-
Chapitre 1 Linluctable est en marche : ce que nous savons et ne
voulons pas croire Ce nest pas pour rien que le congrs mondial de
stratigraphie de Brisbane
(Australie) en aot 2012 a lanc un groupe de travail pour statuer
(en 2016 si
possible) sur la proposition faite par Paul Crutzen en 2002 de
reconnatre quune
poque gologique nouvelle est apparue dans la premire moiti du
XIX sicle. Ce
genre de dcision ne se prend pas la lgre. La dernire date de
plus de cent ans.
Cest en 1885 que fut officialise lpoque appele Holocne, commence
avec la
sdentarisation de lhomme il y a 12 000 ans. La dcision
dofficialiser
lAnthropocne serait la reconnaissance officielle par la
communaut scientifique
mondiale du fait que lespce humaine est devenue la principale
force gologique,
modifiant le climat, la biosphre, lhydrosphre, la lithosphre
Mais, du coup, des
risques majeurs de tous ordres menacent la survie mme de
lhumanit. Ils sont
dsormais bien documents et connus ; si les influences exerces
les uns sur les
autres sont mal values, on sent bien quelles ne peuvent
quaggraver les
diagnostics isols.
Cest dailleurs ce que visait mettre en vidence, avec toutes ses
limites, la
modlisation quavait conue Dennis Meadows pour le Club de Rome 1
: un
effondrement. Ce diagnostic est raffirm par une tude trs rcente
conduite par 22 chercheurs appartenant une quinzaine d'institutions
scientifiques internationales
et publie dans la revue Nature2. Pour ces auteurs, les
dgradations exerces par
lhomme sur les cosystmes pourraient conduire un point de
non-retour avant la
fin du XXme sicle. Nous allons ici dresser un bref tour dhorizon
de ces risques au
plan factuel et analyser galement les limites de nos systmes de
dcision collectifs,
au plan mondial.
1 Voir Donnella MEADOWS et Dennis MEADOWS, Jorgen RANDERS et
William BEHRENS, Halte la croissance ? Rapport sur les limites de
la croissance, Fayard, 1973. 2 Anthony D.Barnosky et al.
Approaching a state shift in Earths biosphere, Nature 486,5258 (07
June 2012)
-
Ces menaces sont en gnral connues mais rarement crues. Comment
croire en
effet quil se passerait quelque chose de vraiment nouveau sous
le soleil3 ? Lide
que nous vivrions une poque charnire soppose au bons sens. Elle
est souvent
interprte comme issue dune pure projection de personnalits se
croyant
indispensables, dont les cimetires sont pleins et dont le dcs ne
va pas empcher
la terre de tourner. Le physicien et prix Nobel Robert Millikan,
affirmait en 1930 que
lhumanit ne pourrait jamais infliger de srieux dgts un systme
aussi norme
de que la Terre qui pse en effet 6*1024 kg, soit 1023 (10 000
milliards de milliards)
fois le poids dune homme !
Et pourtant si, il y a bien du nouveau. Pour vaincre le
scepticisme, il nest pas inutile
de rappeler le dynamisme biologique de lespce humaine et de
faire un petit arrt
sur les phnomnes exponentiels dont nous sommes aujourdhui les
gnrateurs
inconscients et dont notre physicien semble avoir oubli les
proprits.
1 Une insolente russite biologique : introduction aux
exponentielles
Avant la sdentarisation (qui sest produite il y a environ 12 000
ans la sortie du
dernier pisode glaciaire), la population humaine comprenait une
dizaine de millions
dindividus ; elle tait numriquement infrieure celle des
babouins. Elle sest alors
mis crotre pour atteindre, il y a 2000 ans, 200 300 millions de
personnes. La
croissance dmographique sur une priode de 10000 ans fut
infrieure 0.1% par
an. Mais une croissance annuelle dun dixime de pourcent sur 6000
ans conduit
multiplier par 400 le chiffre de dpart. Telle est la proprit
assez contre-intuitive des
exponentielles : laissez leur un peu de temps et mme avec un
taux de croissance
trs faible, elles atteignent des sommets ! Une bactrie comme
Escherichia Coli
pse environ 1 picogramme (10 -12 grammes, un millionime de
microgramme). Elle
double sa population en 20 minutes. Belle exponentielle ! Sa
croissance est
heureusement limite par la quantit de substrat prsent dans le
milieu et par
laccumulation de dchets toxiques. Elle sarrte gnralement aprs 16
24 h de
cu l ture dans la mesure o le mi l ieu f in i t par s puiser.
Mais si l e t a u x
d e cro issance resta i t cont inue l lement constant e t
maximal , la 3 Ide inspire du titre du livre de lhistorien de
lenvironnement John R. MAC NEILL, Op.cit, dont sont extraits les
chiffres du paragraphe qui suit.
-
masse microb ienne obtenue en 48 heures sera i t de l o rdre de
4 000
fois celle de la Terre4. Dans un cycle de vie, la croissance dun
organisme sinflchit
rapidement, se stabilise puis dcroit. Elle suit une courbe en
forme de cloche aplatie,
que lon retrouve trs souvent dans le cas des productions de
ressources mme
renouvelables ds lors que le seuil de reproduction de ces
ressources est dpass
(voir chapitre 8).
Dans ce cas, lexponentielle est spectaculaire, car le taux de
croissance se montre
trs lev. Mais des taux que nous pensons faibles (de 1 5 % par an
qui sont ceux
de la croissance de la population ou du PIB) ont des effets
remarquables comme le
montre le tableau suivant. Ce tableau montre les effets dun taux
de croissance sur
une quantit initiale soumise ce taux : 1% cette quantit est
multiplie par 2,7
en 100 ans, son cumul sur la priode reprsente 170 fois la
quantit initiale. Et on
voit en dernire colonne la part que reprsente les 10 dernires
annes dans ce
cumul. Si pour un taux de 1 % cette part ne reprsente que 15%,
pour un taux de 5%
elle en reprsente 49% ! Bref dans un processus exponentiel les
derniers moments
peuvent avoir un impact dterminant, pesant autant ou plus que
toute lhistoire qui
les prcde.
Taux Multiple sur cent
ans
Cumul sur cent ans % des 10 dernires
annes
1% 2,7 170 15%
2% 7 320 20%
3% 19 620 27%
4% 50 1280 33%
5% 131 2740 39%
Si une production (ou une population) suit une croissance
exponentielle un rythme
de 5% par an, elle sera multiplie par 131 au bout de 100 ans.
Sur le sicle, la
production cumule sera gale 2740 fois le montant initial, et prs
de 40 % auront
t produites les dix dernires annes. Ce dernier effet est illustr
par limage des
nnuphars. Si des nnuphars remplissent une mare en cinquante jour
en doublant 4 Le calcul est facile : 10-15 (masse en kg de la
bactrie) * 2 144 (population au bout de 48 heures) = 2, 2*10 28 = 3
666 * 6*10 24(masse de la Terre).
-
de surface tous les jours, ils rempliront la dernire moiti de la
surface de la mare le
dernier jour, quelle que soit la surface de la mare. Cet effet
est majeur pour notre
propos. Les impacts de lhumanit dans ces dernires annes nont
jamais t aussi
violents dans toute lhistoire.
Prenons un exemple, celui de lacier, en suivant la dmonstration
de Franois
Grosse5. Nous produisons annuellement de lordre de 1 milliard de
tonnes dacier par
an, soit trente fois plus quau dbut du XXe sicle. La croissance
aura t, sur cette
priode, denviron 3,5 % par an. A ce rythme, la production cumule
dacier en un
sicle est gale 878 fois la production de la premire anne. Si on
prolongeait cette
tendance, la production annuelle serait multiplie par 100 tous
les 135 ans. On
produirait ainsi, dans 270 ans, 10 000 fois plus dacier
quaujourdhui !Inutile dtre
trs prcis dans lestimation des rserves de minerai de fer pour
comprendre quun
tel rythme est impossible maintenir.
