Cour de justice (grande chambre) NH Associazione Avvocatura per i diritti LGBTI ndash Rete Lenford 23 avril 2020 C-50718
Reacutesumeacute En reacuteponse agrave des questions preacutejudicielles de la Cour de cassation italienne la Cour de justice estime drsquoune part que des
deacuteclarations insinuant une politique de recrutement homophobe relegravevent de la notion de laquo conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi ou au travail raquo
degraves lors qursquoil existe un lien non hypotheacutetique entre ces deacuteclarations et la politique de recrutement de lrsquoemployeur Drsquoautre part elle a
conclu que le droit national peut preacutevoir qursquoune association a le droit drsquoagir en justice pour assurer le respect des obligations de la
directive 200078 mecircme si aucune personne leacuteseacutee nrsquoest identifiable
NH est un avocat et lrsquoAssociazione une association drsquoavocats deacutefendant en justice les droits des personnes
LGBTI LrsquoAssociazione a attrait NH en justice en raison du fait qursquoil avait tenu des propos constituant un
comportement discriminatoire fondeacute sur lrsquoorientation sexuelle des travailleurs NH a deacuteclareacute lors drsquoune eacutemission
radiophonique ne pas vouloir recruter ni faire travailler de personnes homosexuelles dans son cabinet drsquoavocats
Le Tribunal de Bergame a condamneacute NH par une ordonnance du 6 aoucirct 2014 La Cour drsquoappel de Brescia a
rejeteacute le recours introduit par NH NH srsquoest pourvu en cassation et allegravegue que lrsquoAssociazione nrsquoa pas la qualiteacute
pour agir et qursquoil a exprimeacute une opinion concernant la profession drsquoavocat non pas en se preacutesentant en qualiteacute
drsquoemployeur mais en tant que simple citoyen et que les deacuteclarations litigieuses eacutetaient deacutetacheacutees de tout contexte
La Cour de Cassation a deacutecideacute de surseoir agrave statuer et de poser agrave la Cour de justice les questions preacutejudicielles
laquo 1) Lrsquoarticle 9 de la directive [200078] doit-il ecirctre interpreacuteteacute en ce sens qursquoune association composeacutee
drsquoavocats speacutecialiseacutes dans la deacutefense en justice drsquoune cateacutegorie de personnes ayant une orientation
sexuelle diffeacuterente et qui a pour objectif aux termes de ses statuts de promouvoir la culture et le respect
des droits de cette cateacutegorie est automatiquement porteuse drsquoun inteacuterecirct collectif et constitue une
association de tendance ou de conviction sans but lucratif ayant qualiteacute pour agir en justice y compris
en reacuteparation lorsque se produisent des faits jugeacutes discriminatoires contre cette cateacutegorie de personnes
2) Les articles 2 et 3 de la directive [200078] doivent-ils ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens que le champ
drsquoapplication du reacutegime de lutte contre la discrimination que preacutevoit cette directive couvre lrsquoexpression
drsquoune opinion contraire agrave la cateacutegorie des personnes homosexuelles faite lors drsquoun entretien dans le
cadre drsquoune eacutemission radiophonique de divertissement dans laquelle la personne interrogeacutee a deacuteclareacute
que jamais elle ne recruterait ni ne ferait travailler ces personnes dans son cabinet [drsquoavocats] alors
mecircme qursquoaucune proceacutedure de recrutement nrsquoaurait eacuteteacute en cours ni nrsquoaurait eacuteteacute programmeacutee par cette
Il convient drsquoexaminer en premier lieu si les deacuteclarations effectueacutees au cours drsquoune eacutemission audiovisuelle par
NH relegravevent du champ drsquoapplication mateacuteriel de la directive 200078 en ce que celle-ci vise agrave son article 3
paragraphe 1 sous a) les laquo conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi [hellip] ou au travail y compris les critegraveres de seacutelection et
Renvoi preacutejudiciel ndash Eacutegaliteacute de traitement en matiegravere drsquoemploi et de travail ndash Directive 200078CE ndash Article 3 paragraphe 1 sous a) article 8 paragraphe 1 et article 9 paragraphe 2 ndash Interdiction des discriminations fondeacutees sur lrsquoorientation sexuelle ndash Conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi ou au travail ndash Notion ndash Deacuteclarations publiques excluant le recrutement de personnes homosexuelles ndash Article 11 paragraphe 1 article 15 paragraphe 1 et article 21 paragraphe 1 de la charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne ndash Deacutefense des droits ndash Sanctions ndash Personne morale repreacutesentative drsquoun inteacuterecirct collectif ndash Qualiteacute pour agir en justice sans agir au nom drsquoun plaignant deacutetermineacute ou en lrsquoabsence de personne leacuteseacutee ndash Droit drsquoobtenir reacuteparation
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La Cour de justice note que cette directive ne renvoie pas au droit des Eacutetats membres pour deacutefinir la notion de
laquo conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi [hellip] ou au travail raquo Ces termes doivent donc ecirctre interpreacuteteacutes conformeacutement agrave leur
sens habituel dans le langage courant tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utiliseacutes et des
objectifs poursuivis par la reacuteglementation dont ils font partie En lrsquoespegravece les termes de lrsquoarticle 3 de la directive
200078 visent des circonstances ou des faits dont lrsquoexistence doit impeacuterativement ecirctre eacutetablie pour qursquoune
personne puisse obtenir un emploi ou un travail donneacute Les termes ne permettant pas agrave eux seuls de deacuteterminer
si les deacuteclarations litigieuses relegravevent du champ drsquoapplication mateacuteriel de cette directive la Cour de justice estime
qursquoil faut srsquointerroger sur le contexte dans lequel srsquoinscrit lrsquoarticle 3 et sur les objectifs de la directive preacuteciteacutee La
directive a eacuteteacute prise sur le fondement de lrsquoarticle 19 paragraphe 1 TFUE lequel confegravere agrave lrsquoUnion une
compeacutetence pour prendre les mesures neacutecessaires en vue de combattre toute discrimination fondeacutee notamment
sur lrsquoorientation sexuelle Lrsquoobjectif de la directive 200078 est drsquoeacutetablir un cadre geacuteneacuteral pour lutter contre la
discrimination fondeacutee sur lrsquoorientation sexuelle en ce qui concerne lrsquoemploi et le travail afin de mettre en œuvre
le principe de lrsquoeacutegaliteacute de traitement dans les Eacutetats membres La Cour de justice rappelle que la directive 200078
concreacutetise ainsi dans le domaine qursquoelle couvre le principe geacuteneacuteral de non-discrimination deacutesormais consacreacute agrave
lrsquoarticle 21 de la Charte europeacuteenne des droits fondamentaux Ainsi la Cour de justice estime que la notion de
laquo conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi ou au travail raquo ne saurait faire lrsquoobjet drsquoune interpreacutetation restrictive
Pour que des deacuteclarations relegravevent du champ drsquoapplication mateacuterielle de la directive preacuteciteacutee il faut qursquoelles
puissent ecirctre effectivement rattacheacutees agrave la politique de recrutement drsquoun employeur donneacute ce qui impose que le
lien qursquoelles preacutesentent avec les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi ou au travail aupregraves de cet employeur ne soit pas
hypotheacutetique Afin drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun tel lien sont pertinents le statut de lrsquoauteur des deacuteclarations et la
qualiteacute dans laquelle il srsquoest exprimeacute lesquels doivent eacutetablir srsquoil est un employeur potentiel ou capable drsquoexercer
une influence deacuteterminante sur la politique drsquoembauche Sont pertinents deuxiegravemement la nature et le contenu
des deacuteclarations concerneacutees Troisiegravemement doit ecirctre pris en consideacuteration le contexte dans lequel les
deacuteclarations en cause ont eacuteteacute effectueacutees
Finalement la Cour de justice estime que cette interpreacutetation de la directive ne saurait ecirctre infirmeacutee par lrsquoeacuteventuelle
limitation agrave lrsquoexercice de la liberteacute drsquoexpression qursquoelle pourrait entraicircner Elle rappelle que la liberteacute drsquoexpression
est un droit fondamental de lrsquoUnion europeacuteenne mais qursquoelle nrsquoest pas un droit absolu et son exercice peut
comporter des limitations si elles sont preacutevues par la loi et respectent le contenu essentiel de ce droit ainsi que
le principe de proportionnaliteacute Or comme lrsquoavocate geacuteneacuterale lrsquoa releveacute dans ses conclusions tel est le cas en
lrsquooccurrence
Par suite la Cour de justice estime que la notion de laquo conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi [hellip] ou au travail raquo doit ecirctre
interpreacuteteacutee en ce sens que relegravevent de cette notion les deacuteclarations litigieuses agrave condition que le lien entre ces
deacuteclarations et les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi ou au travail au sein de cette entreprise ne soit hypotheacutetique
o Sur la premiegravere question
Lrsquoarticle 9 paragraphe 2 de la directive 200078 dispose que les Eacutetats membres veillent agrave ce que les associations
organisations ou les personnes morales qui ont un inteacuterecirct leacutegitime agrave assurer que les dispositions de cette directive
sont respecteacutees puissent engager toute proceacutedure judiciaire et ou administrative preacutevue pour faire respecter les
obligations de la directive Lrsquoarticle 8 paragraphe 1 de la directive 200078 preacutevoit que les Eacutetats membres
peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus favorables agrave la protection du principe de lrsquoeacutegaliteacute de traitement
que celles preacutevues dans cette directive Ainsi la Cour de justice a jugeacute que lrsquoarticle 9 de la directive 200078 ne
srsquooppose pas agrave ce qursquoun Eacutetat membre preacutevoie le droit pour les associations ayant un inteacuterecirct leacutegitime agrave faire assurer
le respect de cette directive drsquoengager des proceacutedures juridictionnelles ou administratives visant agrave faire respecter
les obligations deacutecoulant de celle-ci sans agir au nom drsquoun plaignant deacutetermineacute ou en lrsquoabsence de plaignant
identifiable
Par suite la Cour de justice estime que la directive 200078 ne srsquooppose pas agrave une reacuteglementation nationale en
vertu de laquelle une association dont lrsquoobjet consiste agrave deacutefendre en justice les personnes ayant une certaine
orientation sexuelle a automatiquement qualiteacute pour engager une proceacutedure juridictionnelle visant agrave faire
respecter les obligations deacutecoulant de cette directive lorsque se produisent des faits susceptibles de constituer une
discrimination agrave lrsquoencontre de ladite cateacutegorie de personnes et qursquoune personne leacuteseacutee nrsquoest pas identifiable
Par ces motifs la Cour de justice (grande chambre) dit pour droit
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1) La notion de laquo conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi [] ou au travail raquo contenue dans lrsquoarticle 3 paragraphe
1 sous a) de la directive 200078CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant creacuteation drsquoun cadre
geacuteneacuteral en faveur de lrsquoeacutegaliteacute de traitement en matiegravere drsquoemploi et de travail doit ecirctre interpreacuteteacutee en ce
sens que relegravevent de cette notion des deacuteclarations effectueacutees par une personne au cours drsquoune eacutemission
audiovisuelle selon lesquelles jamais elle ne recruterait ni ne ferait travailler de personnes drsquoune certaine
orientation sexuelle dans son entreprise et ce alors qursquoaucune proceacutedure de recrutement nrsquoeacutetait en cours
ou programmeacutee agrave condition que le lien entre ces deacuteclarations et les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi ou au
travail au sein de cette entreprise ne soit pas hypotheacutetique
2) La directive 200078 doit ecirctre interpreacuteteacutee en ce sens qursquoelle ne srsquooppose pas agrave une reacuteglementation
nationale en vertu de laquelle une association drsquoavocats dont lrsquoobjet statutaire consiste agrave deacutefendre en
justice les personnes ayant notamment une certaine orientation sexuelle et agrave promouvoir la culture et le
respect des droits de cette cateacutegorie de personnes a du fait de cet objet et indeacutependamment de son but
lucratif eacuteventuel automatiquement qualiteacute pour engager une proceacutedure juridictionnelle visant agrave faire
respecter les obligations deacutecoulant de cette directive et le cas eacutecheacuteant obtenir reacuteparation lorsque se
produisent des faits susceptibles de constituer une discrimination au sens de ladite directive agrave
lrsquoencontre de ladite cateacutegorie de personnes et qursquoune personne leacuteseacutee nrsquoest pas identifiable
Indeacutependance de la justice
Ordonnance de la Cour de justice (grande chambre) du 8 avril 2020 dans lrsquoaffaire Reacutepublique de Pologne Commission europeacuteenne C-79119 R
Reacutesumeacute La Commission europeacuteenne a saisi la Cour de justice afin que celle-ci ordonne la suspension des dispositions de la leacutegislation
nationale qui donne la compeacutetence agrave la chambre disciplinaire de juger des affaires disciplinaires concernant les juges polonais La Cour
de justice reacutepond positivement agrave la demande de la Commission europeacuteenne en justifiant que ces dispositions porteraient atteinte agrave
lrsquoindeacutependance de la justice et ainsi seraient contraires agrave lrsquoEtat de droit et au droit de lrsquoUnion
Estimant que la Reacutepublique de Pologne avait manqueacute en adoptant le nouveau reacutegime disciplinaire des juges de
la Cour suprecircme et des juridictions de droit commun aux obligations lui incombant en vertu du droit de lrsquoUnion
la Commission europeacuteenne a le 3 avril 2019 adresseacute une lettre de mise en demeure agrave cet Eacutetat Dans une lettre
du 1er juin 2019 la Reacutepublique de Pologne a contesteacute toute violation du droit de lrsquoUnion Le 17 juillet 2019 la
Commission europeacuteenne a eacutemis un avis motiveacute dans lequel elle maintenait que le nouveau reacutegime polonais violait
les dispositions du droit de lrsquoUnion Agrave la suite de la reacuteponse de la Reacutepublique de Pologne qui ne lrsquoa pas convaincu
la Commission europeacuteenne a deacutecideacute drsquointroduire un recours en manquement
Par sa demande en reacutefeacutereacute la Commission europeacuteenne demande agrave la Cour de justice drsquoordonner agrave la Reacutepublique
de Pologne dans lrsquoattente de lrsquoarrecirct de la Cour de justice statuant sur le fond de suspendre lrsquoapplication des
dispositions de lrsquoarticle 3 point 5 de lrsquoarticle 27 et de lrsquoarticle 73 paragraphe 1 de la loi sur la Cour suprecircme
constituant le fondement de la compeacutetence de la chambre disciplinaire de la Cour suprecircme polonaise La
Commission europeacuteenne demande eacutegalement que la Reacutepublique de Pologne srsquoabstienne de transmettre les
affaires pendantes devant la chambre disciplinaire agrave une formation de jugement qui ne satisfait pas aux exigences
drsquoindeacutependance
o Sur la recevabiliteacute
La Reacutepublique de Pologne soutient que la demande en reacutefeacutereacute introduite par la Commission europeacuteenne est
manifestement irrecevable En premier lieu la Pologne allegravegue que les mesures provisoires solliciteacutees par la
Commission europeacuteenne sont de nature agrave constituer une ingeacuterence inadmissible dans les structures
constitutionnelle et juridictionnelle polonaises
Reacutefeacutereacute ndash Article 279 TFUE ndash Demande de mesures provisoires ndash Article 19 paragraphe 1 second alineacutea TUE ndash Indeacutependance de lrsquoIzba Dyscyplinarna (chambre disciplinaire) du Sąd Najwyższy (Cour suprecircme Pologne)
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La Commission europeacuteenne soutient que les dispositions nationales dont elle demande la suspension relegravevent du
champ drsquoapplication de lrsquoarticle 19 paragraphe 1 second alineacutea TUE de sorte qursquoelles peuvent faire lrsquoobjet de
mesures provisoires solliciteacutees
La Cour de justice rappelle que bien que chaque Eacutetat membre soit compeacutetent pour lrsquoorganisation de la justice
dans son Eacutetat ils sont tenus de respecter les obligations qui deacutecoulent du droit de lrsquoUnion et en particulier de
lrsquoarticle 19 paragraphe 1 second alineacutea TUE Tous les Etats membres doivent srsquoassurer que les juridictions
relevant de leur systegraveme de voies de recours dans les domaines couverts par le droit de lrsquoUnion satisfont aux
exigences drsquoune protection juridictionnelle effective La Cour de justice rappelle que lrsquoarticle 19 TUE qui
concreacutetise la valeur de lrsquoEacutetat de droit confie aux juridictions nationales et agrave la Cour de justice de garantir la pleine
application du droit de lrsquoUnion ainsi que la protection juridictionnelle que les justiciables tirent de ce droit Afin
que cette protection soit garantie la preacuteservation de lrsquoindeacutependance de ces instances est primordiale La Cour de
justice relegraveve qursquoil incombe agrave tout Eacutetat membre drsquoassurer que le reacutegime disciplinaire applicable aux juges des
juridictions nationales respecte le principe drsquoindeacutependance des juges Ainsi la Cour de justice est compeacutetente
dans le cadre drsquoun recours en manquement tendant agrave contester la compatibiliteacute avec lrsquoarticle 19 paragraphe 1
second alineacutea TUE des dispositions nationales relatives au reacutegime disciplinaire pour ordonner au titre de lrsquoarticle
279 TFUE des mesures provisoires tendant agrave la suspension de lrsquoapplication de telles dispositions
En lrsquoespegravece la Cour de justice note que la chambre disciplinaire srsquoest vu confier par les dispositions nationales
litigieuses la compeacutetence pour statuer dans les affaires disciplinaires concernant les juges de la Cour suprecircme et
des juridictions de droit commun juridictions qui peuvent connaitre de questions lieacutees agrave lrsquoapplication ou agrave
lrsquointerpreacutetation du droit de lrsquoUE
Par suite la Cour de justice est compeacutetente pour adopter des mesures provisoires de la nature de celles solliciteacutees
par la Commission europeacuteenne
En deuxiegraveme lieux la Pologne soutient que les mesures provisoires solliciteacutees par la Commission europeacuteenne
tendent agrave ce que certains juges de la Cour suprecircme agrave savoir ceux de la chambre disciplinaire soient deacutemis de
leurs fonctions Cela violerait le principe drsquoinamovibiliteacute des juges et compromettrait les garanties drsquoindeacutependance
des juges
La Cour de justice estime que les mesures demandeacutees par la Commission europeacuteenne auraient pour effet la
suspension de lrsquoapplication des dispositions nationales litigieuses et non pas la reacutevocation des juges de la chambre
disciplinaire
En troisiegraveme lieu la Reacutepublique de Pologne estime que les mesures provisoires rendraient impossible lrsquoexeacutecution
de lrsquoarrecirct deacutefinitif en cas drsquoaccueil du recours en ce que leur octroi aurait pour effet pratique la dissolution de la
