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Zéphirin Mogba Centrafrique La Victimisation du changement politique
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Dec 29, 2021

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Centrafrique La Victimisation du changement politique

Zéphirin Mogba

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Avant-propos

Ancienne colonie de l’Afrique Equatoriale Française, l’évolution politique et sociale de la République Centrafricaine est restée tumultueuse depuis la disparition tragique de son fondateur Barthélémy Boganda le 29 mars 1959. Trois principaux facteurs sont à la base de cette situation. Le premier est lié à la violence coloniale subie sous l’occupation française et le règne sanglant des sociétés concessionnaires. Le pays a été transformé en une grande « prison ouverte » et ses populations soumises au régime de l’indigénat et diverses formes inhumaines d’exploitation à savoir le portage obligatoire pour le ravitaillement des postes administratifs, les réquisitions forcés des hommes valides pour les travaux de construction du chemin de fer Congo océan, l’imposition aux collectivités locales de la récolte du caoutchouc sauvage, etc. Les nombreux écrits et témoignages d’André Gide1, Catherine Coquery Vidrovitch2, Jean Suret Canale3, René Maran4, etc. ont mis en exergue les souffrances et privations vécues sous l’occupation coloniale française. Sous prétexte d’apporter la civilisation et de développer les formations économiques et sociales précoloniales en Oubangui Chari, la colonisation a plutôt été une véritable chirurgie politique, un puissant facteur de maltraitances physiques et morales, de drame humanitaire entrainant la diminution de moitié de la population centrafricaine d’après les écrits de Catherine Coquery Vidrovitch. Parmi les

1 A Gide : Voyage au Congo, Suivi de le Retour, Gallimard, Paris, 1948 2 C Coquery Vidrovitch : Le Congo. Au temps des concessionnaires 1898-1930, Mouton, Paris, 1971, 455 p 3 J Suret Canale : Afrique occidentale et centrale, Editions sociales, Paris, 1964, 4 R Maran : Batouala, Albin Michel, Paris, 1938, 250 p

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colonies françaises de l’Afrique Equatoriale Française (AEF), l’Oubangui Chari fut la plus exploitée dans le sang et culturellement détruit. Devant les multiples souffrances de ses concitoyens, Boganda, premier Abbé oubanguien, s’est reconverti dans la lutte de libération politique et sociale. Son combat politique a été mené dans une démarche citoyenne de déconstruction de la logique ethno-anthropologique coloniale de la domination de la race blanche sur le peuple noir des colonies et de construction des nouveaux ressorts politiques, économiques et culturels de libération et d’indépendance nationale. En parcourant l’ensemble du pays, il a su diffuser ses idéaux forts de conscience nationale à bâtir autour des principes fondateurs d’unité, de dignité, de travail, d’égalité et légalité de tous devant la loi. Sa disparition tragique dans un accident d’avion dont les causes explicatives demeurent diversement interprétées est assimilée par le peuple centrafricain à l’extinction de l’ampoule principale qui illuminait le chemin d’avenir de la nouvelle société centrafricaine à construire avec la fin de la colonisation. Les interventions directes de la France sur le champ politique centrafricain ont brisé le processus endogène de renouvellement de la classe politique par l’imposition des dirigeants impopulaires et moins engagés sur des questions urgentes et prospectives de modernisation et de développement.

Le second facteur est relatif à l’immaturité des dirigeants centrafricains souvent incapables de se bâtir une personnalité d’homme d’Etat, respectueuse des principes de la bonne gouvernance, de la démocratie et du développement durable. Le pays est resté dépendant des influences tutélaires de la France et des nouvelles puissances pétrolières de la sous région centrale que sont le Tchad, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Congo. Cette dépendance a ôté à la République Centrafricaine sa souveraineté. Ces dernières deux décennies ont été caractérisées par un recours intempestif des régimes civils et militaires aux milices et mercenaires étrangers soit pour sauver leur pouvoir des mutineries soit pour renverser l’ordre établi à travers des rebellions hétéroclites dépourvues de vision et projet de société. La récurrence de ces pratiques ont fini par détruire les forces armées centrafricaines et le système de sécurité national exposant le pays à des menaces diverses pour sa survie et continuité historique. Enfin, le dernier facteur concerne la faillite de l’élite

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intellectuelle caractérisée par son incapacité à inscrire son existence et contribution dans la production des idées politiques et sociales nouvelles de changement. L’instrumentalisation et la politisation excessive ont détourné cette frange de la population de sa mission première qui est celle de promouvoir le mouvement d’idées porteuses de nouveaux rapports dynamiques et dialectiques de contrôle citoyen du pouvoir en offrant à la politique et à la société des productions intellectuelles et ouvres littéraires susceptibles de faire des politiciens des hommes d’Etat et de culture. En occident, le politique est constamment à l’écoute de la société par l’intermédiaire des intellectuels, de leurs publications dans les domaines des sciences politiques, juridiques et économiques, de l’histoire, de la sociologie, de l’anthropologie, l’écologie, agronomie, foresterie, etc. En RCA, l’élite intellectuelle a cessé de rêver, d’être créatrice de nouvelles idées et cultures politiques porteuses de changement social durable. Pour les populations centrafricaines, sa politisation et instrumentalisation au sein des arènes politiques a plus produit des effets pervers au lieu d’apporter des réponses fiables aux attentes du pays.