Cet exemple est aisment gnralisable. La priode de croissance des
20
dernires annes a conduit grosso modo au doublement de la
production des
principaux mtaux () Un alignement de la Chine et de lInde sur
les standards
europens conduirait quasiment un nouveau doublement. 6 Cette
hypothse de
lalignement des standards na rien de thorique comme le montre
lui seul
lexemple de la voiture. En 2010, 1 015 millions de voitures7 ont
t vendues dans le monde, contre 980 millions en 2009. Soit 35
millions de vhicules supplmentaires en un an - 95 500 chaque jour !
L'explosion du march chinois contribue pour prs de moiti la
croissance du secteur8 . Son parc de 78 millions de vhicules est
cependant toujours loin derrire les Etats-Unis (240 millions). Seul
un Chinois sur 17 possde actuellement une voiture, soit peine la
moiti de la moyenne mondiale, et
5 Franois GROSSE, Le dcouplage croissance/matires premires. De
lconomie circulaire lconomie de la fonctionnalit : vertus et
limites du recyclage , Futuribles, Juillet-Aot 2010, numro 365. 6
Philippe BIHOUIX et Benoit DE GUILLEBON, Quel futur pour les mtaux,
rarfaction des mtaux : un nouveau dfi pour la socit, EDP Sciences,
2010. 7 Audrey GARRIC, Le Monde.fr, 27 aout 2011. 8 Et il ne sagit
pas ncessairement de petites voitures sobres. Selon le Guardian, le
constructeur japonais Toyota a russi ne vendre qu'une seule Prius
en Chine l'an dernier. La voiture hybride la plus commercialise au
monde n'a trouv qu'un seul acheteur au sein du plus dynamique des
marchs. Les ventes de 4 4, en revanche, sont en hausse, de 25 %,
avec 850 000 modles commercialiss en 2010.
-
bien moins qu'aux Etats-Unis, o ce ratio culmine un vhicule pour
1,3 Amricain. Si la Chine se rapprochait de ce taux, il faudrait
compter sur un milliard de voitures supplmentaires. Et quand lInde
sy mettra ? Il est utile de bien comprendre cet dynamique du
rattrapage en prenant du recul sur les derniers sicles. Citons
Michel Beaud9, qui se base sur ltude dAngus Maddison : De 1400
1989, la population
est multiplie par 15,1 pour la Chine et par 13,6 pour l Europe
sans rivage10
().La divergence majeure nest donc pas dans les croissances
dmographiques
mais dans les croissances conomiques : au cours de ces six
sicles la production
par tte a t multiplie par un peu moins de cinq en Chine alors
quelle tait
multiplie par plus de trente pour les Europens dEurope et
dOutre-Ocan. Selon
les valuations disponibles la production par tte moyenne en
Chine tait en 195011
du mme ordre que ce quelle tait cinq sicles et demi plus tt
.
Voyons, sur quelques autres exemples, quand arriverait
lpuisement des ressources
nergtiques minrales ou nergtiques, dans lhypothse dun taux de
croissance
limit 2 % par an. Pour les nergies fossiles12, ces ressources
seraient puises
avant le milieu du sicle prochain 13. Lor a dj pass son pic de
production tout
comme largent qui serait puis dici une vingtaine dannes. Le zinc
serait puis
avant 2080, le cuivre avant 2100, le Nickel un peu aprs. Le
lithium tiendrait
quelques annes de plus. Le zinc serait puis avant 2080 et le
cuivre avant 2100, la
bauxite, le plomb, le minerai de fer, avant 2100. Le lithium
tiendrait quelques annes
de plus. Pour dautres minerais, les chances sont encore plus
rapproches, mais
peu importe, dautant quil est tout aussi difficile de se
prononcer sur le taux de
croissance conomique futur que sur les effets systmiques
produits par les diverses 9 Michel BEAUD, op. cit, page 16. 10 Qui
inclut les territoires de peuplement europen notamment lAmrique du
Nord et de lAustralie, ce pour faciliter les comparaisons
historiques. 11 Le dcollage chinois date de la fin du XX sicle. 12
Le GIEC estime les ressources totales environ 3 700 GTC et nous en
avons consomm, ce jour, environ 600. Le rythme actuel est de 8 GTC
par an. Avec 2 % de croissance par an, il faut environ 110 ans pour
extraire les 3 100 GTC qui restent. 13 Sans tenir compte du fait
que ce dstockage provoquerait une catastrophe climatique. Calculs
en GTEC (milliards de tonnes quivalent carbone), les ressources
dnergie fossile sont largement suffisantes, sans tenir compte du
mthane ni du dstockage de la biomasse, pour conduire la fin du
sicle une hausse de plus de 5 C de la temprature par rapport 1850,
si lon devait procder ce dstockage dans les cinquante ans
venir.
-
tensions dapprovisionnement. Les prix des minerais rares vont
connatre des
croissances fortes qui en limiteront lusage mais pourront
conduire de vraies
pnuries quand le tour du propritaire aura t fait et que nous
aurons racl les
fonds de tiroirs de la plante.
Contrairement une ide reue, nous ne serons pas sauvs par le
recyclage. Dune
part, le recyclage consomme de lnergie mais, surtout, le
recyclage ne rsiste pas,
lui non plus, aux courbes exponentielles. Supposons (pour
simplifier) que le cycle du
recyclage soit dun an, et que la croissance soit de 10 % par an.
Si nous sortons de
terre, cette anne, 100 units dune quantit de matriaux que nous
savons recycler
80 %, lanne prochaine nous pourrons utiliser ces 80 units
recycles et nous
devrons extraire de terre 30 units (pour pouvoir utiliser 110,
10% de plus que
lanne prcdente). Lanne daprs, nous pourrons en utiliser 88, mais
nous
devrons en extraire 33. Et nous voil repartis sur une
exponentielle (au taux de
10%). Il est facile de gnraliser ce raisonnement nimporte quelle
dure de
cycle, nimporte quel taux de croissance et nimporte quel taux de
recyclage. En un
mot, le recyclage permet de gagner du temps, mais il ne saurait
empcher
lpuisement dun stock par nature fini du fait dune croissance
exponentielle. Le
recyclage ne devient une solution prenne qu partir du moment o
la croissance
des flux matriels est voisine de zro, ou que le taux de
recyclage est trs proche de
100%, comme dans la nature, ce dont nous sommes trs loin.
Enchanons sur lensemble des ressources biologiques et des
rgulations naturelles,
qui relvent de la mme problmatique. Cette pression sur les
cosystmes nest
pas limite lnergie, aux GES ni aux mtaux. Chaque anne on libre
160
millions de tonnes de dioxyde de soufre, soit plus du double des
missions
naturelles ; environ 40% des terres ont t transformes, lpandage
dengrais
azots de synthse a plus que doubl que la fixation naturelle
dazote par les
cosystmes terrestres de la plante ; plus de la moiti des
ressources en eau
accessible sont utilises par les socits humaines () et la
biodiversit
seffondre. 14
14 Robert BARBAULT, Jacques WEBER, La vie quelle entreprise !
Pour une rvolution cologique de lconomie, Seuil, 2010, page 79.
-
Ce petit tableau15 montre lvolution de la pression de lhomme sur
la priode 1890-
1990. Notons que les 20 dernires annes ont encore trs fortement
empir la
situation. Rappelons les propos de notre premier chapitre : les
dernires annes sont
les plus contributrices leffet dune exponentielle.