chambre disciplinaire La Cour de justice rejette lrsquoargument de la Pologne
Par suite la Cour de justice conclut que la demande de mesures provisoires est recevable
o Sur le fond
La Cour de justice agrave titre liminaire rappelle qursquoune mesure provisoire ne peut ecirctre accordeacutee par le juge des reacutefeacutereacutes
que srsquoil est eacutetabli que son octroi est justifieacute agrave premiegravere vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qursquoelle est urgente
en ce sens qursquoil est neacutecessaire pour eacuteviter un preacutejudice grave et irreacuteparable aux inteacuterecircts du requeacuterant qursquoelle soit
eacutedicteacutee et produise ses effets degraves avant la deacutecision au fond Le juge des reacutefeacutereacutes procegravede eacutegalement le cas eacutecheacuteant
agrave la mise en balance des inteacuterecircts en preacutesence
Sur le fumus boni juri
Afin que cette condition soit remplie il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice qursquoil faut qursquoau moins un
des moyens invoqueacutes par la partie qui sollicite les mesures provisoires agrave lrsquoappui du recours au fond apparaisse agrave
premiegravere vue non deacutepourvu de fondement seacuterieux
A ce titre la Commission europeacuteenne invoque un moyen tireacute de ce que en ne garantissant pas lrsquoindeacutependance et
lrsquoimpartialiteacute de la chambre disciplinaire la Reacutepublique de Pologne a manqueacute aux obligations qui lui incombent
en vertu de lrsquoarticle 19 paragraphe 1 second alineacutea TUE La Commission europeacuteenne relegraveve que lrsquoinstitution de
la chambre disciplinaire a coiumlncideacute avec la modification des regravegles relatives agrave la nomination des membres de la
KRS Cette modification a accru lrsquoinfluence du pouvoir leacutegislatif sur le fonctionnement de cet organe qui participe
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au processus de seacutelection des juges et est chargeacute drsquoassurer lrsquoindeacutependance des juges et des juridictions et par
conseacutequence sur le processus de nomination des juges agrave la chambre disciplinaire La Commission europeacuteenne
relegraveve ensuite que le leacutegislateur national a exclu la possibiliteacute de deacutesigner comme membre de la chambre
disciplinaire un juge deacutejagrave en exercice au sein de la Cour suprecircme de sorte que seuls de nouveaux juges nommeacutes
sur proposition de la KRS ont pu ecirctre nommeacutes pour sieacuteger au sein de cette chambre Finalement la Commission
europeacuteenne souligne que la chambre disciplinaire se caracteacuterise par un degreacute eacuteleveacute drsquoautonomie organisationnelle
et financiegravere
La Commission europeacuteenne souligne que les eacuteleacutements susmentionneacutes et leur introduction simultaneacutee dans le
droit polonais font apparaitre une rupture structurelle qui empecircche drsquoeacutecarter tout doute leacutegitime quant agrave
lrsquoindeacutependance et agrave lrsquoimpartialiteacute de la chambre disciplinaire
La Cour de justice afin de veacuterifier si la condition relative au fumus boni juris est remplie en lrsquooccurrence relegraveve que
le grief porte sur la question de savoir si la chambre disciplinaire satisfait agrave lrsquoexigence drsquoindeacutependance des juges
qui deacutecoule de lrsquoarticle 19 paragraphe 1 second alineacutea TUE La Cour de justice commence par rappeler les regravegles
qui concernent les garanties drsquoindeacutependance et drsquoimpartialiteacute Elle rappelle aussi que conformeacutement au principe
de seacuteparation des pouvoirs qui caracteacuterise le fonctionnement drsquoun Eacutetat de droit lrsquoindeacutependance des juridictions
doit ecirctre garantie agrave lrsquoeacutegard des pouvoirs leacutegislatif et exeacutecutif Les juges doivent donc se trouver agrave lrsquoabri
drsquointerventions ou de pressions exteacuterieures susceptibles de mettre en peacuteril leur indeacutependance Dans lrsquoarrecirct AK
(Cour de justice 19 novembre 2019 affaires jointes C‑58518 C‑62418 et C‑62518) la Cour de justice a eacuteteacute
ameneacutee agrave preacuteciser la porteacutee de ces exigences drsquoindeacutependance et drsquoimpartialiteacute dans le contexte de la creacuteation drsquoune
instance telle que la chambre disciplinaire Elle avait consideacutereacute que lrsquoon pouvait douter de lrsquoindeacutependance de la
KRS qui participe au processus de deacutesignation des juges de la chambre disciplinaire Pour autant la Cour de
justice nrsquoa dans lrsquoarrecirct preacuteciteacute pas constateacute lrsquoabsence de conformiteacute agrave lrsquoarticle 19 paragraphe 1 second alineacutea
TUE des dispositions nationales relatives agrave la chambre disciplinaire et de celles ayant modifieacute les regravegles de
composition de la KRS mais a laisseacute le soin agrave la juridiction de renvoi de proceacuteder aux appreacuteciations requises agrave
cette fin
Par suite il convient de constater que eu eacutegard aux eacuteleacutements de fait mis en avant par la Commission europeacuteenne
ainsi qursquoaux eacuteleacutements drsquointerpreacutetation fournis notamment par lrsquoarrecirct Commission Pologne (Cour de justice 24
juin 2019 C-61918) et par lrsquoarrecirct AK les arguments avanceacutes par la Commission europeacuteenne apparaissent
comme eacutetant non deacutepourvus de fondement seacuterieux Il y a lieu de conclure que la condition relative au fumus boni
juris est remplie en lrsquoespegravece
Sur lrsquourgence
Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice la finaliteacute de la proceacutedure de reacutefeacutereacute est de garantir la
pleine efficaciteacute de la future deacutecision deacutefinitive afin drsquoeacuteviter une lacune dans la protection juridique assureacutee par
la Cour de justice Pour atteindre cet objectif lrsquourgence doit srsquoappreacutecier par rapport agrave la neacutecessiteacute qursquoil y a de
statuer provisoirement afin drsquoeacuteviter qursquoun preacutejudice grave et irreacuteparable ne soit occasionneacute agrave la partie qui sollicite
la protection provisoire Le preacutejudice grave et irreacuteparable dont la survenance probable doit ecirctre eacutetablie est celui
qui reacutesulterait le cas eacutecheacuteant du refus drsquoaccorder les mesures provisoires solliciteacutees dans lrsquohypothegravese ougrave le recours
au fond aboutirait par la suite
Il convient ainsi drsquoexaminer si lrsquoapplication des dispositions nationales litigieuses est susceptible de causer un
preacutejudice grave et irreacuteparable au regard du fonctionnement de lrsquoordre juridique de lrsquoUnion La Cour de justice
relegraveve que la garantie drsquoindeacutependance de la chambre disciplinaire en tant que juridiction compeacutetence pour statuer
dans les affaires disciplinaires concernant les juges de la Cour suprecircme et des juridictions de droit commun est
essentielle pour preacuteserver lrsquoindeacutependance de la Cour suprecircme et de ces juridictions Si lrsquoindeacutependance de la
chambre disciplinaire ne peut pas ecirctre garantie alors celle des autres juridictions ne peut lrsquoecirctre non plus Or la
preacuteservation de lrsquoindeacutependance de la Cour suprecircme et des juridictions de droit commun est primordiale afin que
la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit de lrsquoUnion soit garantie La Cour de
justice a deacutejagrave jugeacute que le fait que lrsquoindeacutependance de la Cour suprecircme puisse ne pas ecirctre garantie est susceptible
drsquoentrainer un grave preacutejudice agrave lrsquoordre juridique de lrsquoUnion et aux droits que les justiciables tirent du droit de
lrsquoUnion Ainsi comme le dit la Cour de justice au point 93 de la preacutesente ordonnance il reacutesulte de ce qui preacutecegravede
que lrsquoapplication des dispositions nationales litigieuses en ce qursquoelles attribuent la compeacutetence pour statuer dans
les affaires disciplinaires relatives aux juges de la Cour suprecircme et des juridictions de droit commun agrave une instance
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en lrsquooccurrence la chambre disciplinaire dont lrsquoindeacutependance pourrait ne pas ecirctre garantie est susceptible de
causer un preacutejudice grave et irreacuteparable agrave lrsquoordre juridique de lrsquoUnion
Par suite il y a lieu de conclure que la condition relative agrave lrsquourgence est eacutetablie en lrsquoespegravece
Sur la mise en balance des inteacuterecircts
Le juge des reacutefeacutereacutes se doit drsquoexaminer si lrsquointeacuterecirct de la partie qui sollicite les mesures provisoires agrave obtenir le sursis
agrave lrsquoexeacutecution preacutevaut sur lrsquointeacuterecirct que preacutesente lrsquoapplication immeacutediate de celles-ci
La Pologne estime que lrsquoapplication des mesures provisoires solliciteacutees aurait pour effets de contraindre les
pouvoirs leacutegislatif et exeacutecutif polonais agrave adopter des mesures dont lrsquoeffet pratique serait la dissolution drsquoun organe
du pouvoir judiciaire qui exerce ses missions structurelles lieacutees agrave lrsquoadministration de la justice de mettre fin agrave une
entiteacute dont le budget est exeacutecuteacute par son Preacutesident et de porter atteinte au droit des justiciables
La Cour de justice rappelle tout drsquoabord que les Eacutetats membres sont tenus de respecter les obligations qui
deacutecoulent pour eux du droit de lrsquoUnion et en particulier de lrsquoarticle 19 paragraphe 1 second alineacutea TUE Elle
rappelle eacutegalement que lrsquooctroi des mesures provisoires solliciteacutees emporterait non pas la dissolution de la
chambre disciplinaire mais la suspension provisoire de son activiteacute Par ailleurs dans la mesure ougrave lrsquooctroi desdites
mesures impliquerait que le traitement des affaires pendantes devant la chambre disciplinaire doive ecirctre suspendu
jusqursquoau prononceacute de lrsquoarrecirct deacutefinitif le preacutejudice reacutesultant de la suspension de ces affaires pour les justiciables
concerneacutes serait moindre que celui reacutesultant de leur examen par une instance agrave savoir la chambre disciplinaire
dont le manque drsquoindeacutependance et drsquoimpartialiteacute ne peut agrave premiegravere vue ecirctre exclu Enfin les difficulteacutes de
nature budgeacutetaire invoqueacutees ne sauraient preacutevaloir sur le risque qursquoil soit porteacute atteinte agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral de
lrsquoUnion au regard du bon fonctionnement de son ordre juridique
Par suite il y a lieu de conclure que la mise en balance des inteacuterecircts en preacutesence penche en faveur de lrsquooctroi des
mesures provisoires demandeacutees par la Commission europeacuteenne
Par ces motifs la Cour (grande chambre) ordonne
1) La Reacutepublique de Pologne est tenue immeacutediatement et jusqursquoau prononceacute de lrsquoarrecirct qui mettra
fin agrave lrsquoinstance dans lrsquoaffaire C-79119
ndash de suspendre lrsquoapplication des dispositions de lrsquoarticle 3 point 5 de lrsquoarticle 27 et de lrsquoarticle 73
paragraphe 1 de lrsquoustawa o Sądzie Najwyższym (loi sur la Cour suprecircme) du 8 deacutecembre 2017 (Dz U
de 2018 position 5) telle que modifieacutee constituant le fondement de la compeacutetence de lrsquoIzba
Dyscyplinarna (chambre disciplinaire) du Sąd Najwyższy (Cour suprecircme) pour statuer tant en
premiegravere instance qursquoen instance drsquoappel dans les affaires disciplinaires relatives agrave des juges
ndash de srsquoabstenir de transmettre les affaires pendantes devant lrsquoIzba Dyscyplinarna (chambre
disciplinaire) du Sąd Najwyższy (Cour suprecircme) agrave une formation de jugement qui ne satisfait pas aux
exigences drsquoindeacutependance deacutefinies notamment dans lrsquoarrecirct du 19 novembre 2019 A K ea
(Indeacutependance de la chambre disciplinaire de la Cour suprecircme) (C‑58518 C‑62418 et C‑62518
EUC2019982) et
ndash de communiquer agrave la Commission europeacuteenne au plus tard un mois apregraves la notification de
lrsquoordonnance de la Cour ordonnant les mesures provisoires solliciteacutees toutes les mesures qursquoelle aura
adopteacutees afin de se conformer pleinement agrave cette ordonnance
2) Les deacutepens sont reacuteserveacutes
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Interdiction des traitements inhumains ou deacutegradants
Cour EDH (troisiegraveme section) Yevgeniy Mikhaylovich Shmelev et autres Russie 9 avril 2020 ndeg 4174317 et 16 autres
Arrecirct rendu en anglais Reacutesumeacute La Cour EDH juge que le nouveau recours compensatoire mise en œuvre par les autoriteacutes russes est effectif lorsqursquoaucun autre recours nrsquoest neacutecessaire notamment dans tous les cas ougrave la deacutetention provisoire a pris fin et dans certaines situations ougrave la peine drsquoemprisonnement a eacuteteacute exeacutecuteacutee en violation des dispositions internes La Cour EDH deacuteclare ainsi les griefs des plusieurs requeacuterants irrecevables pour non-eacutepuisement des voies de recours internes En outre la Cour EDH demande aux parties de produire des observations suppleacutementaires afin de clarifier la question de lrsquoeffectiviteacute des recours compensatoires dans le cas des recours preacuteventifs ouverts afin de permettre agrave ceux qui sont encore incarceacutereacutes de voir srsquoameacuteliorer leurs conditions de deacutetention Tous les requeacuterants ressortissants russes ont eacuteteacute deacutetenus dans divers centres de deacutetention russes avant ou apregraves leur condamnation dans le cadre dune proceacutedure peacutenale Sept des requeacuterants (requecirctes ndeg 6680617 7580417 7718117 7726517 1929418 3168218 et 3254518) sont ou eacutetaient deacutetenus dans des centres de deacutetention provisoire et les dix autres (requecirctes ndeg 4174317 6018517 7449717 124918 915218 1498818 1799118 1983718 2154218 et 2915518) sont ou ont eacuteteacute deacutetenus dans des colonies peacutenitentiaires apregraves avoir eacuteteacute condamneacutes Le 27 janvier 2020 la loi feacutedeacuterale no 494ndashFZ (dite laquo loi drsquoindemnisation raquo) est entreacutee en vigueur Elle dispose que tout deacutetenu qui allegravegue que ses conditions de deacutetention enfreignent ou ont enfreint les normes nationales ou internationales peut solliciter une indemniteacute aupregraves drsquoun tribunal Le gouvernement russe a soumis des informations sur cette loi et drsquoautres eacutevolutions pertinentes du droit interne visant agrave atteacutenuer les mauvaises conditions de deacutetention Il a demandeacute agrave la Cour EDH de consideacuterer que la nouvelle loi offre un nouveau recours effectif srsquoagissant des conditions de deacutetention A diffeacuterentes dates en 2017 et 2018 les 17 requeacuterants ont saisi la Cour EDH Invoquant lrsquoarticle 3 (interdiction des traitements inhumains ou deacutegradants) lrsquoensemble des 17 requeacuterants se plaignaient de subir ou drsquoavoir subi de mauvaises conditions de deacutetention notamment en raison de la surpopulation Sur le terrain de lrsquoarticle 13 (droit agrave un recours effectif) de la Convention certains drsquoentre eux alleacuteguaient eacutegalement qursquoil nrsquoexistait pas de recours interne effectif permettant de se plaindre de conditions de deacutetention
1) Violation alleacutegueacutee des articles 3 et 13 de la Convention du fait de conditions de deacutetention dans les centres de deacutetention preacuteventive
Les requeacuterants dans les requecirctes ndeg 6680617 1799118 1929418 2154218 3168218 et 3254518 ont fait valoir que les conditions de leur deacutetention provisoire avaient eacuteteacute contraires agrave larticle 3 de la Convention certains dentre eux ont soutenu quils navaient pas disposeacute de recours effectifs contre ces violations comme le preacutevoit larticle 13 En particulier ces requeacuterants se plaignent entre autres davoir eacuteteacute deacutetenus dans des cellules surpeupleacutees Par la preacutesente affaire la Cour EDH examine les deacuteveloppements leacutegislatifs et judiciaires survenus depuis ladoption de larrecirct Ananyev et autres c Russie (Cour EDH 10 janvier 2012 ndeg 4252507 et 6080008) En particulier la Cour EDH examine sil existe deacutesormais des recours internes de nature compensatoire et preacuteventive qui pourraient offrir une reacuteparation effective aux victimes des violations ayant pour origine le surpeuplement et dautres violations des conditions de deacutetention provisoire Elle examine eacutegalement si les requeacuterants dans la preacutesente affaire sont tenus deacutepuiser ces recours La Cour EDH rappelle que apregraves larrecirct Ananyev et autres c Russie elle a constateacute une violation de larticle 3 en raison des conditions inhumaines et deacutegradantes de deacutetention dans les centres de deacutetention provisoire russes
Article 3 (interdiction des traitements inhumains ou deacutegradants) Article 13 (droit agrave un recours effectif)
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dans plus de 100 affaires En mars 2020 plus de 1 450 requecirctes similaires contre la Russie eacutetaient en attente dexamen par la Cour EDH En lrsquoespegravece la Cour EDH reacuteitegravere les orientations quelle a fourni au gouvernement dans laffaire Ananyev et autres en ce qui concerne les caracteacuteristiques quun recours compensatoire doit posseacuteder pour ecirctre consideacutereacute comme effectif En particulier elle rappelle qursquoune indemnisation peacutecuniaire doit ecirctre accessible agrave tout deacutetenu actuel ou ancien ayant subi un traitement inhumain ou deacutegradant et ayant introduit une demande agrave cet effet La constatation que les conditions nont pas satisfait aux exigences de larticle 3 de la Convention donnera lieu agrave une forte preacutesomption quelles ont causeacute un preacutejudice non peacutecuniaire agrave la personne leacuteseacutee et le niveau de la reacuteparation accordeacutee pour le preacutejudice non peacutecuniaire ne doit pas ecirctre deacuteraisonnable par rapport aux montants accordeacutes par la Cour EDH dans des affaires similaires La Cour EDH rappelle ensuite que si lexistence de voies de recours internes effectives sappreacutecie normalement par rapport agrave la date dintroduction de la requecircte cette regravegle est sujette agrave des exceptions si les circonstances de lespegravece le justifient (Cour EDH Muumlduumlr Turgut ea c Turquie 26 mars 2013 ndeg 486009 sect 46) en particulier lorsque le recours en cause a eacuteteacute mis en place en reacuteponse agrave un arrecirct pilote de la Cour (Cour EDH Atanasov et Apostolov c Bulgarie 20 juillet 2017 ndeg 6554016 et 2236817 sect 45) Lorsque de telles voies de recours viennent decirctre mises en place leur appreacuteciation doit neacutecessairement se fonder uniquement sur les dispositions leacutegales qui les reacutegissent et non sur leur fonctionnement en pratique Elle estime donc pouvoir eacutevaluer lefficaciteacute des dispositions leacutegales telles que fixeacutees par la loi dindemnisation apregraves son entreacutee en vigueur et deacutecider en conseacutequence si les requeacuterants sont tenus de les eacutepuiser La Cour EDH juge que la loi drsquoindemnisation est en principe une voie de recours compensatoire adeacutequate et effective dans les cas ougrave les mauvaises conditions de deacutetention concernent une peacuteriode de deacutetention provisoire acheveacutee et dans certaines situations ougrave la peine drsquoemprisonnement a eacuteteacute exeacutecuteacutee en violation des dispositions internes Elle considegravere que les conditions proceacutedurales daccegraves au reacutegime compensatoire sont simples et accessibles et ne font pas peser une charge excessive sur le demandeur ni dans la proceacutedure applicable ni dans lexigence relative aux frais de proceacutedure De plus elle relegraveve que la proceacutedure est doteacutee des garanties proceacutedurales requises telles que lindeacutependance et limpartialiteacute le droit agrave lassistance juridique et dautres garanties lieacutees agrave une proceacutedure judiciaire contradictoire Des mesures de seacutecuriteacute sont preacutevues pour tenir compte de la situation particuliegravere des deacutetenus Selon la Cour EDH il ny a aucune raison de penser que les demandes ne seront pas traiteacutees dans un deacutelai raisonnable ou que lindemnisation ne sera pas verseacutee rapidement La Cour EDH se deacuteclare precircte agrave modifier son approche quant agrave lefficaciteacute du recours en question si la pratique des juridictions internes devait montrer agrave terme que les plaintes sont rejeteacutees pour des raisons formelles que les proceacutedures dindemnisation sont excessivement longues que les indemniteacutes sont insuffisantes ou ne sont pas verseacutees rapidement ou que la jurisprudence interne nest pas conforme aux exigences de la Convention et agrave la jurisprudence de la Cour EDH Tout examen futur de ce type consistera agrave deacuteterminer si les autoriteacutes nationales ont appliqueacute la loi sur lindemnisation dune maniegravere conforme agrave larrecirct pilote et aux normes de la Convention en geacuteneacuteral La Cour EDH conclut que le nouveau recours compensatoire doit ecirctre consideacutereacute comme un recours effectif et deacuteclare irrecevables les requecirctes ndeg 6680617 1929418 3168218 et 3254518 pour non-eacutepuisement des voies de recours internes et les rejette en vertu de larticle 35 sectsect 1 et 4 de la Convention Dans les requecirctes ndeg 7580417 7718117 et 7726517 la Cour EDH estime quelle ne peut pas sur la base du dossier deacuteterminer la recevabiliteacute des plaintes deacuteposeacutees par les requeacuterants dont la deacutetention preacuteventive est en cours Elle invite donc conformeacutement agrave larticle 54 sect 2 c) du regraveglement de la Cour EDH les parties agrave preacutesenter des observations eacutecrites compleacutementaires
