveau des länders.En République centrafricaine, l’article 194 du code électoral prévoit l’élection des conseillers municipaux au scrutin de liste « majoritaire-proportionnelle ».La première phase de répartition de sièges concerne uniquement la liste de candidats arrivée en tête des élections qui se voit attribuer le nombre de sièges au prorata des suffrages obtenus.La seconde phase consiste à répartir les sièges restants entre toutes les listes, y compris celle arrivée en tête des élections, proportionnellement aux résultats obtenus. La répartition des suffrages inemployés se fait selon le système du plus fort reste.Le choix d’un système électoral n’est jamais innocent. Entre un scrutin majoritaire injuste, conduisant à la bipolarisation et à l’exclusion et un scrutin proportionnel juste mais émiettant les forces politiques et sociales, le débat est largement ouvert.

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QCM

Dans la représentation proportionnelle, la répartition des restes selon la méthode de la plus forte moyenne consiste à :

a/ attribuer les sièges qui restent à pourvoir aux listes qui ont le plus grand nombre de voix inemployées ;

b/ diviser le nombre de voix obtenues par chaque liste par le nombre de sièges obtenus par celle-ci plus un.

(b)

Pour réfléchir

Dans une région du pays XYZ, des élections législatives viennent de se tenir.

Huit listes sont présentées au suffrage des électeurs alors que quatorze sièges

étaient à pourvoir.

L’élection a eu lieu au scrutin de liste ouverte à la représentation proportionnelle

sans panachage ni vote préférentiel, selon la règle dite de la plus forte moyenne.

Les résultats suivants ont été constatés :

• Electeurs inscrits : 866 453

• Inscrits ayant voté : 445 527

• Nombre total de votants : 465 140

• Bulletins blancs et nuls : 10 096

Les listes suivantes ont obtenu en sièges :

• A : 39 651 voix

• B : 33 297 voix

• C : 73 971 voix

• D : 88 309 voix

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• E : 83 727 voix

• F : 25 539 voix

• G : 98 098 voix

• H : 12 460 voix

I/Quelle est la répartition des sièges entre les différentes listes (au système de la

plus forte moyenne) ?

II/Quelle est la répartition des sièges entre les différentes listes si la loi

électorale avait retenu le système du plus fort reste ?

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Corrigé

465 140-10 096 = 455 044 votants

Le quotient électoral : 455 044/14 = 32 503

La répartition des sièges :

• A : 1 siège (39 651/32 503)

• B : 1 siège

• C : 2 sièges

• D : 2 sièges

• E : 2 sièges

• F : 0 siège

• G : 3 sièges

• H : 0 siège

I/ Répartition des 3 sièges à la plus forte moyenne :

• A : 39 651/ (1+1) = 19 825

• B : 33 297/ (1+1) = 16 648

• C : 73 971/ (2+1) = 24 657

• D : 88 309/ (2+1) = 29 436

• E : 83 727/ (2+1) = 27 909

• F : 25 539/ (0+1) = 25 539

• G : 98 098/ (3+1) = 24 524

• H : 12 460/ (0+1) = 12 460

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11 sièges sont pourvus. Il en reste 3 à pourvoir

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II/ Répartition des 3 sièges au plus fort reste :

• A : 39 651 – (1x32 503) = 7 148

• B : 33 297 – (1x32 503) = 794

• C : 73 971 – (2x32 503) = 8 965

• D : 88 309 – (2x32 503) = 23 303

• E : 83 727 – (2x32 503) = 18 721

• F : 25 539 – (0x32 503) = 25 539

• G : 98 098 – (3x32 503) = 589

• H : 12 460 – (0x32 503) = 12 460

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I- LE FONDEMENT DU PRINCIPE

La séparation des pouvoirs est un moyen de modérer le pouvoir. Montesquieu

dans l’Esprit des Lois (1748) distingue trois pouvoirs essentiels :

• Le pouvoir législatif c’est-à-dire de faire des lois, les

modifier et les abroger ;

• Le pouvoir exécutif c’est-à-dire qui s’occupe de la sûreté

intérieure, de la diplomatie te de la défense ;

• Le pouvoir judiciaire c’est-à-dire de punir les crimes et juger

les différents entre particuliers).

Une séparation des pouvoirs organique : pour Montesquieu, tout Etat

politique assume trois fonctions juridiques principales. Mais « tout homme qui a

du pouvoir a tendance a en abuser ». Pour Montesquieu, tout pouvoir développe

une logique absolutiste qui conduit à des régimes despotiques. Il faut, par

conséquent, le « déconcentrer » c’est-à-dire le diviser pour l’affaiblir.

L’essentiel est d’éviter la concentration perverse des pouvoirs pour les individus

et leur liberté.

FICHE 6LA SEPARATION DES POUVOIRS

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Une séparation des pouvoirs fonctionnelle : le fondement d’un

gouvernement modéré. La devise pourrait être : « diviser le Pouvoir pour

permettre le règne du Citoyen ». Chaque fonction doit être attribuée à un organe

constitutionnel différencié : ainsi, le pouvoir législatif doit être confié au

Parlement, le pouvoir exécutif au Monarque et le pouvoir judiciaire aux

tribunaux.

Le souci de Montesquieu est la recherche des moyens institutionnels qui

permettront de préserver la liberté du citoyen. Cette conception sera reprise dans

l’article 16 de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen « toute

société dans laquelle la séparation des pouvoirs n’est pas déterminée […] n’a

point de constitution ».

La protection de la liberté réside dans la nécessité d’une concertation

permanente entre les pouvoirs, chacun évitant que l’autre ne prenne des mesures

abusives.

II- L’APPLICATION DU PRINCIPE

Une séparation souple des pouvoirs ou le régime parlementaire : l’accent

est mis sur la collaboration entre l’exécutif et le législatif par l’intermédiaire

d’un gouvernement responsable devant le Parlement.

