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Société Française de Musicologie Chansons populaires de la Grece antique Author(s): Samuel Baud-Bovy Source: Revue de Musicologie, T. 69e, No. 1er (1983), pp. 5-20 Published by: Société Française de Musicologie Stable URL: http://www.jstor.org/stable/928714 Accessed: 24/12/2009 07:04 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of JSTOR's Terms and Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp. JSTOR's Terms and Conditions of Use provides, in part, that unless you have obtained prior permission, you may not download an entire issue of a journal or multiple copies of articles, and you may use content in the JSTOR archive only for your personal, non-commercial use. Please contact the publisher regarding any further use of this work. Publisher contact information may be obtained at http://www.jstor.org/action/showPublisher?publisherCode=sfm. Each copy of any part of a JSTOR transmission must contain the same copyright notice that appears on the screen or printed page of such transmission. JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. Société Française de Musicologie is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue de Musicologie. http://www.jstor.org
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Chansons Populaires de La Grèce Antique (1983)

Dec 15, 2015

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Ancient Music
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Page 1: Chansons Populaires de La Grèce Antique (1983)

Société Française de Musicologie

Chansons populaires de la Grece antiqueAuthor(s): Samuel Baud-BovySource: Revue de Musicologie, T. 69e, No. 1er (1983), pp. 5-20Published by: Société Française de MusicologieStable URL: http://www.jstor.org/stable/928714Accessed: 24/12/2009 07:04

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Samuel BAUD-BOVY

Chansons populaires de la Grece antique

On ne parait pas s'en etre avise jusqu'ici : deux des rares monuments de la musique antique qui nous soient parvenus, 1'Epitaphe de Seikilos 1 et l'Invocation a la Muse 2 sont de veritables chansons populaires, et la comparaison avec les chansons de la Gr&ce moderne rend mieux compte de leur structure rythmique et modale que le recours aux ecrits des theoriciens.

Ces deux chansons ont en commun un trait nettement populaire 3, leur carrure. Chacun de leurs quatre segments est constitue par une <<serie valant huit>>, pour reprendre l'expression employee par Constantin Brailoiu dans son etude sur la rythmique des chansons enfantines 4.

Le vers de l'Invocation a la Muse est reste le vers type de la chanson grecque moderne. Ii remonte a un vers antique, le tetrametre iambique catalectique, dont on ne trouve d'exemples dans la poesie classique que chez les comiques, Aristophane en particulier, precisement sans doute du fait de son caractere populaire. Les poetes lyriques ne l'utilisent pas a l'etat pur. Comme l'ecrit Wilamowitz-M6llendorff5, <<lorsqu'il est uniquement compos6 d'iambes, cela donne le vers de la chanson populaire >> :

- Hlou5 0oL TrO p6ac, 7oTU o.LL ra 'a, 7ou LotL ra xaxXa aXLvoa; - Ta& ra p6oc, -asx ra 'ia, rao& ra xacXa aXwLva.

- O sont mes roses, mes violettes, ou sont mes belles aches ? -Voici tes roses, tes violettes, voici tes belles aches.

1. Th. Reinach, La musique grecque (Paris, 1926), p. 193; Egert Pohlmann, Denkmiler altgriechischer Musik (Niirnberg, 1970), pp. 54-55; Jacques Chailley, La musique grecque antique (Paris, 1979), pp. 166-169.

2. Reinach, p. 194. -Pohlmann, p. 15. -Chailley, p. 172. 3. Maurice Emmanuel, << Grece » (Encyclopedie Lavignac, I/1, pp. 377-537),

p. 475. 4. Constantin Brailoiu, <<La rythmique enfantine>> [tire a part de Les

Colloques de Wegimont (Bruxelles, 1956), pp. 64-96], reproduit dans: Problemes d'ethnomusicologie (Geneve, 1973), pp. 267-299.

5. Ulrich von Wilamowitz-Mollendorff, Griechische Verskunst (Berlin, 1921; reimpr.: Darmstadt, 1975), p. 231.

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Par Athenee 6, auquel nous devons de connaitre ces deux vers, nous savons qu'ils etaient le debut d'une chanson de danse populaire, l'anthema, mimee par deux groupes de danseurs.

La scansion du vers par lequel le second groupe repondait au premier ne pose pas de probl&me. Ses longues et ses br&ves, notees en pieds iambiques avec de nombreux monnayages, donnent le schema:

/ / / , / / / - u u U L- U U U - U - u U

Les accents de hauteur coincidant presque toujours avec la longue du pied iambique (qu'elle soit ou non monnayee) imposent la traduction en valeurs rythmiques suivante:

rjl rirrrii rlr s';i rfrr;j I t

Le vers etant << catalectique >> (le dernier iambe se reduisant a une seule syllabe), plut6t que de le completer par un silence, on pouvait aussi allonger l'avant-derniere syllabe. De plus, un accent de duree affectant le Ier, le 3e, le 5e et le 7 pieds, on est en droit de transcrire a 6/8:

E\\ I· : *! i C r \ z tI f : . j Le premier vers pose deux petits problemes, si l'on considere qu'il se

chantait, comme il est normal, sur le meme air que le second. Tout d'abord, l'accentuation traditionnelle Hno1 poL, oui l'accent porte sur l'adverbe interrogatif, le pronom personnel etant enclitique, s'accorde mal avec l'accentuation du second vers, ou l'accent porte sur la deuxieme syllabe. A vrai dire, on trouve des cas analogues de contre- accent a l'initiale 7, et rien n'empeche d'ailleurs de considerer que le pronom est lui aussi accentue. Le sens de la question posee en serait legerement modifie : non plus << Of sont mes roses ? >>, mais << Mes roses a moi, ou sont-elles ? >. De plus, a la br&ve de -ora correspond la longue de toU. Elle devait etre rendue par un leger allongement, qu'un ethnomusicologue noterait en utilisant les signes conventionnels pour allonger et raccourcir les syllabes:

6. Athenee de Naucratis, Les Deipnosophistes, XIV 629 e. 7. Dans l'Epitaphe de Seikilos et l'lnvocation a la Muse, le seul contre-accent

de hauteur est celui de la premiere syllabe. De meme, dans la chanson populaire grecque moderne, la premiere syllabe d'un vers ou d'un hemistiche iambiques peut toujours etre accentuee.

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CHANSONS POPULAIRES DE LA GRECE ANTIQUE

Ce rythme est exactement celui d'une chanson francaise, mimee et dialoguee elle aussi 8

- La. tr,pren4dSsr , bour, 4 r445tidtf4e :4e lasar te . - Nous navo nst5r4Q, nou6 ravo g2.ar4e e "o6 la;r abatre.

Cet excursus sur l'anthema n'entend pas suggerer que la chanson fran9aise pourrait remonter a l'Antiquite, mais indiquer que la chanson populaire des Grecs anciens connaissait comme la n6tre les mesures regulieres a temps fort, la division ternaire des temps et la carrure, cette forme qui groupe les unites rythmiques par quatre, et frequemment, comme dans cette chanson, par 2 + 2 + 4.

C'est tres exactement la forme que presentent certains des tetrametres iambiques catalectiques d'Aristophane, qui frappent par leur caractere nettement populaire:

'I5 M8ojLa, xaol £p7xoal, xol 3o6xopal XopSUcra (Plutus, v. 288).

On le voit, ce vers ne comporte aucun monnayage; il compte quinze syllabes comme le vers politique des Grecs modernes, auquel il s'apparente d'autant plus que les accents dits toniques ou musicaux, correspondant a une elevation de la voix, n'y affectent que les syllabes paires, deja accentuees par la duree.

C'est, nous l'avons dit, le vers de l'Invocation a la Muse.

"AstLs, Mo0acrk OL 9L X7, VoXTrC 8 £'4L; xarapzXou ccGpu)

' aov Okc okov s Z pV~k s y siv 3 /o. aop7 OS 6Th)V aO7w aAXOioV £SaLO (p£sVO SOVSVLTCO.

Muse amie, daigne chanter, daigne entonner mon chant; qu'un souffle de ton bois sacre fasse vibrer mon ame.

L'Invocation est la premiere des pieces que Vincentio Galilei a publiees en 1581 dans son Dialogo della Musica antica e moderna 9 pour donner des exemples de la notation musicale des Grecs anciens. Sur les etapes par lesquelles a passe la transcription de ces pieces, de 1602 a 1896, on se reportera a l'etude fondamentale de Th. Reinach 1O. Grace

8. J.-B. Weckerlin, Chansons populaires du pays de France (Paris, 1903), II, pp. 236-237.

9. 2e edition (Fiorenza, 1602), p. 96. 10. Theodore Reinach, ( L'Hymne a la Muse >, Revue des etudes grecques, IX

(1896), pp. 1-22.

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aux tables d'Alypius, il ne subsiste plus d'incertitude que sur trois points: 1. la duree des notes n'est pas precisee et n'est que suggeree par l'alternance des longues et des braves du rythme iambique; 2. trois syllabes sont depourvues de signe musical; 3. la hauteur du son designe par la lettre N est controversee.

I1 faut regretter que les Denkmiler altgriechischer Musik d'Egert Pohlmann, dont l'appareil scientifique en impose, marquent une regression sur le resultat auquel Reinach etait parvenu en 1896. Pohlmann 11 persiste a attribuer l'Invocation au Cretois Mesomede, le musicien de cour de l'empereur Adrien. Reinach, a juste titre, remarquait que son auteur etait bien superieur a <<l'ennuyeux et monotone rhapsode des Hymnes a Helios et a Nemesis > 12. Mais, en 1896, il considerait encore comme faisant un tout les deux invocations qui precedent les hymnes de Mesomede, la premiere qui s'adresse a une muse, sans preciser son nom, la seconde a Calliope et a Apollon. Pourtant, en 1842 deja, G. Hermann 13 avait indique qu'il s'agissait de deux preludes distincts, l'un en iambes, l'autre en dactyles avec clausule trochaique. De plus, Wilamowitz devait le noter 14, l'Invocation a Calliope et Apollon utilise le vocalisme dorien, comme tous les poemes de Mesom&de, tandis que l'Invocation a la Muse est en ionien. L'emploi du dorien et du rythme dactylique a cette epoque tardive est caract&ristique d'un art qui se veut savant. Ces deux Invocations n'ont donc aucun autre rapport que leur sujet et le fait qu'elles figuraient dans un meme recueil de po&mes avec musique notee, et la premiere en tout cas ne saurait etre attribu&e a Mesomede.