Les effets conjugués des dures épreuves passées et actuelles demeurent encore manifestes dans les consciences individuelles et collectives ont en définitive amené les populations centrafricaines à se construire une vision victimaire du changement politique. Les attentes et espoirs formulés en termes de développement, de mieux être, d’accès à l’emploi et aux services sociaux de base, d’instauration d’un Etat de droit que les régimes politiques successifs sont supposés apportés avec les changements politiques et les processus étatiques transitoires ont été déçus. En lieu et place, il s’est créé un contexte de pauvreté sociale et économique généralisée, de drame humanitaire, la perte de repère, la fracture de la cohésion sociale et la tendance de plus en plus accentuée à une partition rampante du pays entre le nord musulman et le sud chrétien conséquence des effets inhibiteurs de la perte du pouvoir par la rébellion Séléka. La montée des réflexes identitaires liées aux exaspérations politiques dominent aujourd’hui les idéaux d’unité, de dignité, de droit et de respect à la vie humaine. Après plus d’une cinquantaine d’années d’indépendance, la République Centrafricaine peine à s’émanciper et sortir du magma de l’infantilisme chaotique de sa classe politique, incapable de se bâtir une vision

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prospective de changement et d’avenir en s’appropriant des défis endogènes et exogènes d’un développement national durable. Le pays baigne dans le statu quo tout en regardant les autres évoluer. Le présent ouvrage procède à un décryptage analytique des faiblesses politiques nationales qui ont jusque là maintenu le pays dans un immobilisme cyclique de violence tout en ne perdant pas de vue les pistes de réflexion prospective sur les opportunités d’un possible décollage.

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Introduction générale

Pays enclavé couvrant une superficie de 623.000 kilomètres carrés pour une population, la République Centrafricaine (RCA) est devenue indépendante le 13 aout 1960. Elle partage ses frontières avec le Tchad au nord (1.197 km), le Soudan du nord et du sud (1.165 km) à l’est, la République du Congo (467 km), la République du Congo Démocratique (1.577 km) et le Cameroun (797 km) à l’ouest. La population centrafricaine est estimée à plus de 4 millions d’habitants. Elle est inégalement répartie sur le territoire national. 62,1 % de la population vivent en milieu rural. On note une forte concentration de la population dans les parties sud et nord du pays. La partie Est du territoire est peu peuplée si non quasiment inhabitée lorsqu’on la traverse. La tranche démographique de moins de 18 ans représente 49,4 % tandis que celle de 15 à 49 ans est estimée à 76 % selon les données du dernier recensement de 2005.

Figure 1 : La situation géographique de la République Centrafricaine en Afrique

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Ancienne colonie de l’Afrique Equatoriale Française connue sous la dénomination de Territoire de l’Oubangui Chari, la RCA se singularise aujourd’hui dans la sous région centrale d’Afrique par son contexte politique et de gestion des affaires publiques souvent difficiles en dépit de ses innombrables richesses. Ce contexte difficile est la résultante des crises militaro politiques récurrentes et surtout d’une méconnaissance à l’extérieur des potentialités de la société centrafricaine. Le pays est peu connu5 à l’extérieur. Référence est toujours faite à l’ex Empereur Bokassa 1er, ses frasques de couronnement et exactions criminelles sur les élèves et étudiants en 1979 lorsqu’on veut faire passer l’image du pays à l’extérieur. La République Centrafricaine aborde le troisième millénaire avec beaucoup de défis dans un contexte politique fortement dominé par des crises itératives marquées par des mutineries militaires, les coups d’Etat de 1966 avec le Colonel Jean Bedel Bokassa, de 1981 avec le Général André Kolingba, de 2003 avec le Général François Bozizé, et celui du 24 Mars 2013 avec la coalition rebelle Séléka ayant porté au pouvoir de l’Etat Michel Djotodja Amno Droko et provoqué en même temps les conditions de sa chute le 9 janvier 2014. Tous ces changements et alternances politiques violents se sont faits dans une incroyable négation des repères identitaires unitaires et nationaux créant par conséquent un contexte social dominé par l’émergence des sentiments ethnocentriques accentués par les performances déficitaires des partis politiques. Les efforts de construction politique après l’indépendance dans ce pays ont été dans un contexte politique de gestion posthume des référentiels identitaires et d’espoir collectif de vivre ensemble légués à la postérité par le père fondateur Barthélémy Boganda. Le reformatage inventif et prospectif de ses idéaux identitaires dans le dessein d’inscrire le pays dans des trajectoires durables de prospérité et d’auto développement n’a pas été pensé et mené en actions par la classe politique en vue d’inscrire la RCA dans un système productif de plus en plus mondialisé et globalisé. Les dérapages et les initiatives