Le régime parlementaire dualiste : l’exécutif est composé par un

chef d’Etat (un monarque) qui est irresponsable et par un gouvernement nommé

par le chef de l’Etat et responsable devant le Parlement. Le gouvernement

bénéficie ici d’une double confiance.

Le pouvoir législatif quant à lui peut être monocaméral (composé d’une

chambre) ou bicaméral (composé de deux chambres) qui dispose du pouvoir

d’adopter les lois et de contrôler l’action de l’exécutif.

Les moyens d’actions du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif résident dans

le droit d’entrée et de parole au Parlement ainsi que dans l’initiative législative

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et budgétaire. L’exécutif peut engager sa responsabilité devant le Parlement par

le biais de la question de confiance. Enfin, le chef de l’Etat peut dissoudre la

chambre élue au suffrage universel.

Le moyen d’action du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif est

essentiellement la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement à l’initiative

des parlementaires, il s’agit de la motion de censure.

Le régime parlementaire moniste : le déclin des pouvoirs du chef de

l’Etat a entraîné la disparition de la double confiance et le gouvernement repose

désormais uniquement sur la seule confiance du Parlement.

Une séparation rigide des pouvoirs ou le régime présidentiel : le modèle

est le régime des Etats-Unis. Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sont

originellement indépendants et ne peuvent pas mettre fin au mandat de l’autre.

Responsabilité et dissolution sont exclues. Le Président détient l’intégralité du

pouvoir exécutif, il nomme seul les ministres qui sont responsables uniquement

devant lui. Quant au pouvoir législatif il détient l’intégralité du pouvoir

législatif. Cependant, chacun dispose de la faculté d’empêcher. Le Président

détient un veto législatif suspensif et le Sénat doit donner son consentement à la

nomination des fonctionnaires.

Le régime serait voué au blocage si Président et Congrès ne faisaient pas de

compromis

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PROTOCOLE A/SP1/12/01 SUR LA DEMOCRATIE ET LA BONNE GOUVERNANCE ADDITIONNEL AU PROTOCOLE RELATIF AU

MECANISME DE PREVENTION, DE GESTION, DE REGLEMENT DES CONFLITS, DE MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE

Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest du 21 décembre 2001

[…]CHAPITRE I DES PRINCIPESLes dispositions du présent chapitre complètent et explicitent les principes contenus à l’Article 2 du Protocole du 10 décembre 1999.SECTION I - DES PRINCIPES DE CONVERGENCE CONSTITUTIONNELLEARTICLE 1ERLes principes ci-après sont déclarés principes constitutionnels communs à tous les Etats membres de la CEDEAO:a) - La séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire- la valorisation, le renforcement des Parlements et la garantie de l’immunité parlementaire ;- l’indépendance de la justice : le juge est indépendant dans la conduite de son dossier et le prononcé de ses décisions ;- la liberté des barreaux est garantie ; l’Avocat bénéficie de l’immunité de plaidoirie sans préjudice de sa responsabilité pénale ou disciplinaire en cas d’infraction d’audience ou d’infractions de droit commun ;b) Toute accession au pouvoir doit se faire à travers des élections libres, honnêtes, et transparentes.c) Tout changement anticonstitutionnel est interdit de même que tout mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir.d) La participation populaire aux prises de décision, le strict respect des principes démocratiques, et la décentralisation du pouvoir à tous les niveaux de gouvernement.e) L’armée est apolitique et soumise à l’autorité politique régulièrement établie ; tout militaire en activité ne peut prétendre à un mandat politique électif.f) L’Etat est laïc et demeure entièrement neutre dans le domaine de la religion ; chaque citoyen a le droit de pratiquer librement et dans le cadre des lois en vigueur, la religion de son choix en n’importe quel endroit du territoire national. La même laïcité s’impose à tous les démembrements de l’Etat, mais elle ne doit pas priver l’Etat du droit de réglementer, dans le respect des Droits de la Personne, les diverses religions sur le territoire national ni d’intervenir en cas de troubles à l’ordre public ayant pour source une activité religieuse.

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g) L’Etat et toutes ses institutions sont nationaux. En conséquence, aucune de leurs décisions et actions ne doivent avoir pour fondement ou pour but une discrimination ethnique, religieuse, raciale ou régionale.h) Les droits contenus dans la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples et les instruments internationaux sont garantis dans chacun des Etats membres de la CEDEAO ; tout individu ou toute organisation a la faculté de se faire assurer cette garantie par les juridictions de droit commun ou par une juridiction spéciale ou par toute Institution nationale créée dans le cadre d’un Instrument international des Droits de la Personne.En cas d’absence de juridiction spéciale, le présent Protocole additionnel donne compétence aux organes judiciaires de droit civil ou commun.i) Les partis politiques se créent et exercent librement leurs activités dans le cadre des lois en vigueur.Leur formation et activités ne doivent avoir pour fondement aucune considération raciale, ethnique, religieuse, ou régionale. Ils participent librement et sans entrave ni discrimination à tout processus électoral. La liberté d’opposition est garantie.Chaque Etat peut mettre en place un système de financement des partis politiques, sur des critères déterminés par la loi.j) La liberté d’association, de réunion et de manifestation pacifique est également garantie.k) La liberté de presse est garantie.l) Tout ancien Chef d’Etat bénéficie d’un statut spécial incluant la liberté de circulation. Il bénéficie d’une pension et d’avantages matériels convenant à son statut d’ancien Chef d’Etat.

