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CHAP 3 CROISSANCE, TRAVAIL, EMPLOI
31 Quelles sont les relations entre lorganisation de la
production, la croissance et la structure des emplois ?
Nous avons vu que les gains de productivit avaient jou un rle
important dans la croissance obtenue par les pays industrialiss.
Cette hausse de la valeur ajoute ralise par un travailleur en un
temps donn a t attribue la hausse du niveau de formation des
travailleurs, linvestissement dans des quipements durables plus
efficaces, linnovation de procd et, en particulier, aux innovations
organisationnelles.
Comment lorganisation du travail peut-elle agir sur la
croissance conomique ? Comment peut-on mobiliser les travailleurs
pour quils soient plus efficaces ? En quoi la division du travail
peut-elle permettre des gains de productivit et une augmentation de
la production long terme ? Ces systmes organisationnels ne
rencontrent-ils pas des limites ?
Quels sont les effets de ces modes dorganisation sur les
travailleurs ? Adhrent-ils spontanment aux organisations qui leur
sont imposes ? Leurs conditions de travail samliorent-elles ?
Quelles sont les consquences sur leur qualification et leur mode de
rmunration ?
A Organisation scientifique du travail et gains de
productivit
1 La diffusion des mthodes de travail scientifiques dans
lindustrie
a) Division technique du travail et gains de productivit
Au cours de lhistoire, on a assist au passage de lautonomie
lhtronomie. Les individus taient autrefois capables de raliser la
quasi totalit des produits quils consommaient alors que de nos
jours nous dpendons pour notre survie de la production des autres.
En consquence, on a assist une accentuation progressive de la
division sociale du travail (diversification des fonctions
sociales, des catgories sociales, des mtiers) et de la division
technique du travail (spcialisation dans des tches particulires au
sein de la production).
Cette accentuation de la division du travail est passe par trois
tapes dans lindustrie :
1re tape (XVIIme-XVIIIme sicles) : Cest le rgne du domestic
system qui voit les agriculteurs et les artisans raliser des biens
en famille, avec une faible division du travail, biens qui seront
vendus un marchand. De nos jours, ce mode de production artisanal
subsiste : il ny a pas de division technique du travail, le
travailleur fait la totalit du produit. Il passe beaucoup de temps
aux diffrentes phases de la production. Dans ce cas, il sagit dun
travail caractris par un savoir faire , un produit de qualit, ralis
en petite srie, coteux et rserv aux plus riches.
2me tape : Au XVIIIme sicle, la manufacture se dveloppe. Un
marchand-capitaliste ou lEtat (dans le cas du Colbertisme)
rassemble des artisans dans un mme lieu pour produire des biens de
luxe (exemple : la tapisserie des gobelins en France).
3me tape : Au XIXme sicle, le factory system, cest--dire lusine,
devient le mode dorganisation dominant. On transforme la
manufacture en accentuant la division technique du travail (les
ingnieurs mettent en place lorganisation productive et les ouvriers
excutent) et en y ajoutant des machines complexes. A cette poque,
ce sont des ouvriers professionnels qui dterminent les mthodes de
travail et le rythme de son accomplissement. Ces ouvriers de mtiers
bnficient dune certaine autonomie et ne sont pas encore spcialiss
dans des tches rptitives. Ils ont un esprit de corps et sont
souvent fortement syndiqus. Ce nest qu la fin du XIXe sicle que
Taylor va sattaquer ce type dorganisation.
Cette mise en usine sest traduite pour les travailleurs par une
dpendance (ils deviennent salaris), une soumission lordre patronal
(la rglementation de lusine, le rythme de la machine, le respect de
la ponctualit) mais aussi par la naissance dun collectif de travail
(des travailleurs runis dans un mme lieu dfendant leurs
intrts).
C'est Adam Smith, dans Recherche sur la nature et les causes de
la richesse des nations (1776) qui, en dcrivant la division
technique du travail dans une manufacture d'pingles (exemple
emprunt lencyclopdie de Diderot), va souligner l'effet positif de
la division technique du travail sur les gains de productivit. En
divisant la fabrication dune pingle en 18 oprations, on obtient une
augmentation considrable de la productivit pour trois raisons :
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Leffet d'apprentissage (learning by doing) : En rptant sans
cesse les mmes gestes, les salaris acquirent de l'habilit. Ils
ralisent le produit en moins de temps ;
La rduction des temps morts (la porosit du travail ) : en se
spcialisant, les travailleurs rduisent les temps de fabrication
quils perdaient entre deux oprations (changement d'outils,
dplacements). Le travail devient ainsi plus intense ;
La mcanisation : la simplicit des oprations permet d'inventer
des machines simples qui aideront le travailleur tre plus rapide.
La parcellisation rend le travail mcanisable.
Cette description de la division du travail dans une
manufacture, va tre critique par Karl Marx (1818-1883) et Stephen
Marglin (1974).