L'autorite de P6hlmann risque d'accrediter une autre erreur, d'autant plus qu'elle apparait deja dans la version de l'Invocation donnee par Th. Reinach dans un ecrit beaucoup plus accessible que son article de 1896, son precieux petit ouvrage sur la Musique grecque 15 et qu'elle est reproduite dans le recent manuel de Jacques Chailley sur la Musique grecque antique 16. Cette erreur concerne les trois dernieres notes du morceau. Selon la transcription diplomatique qu'en propose P6hlmann, les trois manuscrits (des XIIIe, XIVe et XVe si&cles) ou figure l'Invocation presenteraient la disposition suivante:

P M C¢

11. Op. cit. (note 1), p. 25. 12. Op. cit. (note 10), p. 19. 13. Godofredi Hermanni, << De Hymnis Dionysii et Mesomedis > (edita est

a.1842), Opuscula, VIII (Leipzig, 1877), pp. 343-352, p. 343. 14. U.v. Wilamowitz-Mollendorff, Timotheos, Die Perser (Leipzig, 1903),

p. 97, note 2. 15. Voir note 1. 16. Voir note 1.

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CHANSONS POPULAIRES DE LA GRECE ANTIQUE 9

II suffit d'un coup d'oeil aux excellentes photographies qu'il donne des manuscrits 17 pour s'assurer que tous trois s'accordent a noter;

PM~ C d0 Mn IT

J'adopte donc la lecture:

I f r *r . J, rf . ! r 'tI r 'r A - S o - MO,OT1 9t l poi It fki-%nS i x5 k-T.eoL3. A5-

r I : r t 4t |t tr1tr|J)HL J 11

-pq Sl ¢v I.n' gA-6-~v

. t p, _ . t,- Sv,,

go -- v,i

--T-S.

Ex. 1.

Elle ne differe de la transcription de Reinach (1896) que sur les points suivants: 1. Je remplace une mesure a 12/8 par deux mesures a 6/8. 2. Alors que Pohlmann supplee aux deux notes qui manquent sur le mot EjoX7r:q par un double la, Reinach a propose d'abord un double si (1896) puis, sans doute pour tenir compte de l'accent tonique, la-si (1926). La- do me parait plus melodieux. 3. Pour laisser leur valeur de longues aux deux syllabes qui suivent la cesure et la fin du premier vers, je recours au demi-point d'orgue (rn) des ethnomusicologues. Sur les manuscrits, un trait ondule apres le Z correspondant a la premiere syllabe du mot oap" semble bien destine a en signaler l'allongement 18; si les lettres-notes correspondant au mot poxrsq n'avaient pas ete omises par les scribes, la premiere aurait vraisemblablement ete suivie du meme signe.

Quelles sont les raisons qui nous engagent a considerer cette Invocation comme une chanson populaire ?

C'est tout d'abord son caractere, << la simplicite, disons meme la banalite de son gracieux dessin melodique >> 19.

C'est ensuite son vers, le tetrametre iambique catalectique, qui, par sa carrure meme, releve de cette rythmique populaire << simple et fruste >> que Maurice Emmanuel 20 oppose a << la rythmique des Simonide, des

17. Abb. 5, 7 et 8. 18. Pohlmann, op. cit., p. 26. 19. Reinach, op. cit. (note 10), p. 1. 20. Op. cit. (note 3), p. 475.

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Pindare et des Eschyle >. Meprise par les poetes de l'epoque hellenistique, on le trouve dans des textes d'allure populaire dechiffres sur les papyrus 21; c'etait, ecrit Planude (XIII s.) 22 le vers des deplorations funebres des femmes d'Ionie, et, des le Xe siecle, il devient le vers commun, politikos, de la litterature byzantine.

C'est enfin son mode. Dans la preface aux chansons que j'ai recueillies il y a plus d'un demi-siecle dans le Dodecanese, j'ecrivais:

A la base de la majorite des chansons populaires du Dodecanese se trouve un tetracorde que nous pouvons designer par re-sol. Le re joue generalement le role de tonique. Le sol se trouve a distance de quarte juste du re, son renversement, le sol grave, etant a la quinte de la tonique sur les cordes a vide de la lyra. A ce tetracorde s'ajoute une sous-tonique (do) a un ton majeur de la tonique, et une note a l'aigu, le la, qui se trouve, generalement, a une quinte juste de la tonique. Tels sont- le do, le re et le sol surtout- les degres fixes qui constituent l'armature m&lodique des chansons. Les deux degres intermediaires - mi etfa- sont au contraire susceptibles d'tre attires, l'un par le re, l'autre par le sol, et n'ont pas une hauteur constante 23

Bartok lui aussi 24 a recueilli en Turquie, le meme soir, dans le meme cafe, la meme chanson chantee par quatre chanteurs differents avec respectivement les ambitus:

Ex. 2.