[…]

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QCM

La théorie de la séparation des pouvoirs :

a/ exige que chacun des pouvoirs soit attribué à un organe distinct ;

b/ n’exige pas que chacun des pouvoirs soit attribué à un organe distinct ;

c/ impose qu’un seul organe soit titulaire de la plénitude de plusieurs pouvoirs ;

d/ impose qu’un seul organe ne soit pas titulaire de la plénitude de plusieurs pouvoirs.

(b et d)

Pour réfléchir Etudiez cet arrêt

LA COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE DES ETATS DE

L'AFRIQUE DE L'OUEST (CEDEAO)

SIEGEANT A ABUJA, AU NIGERIA

CE JEUDI 18 NOVEMBRE 2010

Dans l'Affaire

Affaire HISSEIN HABRE cl REPUBLIQUE DU SENEGAL

ROLE GENERAL No. ECW/CCJ/APP/07/08 ARRET NO: ECW/CCJ/JUD/06/10

du 18 novembre 2010

Composition de la Cour

1. Hon. Juge Awa NANA Daboya - Présidente

2. Hon. Juge M. Benfeito Mosso RAMOS - Membre

3. Hon. Juge Hansine N. DONLI - Membre

4. Hon. Juge Anthony A. BENIN - Membre

5. Hon. Juge Eliam M. POTEY - Membre

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Assisté de Me Tony Anene - MAIDOH - Greffier

A rendu L'Arrêt dont la teneur suit:

ARRET DE LA COUR

1. Par requête en date du 1er octobre 2008, enregistrée au greffe de la Cour le 6 octobre 2008,

Monsieur Hissein Habré, ancien Président de la République du Tchad, a saisi la Cour de céans

aux fins de voir constater que l'Etat du Sénégal, a commis des violations des droits de

l'homme à son égard à travers le non respect des principes juridiques fondamentaux ci-après :

• la non rétroactivité de la loi pénale consacrée par les articles 11.2 de la Déclaration

Universelle des Droits de l'Homme, 7.2 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et

des Peuples ainsi que dans la Constitution de l'Etat du Sénégal;

• le recours effectif affirmé à l'article 8 de la Déclaration Universelle des Droits de

l'Homme, ainsi que par l'article 3.4 du Pacte Internationale relatif aux Droits Civils et

Politiques ;

• l'autorité de la chose jugée;

• l'égalité devant la loi et devant la justice consacrée par les articles 7 et 10 de la

Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, aux articles 14.1 et 26 du Pacte

International relatif aux Droits Civils et Politiques et à l'article 7.4 de la Constitution de

l'Etat du Sénégal;

• l'indépendance de l'autorité judiciaire consacrée par les articles 10 et 11 de la Déclaration

Universelle des Droits de l'Homme, l'article 14 du Pacte International relatif aux droits

Civils et Politiques ainsi qu'à l'article 1 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et

des Peuples ;

• la séparation des pouvoirs affirmée à l'article 1.a du Protocole de la CEDEAO sur la

Démocratie et la Bonne Gouvernance de même que par la Constitution de l'Etat du

Sénégal;

• le droit à un procès équitable consacre à l'article 7.1 de la Charte Africaine des Droits de

L'Homme et des Peuples ; la contrariété entre le droit communautaire de la CEDEAO et le

droit pénal sénégalais et le principe de convergence constitutionnel.

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2. Monsieur Hissein Habré explique que toutes poursuites qui seraient engagées contre lui par

l'Etat du Sénégal au mépris des principes juridiques sus-énoncées perpétueraient les violations

de ses droits de L'Homme, le Requérant sollicite en conséquence que la Cour constate que

l'obligation pour l'Etat du Sénégal de respecter ces principes juridiques fait obstacle à la mise

en œuvre de toute procédure à son encontre pour des incriminations rattachables à la période

où il était Président de la République du Tchad et intime à l'Etat du Sénégal de se conformer

audits principes et cesser toute poursuites et/ou action des chefs sus indiqués à son encontre.

3. Par requête en demande d'intervention datée du 16 décembre 2008, des victimes, ayants-

droits et ayants-cause de victimes et associations de victimes ont saisi la Cour conformément

à l'article 89 du Règlement de procédure de la Cour pour être parties à la cause principale.

4. Par arrêt Avant Dire Droit ECW/CCJ/ADDI11109 du 17 novembre 2009, la Cour a

déclaré :

• irrecevable cette demande en intervention,

• ordonne la poursuite de l'affaire et

• laisse les dépens de chaque partie à sa charge.

5. La République du Sénégal dans sa réplique a soulevé d'une part, l'exception l'incompétence

de la Cour en raison de l'inexistence devant les juridictions sénégalaises de procédures

judiciaires à l'encontre de Monsieur Hissein Habré et d'autre part, l'exception d'irrecevabilité

de la requête tirée de la saisine du Comité des Nations Unies contre la Torture.

6. La Cour, sur les exceptions d'incompétence et d'irrecevabilité a, en date du 14 mai 2010,

rendu l'arrêt n° ECW/CCJ/ADD/02/10 qui suit: «La Cour est compétente pour connaitre

l'affaire dont elle a été saisie par Monsieur Hissein Habré ;

Dit que la requête de Monsieur Hissein Habré est recevable;

En conséquence, rejette les exceptions préliminaires soulevées par l'Etat du Sénégal;

Ordonne la poursuite des débats

Reserve les dépens »

LES FAITS

Les faits selon le Requérant

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7. Monsieur Hissein Habré explique avoir exercé les fonctions de Président de la République

du Tchad de 1982 a 1990 avant d'être renversé à la suite d'un coup d'Etat militaire perpétré par

Monsieur ldriss Deby ltno actuel Président de ce pays. Que depuis son renversement, il a

bénéficié de l'asile politique accordé par les autorités du Sénégal, pays dans lequel il est

résident.