D'une part, Adam Smith surestime les pertes de temps lis la
rotation des tches. D'autre part, la division parcellaire
s'accompagne d'un abrutissement des ouvriers qui les empchera
d'tre innovants et productifs, ce quAdam Smith avait reconnu en
son temps. Enfin, Adam Smith, sur le troisime avantage, confond
division technique et division sociale.
L'innovation ne peut provenir que d'une division sociale entre
savants et producteurs. Quant la division technique, elle sert,
selon Karl Marx, accrotre l'exploitation des travailleurs en
diminuant le prix des produits de subsistance et par l mme les
salaires.
b) Taylorisme et gains de productivit
1. Frederik Winslow Taylor (1856-1915), fils de pasteur, va
commencer sa carrire comme ouvrier. Il observe la tendance la
flnerie systmatique des ouvriers de mtiers qui ne sont pas incits
accrotre leur productivit. Il engage donc une dmarche fonde sur
lobservation douvrier dans une usine afin de dfinir une dmarche
scientifique permettant damliorer la productivit du facteur
travail. Une fois devenu ingnieur, en 1893, Taylor va codifier ses
principes dans deux livres : Shop management (1903) et The
Principles of Scientific Management (1911). Il va mettre en place
une organisation scientifique du travail (OST) qui est cense
rsoudre un double problme :
Les ouvriers professionnels ont tendance cacher la direction
leur savoir faire pour matriser le rythme de leur travail ;
L'arrive dans les usines amricaines d'un grand nombre de
travailleurs migrants peu qualifis ;
2. Pour discipliner ces ouvriers et augmenter leur productivit,
F.W.Taylor met en place une double division du travail :
Une division verticale du travail entre les tches de conception
et les tches d'excution. L'laboration des mthodes de travail est
dsormais confie des ingnieurs du bureau des mthodes qui :
Etudient scientifiquement tous les gestes des ouvriers ; Les
simplifient en adoptant les outils au geste accomplir ; Imposent la
bonne faon de faire aux ouvriers qui ne sont pas l pour penser :
the one best way ;
Division technique du travail
Habilet plus grande
Diminution des temps morts
Mcanisation des tches simples
Hausse de la productivit
Baisse du temps de travail pour faire le produit
Baisse du cot salarial unitaire
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Chronomtrent le temps ncessaire laccomplissement de la tche pour
dterminer le niveau de productivit.
Imposent une norme de productivit chaque ouvrier quil doit
respecter. Si ce nest pas le cas, il aura des amendes. Sil la
dpasse, il sera rcompens par des primes. Le mode de production est
donc organis en amont par ces services spcialiss qui ont pour
mission dorganiser de manire scientifique le mode de production qui
sera adopt par lentreprise. En aval, il ne restera plus aux
services oprationnels qu appliquer les recommandations faites par
le bureau des mthodes (louvrier devient alors un simple
excutant).
Une division horizontale du travail qui consiste parcelliser les
tches en oprations lmentaires qui pourront tre confies des ouvriers
spcialiss ne ncessitant aucune qualification ni aucune rflexion
(l'ouvrier n'est pas l pour penser selon les mots de F.W.Taylor).
En consquence, lentreprise organise sa production dans lespace de
manire faciliter lexcution de ces tches lmentaires (le poste de
travail doit tre ergonomique afin de faciliter le travail de
louvrier).
3. Pour faire adhrer les ouvriers sa mthode rationnellement
pense, F.W.Taylor impose le salaire au rendement ou aux pices qui
lie, de faon non proportionnelle, l'augmentation des salaires aux
gains de productivit. Ainsi, Taylor peut la fois satisfaire la
principale motivation des travailleurs, qui selon lui, est la
hausse des salaires et obtenir une baisse du cot salarial unitaire
qui accrot les profits.
Cot salarial unitaire = Salaires bruts horaire/Productivit
horaire
Chez la Midvale Steel Co., ses tudes demandrent beaucoup de
temps et de travail, mais les rsultats furent spectaculaires. Il se
mit observer les ouvriers, dcomposer leurs gestes, les chronomtrer,
afin de trouver comment rduire leurs mouvements au minimum. Par
exemple, la manutention des gueuses de fontes, les ouvriers purent
manipuler sans effort supplmentaire 48 tonnes par jour contre 12,7
tonnes auparavant. Les gains de productivit furent tels que les
salaires, ont pu tre au final augments de 60%
4. Ainsi, avec sa mthode, Taylor parvient chasser les temps
morts, lutter contre le gaspillage de manire rendre chaque minute
de travail productive. Il accrot la productivit des ouvriers tout
en rduisant leur fatigue par son utilisation de lergonomie
(adaptation des gestes, de la machine lhomme ou de lhomme la
machine). Benjamin Coriat, dans LAtelier et le chronomtre (1982)
fait observer que le taylorisme est, aux Etats-Unis, une machine de
guerre contre le syndicalisme de mtier de l'AFL. Il permet
d'intgrer les vagues d'immigrants peu qualifis de la fin du XIXe
sicle. Mais il ne sera dfinitivement adopt qu' l'occasion de la
Premire guerre mondiale dans les autres pays industrialiss.
