1 L’abstraction géométrique belge, dans ses multiples manifestations, est présentée à travers la sélection d’une cinquantaine d’œuvres. Qu’est-ce que l’abstraction géométrique ? Que signifient ces formes simples, ces aplats de couleurs sans modelés, ces monochromes minimalistes ? L’abstraction géométrique se place d’emblée en dehors des représentations symbolistes, les œuvres ne signifient rien d’autre que ce qu’elles montrent, et revendiquent un retour à la plastique pure. Il s’agit aussi de rechercher une forme d’ascétisme, en réaction au monde moderne, proposer un temps de suspension dans un monde en tension permanente. L’équilibre intérieur apporté par la contemplation d’une ordonnance géométrique claire, ainsi que la fonction méditative en jeu dans le monochrome : il s'agit de retrouver, pour Jo Delahaut « par d'autres moyens, l'équivalent des jardins zen". De cet art exempt de références au monde visible émergeront différentes mouvances, évoquées dans l’exposition, parmi lesquelles l’Art Construit, Geoform ou, plus tard, l’abstraction minimaliste, dont les prolongements sont encore vivants aujourd’hui. Des œuvres de la collection de l’ULB et de collections privées côtoieront des documents, textes, interviews, afin d’apporter les éléments essentiels à la bonne compréhension des fondements de ce mouvement majeur.
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ce que l‘abstraction géométrique - ulb.ac.be · L‘art abstrait géométrique de distingue de l‘abstraction lyrique, qui est une expression directe de l‘émotion. ... De
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L’abstraction géométrique belge, dans ses multiples manifestations, est présentée à travers la sélection d’une cinquantaine d’œuvres. Qu’est-ce que l’abstraction géométrique ? Que signifient ces formes simples, ces aplats de couleurs sans modelés, ces monochromes minimalistes ? L’abstraction géométrique se place d’emblée en dehors des représentations symbolistes, les œuvres ne signifient rien d’autre que ce qu’elles montrent, et revendiquent un retour à la plastique pure. Il s’agit aussi de rechercher une forme d’ascétisme, en réaction au monde moderne, proposer un temps de suspension dans un monde en tension permanente. L’équilibre intérieur apporté par la contemplation d’une ordonnance géométrique claire, ainsi que la fonction méditative en jeu dans le monochrome : il s'agit de retrouver, pour Jo Delahaut « par d'autres moyens, l'équivalent des jardins zen". De cet art exempt de références au monde visible émergeront différentes mouvances, évoquées dans l’exposition, parmi lesquelles l’Art Construit, Geoform ou, plus tard, l’abstraction minimaliste, dont les prolongements sont encore vivants aujourd’hui. Des œuvres de la collection de l’ULB et de collections privées côtoieront des documents, textes, interviews, afin d’apporter les éléments essentiels à la bonne compréhension des fondements de ce mouvement majeur.
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Abstraction géométrique
en Belgique
De 1956 à nos jours
Marquée par la prégnance du mouvement symboliste, la Belgique
est peu réceptive aux mouvements abstraits du début du siècle,
initiés par Kandinsky, Mondrian ou Malevitch.
Mais après 1945, l’abstraction bénéficie en Belgique d’une
reconnaissance institutionnelle et privée favorable à l’accueil d’une
nouvelle génération. Accompagné de Marcel-Louis Baugniet, Jean
Rets, Gilbert Decock et Léopold Plomteux, le peintre Jo Delahaut
fonde en 1952 le groupe Art abstrait puis Formes en 1956. Ces
mouvements naissent d’une volonté d’en revenir aux éléments
essentiels de la peinture (la ligne, la forme, la couleur), et de rompre
ainsi tout rapport avec le réel pour mieux investir les limites de la
réalité, dans son élargissement poétique.
L’abstraction géométrique se fédère ainsi autour de Jo Delahaut : il
joue un rôle essentiel dans le processus qui mènera la plupart de
ses membres à « franchir la ligne vers l’abstraction » vers 1950.
Guy Vandenbranden – Composition – Huile sur toile – 1984 – Collection ULB
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De cet art exempt de références au monde visible émergeront
différents groupes, évoqués dans l’exposition, parmi lesquels Art
Construit, ou D4 qui deviendra Geoform. Ces groupes évolueront
pour certains vers le minimalisme, ou poseront les fondements de
l’art cinétique des années 1960 et 1970, dont Henri Gabriel est un
représentant original.
L’abstraction construite tend assez rapidement vers le minimalisme
en réaction au succès international de l’abstraction lyrique, qui, elle,
fait place à l’expression de l’émotion individuelle. Il s’agit pour
l’artiste de rechercher une forme d’ascétisme. Jean-Pierre Maury,
Jean-Jacques Bauweraerts, Jo Delahaut, Marcel-Louis Baugniet,
Guy Vandenbranden porteront ces projets à travers le groupe
MESURES art international (1988-1995), qui propose dans sa
revue un espace de dialogue sur la peinture géométrique, ouvert à
l’international, et faisant la promotion des recherches des trente
années précédentes.