2) Violation alleacutegueacutee des articles 3 et 13 de la Convention du fait des conditions de deacutetention dans les eacutetablissements peacutenitentiaires
Les dix requeacuterants dans les requecirctes ndeg 4174317 6018517 7449717 124918 915218 1498818 1799118 1983718 2154218 et 2915518 ont fait valoir que les conditions de leur deacutetention dans les eacutetablissements peacutenitentiaires sont tombeacutees en dessous des normes compatibles avec larticle 3 de la Convention Certains dentre eux ont fait valoir quils ne disposaient pas de recours effectifs contre ces violations en violation de larticle 13
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En particulier les requeacuterants se sont plaints entre autres du fait quils ont eacuteteacute deacutetenus dans des locaux surpeupleacutes Pour certains des requeacuterants la deacutetention avait pris fin au moment de leacutechange dobservations entre les parties La Cour EDH note tout drsquoabord que les dispositions applicables de la leacutegislation russe fixent des normes diffeacuterentes en matiegravere despace personnel pour la deacutetention provisoire (quatre megravetres carreacutes par personne deacutetenue) et la deacutetention correctionnelle pour les hommes condamneacutes dans des colonies ou des prisons (deux megravetres carreacutes et deux megravetres carreacutes et demi) Elle rappelle ainsi que laquo lorsque lespace personnel dont dispose un deacutetenu est infeacuterieur agrave trois megravetres carreacutes de surface au sol [] le manque despace personnel est consideacutereacute comme si grave quil y a forte preacutesomption de violation de larticle 3 raquo (Cour EDH [GC] Muršić c Croatie 20 octobre 2016 ndeg 733413 sect 137) Ainsi pour un nombre consideacuterable de deacutetenus dans les eacutetablissements peacutenitentiaires les mauvaises conditions de deacutetention sont preacutedeacutetermineacutees par les normes eacutetablies par la leacutegislation nationale Afin deacutevaluer lefficaciteacute des recours la Cour EDH distingue entre les cas ougrave les conditions de deacutetention des requeacuterants eacutetaient infeacuterieures aux normes nationales et les cas ougrave lespace minimal disponible eacutetait conforme aux normes nationales mais soulegraveverait neacuteanmoins un problegraveme agrave premiegravere vue au regard de larticle 3
o Les plaintes concernant des conditions de deacutetention infeacuterieures agrave la norme nationale Compte tenu des consideacuterations sur lefficaciteacute de la loi dindemnisation dans les situations ougrave la deacutetention eacutetait acheveacutee et du fait quil ny a pas de contestation entre les parties sur la violation des normes nationales minimales de deacutetention la Cour EDH conclut que ces deux requeacuterants se trouvent dans une situation similaire agrave celle des personnes dont la deacutetention provisoire passeacutee lrsquoavait eacuteteacute en violation des normes nationales applicables Pour les raisons exposeacutees ci-dessus pour eux ainsi que pour dautres personnes se trouvant dans une situation similaire la nouvelle loi compensatoire preacutesente en principe un moyen adeacutequat et efficace dobtenir une reacuteparation compensatoire et offre des perspectives raisonnables de succegraves La Cour EDH estime ainsi que les requecirctes ndeg 1799118 et 2154218 qui soulegravevent des griefs au titre des articles 3 et 13 doivent ecirctre rejeteacutees en vertu de larticle 35 sectsect 1 et 4 de la Convention pour non-eacutepuisement des voies de recours internes
o Cas conformes agrave la norme nationale mais infeacuterieurs agrave la norme minimale de larticle 3 La Cour EDH note que les requeacuterants des requecirctes ndeg 4174317 6018517 et 1498818 ont eacuteteacute deacutetenus dans le passeacute dans des conditions ougrave chacun des requeacuterants avait disposeacute de moins de trois megravetres carreacutes despace personnel Les requeacuterants des requecirctes no 7449717 124918 915218 1983718 et 2915518 eacutetaient toujours deacutetenus dans de telles conditions au moment de leacutechange dobservations En lrsquoespegravece la Cour EDH estime quelle ne dispose pas deacuteleacutements suffisants pour eacutevaluer lefficaciteacute dun tel recours en cas de deacutetention correctionnelle Elle invite donc les parties agrave preacutesenter des observations compleacutementaires conformeacutement agrave larticle 54 sect 2 c) du regraveglement de la Cour afin de clarifier lefficaciteacute de tout recours preacuteventif en cas de deacutetention correctionnelle pendante dans des conditions incompatibles avec larticle 3 de la Convention POUR CES RAISONS LA COUR Agrave LUNANIMITEacute
1 Deacutecide de joindre les requecirctes ndeg 6680617 1799118 1929418 2154218 3168218 et 3254518 et les deacuteclare irrecevables
2 Deacutecide dajourner lexamen des requecirctes ndeg 4174317 6018517 7449717 7580417
7718117 7726517 124918 915218 1498818 1983718 et 2915518
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Cour EDH (cinquiegraveme section) Castellani France 30 avril 2020 ndeg4320716
Reacutesumeacute La Cour EDH dans une affaire concernant lrsquointerpellation du requeacuterant par le GIPN estime que la France a violeacute
lrsquoarticle 3 de la Convention En effet elle juge que lrsquoopeacuteration policiegravere nrsquoa pas eacuteteacute planifieacutee ni exeacutecuteacutee de maniegravere agrave respecter les
garanties internes existantes et que lrsquousage de la force nrsquoeacutetait pas proportionneacute ni neacutecessaire pour permettre lrsquointerpellation du requeacuterant
et ne se justifiait pas par son comportement
Le 6 mai 2002 une information judiciaire fut ouverte contre X pour subornation de teacutemoin et menaces de mort
reacuteiteacutereacutees agrave la suite de la plainte deacuteposeacutee par MA avocat Ce dernier avait teacutemoigneacute dans une affaire de violence
dirigeacutees contre la force publique dans laquelle trois membres de la famille EH avaient eacuteteacute condamneacutes Les
principaux suspects eacutetaient membres de la famille EH famille amie et voisine du requeacuterant Le 18 juin 2002
apregraves identification de certains membres de la famille EH comme auteurs preacutesumeacutes de menaces de mort et de
subornation de teacutemoins les policiers de Nice avec le soutien du GIPN proceacutedegraverent agrave lrsquointerpellation de deux
membres de la famille EH A la demande de la commandante une eacutequipe du GIPN composeacutee de dix
fonctionnaires interpella le requeacuterant mis en cause dans la mecircme affaire et consideacutereacute comme dangereux
Les parties contestent les circonstances de lrsquoopeacuteration policiegravere
Dans la version du requeacuterant il explique que voyant des inconnus entrer chez lui et croyant ecirctre agresseacute agrave son
domicile il se deacutefend agrave lrsquoaide drsquoune barre de fer Il entendit alors crier laquo Police raquo et deacuteposa la barre de fer et se
laissa faire Apregraves avoir confirmeacute son identiteacute il reccedilut un coup sur la tecircte du policier qursquoil avait agresseacute avec la
barre de fer et fut frappeacute agrave coups de poings et de pieds Crsquoest seulement agrave ce moment-lagrave qursquoil sut le motif de son
interpellation Il fut agrave nouveau frappeacute afin qursquoil avoue ougrave se trouvaient les armes puis encore maltraiteacute lors de son
transport au poste de police Selon les policiers du GIPN ils sont entreacutes dans la maison et ont inspecteacute le rez-
de-chausseacutee tout en prononccedilant agrave plusieurs reprises laquo Police raquo Alors qursquoils montaient au premier eacutetage le
premier policier vit surgir le requeacuterant qui lrsquoattendait et qui le frappa drsquoune barre de fer Les fonctionnaires ont
tenteacute de le maitriser alors que celui-ci continuait de porter des coups aux fonctionnaires Ces derniers ont ducirc
lrsquoimmobiliser agrave lrsquoaide de leur force
Placeacute en garde agrave vue le requeacuterant fut examineacute par un meacutedecin qui ne srsquoopposa pas agrave une mesure de garde agrave vue
mais a demandeacute qursquoil soit emmeneacute agrave lrsquohocircpital Il y a eacuteteacute conduit neuf heures apregraves son interpellation Le requeacuterant
preacutesentait de multiples fractures au visage Pour autant sa garde agrave vue a eacuteteacute prolongeacutee
Le 8 juillet 2002 le requeacuterant fut convoqueacute devant le tribunal correctionnel de Nice afin drsquoecirctre jugeacute de chefs de
violences volontaires avec arme agrave lrsquoeacutegard drsquoune personne deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique ayant entraineacute une
incapaciteacute de travail supeacuterieure agrave huit jours ainsi que pour deacutetention sans autorisation drsquoarme ou de munition Le
13 janvier 2009 le tribunal correctionnel le condamna agrave une amende deacutelictuelle avec sursis pour deacutetention drsquoarme
sans autorisation Il fut relaxeacute des chefs de violences volontaires au motif qursquoil srsquoagissait de leacutegitime deacutefense
Le 18 novembre 2002 le requeacuterant deacuteposa plainte avec constitution de partie civile pour non-assistance agrave
personne en peacuteril violences volontaires et actes de barbarie Le juge drsquoinstruction rendit une ordonnance de non-
lieu partiel en ne retenant agrave lrsquoencontre de certains policiers que lrsquoomission de porter secours La cour drsquoappel
annula lrsquoordonnance de non-lieu partiel Une deuxiegraveme ordonnance de non-lieu concernant les faits de violences
volontaires fut rendue le 27 janvier 2006 et le requeacuterant fit appel La cour drsquoappel confirma le non-lieu des chefs
drsquoactes de barbaries mais demanda un suppleacutement drsquoinformation concernant les violences volontaires Quatre
policiers du GIPN furent entendus et mis en examen Le 25 octobre 2007 la chambre drsquoinstruction de la cour
drsquoappel confirma lrsquoordonnance de non-lieu du chef de violences volontaires par deacutepositaires de lrsquoautoriteacute
Art 3 (volet mateacuteriel) bull Recours agrave la force bull Irruption drsquoune uniteacute drsquoeacutelite de la police au domicile drsquoun suspect au petit matin pour proceacuteder agrave son arrestation aux fins drsquoaudition dans le cadre drsquoune enquecircte peacutenale bull Neacutecessiteacute de garanties suffisantes face aux risques drsquoabus drsquoautoriteacute et de violation de la digniteacute humaine lors du recours dans un tel contexte aux forces speacuteciales bull Doutes sur lrsquoexistence de preacutecautions suffisantes bull Tribunaux ayant reconnu la leacutegitime deacutefense du requeacuterant qui avait frappeacute un policier cagouleacute en le prenant pour un cambrioleur bull Blessures reacutesultant de lrsquoemploi drsquoune force physique non rendue strictement neacutecessaire par le comportement du suspect
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publique Le 13 janvier 2009 le tribunal correctionnel de Nice prononccedila la relaxe des deux fonctionnaires de
police renvoyeacutes devant lui des chefs drsquoomission de porter secours
Le 26 juin 2009 le requeacuterant forma une action en responsabiliteacute de lrsquoEtat afin drsquoobtenir une indemnisation du
preacutejudice subi compte tenu des conditions de son interpellation puis de sa garde agrave vue Le tribunal condamna
lrsquoEtat au motif qursquoil avait commis une faute lourde en envoyant le GIPN pour proceacuteder agrave lrsquointerpellation du
requeacuterant Par un arrecirct du 12 avril 2012 la cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence confirma la recevabiliteacute de lrsquoaction du
requeacuterant mais infirma le jugement pour le surplus La Cour de cassation cassa lrsquoarrecirct du 12 avril 2012 sauf en ce
qursquoil avait deacuteclareacute recevable lrsquoaction du requeacuterant Le 27 janvier 2015 la cour drsquoappel de Montpellier consideacutera
que la faute lourde engageant la responsabiliteacute de lrsquoEtat nrsquoeacutetait pas deacutemontreacutee srsquoagissant des conditions
drsquointervention du GIPN pour proceacuteder agrave lrsquointerpellation du requeacuterant La cour drsquoappel jugea que lrsquoEtat avait
commis une faute lourde agrave raison du deacutefaut de soins durant la garde agrave vue dont le requeacuterant avait fait lrsquoobjet Par
un arrecirct du 10 feacutevrier 2016 la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requeacuterant
Le requeacuterant saisit la Cour EDH le 19 juillet 2016 drsquoune requecircte dirigeacutee contre la Reacutepublique franccedilaise
Sur la violation alleacutegueacutee de lrsquoarticle 3 de la Convention
Le requeacuterant allegravegue avoir eacuteteacute victime de violences lors de son interpellation par la police alors que lrsquointervention
du GIPN comme lrsquousage de la force nrsquoeacutetaient ni neacutecessaires ni proportionneacutes En effet il estime que le GIPN
est connu pour lrsquoefficaciteacute de ses interventions concernant le terrorisme et le grand banditisme Une telle
intervention baseacutee sur une simple plainte teacuteleacutephonique comme cela a eacuteteacute le cas en lrsquoespegravece est une rareteacute
juridique
La Cour EDH rappelle sa jurisprudence concernant le recours agrave la force lors drsquoune interpellation au paragraphe
52 de lrsquoarrecirct Elle estime que lrsquoarticle 3 ne prohibe pas le recours agrave la force par les agents de police lors drsquoune
interpellation mais qursquoelle doit ecirctre proportionneacutee et absolument neacutecessaire au vu des circonstances de lrsquoespegravece
Il importe donc de savoir srsquoil y a lieu de penser que lrsquointeacuteresseacute opposera une reacutesistance tentera de fuir ou de
deacutetruire des preuves
En lrsquoespegravece la Cour EDH relegraveve qursquoau vu des certificats meacutedicaux le requeacuterant souffrait de blessures
importantes Aux souffrances physiques srsquoajoute des souffrances psychiques comme en atteste lrsquoeacutetat de stress
post-traumatique releveacute par les meacutedecins La maniegravere dont srsquoest deacuterouleacutee lrsquointerpellation crsquoest-agrave-dire tregraves tocirct le
matin avec une ouverture forceacutee du portail et de la porte drsquoentreacutee en preacutesence de la femme et de la fille du
requeacuterant a neacutecessairement entraineacute de la peur et de lrsquoangoisse chez le requeacuterant
Dans son raisonnement la Cour EDH srsquointeacuteresse dans un premier temps agrave la planification de lrsquoopeacuteration agrave
savoir si elle a pris en compte lrsquoensemble des circonstances pertinentes et a observeacute des garanties suffisantes En
lrsquoespegravece la Cour EDH observe que lrsquoopeacuteration dans laquelle le GIPN eacutetait principalement impliqueacutee et pour
laquelle son intervention avait eacuteteacute autoriseacutee reacutepondait au but leacutegitime drsquoeffectuer une interpellation et poursuivant
lrsquoobjectif geacuteneacuteral de la reacutepression des infractions Le but de lrsquointervention eacutetait lrsquointerpellation de la famille EH
pour laquelle le DDSP avait donneacute son accord Or le juge drsquoinstruction nrsquoa pas eacuteteacute informeacute et le DDSP nrsquoa pas
donneacute son accord quant agrave lrsquointervention du GIPN pour lrsquointerpellation du requeacuterant La Cour EDH relegraveve donc
que cette opeacuteration nrsquoa pas beacuteneacuteficieacute des garanties internes existantes entourant normalement lrsquointervention de
ce type drsquouniteacutes speacuteciales La Cour EDH remarque que le caractegravere de dangerositeacute du requeacuterant ne reacutesulta que
des deacuteclarations des fonctionnaires de police ayant requis son intervention et nrsquoeacutetait eacutetayeacute par aucun eacuteleacutement
probant Elle observe que certaines juridictions internes ont remis en cause la proportionnaliteacute de lrsquointervention
du GIPN au regard des circonstances de lrsquoespegravece Il ressort eacutegalement du dossier qursquoaucune investigation
preacutealable afin de deacuteterminer si le requeacuterant serait seul au moment de son interpellation nrsquoest alleacutegueacutee Or la Cour
EDH estime que la preacutesence de membres de la famille du suspect sur les lieux de lrsquointerpellation doit ecirctre prise
en compte lors de la planification de lrsquointervention La Cour EDH considegravere que lrsquoopeacuteration policiegravere au domicile
du requeacuterant nrsquoa pas eacuteteacute planifieacutee et exeacutecuteacutee de maniegravere agrave srsquoassurer que les moyens employeacutes soient strictement
neacutecessaires pour atteindre ses buts ultimes
Dans un second temps la Cour EDH doit examiner si la force physique dont il a eacuteteacute fait usage agrave lrsquoencontre du
requeacuterant eacutetait ou non rendue strictement neacutecessaire par son comportement La Cour EDH rappelle que lorsque
des proceacutedures internes ont eacuteteacute meneacutees il ne lui appartient pas de substituer sa propre version des faits agrave celle
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des autoriteacutes internes qui doivent eacutetablir les faits sur la base de preuves recueillies par elles La Cour EDH note