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c) Fordisme, gains de productivit et croissance
1. Henry Ford (1863-1947), industriel amricain, au dbut du XXe
sicle, va prolonger le taylorisme en imposant, partir de l'exemple
des abattoirs de Chicago, le travail la chane qui prsente les
caractristiques suivantes :
Les pices et le produit faire sont amens par un convoyeur qui
limine les temps morts dus au dplacement ;
La productivit des ouvriers de lusine est unifie par la cadence
du convoyeur qui relie tous les postes de travail. Il suffit
daugmenter la cadence de la chane pour rduire le temps de
fabrication ;
La parcellisation des tches est ramene un seul geste rpt des
milliers de fois. Le fordisme est donc un prolongement du
taylorisme ;
Les pices et le produit sont standardiss (le modle unique de la
Ford T de couleur noire) de telle faon que les ouvriers spcialiss
ne perdent pas de temps dans leur adaptation aux outils et aux
tches accomplir.
2. De plus, Henry Ford, pour sassurer de la stabilit et de la
qualit de ses approvisionnements, va mettre en place une intgration
verticale de sa production. Ford fabrique son lectricit, son acier,
ses outils, sa peintureIl matrise toute la chane de la production
de lamont laval. Cette concentration verticale prsente deux
avantages :
Il rduit lincertitude quil aurait pu avoir sur le respect des
dlais et sur la qualit des biens et services produits par des
fournisseurs extrieurs lentreprise.
Il rcupre les marges bnficiaires de ces fournisseurs extrieurs
ce qui lui permet daugmenter ses profits tout en comprimant le cot
de production et le prix du produit.
Ce modle dintgration verticale va simposer aux grandes
entreprises des annes vingt la fin des trente glorieuses car il a
lavantage de relier production de masse et consommation de masse
:
En premier lieu, pour que la chane soit efficace, il faut
produire des objets absolument identiques, des objets standardiss.
Il en rsulte des conomies dchelle importantes dues lamortissement
du matriel sur de longues sries, lachat massif et donc, prix rduit,
de matires premires, etc.
En second lieu, la standardisation, les conomies dchelle et la
hausse de la productivit qui en rsultent, permettent de produire en
masse des objets de moins en moins coteux donc de plus en plus
abordables pour les acheteurs.
Gains de productivit
Baisse du cot unitaire
Hausse des profits
Baisse des prix
Hausse des salaires rels
Investissements nets
Hausse de la consommation
Hausse de la production
Standardisation des pices
Travail la chane
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3. Au dbut les travailleurs contestent cette nouvelle
organisation et manifestent leur refus de diffrentes faons :
Par un absentisme lev qui oblige lentreprise recruter des
remplaants ; Par des malfaons qui obligent lentreprise refaire les
produits ou les mettre au rebut ; Par une rotation du personnel
importante ( turn-over ) due aux dparts volontaires, ce qui
augmente
les cots d'embauche. Ford est ainsi oblig dembaucher, en 1913,
53 000 personnes pour occuper 15 000 postes de travail ;
Par des grves des ouvriers spcialiss qui freinent la production
ce qui augmentent les cots unitaires de production.
4. Pour stabiliser les effectifs salaris, Henry Ford va utiliser
les gains de productivit dgags par sa mthode de trois faons
diffrentes :
En augmentant les salaires, moins vite cependant, que les gains
de productivit. Le Five dollars day fait passer le salaire de deux
dollars par jours 5 $ en 1914, 6 $ en 1919 et $ en 1929 ;
En diminuant la dure du travail (de 9 h par jour 8 h en 1914) ;
En diminuant le prix de sa Ford T afin de la rendre accessible aux
classes populaires. Le temps
dassemblage de la Ford T est divis par 6 ce qui permet une
baisse des cots de production rpercute dans de vente qui passe de
850 dollars 260 dollars et daugmenter les ventes de 200 000 avant
1914 plus dun million en 1920 et 5 millions en 1929.
5. Le Fordisme parvient ainsi concilier production de masse et
consommation de masse, rserve toutefois une lite ouvrire
slectionne. Lcole de la rgulation (Michel Aglietta, Bernard
Billaudot, Robert Boyer, Benjamin Coriat, Alain Lipietz) a ainsi
qualifi le rgime de croissance des Trente glorieuses de mode de
rgulation fordiste ou monopoliste car la croissance reposait
notamment sur la transformation en hausses de salaire des gains de
productivit trs importants de la priode (5% par an en France par
exemple). Ses effets positifs ont t nombreux :
Croissance rgulire et quilibre des trente glorieuses ; Hausse
rgulire des niveaux de vie, en particulier celui de la classe
ouvrire ; Transformation des modes de vie : allgement des tches
domestiques grce aux quipements
lectromnagers, dveloppement de la civilisation de lautomobile,
des moyens de communication de masse (radio, tlvision, etc.).
Mais, partir des annes 70, ce modle de dveloppement semble
rencontrer des limites importantes qui vont avoir pour consquence
une remise en cause des principes mme du taylorisme et de
lorganisation du travail la chane.