5 De par sa dénomination, il n’est pas rare de rencontrer en Europe et même en Afrique, des gens qui confondent la République centrafricaine au Congo, à l’Afrique du Sud ou carrément à la sous région centrale d’Afrique c’est-à-dire l’Afrique centrale. Il est souvent rare de trouver dans les librairies et bibliothèques de la place des ouvrages actualisés sur la République centrafricaine. Il n’y a pas une permanence dans la production des documents scientifiques pour alimenter les mémoires nationales et internationales sur les crises récurrentes qui l’affectent.

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isolées ont depuis 1960 travesti la bonne gouvernance du pays. Pour les générations des centrafricaines issues de la démocratie proclamée du Sommet de la Baule, les coups d’Etat à répétition et la mauvaise gouvernance des processus étatiques transitoires par la classe politique vieillissante ont conduit le pays dans l’abime et le désespoir. La prise du pouvoir par la force des armes en mars 2013 par la coalition rebelle de la Séléka et l’ampleur degré des pillages, des exactions criminelles et de destruction des biens publics et privés par les mercenaires tchadiens et soudanais ont produit un impact polarisant vécu à l’échelle du territoire national. L’étendue du drame humanitaire occasionné ne cesse d’amener les centrafricains a se questionner aujourd’hui sur le sens du changement et de l’action politique avec la montée des rebellions en Centrafrique. Ces changements politiques se font souvent dans la négation des institutions républicaines et démocratiques établies définissant les mécanismes d’alternance au pouvoir de l’Etat.

Le niveau de déficit de réalisation des droits humains en Centrafrique reste préoccupant au regard des derniers évènements. Depuis le 24 mars 2013, le pays traverse une grave crise de protection des droits humains et vit dans une situation d’urgence jamais expérimentée des mémoires individuels et collectifs. Plus de 2,5 millions soit la moitié de la population se sont déplacées de leurs lieux de résidence traditionnelle. A Bangui nombreux ménages ont trouvé refuge dans les églises et sur le tarmac de l’aéroport international afin de se protéger des attaques meurtrières des rebelles et milices d’obédience chrétienne communément appelées les anti-balaka. Les exactions criminelles des mercenaires de la coalition rebelle Séléka ont touché l’ensemble des régions du pays. Même les populations autochtones pygmées vivant en pleine foret équatoriale n’ont pas été épargnées. La crise occasionnée est d’une ampleur humanitaire compte tenu de l’incapacité financière et matérielle de l’Etat, de la désagrégation des équipements et de l’absence de l’administration dans les régions reculées de la capitale. Le pays a ratifié de nombreuses conventions relatives aux droits humains dont l’application souffre en période des crises sociales et militaro-politiques. Au sortir de ces crises, des lois d’amnistie générale sont prises sans discernement consacrant depuis des décennies le règne de l’impunité face aux nombreux cas de crimes commis (exactions

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sommaires, disparitions, pratiques de torture, traitements cruels, inhumains et dégradants) par les troupes gouvernementales, les mouvements rebelles et les groupes d’auto-défense qui écument les régions intérieures du pays à l’instar de l’APRD6, CPJP7, FDPC8, MLCJ9, UFDR10, CNR11, GAD12, etc. L’accès à la justice reste un défi majeur pour les couches sociales pauvres et la construction d’un Etat de droit en République Centrafrique. L’ampleur des exactions subies dans l’impunité ont créé chez les centrafricains des sentiments de peur, de frustration et de perte de confiance dans les institutions judiciaires et professionnels de la justice tous devenus peu crédibles, corrompus et peu outillés à jouer pleinement les rôles qui leur sont dévolus.

Les changements politiques qui se font en Centrafrique ne sont pas de nature à garantir la performance de la machine économique nationale et par conséquent à améliorer les conditions de vie des populations. Dans la gestion des affaires publiques, les pratiques de mal gouvernance sont manifestes en dépit des alternatives et discours des nouveaux gouvernants qui accèdent au pouvoir de l’Etat depuis 1960. Le respect des principes de base de la bonne gouvernance que sont la responsabilisation, l’obligation de rendre compte, la transparence est moins observé dans la sphère politique de commandement. Par contre, la corruption, le népotisme, l’accumulation des biens mal acquis sont privilégiés au détriment des valeurs éthiques positives de travail et de mérite. Au plan économique, le pays regorge d’innombrables ressources naturelles et stratégiques non encore exploitées. Parmi ces ressources, nous pouvons citer l’uranium, le fer, le cuivre, le pétrole, etc. L’exploitation forestière demeure jusque là l’une des principales sources actuelles d’approvisionnement en devises pour le pays. Par contre, la contribution du secteur minier, particulièrement le diamant et l’or est presque nulle. Les causes de cette situation sont à rechercher dans la baisse des cours