Sujet Facteur daccroissement des annes
1890 aux annes 1990
Population mondiale 4
Proportion urbaine de la population
mondiale
3
Population urbaine mondiale 4
Economie mondiale 14
Production industrielle 40
Utilisation dnergie 13
Production de charbon 7
Emissions de dioxyde de carbone 17
Emissions de dioxyde de soufre 13
Utilisation deau 9
Pche de poisson en mer 35
Nombre de ttes de btail 4
Nombre de baleines bleues (ocan
austral)
0,0025
Nombre de rorquals communs 0,03
Nombre despces doiseaux et de
mammifres
0,99
Superficies irrigues 5
Superficies boises 0,8
Superficies cultives 2
Revenons la dmographie. En 1800, lhumanit fte son premier
milliard
dindividus. Elle sest multiplie par 5 en 1800 ans. Sil lui a
fallu au total des millions
15 Extrait de MAC NEILL, op.cit.
-
dannes pour devenir milliardaire dmographique, son deuxime
milliard lui a pris
130 ans, son troisime 30 ans, son quatrime 15 ans, ses cinquime
et sixime 12
ans chacun. Exprime en taux, les chiffres sont tonnamment bas,
prouvant la
puissance des exponentielles. Du dbut de notre re jusquen 1800,
le taux de
croissance dmographique est de lordre de 0.1% par an. Elle passe
un rythme de
0,5% par an au XIX sicle puis 1,3 % au XX sicle. Nous sommes
aujourdhui 7
milliards. La croissance se poursuit mais un rythme infrieur :
la transition
dmographique16 est passe dans la plupart des pays, sauf lAfrique
subsaharienne.
Les projections horizon 205017 conduisent cependant des
effectifs compris entre
9 et 10 milliards.
En parallle, la capacit de lhumanit transformer son
environnement sest
dmultiplie, grce la puissance thermodynamique de ses machines.
En 1800,
lhumanit consommait environ 250 millions de tonnes quivalent
ptrole (TEP)18,
soit un quart de TEP par personne. Cette consommation a t
multiplie sur les 200
ans suivant par 40, pendant que la population tait multiplie par
6 : la
consommation individuelle a donc cru dun facteur de lordre de 7.
Cette moyenne
cache bien sr dnormes disparits. Un Amricain moyen consomme
environ 8 TEP
par an, un europen se situe plutt 4 et un habitant dAfrique
Sub-saharienne na
pas accs 1 TEP par an.
Cette double croissance (croissance dmographique et croissance
de la puissance
disponible) permet lhumanit de sapproprier prs dun quart de la
production
primaire de biomasse19, et 40 % de la production primaire
terrestre value environ
120 milliards de tonne par an. Pas mal pour une espce qui ne
reprsente que de
lordre de quelques centimes de la biomasse plantaire, cest-dire
du poids de
16 Moment o la croissance de la population cesse de dpasser le
seuil de renouvellement des gnrations, soit environ 2,1 enfants par
femme. 17 Voir par exemple Gilles PISON, Population et socits,
N480, juillet-aot 2011. 18 Nous utiliserons dans la suite cette
unit de mesure de lnergie. Toute dpense dnergie peut tre exprime en
quivalent ptrole . Une tonne quivalent ptrole est lnergie contenue
dans une tonne de ptrole. Voir encadr page 161. Les estimations de
consommation nergtique au XIX sicle sont sujettes caution. Ce qui
compte ici ce sont les ordres de grandeur. 19 Robert BARBAULT,
Jacques WEBER, op.cit.
-
lensemble des organismes vivants sur la Plante20! Une belle
preuve de la russite
biologique de lhumanit. Mais cette double croissance est aussi
la source principale
(directe dans le cas du changement climatique ou indirecte pour
les autres) des
menaces environnementales dont nous allons brosser les traits
principaux.
2 Les menaces sont claires La drive climatique et la destruction
des ressources dnergies fossiles, Les climatologues 21 comprennent
de mieux en mieux les mcanismes et les
consquences de la drive climatique, mme si les incertitudes
restent encore
larges. La drive climatique actuelle est lie aux missions de gaz
effet de serre
(GES), soit, en 2010, environ 50 milliards de tonnes dquivalents
CO222 par an dont
60 % environ sont du dioxyde de carbone d la combustion dnergie
fossile
(charbon, ptrole et gaz). Depuis le milieu du XIX sicle,
lhumanit a mis plus de
1800 milliards de tonnes de dioxyde de carbone. La concentration
de ce gaz est
passe de 280 ppm23 (un niveau stable en moyenne depuis 400 000
ans) 400 en
2013. En effet la biosphre (principalement les ocans et les
vgtaux) nabsorbe
que 12 milliards de tonnes de CO2 par an. Cest le niveau
dmissions auquel il
faudrait arriver pour que la hausse de la temprature sarrte en
passant en gros par
une vingtaine de milliards de tonnes en 2050 .
20 Richard TURCO, Earth under siege ; from air pollution to
global change, Oxford University, 1997, page 105. Notre biomasse
(de lordre de 300 millions de tonnes) est beaucoup plus leve que
celle de nimporte quel mammifre. Mais celle des fourmis est 4 fois
suprieure la ntre, et nous sommes battus plate couture par les
bactries. 21 Plus prcisment la communaut des scientifiques dont la
discipline (qui peut tre de la biochimie, de la modlisation
informatique, de la dynamique des fluides ou de la paloclimatologie
entre autres) est mobilise dans la comprhension des phnomnes
climatiques. Les informations de synthse sur la drive climatique
sont fournies par le GIEC (voir www.ipcc.ch). 22 Les missions de
Gaz effet de Serre sont mesures en tonnes quivalent CO2 , chaque
gaz ayant un pouvoir de rchauffement global multiple de celui du
CO2. Une tonne de mthane (CH4) par exemple quivaut environ 25
tonnes de CO2. On les exprime aussi en tonnes de carbone. Du fait
du rapport des masses (44/12), 1 tonne de CO2 vaut environ 3,6
tonnes de carbone. 23 Ppm = partie par million.
-
Les scnarios envisags si lhumanit continue faire crotre de
manire
exponentielle ses missions de GES conduisent la fin du sicle une
hausse de la
temprature moyenne plantaire de lordre de 3 6 par rapport la
temprature
pr-industrielle . Lors de la dernire glaciation (il y a environ
20 000 ans), la
temprature tait infrieure lactuelle de 5 environ. Nous nous
apprtons donc
faire subir notre plante en 100 ans lquivalent dun changement
dre climatique.
Changement largement irrversible du fait de linertie des
phnomnes, notamment
ocaniques. Les consquences strictement lies24 cette drive
climatique en sont
trs lourdes mme si, rappelons-le, les fourchettes dincertitude
pour les caractriser
sont assez larges. Inondation par monte des eaux de grandes
zones o vivent des
populations nombreuses et o ont t raliss de nombreuses
infrastructures
essentielles, canicules, changements de rgimes des pluies,
accroissement de
lintensit des phnomnes mtorologiques extrmes, incendies
gigantesques,
destruction de la fort amazonienne, pression sur la productivit
agricole, qui dcroit
partir dune hausse de 3C, pression sur les ressources
hydrologiques dj sous
pression dans certaines rgions du mondenous promettent lvidence
des
drames conomiques et sociaux touchant des centaines de millions
de personnes.
Le rchauffement tant beaucoup plus fort prs du ple quen moyenne
ailleurs, on
ne peut exclure en outre le dgazage de gigantesques quantits
dhydrate de
mthane contenues dans le permafrost (un sol constamment gel) du
nord de la
Sibrie, ce qui conduirait terme un changement encore plus lourd
de
consquences. Sil est encore possible dinflchir lampleur du
changement
climatique qui va se drouler dans les prochains sicles, il est
maintenant
malheureusement trop tard pour viter les ennuis srieux dans les
prochaines
dcennies.