OST
Taylorisme
Fordisme
Division verticale
Division horizontale
Salaire aux pices
Travail la chane
Standardi-sation
Five Dollar Day
Gains de productivit
Production de masse
Economies dchelle
Baisse du prix
Hausse du pouvoir dachat
Consommation de masse
Baisse du cot unitaire
Rgulation Fordiste
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Ces limites sont de natures diverses.
Limites sociales : la motivation des salaris reposant sur le
simple critre du salaire est remise en cause du fait de la
parcellisation des tches qui rend le travail peu gratifiant et
dmotivant. Le taux dabsentisme augmente donc rgulirement au fur et
mesure que la recherche de nouveaux gains de productivit se traduit
par une augmentation des cadences de production.
Limites technologiques : lorganisation du travail la chane se
traduit par une forte rigidit des processus productifs qui sont
alors difficilement adaptables dans un contexte ou la consommation
de masse laisse la place un dsir de personnalisation de lacte de
consommation de la part des clients (consommation diffrencie).
Limites conomiques : la productivit globale tend plafonner suite
dune part la baisse de motivation des personnels, la qualit moyenne
des biens conomiques ainsi produits (les critres quantitatifs
lemportent sur les critres qualitatifs) et la saturation des
principaux marchs de consommation de masse.
La crise des annes 70 rvle les limitent de ce modle
dorganisation de la production puisque les entreprises ne peuvent
plus dans un contexte de fort ralentissement de la croissance
conomique fonder leur mode de production uniquement sur la
recherche de gains de productivit.
2 Crise de lOST et nouvelles formes dorganisation du travail
(NFOT)
a) Crise du travail et puisement des gains de productivit : la
1re crise du Fordisme
1. Durant les Trente glorieuses , les principes tayloriens et
fordiens ont permis une croissance parallle de l'offre et de la
demande (la norme de consommation fordiste), tout en intgrant une
main-duvre peu qualifie d'origine rurale ou immigre. Pourtant, la
fin des annes 60, un certain nombre d'indicateurs annoncent
l'puisement du modle :
La monte des grves la fin des annes 60 (la rvolte des OS en mai
68) qui se traduisent par une baisse des recettes des entreprises.
Les jeunes ouvriers sont plus qualifis (ils ont prolong leurs
tudes) que les anciens et nacceptent pas dtre traits comme des
machines.
La monte de labsentisme (plus de 10% des salaris absents par
jour) qui oblige les firmes embaucher des remplaants, ce qui
augmente les cots salariaux.
La croissance du turn-over, cest--dire la dmission volontaire
des ouvriers qui doivent tre remplacs ce qui augmente les cots
dembauche et de formation.
La hausse des malfaons (10% des voitures sont renvoyes en dbut
de chane) ce qui accrot les cots de fabrication.
2. Cette crise, annonce ds les annes 20, par l'Ecole des
relations humaines (Elton Mayo) et par Georges Friedman ( Le
travail en miettes ) (1956) qui dnonaient l'abrutissement,
l'alination le travailleur est dpossd de ses outils de production,
de son savoir-faire, de son produit et de son humanit) et la
dmotivation provoqus par l'OST, s'est traduite par une baisse des
gains de productivit, cest--dire par une moindre hausse de la
productivit du travail et du capital (sous utilisation de
l'quipement, recul du travail post, puisement des ouvriers... ),
une augmentation des cots et par une baisse de la comptitivit des
firmes au moment o la concurrence se faisait plus vive. Le partage
salaire-profit se fait au dtriment des profits cette poque.
Hausse du cot unitaire
Baisse du taux de profit
Baisse des gains de
productivit
Grve des OS
Turn-over
Absentisme
Malfaons
Perte de production
Cot dembauche
Cot du remplaant
Cot de la retouche
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b) Transformation des marchs et crise de la norme de
consommation fordiste : La 2me crise du Fordisme
3. La crise du Fordisme va s'accentuer dans les annes 1980
lorsqu'un certain nombre de rigidits vont apparatre :
Dune part, la demande des biens de consommation de masse
traditionnels (voiture, tlvision) commence se saturer car la
quasi-totalit des mnages en est quipe. On entre alors dans lre du
renouvellement qui est cyclique. La demande devient instable.
Dautre part, les consommateurs veulent se diffrencier en
fonction de leur ge, de leur sexe, de leur statut social, de leurs
gots. La demande est donc de plus en plus individualise.
Enfin, la demande se diversifie avec lapparition de nouveaux
concurrents sur le march international (les japonais cette
poque).
4. En consquence, les usines doivent devenir flexibles
cest--dire capables de sadapter aux variations de la demande. Les
firmes vont donc procder deux types dinvestissements :
Des investissements de productivit qui substituent le capital au
travail en automatisant une partie de la production afin de pouvoir
programmer les machines en fonction des modles qui circulent sur la
chane.
Des investissements immatriels en recherche et en marketing pour
raliser et promouvoir de nouveaux modles adapts la demande qui vont
frapper dobsolescence les anciens modles et acclrer le cycle du
produit.