6 APRD : Armée Populaire pour la Restauration de la République 7 CPJP : Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix 8 FDPC : Front Démocratique du Peuple Centrafricain 9 MLCJ : Mouvement des Libérateurs Centrafricains pour la Justice 10 UFDR : Union des Forces Démocratiques pour le Rassemblement 11 CNR : Conseil National de Résistance 12 GAD : Groupes d’Auto-Défense dont la date de création et de diffusion sur le territorial national remonte en 1980

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mondiaux, le développement des circuits informels de fraude soutenus par les artisans miniers, les débrouillards, les coxers et les collecteurs, le retrait des agréments accordés jadis à huit (8) bureaux d’achats sur les onze (11) en activité dans le pays. Avec la prise du pouvoir par la rébellion Séléka, toutes ces sociétés ont cessé d’exercer. Le pays a été suspendu processus de Kimberley. Dans les zones minières, la situation économique et sociale des communautés d’artisans miniers demeurent précaires. Au plan économique national, plus de 75 % des centrafricains vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Autrement dit, plus de 3,3 millions de centrafricains vivent avec moins d’un dollar US par jour. C’est un pays pauvre qui se classe à la dernière place dans la région CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale). Le pays a été soumis à de nombreux programmes d’ajustement structurels dont les résultats escomptés en termes de relance et croissance soutenue de la machine économique nationale n’ont pas été à la hauteur des mesures prises pour réduire les incidences sociales négatives occasionnées. La corruption s’est généralisée dans l’administration publique créant un contexte économique et politique de prédation qui se manifeste par des fraudes fiscales en dépit de la bancarisation des recettes publiques imposées par le régime défunt de Bozizé. Le pays tarde à renouer avec la croissance à cause de la récurrence des crises politiques empêchant un drainage suffisant des capitaux étrangers dans les créneaux économiques productifs et porteurs d’avenir. Le contraire aurait permis de financer nombreuses activités de développement et de répondre aux urgences sociales des groupes vulnérables. La pauvreté économique s’est généralisée dans le pays avec des incidences directes sur le niveau de vie et de santé de la population urbaine et rurale. Elle est cause de la malnutrition chez les enfants et les femmes enceintes, la prolifération du VIH-SIDA, la recrudescence du paludisme, de la tuberculose, etc. Les infrastructures sanitaires sont vétustes et insuffisantes en dehors de la capitale Bangui. L’offre de la santé est estimée à 786 établissements sanitaires dont 669 dans le secteur public et 117 dans le privé. Le pays compte 137 médecins dont 48 % se trouvent à Bangui. Durant la progression de la coalition rebelle vers la capitale, nombreuses formations sanitaires ont été saccagées et transformées en des bases militaires. Le personnel soignant s’est enfui en brousse ou regagné la capitale.

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Au plan social, le capital institutionnel est fragilisé par le déficit chronique de la bonne gouvernance. Ce qui ne facilite pas l’exercice de l’autorité de l’Etat qui a beaucoup reculé dans les régions intérieures. Le capital social est flasque et incapable de bâtir sur ses propres résiliences. Il ne parvient pas à se fixer sur une vision claire de son devenir, ni à se mobiliser efficace pour face aux exigences du bien être. Les mutineries militaires, les coups d’Etat récurrents, les rebellions que le pays a connu ont mis à mal les systèmes productifs et socio-organisationnels des différentes communautés ethnoculturelles. Ils ont provoqué des flux migratoires entrainant des populations rurales vers les pays limitrophes. Ces migrations internes et externes ne permettent pas aux agriculteurs et éleveurs d’exercer leurs activités traditionnelles dans la paix. Autant de faiblesses qui expriment la dégradation du système de valeurs sociales et politiques sur la base desquelles le pays est jusque là gouverné à savoir les mauvaises pratiques de gouvernance, la marginalisation de l’intérêt général, l’absence d’équité et la forte pression de l’inégalité, l’impunité en un mot l’absence notoire d’une vision à long terme d’une société centrafricaine unie et prospère, capable de franchir des étapes de sa dynamique dans le temps pour réaliser des défis et annihiler la cohorte des tares qui minent l’épanouissement des centrafricains et centrafricaines. Pour de nombreux centrafricains, les changements politiques qui affectent la marche historique du pays ont plus contribué à sa régression qu’à son développement et modernisation. Cette vision victimaire du changement est justifiée par les effets négatifs générés.