que le tribunal correctionnel a jugeacute que le requeacuterant avait pu leacutegitimement se croire agresseacute agrave son domicile et qursquoil
avait agi en eacutetat de leacutegitime deacutefense Elle constate eacutegalement que le requeacuterant nrsquoa pas eacuteteacute poursuivi pour des faits
de reacutebellion et que la description du mode drsquoopeacuteration utiliseacute par les policiers ainsi que les constatations des
blessures du requeacuterant attestent de lrsquointensiteacute de la force physique dont il a eacuteteacute fait usage Par suite la Cour EDH
a conclu que les moyens employeacutes nrsquoeacutetaient pas strictement neacutecessaires pour permettre lrsquointerpellation du
requeacuterant et que la force physique dont il a eacuteteacute fait usage agrave son encontre nrsquoa pas eacuteteacute rendue telle par son
comportement
Ainsi la Cour EDH estime qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 3 de la Convention
Par ces motifs la Cour EDH agrave lrsquounanimiteacute
1 Deacuteclare la requecircte recevable
2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 3 de la Convention
3 Dit
a) que lrsquoEacutetat deacutefendeur doit verser au requeacuterant dans un deacutelai de trois mois les sommes suivantes au
taux applicable agrave la date du regraveglement i 2 803 EUR (deux mille huit cent trois euros) plus tout montant
pouvant ecirctre ducirc sur cette somme agrave titre drsquoimpocirct pour dommage mateacuteriel ii 20 000 EUR (vingt mille
euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc sur cette somme agrave titre drsquoimpocirct pour dommage moral
b) qursquoagrave compter de lrsquoexpiration dudit deacutelai et jusqursquoau versement ces montants seront agrave majorer drsquoun
inteacuterecirct simple agrave un taux eacutegal agrave celui de la faciliteacute de precirct marginal de la Banque centrale europeacuteenne
applicable pendant cette peacuteriode augmenteacute de trois points de pourcentage
4 Rejette le surplus de la demande de satisfaction eacutequitable
Libre circulation des travailleurs
Cour de justice (sixiegraveme chambre) Caisse pour lavenir des enfants FV et GW 2 avril 2020 C-80218
Reacutesumeacute Dans une affaire concernant le versement dallocations sociales luxembourgeoises agrave des travailleurs transfrontaliers franccedilais la Cour de justice a jugeacute quen vertu du principe deacutegaliteacute de traitement un Etat membre ne peut refuser de verser une allocation familiale pour lrsquoenfant du conjoint drsquoun travailleur frontalier sans lien de filiation avec celui-ci puisque cette allocation constitue un avantage social et une prestation de seacutecuriteacute sociale FV travaille au Luxembourg et reacuteside en France avec son eacutepouse GW Le couple a deux enfants HY neacute en 2000 drsquoune preacuteceacutedente union de GW vit avec FV et GW Celle-ci exerce lrsquoautoriteacute parentale exclusive sur HY Jusqursquoagrave lrsquoentreacutee en vigueur de la loi luxembourgeoise du 23 juillet 2016 le meacutenage beacuteneacuteficiait des allocations familiales luxembourgeoises pour les trois enfants en raison de la qualiteacute de travailleur frontalier de FV Agrave compter de lrsquoentreacutee en vigueur de cette loi qui a modifieacute le code de la seacutecuriteacute sociale en excluant les enfants du conjoint ou du partenaire de la notion de laquo membres de la famille raquo le meacutenage a cesseacute de beacuteneacuteficier de ces allocations pour HY En effet par deacutecision du 8 novembre 2016 la Caisse pour lrsquoavenir des enfants (Luxembourg) a consideacutereacute
Renvoi preacutejudiciel ndash Article 45 TFUE ndash Seacutecuriteacute sociale des travailleurs migrants ndash Regraveglement (CE) ndeg8832004 ndash Article 1er sous i) ndash Libre circulation des travailleurs ndash Eacutegaliteacute de traitement ndash Avantages sociaux ndash Directive 200438CE ndash Article 2 point 2 ndash Regraveglement (UE) ndeg4922011 ndash Article 7 paragraphe 2 ndash Allocation familiale ndash Notion de ldquomembres de la famillerdquo ndash Exclusion de lrsquoenfant du conjoint de travailleurs non-reacutesidents ndash Diffeacuterence de traitement avec lrsquoenfant du conjoint de travailleurs reacutesidents ndash Justification
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que FV nrsquoavait plus droit agrave lrsquoallocation familiale pour HY depuis le 1er aoucirct 2016 Cet enfant ne preacutesentant pas de lien de filiation avec FV la Caisse pour lrsquoavenir des enfants considegravere qursquoil nrsquoa pas la qualiteacute de laquo membre de famille raquo ce qui exclut le droit agrave lrsquoallocation familiale luxembourgeoise FV a saisi le conseil arbitral de la seacutecuriteacute sociale (Luxembourg) pour contester la deacutecision de la Caisse pour lrsquoavenir des enfants et celui-ci a estimeacute que les prestations familiales luxembourgeoises constituent un avantage social au sens du regraveglement sur la libre circulation des travailleurs 1 et qursquoelles se rapportent agrave lrsquoexercice drsquoune activiteacute salarieacutee degraves lors que pour se les voir attribuer FV doit ecirctre un travailleur soumis agrave la leacutegislation luxembourgeoise La Caisse pour lrsquoavenir des enfants a saisi en appel le conseil supeacuterieur de la seacutecuriteacute sociale (Luxembourg) car elle conteste notamment lrsquoassimilation des prestations familiales agrave un avantage social
Dans ces conditions le conseil supeacuterieur de la seacutecuriteacute sociale a deacutecideacute de surseoir agrave statuer et de poser agrave la Cour de justice les questions preacutejudicielles suivantes laquo 1) Lrsquoallocation familiale luxembourgeoise octroyeacutee selon les articles 269 et 270 du [code dans leur version applicable agrave partir du 1er aoucirct 2016] doit-elle ecirctre assimileacutee agrave un avantage social au sens de lrsquoarticle 45 TFUE et de lrsquoarticle 7 paragraphe 2 du regraveglement ndeg4922011 2) En cas drsquoassimilation la deacutefinition de membre de la famille applicable en vertu de lrsquoarticle [1er sous i)] du regraveglement ndeg8832004 srsquooppose agrave la deacutefinition plus eacutelargie de membre de la famille de lrsquoarticle 2 point 2 de la directive 200438 alors que cette derniegravere exclut toute autonomie de lrsquoEacutetat membre dans la deacutefinition de membre de la famille contrairement agrave ce qui est consacreacute par le regraveglement de coordination et exclut agrave titre subsidiaire toute notion de charge principale La deacutefinition de membre de la famille au sens de lrsquoarticle 1er [sous i)] du regraveglement ndeg8832004 doit-elle degraves lors preacutevaloir au vu de sa speacutecificiteacute dans le contexte drsquoune coordination des reacutegimes de seacutecuriteacute sociale et surtout lrsquoEacutetat membre garde-t-il compeacutetence pour deacutefinir les membres de la famille qui ouvrent droit agrave lrsquoallocation familiale 3) En cas drsquoapplication de lrsquoarticle 2 point 2 de la directive 200438 aux prestations familiales et plus preacuteciseacutement agrave lrsquoallocation familiale luxembourgeoise lrsquoexclusion de lrsquoenfant du conjoint de la deacutefinition du membre de la famille peut-elle ecirctre consideacutereacutee comme une discrimination indirecte justifieacutee au vu de lrsquoobjectif national de lrsquoEacutetat membre de consacrer le droit personnel de lrsquoenfant et de la neacutecessiteacute de proteacuteger lrsquoadministration de lrsquoEacutetat membre drsquoemploi alors que lrsquoeacutelargissement du champ personnel drsquoapplication constitue une charge deacuteraisonnable pour le systegraveme de prestations familiales luxembourgeois qui exporte notamment presque 48 de ses prestations familiales raquo
o Sur la premiegravere question
La Cour de justice commence par rappeler au point 25 quil reacutesulte de lobjectif deacutegaliteacute de traitement (inscrit agrave larticle 45 TFUE et agrave larticle 7 du regraveglement ndeg4922011 que la notion drsquolaquo avantage social raquo dans le cas des travailleurs ressortissants drsquoautres Eacutetats membres comprend tous les avantages qui lieacutes ou non agrave un contrat drsquoemploi sont geacuteneacuteralement reconnus aux travailleurs nationaux en raison principalement de leur qualiteacute objective de travailleurs ou du simple fait de leur reacutesidence sur le territoire national (voir en ce sens larrecirct Generaacutelny riaditeľ Sociaacutelnej poisťovne Bratislava ea C-44718 18 deacutecembre 2019 point 47) Elle indique ensuite au point 30 que au vu des documents dont elle dispose lrsquoallocation familiale en cause qui constitue un avantage est lieacutee pour un travailleur frontalier tel que FV agrave lrsquoexercice drsquoune activiteacute salarieacutee au Luxembourg Elle nrsquoa eacuteteacute initialement accordeacutee agrave FV que dans la mesure ougrave il eacutetait un travailleur frontalier soumis agrave la leacutegislation luxembourgeoise La Cour de justice en conclut au point 32 qursquoune allocation familiale lieacutee agrave lrsquoexercice par un travailleur frontalier drsquoune activiteacute salarieacutee dans un Eacutetat membre constitue un avantage social au sens de larticle 7 paragraphe 2 du regraveglement ndeg4922011
o Sur la deuxiegraveme et troisiegraveme question
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La Cour de justice estime sans donner plus de preacutecisions quil convient dexaminer les deux questions ensemble Elle preacutecise quil sagit en substance de deacuteterminer si lrsquoarticle 1er sous i) du regraveglement ndeg8832004 lu en combinaison avec lrsquoarticle 7 paragraphe 2 du regraveglement ndeg4922011 et avec lrsquoarticle 2 point 2 de la directive 200438 doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens qursquoil srsquooppose agrave des dispositions drsquoun Eacutetat membre en vertu desquelles les travailleurs frontaliers ne peuvent percevoir une allocation familiale lieacutee agrave lrsquoexercice par ceux-ci drsquoune activiteacute salarieacutee dans un Eacutetat membre que pour leurs propres enfants agrave lrsquoexclusion de ceux de leur conjoint avec lesquels ils nrsquoont pas de lien de filiation alors que le droit de percevoir cette allocation existe pour tous les enfants reacutesidant dans ledit Eacutetat membre Sur lapplicabiliteacute du regraveglement ndeg8832004 la Cour de justice observe au point 39 que lrsquoallocation concerneacutee est verseacutee pour tous les enfants reacutesidant au Luxembourg ainsi que pour tous les enfants des travailleurs non-reacutesidents ayant un lien de filiation avec ces derniers Cette prestation est donc octroyeacutee en dehors de toute appreacuteciation individuelle et discreacutetionnaire des besoins personnels sur la base drsquoune situation leacutegalement deacutefinie Elle est donc selon la jurisprudence de la Cour de justice et notamment larrecirct Generaacutelny riaditeľ Sociaacutelnej poisťovne Bratislava ea citeacute point 23 consideacutereacutee comme une prestation sociale En outre la Cour de justice souligne que la prestation en cause repreacutesente une contribution publique au budget familial destineacutee agrave alleacuteger les charges deacutecoulant de lrsquoentretien des enfants (arrecirct Martinez Silva C-44916 21 juin 2017 point 23) Elle en conclut dans son point 41 que cette allocation familiale constitue une prestation de seacutecuriteacute sociale relevant des prestations familiales ce qui deacutetermine lrsquoapplication du regraveglement ndeg8832004 sur la coordination des systegravemes de seacutecuriteacute sociale La Cour de justice indique dans son point suivant que dans le cas drsquoun travailleur frontalier tel que FV le regraveglement ndeg8832004 srsquoapplique puisqursquoil srsquoapplique agrave un ressortissant de lrsquoun des Eacutetats membres reacutesidant dans un Eacutetat membre qui est ou a eacuteteacute soumis agrave la leacutegislation drsquoun ou de plusieurs Eacutetats membres ainsi qursquoaux membres de sa famille et agrave leurs survivants Elle preacutecise quune application combineacutee de ce regraveglement et de larticle 7 paragraphe 2 du regraveglement ndeg4922011 Par ailleurs la Cour de justice rappelle que les membres de la famille drsquoun travailleur migrant sont des beacuteneacuteficiaires indirects de lrsquoeacutegaliteacute de traitement accordeacutee en ce qui concerne les avantages sociaux agrave ce travailleur par le regraveglement sur la libre circulation des travailleurs En outre selon la Cour de justice il y a lieu drsquoentendre par enfant drsquoun travailleur frontalier pouvant beacuteneacuteficier indirectement de ces avantages sociaux non seulement lrsquoenfant qui a un lien de filiation avec ce travailleur mais eacutegalement lrsquoenfant du conjoint ou du partenaire enregistreacute de celui-ci lorsque ce dernier pourvoit agrave lrsquoentretien de cet enfant (point 50) Elle preacutecise dans son point suivant quelle a consideacutereacute que la notion de laquo membre de la famille raquo du travailleur frontalier susceptible de beacuteneacuteficier indirectement de lrsquoeacutegaliteacute de traitement en vertu de lrsquoarticle 7 paragraphe 2 du regraveglement ndeg4922011 correspond agrave celle de laquo membre de la famille raquo au sens de lrsquoarticle 2 point 2 de la directive 200438 laquelle comprend le conjoint ou le partenaire avec lequel le citoyen de lrsquoUnion a contracteacute un partenariat enregistreacute les descendants directs qui sont acircgeacutes de moins de 21 ans ou qui sont agrave charge et les descendants directs du conjoint ou du partenaire La Cour de justice a notamment pris en consideacuteration agrave cet eacutegard le consideacuterant 1 lrsquoarticle 1er et lrsquoarticle 2 paragraphe 2 de la directive 201454 (directive relative agrave des mesures facilitant lexercice des droits confeacutereacutes aux travailleurs dans le contexte de la libre circulation des travailleurs ) Voir en ce sens arrecirct Depesme eaMinistegravere de lEnseignement supeacuterieur et de la Recherche C-40115 agrave C-40315 15 deacutecembre 2016 points 52 agrave 54 La Cour de justice indique au point 54 que le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement prohibe non seulement les discriminations directes fondeacutees sur la nationaliteacute mais encore toutes formes indirectes de discrimination qui par application drsquoautres critegraveres de distinction aboutissent en fait au mecircme reacutesultat (arrecircts Bressol ea C-7308 point 40 13 avril 2010 ainsi que Aubriet C-4101810 juillet 2019) Il srsquoagit donc au vu des circonstances propres agrave la situation de FV de veacuterifier srsquoil existe une discrimination
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En vertu de la leacutegislation luxembourgeoise applicable tous les enfants reacutesidant au Luxembourg quel que soit leur statut au sein du foyer du travailleur peuvent preacutetendre agrave ladite allocation familiale En revanche les travailleurs non-reacutesidents ne peuvent y preacutetendre que pour leurs propres enfants agrave lrsquoexclusion des enfants de leur conjoint avec lesquels ils nrsquoont pas de lien de filiation La Cour de justice indique dans son point 56 qu laquo une telle distinction fondeacutee sur la reacutesidence qui est susceptible de jouer davantage au deacutetriment des ressortissants drsquoautres Eacutetats membres dans la mesure ougrave les non-reacutesidents sont le plus souvent des non-nationaux constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur la nationaliteacute qui ne pourrait ecirctre admise qursquoagrave la condition drsquoecirctre objectivement justifieacutee raquo ce qui nrsquoest pas le cas dans lrsquoaffaire en cause puisquelle ne garantit par la reacutealisation dun objectif leacutegitime (voir en ce sens (arrecirct Aubriet citeacute point 28) La Cour de justice souligne que srsquoil est vrai que les personnes ayant droit aux prestations familiales sont deacutetermineacutees conformeacutement au droit national il nrsquoen demeure pas moins que les Eacutetats membres doivent respecter le droit de lrsquoUnion en lrsquooccurrence les dispositions relatives agrave la libre circulation des travailleurs (point 69) Ainsi dans le domaine speacutecifique de lrsquooctroi drsquoavantages sociaux la regravegle drsquoeacutegaliteacute de traitement srsquooppose agrave des dispositions drsquoun Eacutetat membre en vertu desquelles les travailleurs non-reacutesidents ne peuvent percevoir une allocation telle que lrsquoallocation familiale demandeacutee par FV que pour leurs propres enfants agrave lrsquoexclusion de ceux de leur conjoint avec lesquels ils nrsquoont pas de lien de filiation mais dont ils pourvoient agrave lrsquoentretien alors que tous les enfants reacutesidant dans cet Eacutetat membre ont le droit de percevoir cette allocation
Par ces motifs la Cour (sixiegraveme chambre) dit pour droit
1) Lrsquoarticle 45 TFUE et lrsquoarticle 7 paragraphe 2 du regraveglement (UE) ndeg4922011 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif agrave la libre circulation des travailleurs agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoUnion doivent ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens qursquoune allocation familiale lieacutee agrave lrsquoexercice par un travailleur frontalier drsquoune activiteacute salarieacutee dans un Eacutetat membre constitue un avantage social au sens de ces dispositions
2) Lrsquoarticle 1er sous i) et lrsquoarticle 67 du regraveglement (CE) ndeg8832004 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systegravemes de seacutecuriteacute sociale lus en combinaison avec lrsquoarticle 7 paragraphe 2 du regraveglement ndeg4922011 et avec lrsquoarticle 2 point 2 de la directive 200438CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de lrsquoUnion et des membres de leurs familles de circuler et de seacutejourner librement sur le territoire des Eacutetats membres modifiant le regraveglement (CEE) ndeg 161268 et abrogeant les directives 64221CEE 68360CEE 72194CEE 73148CEE 7534CEE 7535CEE 90364CEE 90365CEE et 9396CEE doivent ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens qursquoils srsquoopposent agrave des dispositions drsquoun Eacutetat membre en vertu desquelles les travailleurs frontaliers ne peuvent percevoir une allocation familiale lieacutee agrave lrsquoexercice par ceux-ci drsquoune activiteacute salarieacutee dans cet Eacutetat membre que pour leurs propres enfants agrave lrsquoexclusion de ceux de leur conjoint avec lesquels ils nrsquoont pas de lien de filiation mais dont ils pourvoient agrave lrsquoentretien alors que tous les enfants reacutesidant dans ledit Eacutetat membre ont le droit de percevoir cette allocation
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Cour de justice (neuviegraveme chambre) Landkreis Suumldliche WeinstraszligePF ea 2 avril 2020 C-83018