5. Ces modification des ateliers va remettre en cause lOST car
les ouvriers doivent dsormais tre capables de contrler et de rparer
lquipement afin quil soit occup 100% alors que Taylor dniait toute
capacit de rflexion aux ouvriers. Le Fordisme, bien adapt pour une
production en grande srie d'un produit peu diffrenci et de qualit
moyenne (le modle T de Ford), se rvle incapable d'affronter la
comptitivit structurelle qui suppose des produits de qualit adapts
la demande et fabriqus en petite srie. Un nouveau modle
d'organisation va donc s'imposer en provenance du Japon.
c) Le Toyotisme et les nouvelles formes dorganisation du travail
(NFOT)
1. La remise en cause du modle fordiste repose sur la ncessit de
faire voluer le mode de production auparavant focalis sur la seule
recherche de gains de productivit. Les volutions des modes de
consommations poussent les entreprises revoir ce type dorganisation
en recherchant :
Une organisation de lentreprise pilote par laval : la production
rpond une demande relle est nest plus ralise partir dune demande
anticipe.
La recherche de flexibilit de la chane de production : pour
rpondre une demande de plus en plus diffrencie exprime par le
consommateur. De ce fait, lorganisation du travail doit aussi
favoriser linitiative des fonctions oprationnelles pour diminuer le
temps de raction de lentreprise.
La recherche de la qualit : cet lment devient un principe
incontournable du fait de lexigence croissante des consommateurs
dus par la faible qualit des produits raliss dans le cadre dune
approche quantitative de la production.
De nouvelles formes de motivations du personnel : qui ne passe
plus simplement par la motivation salariale mais par
lenrichissement des tches (qui dpasse de simples fonctions
oprationnelles),
Pilotage de lamont
vers laval
Production en grandes
sries
Produit standardis
Rigidit de lintgration
verticale
Mauvaise adaptation
une demande changeante et
diversifie
Sous utilisation du capital fixe
Cots de stockage
importants
Perte de comptitivit et baisse du
taux de profit
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llargissement des tches (la spcialisation du salari est remise
en cause) et la rotation des postes (pour lutter contre la
monotonie du travail).
Ces nouveaux modles dorganisation du travail sinspirent des
procds dvelopps principalement par les entreprises japonaises et
sont regroups sous lappellation de Toyotisme (en opposition au
fordisme ). Ils vont tre ensuite repris et adapts par les
entreprises amricaines et europennes.
2. Tachi Ohno, ingnieur japonais chez Toyota dans la deuxime
moiti du XXe sicle, constate que les mthodes amricaines ne vont pas
jusqu'au bout de leur raisonnement dans la chasse aux cots de
production inutiles.
D'une part, elles entretiennent, en amont, au cur et en aval du
processus de production, des stocks trs importants qui cotent cher
organiser : cot des matires premires immobilises, cot de la main
d'uvre spcialise dans le stockage, cot de l'emplacement des
stocks,...
D'autre part, la demande doit s'adapter l'offre des entreprises
sans que les consommateurs puissent se faire entendre. Toyota va
donc exprimenter une nouvelle organisation de la production fonde
sur plusieurs grands principes :
Dsormais, loffre doit s'adapter la demande et non l'inverse. Une
production diffrencie, en petite srie, va ainsi tre mise en place
pour rpondre aux gots varis des consommateurs. Le changement et
lamlioration doivent donc tre permanent (le Kaizen ) afin dviter
les gaspillages ( Muda ).
L'autonomation : cest un nologisme cr partir d'automation et
d'autonome. C'est la capacit d'une machine s'arrter ds qu'elle
rencontre un problme. Cela permet l'ouvrier de ne pas surveiller
constamment cette machine et donc de pouvoir travailler sur
plusieurs machines. C'est donc un instrument qui lve la productivit
d'une faon trs importante. Dans le mme temps, louvrier peut arrter
le processus de production sil saperoit de dysfonctionnements. La
correction du problme est moins coteuse que lentassement de
produits mal conus.
Le juste temps ou flux tendus ou lean production : L'aval de la
production commande l'amont (c'est--dire que l'entreprise a
toujours les stocks justes ncessaires et assure donc sa production
selon les commandes, ce qui permet de diminuer des dpenses inutiles
en achetant trop de stocks). On ne met en production que les biens
qui ont t commands. L'ensemble des pices, ncessaires pour raliser
le produit final, arrivent au moment prcis o elles doivent tre
transformes et le consommateur reoit le produit qu'il a command
dans le dlai le plus bref possible. L'ensemble de l'information
circulant grce la mthode Kanban (cartons puis code barre sur les
pices, puis circulation informatise). La circulation de
linformation dans lentreprise est la fois verticale (mais cette
fois-ci en partant de laval) mais aussi horizontale Cette mthode se
traduit par les cinq zro :
Les stocks de matires premires et de produits finis sont
considrablement rduits (zro stock) ; L'attente des produits pour la
firme et pour le consommateur est limite (zro dlai) ; La
circulation de l'information ne passe plus par le papier (zro
papier) ; Les ouvriers sont obligs de vrifier le bon fonctionnement
des machines pour que la production ne
soit pas interrompue (zro panne) ; Les ouvriers sont obligs de
surveiller la bonne ralisation du produit pour que la qualit soit
totale
(zro dfaut).