8. Le Requérant indique avoir fait l'objet de plusieurs procédures devant la justice sénégalaise

qu'en janvier 2000, sept ressortissants tchadiens et l'association des « Victimes des Crimes et

Répressions Politiques au Tchad » (AVCRP) ont saisi le Doyen des juges d'instruction près le

Tribunal Régional hors classe de Dakar d'une plainte avec constitution de partie civile à son

encontre.

9. Qu'après avoir été inculpé le 3 février 2000 des chefs d'accusation de « complicité de

crimes contre l'humanité » et «d'acte de torture et de barbarie », il a formé une requête devant

la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Dakar a l'effet d'obtenir l'annulation de la

procédure engagée contre lui.

10. Que le 4 juillet 2000, la chambre d'accusation a accédé a sa demande et a prononce

l'annulation du procès verbal d'inculpation et de la procédure subséquente au motif que le

droit positif sénégalais ne contenait pas de dispositions relatives au crime contre l'humanité et

que des lors en vertu « du principe de légalité des délits et peines affirmé à l'article 4 du code

pénal les juridictions sénégalaises ne pouvaient matériellement connaitre de ces faits ».

11. Que la chambre d'accusation a également considéré que les faits de tortures n'entraient pas

dans le cadre des dispositions de L'article 669 du code de procédure pénale sénégalais lequel

énumère les cas dans lesquels un étranger peut être poursuivi au Sénégal pour des faits

commis hors de cet Etat.

12. Que sur pourvoi des parties civiles, la première chambre de la Cour de cassation en

matière pénale, dans son arrêt du 20 mars 2001 et a estime «qu'aucun texte de procédure ne

reconnait de compétence universelle aux juridictions sénégalaises » pour juger des faits

reprochés à Monsieur Hissein Habré. La Cour de cassation a juge que si la Convention de

New York contre la torture du 10 décembre 1984 ratifiée le 16 juin 1986 par L'Etat du

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Sénégal prévoit une telle compétence, il n'en demeure pas moins que «L'exécution de la

Convention nécessite que soient prises par le Sénégal des mesures législatives préalables». La

Cour de cassation a alors rejeté le pourvoi.

13. Qu'à la fin de l'année 2000, la justice belge saisie de plaintes déposées contre lui a ouvert

une information pour crime contre L'humanité. Le juge d'instruction charge de l'affaire a

décerné, le 20 septembre 2005 un mandat d'arrêt international à son encontre. Que saisie pour

avis sur la demande d'extradition formée par la Belgique, la chambre d'accusation de la Cour

d'appel de Dakar s'est déclarée incompétente par un arrêt du 25 Novembre 2005.

14. Le Requérant soutient qu'alors même que les autorités judiciaires du Sénégal venaient de

statuer et de rendre les décisions devenues définitives et revêtues de l'autorité de la chose

jugée sur l'affaire contre toute attente, le Président de la République du Sénégal a décidé de

porter l'affaire a l'Union Africaine.

15. Lors de sa session des 1er et 2 juillet 2006, la Conférence de L'Union Africaine a alors

donne à la République du Sénégal mandat pour le poursuivre et le juger « au nom de

L'Afrique par une juridiction compétente avec les garanties d'un procès juste ».

16. Monsieur Hissein Habré soutient qu'au mépris des décisions de justice déjà rendues et en

violation des principes généraux de droit, le Sénégal a alors entrepris la modification de sa

législation et de sa Constitution afin de permettre à nouveau sa poursuite et son jugement par

une juridiction sénégalaise, violant ainsi les conditions et garanties d'un procès juste et

équitable. Il sollicite qu'il plaise a la Cour de constater la violation à son égard du principe de

la non-rétroactivité de la loi pénale, des principes d'égalité devant la justice et du droit a un

procès équitable.

Les faits selon le Défendeur

17. L'Etat du Sénégal tout en admettant les différentes décisions rendues par ces Juridictions

sur les incriminations contre Monsieur Hissein Habré pendant la période où il était Président

de la République du Tchad, explique que le débat se situe exclusivement au niveau de la mise

en conformité de sa législation nationale avec ses engagements internationaux, à cet égard le

Défendeur indique que, saisi par les mêmes parties civiles qui ont initié des procédures contre

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Monsieur Hissein Habré devant la justice sénégalaise, le Comité des Nations Unies contre la

Torture, a rappelé à l'Etat du Sénégal « que conformément a l'article 5 paragraphe 2 de la

Convention, en tant que Etat partie, il est tenu d'adopter les réformes législatives nécessaires

pour établir sa compétence relative aux actes vises dans la communication ».

18. L'Etat du Sénégal conclut que c'est pour se conformer a ses obligations découlant de

conventions internationales qu'il a reformé son droit pénal en procédant à des modifications

constitutionnelles et législatives que le Requérant considère comme violant ses droits de

l'homme ; il affirme n'avoir engagé aucune poursuite judiciaire contre Monsieur Hissein

Habré.

EXPOSE DES MOYENS DE DROIT DES PARTIES

Moyens du Requérant

19. Monsieur Hissein Habré invoque plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits

de L'homme. Il cite notamment l'article 11.2 de la Déclaration Universelle des Droits de

L'Homme, les articles 7.2 de la Charte Africaine des Droits de L'Homme et des Peuples pour

soutenir que l'Etat du Sénégal a violé le principe de non rétroactivité de la loi pénale pour

avoir entrepris des réformes constitutionnelles et législatives dans le but de le juger de

nouveau.

Il ajoute que son droit à un recours effectif affirme a l'article 8 de la Déclaration Universelle

des Droits de L'Homme ainsi qu'a l'article 3.4 du Pacte International relatif aux Droits Civils

et Politiques a été viole.