1. Le paradigme de la victimisation du changement politique

Le concept de victimisation et sa théorisation dans l’analyse politique de changement des sociétés en Afrique ont fait l’objet de nombreuses réflexions et publications de la part des auteurs comme Samir Amin13, Achille Mbembe14, Jean François Bayart15, etc. Pour Samir Amin, les phénomènes de transformations socioéconomiques s’opérant sous la domination des pays du nord, depuis la traite négrière jusqu’aux conquêtes

13 Amin S., L’accumulation à l’échelle mondiale, Dakar IFAN, Paris, Anthropos, 1970 14 Mbembe. A., A propos des écritures africaines soi, 15 Bayart J F., L’Etat en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 1989

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coloniales, ont grandement déstructuré les sociétés traditionnelles africaines et provoqué leur intégration de force dans l’économie capitaliste. Cette situation est à l’origine des rapports asymétriques de pouvoir entre les pays du nord et ceux du sud. Il s’est établi selon Samir Amin une dynamique inégalitaire d’échange entre le centre et la périphérie. Il voit dans le sous-développement actuel des sociétés africaines la conséquence de leur insertion forcée dans le capitalisme planétaire, avec sa dialectique de l’accumulation au centre et d’exploitation à la périphérie des ressources territorialisées. Dans son analyse sur l’accumulation du capital à l’échelle mondiale, il identifie trois grandes phases du processus d’accumulation qui seraient à la base du retard dans les pays du sud. Le sous-développement des sociétés africaines est la résultante de leur soumission aux différentes phases d’ajustement aux mutations et évolutions de l’occident capitaliste. Dans le cas de la République Centrafricaine, objet de réflexion et d’analyse dans le présent ouvrage, les interprétations et représentations sociales que se font les populations des causes de leur sous développement découlent des crises politiques et militaro-politiques subies et vécus négativement alors que celles-ci sont supposées de prime abord apporter un changement positif escompté. Aujourd’hui, les centrafricains se considèrent plus victimes des changements politiques récurrents qui ont depuis la période coloniale et plus de cinquante quatre ans d’indépendance affecté leur cadre de vie. Les référentiels souvent évoqués sont le règne sanglant des compagnies concessionnaires, la disparition tragique du feu fondateur Barthélémy Boganda entrainant un vide politique et historique difficile à combler, les coups d’Etat militaires, l’émergence des rebellions multiformes tiques avec leurs cortèges d’exactions criminelles, la généralisation de la pauvreté en milieu urbain et rural, etc. le pays a évolué dans des contextes faits de paix éphémère et de périodes de crises militaro-politiques diverses au sommet de l’Etat créant au sein de la population une vision victimaire du changement politique. Trois argumentations nationales sont souvent présentées pour expliquer ou justifier cette situation.

La première argumentation et la plus répandue au sein de la population s’appuie sur un passé historique douloureux découlant de la rencontre coloniale violente avec la France dont les implications politiques et socioculturelles négatives continuent encore de nos jours de freiner la

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marche de la société centrafricaine vers le progrès. En effet, le fait colonial en Oubangui Chari a été une entreprise hautement destructrice des ressorts socioculturels de la cohésion nationale dans la diversité. En tant que système, il a fonctionné comme une force extérieure guidée par les logiques d’agression, d’oppression des peuples colonisés, de domination et de pillage économique des territoires conquis. Le règne sanglant des compagnies concessionnaires caractérisé par l’imposition de la récolte du caoutchouc sauvage a réduit les collectivités locales préétablies sur les portions de territoire concédées à un régime de servitude assimilable à l’esclavage. A cela se sont ajoutés les réquisitions des hommes pour le portage et les travaux forcés dans la colonie, les déportations et longues périodes voyages à pied et sur des chalandes dans des conditions difficiles des recrus loin de leurs collectivités résidentielles sur les chantiers de construction du chemin de fer Congo océan. D’après l’historienne, Coquery Vidrovitch, toutes ces pratiques coercitives ont eu comme conséquence directe la diminution de moitié du cours démographique de la population oubanguienne. En somme, le système colonial a instauré un modèle violent de gouvernance en Oubangui Chari. Son impact a été très négatif sur la marche de l’évolution historique de la RCA. Les séries d’agression et d’appauvrissement n’ont pas connu politiquement une fin avec l’indépendance nominale du 13 aout 1960 car les rapports entre l’ancienne puissance coloniale et le nouvel Etat centrafricain ont continué à se faire dans un contexte dominé par le néocolonialisme et la détérioration des termes de l’échange. Dans les discours politiques et les relations internationales, le pays est présenté comme un Etat indépendant jouissant de ses prérogatives de souveraineté. Cette indépendance devrait en principe lui permettre de décider en toute souveraineté des accords de coopération et de contractualisation relatifs à la mise en valeur de ses innombrables ressources naturelles pour financer les efforts nationaux de développement. Malheureusement, force est de constater que le néocolonialisme français a toujours constitué un frein, une barrière manifeste et latente à la diversification des partenaires au développement avec la mondialisation de l’économie du marché. L’ouverture d’une pensée critique de la classe politique sur les visées hégémoniques de la France et sur la Centrafrique et l’influence de plus en plus grande de certains chefs d’Etat des pays

