74 L a Cour de cassation juge que la « loi Évin » du 31 décembre 1989 (n° 89-1009) « renfor- çant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques » ne s’applique pas au contrat d’assurance « incapacité, invalidité, décès » sous- crit par une collectivité territoriale au bénéfice de ses agents, afin de se conformer à ses obligations statu- taires. Une distinction jurisprudentielle non prévue par la loi La « loi Évin » régit les opérations d’assurance « ayant pour objet la pré- vention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la mater- nité ou des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité ou du risque chômage » 2 . Ses dispositions visent les garanties collectives de salariés mais également les « opérations collectives autres », une telle rédaction laissant à penser que la loi est tout autant applicable aux opé- rations de prévoyance de salariés, que de travailleurs non salariés ou encore de fonctionnaires, notamment des collec- tivités locales. La question du champ d’application de la loi est sensible, son article 7 imposant à l’organisme assureur, en cas de résiliation de son contrat, de maintenir aux « assurés ou adhérents », sans distinction, garantis dans le cadre d’opérations collectives, les prestations « immédiates ou différées, acquises ou nées » durant l’exécution dudit contrat. Or, dans la décision étudiée, la Cour de cassation considère que cette disposition d’ordre public ne s’applique pas à un contrat d’assurance « ayant pour objet de garantir au seul bénéfice de la commune le versement ou le remboursement de charges lui incom- bant statutairement ». Elle opère une distinction en fonction, non pas du risque couvert par le contrat mais de la nature de l’obligation pesant sur le souscripteur. Dès lors que celui-ci est légalement tenu de garantir son per- sonnel contre les conséquences d’une maladie ou d’un accident, il ne s’agi- rait plus d’une garantie de prévoyance entrant dans le champ de la « loi Évin » mais, en quelque sorte, d’une assu- rance « perte d’exploitation » béné- ficiant directement au souscripteur, destinée à faire face aux conséquences financières induites par l’absence de ses collaborateurs malades. Une telle décision procède d’une distinction qui ne ressort pourtant pas de la loi elle-même. Une jurisprudence transposable aux couvertures de salariés ? Rien ne semble différencier l’employeur public, qui souscrit un contrat d’assu- rance au profit de ses agents, pour se conformer à ses obligations statutaires, d’une entreprise du secteur privé à qui la loi impose de maintenir la rémuné- ration de ses salariés en cas de maladie ou d’accident 3 . Dans les deux cas, la conclusion du contrat d’assurance permet au souscripteur de remplir une obligation imposée par une disposition légale et lui évite d’avoir à assumer seul la charge financière liée à l’indemnisa- tion de ses collaborateurs malades. Doit-on alors admettre que les salariés couverts par un contrat d’assurance garantissant le « maintien de salaire » légal et l’incapacité postérieure à ce maintien ne pourront pas bénéficier des dispositions de la « loi Évin », et notamment de son article 7, lorsqu’ils seront placés en arrêt de travail pen- dant la période de « mensualisation » ? Implicitement, cela revient à considérer que la prestation liée au maintien de la rémunération ne revêt pas la nature d’un avantage de prévoyance. Admettre ce raisonnement conduit à écarter de la « loi Évin » des contrats de salariés cou- vrant des régimes dont les prestations sont définies, mettant à la seule charge de l’employeur un certain niveau de garanties. De ce point de vue, il importe peu que cette obligation résulte de la loi, d’une convention collective de branche ou d’un acte collectif d’entreprise. Or, on imagine mal une applica- tion distributive de l’article 7 précité, Charges sociales et « loi Évin » : la prévoyance en question Le financement patronal des régimes de prévoyance bénéficie d’un traitement social de faveur. Mais la notion de prévoyance n’est pas définie par la loi. Un arrêt du 28 juin 2012 1 , relatif au champ d’application de la « loi Évin », ainsi que des décisions portant sur le « maintien de salaire » en cas de maladie apportent une ébauche de définition. Muriel Delumeau, avocate Muriel Delumeau est avocate au sein du cabinet Fromont Briens et travaille au sein du pôle Rémunérations complémentaires et protection sociale qui traite, entre autres domaines, des questions de prévoyance et de retraite des salariés. SUR L’AUTEUR