Comme on le voit le do # propose par Th. Reinach pour rendre le N des manuscrits n'a rien d'exceptionnel dans ce mode; c'est un degre mobile attire par le degre fixe voisin.

Au surplus, la meilleure preuve qu'il s'agit d'une chanson populaire et que la musique populaire grecque presente une continuite sans faille de l'Antiquite a nos jours est fournie par une chanson que nous avons

21. C. Wessely, <<Griechische Zauberpapyrus von Paris und London>>, Denkschrifien der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften, Phil.-hist. Klasse, 36 (1888), 2te Abt., pp. 27-208, p. 31; M. W. Haslam, < Narrative about Tinouphis in prosimetrum >>,Papyri Greek and Egyptian edited by various hands in honour of Eric Gardner Turner (London, 1981), pp. 35-45, p. 41.

22. Maxime Planude, rEp[ ypaar, ,x &OCXoyog, ed. L. Bachmann, Anecdota graeca, II (Leipzig, 1828), pp. 3-101, p. 98.

23. S. Baud-Bovy, Chansons du Dodecanese, I (Athenes, 1935), p. XXIV. 24. A. Adnan Saygun, Bela Bartok'sfolk music research in Turkey (Budapest,

1976), pp. 157-160, ns 55 a-d. Pour faciliter la comparaison, j'ai pris pour tonique le la au lieu du sol de Bart6k.

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CHANSONS POPULAIRES DE LA GRECE ANTIQUE 11

recueillie en Crete en 1954 25; non seulement elle est d'un rythme tout semblable, d'un ambitus analogue, mais c'est sur les memes degres, successivement le premier, le troisieme et le quatrieme, qu'elle fait ses trois cadences medianes:

Ct 288,1..6 9 t33

1k69rlj1i 4J 1. iJJLjJ C cHlr iGrt 1 I K^EAYod

Trjd4- Kd-TW- LOS- KI T<^Ws fo Ui.JdIcu&-

I J rJ 'lr tlr rr . 1 t ll

-,vo . (f4fft - -r--, n'j-Y',`. '- KA. r - L-t.

Ex. 3.

Une autre version du meme <<air d'Erotocritos>>, sur lequel se chantent les distiques rimes de ce roman chevaleresque du debut du XVIIe siecle, offre, lui, exactement l'ambitus de l'Invocation a la Muse 26; mais il n'est plus de rythme iambique et l'on peut y voir un exemple du << giusto syllabique bichrone >> etudie par Brailoiu 27

'_3ao, 1~ 160

n4S nLitYv 8 f)-T6erl-TOS 6Tq UAP Kh X exj - 54Ll NVoL

Tr &L - 71A(6 6 KfClvVl-k L T v d --Vv -Tfol-- -vl--

Ex. 4.

On remarquera qu'il y a presque autant de diff6rences entre ces deux chansons cretoises, recueillies a cinq kilometres de distance, qu'entre elles et l'Invocation d la Muse.

* *

25. Chanteur: Georgios Emm. Vardas, dit Kazanis, du village de Krousta Meramvellou. Archives musicales de folklore du Centre d'etudes d'Asie mineure, Bande MLA P. I v 1.

26. Chanteur: Georgios K. Atsalis, du village de Kritsa Meramvellou, Bande MLA P. I r2.

27. C. Brailoiu, << Le giusto syllabique >>, Anuario musical, VII (Barcelona, 1952), pp. 117-158, reproduit dans: Problemes d'ethnomusicologie (Geneve, 1973), pp. 153-194.

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La chanson dite de Seikilos, gravee au 1er siecle apres J.-C. sur une stele trouvee a Aydin, pres de l'ancienne Tralles, et aujourd'hui au Musee de Copenhague, est d'une lecture mieux assuree encore. Le nombre des notes, dont la hauteur est exprimee en notation alphabetique, et les signes de duree (- pour doubler l'unite de temps, J pour la tripler) indiquent que le temps est ternaire. Ainsi les deux premiers vers 28 se presentent sous la forme:

L T Z KlZ 1 I £ 7. o C o4 OloN sZH, .AtC OY M HAN OAQ. ZY yn oY

On le voit, de deux en deux les temps sont affectes de points; la mesure est done une mesure binaire a temps ternaires. On peut admettre que le temps mis en evidence par les points est le temps fort, d'autant plus qu'il est souligne par l'assonance (qpi] NOY (Xu-) nOY. Transposant la piece d'un ton au grave pour eviter les alterations, nous adopterons done provisoirement la notation:

Ai$ rGto Wlr r ltr6J^JIL/ - JrI < O-6o, ^^, ! .l -- v so, rSiv ;- 6 6' 3o- n" r7o5 -,-

V,ll ] r!> ,]

LLLt rrr-L. P41r U , : r V II1 -1OV i--aft To ry *7 To' ri- --0, '-..-

' ~,r : TT · -r,/oS v . ,o,s ,- ",--r,. ~i

Ex. 5.