Enfin, dans la dernière partie, nous évoquerons les prolongements
actuels de l’art géométrique construit en Belgique jusqu’en 2000.
En marge de ce parcours, l’artiste invitée Chantal Coppieters’t
Wallant présente une sélection de ses œuvres abstraites
construites.
Georges Meurant – Sans titre – Huile sur bois – 1999 – Collection ULB
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Jo Delahaut et ses amis
Prémisses de l’abstraction
géométrique (1952 - 1960)
Face au peu de succès public rencontré dans les années 30, les
premiers abstraits belges ont réorienté leur création vers d’autres
formes d’art (dadaïsme, surréalisme, expressionnisme flamand ou
abstraction lyrique). Il faudra attendre les années 50 pour voir éclore
la seconde génération d’artistes abstraits.
L’association La Jeune Peinture belge se donne pour objectif
d’offrir aux peintres les moyens matériels d’exposer, non seulement
en Belgique, mais également à l’étranger.
D’abord figuratif, Jo Delahaut expose l’unique œuvre abstraite au
salon de la Jeune Peinture belge en 1947. Très vite, il devient le
chef de file et le défenseur de ce renouveau de l’art abstrait en
Belgique. Son désir est partagé par nombre de peintres : il consiste
à désinhiber la création de ses attributions mimétiques pour vivre la
peinture comme un espace de liberté.
Accompagné de Pol Bury, Georges Collignon, Léopold Plomteux,
Jan Saverys, Jan Burssens et Georges Carrey, Jo Delahaut fonde
en 1952 le groupe Art abstrait qui « …puise dans l’essence même
de la spiritualité et de la sensibilité et non dans les éléments et les
rythmes de la nature extérieure, brute et perceptible par les sens »
Cahier n°1 de l’Art abstrait.
L’art abstrait géométrique de distingue de l’abstraction lyrique, qui
est une expression directe de l’émotion. Il s’agit plutôt de s’attacher
à la pure plastique de la création, en exploitant les éléments
essentiels de la peinture sans rapport avec le réel. L’abstraction
construite est ainsi un agencement rigoureux de formes, de
lignes et de couleurs en aplats.
Jo Delahaut sera le fondateur de la plupart des groupes abstraits
géométriques jusque dans les années 70 : Formes (1956), Art
Construit (1960) et Geoform (1966).
Dans ses écrits, Delahaut martèle l’idée que l’abstraction ne se
reconnaît aucun devoir de référence au monde visible. L’image ne
transmet d’autre contenu que celui de sa propre rhétorique
plastique. Elle ne tient aucun discours. "L'art n'apprend rien,
n'enseigne rien : il éveille".
Dès les années 50, on assiste à une volonté d’intégrer l’art au
quotidien et de le rendre accessible à la majorité. Le manifeste du
Spatialisme en 1954 (« l’art doit participer à la vie quotidienne,
s’incorporer dans le décor journalier et aider de la sorte l’homme à
se dégager du passé et à s’accorder du présent ») signe la parenté
de ces premiers groupes abstraits avec des mouvements comme
Arts and Crafts (né en Angleterre à la fin du 19ème), De Stijl, fondé
1917 en Hollande, le Bauhaus né en 1919 à Weimar, ou encore le
constructivisme né vers 1920 en Russie.
Marcel-Louis Baugniet participe à l’asbl Formes nouvelles en 1950,
qui s’intéresse à l’habitat et prône la collaboration entre les arts et
l’industrie en soutenant la production à grande échelle de produits
de qualité à des prix démocratiques. A ses yeux, « L’utilité est une
Chantal Coppieters ‘t Wallant est une artiste pluridisciplinaire,
maniant tour à tour l’aquarelle, le lavis à l’encre de Chine, le pastel,
l’acrylique et le vinylique.
Elle a essentiellement travaillé sur le mouvement dans les années
1977-1989, puis a évolué vers l’abstraction construite, qu’elle
continue d’explorer.
Chantal Coppieters - Obliques, cercles et courbes II – 2009 – Coll. privée
Une production ULB Culture - Département des services à la communauté universitaire (DSCU)
Œuvres de Marcel-Louis BAUGNIET ; Jean-Jacques BAUWERAERTS ; Chantal COPPIETERS'T WALLANT ; Gilbert DECOCK ; Jo DELAHAUT ; Francis DUSEPULCHRE ; Henri GABRIEL ; Felix HANNAERT ; Pal HORVATH ; Madeleine MARTIN-HAUPERT ; Jean-Pierre MAURY; Georges MEURANT ; Léopold PLOMTEUX; Jean RETS; Gilbert SWIMBERGHE ; Guy VANDENBRANDEN ; Noël VERMEULEN
Conseiller scientifique : Ben Durant
Remerciements : Chantal Coppieters’t Wallant, Jean-Christophe Geluck, Denis Laoureux, Laura Neve, la Galerie Quadri, Antony Spiegeler, Sandrine Zicot.
Aide technique : Centre des Technologies au service de l'Enseignement, ULB Société Royale d’Archéologie de Bruxelles.