En effet les modles scientifiques montrent que de rels problmes
peuvent
commencer apparatre partir dune augmentation de la temprature
suprieure 2
C. par rapport 1850. Les modles ne montrent pas tous les mmes
impacts et ce
chiffre de 2C, retenu par lUnion Europenne comme un objectif
majeur dans les
ngociations internationales, ne peut tre considr comme un seuil
irrversible.
24 Lmission excessive de CO2 dans l atmosphre conduit par
ailleurs lacidification des ocans, lorigine de graves dsquilibres
de leurs faunes et flores.
-
Mais cest une bonne indication dun niveau quil serait largement
prfrable de ne
pas atteindre. O en est-on ?
Tout dabord la temprature a dj augmente dun peu moins d 1 C.
depuis le
sicle dernier. En rfrence plusieurs sources scientifiques
rcentes25, satisfaire
lobjectif des 2C nous oblige ne pas mettre plus de 600 1 200
GtCO2 dici
2050, ces chiffres ne concernant que la combustion des nergies
fossiles.
Conservons lordre de grandeur de 1000 GtCO2,. En 2008, nous
avons dj
consomm le tiers de ce budget . Il nous en reste donc en gros
650 milliards de
tonnes de CO2. Nous avons mis du seul fait de la combustion des
nergies
fossiles un peu plus de 30 GTCO2 en 2010. A ce rythme, nous
aurons dpass les
650 autorises dans un peu plus de 20 ans, et probablement moins
car tout
sacclre. Serons-nous limits par les ressources ?
En rserves prouves26 restantes de ptrole, gaz et charbon, nous
avons dans le
monde un potentiel dmissions de lordre de 2 900 GtCO2 sous les
pieds, dont plus
de 1000 GtCO2 en se contentant seulement du ptrole et du gaz.
Ces chiffres
font en outre abstraction des rserves non prouves, au rang
desquels les ptroles
et gaz non-conventionnels. Selon lAIE, les rserves ultimes
restantes de ptrole et
de gaz, cest--dire prouves et non prouves (mais techniquement
extractibles),
correspondraient elles seules des missions suprieures 4 000
GtCO2e. Celles
de charbon plus de 30 000 GtCO2e... Ce nest donc pas la pnurie
dnergie
fossile qui nous freinera. Il est donc hautement probable que
nous dpasserons les 2
degrs daugmentation du simple fait de linertie de nos
consommations
nergtiques.
25 600 GtCO2e cumules environ entre aujourdhui et 2050, selon
Meinhausen et al . Nature 458, 11581162 (2009). 1 200 GtCO2e
cumules environ entre aujourdhui et 2050, selon Allen, M. R. et al.
Nature 458, 11631166 (2009). 900 GtCO2 cumules entre aujourdhui et
2050 Selon lAIE (World Energy Outlook 2012), Dans un article rcent
paru dans La Revue Durable, numro 48, mars-avril 2013, Bill
Mackibben retient un chiffre encore plus bas : 565 GTCO2. 26 Les
rserves prouves reprsentent la part des ressources dont lextraction
/ production est considre comme certaine 90%. Voir par exemple les
donnes fournies par la socit BP, une rfrence en la matire,
http://www.bp.com/productlanding.do?categoryId=6929&contentId=7044622.
-
Le pic ou plateau de production du ptrole ny changera rien. Nous
aurons
consomm depuis le dbut de lre ptrolire plus de 1000 milliards de
barils de
ptrole conventionnel, soit plus du tiers du ptrole stock sous
terre depuis lre
secondaire. Nous approchons du moment o la production va
plafonner, du fait dune
consommation actuelle de lordre de 30 milliards de barils par
an, et de dcouvertes
chaque anne infrieure cette consommation. Le plafond de
production du gaz
conventionnel approche galement et pourrait tre atteint 20 ans
aprs celui du
ptrole. Nous disposons encore dhydrocarbures non conventionnels
(les gaz et
ptrole de schistes en particulier qui mobilisent les compagnies
ptrolires et les
cologistes) et, surtout, de beaucoup de charbon. Le charbon peut
tre liqufi
(certes grands renforts dnergie, mais nous pourrions mobiliser
lnergie nuclaire
pour ce faire) et satisfaire nos besoins apparemment
inextinguibles de mobilit. La
tentation sera grande de brler ces rserves pour satisfaire notre
dsir dnergie
croissante, alimentant dans nos chaudires la drive climatiqueEt
si nous ne
rsistons pas cette tentation, nous finirons aussi par manquer de
charbon Nous
pourrions alors connatre des tensions dapprovisionnement de ce
combustible dans
les dcennies venir27. Et connatre la pire des situations : des
impacts climatiques
lourds et moins dnergie pour y faire face. Or cest bien laccs
lnergie qui
permet de sortir des difficults, de sauver des vies humaines,
dorganiser des
rinstallations, de reconstruire des villes et des quipements
La conclusion est sans appel. Sans une inflexion majeure des
trajectoires actuelles
de consommation dnergie, inflexion qui nest pas amorce au niveau
mondial ce
jour, laugmentation de la temprature dpassera les 2C par rapport
lre
prindustrielle. Dans plusieurs scnarios considrs comme ralistes
car partant
des engagements pris par les Etats dans les ngociations
internationales elle
dpassera les 3 4 C. dici la fin du sicle pour poursuivre son
ascension
ultrieurement.
27 Les estimations des ressources de charbon, et plus gnralement
dnergies fossiles sous toutes les formes possibles conventionnelles
ou non varient beaucoup. Mais dans tous les cas, la croissance
exponentielle de leur consommation se heurte une limite temporelle
qui ne se mesure ni en millnaires ni en sicles mais bien en
dcennies.
-
La pression anthropique sur les services cologiques
Cette situation est gnralisable au rapport densemble de ltre
humain et de la
Nature dans des calendriers dchance semblable. Lhumanit exerce
une pression
croissante et bientt intolrable sur les services cologiques ,
cest--dire les
services fournis par la Nature. Selon le Millenium Ecosystem
Assessment,28 le taux
dextinction des espces est 50 500 fois plus lev que le taux
naturel , tel que
lvalue les biologistes. Nous sommes lorigine ce que le
biologiste Edward Wilson
a propos dappeler la sixime extinction 29 (la vie ayant connu
depuis son apparition sur Terre cinq extinctions majeures). Nous
avons dans le mme temps fait
main basse sur les ressources minrales facilement accessibles.
Pour un grand
nombre de mtaux, les gisements actuellement exploits devraient
tre puiss dici
quelques dcennies. Nous pourrons trouver d'autres gisements,
mais un cot
nergtique et conomique toujours plus lev.