Tant que tu vis, il faut briller, tu ne dois pas te tourmenter. La vie ne dure pas longtemps: le Temps exige son tribut.

Wilamowitz-M6llendorff 29 considere le vers comme un dimetre iambique catalectique (c'est-a-dire oiu le dernier iambe se reduit a une seule syllabe), mais il en souligne les anomalies: le premier vers se trouve avoir deux syllabes supprimees (<<mit zwei unterdriickten Silben >>) et le second est en fait un choriambe. Cette analyse << classique >> a au moins l'avantage de nous rendre attentifs au fait que

28. La piece n'est pas comme l'Invocation a la Muse un distique de << grands vers >, mais un quatrain de < petits vers >>.

29. Op. cit. (note 5), p. 132, note 2.

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CHANSONS POPULAIRES DE LA GRPCE ANTIQUE 13

l'iambe n'est pas forc'ement accentue sur la tongue, et que dans le groupe breve-longue ce peut etre la breve qui tombe sur la partie forte du temps. Du reste le metre appele choriambe implique l'accentuation de la breve de l'iambe; si en effet la longue de l'iambe etait accentuee, l'on aurait une impression de mesure a' trois temps ( .1 (2 4), oii l'on ne reconnaitrait plus le <<chor6e»> (ancien nom du troch6e) et l'iambe (J ~j ~ ) qu'implique la composition meme du mot choriambe.

L'analyse <<«classique »), metrique, des vers de la chanson de Seikilos n'aurait donc pas permis, en l'absence de la notation musicale, d'en degager la v6eritable structure. Celle-ci, nous I'avons dit en commen9ant, est fondee sur la carrure, et l'on retrouve le syllabisme de chacun de ses vers dans les << s'eries valant huit»)) des chansons enfantines de Brailoiu. On peut mettre ainsi en parallele, en soulignant les syllabes accentuees:

d'OTOV r~, cPtocU, Fr~deric, ric, ric, 8' 6?vO' co q ?dnt&. C'est F'cur6 de Saint-Victor,

fUips O%iyov eo-T To rv Pour habiller la Vierge en or, - Xoq -c&?o4 6 Xp6vo4 &70atowd Eghera, beghera, tutumbe 30

Un distique, attribue par Athen6e 31 au poete comique Amphis (IV' s.), mais qui a tous les caracte'es d'un distique populaire, nous montre comment cette meme carrure peut etre realis'e dans un rytlme trochaique:

f ve, 7ocu, Ovy064 6 r3o4, 6 uyoS oCrn y o Xp6vo4. 'AO&vcc·roo '6'i O&bvoc,670S qo Lv OTv 17ot ' Lq 'oMotV)dc.

Bois, fais I'amour, la vie est breve, le temps sur terre dure peu. Seule la mort est immortelle, une fois que l'on est mort.

Le jeu des breves et des longues donne le schema:

V _ V -V j u uu) V V U _ U _u& \32

u J - u uVi u u uuJv...A

Ii s'agit, on le voit, de quatre < s'eries valant huit »), group6ees deux par deux du fait que la deuxieme et la quatrieme sont catalectiques. A defaut

30. Brailoiu, op. cit. (note 4), pp. 14, 18 et 22 (= Probkmes, pp. 276, 280 et 284).

31. op. cit. (note 6), VII 336 c. Les is. donnent O&vokow u 'o "Ov xwoo, corrige par Porson en ' O&v6oo 3'0&O&va-oq. En inversant les termes, on oppose mieux kocvkvroq d Qvvw6c et l'on reste plus pres du texte des is.

32. Le A (leimma) indique un silence.

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SAMUEL BAUD-BOVY

de notation musicale et de points pour signaler les temps forts, c'est par analogie avec la chanson de Seikilos, mais aussi en tenant compte de la stabilite que procure la correspondance du temps fort avec la finale catalectique des vers que l'on peut admettre la transcription en valeurs musicales ci-dessous:

i s 4 ti i \ tU rr IJ 1 . 4 l 4 1NP .14.1 ! J ltP J

Dans ce cas encore, on retrouve dans les chansons enfantines citees par Brailoiu l'equivalent de ces alternances de groupes de deux et de trois syllabes 33:

Wart nur, Babeli, Wart nur Babeli, Et drogue, drogue, mon anon. Ben amanida, ben amanida, Cent ecus, ma vache est vendu'.