Reacutesumeacute Dans une affaire concernant le remboursement des frais de transports scolaires dun eacutelegraveve allemand reacutesidant en France et eacutetudiant en Allemagne la Cour de justice a jugeacute quune mesure permettant agrave un Land de soumettre la prise en charge du transport scolaire agrave une condition de reacutesidence dans ce Land constitue une discrimination indirecte agrave lrsquoencontre des travailleurs frontaliers et de leur famille En effet selon la Cour de justice une condition de reacutesidence ne peut ecirctre justifieacutee par une raison impeacuterieuse d rsquointeacuterecirct geacuteneacuteral tenant agrave lrsquoorganisation du systegraveme scolaire PF de nationaliteacute allemande freacutequente une eacutecole drsquoenseignement secondaire dans le Landkreis (arrondissement) Suumldliche Weinstraszlige du Land de la Rheacutenanie-Palatinat (Allemagne) mais reacuteside en France avec ses parents eacutegalement de nationaliteacute allemande Sa megravere travaille en Allemagne Agrave partir de lrsquoanneacutee scolaire 2015-2016 le Landkreis a refuseacute de prendre en charge les frais de transport scolaire de PF au motif que selon la leacutegislation de la Rheacutenanie-Palatinat il ne serait tenu drsquoorganiser le transport scolaire que pour des eacutelegraveves reacutesidant dans ce Land PF a deacuteposeacute une reacuteclamation contre la deacutecision du Landkreis qui a eacuteteacute rejeteacutee Il a ensuite formeacute un recours contre cette deacutecision de rejet devant le Verwaltungsgericht Neustadt an der Weinstraszlige (tribunal administratif de Neustadt sur Weinstraszlige Allemagne) Ce dernier a accueilli le recours au motif que PF en tant qursquoenfant drsquoun travailleur frontalier avait le droit de beacuteneacuteficier de la prise en charge de ses frais de transport scolaire en vertu de lrsquoarticle 7 paragraphe 2 du regraveglement ndeg4922011 Le Landkreis a interjeteacute appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi lrsquoOberverwaltungsgericht Rheinland-Pfalz (tribunal administratif supeacuterieur de Rheacutenanie-Palatinat Allemagne) Cette derniegravere a poseacute deux questions preacutejucielles agrave la Cour de justice laquo 1)Lrsquoarticle 7 paragraphe 2 du regraveglement [] ndeg4922011 [] doit-il ecirctre interpreacuteteacute en ce sens qursquoest indirectement discriminatoire une disposition du droit national qui reacuteserve le beacuteneacutefice de lrsquoobligation drsquoassurer un service de transport scolaire incombant agrave certaines collectiviteacutes territoriales (Landkreise) agrave la population reacutesidant dans lrsquoEacutetat feacutedeacutereacute dont celles-ci relegravevent mecircme srsquoil ressort des circonstances concregravetes de lrsquoespegravece que en raison de cette condition de reacutesidence ce sont en tregraves grande majoriteacute les habitants du reste du territoire national de lrsquoEacutetat membre concerneacute qui sont exclus du beacuteneacutefice de cette prestation Dans lrsquohypothegravese ougrave il conviendrait de reacutepondre par lrsquoaffirmative agrave la premiegravere question 2) La neacutecessiteacute drsquoassurer lrsquoorganisation efficace du systegraveme scolaire constitue-t-elle une exigence drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral impeacuterative susceptible de justifier une discrimination indirecte raquo
o Sur la premiegravere question preacutejudicielle Pour reacutepondre agrave cette premiegravere question la Cour de justice rappelle en premier lieu que ledit travailleur ayant exerceacute sa liberteacute de circulation il est en droit de se preacutevaloir agrave lrsquoencontre de lrsquoEacutetat membre dont il a la nationaliteacute du regraveglement ndeg4922011 qui vise agrave mettre en œuvre la libre circulation des travailleurs agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoUnion et notamment de lrsquoarticle 7 paragraphe 2 de ce regraveglement (point 25) Elle preacutecise au point suivant que les membres de la famille drsquoun travailleur migrant sont des beacuteneacuteficiaires indirects de lrsquoeacutegaliteacute de traitement accordeacutee agrave ce dernier par la mecircme disposition (voir en ce sens arrecirct Giersch ea C-2012 point 40 20 juin 2013) Ensuite la Cour de justice affirme que la prise en charge du transport scolaire drsquoun membre de la famille constitue un avantage social au sens de la disposition citeacutee au point preacuteceacutedent (point 27) La Cour de justice allegravegue au point suivant que lavantage social est eacutegalement soumis au principe drsquoeacutegaliteacute de traitement consacreacute agrave lrsquoarticle 45 TFUE qui prohibe non seulement les discriminations ostensibles fondeacutees sur la nationaliteacute mais encore toutes formes dissimuleacutees de discrimination qui par application drsquoautres critegraveres de distinction aboutissent en fait au mecircme reacutesultat
Renvoi preacutejudiciel ndash Libre circulation des travailleurs ndash Regraveglement (UE) ndeg4922011 ndash Enfants de travailleurs frontaliers ndash Avantages sociaux ndash Systegraveme de remboursement des frais de transport scolaire ndash Condition de reacutesidence dans un Land ndash Exclusion des enfants scolariseacutes dans ce Land et reacutesidant dans un Eacutetat membre autre que celui de lrsquoeacutetablissement scolaire freacutequenteacute ndash Exclusion des ressortissants nationaux reacutesidant dans les autres Laumlnder
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En lespegravece la mesure en cause en ce qursquoelle subordonne le remboursement des frais de transport scolaire agrave une condition de reacutesidence dans le Land est susceptible par sa nature mecircme de deacutefavoriser plus particuliegraverement les travailleurs frontaliers qui reacutesident dans un autre Eacutetat membre Partant la Cour de justice affirme dans son point 32 quelle constitue une discrimination indirecte prohibeacutee agrave lrsquoarticle 7 paragraphe 2 du regraveglement ndeg4922011 La Cour de justice preacutecise au point 34 quune telle conclusion ne saurait ecirctre remise en cause par le fait que les travailleurs nationaux qui reacutesident dans les autres Laumlnder pacirctissent eacutegalement de cette mesure nationale En effet pour qursquoune mesure puisse ecirctre qualifieacutee drsquoindirectement discriminatoire il nrsquoest pas neacutecessaire qursquoelle ait pour effet de favoriser lrsquoensemble des ressortissants nationaux ou de ne deacutefavoriser que les seuls travailleurs frontaliers agrave lrsquoexclusion des nationaux (voir en ce sens arrecirct Gemeinsamer Betriebsrat EurothermenResort Bad Schallerbach C-43717 points 31 et 32 13 mars 2019 ) Enfin la Cour de justice souligne que la discrimination en cause dans lrsquoaffaire au principal trouvant sa source dans une condition de reacutesidence sur une partie du territoire drsquoun Eacutetat membre et non pas dans une condition de nationaliteacute il importe peu afin de deacuteterminer lrsquoexistence drsquoune discrimination telle que deacutefinie dans le preacutesent arrecirct que les travailleurs nationaux qui reacutesident dans un autre Land se trouvent eacutegalement discrimineacutes par cette condition de reacutesidence (point 35) La Cour de justice conclut quen tout eacutetat de cause une telle mesure nationale constitue une entrave agrave la libre circulation des travailleurs prohibeacutee agrave lrsquoarticle 7 paragraphe 2 du regraveglement ndeg4922011 en ce que mecircme indistinctement applicable elle est susceptible drsquoempecirccher ou de dissuader un ressortissant drsquoun Eacutetat membre de quitter son Eacutetat drsquoorigine pour exercer son droit agrave la libre circulation (voir en ce sens arrecirct Bosman C-41593 point 96 15 deacutecembre 1995) et quil convient donc de reacutepondre agrave la premiegravere question preacutejudicielle poseacutee que lrsquoarticle 7 paragraphe 2 du regraveglement ndeg4922011 doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens qursquoune leacutegislation nationale qui subordonne la prise en charge du transport scolaire par un Land agrave une condition de reacutesidence sur le territoire de ce Land constitue une discrimination indirecte en ce qursquoelle est susceptible par sa nature mecircme drsquoaffecter davantage les travailleurs frontaliers que les travailleurs nationaux (points 36 et 37)
o Sur la deuxiegraveme question preacutejudicielle Par sa seconde question la juridiction de renvoi demande en substance si lrsquoarticle 7 paragraphe 2 du regraveglement ndeg4922011 doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que la neacutecessiteacute drsquoassurer lrsquoorganisation efficace du systegraveme scolaire constitue une raison impeacuterieuse drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral susceptible de justifier une mesure nationale qualifieacutee de discrimination indirecte La Cour de justice commence par rappeler au point 39 qursquoune discrimination indirecte est en principe prohibeacutee agrave moins qursquoelle ne soit objectivement justifieacutee Pour cela elle doit drsquoune part ecirctre propre agrave garantir la reacutealisation drsquoun objectif leacutegitime et drsquoautre part ne pas aller au-delagrave de ce qui est neacutecessaire pour atteindre cet objectif (arrecircts Giersch ea citeacute point 46 et Aubriet C-41018 point 29 10 juillet 2019) Elle rappelle au point suivant quelle avait jugeacute qursquoune action entreprise par un Eacutetat membre afin drsquoassurer un niveau eacuteleveacute de formation de sa population reacutesidente poursuit un objectif leacutegitime susceptible de justifier une discrimination indirecte et que la poursuite drsquoeacutetudes supeacuterieures constitue un objectif drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral reconnu au niveau de lrsquoUnion (arrecircts Giersch point 53 et Aubriet point 31 citeacutes) Cependant selon la Cour de justice le fait mecircme que si lrsquoeacutetablissement freacutequenteacute est situeacute en dehors du territoire du Land de Rheacutenanie-Palatinat les frais de transport sont pris en charge par le Landkreis ou par la ville non rattacheacutee agrave un Landkreis sur le territoire duquel ou de laquelle lrsquoeacutelegraveve est domicilieacute atteste que lrsquoorganisation du transport scolaire au niveau du Land nrsquoest pas indissociablement lieacutee agrave lrsquoorganisation du systegraveme scolaire au sein de ce Land Par conseacutequent la Cour de justice juge que les dispositions du Land sur le transport scolaire ne preacutesentent pas un lien suffisamment eacutetroit avec lrsquoorganisation du systegraveme scolaire pour qursquoil soit consideacutereacute que ces dispositions poursuivent un objectif leacutegitime En tout eacutetat de cause la condition de reacutesidence opposeacutee agrave PF ne peut ecirctre consideacutereacutee comme indispensable agrave la planification et agrave lrsquoorganisation du transport scolaire degraves lors que comme lrsquoOberverwaltungsgericht Rheinland-Pfalz lrsquoindique drsquoautres mesures pourraient ecirctre envisageacutees En particulier la Cour de justice indique que pour le calcul du montant des frais de transport scolaire devant ecirctre rembourseacutes laquo le point ougrave le trajet agrave vol drsquooiseau entre le lieu de reacutesidence reacuteel et lrsquoeacutetablissement scolaire le plus proche coupe la frontiegravere raquo pourrait ecirctre pris en compte agrave titre de domicile de lrsquoeacutelegraveve
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La Cour de justice conclut donc que les difficulteacutes pratiques lieacutees agrave lrsquoorganisation efficace du transport scolaire au niveau reacutegional ne constituent pas une raison impeacuterieuse drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral susceptible de justifier une mesure nationale qualifieacutee de discrimination indirecte (points 42 agrave 46) Par ces motifs la Cour (neuviegraveme chambre) dit pour droit 1) Lrsquoarticle 7 paragraphe 2 du regraveglement (UE) no 4922011 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif agrave la libre circulation des travailleurs agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoUnion doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens qursquoune leacutegislation nationale qui subordonne la prise en charge du transport scolaire par un Land agrave une condition de reacutesidence sur le territoire de ce Land constitue une discrimination indirecte en ce qursquoelle est susceptible par sa nature mecircme drsquoaffecter davantage les travailleurs frontaliers que les travailleurs nationaux 2) Lrsquoarticle 7 paragraphe 2 du regraveglement no 4922011 doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que les difficulteacutes pratiques lieacutees agrave lrsquoorganisation efficace du transport scolaire au sein drsquoun Land ne constituent pas une raison impeacuterieuse drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral susceptible de justifier une mesure nationale qualifieacutee de discrimination indirecte
Non-discrimination
Cour de justice (grande chambre) Ruska Federacija 2 avril 2020 C-89719 PPU
Reacutesumeacute Lorsqursquoun Eacutetat membre doit statuer sur une demande drsquoextradition issu drsquoun Eacutetat tiers et concernant un ressortissant drsquoun Eacutetat de lrsquoAssociation europeacuteenne de libre-eacutechange (AELE) partie agrave lrsquoaccord sur lrsquoEspagne eacuteconomique europeacuteen (EEE) il lui incombe de veacuterifier que ce ressortissant ne sera pas soumis agrave la peine de mort agrave la torture ou agrave des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants De plus avant drsquoenvisager drsquoexeacutecuter la demande drsquoextradition la Cour de justice preacutecise que lrsquoEacutetat membre doit en informer lrsquoEacutetat de lrsquoAELE pour permettre agrave celui-ci de solliciter la remise de son ressortissant En mai 2015 le bureau drsquoInterpol de Moscou (Russie) a eacutemis un avis de recherche international contre un ressortissant russe aux fins de son arrestation en raison de poursuites peacutenales engageacutees contre lui Le 30 juin 2019 alors qursquoil tentait drsquoentrer sur le territoire de la Croatie le ressortissant russe muni drsquoun document de voyage islandais pour reacutefugieacutes srsquoest fait arrecircter sur le fondement de cet lrsquoavis de recherche Le ressortissant russe interrogeacute par le juge drsquoinstruction du Županijski sud u Zagrebu (tribunal de comitat de Zagreb Croatie) a deacuteclareacute srsquoopposer agrave son extradition en Russie et a indiqueacute ecirctre agrave la fois citoyen russe et citoyen islandais Lrsquoambassade islandaise a confirmeacute son statut de reacutesident permanent en Islande et a indiqueacute que le gouvernement islandais souhaitait que lrsquoindividu se voit attribuer un sauf-conduit vers lrsquoIslande dans les plus brefs deacutelais Le 6 aoucirct 2019 le tribunal de comitat de Zagreb a reccedilu une demande du ministegravere public geacuteneacuteral de la Feacutedeacuteration de Russie de lrsquoextradition de leur ressortissant vers cet Eacutetat tiers en raison des poursuites peacutenales engageacutees contre
Renvoi preacutejudiciel ndash Proceacutedure preacutejudicielle drsquourgence ndash Accord EEE ndash Non-discrimination ndash Article 36 ndash Libre prestation des services ndash Champ drsquoapplication ndash Accord entre lrsquoUnion europeacuteenne la Reacutepublique drsquoIslande et le Royaume de Norvegravege sur lrsquoassociation de ces deux Eacutetats agrave la mise en œuvre agrave lrsquoapplication et au deacuteveloppement de lrsquoacquis de Schengen ndash Accord relatif agrave la proceacutedure de remise entre les Eacutetats membres de lrsquoUnion europeacuteenne drsquoune part et lrsquoIslande et la Norvegravege drsquoautre part ndash Extradition vers un Eacutetat tiers drsquoun ressortissant islandais ndash Protection des ressortissants drsquoun Eacutetat membre contre lrsquoextradition ndash Absence de protection eacutequivalente des ressortissants drsquoun autre Eacutetat ndash Ressortissant islandais ayant obtenu lrsquoasile en vertu du droit national avant lrsquoacquisition de la citoyenneteacute islandaise ndash Restriction agrave la libre circulation ndash Justification fondeacutee sur la preacutevention de lrsquoimpuniteacute ndash Proportionnaliteacute ndash Veacuterification des garanties preacutevues agrave lrsquoarticle 19 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne
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lui Le ministegravere public geacuteneacuteral a preacuteciseacute que la demande drsquoextradition nrsquoavait pas pour but de poursuivre lrsquoindividu pour des motifs politiques ni en raison de sa race de sa religion de sa nationaliteacute ou de ses opinions que toutes les possibiliteacutes drsquoexercer sa deacutefense y compris lrsquoassistance drsquoun avocat seraient mises agrave sa disposition et qursquoil ne serait pas soumis agrave la torture agrave des traitements cruels ou inhumains ou encore agrave des peines portant atteinte agrave la digniteacute humaine Par ordonnance du 5 septembre 2019 le tribunal de comitat de Zagreb a jugeacute que les conditions leacutegales pour lrsquoextradition du ressortissant russe eacutetaient remplies Le ressortissant russe a interjeteacute appel de cette ordonnance devant le Vrhovni sud (Cour suprecircme) Il a fait valoir qursquoil existait un risque concret seacuterieux et raisonnable qursquoen cas drsquoextradition vers la Russie il y soit soumis agrave la torture et agrave des traitements inhumains et deacutegradants et que le statut de reacutefugieacute lui avait eacuteteacute reconnu en Islande preacuteciseacutement en raison des poursuites effectives dont il faisait lrsquoobjet en Russie En affirmant posseacuteder la citoyenneteacute islandaise il a reprocheacute au tribunal comitat de Zagreb drsquoavoir meacuteconnu lrsquoarrecirct du 6 septembre 2016 Petruhhin (C-18215) Dans ces conditions le Vrhovni sud (Cour suprecircme) a deacutecideacute de surseoir agrave statuer et de poser agrave la Cour de justice les questions preacutejudicielles suivantes 1 Convient-il drsquointerpreacuteter lrsquoarticle 18 TFUE en ce sens qursquoun Eacutetat membre de lrsquoUnion europeacuteenne
qui statue sur lrsquoextradition vers un Eacutetat tiers drsquoun ressortissant drsquoun Eacutetat qui nrsquoest pas membre de lrsquoUnion [] mais qui est membre de lrsquoespace Schengen est tenu drsquoinformer de la demande drsquoextradition lrsquoEacutetat membre de lrsquoespace Schengen dont cette personne a la nationaliteacute
2 Si la question preacuteceacutedente appelle une reacuteponse affirmative et que lrsquoEacutetat membre de lrsquoespace
Schengen a solliciteacute la remise de cette personne afin de mener une proceacutedure pour laquelle lrsquoextradition est demandeacutee convient-il de lui remettre cette personne conformeacutement agrave lrsquoaccord relatif agrave la proceacutedure de remise