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limitrophes se considérant comme les portes flambeaux idéologiques et militaires du précarré français en Afrique centrale. Depuis les affaires de diamant de Bokassa dont les implications ont éclaboussé le président français Valéry Giscard D’Estaing et les résonnances encore négatives de l’opération Barracuda16, la France a pris du recul tactique sur les questions centrafricaines. Ce recul a été observé avec l’arrivée au pouvoir du nationaliste feu président démocratiquement élu Ange Félix Patassé en 1993. Ce dernier n’hésitait pas dans ses discours politiques à critiquer l’absence de transparence et d’appuis consistants en investissements dans la coopération française avec la RCA et son intransigeance à s’opposer aux nouvelles dynamiques de partenariat avec les pays émergents à l’instar de la Chine et la Lybie de Kadhafi. Bien avant sa mort, le président gabonais Omar Bongo Ondimba a eu à jouer un rôle actif dans la politique de la France en Afrique centrale en gardant un regard toujours ouvert sur la Centrafrique pour le compte des intérêts français et enjeux géopolitiques de la francophonie. La RCA reste pour la France « un pays réserve » c’est-à-dire une garantie en ressources minières stratégiques pour les années à venir pour l’accumulation de son capital à l’échelle mondiale le moment venu. Cette double politique de recul et de mise en veilleuse forcée du pays par la France dans son dispositif n’offre pas à l’Etat centrafricain des opportunités d’exploration des nouvelles alternatives de réponses aux attentes nationales de développement des populations à l’instar des autres pays de la sous région qui sont aujourd’hui passés de l’économie agricole à l’économie pétrolière grâce au partenariat avec les pays émergents comme la Chine.

La seconde argumentation sur la vision victimaire du changement met en exergue les ingérences hégémoniques et militaro-politiques de nouvelles puissances pétrolières sous régionales d’Afrique centrale dans les affaires centrafricaines suite à la déliquescence de l’Etat et de l’armée. Le cas typique et le plus cité est celui du Tchad avec son président Idriss Déby 16 L’opération baptisée « Barracuda » était le nom donné au coup d’Etat mené par les troupes militaires françaises pour renverser le régime impérial et dictatorial de Bokassa pendant qu’il était en mission officielle en Lybie. La France a toujours de la stratégie directe ou indirecte de coup d’Etat pour renverser et à imposer au peuple centrafricain des dirigeants attentifs à ses intérêts et répressifs aux revendications citoyennes et nationales réclamant plus de transparence et d’indépendance nationale dans les rapports avec l’ancienne puissance coloniale.

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Itno. Comparativement aux autres chefs d’Etat de la CEMAC, les ambitions sous régionales du président tchadien se sont accentuées avec l’exploitation de la manne pétrolière de Doba et l’utilisation d’une grande partie des retombées financières dans la modernisation de son armée. Pour les tenants de cette argumentation depuis l’arrivée au pouvoir de Déby en 1990, la gestion de l’Etat et du pouvoir en RCA a échappé aux centrafricains. En effet, l’espoir né des luttes victorieuses menées par les forces vives contre le régime militaire de Kolingba et ayant conduit à l’instauration de la démocratie multipartite avec les élections présidentielles et législatives de 1993 n’a été que de courte durée. Presque trois années après son investiture, le régime de Patassé a été victime des mutineries militaires à répétition imposées par les forces négatives et les ennemis à la démocratisation de la société centrafricaine. Le but visé était de rendre ingouvernable son pouvoir. Malheureusement, ce faisant ils ont retombé le pays dans le désordre démontrant à l’échelle internationale l’immaturité du leadership politique centrafricain à démocratiser le pays après plusieurs décennies de régimes militaires sous les présidents Bokassa et Kolingba. La suite, on le connait avec l’avalanche des coups d’Etat (manqués et réussis) et les évènements militaro-politiques douloureux vécus. Depuis le 15 mars 2003, le pays n’a plus connu d’alternance démocratique. Le Tchad à travers le régime de Déby s’est emparé du dossier centrafricain pour le gérer selon ses convenances géostratégiques. Son arrivée au pouvoir en 1990 a négativement modifié les rapports de bon voisinage culturel, militaire et diplomatique qui existait jadis entre les deux pays. Il a successivement défait les régimes de Patassé pour imposer aux centrafricains le général François Bozizé à l’époque chef d’Etat major du président déchu. Dix années après, il va démettre Bozizé pour installer Djotodja porté au pouvoir par une coalition hétéroclite de groupes rebelles dépourvus d’un projet véritable de changement pour la société centrafricaine. En somme, les changements politiques opérés de l’extérieur par l’armée tchadienne, selon le modèle « opération barracuda », se sont faits dans le silence total de la France dont les intérêts en RCA se sont distancés de nombreuses décennies pour se nouer fortement avec l’Etat militaire et pétrolier tchadien. Le général Idriss Déby est aujourd’hui devenu « le faiseur des présidents en Centrafrique » le plus souvent issus des rebellions hétéroclites