Le travail en team ou teamwork : Le fordisme tait fond sur une
dfinition des tches par ouvrier. La tche tait dlimite par la
vitesse laquelle la production devait tre ralise. Louvrier avait un
temps limit pour accomplir sa tche. En rduisant ce temps, on
pouvait augmenter sa productivit. Mais, un moment, on ne plus
augmenter la vitesse dexcution de la tche. C'est pourquoi Toyota
dfinit les tches en groupe. Cela veut dire que la rationalisation
ne porte pas sur la minute qu'un ouvrier travaille une voiture,
mais sur les dix minutes que le groupe de dix hommes ont pour
raliser les oprations la voiture. On va pouvoir ainsi rduire au
maximum les temps morts car la pression du groupe et le partage des
tches vont permettre un travail plus intense.
La polyvalence des travailleurs : aux tches de fabrication,
sajoutent les tches de programmation, dentretien, de surveillance
des machines et du produit. Ceci se traduit par une recomposition
des tches qui donne plus de responsabilits aux ouvriers, ce qui qui
devrait les motiver davantage. On a donc :
Une rotation des tches : l'ouvrier change de poste de travail
pour viter la rptition des tches ; Llargissement des tches : le
salari fait plusieurs oprations au lieu d'une ; Lenrichissement des
tches : aux tches d'excution s'ajoutent des tches de prparation
de
programmation, det de contrle ; Le travail en groupe
semi-autonome les ouvriers sorganisent entre eux pour se rpartir
les tches
condition de remplir les objectifs de production.
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Le management participatif : les constructeurs nippons ont
encourag leurs salaris proposer des suggestions pour amliorer la
qualit de la productivit (le Sanp utilis pour motiver les
travailleurs pendant la Seconde guerre mondiale).
Les cercles de qualit ou de productivit runissent ouvriers et
cadres pour rflchir ensemble sur les innovations possibles. La
bonne ide sera rcompense par des primes ou un bonus.
Enfin, Toyota a dvelopp un systme de promotion interne
permettant aux travailleurs de s'lever dans la hirarchie : les
temporaires obtiennent des contrats dure indtermine, ceux-ci
deviennent chefs de team, puis contrematres, enfin passent cadres.
Avec le management participatif, l'ouvrier devient en quelque sorte
un petit manager, celui qui est responsable de la bonne production
du team et qui se bat pour les objectifs fixs au groupe.
La sous-traitance : Toyota se concentre sur la conception des
modles, l'assemblage des voitures et la fabrication de quelques
pices essentielles comme les moteurs. Le reste est sous-trait. Le
but est double. D'abord, il s'agit de diminuer les cots des
approvisionnements. Les salaires des ouvriers dans la
sous-traitance sont effectivement plus bas (absence de syndicats et
davantages sociaux). Cette situation est employe par Toyota pour
exiger de ces sous-traitants des baisses continuelles de prix, qui
sont alors reportes sur le dos des travailleurs par une
exploitation plus froce. Ensuite, Toyota s'adapte aux variations de
la demande grce la sous-traitance. S'il y a une chute de la
production, Toyota envoie alors ces salaris chez les sous-traitants
de premier rang. Ceux-ci font de mme avec les sous-traitants de
second ordre. Et c'est au bas de l'chelle qu'on limine des emplois
et quon emploie des travailleurs prcaires.
+ +
3. Le Toyotisme s'est mis en place progressivement, de faon
exprimentale, en une vingtaine d'annes. Il a rencontr, au dpart,
une hostilit des travailleurs qualifis qui contestaient leur
dspcialisation. Il s'est impos au moment de la guerre de Core avec
des contreparties pour les ouvriers : emploi vie, salaires
l'anciennet, bonus en fin d'anne dans les grandes entreprises
seulement. Il s'est rpandu ensuite dans le monde entier mais dans
un contexte socio-conomique diffrent.
4. Ce Toyotisme se traduit la fois par une plus grande
reconnaissance du savoir-faire ouvrier et par une plus grande
intensit de son travail : fatigue nerveuse, troubles musculaires,
hausse des cadences...
D'un ct, le Toyotisme semble s'opposer au taylorisme :
recomposition des tches, qualification et responsabilisation des
ouvriers, priorit la demande et flexibilit de l'offre...
Le toyotisme met partiellement en cause la division verticale du
travail entre tches de conception et tches d'excution. La matire
grise et l'initiative des ouvriers sont sollicites. Il en rsulte
une diminution de l'encadrement hirarchique et une coopration entre
les ingnieurs, la matrise et les ouvriers.
Le toyotisme s'attaque galement la division horizontale du
travail en recomposant en partie le travail. La polyvalence des
tches se traduit par une plus grande qualification des ouvriers qui
doivent la fois prparer, produire, entretenir et contrler.