Nous utilisons annuellement la moiti des ressources d'eau douce
disponible, en
dgradant gnralement sa qualit quand nous la restituons aux
cosystmes. Dans
les mers, la situation n'est pas meilleure. Nous avons vid les
ocans de leur faune
suprieure. Le pic de production pour la pche en mer a t atteint
en 1998. La
production mondiale de poissons plafonne 100 millions de tonnes
par an et encore
cette production tient aussi au dveloppement de laquaculture
(qui elle-mme
consomme des poissons). Le professeur Daniel Pauly30, expert
international des
ressources halieutiques, estime que nous risquons de rentrer,
pour les ocans, dans
lre du Mucus, o rgnent mduses et bactries, du fait de la
destruction de leurs prdateurs. Le poids moyen des poissons pchs
est, en trente ans, pass de 800
150 grammes. Il y a autant de thons rouges conservs dans les
conglateurs - 60
C au Japon que dans les mers. Les spcialistes estiment quil ny
aura plus de
poissons comestibles dans les ocans dans la dcennie 204031. Les
ocans sont
transforms en une gigantesque dcharge. Une zone gante de dchets
large de
28 Lvaluation des cosystmes pour le millnaire (MEA) est une tude
de 5 ans, lance la linitiative du secrtaire gnral de lONU, Kofi
Annan visant valuer l tat des cosystmes mondiaux. Les travaux ont t
publis en 2005. Voir http://www.maweb.org/fr/Synthesis.aspx. 29
Voir Richard LEAKEY et Roger LEWIN, op.cit. 30 Daniel PAULY, Five
easy pieces, the impact of fisheries on Marine Ecosystems, Island
press, 2010. 31 Philippe CURY, Une mer sans poissons, Calmann-Lvy,
2008.
-
centaines de milliers de km2 a t dcouverte dans le Pacifique par
locanographe
Charles J. Moore. Une poubelle de la taille du Texas a galement
t repre dans
locan Atlantique.
Les forts ont perdu depuis laube de lagriculture une superficie
difficile valuer,
mais de lordre de 15 45 de leur surface. 450 millions dhectares
ont disparu des
rgions tropicales entre 1960 et 1990. Le bilan des ressources en
eau est aussi
difficiles faire, et na de sens que rgionalement. Mac Neill cite
lestimation suivante
qui est quand mme significative : la consommation deau la fin du
XX sicle
reprsente 18% de la quantit deau douce scoulant sur la plante et
lutilisation
directe ou indirecte en reprsente 54%. En 1700, lhumanit
prlevait annuellement
110 km3 deau par habitant, elle en prlve 5190 km3 en 2000, soit
7 fois plus. A ce
rythme mme leau, une ressource trs abondante sur la plante
pourrait manquer.
La situation nest pas meilleure du ct des sols. Prs dun quart
des terres utilises
par lhumanit est dgrade32 ? Nous perdons chaque anne 0,5% de
notre
capital-sol en soustrayant plusieurs milliers dhectares par
accroissement de nos
cits et de nos routes, par nos pollutions par salinisation, par
rosion . La ruine
progressive des sols va nous conduire de nouvelles famines.
Ajoutons cet tat des ressources les limites imposes nos activits
par le
fonctionnement mme de la biosphre. Nous avons franchi, ou nous
sommes sur le
point de le faire, si l'on suit une publication rcente de la
revue Nature33, un seuil de
dangerosit dans les neuf domaines suivants : le changement
climatique, le taux
d'rosion de la biodiversit, l'interfrence des cycles de l'azote
et du phosphore, la
dpltion de l'ozone stratosphrique34, l'acidification des ocans,
l'usage de l'eau
douce et celui des sols, la quantit et la qualit de la pollution
chimique et enfin
l'impact des arosols atmosphriques35. Prenons lexemple de
lacidification des
32 Daniel NAHON, Lpuisement de la terre, lenjeu du XXI sicle,
Odile Jacob, 2008. 33 Voir larticle de J. ROSTRM et al., Asafe
operating space for humanity, Nature, 24 septembre 2009, 461,
P.472-475 et son dveloppement dans
http://www.ecologyandsociety.org/vol14/iss2/art32/. 34 On se
souvient du trou de lozone et de linterdiction, par le protocole de
Montral, sign en 1987, de certains gaz propulseurs. La couche
dozone nest pas encore reconstitue et sa contraction (ou dpltion)
conduit un filtrage insuffisant des ultra-violets solaires ce qui
constitue un grave danger pour la vie. 35 Particules fines
polluantes mises dans latmosphre et retombant ensuite sur
terre.
-
ocans. Les palocanographes36 ont tabli que le PH (potentiel
hydrogne, mesure
de lacidit dune solution aqueuse) moyen des ocans stablissait
autour de 8,2
depuis vingt millions dannes. Au cours des cent dernires annes,
du fait de
laugmentation de la concentration de CO2 dans l'atmosphre, ce pH
a diminu de
0,1 unit, signe d'une plus grande acidit. Selon le GIEC, il
pourrait baisser de 0,3
unit de plus d'ici la fin du sicle. Cette vitesse dacidification
et ce niveau nont
jamais t observs depuis le maximum thermique du passage du
Palocne
l'ocne, il y a 56 millions d'annes37. Cest une cause de plus
dextinctions marines
massives. Et il faudra dans tous les cas au moins 10 000 ans
pour revenir au niveau
du sicle dernier. Finalement, comme l'a tabli le Millennium
Ecosystem
Assessment, plus de la moiti des services cologiques de
fourniture et de rgulation
que nous procurent les cosystmes sont dgrads, et les autres sont
en voie de
l'tre.
Les autres menaces Si le changement climatique et lrosion de la
diversit sont les prils les mieux
documents ce jour, ils ne rsument en rien lensemble des menaces
auxquels
nous allons tre confronts. Les risques de pandmies, aggraves par
le
drglement climatiques, du fait de mutations gniques de virus
sont bien rels et
pris trs au srieux par lOMS. Lpisode de la grippe H1N1 en 2010 a
sembl donn
raison au bon sens populaire, qui a critiqu les achats massifs
de doses de vaccins.
Rien pourtant ne permet dexclure un pisode tel celui de la
grippe espagnole, qui
avait fait des dizaines de millions de morts, juste aprs la
premire guerre mondiale.
Les consquences sanitaires et conomiques en seraient colossales
dans un monde
de plus en plus inter-reli et o les changes sont de plus en plus
rapides. Or un
biologiste, Ron Foucher, a rcemment fabriqu dans les
laboratoires du Centre
36 Voir les travaux de Carol TURLEY, du Plymouth Marin
Laboratory et larticle de HNISCH, et al., The Geological Record of
Ocean Acidification, Science, 2 March 2012: 1058-1063.
37 la suite d'un doublement des taux de CO2 dans l'atmosphre,
les tempratures mondiales avaient alors augment de 6C en 5000 ans,
avec une monte correspondante des ocans.
-
mdical Erasmus, une forme de ce virus hautement transmissible de
mammifre
mammifre. La capacit de lindustrie pharmaceutique inventer de
nouveaux
antibiotiques (aprs les 25 000 dj conus) se rduit38 alors que
les bactries
multirsistantes se multiplient en raison de leur diffusion
incontrle. Il nest pas
inconcevable que dans une ou deux dcennies, les pays dvelopps se
retrouvent
dans des conditions de vie rappelant les annes antrieures la
dcouverte aux
antibiotiques. Les maladies bactriennes que lon croyait vaincues
redeviennent
mortelles : la tuberculose et le paludisme font des millions de
morts. Le progrs de la
transition pidmiologique sest dores et dj arrt et le retour des
grandes
contagions savre hautement probable.
On sait maintenant que les perturbateurs endocriniens39, prsents
dans nos eaux de
consommation, envahissent notre environnement et impactent la
capacit
reproductive de lhomme.
La dose ne fait pas toujours le poison
Les effets sur la sant des faibles doses de produits toxiques
ont t largement
sous-estims pour des raisons culturelles, scientifiques et
technologiques. Ladage
simple, due Paracelse, que la dose fait le poison (donc que
leffet sur la sant
dun poison est proportionnelle la dose) tait un quasi-dogme ;
grce des
mesures beaucoup plus fines des doses ingres (notamment dans le
domaine des
perturbateurs endocriniens) on saperoit que des doses trs
faibles peuvent avoir
des effets suprieurs des doses plus leves. Que la notion de
seuil minimum
na parfois pas de sens. On commence en outre mettre en vidence
des effets cocktail40 (la conjugaison de deux toxiques ayant plus
deffet que laddition de leurs effets individuels).