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qu’il a lui-même montées en se fondant sur les revendications identitaires des chefs rebelles présidentiables. Si hier les coups d’Etat militaires étaient d’origine endogène, œuvres des officiers nationaux directement issus de l’armée centrafricaine, aujourd’hui ce sont des chefs rebelles et ou des coalitions des groupes militaro-politiques qui partent des régions frontalières pour la conquête de la capitale sur des véhicules des 4 x 4 du type BG 75 suréquipés d’armes lourdes par le Tchad pour défaire les pouvoirs tombés en disgrâce du leader tchadien. Ainsi, a vécu pendant des décennies la RCA des aventures politiques non porteuses de véritable changement institutionnel et d’espoir escomptés par les populations. Les changements politiques orchestrés de l’extérieur par Déby n’ont apporté que désolations, pleures et descentes aux enfers de la population centrafricaine devant la cruauté des exactions criminelles des mercenaires arabophones tchadiens et soudanais.

Enfin la dernière argumentation sur la vision victimaire du changement politique est d’ordre géopolitique. Pour les tenants de cette position théorique, tout est fait en matière de communication et de diplomatie pour démontrer sur la scène politique internationale l’incapacité politique et technique des fils et filles de ce pays à se prendre en charge ou encore à décider de manière consensuel autour des enjeux et défis géopolitiques de leur avenir. La République Centrafricaine est aujourd’hui présentée en Afrique centrale et dans le reste du monde comme le pays où tout échoue en dépit des multiples interventions humanitaires et d’assistance sécuritaire visant à son relèvement. Il s’est créé dans le pays un centrafricano-pessimisme très développé au sein de la population urbaine et rurale au regard du bilan négatif de l’évolution politique, économique et sociale du pays depuis l’indépendance. Ce sentiment de pessimisme est justifié par un certain nombre de faits à savoir l’échec des politiques agricoles, la famine, l’endettement chronique de l’Etat privant le pays de toute opportunité d’investissements dans des créneaux économiques porteurs, l’augmentation démographique des jeunes diplômés sans emplois et des déscolarisés devenus une véritable armée de pillards et de violence urbaine, etc. L’image que donne la République Centrafricaine dans la sous région d’Afrique centrale et au monde est celle d’une société décidée à s’installer dans un coma profond au regard de la

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multiplication des évènements militaro-politiques douloureux générés par l’accumulation des tares de gouvernance. Dans les faits, il s’agit d’un pays dont les dirigeants politiques passés et actuels (civils ou militaires), les leaders des partis politiques, l’élite intellectuelle évoluent à contre courant de l’histoire nationale et de la diplomatie internationale. Les actes qu’ils posent en société s’inscrivent pour la plupart dans un processus de dégénérescence des acquis institutionnels et démocratiques. Leurs manières de penser et d’agir sont encore commandées par des urgences générées par les conflits ethno-politiques et la protection des intérêts égoïstes. Au plan international, le pays attire de moins en moins d’investisseurs étrangers ou encore suscitent moins l’attention des donateurs internationaux. A titre d’exemple, les demandes exprimées en termes d’aide à pourvoir en 2012 en réponse à la situation de la crise humanitaire dans le pays évaluées à plus de 134 millions de dollars US n’ont pas connu un engouement dans les donations. Seulement, 30 % des aides réclamées ont été reçues. C’est un pays à grande vulnérabilité et laissé pour compte car n’offrant pas d’opportunités économiques immédiates pour les grandes puissances financières mondiales.