Le toyotisme remet en cause la rigidit des lignes de production.
Les ateliers flexibles vont produire en petite srie des biens
adapts aux variations de la demande en quantit et en qualit. Par
une diffrenciation retarde (la diffrence est monte en fin de chane)
et une modularit (options), le toyotisme rpond une demande de
varit.
Toyotisme
Flexibilit de la production
Amlioration permanente
Flexibilit des salaris
Autonomation
Sous-traitance
Juste temps et 5
zros
Polyvalence
Travail en groupe
Cercles de qualit
-
Le toyotisme renverse l'ordre des priorits. Ce n'est plus la
demande qui doit s'adapter l'offre de produits standardiss fabriqus
en masse et stocks lorsque la demande faiblit. C'est l'offre qui
doit s'ajuster au plus prs de la demande sans stocks.
D'une autre ct, le Toyotisme semble tre le prolongement du
taylorisme : recherches de gains de productivit, cadences des
machines automatiques, diminution des temps mortsLe toyotisme est
plus un no-taylorisme quun post-taylorisme.
TAYLORISME-FORDISME
TOYOTISME
Les ouvriers Spcialiss Polyvalents Les tches Parcellises,
Rptitives Enrichies, Flexibles Gestion de la main-duvre Encadrement
Gestion participative Lattitude vis--vis de la hirarchie Obissance
Initiative Travail A la chane, Post En quipe Qualification Faible
Comptence Motivation Le salaire Le salaire et le mtier Pilotage de
la production Par lamont Par laval Type de production Standardise,
de masse Diffrencie et modulable Qualit du produit Mdiocre Qualit
totale Circulation de linformation Verticale Verticale et
horizontale Lorganisation Rigide Flexible Les stocks Importants
Rduits
3 La coexistence des formes d'organisation du travail et de la
production
a) - Les quatre formes d'organisation du travail
1. De nos jours, l'essentiel de la production s'opre dans les
services. Le travail dans ce secteur a lui aussi connu un processus
de rationalisation qui diffre selon le type de service :
Dans les services simples (les caisses de supermarch, la
restauration rapide, la dactylographie, le centre d'appel...), on
va copier les mthodes de l'industrie. Le travail est standardis,
tayloris, mcanis comme dans l'industrie. On assiste un "processus
de rationalisation industrielle".
Dans les services complexes (les dossiers de crdit, un contrat
d'assurance, l'tablissement d'un contrat commercial, la gestion
d'un patrimoine financier...), le salari dispose de procdures
standardises (contrat type) mais il dispose d'une autonomie pour
rsoudre les cas particuliers la condition de remplir ses objectifs.
On a faire un processus de "rationalisation professionnel".
2. Ainsi, si la globalisation de lconomie reprsente un facteur
duniformisation organisationnelle, la spcificit des systmes
socio-productifs et institutionnels nationaux demeure. Tous les
systmes dorganisations actuels ne sont pas toyotistes. Une
classification des principales formes dorganisation du travail en
vigueur en Europe a t effectue. Elle met en vidence quatre classes
bien distinctes :
Les organisations du travail apprenantes regroupe 39 % des
salaris de la population tudie. Ceux-ci disposent dune forte
autonomie dans le travail, autocontrlent la qualit de leur travail
et rencontrent frquemment des situations dapprentissage et de
rsolution de problmes imprvus. Ils sont relativement nombreux
travailler en quipe. Ils exercent le plus souvent des tches
complexes, non monotones et non rptitives et subissent peu de
contraintes de rythme. Cette classe sapparente au modle
sociotechnique sudois, fond sur le principe dquipes autonomes qui
sauto-organisent pour raliser les objectifs tablis avec la
hirarchie (cest le modle de Volvo ou Uddevalisme ). Les formes
apprenantes sont particulirement dveloppes dans les services pour
les salaris des banques et assurances, des services aux entreprises
et du secteur de llectricit, gaz et eau qui ont une forte
proportion de cadres.
Les organisations du travail au plus juste (28 % des salaris)
prsente une forte diffusion du travail en quipe, de la rotation des
tches et de la gestion de la qualit (autocontrle de la qualit et
respect de normes de qualit prcises). Elle correspond typiquement
au modle du juste temps ( lean production ) qui combine travail en
groupe, polyvalence, qualit totale et flux tendus.
Simultanment,
-
les salaris se voient imposer des contraintes de rythme
particulirement lourdes et excutent des tches souvent rptitives et
monotones. Si, comme dans les organisations apprenantes, ils sont
souvent confronts des situations dapprentissage et de rsolution de
problmes imprvus, ils bnficient en revanche de bien moindres marges
dautonomie dans leur travail. Cette autonomie modre sexerce sous de
fortes contraintes de rythme et de normes de qualit. Il sagit donc
dune autonomie contrle que les employeurs suscitent pour concilier
contrle managrial et mobilisation de linitiative et de la crativit
des salaris. Les formes au plus juste sont les plus diffuses parmi
le personnel des activits industrielles, notamment la fabrication
de matriels de transport, la fabrication lectrique et lectronique,
les industries du bois, papier et car ton, et ldition et
imprimerie. On peut aussi les trouver dans les services de la
grande distribution.