20. Monsieur Hissein Habré soutient que les principes d'égalité devant la loi et devant la

justice par les articles 7 et 10 de la Déclaration Universelle des Droits de L'Homme,

également par les articles 14.1 et 26 du Pacte International relatif aux Droits Civils et

Politiques et à l'article 7.4 de la Constitution sénégalaise ont été violés.

21. Le Requérant invoque également la violation des principes de la séparation des pouvoirs

et de l'indépendance de l'autorité judiciaire et cite l'article 1.a du Protocole de la CEDEAO sur

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la Démocratie et la Bonne Gouvernance, la Constitution sénégalaise et les différents

instruments internationaux énumérés plus haut.

22. Enfin, Monsieur Hissein Habré soutient que les nouvelles dispositions du droit pénal

sénégalais sont contraires aux dispositions du droit communautaire de la CEDEAO,

notamment au Protocole sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance qui consacrent le

principe de convergence constitutionnel.

Moyens du Défendeur

23. L'Etat du Sénégal fait observer qu'a la date de la saisine de la Cour par Monsieur Hissein

Habré, il n'existe devant les juridictions sénégalaises aucune procédure dirigée contre le

Requérant, que non seulement il n'y a pas eu d'acte de poursuite, mais qu'aucune décision de

condamnation en application des textes de reforme que Monsieur Hissein Habré vise dans sa

requête n'est intervenue.

24. Le Défendeur explique que les griefs formulés par le Requérant se référent à l'adoption

par l'Etat du Sénégal de réformes constitutionnelles et législatives, notamment dans le code

pénal et le code de procédure pénale et que l'adoption de telles mesures ne peuvent pas

constituer des violations des Droits de L'Homme.

25. L'Etat du Sénégal relève que Monsieur Hissein Habré n'établit pas qu'il y a eu violation du

principe de non rétroactivité de la loi pénale et conclut que les violations alléguées par le

Requérant sont hypothétiques et non effectives. Concernant le recours effectif, le Défendeur

articule que s'agissant d'une loi constitutionnelle les individus sont exclus de ce droit, et

indique que dans d'autres domaines ce droit existe puisque Monsieur Hissein Habré a pu saisir

la chambre d'accusation de la Cour d' Appel de Dakar qui a fait droit à ses prétentions.

Concernant l'égalité devant la loi et la justice, l'Etat du Sénégal observe d'une part que les

dispositions légales critiquées par Monsieur Hissein Habré ont un caractère général et

impersonnel et ne le vise pas nommément, et d'autre part relève qu'à défaut d'un procès

mettant en cause le Requérant, il n'est pas réaliste de parier d'égalité devant la justice.

26. Au total, l'Etat du Sénégal affirme s'être conformé uniquement à ses obligations

internationales en adaptant sa législation à la Convention de New York de 1984 et au Statut

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de la Cour Pénale Internationale, et conclut au rejet de toutes les demandes présentées par

Monsieur Hissein Habré.

Analyse de la Cour

27. Les questions de violation des droits de l'homme soumises à l'appréciation de la Cour

peuvent être regroupées en cinq branches a savoir :

• l'existence d'une procédure contre Monsieur Hissein Habré,

• l'interprétation du Protocole sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance,

• le recours effectif,

• la séparation des pouvoirs et l'indépendance de la justice et

• la non-rétroactivité de la loi pénale.

a) Sur les violations des droits de l'homme liées à l'existence d'une procédure contre Monsieur

Hissein Habré

28. Les questions de violations de ses droits de l'homme invoquées par Monsieur Hissein

Habré relativement à l'égalité devant la loi et la justice, à l'autorité de la chose jugée et au

droit à un procès équitable, pour être pertinentes et amener la Cour a se prononcer, exigent au

préalable l'existence d'une procédure ou d'actes de poursuite contre Monsieur Hissein Habré

sur le fondement des réformes opérées par l'Etat du Sénégal.

29. En l'étape actuelle aucune procédure ou aucun acte de poursuites n'existe contre Monsieur

Hissein Habré comme l'affirme l'Etat du Sénégal, ce que ne conteste pas le Requérant, dont la

préoccupation réside essentiellement dans l'éventualité de nouvelles poursuites contre lui sur

la base de la mise en conformité de sa législation pénale opérée par l'Etat du Sénégal pour se

conformer a ses engagements internationaux.

30. En substance ces violations alléguées par le Requérant sont liées à une hypothèse et

permettent a la Cour de dire qu'elles ne sont que potentielles; aussi échet-il de les écarter de la

discussion.

b) Sur la violation liée à l'interprétation du Protocole sur la Démocratie et la Bonne

Gouvernance

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31. Monsieur Hissein Habré citant la disposition ci-après du Protocole sur la Démocratie et la

Bonne Gouvernance de la CEDEAO, qui indique que: «les droits contenus dans la Charte

Africaine des Droits de L'Homme et des Peuples et les instruments internationaux sont

garantis dans chacun des Etats membres de la CEDEAO; tout individu ou toute organisation à

la faculté de se faire assurer cette garantie par les juridictions de droit commun ou par une

juridiction spéciale ou par toute institution nationale créée dans le cadre d'un instrument

international des droits de la personne » laquelle renvoie à la Charte Africaine des Droits de

L'Homme et des Peuples, reproche au droit sénégalais d'être contraire au droit communautaire

de la CEDEAO et de violer le principe de non rétroactivité de la loi pénale ainsi que le

principe de convergence constitutionnel.

32. Le Requérant se fondant sur l'article 9 du Protocole Additionnel relatif a la Cour qui

donne compétence à la Cour pour apprécier les manquements des Etats à leurs obligations

découlant du Traité et des autres Textes communautaires, demande à la Cour de constater que

le Sénégal a violé le principe de non rétroactivité de la loi pénale et par conséquemment a

commis un manquement a line obligation communautaire.