Selon la Cour de justice les articles 18 et 21 TFUE doivent ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens que lorsqursquoun Eacutetat membre dans lequel un citoyen de lrsquoUnion ressortissant drsquoun autre Eacutetat membre srsquoest deacuteplaceacute se voit adresser une demande drsquoextradition par un Eacutetat tiers avec lequel le premier Eacutetat membre a conclu un accord drsquoextradition il est tenu drsquoinformer lrsquoEacutetat membre dont ledit citoyen a la nationaliteacute et le cas eacutecheacuteant agrave la demande de ce dernier Eacutetat membre de lui remettre ce citoyen conformeacutement aux dispositions de la deacutecision-cadre 2002584JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat drsquoarrecirct europeacuteen et aux proceacutedures de remises entre Eacutetats membres telle que modifieacutee par la deacutecision-cadre 2009299JAI du Conseil du 26 feacutevrier 2009 pourvu que cet Eacutetat membre soit compeacutetent en vertu de son droit national pour poursuivre cette personne pour des faits commis en dehors de son territoire national (arrecirct du 6 septembre 2016 Petruhhin C-18215 point 50) Afin drsquoeacuteviter le risque drsquoimpuniteacute de la personne concerneacutee pour les faits qui lui sont reprocheacutes dans la demande drsquoextradition le mandat drsquoarrecirct europeacuteen eacuteventuellement eacutemis par un Eacutetat membre autre que lrsquoEacutetat membre requis doit porter agrave tout le moins sur les mecircmes faits (arrecirct du 10 avril 2018 Pisciotti C-19116 point 54) La Cour de justice estime qursquoen interdisant laquo toute discrimination exerceacutee en raison de la nationaliteacute raquo lrsquoarticle 18 TFUE exige lrsquoeacutegaliteacute de traitement des personnes se trouvant dans une situation tombant dans le domaine drsquoapplication des traiteacutes Neacuteanmoins cette disposition nrsquoa pas vocation agrave srsquoappliquer dans le cas drsquoune eacuteventuelle diffeacuterence de traitement entre les ressortissants des Eacutetats membres et ceux des Eacutetats tiers (arrecirct du 4 juin 2009 Vatsouras et Koupatantze C-2208 et C-2308 point 52 avis 117 (Accord ECG UE-Canada) du 30 avril 2019 point 169) Srsquoagissant de lrsquoarticle 21 TFUE son paragraphe 1 preacutevoit le droit de tout citoyen de lrsquoUnion de circuler et de seacutejourner librement sur le territoire des Eacutetats membres et srsquoapplique ainsi qursquoil en ressort de lrsquoarticle 20 paragraphe 1 TFUE agrave toute personne ayant la nationaliteacute drsquoun Eacutetat membre de telle sorte qursquoil ne srsquoapplique pas non plus agrave un ressortissant drsquoun Eacutetat tiers Toutefois la Cour de justice rappelle qursquoelle a pour mission drsquointerpreacuteter toutes les dispositions du droit de lrsquoUnion dont les juridictions nationales ont besoin afin de statuer sur les litiges qui leur sont soumis mecircme si ces
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dispositions ne sont pas indiqueacutees expresseacutement dans les questions qui lui sont adresseacutees par ces juridictions (arrecirct du 8 mai 2019 PI C-23018 point 42) Ainsi la Cour de justice juge qursquoil est neacutecessaire de preacuteciser la porteacutee de la protection offerte par lrsquoarticle 19 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne aux termes duquel nul ne peut ecirctre eacuteloigneacute expulseacute ou extradeacute vers un Eacutetat ougrave il existe un risque seacuterieux qursquoil soit soumis agrave la peine de mort la torture ou agrave drsquoautres peines ou traitements inhumains ou deacutegradants
o Sur lrsquoapplicabiliteacute du droit de lrsquoUnion dans le litige principal En lrsquoabsence de convention internationale agrave ce sujet entre lrsquoUnion europeacuteenne et lrsquoEacutetat tiers concerneacute les regravegles en matiegravere drsquoextradition relegravevent de la compeacutetence des Eacutetats membres Neacuteanmoins les Eacutetats membres sont tenus drsquoexercer cette compeacutetence dans le respect du droit de lrsquoUnion (arrecirct du 13 novembre 2018 Raugevicius C-24717 point 45) La Cour de justice preacutecise que lrsquoaccord EEE accord international conclu par lrsquoUnion fait partie inteacutegrante du droit de celle-ci Agrave ce titre des situations relevant du champ drsquoapplication de drsquoun tel accord sont reacutegies par le droit de lrsquoUnion (point 49) Selon la Cour de justice lrsquoaccord EEE reacuteaffirme lrsquoexistence de relations privileacutegieacutees entre lrsquoUnion europeacuteenne ses Eacutetats membres et les Eacutetats de lrsquoAELE agrave la lumiegravere de ces derniegraveres lrsquoaccord viserait agrave ce que le marcheacute inteacuterieur reacutealiseacute sur le territoire de lrsquoUnion soit eacutetendu aux Eacutetats de lrsquoAELE Pour y parvenir certaines stipulations de lrsquoaccord visent agrave garantir une interpreacutetation aussi uniforme que possible de celui-ci sur lrsquoensemble de lrsquoEEE La Cour de justice estime qursquoil lui revient dans ce cadre de veiller agrave ce que les regravegles de lrsquoaccord EEE identiques en substance agrave celles du TFUE soient interpreacuteteacutees de maniegravere uniforme agrave lrsquointeacuterieur des Eacutetats membres (point 50) En lrsquoespegravece lrsquoindividu en cause faisait valoir qursquoil eacutetait entreacute en Croatie pour y passer ses vacances La Cour de justice juge que la liberteacute de prestation de services au sens de lrsquoarticle 56 TFUE inclut la liberteacute des destinataires de service de rendre dans un autre Eacutetat membre pour y beacuteneacuteficier drsquoun service les touristes devant ecirctre consideacutereacutes comme eacutetant des destinataires de services beacuteneacuteficiaires de cette liberteacute Elle preacutecise que la mecircme interpreacutetation srsquoimpose agrave lrsquoeacutegard de la liberteacute de prestation de services garantie agrave lrsquoarticle 36 de lrsquoaccord EEE (points 52 et 52) Ainsi la Cour de justice juge que la situation de lrsquoindividu en cause relegraveve du champ drsquoapplication de lrsquoaccord EEE et du droit de lrsquoUnion du fait de sa qualiteacute de ressortissant islandais (par analogie arrecirct du 6 septembre 2016 Petruhhin C-18215 points 30 et 31) Degraves lors la Croatie est tenue drsquoexercer sa compeacutetence en matiegravere drsquoextradition agrave destination drsquoEacutetats tiers drsquoune maniegravere conforme agrave lrsquoaccord EEE
o Sur la restriction agrave la libre prestation des services et lrsquoeacuteventuelle justification de celle-ci Lrsquoarticle 4 de lrsquoaccord EEE exige lrsquoeacutegaliteacute de traitement des personnes se trouvant dans une situation reacutegie par cet accord en interdisant laquo toute discrimination exerceacutee en raison de la nationaliteacute raquo La Cour de justice explique que les regravegles nationales drsquoextradition telles que celles en cause introduisent une diffeacuterence de traitement selon que la personne concerneacutee soit un ressortissant national ou un ressortissant drsquoun Eacutetat de lrsquoAELE partie agrave lrsquoaccord EEE car elles conduisent agrave ne pas accorder aux ressortissants de ces derniers Eacutetats la protection contre lrsquoextradition dont jouissent les ressortissants nationaux (par analogie arrecirct du 6 septembre 2016 Petruhhin C-18215 point 32) Ainsi de telles regravegles sont susceptibles drsquoaffecter la liberteacute consacreacutee agrave lrsquoarticle 36 de lrsquoaccord EEE La Cour de justice ajoute que la circonstance selon laquelle la personne concerneacutee a la qualiteacute de ressortissant drsquoun Eacutetat de lrsquoAELE partie agrave lrsquoaccord EEE et le fait que cet Eacutetat met en œuvre et applique lrsquoacquis de Schengen rendent la situation de cette personne objectivement comparable agrave celle drsquoun citoyen de lrsquoUnion (point 58)
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Toutefois la Cour de justice preacutecise qursquoune telle restriction ne peut ecirctre justifieacutee que si elle est fondeacutee sur des consideacuterations objectives et proportionneacutee agrave lrsquoobjectif leacutegitimement poursuivi par le droit national (par analogie arrecirct du 6 septembre 2016 Petruhhin C-18215 points 34) En lrsquoespegravece la Cour de justice considegravere que lrsquoobjectif drsquoeacuteviter le risque drsquoimpuniteacute des personnes ayant commis une infraction avanceacute dans la demande de deacutecision preacutejudicielle agrave des fins de justification doit ecirctre perccedilue comme preacutesentant un caractegravere leacutegitime Pour autant des restrictions agrave la liberteacute consacreacutee agrave lrsquoarticle 36 de lrsquoaccord EEE ne peuvent ecirctre justifieacutee par des consideacuterations objectives que si elles sont approprieacutees pour la protection des inteacuterecircts qursquoelles visent agrave garantir et seulement dans la mesure ougrave ces objectifs en peuvent ecirctre atteints par des mesures moins restrictives Agrave ce titre degraves lors que le ressortissant islandais se preacutevaut drsquoun risque seacuterieux de traitement inhumain et deacutegradant en cas drsquoextradition lrsquoEacutetat membre requis doit veacuterifier avant de proceacutedure agrave une eacuteventuelle extradition que cette derniegravere ne portera pas atteinte aux droits viseacutes agrave lrsquoarticle 19 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne Ainsi lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoEacutetat membre requis telle que la juridiction de renvoi doit se fonder aux fins de cette veacuterification sur des eacuteleacutements objectifs fiables preacutecis et ducircment actualiseacutes eacuteleacutements pouvant reacutesulter notamment de deacutecisions judiciaires internationales telles que des arrecircts de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme de deacutecisions judiciaires de lrsquoEacutetat tiers requeacuterant ainsi que de deacutecisions de rapports et drsquoautres documents eacutetablis par les organes du Conseil de lrsquoEurope ou relevant du systegraveme des Nations unies (arrecirct du 6 septembre 2016 Petruhhin C-18215 points 55 agrave 59 et jurisprudence citeacutee) Si les autoriteacutes de lrsquoEacutetat membre requis estiment que lrsquoarticle 19 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne ne srsquooppose pas agrave lrsquoexeacutecution de cette demande il faudra examiner si la restriction en cause est proportionneacutee agrave lrsquoobjectif de lutte contre lrsquoimpuniteacute drsquoune personne qui aurait commis une infraction peacutenale La Cour de justice souligne que la mise en œuvre des meacutecanismes de coopeacuteration et drsquoassistance mutuelle existant en matiegravere peacutenale en vertu du droit de lrsquoUnion constitue en tout eacutetat de cause une mesure alternative moins attentatoire au droit agrave la libre circulation que lrsquoextradition vers un Eacutetat tiers avec lequel lrsquoUnion nrsquoa pas conclu drsquoaccord drsquoextradition et qui permet drsquoatteindre aussi efficacement cet objectif (point 69) Ainsi il en revient agrave lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoEacutetat membre requis drsquoinformer lrsquoEacutetat membre dont lrsquointeacuteresseacute agrave la nationaliteacute et le cas eacutecheacuteant agrave la demande de ce dernier Eacutetat de lui remettre lrsquointeacuteresseacute sur le fondement drsquoun mandat drsquoarrecirct europeacuteen en vertu de la deacutecision-cadre 2002584JAI Or cette deacutecision ne srsquoapplique pas agrave la Reacutepublique drsquoIslande cet Eacutetat a conclu avec lrsquoUnion un accord relatif agrave la proceacutedure de remise entreacute en vigueur le 1er novembre 2019 dont les dispositions sont tregraves semblables aux dispositions correspondantes de la deacutecision Au regard de ce qui preacutecegravede la Cour de justice juge que la solution retenue dans lrsquoarrecirct Petruhhin (C-18215) doit ecirctre appliqueacutee par analogie aux ressortissants islandais qui se trouvent agrave lrsquoeacutegard de lrsquoEacutetat tiers sollicitant leur extradition dans une situation objectivement comparable agrave celle drsquoun citoyen de lrsquoUnion auquel selon lrsquoarticle 3 paragraphe 2 TUE lrsquoUnion offre un espace de liberteacute de seacutecuriteacute et de justice sans frontiegraveres inteacuterieures au sein duquel est assureacutee la libre circulation des personnes Partant lorsqursquoun Eacutetat membre dans lequel un ressortissant de la Reacutepublique drsquoIslande srsquoest deacuteplaceacute se voit adresser une demande drsquoextradition par un Eacutetat tiers avec lequel le premier Eacutetat membre a conclu un accord drsquoextradition il est en principe tenu drsquoinformer la Reacutepublique drsquoIslande et le cas eacutecheacuteant de lui remettre ce ressortissant agrave sa demande conformeacutement aux dispositions de lrsquoaccord relatif agrave la proceacutedure de remise pourvu que la Reacutepublique drsquoIslande soit compeacutetente en vertu de son droit national pour poursuivre cette personne pour des faits commis en dehors de son territoire national (point 76) Par ces motifs la Cour (grande chambre) dit pour droit Le droit de lrsquoUnion en particulier lrsquoarticle 36 de lrsquoaccord sur lrsquoEspace eacuteconomique europeacuteen du 2 mai 1992 et lrsquoarticle 19 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que lorsqursquoun Eacutetat membre dans lequel srsquoest deacuteplaceacute un ressortissant drsquoun Eacutetat membre de lrsquoAssociation europeacuteenne de libre-eacutechange (AELE) partie agrave lrsquoaccord sur lrsquoEspace eacuteconomique europeacuteen et avec lequel lrsquoUnion europeacuteenne a conclu un accord de remise se voit adresser
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une demande drsquoextradition par un Eacutetat tiers en vertu de la convention europeacuteenne drsquoextradition signeacutee agrave Paris le 13 deacutecembre 1957 et lorsque ce ressortissant srsquoeacutetait vu accorder lrsquoasile par cet Eacutetat de lrsquoAELE anteacuterieurement agrave son acquisition de la nationaliteacute dudit Eacutetat preacuteciseacutement en raison des poursuites dont il fait lrsquoobjet dans lrsquoEacutetat ayant eacutemis la demande drsquoextradition il incombe agrave lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoEacutetat membre requis de veacuterifier que lrsquoextradition ne portera pas atteinte aux droits viseacutes audit article 19 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux lrsquooctroi de lrsquoasile constituant un eacuteleacutement particuliegraverement seacuterieux dans le cadre de cette veacuterification Avant drsquoenvisager drsquoexeacutecuter la demande drsquoextradition lrsquoEacutetat membre requis est en tout eacutetat de cause tenu drsquoinformer ce mecircme Eacutetat de lrsquoAELE et le cas eacutecheacuteant de lui remettre agrave sa demande ledit ressortissant conformeacutement aux dispositions de lrsquoaccord de remise pourvu que ledit Eacutetat de lrsquoAELE soit compeacutetent en vertu de son droit national pour poursuivre ce ressortissant pour des faits commis en dehors de son territoire national
Cour de justice (huitiegraveme chambre) HB et IC Istituto nazionale della previdenza sociale 30 avril 2020 C-16819 et C-16919
Reacutesumeacute La Cour de justice par cet arrecirct a jugeacute que le reacutegime fiscal italien reacutesultant de la convention italo-portugaise contre la double imposition sur les revenus nrsquoenfreint pas les principes de libre circulation et de non-discrimination Les retraiteacutes du secteur priveacute et du secteur public peuvent donc ecirctre soumis agrave des reacuteglementations fiscales nationales diffeacuterentes
HB et IC de nationaliteacute italienne sont drsquoanciens agents du secteur public italien beacuteneacuteficiant drsquoune pension de
retraite verseacutee par lrsquoIstituto Nazionale della Previdenza Sociale (Institut national de la seacutecuriteacute sociale Italie ci-
apregraves laquo INPS raquo) Apregraves avoir transfeacutereacute leur reacutesidence au Portugal ils ont demandeacute en 2015 agrave lrsquoINPS de recevoir
en application de la Convenzione tra la Repubblica italiana e la Repubblica portoghese per evitare le doppie
imposizioni e prevenire lrsquoevasione fiscale in materia di imposte sul reddito (convention italo-portugaise contre les
doubles impositions) le montant brut de leur pension sans preacutelegravevement drsquoimpocirct agrave la source par lrsquoItalie de maniegravere
agrave pouvoir beacuteneacuteficier des avantages fiscaux offerts par le Portugal LrsquoINPS a rejeteacute leurs demandes consideacuterant
que cette reacuteglementation srsquoapplique uniquement aux retraiteacutes italiens du secteur priveacute ayant transfeacutereacute leur
reacutesidence au Portugal ainsi qursquoaux retraiteacutes italiens du secteur public qui en plus drsquoavoir transfeacutereacute leur reacutesidence
au Portugal ont acquis la nationaliteacute portugaise condition que HB et IC ne remplissent pas
HB et IC ont alors saisi la Corte dei conti ndash Sezione Giurisdizionale per la Regione Puglia (Cour des comptes ndash
chambre juridictionnelle pour la reacutegion des Pouilles Italie ci-apregraves laquo Cour des comptes raquo)
Dans ces conditions la Cour des comptes a deacutecideacute de surseoir agrave statuer et de poser agrave la Cour de justice la question
preacutejudicielle suivante libelleacutee de maniegravere identique dans les deux affaires jointes
laquo Les articles 18 et 21 TFUE doivent-ils ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens qursquoils srsquoopposent agrave ce que la reacuteglementation drsquoun Eacutetat membre
preacutevoie drsquoimposer les revenus drsquoune personne reacutesidente dans un autre Eacutetat membre qui a acquis inteacutegralement son revenu dans le
premier Eacutetat membre mais qui nrsquoa pas la nationaliteacute du second Eacutetat en ne lui permettant pas de beacuteneacuteficier des avantages fiscaux
offerts par ce dernier raquo
o Sur la question preacutejudicielle
Dans son point 15 la Cour de justice reformule la question preacutejudicielle et affirme que la juridiction de renvoi
demande en substance si les articles 18 et 21 TFUE (principes de non-discrimination et de libre circulation des
citoyens de lUnion) srsquoopposent agrave un reacutegime fiscal reacutesultant drsquoune convention preacuteventive de la double imposition
conclue entre deux Eacutetats membres en vertu de laquelle la compeacutetence fiscale de ces Eacutetats en matiegravere drsquoimposition
Renvoi preacutejudiciel ndash Libre circulation des personnes ndash Article 21 TFUE ndash Principe de non-discrimination en raison de la nationaliteacute ndash Article 18 TFUE ndash Convention preacuteventive de la double imposition ndash Travailleurs du secteur public ndash Pensionneacute reacutesidant dans un Eacutetat membre autre que celui lui versant une pension de retraite et ne posseacutedant pas la nationaliteacute de lrsquoEacutetat membre de reacutesidence ndash Impocirct sur le revenu ndash Preacutetendue perte drsquoavantages fiscaux ndash Preacutetendue entrave agrave la liberteacute de circulation et preacutetendue discrimination
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sur les pensions de retraite est reacutepartie selon que les beacuteneacuteficiaires de celles-ci exerccedilaient un emploi relevant du
secteur priveacute ou du secteur public et dans ce dernier cas selon qursquoils ont ou non la nationaliteacute de lrsquoEacutetat membre
de reacutesidence
Par son arrecirct de ce jour la Cour de justice reacutepond par la neacutegative aux deux questions
La Cour de justice rappelle des points 16 agrave 20 sa jurisprudence (Cour de justice Bukovansky 19 novembre 2015
C-24114 et Gilly 12 mai 1998 C-33696) selon laquelle les Eacutetats membres sont libres dans le cadre de
conventions contre les doubles impositions de fixer les critegraveres de reacutepartition entre eux de la compeacutetence fiscale
de telles conventions nrsquoayant pas pour but de garantir que lrsquoimposition dans un Eacutetat ne soit pas supeacuterieure agrave celle
drsquoun autre Eacutetat
En effet elle relegraveve dans son point 17 qursquoune convention bilateacuterale preacuteventive de la double imposition telle que
cette convention italo-portugaise a pour objet drsquoeacuteviter que le mecircme revenu soit imposeacute dans chacune des deux
parties agrave cette convention et non pas de garantir que lrsquoimposition agrave laquelle est assujetti le contribuable dans une
partie contractante ne soit pas supeacuterieure agrave celle agrave laquelle il serait assujetti dans lrsquoautre partie contractante (arrecirct
Bukovansky citeacute point 44) Elle ajoute au paragraphe suivant quagrave cette fin il nrsquoest pas deacuteraisonnable pour les