Les organisations du travail tayloriennes (14 % des salaris)
soppose dans une large mesure celle des organisations apprenantes.
Comme dans les organisations au plus juste, les individus sont
soumis dimportantes contraintes de rythme, effectuent des tches
rptitives et monotones et sont astreints des normes de qualit
prcises. Mais, contrairement la classe prcdente, leur travail
prsente une faible autonomie, un faible contenu cognitif et
lautocontrle de la qualit y est peu rpandu. Cette classe relve du
modle taylorien dorganisation du travail, dans ses formes
classiques, mais aussi dans ses formes assouplies en taylorisme
flexible , comme le suggre la frquence relative des pratiques de
rotation des tches. Les formes tayloriennes sont surtout prsentes
parmi les salaris des industries du textile, habillement et cuir,
de lagro-alimentaire, du bois, papier et carton, et de la
fabrication de matriels de transport et les services simples.
Les organisations du travail de structure simple (19 % des
salaris) tend sopposer celle des organisations au plus juste. Le
travail en quipe, la rotation des tches et la gestion de la qualit
y sont peu diffuss. Le travail y est peu contraint dans ses rythmes
et peu rptitif, mais relativement monotone et faible contenu
cognitif. Cette classe sapparente au modle des organisations de
structure simple (Mintzberg, 1982) dfinies par une faible
formalisation des procdures et un mode de contrle par supervision
directe. Enfin, les formes de structure simple se rencontrent
principalement chez les personnels des activits de services,
notamment les transports terrestres et les services aux
particuliers.
b) - Les nouvelles formes d'organisation de la production :
l'entreprise en Lego
2. Les socits amricaines et europennes ont adopt de nouvelles
formes d'organisation de la production dans les annes 1980 de la
faon suivante :
Dans la plupart des entreprises actuelles, les membres du comit
de direction ont remplac les ingnieurs du bureau des mthodes, mais
le schma reste quasi identique, appliqu grande chelle dans les
multinationales : le sige dtermine la manire de procder, et
celle-ci est ensuite dploye filiale aprs filiale, avec des marges
d'adaptation souvent extrmement rduites. "Le modle
-
d'organisation trs centralis, hrit du taylorisme, reste trs
prsent dans les industries de masse comme l'automobile ou certains
secteurs des services comme les banques.
Mais il existe galement aujourd'hui un autre modle, privilgiant
l'initiative, et adopt par les entreprises dont la priorit est de
s'adapter rapidement des marchs trs changeants. Danone, par
exemple, a opt pour une structure trs souple, o les patrons de
filiales disposent d'une grande latitude pour adapter la
fabrication ou le marketing aux considrations locales. " Cette
dcentralisation du pouvoir, certes relle, ne donne les coudes
franches qu' une poigne de cadres dirigeants et d'experts tris sur
le volet. Les autres salaris, notamment la grande masse des cadres,
doivent composer avec une capacit d'initiative relative
Le travail quipe et le juste temps, qui concernaient les
ouvriers, ont t tendus aux cadres. On leur enjoint d'tre autonomes,
mais on leur demande dans le mme temps de suivre des procdures
extrmement dtailles dans la plupart des situations. Certaines
entreprises dcrivent mme par crit leurs commerciaux comment ragir
quand ils reoivent un cadeau ! Les cadres passent de surcrot un
temps grandissant rendre des comptes par le biais de procdures de
"reporting" de plus en plus dtailles. La gnralisation des
progiciels de gestion intgre (ou ERP pour "Enterprise resource
planning"), en permettant une remonte quasi instantane des
informations concernant la production la direction, a galement
accru le sentiment de surveillance. Autant d'lments qui concourent,
aux yeux d'Eric Roussel, une relative taylorisation du travail des
cadres.
Cette mthode industrielle a t transplante dans les entreprises
du secteur tertiaire marchand ; Linformatisation de la circulation
de linformation a t systmatise ; Les diffrents produits incorporent
des modules identiques qui sont produits en masse ce qui permet
de dgager dimportantes conomies dchelle (ainsi les voitures de
Renault et celles de Nissan sont montes sur le mme chssis et
bnficient des mmes moteurs).
L'entreprise renonce faire tout soi mme. Elle fait faire par
intervenants extrieurs (sous-traitants, socits de services...). On
aboutit ainsi, selon le terme de Suzanne Berger ( Made in Monde
Seuil 2006), une entreprise en Lego qui externalise au maximum ses
activits productrices en les confiant des sous-traitants et en se
rservant la conception des produits, le marketing et,
ventuellement, leur distribution (Nike est ainsi une entreprise
sans usines ). Cette organisation a bien videmment des rpercussions
sur les formes de l'emploi (dveloppement des emplois prcaires, des
horaires modulables...).