33. Toutefois, que s'agissant d'un manquement a une obligation communautaire par un Etat

membre, le Requérant, personne physique, n'est pas habilité à saisir la Cour au terme de

l'article 10 du Protocole Additionnel relatif a la Cour ; aussi sur ce point il échet de rejeter le

grief formulé par Monsieur Hissein Habré.

c) Sur la violation liée au recours effectif

34. Le Requérant se fondant sur le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques

qui consacre: « le recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les

actes violant les droits fondamentaux qui sont reconnus par la Constitution ou par la loi »

reproche au Défendeur d'avoir violé à son égard ce droit au recours effectif dans la mesure ou

l'article 74 de la Constitution du Sénégal exclut de L'exercice de ce droit par les personnes

physiques. Monsieur Hissein Habré explique que cette exclusion l'a empêché de soulever la

violation du principe de non rétroactivité de la loi pénale lors de l'introduction par l'Etat du

Sénégal de nouvelles dispositions dans sa Constitution.

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35. Mais attendu que le droit de recours s'analyse du droit d'un individu de pouvoir saisir une

juridiction pour faire constater un droit ou faire sanctionner la violation d'un droit. Ce droit de

recours effectif est différent du recours constitutionnel limitativement réservé par les

dispositions légales d'un Etat à un nombre d'individus pour faire constater

l'inconstitutionnalité d'une ou plusieurs dispositions législatives.

36. Monsieur Hissein Habré ne peut invoquer le droit au recours effectif tel que prévu par les

instruments internationaux de protection des droits de l'homme pour exiger de l'Etat du

Sénégal la mise à sa disposition du contrôle de constitutionnalité d'une loi alors même que les

textes sénégalais ne le permettent à aucun individu.

37. Qu'en tout état de cause Monsieur Hissein Habré n'apporte pas d'éléments concrets de

violation du droit de recours effectif en ce qu'il appartient cl l'Etat dans le cadre de son

fonctionnement de prévoir s'il accorde ou n'accorde pas à un individu le contrôle de

constitutionnalité d'une loi par voie d'action. Le simple fait de n'avoir pas prévu cette

possibilité n'implique pas l'inexistence du droit à un recours effectif.

38. La Cour est d'avis que la privation alléguée par Hissein Habré de n'avoir pas pu bénéficier

de la possibilité du contrôle de constitutionnalité de la loi dont il estime être la source de la

violation de ses droits de l'homme, ne peut s'analyser comme le droit au recours effectif. Le

droit au recours effectif tel qu'envisagé par le Requérant ne peut prospérer dans la présente

action et la Cour rejette ce grief.

d) Sur la violation liée à la séparation des pouvoirs et à l'indépendance de la justice.

39. Monsieur Hissein Habré estime que les reformes constitutionnelles et législatives

entreprises par l'Etat du Sénégal constituent une immixtion des pouvoirs exécutif et législatif

dans les domaines du pouvoir judiciaire.

40. La Cour note que si le principe de séparation des pouvoirs est un principe fondamental

admis dans toutes sociétés encratiques, le fait pour un Etat de changer sa Constitution et ses

lois ne peut être invoqué par un individu comme violant ses droits de l'homme en dehors de

toute autre considération.

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41. La Cour est d'avis que le principe de la non séparation des pouvoirs n'est pas en lui même

une violation des droits de l'homme si aucune conséquence de cette non séparation des

pouvoirs ne porte atteinte à un droit spécifique de l'homme protégé par les instruments

internationaux.

42. La Cour note qu'en l'espèce la simple allégation de l'immixtion des pouvoirs exécutif et

législatif de l'Etat du Sénégal tirée de la modification de sa Constitution et de sa loi pénale

n'est pas constitutive d'une violation d'un droit de l'homme spécifique de Monsieur Hissein

Habré et ne présente aucun caractère de violation de l'indépendance de la justice. La Cour

rejette dès lors cet argument.

e) Sur la violation tirée du principe de la non-rétroactivité de la loi pénale.

43. Le Requérant affirme que la non rétroactivité de la loi pénale qui est consacrée en ces

termes: «Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, ne constituaient pas au

moment où elles ont eu lieu, une infraction légalement punissable. Aucune peine ne peut être

infligée si elle n'a pas été prévue au moment où l'infraction a été commise. La peine est

personnelle et ne peut frapper que le délinquant » ;

« Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été

commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international. De

même, il ne sera inflige aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où

l'acte délictueux a été commis », par les articles 7.2 de la Charte Africaine des Droits de

L'Homme et des Peuples et 11.2 de la Déclaration Universelle des Droits de L'Homme, a été

violée par l'Etat du Sénégal.

44. II cite a l'appui et dans cet ordre ci-les articles 431.6 du code pénal sénégalais et 9 de la

Constitution de l'Etat du Sénégal: «Nonobstant les dispositions de L'article 4 du présent code,

tout individu peut être jugé ou condamné en raison d'actes ou d'omissions vises au présent

chapitre et à l'article 295-1 du code pénal, qui au moment et au lieu ils étaient tenus pour une

infraction pénale d'après les principes généraux de droit reconnu par l'ensemble des nations,

qu'ils aient ou non constitué une transgression du droit en vigueur à ce moment et dans ce

lieu» et «Toutefois, les dispositions de l'alinéa précédent ne s'opposent pas à la poursuite, au

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jugement et à la condamnation de tout individu en raison d'actes ou omissions qui, au moment

où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels d'après les règles du droit international

relatives aux faits de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerres »,

45. II fait remarquer qu'avant l'introduction de ces textes dans l'ordonnancement juridique de

L'Etat du Sénégal par des reformes constitutionneIIes et législatives, la justice sénégalaise,

statuant dans des procédures dirigées contre lui, des chefs de génocide, crime contre

l'humanité, crimes de guerre, torture, a eu à constater que ces infractions n'existaient pas dans

le droit pénal sénégalais.