On notera que les cellules binaires peuvent se presenter sous les trois formes: rJ,J " et 3 , ce qui rend compte de la possibilite en metrique antique de remplacer l'iambe (u -) ou le trochee (- o) par le spondee (--). Cette equivalence du binaire et du ternaire se presente constamment dans la chanson populaire. Paul Verrier 34 se rappelle avoir chante la meme chanson de marche (Au jardin de mon pere) aussi bien avec des temps binaires ( .r) que ternaires (4 tC); les Wallons en usaient de meme pour la chanson mimee Savez-vous planter les choux 35; et, a l'aube du siecle passe, la meme chanson de danse grecque (K6p7] paXaaTevla pou) a ete notee a 6/8 (j pJir) en Egypte 36 et a 2/4 (JQ,)) ai Lampsaque sur l'Hellespont 37. En fait, il suffit, pour donner l'impression d'un rythme iambique ou trochaique, que l'une des composantes de la cellule soit allong6e au detriment de l'autre, ce qu'exprimeraient des notations telles que: , S et ?S .

Un tsamikos 38 peloponnesien est de carrure tout a fait semblable a celle des deux chansons antiques que nous venons d'etudier. Son vers est

33. Brailoiu, op. cit. (note 4), pp. 21, 23, 21 et 20 (= Problemes, pp. 283, 285, 283 et 282).

34. Paul Verrier, Le Vers francais, 3 vol. (Paris, 1931-2), II, p. 195. 35. Albert Libiez et Roger Pinon, Chansons populaires de l'Ancien Hainaut,

vol. V (Bruxelles, 1958), p. 425-6. 36. G. A. Villoteau, <<De l'etat actuel de l'art musical en Egypte>>,

Description de l'Egypte, t. 14 (Paris, 1826), p. 466. 37. Neugriechische Volkslieder gesammelt von Werner von Haxthausen,

herausgegeben von Karl Schulte Kemminghausen und Gustav Soyter (Miinster i.W., 1935), p. 182, n° 8.

38. Danse ternaire de Grace continentale, qui peut aussi se chanter < a table >>.

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CHANSONS POPULAIRES DE LA GRfCE ANTIQUE

trochaique, comme celui du distique d'Amphis, mais son rythme musical est celui de la chanson de Seikilos, avec laquelle elle a en commun le dessin melodique de son premier segment.

4 102i r I} 1 TAr V mL11UtJU, lrK4 ~* otu trA^,

T161 dnUOv ,i r ¢ig, / £rt O rrtfs,7w4^vot

1 w °-A -H-,

T PAvY-n oi ns - i Os , eo?-d.t -K

(<d-v'O -B v

Ex. 6.

La chanson moderne 39 permet de determiner la structure strophique de la chanson antique. Son schema est tres nettement: A B B var Bvar; premiere vue, celui de la chanson antique est: A B B' C; mais, a mieux considerer le detail du mouvement melodique, on s'aper9oit que les huit premieres notes des segments B' et C, qui partent du sol pour s'elever au re et redescendre au sol, ne different que pour tenir compte des accents de hauteur du texte 40, accents qui tombent sur la 3e syllabe dans la

39. Chanteur: Sotirios Panagiotopoulos. Enregistre a Chrysovitsi (Arcadie) en 1959 et publie par Sotirios (Sam) Chianis: The vocal and instrumental Tsamiko of Roumeli and the Peloponnesus, polycopie (Univ. of California, Los Angeles, 1967), p. 214, n° 7. S. Chianis, comme il est d'usage pour le tsdmikos, etant donne la lenteur du tempo, le note a 6/4. Du fait de l'intonation incertaine du chanteur, nos transcriptions presentent quelques differences.

40. De la meme maniere, un chanteur chypriote, de nos jours encore (Disque Ethnic Folkways Library FE 4468), modifie le detail du mouvement melodique d'une meme phrase pour tenir compte de l'accent tonique:

p ~ r r t"

",[ro a avec accent sur les syllabes 2 et 6,

Ill dpetr~ XI z~ m

t v ~ V L V. avec accent sur les syllabes 1, 4 et 8.

Il le fait inconsciemment. La non-correspondance des accents de hauteur entre strophe et antistrophe n'est un probleme que pour les philologues modernes.

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phrase B' (l'accent de Ca-t est purement graphique), sur les 2e et 5" dans la phrase C.

Ainsi le sch6ma peut-il etre ramen6 a A B Bvar Ba, qui indique que le dernier segment ne se distingue essentiellement des deux prec&dents que par sa cadence.

C'est encore a la chanson populaire qu'il convient de se referer pour determiner le mode de la chanson.