Dans le domaine de limpact sur la sant des rayonnements, les
travaux sur les
38 Elle se rduit parce que la mise au point dun nouvel
antibiotique est trs coteuse mais surtout par un effet de courbe de
dpltion car il y a un nombre fini dantibiotiquesvoir par exemple
http://www.scidev.net/fr. 39 Un perturbateur endocrinien est un
agent qui parat perturber (ou influencer sans contrle) le
fonctionnement du systme endocrinien. Les plus connus du grand
public sont certains phtalates, le bisphnol A. Clbre pesticide, le
DDT est aussi un perturbateur endocrinien. Voir le rapport du PNUE
et de lOMS cit note 2. 40 Pour le seul cas de leau voir
http://www.ihest.fr/mediatheque/series/les-etudes-de-l-ihest/dossier-l-eau-en-questions/3-la-pollution-de-l-eau#8
-
effets des faibles doses sont trop rcents pour pouvoir arbitrer
une controverse
importante en termes de sant publique : y a-t-il ou non un seuil
de radiation en-
dessous duquel les impacts sur la sant sont ngligeables ? Mais
on vient de
constater rcemment que la radiosensibilit (la rponse de notre
corps aux
irradiations) tait trs variable dun individu lautre41, ce qui
remet en cause la
doctrine mdicale de dtection systmique des risques de cancer,
et, par ailleurs,
les modles dvaluation des consquences des accidents
nuclaires.
Leur taille microscopique et leur omniprsence en font des
adversaires redoutables.
Les effets cocktail issus de la combinaison des effets de
particules en dose
chacune infinitsimale commencent peine tre tudis alors que nous
avons
inond la plante dun milliard de tonnes de produits chimiques
organiques entre
1930 et 2000 et invent plus de cent mille substances aux effets
difficiles mettre en
vidence mais pour certaines cancrignes. La course de vitesse
entre le lgislateur,
le juge et le mdecin dun ct et lindustrie chimique dote dune
puissante capacit
cratrice semble perdue davance pour les premiers. Dautant que la
chimie est
lvidence au cur de nos modes de vie. Comment se passer de toutes
ses
inventions que ce soit dans le domaine de lalimentation, de
lagriculture, des
technologies, des mdicaments, bref dans la vie de tous les jours
?
Depuis le 11 septembre 2011, nous savons que les terroristes
peuvent raliser
limpossible. Pourquoi nauraient-ils pas recours lusage des armes
nuclaires,
bactriologiques ou chimiques ? Enfin, la biologie de synthse a
fait des progrs
considrable ; il est devenu possible de manipuler de lADN dans
son garage. Que
pourrait-il sortir de ce type dactivits ? Nul ne peut le
prvoir.
3 Le pire est venir Menaces inaccessibles nos sens, poids des
sceptiques Ces menaces globales, ont le dfaut dtre... globales.
Comment en prendre
conscience lchelle individuelle? Les sens ne nous le permettent
que dans le cas
41 Voir par exemple
guilleminot.sfrnet.org/rc/org/sfrnet/htm/Article//C_COLIN.pdf et
les travaux de Nicolas Foray.
-
de pollutions locales. Personne ne ressent la temprature moyenne
la surface de
la plante et encore moins ses variations sur quelques dcennies.
Lrosion des
ressources ou des sols est elle-aussi imperceptible directement.
Pour sen faire une
ide, il faut accder des informations statistiques, variables de
surcrot dun
analyste lautreDu coup, sur ces sujets, lopinion publique est
versatile. Elle a du
mal se faire une conviction stable. Elle est sensible au charme
des dmagogues
qui nient les problmes, ou affirment quils seront rsolus par la
science et la
technique. On sait maintenant que les industriels qui ont intrt
limiter les
contraintes qui pourraient leur tre imposes utilisent de manire
dlibre une
stratgie qui joue sur cette versatilit. Les marchands de doute
42 ralisent ou font
raliser des tudes scientifiques qui visent dstabiliser lopinion
en suscitant des
hypothses alternatives ou en mettant en cause des rsultats bien
tablis. Ces
travaux sont ensuite diffuss via des think tanks qui peuvent
mailler leurs discours
de rfrences scientifiques. Ils le sont aussi dans leurs
communications directes :
quon pense lindustrie sucrire qui russit ne pas dire clairement,
dans son site
institutionnel43, que lingestion excessive de produits sucrs
favorise les caries
dentairesmais voque plusieurs arguments scientifiques (bien sr
fonds)
expliquant la formation de carie. Il ny dit pas non plus
clairement que labus de
produits sucrs est favorable une forme de diabte et lobsit. Et
cest bien dans
les catgories sociales les plus dfavorises les moins mme de
dcoder ce type
de discours quapparaissent le plus de caries et dobsit
Ds lors, les lobbys peuvent dire et faire croire quil serait
quand mme bien
excessif de faire de gros efforts pour contribuer la rsolution
dun problme dont
lampleur, non dmontre, est exagre. Le citoyen ordinaire se
dcourage face aux
dbats auxquels il finit pas ne plus rien comprendre. Il finit
par se dtourner dun
souci qui, sil est rel, est dune ampleur qui le dpasse, et prfre
soccuper de son
jardin. On reviendra sur ce point car cette attitude est le
fruit dune volution
culturelle vers toujours plus dindividualisme.
42 Naomi ORESKES et Erik M. CONWAY, Les marchands de doute, ou
comment une poigne de scientifiques ont masqu la vrit sur des
enjeux de socit tels que le tabagisme et le rchauffement
climatique, Le Pommier, 2012. 43 Voir http://www.lesucre.com/
-
Les religions et le climat Le cas des Etats-Unis en la matire
est clairant. Ce pays est dterminant dans la
rsolution des problmes, du fait de sa puissance militaire et
conomique dune part
et de son mode de vie de lautre. Son modle fond sur une
consommation sans
limite est jalous par ceux qui nen voient pas les cueils :
esprance de vie plus
basse qu Cuba, et probablement dcroissante, augmentation des
ingalits
sociales des violences et de la population carcrale, obsit, ni
limpossible
reproduction ailleurs. A cet gard, les mouvements religieux
jouent un rle politique
dterminant aux USA qui ne pousse pas loptimisme. Les Mormons,
par exemple,
sont convaincus que Dieu va intervenir avant que nos preuves
soient trop
importantes puisquIl sy est engag (aprs la sortie du dluge). Je
ne maudirai
plus jamais le sol cause de lhomme. Certes, le cur de lhomme est
port au mal
ds sa jeunesse, mais plus jamais je ne frapperai les vivants
comme je lai fait44 . Ils
attendent donc sereinement lintervention divine. Les
Evangliques, sont convaincus
au contraire que lApocalypse est une juste punition que Dieu qui
nous infligera. Si
Dieu est dans le coup, ce nest donc pas la faute nos pots
dchappement et il est
inutile de se remettre en cause puisque le chtiment est
inluctable Dans tous les
cas, les fondamentalistes de tous poils ne croient pas aux
conclusions des
climatologues quand bien mme ils utilisent tous les jours les
technologies issues de
lactivit scientifique. Comment esprer de ces mouvements une
vraie mobilisation
qui conduise une rvolution du mode de vie amricain ? Alors que
prcisment ce
mode de vie est lune des causes majeures du changement
climatique et quil sera
manifestement trs difficile faire changer ?