46. Monsieur Hissein Habré estime que la modification de sa législation pénale par l'Etat du

Sénégal et l'insertion dans le code pénal d'infractions qui n'existaient pas a pour but affiché de

le faire juger, que ce faisant l'Etat du Sénégal viole le principe de non rétroactivité de la loi

pénale et va surement violer ses droits découlant de l'article 7.2 de la Charte Africaine des

Droits de l'Homme et des Peuples et de l'article 11.2 de la Déclaration Universelle des Droits

de L'Homme.

47. Enfin, Monsieur Hissein Habré fait également référence aux articles 11 et 24 du Statut de

Rome portant création de la Cour Pénale Internationale, qui par application du principe de non

rétroactivité limitant la compétence de cette Cour et la responsabilité pénale aux faits

intervenus après l'entrée en vigueur dudit Statut.

Pour sa part l'Etat du Sénégal soutient que c'est pour se conformer a ses obligations

internationales qu'il a opéré les modifications critiquées par le Requérant et ajoute que la

compétence rétroactive de ses juridictions pour les faits de génocide, de crimes contre

l'humanité, de crime de guerre n'institue pas une nouvelle incrimination avec effet rétroactif

dans la mesure ou ces faits sont tenus pour criminels par les règles du droit international à la

date de leur commission.

48. Toutefois, en dépit des dénégations de pure forme du Défendeur, la Cour note, qu'au delà

de la justification de la mise en conformité de sa législation avec ses engagements

internationaux, L'Etat du Sénégal a gravement méconnu les dispositions de l'article 7.2 de la

Charte Africaine des Droits de L'Homme et des Peuples et de l'article 11.2 de la Déclaration

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Universelle des Droits de L'Homme qui interdisent la rétroactivité d'une disposition d'ordre

pénal.

49. L'interrogation de la Cour à présent est de déterminer si les divers mécanismes enclenchés

par le Sénégal à savoir la mise en place des structures nécessaires pour répondre au mandat

donne par l'Union Africaine constituent une violation des articles 7.2 et 11.2 de la Charte

Africaine des Droits de L'Homme et des Peuples et de la Déclaration Universelle des Droits

de L'Homme, comme le revendique Monsieur Hissein Habré ?

50. Le Requérant lui même lie la violation de ses droits de L'homme, non à un fait concret,

mais à la volonté manifeste et affiche de l'Etat du Sénégal de le faire juger et de lui appliquer

les nouvelles incriminations introduites dans son droit pénal, de sorte que la Cour note avec le

Défendeur que prise comme telle, la violation alléguée est attachée a une hypothèse, donne

abstraite et non concrète.

51. A cet égard, la Cour rappelle sa jurisprudence dont l'arrêt Hadidjatou Mani Koraou Cl

l'Etat du Niger pour redire qu'elle n'a pas pour compétence d'examiner des législations in

abstrato mais des cas concrets de violation des Droits de L'Homme. Elle rappelle également

dans le même sens la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de L'Homme dans la

cause opposant la Fédération Chrétienne des Témoins de Jéhovah à la France, lorsque celle-ci

rappelle que L'article 34 de la Convention Européenne des Droits de L'Homme n'autorise pas

a « se plaindre in abstracto d'une loi par le seul fait qu'elle semble enfreindre la Convention »

et qu'il ne suffit pas a un individu Requérant de soutenir qu'une loi viole par sa simple

existence les droits dont il jouitaux Termes de la Convention; la loi doit avoir été appliquée a

son détriment (Arrêt 10 Kloss et autres c/Allemagne). Ainsi donne en principe la violation

d'un droit de l'homme se constate à posteriori, lorsque la violation a déjà eu lieu.

52. Toutefois, cette jurisprudence a connu quelque atténuation; l'évocation de « circonstances

tout a fait exceptionnelles a fait admettre que le risque d'une violation future confère à un

Requérant la qualité de victime d'une violation de la Convention» (requête n° 282 ou/95 Noel

Naru Tauira et 18 autres c/France dec, 4.12.95 OR 83 p.112). Cette jurisprudence de la Cour

Européenne des droits de L'homme n'est pas isolée, cf. Arrêt Dudgeon c/Royaume Uni du 22

octobre 1989, Arrêt Soering c/ Royaume Uni du 7 juillet 1989). Pour que dans une telle

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situation le Requérant puisse se prétendre victime, il faut qu'il produise des indices

raisonnables et convaincants de la probabilité de la réalisation d'une violation en ce qui le

concerne personnellement, de simples suspicions ou conjectures étant insuffisantes à cet

égard.

53. En l'espèce la crainte de Monsieur Hissein Habré de voir l'Etat du Sénégal engager des

poursuites contre lui sur la base des reformes constitutionnelle et législative opérées par le

Défendeur relève- t- elle de simple suspicions ou conjectures ou au contraire présente-t-elle

des indices raisonnables et convaincants de probabilité de réalisation?

54. Tout d'abord la Cour constate que l'Etat du Sénégal a sollicité et obtenu de l'Union

Africaine un mandat pour poursuivre et juger Monsieur Hissein Habré au nom de L'Afrique

par une juridiction compétente avec les garanties d'un procès juste.

55. La Cour relève aussi que pour exécuter un tel mandat donné par l'Union Africaine, l'Etat

du Sénégal, dont la justice a eu déjà à constater par des décisions devenues définitives,

l'absence d'incriminations dans l'ordre juridique interne des faits pour lesquels l'Union

Africaine a donné mandat au Défendeur, a usé des nouvelles dispositions constitutionnelles et

législatives dont la rétroactivité est critiquée par le Requérant.