Eacutetats membres drsquoutiliser les critegraveres suivis dans la pratique fiscale internationale et en particulier comme lrsquoont
fait la Reacutepublique italienne et la Reacutepublique portugaise le modegravele de convention fiscale concernant le revenu et
la fortune eacutelaboreacute par lrsquoOCDE dont lrsquoarticle 19 paragraphe 2 dans sa version de lrsquoanneacutee 2014 qui preacutevoit des
facteurs de rattachement tels que lrsquoEacutetat payeur et la nationaliteacute (arrecircts Gilly citeacute point 31 et Sauvage et Lejeune
C-60217 24 octobre 2018 point 23)
Dans ce cadre les Eacutetats membres peuvent notamment reacutepartir la compeacutetence fiscale sur la base de critegraveres tels
que lrsquoEacutetat payeur ou la nationaliteacute Or la diffeacuterence de traitement que HB et IC allegraveguent avoir subie deacutecoule de
la reacutepartition du pouvoir drsquoimposition entre lrsquoItalie et le Portugal ainsi que des dispariteacutes existant entre les reacutegimes
fiscaux de ces Eacutetats membres (arrecirct Bukovansky citeacute point 38) La Cour de justice affirme que dans ces conditions
il ne saurait ecirctre question drsquoune discrimination interdite (sect19)
Par ces motifs la Cour de justice (huitiegraveme chambre) dit pour droit
Les articles 18 et 21 TFUE ne srsquoopposent pas agrave un reacutegime fiscal reacutesultant drsquoune convention preacuteventive
de la double imposition conclue entre deux Eacutetats membres en vertu de laquelle la compeacutetence fiscale
de ces Eacutetats en matiegravere drsquoimposition sur les pensions de retraite est reacutepartie selon que les beacuteneacuteficiaires
de celles-ci exerccedilaient un emploi relevant du secteur priveacute ou du secteur public et dans ce dernier cas
selon qursquoils ont ou non la nationaliteacute de lrsquoEacutetat membre de reacutesidence
Protection de la seacutecuriteacute et de la santeacute des travailleurs
Cour de justice (dixiegraveme chambre) UO Keacuteszenleacuteti Rendőrseacuteg 30 avril 2020 C-21119
Reacutesumeacute Dans une affaire qui concerne lrsquoameacutenagement du temps de travail drsquoun membre de la police drsquointervention de la Hongrie
la Cour de justice juge que la directive 200388CE sur le temps de travail srsquoapplique aux agents de la police drsquointervention
hongroise assurant la surveillance des frontiegraveres exteacuterieures de lrsquoespace Schengen dans le contexte de la crise migratoire La Cour de
justice rappelle que ces activiteacutes peuvent neacuteanmoins eacutechapper aux regravegles de la directive dans des circonstances drsquoune graviteacute et drsquoune
ampleur exceptionnelles
La preacutesente demande de deacutecision preacutejudicielle deacuteposeacutee le 6 mars 2019 a eacuteteacute preacutesenteacutee dans le cadre drsquoun litige
Renvoi preacutejudiciel ndash Politique sociale ndash Protection de la seacutecuriteacute et de la santeacute des travailleurs ndash Directive 200388CE ndash Champ drsquoapplication ndash Deacuterogation ndash Article 1er paragraphe 3 ndash Directive 89391CEE ndash Article 2 paragraphe 2 ndash Activiteacutes des forces drsquointervention de la police
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opposant UO au Keacuteszenleacuteti Rendőrseacuteg (police drsquointervention Hongrie) au sujet de la reacutemuneacuteration due pour les services de garde qursquoil a assureacutes Du mois de juillet 2015 au mois drsquoavril 2017 UO qui exerce ses fonctions dans les services de la police drsquointervention srsquoest trouveacute en service drsquoalerte en tant que membre drsquoune compagnie de patrouille La police drsquointervention est un organe speacutecifique du service de police geacuteneacuterale qui dispose de pouvoirs speacuteciaux et exerce des missions particuliegraveres sur lrsquoensemble du territoire hongrois dont la patrouille aux frontiegraveres de la Hongrie avec des Eacutetats ne faisant pas partie de lrsquoespace Schengen Au cours de ladite peacuteriode lrsquoemployeur drsquoUO a ordonneacute dans le cadre des missions effectueacutees agrave la frontiegravere drsquoune part un service drsquoalerte extraordinaire et drsquoautre part un service de garde en dehors du temps de service ordinaire ces deux services devant ecirctre assureacutes en patrouille Pour la police drsquointervention hongroise le temps de garde drsquoUO constituait une peacuteriode de repos UO estime que pendant cette peacuteriode il assurait en reacutealiteacute un service drsquoalerte en dehors du temps de service ordinaire quotidien lequel devait ecirctre qualifieacute de laquo temps de travail raquo pour lequel il devait beacuteneacuteficier non pas drsquoune prime de service de garde mais drsquoune indemniteacute de service drsquoalerte extraordinaire Il a ainsi formeacute un recours contre son employeur devant la juridiction de renvoi en srsquoappuyant sur la loi relative au statut du personnel professionnel des organes chargeacutes du maintien de lrsquoordre qui vise agrave mettre en œuvre la directive 200388 La juridiction de renvoi srsquointerroge sur le point de savoir si les deacutefinitions figurant agrave lrsquoarticle 2 de la directive 200388 peuvent ecirctre appliqueacutees agrave UO en sa qualiteacute de membre de la police drsquointervention eacutetant donneacute que lrsquoactiviteacute concerneacutee se distingue des activiteacutes exerceacutees dans des circonstances ordinaires Agrave cet eacutegard la juridiction de renvoi souhaite savoir si le champ drsquoapplication personnel de la directive 200388 est deacutetermineacute agrave lrsquoarticle 2 de la directive 89391 Dans lrsquoaffirmative elle srsquointerroge sur le point de savoir si lrsquoactiviteacute de membre de la police drsquointervention preacutesente des particulariteacutes inheacuterentes agrave certaines activiteacutes speacutecifiques de la fonction publique qui srsquoopposent de maniegravere contraignante agrave lrsquoapplication de la directive 89391 et de lrsquoarticle 2 de la directive 200388 Dans ces conditions le Miskolci Koumlzigazgataacutesi eacutes Munkauumlgyi Biacuteroacutesaacuteg (tribunal administratif et du travail de Miskolc Hongrie) a deacutecideacute de surseoir agrave statuer et de poser agrave la Cour des justices les questions preacutejudicielles suivantes laquo 1) Faut-il interpreacuteter lrsquoarticle 1er paragraphe 3 de la directive [200388] en ce sens que le champ drsquoapplication personnel de cette directive est deacutetermineacute par lrsquoarticle 2 de la directive [89391] 2) Dans lrsquoaffirmative faut-il interpreacuteter lrsquoarticle 2 paragraphe 2 de la directive [89391] en ce sens que lrsquoarticle 2 points 1 et 2 de la directive [200388] ne doit pas ecirctre appliqueacute en ce qui concerne les agents de police membres du personnel professionnel de la police drsquointervention raquo
o Sur les questions preacutejudicielles La Cour de justice relegraveve tout drsquoabord que lrsquoarticle 1er paragraphe 3 de la directive 200388 deacutefinit le champ drsquoapplication de celle-ci par renvoi agrave lrsquoarticle 2 de la directive 89391 Ainsi aux termes de lrsquoarticle 2 paragraphe 1 de la directive 89391 celle-ci srsquoapplique laquo agrave tous les secteurs drsquoactiviteacutes priveacutes ou publics raquo parmi lesquels figurent les laquo activiteacutes de service raquo Neacuteanmoins la directive nrsquoest pas applicable lorsque des particulariteacutes inheacuterentes agrave certaines activiteacutes speacutecifiques dans la fonction publique notamment dans les forces armeacutees ou la police ou agrave certaines activiteacutes speacutecifiques dans les services de protection civile srsquoy opposent de maniegravere contraignante conformeacutement agrave lrsquoarticle 2 paragraphe 2 premier alineacutea de la directive 89391 Par conseacutequent la Cour de justice cherche agrave deacuteterminer si des fonctions telles que celle en cause au principal sont susceptibles de relever de lrsquoexception preacutevue agrave lrsquoarticle 2 paragraphe 2 premier alineacutea de la directive 89391 laquelle doit recevoir une interpreacutetation qui limite sa porteacutee agrave ce qui est strictement neacutecessaire agrave la sauvegarde des inteacuterecircts qursquoelle permet aux Eacutetats membres de proteacuteger (Cour de justice [GC] Pfeiffer ea 5 octobre 2004
C‑39701 agrave C‑40301 point 54 et Sindicatul Familia Constanţa ea 20 novembre 2018 C‑14717 point 53) En lrsquoespegravece la Cour de justice relegraveve en premier lieu que la surveillance des frontiegraveres exteacuterieures drsquoun Eacutetat membre dans un contexte drsquoafflux de ressortissants de pays tiers constitue une activiteacute qui relegraveve de la fonction publique au sens de lrsquoarticle 2 paragraphe 2 premier alineacutea de la directive 89391 En deuxiegraveme lieu elle relegraveve
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qursquoune telle activiteacute est susceptible de preacutesenter certaines speacutecificiteacutes par rapport agrave drsquoautres activiteacutes relevant de la fonction publique en geacuteneacuteral ou du maintien de lrsquoordre en particulier Finalement la Cour de justice cherche agrave deacuteterminer si des particulariteacutes inheacuterentes agrave cette activiteacute speacutecifique de la fonction publique srsquoopposent de maniegravere contraignante en raison de la neacutecessiteacute absolue de garantir une protection efficace de la collectiviteacute agrave ce que la directive 200388 soit appliqueacutee agrave ladite activiteacute A cet eacutegard la Cour de justice constate que certaines activiteacutes speacutecifiques relevant de la fonction publique ne se precirctent pas par leur nature agrave une planification du temps de travail et qursquoelles peuvent dans la mesure ougrave leur continuiteacute est indispensable pour assurer lrsquoexercice effectif des fonctions essentielles de lrsquoEacutetat eacutechapper au champ drsquoapplication de la directive Toutefois la Cour de justice rappelle que conformeacutement agrave sa jurisprudence cette exigence de continuiteacute doit ecirctre appreacutecieacutee en tenant compte de la nature speacutecifique de lrsquoactiviteacute consideacutereacutee (Cour
de justice [GC] Sindicatul Familia Constanţa ea 20 novembre 2018 C‑14717 point 66) La Cour de justice rappelle que selon une jurisprudence constante lrsquoapplication de lrsquoarticle 2 paragraphe 2 premier alineacutea de la directive 89391 aux services actifs dans le domaine de la santeacute de la seacutecuriteacute et de lrsquoordre publics ne se justifie qursquoen raison drsquoeacuteveacutenements exceptionnels comme des catastrophes naturelles ou technologiques des attentats ou des accidents majeurs dont la graviteacute et lrsquoampleur neacutecessitent lrsquoadoption de mesures indispensables agrave la protection de la vie de la santeacute ainsi que de la seacutecuriteacute de la collectiviteacute et dont la bonne exeacutecution serait compromise si toutes les regravegles eacutenonceacutees par la directive 200388 devaient ecirctre respecteacutees Dans le cas de lrsquoespegravece la Cour de justice relegraveve que les missions de surveillance aux frontiegraveres exteacuterieures de lrsquoespace Schengen lorsqursquoelles sont assureacutees dans des conditions normales par la police drsquointervention hongroise ne preacutesentent pas agrave premiegravere vue des caracteacuteristiques agrave ce point speacutecifiques Elle juge qursquoil appartient agrave la juridiction de renvoi de deacuteterminer si les missions exerceacutees par UO au cours de la peacuteriode litigieuse lrsquoont eacuteteacute dans des circonstances drsquoune graviteacute et drsquoune ampleur exceptionnelles justifiant que leur soit appliqueacutee lrsquoexception preacutevue agrave lrsquoarticle 2 paragraphe 2 premier alineacutea de la directive 89391 Pour cela il lui appartiendra de deacuteterminer si un afflux de ressortissants de pays tiers aux frontiegraveres exteacuterieures de la Hongrie a empecirccheacute que la surveillance desdites frontiegraveres soit effectueacutee tout au long de la peacuteriode litigieuse dans des conditions habituelles conformeacutement agrave la mission impartie agrave la police drsquointervention Finalement la Cour de justice rappelle que dans la situation ougrave la juridiction de renvoi aboutirait agrave la conclusion que les particulariteacutes inheacuterentes aux missions assureacutees par les membres de la police drsquointervention ne se precirctaient pas par leur nature agrave une planification du temps de travail elle devra tenir compte du fait que lrsquoarticle 2 paragraphe 2 second alineacutea de la directive 89391 preacutevoit que mecircme dans ce cas les autoriteacutes compeacutetentes doivent assurer la seacutecuriteacute et la santeacute des travailleurs dans toute la mesure du possible Par ces motifs la Cour (dixiegraveme chambre) dit pour droit Lrsquoarticle 1er paragraphe 3 de la directive 200388CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de lrsquoameacutenagement du temps de travail doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que lrsquoarticle 2 points 1 et 2 de cette directive srsquoapplique aux membres des forces de lrsquoordre qui exercent des fonctions de surveillance aux frontiegraveres exteacuterieures drsquoun Eacutetat membre en cas drsquoafflux de ressortissants de pays tiers auxdites frontiegraveres sauf lorsqursquoil apparaicirct au vu de lrsquoensemble des circonstances pertinentes que les missions exeacutecuteacutees le sont dans le cadre drsquoeacuteveacutenements exceptionnels dont la graviteacute et lrsquoampleur neacutecessitent lrsquoadoption de mesures indispensables agrave la protection de la vie de la santeacute ainsi que de la seacutecuriteacute de la collectiviteacute et dont la bonne exeacutecution serait compromise si lrsquoensemble des regravegles eacutenonceacutees par ladite directive devaient ecirctre respecteacutees ce qursquoil appartient agrave la juridiction de renvoi de veacuterifier
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Protection internationale
Cour de justice (troisiegraveme chambre) affaires jointes Commission Pologne Commission Hongrie et Commission Reacutepublique Tchegraveque 2 avril 2020 C-71517 C-71817 et C-71917
Reacutesumeacute La Cour de justice a jugeacute que la Pologne la Hongrie et la Reacutepublique tchegraveque avaient manqueacute aux obligations leur
incombant en vertu des deacutecisions 20151523 et 20151601 Ces Eacutetats membres auraient ducirc relocaliser sur leurs territoires un
nombre approprieacute de demandeurs de protection internationale
Les deacutecisions 20151523 et 20151601 disposaient que 40 000 personnes ayant besoin drsquoune protection
internationale devaient ecirctre relocaliseacutees de maniegravere temporaire et exceptionnelle depuis lrsquoItalie et la Gregravece vers
drsquoautres Eacutetats membre
Le 16 deacutecembre 2015 la Pologne a indiqueacute un nombre de 100 demandeurs de protection internationale pouvant
faire rapidement lrsquoobjet drsquoune relocalisation sur son territoire La Pologne nrsquoa pas donneacute suite aux demandes de
lrsquoItalie et de la Gregravece et nrsquoa ensuite plus pris aucun engagement de relocalisation
Aucun demandeur de protection internationale nrsquoa eacuteteacute relocaliseacute sur le territoire de la Hongrie au titre des
deacutecisions preacuteciteacutees
Suite agrave une offre de relocaliser 30 personnes 12 demandeurs de protection internationale tous en provenance
de la Gregravece ont eacuteteacute relocaliseacutes sur le territoire de la Reacutepublique Tchegraveque Apregraves le 13 mai 2016 la Reacutepublique
Tchegraveque nrsquoa plus pris aucun engagement de relocalisation
Par lettres du 10 feacutevrier 2016 la Commission europeacuteenne a inviteacute ces trois Eacutetats agrave communiquer au moins tous
les trois mois des indications concernant le nombre de demandeurs de protection internationale pouvant ecirctre
relocaliseacutes sur leur territoire et agrave relocaliser de tels demandeurs agrave intervalles reacuteguliers afin de se conformer agrave leurs
obligations leacutegales Plusieurs lettres ont eacuteteacute adresseacutees par la suite Le 1er mars 2017 la Reacutepublique tchegraveque a
indiqueacute par lettre que sa premiegravere offre de relocaliser 30 personnes eacutetait suffisante
La Commission europeacuteenne a indiqueacute agrave plusieurs reprises qursquoelle se reacuteservait la possibiliteacute drsquoengager des
proceacutedures en manquement contre ces Eacutetats membre si ceux-ci ne se conformaient pas au plus vite agrave leurs
obligations Ainsi par des lettres de mise en demeure du 15 juin 2017 en ce qui concerne la Hongrie et la
Reacutepublique Tchegraveque et du 16 juin 2017 en ce qui concerne la Pologne la Commission europeacuteenne a engageacute une
proceacutedure en manquement au titre de lrsquoarticle 258 paragraphe 1 TFUE contre ces trois Eacutetats membre Par lettre
du 19 septembre 2017 la Commission europeacuteenne a attireacute lrsquoattention des trois Eacutetats sur lrsquoarrecirct Slovaquie et
HongrieConseil (Cour de justice 6 septembre 2017 C-64315 et C-64715) qui a confirmeacute la validiteacute de la deacutecision
20151601 et a inviteacute ces trois Eacutetats membre agrave adopter au plus vite les mesures neacutecessaires afin de prendre des
engagements de relocalisation et de proceacuteder agrave des relocalisations Nrsquoayant pas reccedilu de reacuteponse agrave ces lettres la
Commission europeacuteenne a deacutecideacute drsquointroduire les preacutesents recours
o Sur la recevabiliteacute
Manquement drsquoEacutetat ndash Deacutecisions (UE) 20151523 et (UE) 20151601 ndash Article 5 paragraphes 2 et 4 agrave 11 de chacune de ces deacutecisions ndash Mesures provisoires en matiegravere de protection internationale au profit de la Reacutepublique helleacutenique et de la Reacutepublique italienne ndash Situation drsquourgence caracteacuteriseacutee par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers sur le territoire de certains Eacutetats membres ndash Relocalisation de ces ressortissants sur le territoire des autres Eacutetats membres ndash Proceacutedure de relocalisation ndash Obligation pour les Eacutetats membres drsquoindiquer agrave intervalles reacuteguliers et au moins tous les trois mois le nombre de demandeurs de protection internationale pouvant faire rapidement lrsquoobjet drsquoune relocalisation sur leur territoire ndash Obligations conseacutecutives conduisant agrave la relocalisation effective ndash Inteacuterecircts des Eacutetats membres lieacutes agrave la seacutecuriteacute nationale et agrave lrsquoordre public ndash Possibiliteacute pour un Eacutetat membre drsquoinvoquer lrsquoarticle 72 TFUE pour ne pas appliquer des actes du droit de lrsquoUnion ayant un caractegravere obligatoire
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Sur les exceptions drsquoirrecevabiliteacute dans les affaires C-71517 C-71817 et C-71917 tireacutees de ce que les recours sont deacutenueacutes
drsquoobjet et contredisent lrsquoobjectif de la proceacutedure viseacutee agrave lrsquoarticle 258 TFUE
Les trois Eacutetats membre allegraveguent que les recours seraient deacutenueacutes drsquoobjet et ne serviraient pas lrsquoobjectif de la
proceacutedure en manquement En outre srsquoagissant de manquements agrave des obligations reacutesultant drsquoactes de lrsquoUnion
dont la peacuteriode drsquoapplication a deacutefinitivement expireacute et auxquels il ne peut plus ecirctre remeacutedieacute la Commission
europeacuteenne ne pourrait faire valoir un inteacuterecirct suffisant agrave demander que la Cour de justice constate ces