Mais il faut d'abord examiner de plus pres la disposition des signes grav6s sur la stele. Elle n'offre que deux cas ou une seule syllabe est chant6e sur trois notes. Le premier est celui de la syllabe DAIvou. A chacune des trois lettres verbales est superposee, on l'a vu (p. 12), une lettre << musicale >> : KIZ. On s'attendrait donc qu'aux trois lettres de la derniere syllabe aocraTEI se superposent semblablement les trois lettres musicales CX1. Ainsi seulement se trouverait justifiee la transcription par trois notes d'6gale valeur que nous avons adoptee provisoirement. Or les trois lettres musicales sont press6es les unes contre les autres de sorte qu'elles ne d6passent que de peu, a gauche et a droite, la seule lettre «< verbale >> E. C'est exactement la graphie appliquee pour les deux notes qui correspondent aux finales des deux vers pr&ecdents, qui sont *elles aussi resserr6es sur la lettre m6diane des syllabes XuflOY et ZHN. Et l'on retrouve, surmontant le 1 final (et partiellement le X qui le pr6cede), la barre horizontale qui, superpos6e aux syllabes XunOY et ZHN, en double la dur6e, justifiant la transcription t J admise dans les deux cas. Ainsi s'explique pourquoi Reinach 41, par analogie, donne aux trois dernieres notes non pas le rythme F7 mais 1:I . Winnington- Ingram considere cette solution comme improbable mais non impossible 42. De son c6t6, R. Wagner 43 6mettait l'hypothese que la lettre X repr6senterait peut-etre non une note a proprement parler, mais un signe d'ex6cution (Vortragszeichen). Il la jugeait d'un trac6 moins soign6 que les autres lettres de la stele, ce qui ne me parait pas le cas, mais, coinc6e qu'elle est entre le C et le 1, j'y verrais volontiers une << petite >> note, et transcrirais donc ! iJ ; la liaison, l'hyphen, soit dit en passant, r6unit, comme dans notre notation, le C au1.

Reste un point a preciser. Tout musicien a qui l'on demandera de chanter la chanson de Seikilos44 respirera entre les h6mistiches, davantage pour marquer la ponctuation du texte, ou les h6mistiches

41. Op. cit. (note 1), p. 193. 42. < Fragments of New Tragic Texts >>, Symbolae Osloenses, 28 (1950),

Appendix III, Greek rhythmical notation, pp. 73-87, pp. 74-75. 43. Rudolf Wagner, << Der Berliner Notenpapyrus >>, Philologus, 77 (N.F.

Bd. 31), pp. 256-310, p. 286, note 13. 44. C'est le cas d'Arda Mandikian (Disque HMV, HLP 2) et d'Antoinette

Hauville (Disque AZ 505).

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CHANSONS POPULAIRES DE LA GRECE ANTIQUE

sont des propositions independantes juxtaposees, que pour reprendre

souffle. On entend donc: (cpo)vou, (Xu)7zo, ,v. Par analogie, je propose donc de transcrire: · 45. Ainsi l'accent circonflexe qui fait de la

syllabe finale des diphtongues Xu7rto, ~v et &arxvrez des perispomenes serait rendu les trois fois de maniere analogue et conforme a la valeur musicale du circonflexe, alors que la finale non accentuee de cpacwou n'entraine pas de chute melodique. Comme l'a remarque Curt Sachs 46, cette chute finale (Schlussabfall) sur la quarte inferieure ( se presente frequemment comme une sorte de sanglot (Schluchzer) chez les peuples primitifs (Naturvolker) d'Asie et meme dans les Balkans ». On en a d'assez nombreux exemples dans la chanson grecque 47. Mais plus proches de la chanson de Seikilos sont des chansons roumaines, recueillies par Bartok dans le Maramures, et dont le vers est l'octosyllabe trochaique, catalectique ou non. Dans l'une 48

| 'O 8; i ' '

a -f. e,tna drule, b -. /-, ba-It. Pt,rnaedrule,ba',

H -t tr Il r l r, tI rLJ "r',i ri. U.--'e ,de i - er- Tf'r gr.-T,-t de ; -per.

Ex. 7.

45. C'est tout a fait arbitrairement qu'Ettore Romagnoli (< I frammenti della musica greca. L'Epitafio di Sicilo >>, Musica d'oggi, VIII [1926], pp. 172-174, p. 173) prolonge la finale : J-4i

46. Curt Sachs, Musik des Altertums (Breslau, 1924), p. 63. 47. S. Baud-Bovy, Etudes sur la chanson cleftique (Athenes, 1958), p. 119 et

Chansons populaires de Crete occidentale (Geneve, 1972), p. 78. - . K. VrTupL8&x a o xtaL st. fEplaTp'p, 'EXVlqwxao Sjuoo-x4c TpayoU&a, t. III, Mowucx 'ExAoy

(Athenes, 1968), pp. 46-47, 60, 343-344. -K. D. Tsangalas, ( Probleme und Aspekte der Erforschung des Liedgutes in seinem urspriinglischen Milieu, mit musikalischen Bemerkungen von Samuel Baud-Bovy >>, Jahrbuch des 6sterreichischen Volksliedwerkes, 27 (1978), pp. 9-43, p. 18.

48. Bela Bart6k, Rumanian Folk Music, ed. B. Suchoff, vol. V, Maramures County (La Haye, 1975), p. 84, n° 69.

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on retrouve le saut de quinte initial, la division ternaire des temps et la structure strophique (ABBVarB). Dans l'autre 49

I I r Ir"ir4s1 I r IC J! T) -7n rm ij ( - C tA, 1IGr au D-'?lI rnij)0 L 3

E.stt-LI1 rnaJ 4i - d-.ILi, Ete.-,n raJ ddo-rat - L .

Ex. 8.

ou l'ambitus est elargi par la transposition a la quinte inferieure caracteristique des chansons hongroises, le dessin du glissement a la quarte inf6rieure est le m6me que celui que nous avons deduit de l'etude du trace de la stele.