56. La Cour note également que l'Etat du Sénégal a précédé a la désignation d'un juge

d'instruction pour instruire dans la procédure à suivre contre Monsieur Hissein Habré et aurait

reçu une partie des fonds destines à couvrir les frais du procès.

57. La Cour relève enfin que le passeport de Monsieur Hissein Habré lui aurait été retiré, qu'il

est mis en résidence surveillée et interdit de quitter le territoire du Sénégal. Au vu de ces

circonstances exceptionnelles, la Cour ne peut qu'acquiescer qu'il y a des indices raisonnables

et convaincants de probabilité de réalisation de la violation des articles 7.2 et 11.2 de la

Charte Africaine des Droits de L'Homme et des Peuples et de la Déclaration Universelle des

Droits de L'Homme au détriment de Monsieur Hissein Habré ; que dès lors la qualité de

victime de violation de ses droits de l'homme revendiquée par le Requérant sur la base de ces

instruments internationaux est avérée ; qu'il échet conséquemment d'y faire droit.

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58. Toutefois, et dans la mesure ou L'objet essentiel de la présente affaire découle du mandat

donne par l'Union Africaine au Sénégal pour juger « au nom de l'Afrique par une juridiction

compétente avec les garanties d'un procès juste», la Cour se doit de rechercher l'équation ou

l'équilibre entre le fond du mandat et les méthodes qu'emprunte généralement le droit

international dans pareilles situations.

La Cour relève que le fond du mandat de l'Union Africaine exprime ce que le Pacte

International relatif aux Droits Civils et Politiques a consacré à son article 15 lorsque ce texte

dispose:

1. «Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte

délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De

même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment

où l'infraction a été commise. Si postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l'application

d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier.

2. Rien dans le présent article ne s'oppose au jugement ou à la condamnation de tout individu

en raison d'actes ou omissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour

criminels, d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations».

Du premier paragraphe de ce texte, la Cour note que si les faits à la base de l'intention de

juger le requérant ne constituaient pas des actes délictueux d'après le droit

national sénégalais, (d'ou le Sénégal viole le principe de non rétroactivité consacré dans le

texte) ils sont au regard du droit international,tenus comme tels. Or, c'est pour éviter

l'impunité des actes considérés, d'après le droit internationalcomme délictueux que le

paragraphe 2 de L'article 15 du Pacte prévoit la possibilité de juger ou de condamner «tout

individu en raison d'actes ou omissions qui, au moment ou ils ont été commis, étaient tenus

pour criminels, d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations ».

La Cour partage donc, les nobles objectifs contenus dans le mandat de l'Union Africaine et

qui traduit l'adhésion de cette Haute Organisation aux principes de l'impunité des violations

graves des droits humains et de la protection des droits des victimes.

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Toutefois, la Cour relève que la mise en œuvre du mandat de l'Union Africaine doit se faire

selon la coutume internationale qui a pris L'habitude dans de telles situations de créer de

juridictions ad' hoc ou spéciales. L'expression« .. juridiction compétente .. » contenue dans ce

mandat ne signifie rien d'autre que la mise en place d'un cadre judiciaire ad' hoc dont la

création et les attributions trouveraient leur bas relief dans les dispositions de L'article 15. 2

du Pacte International sur les Droits Civils et Politiques et que le Sénégal est charge de

proposer au mandant les formes et modalités de mise en place d'une telle structure.

Ainsi, toute autre entreprise du Sénégal en dehors d'un tel cadre violerait, dune part, le

principe de la non rétroactivité de la loi pénale, consacre par les instruments internationaux

relatifs aux droits de l'homme comme étant un droit intangible et d'autre part, ferait

obstruction au respect du principe de l'impunité consacré par les mêmes textes internationaux.

Par ces motifs

59. La Cour:

• Vu le Traite Révisé de la CEDEAO du 24 juillet 1993,

• Vu la Déclaration Universelle des Droits de L'Homme du 10 décembre 1948,

• Vu la Charte Africaine des Droits de L'Homme et des Peuples du 27 juin 1981,

• Vu le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques du 16 décembre 1966,

• Vu le Protocole Additionnel de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance,

• Vu le Protocole de 1999 et le Protocole Additionnel de 2005 relatifs à la Cour de Justice

de la Communauté CEDEAO,

• Vu le Règlement de Procédure de la Cour du 28 août 2002,

60. Vu les arrêts avant dire droit EWC/CCJ/ADD/11 du 17 novembre 2009

et EWC/CCJIADD/02/10du 14 mai 2010 rendues dans le cas d'espèce et précités.

61. La Cour Statuant publiquement contradictoirement, au fond en matière des Droits de

L'Homme et en dernier ressort, et après en avoir délibéré.

• Constate l'existence d'indices concordantes de probabilité de nature à porter atteinte aux

Droits de L'Homme de Monsieur Hissein Habré sur la base des reformes constitutionnels

et législatives opérés par L'Etat du Sénégal.

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• Dit qu'à cet égard l'Etat du Sénégal doit se conformer au respect des Décisions rendues par

ses Juridictions Nationales notamment au respect de l'autorité de la chose jugée;

• En conséquence, la Cour ordonne au Sénégal le respect du principe absolu de non

rétroactivité;

• Dit que le mandat reçu par lui de l'Union Africaine lui confère plutôt une mission de

conception et de suggestion de toutes modalités propres à poursuivre et faire juger dans le

cadre strict d'une procédure spéciale ad hoc à caractère international telle que pratiquée en

Droit International par toutes les nation civilisées;

• Rejette toutes autres demandes de Monsieur Hissein Habré comme étant inopérantes.

DEPENS

62. Dit que chaque partie supporte ses propres dépens.

63