Le paradigme de la victimisation appliqué à la problématique du changement politique en Centrafrique offre un champ d’approche et d’analyse pluridisciplinaire sur les questions à la fois politiques, sociologiques, anthropologiques, psychologiques, religieuses et morales, prospectives, etc. en relation directe avec la gouvernance et le développement humain durable. La formulation des différentes interrogations permettent d’appréhender les schémas d’analyses conceptuelles et stratégiques des centrafricains face aux défis du changement et de la culture de performance dans sa gestion. Cela dit, (i) Quelles représentations sociales se font les populations centrafricaines du concept du changement et de son appréhension dans leurs vécus en société ? (ii) Quels sont les déterminants de la vision victimaire du changement politique dans ce pays ? (iii) Comment le leadership politique a-t-il jusqu’ici géré les changements et processus étatiques transitoires ? (iv) Dans quelle mesure la réappropriation dialectique des défis politiques endogènes et exogènes nationaux de développement peut-elle être porteuse de changements escomptés par les centrafricains ? Les analyses développées

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sur le paradigme de la victimisation du changement politique en Centrafrique s’inscrivent dans une approche critique, dialectique et prospective prenant en compte les facteurs endogènes et exogènes qui minent l’effectivité du changement et la marche historique de ce pays vers le progrès. Notre intention n’est pas de diluer les facteurs endogènes pour se positionner sur ceux d’origine exogène. En effet, les facteurs endogènes sont aussi destructeurs l’évolution et du développement durable de la société centrafricaine. En effet, les dominations et pillages de l’économie centrafricaine se font avec la complicité active des acteurs politiques nationaux qui servent souvent de courroie de transmission des mesures et décisions anticonstitutionnelles dont souffrent les populations. L’argument du joug colonial qui a longtemps gouverné les cadres de réflexion dans le paradigme de la victimisation n’est pas suffisant. Il est réducteur des réalités et surtout de la responsabilité des centrafricains dans les crises qu’ils génèrent à travers la mal gouvernance. Notre démarche va au delà d’une lecture figée ou statique de la situation des crises passées, actuelles de la RCA en se fondant sur des vieux clichés qui continuent encore de guider la vision du leadership politique national et de l’ancienne puissance colonisatrice. Cette situation est à l’origine du décalage dans les discours et prises de grandes décisions politiques face aux réalités sociales nationales souvent mal analysées tant de l’intérieur que de l’extérieur. Le non décollage de la société centrafricaine ou encore son incapacité à ouvrir une voie originale pour se positionner sur le chemin l’émergence ne doit pas être perçu comme un enfermement national dans le fatalisme ni encore une volonté pour les populations centrafricaines de vivre dans la répétition des cycles d’autodestruction déniant toute capacité de mutation et de révolution nationale démocratique. La société centrafricaine n’est pas réfractaire au changement ni encore à l’innovation. Les causes de sa crise résident dans l’incapacité des gouvernants et gouvernés à opérer une rupture et continuité culturo-identitaire dans les transformations à la fois politiques, institutionnelles en matière de gouvernance. Leurs répercutions ont grandement déterminé les perceptions et discours victimaires du changement dans ce pays. Elles mettent en lumière la crise du modèle politique de gouvernance et celle du développement dont les interactions dialectiques avec l’économie mondiale sont aussi intimement liées.

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Le présent ouvrage intitulé CENTRAFRIQUE : La victimisation du changement politique aborde les problématiques de la déliquescence de l’Etat caractérisée par la faillite de la bonne gouvernance et de la démocratie caractérisée par des exactions criminelles des rebelles sur les paisibles citoyens, les abus des droits humains qui ont marqué négativement l’évolution politique, économique et sociale de la société centrafricaine de la colonisation à nos jours. La situation du pays est aujourd’hui dramatique marquée par la faible performance de la machine économique et politique nationale. Son poids économique dans la sous région centrale de l’Afrique est insignifiant. Le pays est tiraillé par des conflits divers de conquête et contrôle du pouvoir de l’Etat par des prédateurs civils et militaires déguisés en homme politique. Le leadership politique et la société civile éprouvent d’énormes difficultés à se bâtir un consensus autour des grands piliers susceptibles de servir de vision de base dans le projet de construction d’une société centrafricaine unie, économiquement prospère porteuse d’espoir collectif. Aujourd’hui, plus de 52 % sont analphabètes dont 80 % en milieu rural éprouvent d’énormes difficultés à lire et à écrire. La situation actuelle de la RCA est symbolique d’un système agonisant hérité de la colonisation et reproduit de décennie en décennie sans une innovation. De la part d’une classe politique dos au mur. Les analyses développées sont structurées en cinq (5) chapitres.

• Le chapitre premier procède à une relecture historique des dynamiques de construction dans la violence de l’Etat colonial en Oubangui Chari en mettant un accent particulier sur les abus du régime concessionnaire, les réponses des populations oubanguiennes aux abus des concessionnaires à travers la guerre de Kongo wara, le vide politique laissé par la disparition tragique de Boganda en 1959, la difficile gestion des processus étatiques transitoires depuis 1960 ;

• Le second chapitre traite des déterminants de la vision victimaire du changement, des épreuves de souffrances subies et endurcies, le processus historique de construction d’une société de violence avec la politique d’amnistie des bourreaux sous les différents régimes (civils et militaires). Les alternances politiques continuent de faire dans la violence et la négation des dispositions constitutionnelles établies. La succession au pouvoir des régimes civils et militaires ne concourent pas à l’éducation