La faiblesse et linadaptation des institutions humaines Les
grandes questions de ressources et denvironnement sont emblmatiques
des
divergences entre intrts individuels et collectifs. Elles posent
le dilemme du
prisonnier 45. Il sagit dune situation, maintes fois tudies par
les conomistes
spcialistes de la thorie des jeux dans laquelle le meilleur
choix que va faire 44 Gn, 8, 20. 45 Le dilemme du prisonnier montre
que des acteurs sous pression peuvent prendre rationnellement des
dcisions contraires leurs propres intrts individuels et collectifs.
Voir par exemple Gal GIRAUD, La thorie des jeux, Flammarion,
2009.
-
chaque joueur, compte tenu de ses informations et de ses intrts,
est le plus
mauvais du point de vue de lintrt de lensemble des deux joueurs.
Or nous vivons
une hypertrophie du moi-je et un affaiblissement du sens du
collectif qui rendent
encore plus difficile lmergence de solutions. Sil fallait encore
alourdir la
dmonstration, la difficult est aggrave du fait de notre forte
inclination refuser
toute limite, si enracine quelle semble tre dans le socle de la
spiritualit
inconsciente de notre civilisation. Et comme celle-ci en
influence dautres, ce sont
nombre de sagesses millnaires qui visaient toutes limiter la
dmesure humaine qui sont ananties. Nous y reviendrons.
Lexprience montre lincapacit humaine anticiper les difficults et
sa vocation
ne traiter les problmes que dans lurgence, au pied du mur, au
moment o ils
deviennent palpables. Or quand la crise cologique et notamment
climatique, sera
vraiment sensible, il sera largement trop tard pour en attnuer
les effets les plus
cruels. Lirrversibilit en la matire est dterminante. Dans le
domaine du climat,
elle sexprime en milliers dannes quand elle concerne les
ocans.
Lorganisation conomique dicte par le march est videmment
aveugle. Lexemple
de lusage du taux dactualisation ou du taux dintrt par les
acteurs privs crasant
le long terme est clairant. Un taux de 5 % appliqu une somme
donne en divise
la valeur par 10 aprs 50 ans. Les marchs financiers sont
court-termistes parce que
pouvant gnrer des rendements de plus de 15% grce leffet de
levier sur des
activits spculatives court terme, ils nont aucun intrt prendre
des risques sur
des activits faiblement rentables et forcment plus incertaines,
du seul fait de la
dure.
Nos institutions ne sont pas non plus armes ni au niveau
national ni au niveau
international. Le rythme de plus en plus rapproch des lections,
souhait par
lopinion, conduit aussi au court-termisme. Or face la complexit
du monde actuel,
les dcideurs politiques sont parmi les seuls pouvoir faire la
synthse de domaines
cloisonns ou en opposition. Mais les lus dterminent leurs
actions en fonction de
leur acceptabilit sociale et de leurs effets probables
court-terme. Ils ne sont pas
non plus incits prparer leurs lecteurs aux mauvaises nouvelles .
Si nous
nexcutons plus le porteur de mauvaise nouvelle, sa popularit nen
ptit pas moins.
-
La dmagogie est en gnral plus efficace. Il nest pas difficile de
montrer les limites
des institutions internationales : les rapports de force
lemportent sur la coopration.
Le G20 qui runit les 20 plus grandes puissances mondiales nest
quune cabine de
pilotage o chacun tente daccaparer le manche. LONU est souvent
impuissante
dans les conflits internationaux. Linstitution la mieux arme au
plan juridique,
lOrganisation Mondiale du Commerce, est l pour veiller la
conformit de la
comptition conomique aux rgles de drgulation quelle a
dfinies.
Prosprit et croissance :
La croissance est encore considre aujourdhui comme la condition
du progrs
conomique et social. Elle est synonyme de prosprit. Dans la
croyance commune,
labsence de croissance fait plonger les bourses et crotre le
taux de chmage,
aggrave la pauvret, rend impossible le remboursement des dettes
prives et
publiques qui ont t souscrites sur le prsuppos dune croissance
infinie. Il nest
pas un gouvernement au monde qui ne mette la reprise de la
croissance au cur de
son programme.
Or cest lvidence un des leviers majeurs de la catastrophe
annonce. En
caricaturant peine, mieux a va (au plan conomique) plus labme
sapproche. Le
meilleur indicateur global de la pression anthropique de lhomme
sur son
environnement cest le PIB mondial. Il est fortement corrl la
disponibilit
nergtique : sans nergie pas de PIB ! Lvaluation du PIB sur la
longue priode est
bien sr dlicate. Mais les donnes tablies par Angus Maddison font
rfrence et
donnent des ordres utiles de grandeur. Sur une base 100 en 1500
(sicle o les
diffrentes nations connaissaient un niveau de dveloppement
globalement
identique) il est pass 12 000 en 1992. Cette multiplication par
120 sur environ
500 ans tablit une croissance environ 1%. Mais pour lessentiel,
comme pour ce
qui concerne la dmographie et lnergie, elle sest produite aprs
1820. Durant les
seules 170 dernires annes, le PIB sest multipli par 40 soit une
croissance
continue de 2,2 % par anne
La croissance actuelle du PIB saccompagne invitablement de la
destruction de
ressources non renouvelables, quil sagisse dnergie fossile ou de
matires
-
premires. Limitons nous au CO2. En 2009 les missions de CO2 lies
la
combustion dnergie fossile taient denviron 29 Milliards de
tonnes pour un PIB
mondial denviron 58 000 milliards de dollars46. Le poids carbone
(limit celui de
lnergie fossile consomme) du PIB mondial tait donc de lordre de
510 grammes
de CO2 par point de PIB, variant de 140 grammes pour la France,
1400 pour la
Chine en passant par 1200 pour lInde et la Russie, 380 pour les
USA et 220
grammes pour lUE 27. Cet cart important (de 1 10 ) provient du
fait que le PIB
des pays mergents est obtenu avec un recours plus important au
charbon (trs
riche en carbone) comme source dnergie lectrique et avec des
procds
globalement moins performants. Certes lintensit carbone du PIB
mondial sest
rduite de 40% de 1970 2005, mais sur la mme priode le PIB a t
multipli par
347. Les missions totales (les seules qui comptent pour le
climat !) ont donc en gros
doubl.
Les gains defficacit nergtique raliss au cours des dernires
dcennies sur les
articles de consommation courante tels les rfrigrateurs,
aspirateurs ou micro-
ondes ont tous t plus que contrs par laugmentation quantitative
de la
consommation et par la cration de nouveaux besoins. Cest leffet
rebond mis en
vidence par lconomiste William Stanley Jevons. De 1970 2005,
lintensit
nergtique du PIB mondial sest effectivement amliore denviron
30%, mais
comme on la dit, le PIB a t multipli par 3 entranant un
doublement de la
consommation dnergie.
Si les menaces terroristes requirent pour tre comprises une
analyse complexe, il
faut souligner quil est simple de cerner la cause des menaces
cologiques. Nous y
contribuons tous de la manire la plus immdiate. Nous sommes
tous
coresponsables de la situation, tous coupables et tous innocents
en quelque sorte.
En matire climatique, par exemple, chacun dentre nous considre
comme lgitime
le droit dmettre au moins lchelle du Franais moyen pour sa
consommation,
soit de lordre de 10 tonnes de CO2eq. Cest malheureusement 5
fois trop.
Rappelons que larrt de la drive climatique ncessite de ramener
les missions 46 Donnes AIE pour le CO2 et Banque Mondiale pour le
PIB courant. 47 Source : GIEC, 4 rapport dvaluation, mai 2007.