Bartok ecrit a ce propos : << Tres frequemment la fin de la melodie (ou du segment melodique) fait une chute sur la quarte inferieure. Soit l'avant-derniere syllabe est chantee sur la veritable finale et la derniere

syllabe sur la quarte inferieure: , soit la derniere syllabe est

chantee sur la finale et glisse de la a la quarte inferieure: . Cette

particularite rend evidemment plus difficile la determination, si importante pour la structure de la melodie, de la finale veritable (et non apparente seulement) de la melodie et des segments melodiques > 50.

Winnington-Ingram admet, lui aussi, que dans 1'epitaphe de Seikilos la tonique est le sol. Pour lui << la melodie emploie les notes de l'aspect d'octave phrygien (note en cle ionienne). Dans ce mode de re, le sol est presque certainement la tonique, alors que la cadence finale se fait sur re en passant par mi>> 5. Pour d'autres musicologues, il s'agirait d'un mode << hypophrygien >>, interpretation combattue par Jacques Chailley 52.

49. Ibid., p. 85, n° 70 a. 50. Bela Bart6k, Volksmusik der Rumdnen von Maramures (Miinchen, 1923),

p. XVI. 51. R. P. Winnington-Ingram, Mode in ancient Greek music (Cambridge,

1936), p. 38. 52. Op. cit. (note 1), p. 167.

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On le voit, comme pour le rythme, la reference aux theoriciens de l'Antiquite ne fait que compliquer le probleme. Ne vaut-il pas mieux se borner a constater que la chanson de Seikilos a exactement le mode qui caracterise les chansons roumaines du Bihor? L'une d'elles 53, en octosyllabes trochaiques catalectiques, presente les memes cadences, d'abord sur le degre 4 (glissant, il est vrai, sur le degre VII), puis, par deux fois, sur le degre 2 glissant sur VII, pour finir, apres avoir repete avec insistance la tonique, par un glissando vers le grave:

J=82-86 4 J>vii, t >vl

-ana'^-u~ b>g-a'--ta--, C5. el Ja,i ms. l-sa-,

[2>Vlt

IJj I J I

| J |I1 1n <5c, Ca. s' ; f rm:La - Ih-hi nw ji nu-mi nz.

Ex. 9. Elles appartiennent l'une et l'autre a un mode qui n'a rien de

phrygien, le mode de sol, qui est celui aussi de la premiere antienne des Rameaux 54, dont Gevaert 55 a 6et le premier a signaler la parente avec la chanson de Seikilos: meme saut de quinte initial, meme cadence mediane sur le degre VII, meme conclusion par une triple repetition de la tonique:

p. 553, n. 456 a. >v

54. Graduelvespral (Paris, 1924), p. 429.

55. Fr. Aug. Gevart, La melop e antique dans le chant de l'Eglise latine (Gand, 1895), p. 313.

W. Fischer (<< Das Grablied des Seikilos >>, Ammann-Festgabe, I [Innsbruck, 1953], pp. 153-165, p. 161) fait honneur de ce rapprochement a Anton Mohler (Die griechische, griechisch-romische und altchristlich-lateinische Musik [Rome, 1898]), bien que celui-ci dans sa pr6face (p. V) et sa bibliographie cite comme une de ses sources l'ouvrage de Gevaert.

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Ainsi, parallelement a la musique des professionnels, s'est perpetuee en Grece une musique populaire, qui, pendant des millenaires, n'a cesse d'obeir aux memes lois, et, comme la langue elle-meme, frappe par son extreme conservatisme.

P.S. R. Beaton, <<«Modes and Roads, Factors of change and continuity in Greek musical tradition>>, The Annual of the British School at Athens, 75 (1980), p. 1-11, considere lui aussi l'epitaphe de Seikilos comme un exemple de musique populaire, et cite (p. 11), sans indiquer sa source, une chanson turque en heptasyllabes trochaiques, de rythme analogue et presentant le meme saut de quinte initial.

*SU*M

SUMMARY

FOLK SONGS OF THE ANCIENT GREECE

Two of the surviving relics of ancient Greek Music are unmistakably genuine Folk Music.

The verse of the Invocation to the Muse (Ex. 1) (erroneously attributed to Mesomedes by P6hlmann, who transcribes incorrectly his three last notes) is a typical folk verse, which may be considered as the missing link between the Aristophanian catalectic iambic tetrameter and the Byzantine and Modern Greek << political >> verse. A Cretan song, recorded in 1954, produces the same verse, the same rhythm and the same median cadences (Ex. 3).

The verses of the song engraved on the gravestone of Seikilos (Ex. 5) don't belong to the classical metrics; they are rather similar to nursery-rhymes. A dance-song of Peloponnesus (Ex. 6) retains the same rhythm, and we find the same shape and the same last gliding to the low fourth in Rumanian Folk Songs of Maramures (Ex. 7, 8), and the same G-mode, with middle cadences on the seventh degree, in Rumanian Songs of Bihor (Ex. 9) and in the first Anthem of Palm Sunday too (Ex. 10).

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