-
environ 20 milliards de tonnes de CO2eq horizon 2050, soit
environ 2 tonnes par
habitant... Les crises cologiques globales que nous allons
affronter ne sont la
consquence que de la gnralisation lensemble de lhumanit de
conditions de
vie qui nous paraissent minimales. Il ne suffit pas dradiquer un
gaz comme les
CFC, lorigine du trou de lozone. Cest bien notre modle de
croissance
conomique qui nest pas viable, sauf considrer quil pourrait ne
pas tre
gnralis, au moins dans le confort quil permet, ce qui nest
manifestement pas
lavis des populations des pays mergents. Or ces pays ont acquis
les moyens de
faire entendre leur point de vue. Gnraliser lensemble de
lhumanit le niveau vie
du franais moyen, cest se rsoudre multiplier par plus de 3 le
PIB mondial
(passer de 60 000 milliards de dollars plus de 200 000
milliards), ce qui est
compltement incompatible avec la disponibilit des ressources
matrielles
ncessaires cette croissance. Mais voulons-nous voir cette
vidence ?
4 Lhomme une erreur de la Nature ?
Bref, lhumanit sacharne dtruire les conditions de sa propre
survie. O va-t-elle ? Pour certains, le pire est sr, ce nest quune
question de temps. Pour Jean-
Pierre Dupuy48 , nous sommes en sursis, la seule option tant de
croire la
catastrophe finale pour pouvoir en retarder lchance. Dautres
pessimistes
pourraient sinscrire tels quels dans les remarquables propos de
Machiavel49 en
1513 :
Il advient alors ce qui arrive aux mdecins dans le traitement de
la consomption :
dans les premiers stades cest une maladie facile gurir et
difficile connatre,
mais lorsquaprs quelque temps elle a fait des progrs sans tre
traite
correctement, elle devient facile connatre et difficile gurir.
Il en est de mme
des affaires dEtat : lorsquon les prvoit de loin ce qui nest
donn quaux hommes
dous de sagacit, les problmes potentiels sont bien vite rgls ;
mais lorsque par
manque de prvoyance on les laisse progresser au point quils
frappent tous les yeux
il ny a plus aucun remde.
48 Jean-Pierre DUPUY, La marque du sacr, Edition Carnets Nord,
2009. 49 Nicolas MACHIAVEl, Le Prince, Ivrea, 2001, cit par MAC
NEILL op.cit, page 470.
-
Si les gouvernements humains ne ragissent fortement quau moment
o la
catastrophe est sensible, cela ne peut qutre plus difficile
encore pour lhumanit qui
na pas de gouvernement mondial pour traiter de problmes sur
lesquels les
dirigeants nationaux nont quune prise partielle et dont les pays
ne subissent que
des consquences limites elles aussi. Il est donc fort probable
que les corrections
de tir seront bien trop tardives. Pour la drive climatique, cest
assez clair : on sait en
effet que quand on prouve ses effets les plus meurtriers, il est
trop tard pour
linverser, en raison de linertie des phnomnes physiques en
cause.
Pour dautres observateurs encore, il est trop tard parce que les
citoyens des pays
dvelopps ne pourront pas rduire rapidement et fortement leur
consommation
dnergie et que les Brsiliens, les Indiens, les Chinois et tous
les autres humains
naccepteront pas de se serrer la ceinture et de ne pas accder
rapidement nos
standards de vie, mme sil est clair que cest bien cette
gnralisation massive de
notre pression sur la nature qui est la cause de lapocalypse
annonce. Pour dautres
enfin, les mcanismes internationaux et dmocratiques sont tout
fait inadapts
pour rgler les problmes actuels et ne pourront pas tre modifis
assez vite. En un
mot, le camp des ralistes-pessimistes croit que lhumanit est
incapable
aujourdhui de faire face temps au danger le pire (cest bien de
cela quil sagit, pas
dempcher les gros ennuis). Les gains microscopiques en termes
dmission de
CO2 du protocole de Kyoto et les checs des ngociations
internationales des
annes 2009-2011 ne peuvent que renforcer le pessimisme.
Il nest qu observer le cours de lhistoire pour le constater avec
sa collection de
gnocides (industrialiss depuis 1940), ses esclavages (combien
desclaves soumis
par les occidentaux et les arabes, combien de dports aux
Antilles ?), son
colonialisme, son pillage des ressources des pays tiers, ses
violences extrmes et
gratuites, ses brutalits lencontre des animaux, ses cocides50,
le dvoiement de
ses prouesses technologiques (conqute spatiale utilise pour la
guerre des
toiles51 , cyber terrorisme et sa raction liberticide, ).
50 Franz J BROSWIMMER, Ecocide : une brve histoire de
lextinction en masse, Parangon, 2003. 51 Linitiative de dfenses
stratgique (IDS) a t lance par Ronald Reagan en 1983 en vue de
construire un bouclier de satellites contre le danger (en fait
imaginaire) dattaque
-
Lhomme un monstre ; cest parmi mille exemples lavis document de
lacadmicien
Jacques Blamont52. On se souvient aussi de la thorie dArthur
Koestler53 : la
croissance extraordinairement rapide du cerveau humain serait
responsable d'un
dangereux dfaut de coordination entre ses structures anciennes
et rcentes de ce
cerveau, d'o un divorce quasi permanent de l'motion et de la
raison. Ce diagnostic
est partag implicitement par de nombreux philosophes qui voient
dans lhomme une
erreur de la nature.
Cest au fond ce que lon peut penser naturellement quand on
observe
lindustrialisation du crime par les nazis, lorganisation des
purges staliniennes et des
dportations maostes, le dveloppement des mafias, celui de la
banalisation du
crime financier, notre indiffrence vis--vis des souffrances
animales pouvantables
vcues dans les abattoirs industriels, les dchainements de
violence comme ceux
qui ont conduit au gnocide au Rwanda, notre aptitude mettre nos
inventions
prodigieuses au service de la destruction et de la guerre,
etc.
Que lhomme soit responsable de ces actes ou pas, cest Dieu qui
lest quil existe
ou pas, et si cest le hasard, le hasard est alors monstrueux car
il a laiss natre
une crature doue de la capacit de tuer tout ce qui vit, jusquaux
conditions de sa
propre survie et, cerise sur le gteau, consciente et capable de
prvoir et de vivre
par anticipation le pire. Comment accepter que la conscience,
cette particularit
unique dans le dveloppement de la vie soit donne une crature qui
se comporte
sauf exception comme un animal froce, en toute connaissance de
cause,
contrairement aux prdateurs du rgne animal dont lextraordinaire
privilge est de
ne pas se rendre compte de leurs actes, jouissant ainsi de
lexcuse infinie de ny rien
pouvoir, puisquils sont prdateurs par destine biologique ?
Comment saimer, comment tre heureux, dans ce contexte ? Quelles
soient
dinspiration stocienne ou orientale, les traditions spirituelles
qui refont flors
aujourdhui, semblent nous inviter nous concentrer sur linstant
prsent et sur notre
transformation intrieure et chasser de lesprit nos constructions
mentales. A se sovitique, 3 ans avant la catastrophe de Tchernobyl,
qui rvla ltat de dcomposition de lempire sovitique 52 Jacques
BLAMONT, Introduction au sicle des menaces, Odile Jacob, mai 2004.
53 Arthur KOESTLER, Le cheval dans la locomotive, Calmann-Lvy,
1967.
-
replier sur soi et accepter le monde tel quil est. Nest-il pas
donc prfrable de
fermer les yeux sur le rel, pour tre heureux, ce qui est quand
mme le but de
lexistence ?
Nous ne le pensons pas. La lucidit est, plus que jamais, une
condition de survie.
Mais nous allons dabord montrer que nous commettons une faute de
logique en
prolongeant indument sur lavenir des tendances passes. Le pire
nest pas
logiquement sr.