manquements
La Cour de justice rappelle que lrsquoobjectif poursuivi par la proceacutedure preacutevue agrave lrsquoarticle 258 TFUE est la constatation
objective du non-respect par un Eacutetat membre des obligations que lui imposent le TFUE ou un acte de droit
deacuteriveacute et qursquoune telle proceacutedure permet aussi de deacuteterminer si un Eacutetat membre a enfreint le droit de lrsquoUnion dans
un cas drsquoespegravece La Cour de justice note que dans un recours en manquement la Commission europeacuteenne ne
saurait demander agrave la Cour de justice autre chose que la constatation de lrsquoexistence du manquement alleacutegueacute en
vue de la cessation de celui-ci Un recours en manquement est recevable si la Commission europeacuteenne se limite
agrave demander agrave la Cour de justice de constater lrsquoexistence du manquement alleacutegueacute notamment dans une situation
telle que celle de lrsquoespegravece dans laquelle lrsquoacte de droit deacuteriveacute de lrsquoUnion dont la violation est alleacutegueacutee a
deacutefinitivement cesseacute drsquoecirctre applicable apregraves la date drsquoexpiration du deacutelai fixeacute dans lrsquoavis motiveacute Un tel recours
srsquoinscrit dans lrsquoobjectif poursuivi par la proceacutedure preacutevue agrave lrsquoarticle 258 TFUE
En lrsquoespegravece la peacuteriode drsquoapplication des deacutecisions a deacutefinitivement expireacute en septembre 2017 La circonstance
selon laquelle il ne serait plus possible de remeacutedier au manquement alleacutegueacute degraves lors que la peacuteriode drsquoapplication
des deacutecisions a expireacute ne saurait conduire agrave lrsquoirrecevabiliteacute des preacutesents recours En effet les trois Eacutetats membres
en cause se sont vu offrir la possibiliteacute de mettre un terme au manquement avant lrsquoexpiration du deacutelai imparti
dans les avis motiveacutes
La Cour de justice rejette ces exceptions drsquoirrecevabiliteacute
Sur les exceptions drsquoirrecevabiliteacute dans les affaires C-71717 et C71817 tireacutees drsquoune violation du principe drsquoeacutegaliteacute de traitement
La Pologne et la Hongrie soutiennent que les recours en manquement sont irrecevables degraves lors que la
Commission europeacuteenne en se limitant agrave introduire un recours contre les seuls trois Eacutetats membres en cause
alors que la grande majoriteacute des Eacutetats membre nrsquoont pas pleinement respecteacute les obligations leur incombant en
vertu des deacutecisions 20151523 et 20151601 a violeacute le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement et a ainsi exceacutedeacute le pouvoir
drsquoappreacuteciation que lui confegravere lrsquoarticle 258 TFUE
La Cour de justice rappelle qursquoelle a deacutejagrave jugeacute que lrsquoabsence de recours en manquement agrave lrsquoencontre drsquoun Eacutetat
membre nrsquoest pas pertinente pour appreacutecier la recevabiliteacute drsquoun recours en manquement introduit agrave lrsquoencontre
drsquoun autre Eacutetat membre La Cour de justice estime que lrsquoaction de la Commission europeacuteenne est ainsi fondeacutee
en lrsquooccurrence sur un critegravere neutre et objectif relatif agrave la graviteacute et agrave la persistance des manquements reprocheacutes
aux trois Eacutetats membre en cause qui au regard de lrsquoobjectif des deacutecisions preacuteciteacutees permet de distinguer la
situation de ces trois Eacutetats membres de celle des autres Eacutetats membre y compris ceux nrsquoayant pas pleinement
respecteacute leurs obligations deacutecoulant de ces deacutecisions
Par suite les exceptions drsquoirrecevabiliteacute tireacutees drsquoune violation du principe drsquoeacutegaliteacute de traitement doivent ecirctre
rejeteacutees
Sur lrsquoexception drsquoirrecevabiliteacute dans lrsquoaffaire C-71817 tireacutee drsquoune violation des droits de la deacutefense au cours de la proceacutedure
preacutecontentieuse
La Hongrie reproche agrave la Commission europeacuteenne de ne pas avoir respecteacute ses droits de la deacutefense dans la
proceacutedure preacutecontentieuse en ce que le deacutelai de reacuteponse de quatre semaines imparti dans la lettre de mise en
demeure et dans lrsquoavis motiveacute a eacuteteacute excessivement court contraire au deacutelai habituel de deux mois et non justifieacute
par une situation drsquourgence leacutegitime Elle fait eacutegalement grief agrave la Commission europeacuteenne de ne pas avoir
indiqueacute au cours de la proceacutedure preacutecontentieuse le manquement qui lui eacutetait reprocheacute
La Cour de justice estime que la raison drsquoentamer la proceacutedure en manquement agrave un stade relativement avanceacute
de la peacuteriode dlsquoapplication de deux ans des deacutecisions reacuteside dans le refus persistant de ces trois Eacutetats membres
de donner suite aux appels reacutepeacuteteacutes de la Commission europeacuteenne tendant agrave ce que ceux-ci se conforment agrave ces
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obligations et ne saurait ecirctre imputeacutee agrave une quelconque inertie ou action tardive de la Commission europeacuteenne
La Cour de justice rappelle eacutegalement que les Eacutetats membres avaient pleinement connaissance du point de vue
de la Commission europeacuteenne quant aux manquements qui leurs eacutetaient reprocheacutes Dans ces circonstances le
deacutelai en cause de quatre semaines ne saurait ecirctre consideacutereacutes comme deacuteraisonnablement court
La Cour de justice relegraveve eacutegalement qursquoil nrsquoapparait pas que lrsquoimpreacutecision alleacutegueacutee de certains motifs de la requecircte
ait pu affecter lrsquoexercice par la Hongrie de ses droits de la deacutefense
Lrsquoexception drsquoirrecevabiliteacute souleveacutee par la Hongrie et tireacutee drsquoune violation des droits de la deacutefense au cours de
la proceacutedure preacutecontentieuse doit ecirctre rejeteacutee
Sur lrsquoexception drsquoirrecevabiliteacute dans lrsquoaffaire C-71917 tireacutee du manque de preacutecision drsquoincoheacuterence de la requecircte
La Reacutepublique tchegraveque a contesteacute la recevabiliteacute du recours la concernant au motif que la requecircte nrsquoeacutenonce pas
de maniegravere coheacuterente et preacutecise le manquement qui lui est reprocheacute
La Cour de justice estime que la Reacutepublique tchegraveque ne pouvait raisonnablement se meacuteprendre sur la date preacutecise
du deacutebut du manquement agrave ses obligations que la Commission europeacuteenne lui reprochait et qursquoelle a pu
effectivement exercer ses droits de deacutefense quant agrave ce manquement
Par suite lrsquoexception drsquoirrecevabiliteacute doit ecirctre eacutecarteacutee
o Sur le fond
Sur la mateacuterialiteacute des manquements alleacutegueacutes
La Cour de justice rappelle que dans le cadre drsquoune proceacutedure en manquement il incombe agrave la Commission
europeacuteenne drsquoapporter agrave la Cour de justice les eacuteleacutements neacutecessaires agrave la veacuterification par celle-ci de lrsquoexistence
dudit manquement sans pouvoir se fonder sur une preacutesomption quelconque
Les manquements en cause ne sont pas contestables degraves lors que dans ses diffeacuterents rapports mensuels sur la
relocalisation et la reacuteinstallation la Commission europeacuteenne a assureacute un suivi de lrsquoeacutetat drsquoavancement des
relocalisations et a indiqueacute pour chaque Eacutetat membre le nombre de demandeurs de protection internationale
pour lesquels des engagements de relocalisation avaient eacuteteacute pris ainsi que le nombre de demandeurs de protection
internationale effectivement relocaliseacutes Ces rapports attestent de la reacutealiteacute des manquements alleacutegueacutes par la
Commission europeacuteenne
Par suite la Cour de justice constate que la Commission europeacuteenne a eacutetabli la mateacuterialiteacute des manquements
alleacutegueacutes dans les trois proceacutedures en manquement en cause
Sur les moyens de deacutefense tireacutes par la Reacutepublique de Pologne et la Hongrie de lrsquoarticle 72 TFUE lu conjointement avec lrsquoarticle 4
paragraphe 2 TUE
La Pologne et la Hongrie allegraveguent qursquoelles eacutetaient en droit en vertu de lrsquoarticle 72 TFUE lu conjointement avec
lrsquoarticle 4 paragraphe 2 TUE qui leur reacuteserve la compeacutetence exclusive pour le maintien de lrsquoordre public et la
sauvegarde de la seacutecuriteacute inteacuterieure dans le cadre drsquoactes adopteacutes dans le domaine de lrsquoespace de liberteacute de seacutecuriteacute
et de justice viseacute au titre 5 du TFUE de laisser inappliqueacutees leurs obligations de droit secondaire et donc de rang
infeacuterieur deacutecoulant de la deacutecision 20151523 etou de la deacutecision 20151601 actes pris sur la base de lrsquoarticle
78 paragraphe 3 TFUE et relevant donc dudit titre 5
La Cour de justice rappelle que la deacuterogation preacutevue agrave lrsquoarticle 72 TFUE doit faire lrsquoobjet drsquoune interpreacutetation
stricte Ainsi bien que lrsquoarticle 72 TFUE preacutevoit que le titre 5 du traiteacute ne porte pas atteinte agrave lrsquoexercice des
responsabiliteacutes qui incombent aux Eacutetats membre pour le maintien de lrsquoordre public et la sauvegarde de la seacutecuriteacute
inteacuterieure il ne saurait ecirctre interpreacuteteacute de maniegravere agrave confeacuterer aux Eacutetats membre le pouvoir de deacuteroger aux
dispositions du traiteacute par la seule invocation de ces responsabiliteacutes La porteacutee des exigences tenant au maintien
de lrsquoordre public ou de la seacutecuriteacute nationale ne saurait ainsi ecirctre deacutetermineacutee unilateacuteralement par chaque Eacutetat
membre sans controcircle des institutions de lrsquoUnion Il incombe agrave lrsquoEacutetat membre qui invoque le beacuteneacutefice de lrsquoarticle
72 TFUE de prouver la neacutecessiteacute de recourir agrave la deacuterogation preacutevue agrave cet article aux fins drsquoexercer ses
responsabiliteacutes en matiegravere de maintien de lrsquoordre public et de sauvegarde de la seacutecuriteacute inteacuterieure La Cour de
justice rappelle que dans lrsquoarrecirct Slovaquie et HongrieConseil preacuteciteacute elle avait rejeteacute lrsquoargument selon lequel la
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deacutecision 20151601 serait contraire au principe de proportionnaliteacute degraves lors qursquoelle ne permettrait pas aux Eacutetats
membres drsquoassurer lrsquoexercice effectif des responsabiliteacutes qui leur incombent pour le maintien de lrsquoordre public et
la sauvegarde de la seacutecuriteacute inteacuterieure au titre de lrsquoarticle 72 TFUE La Cour de justice dans le preacutesent arrecirct ajoute
que les articles 5 de chacune des deacutecisions preacutevoient qursquoun Eacutetat membre ne peut deacutecider de ne pas approuver la
relocalisation drsquoun demandeur de protection internationale que srsquoil existe des motifs raisonnables de consideacuterer
que le demandeur en cause repreacutesente un danger pour la seacutecuriteacute nationale ou lrsquoordre public sur son territoire La
Cour de justice estime que les motifs raisonnables laissent clairement une plus large marge drsquoappreacuteciation aux
Eacutetats membre que les motifs seacuterieux mentionneacutes dans la directive 201195 Le libelleacute de lrsquoarticle 5 des deacutecisions
20151523 et 2015601 se distingue eacutegalement de celui de la directive 200438CE Par suite une large marge
drsquoappreacuteciation doit ecirctre reconnue aux autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats membre de relocalisation lorsque celles-ci
deacuteterminent si un ressortissant drsquoun pays tiers appeleacute agrave ecirctre relocaliseacute constitue un danger pour la seacutecuriteacute
nationale ou lrsquoordre public sur leur territoire Ces motifs raisonnables ne peuvent ecirctre invoqueacutes qursquoen preacutesence
drsquoeacuteleacutements concordants objectifs et preacutecis et apregraves une eacutevaluation des faits par les autoriteacutes compeacutetentes
Lrsquoarticle 5 de chacune des deacutecisions preacutecisaient que devait ecirctre effectueacute un examen au cas par cas du danger actuel
ou potentiel que le demandeur de protection internationale concerneacute repreacutesentait Il srsquooppose ainsi agrave ce qursquoun
Eacutetat membre invoque de maniegravere peacuteremptoire aux seules fins de preacutevention geacuteneacuterale et sans eacutetablir de rapport
direct avec un cas individuel lrsquoarticle 72 TFUE pour justifier une suspension voire un arrecirct de la mise en œuvre
des obligations lui incombant en vertu des deacutecisions 20151523 et 20151601 En lrsquoespegravece les Eacutetats membres
de relocalisation ont pu conduire dans certaines conditions des controcircles de seacutecuriteacute suppleacutementaires voire
systeacutematiques par la voie drsquoentretiens ou avec lrsquoassistance drsquoEuropol Lrsquoarticle 5 des directives preacuteciteacutees
impliquaient eacutegalement lrsquoidentification des personnes en cause
La Cour de justice conclut que le meacutecanisme preacutevu agrave lrsquoarticle 5 de chacune desdites deacutecisions y compris dans
son application concregravete telle qursquoelle srsquoest deacuteveloppeacutee en pratique au cours des peacuteriodes drsquoapplication de celles-
ci laissait aux Eacutetats membre de relocalisation de reacuteelles possibiliteacutes pour proteacuteger leurs inteacuterecircts lieacutes agrave lrsquoordre
public et agrave la seacutecuriteacute inteacuterieure dans le cadre de lrsquoexamen de la situation individuelle de chaque demandeur de
protection internationale dont la relocalisation eacutetait proposeacutee sans toutefois porter preacutejudice agrave lrsquoobjectif de ces
mecircmes deacutecisions
Par suite la Cour de justice rejette les moyens de deacutefense tireacutes par la Pologne et la Hongrie de lrsquoarticle 72 TFUE
lu conjointement avec lrsquoarticle 4 paragraphe 2 TUE
Sur le moyen de deacutefense tireacute par la Reacutepublique tchegraveque du dysfonctionnement et du manque drsquoefficaciteacute dont aurait souffert le meacutecanisme
de relocalisation preacutevu par les deacutecisions 20151523 et 20151601 dans son application concregravete
La Reacutepublique tchegraveque se fonde sur des consideacuterations relatives au dysfonctionnement ou au manque drsquoefficaciteacute
dont aurait souffert dans son application concregravete le meacutecanisme de relocalisation preacutevu par les deacutecisions
preacuteciteacutees en tant que justification de sa deacutecision de ne pas mettre en œuvre les obligations de relocalisation qui
lui incombaient en vertu de lrsquoarticle 5 de chacune des deacutecisions
La Cour de justice observe qursquoil ne saurait ecirctre admis qursquoun Eacutetat membre puisse se fonder sans invoquer une
base juridique preacutevue par les traiteacutes sur son appreacuteciation unilateacuterale du manque alleacutegueacute drsquoefficaciteacute voire du
dysfonctionnement du meacutecanisme de relocalisation eacutetabli par les deacutecisions Cette alleacutegation nrsquoa pour autant pas
empecirccheacute drsquoautres Eacutetats membres de prendre agrave intervalles reacuteguliers des engagements de relocalisation et de
proceacuteder agrave des relocalisations effectives La Cour de justice rappelle que des ajustements ont eacuteteacute apporteacutes agrave la
proceacutedure de relocalisation afin de reacutepondre notamment aux problegravemes drsquoordre pratique mentionneacutes par la
Reacutepublique tchegraveque
Par suite le moyen de deacutefense de la Reacutepublique tchegraveque est rejeteacute
Par ces motifs la Cour (troisiegraveme chambre) deacuteclare et arrecircte
1) Les affaires C-71517 C-71817 et C-71917 sont jointes aux fins de lrsquoarrecirct
2) En nrsquoayant pas indiqueacute agrave intervalles reacuteguliers et au moins tous les trois mois un nombre approprieacute
de demandeurs de protection internationale pouvant faire rapidement lrsquoobjet drsquoune relocalisation sur
son territoire la Reacutepublique de Pologne a depuis le 16 mars 2016 manqueacute aux obligations lui
incombant en vertu de lrsquoarticle 5 paragraphe 2 de la deacutecision (UE) 20151523 du Conseil du 14
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septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matiegravere de protection internationale au profit de
lrsquoItalie et de la Gregravece et de lrsquoarticle 5 paragraphe 2 de la deacutecision (UE) 20151601 du Conseil du 22
septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matiegravere de protection internationale au profit de
lrsquoItalie et de la Gregravece ainsi que par voie de conseacutequence aux obligations ulteacuterieures de relocalisation
lui incombant en vertu de lrsquoarticle 5 paragraphes 4 agrave 11 de chacune de ces deux deacutecisions
3) En nrsquoayant pas indiqueacute agrave intervalles reacuteguliers et au moins tous les trois mois un nombre approprieacute
de demandeurs de protection internationale pouvant faire rapidement lrsquoobjet drsquoune relocalisation sur
son territoire la Hongrie a depuis le 25 deacutecembre 2015 manqueacute aux obligations lui incombant en vertu
de lrsquoarticle 5 paragraphe 2 de la deacutecision 20151601 ainsi que par voie de conseacutequence aux obligations
ulteacuterieures de relocalisation lui incombant en vertu de lrsquoarticle 5 paragraphes 4 agrave 11 de cette deacutecision
4) En nrsquoayant pas indiqueacute agrave intervalles reacuteguliers et au moins tous les trois mois un nombre approprieacute
de demandeurs de protection internationale pouvant faire rapidement lrsquoobjet drsquoune relocalisation sur
son territoire la Reacutepublique tchegraveque a depuis le 13 aoucirct 2016 manqueacute aux obligations lui incombant
en vertu de lrsquoarticle 5 paragraphe 2 de la deacutecision 20151523 et de lrsquoarticle 5 paragraphe 2 de la deacutecision
20151601 ainsi que par voie de conseacutequence aux obligations ulteacuterieures de relocalisation lui
incombant en vertu de lrsquoarticle 5 paragraphes 4 agrave 11 de chacune de ces deux deacutecisions
5) La Reacutepublique de Pologne est condamneacutee agrave supporter outre ses propres deacutepens dans les affaires
C‑71517 C‑71817 et C‑71917 ceux de la Commission europeacuteenne dans lrsquoaffaire C‑71517
6) La Hongrie est condamneacutee agrave supporter outre ses propres deacutepens dans les affaires C‑71517
C‑71817 et C‑71917 ceux de la Commission europeacuteenne dans lrsquoaffaire C‑71817
7) La Reacutepublique tchegraveque est condamneacutee agrave supporter outre ses propres deacutepens dans les affaires
C‑71517 C‑71817 et C‑71917 ceux de la Commission europeacuteenne dans lrsquoaffaire C‑71917
Vie priveacutee et familiale
Cour EDH (quatriegraveme section) Dragan Petrovic Serbie ndeg 7522910
Arrecirct rendu en anglais Mention dune opinion dissidente Reacutesumeacute Dans une affaire concernant la reacutealisation dune perquisition par la police au domicile du requeacuterant et le preacutelegravevement dun eacutechantillon dADN dans le cadre dune enquecircte pour meurtre en Serbie la Cour EDH a jugeacute que ce preacutelegravevement constituait une violation de larticle 8 de la Convention contrairement agrave la perquisition Elle considegravere en effet quil neacutetait pas laquo preacutevu par la loi raquo au sens de larticle 8 Elle preacutecise que la version du code de proceacutedure peacutenale serbe qui eacutetait en vigueur agrave lrsquoeacutepoque des faits disposait que des preacutelegravevements sanguins ou laquo drsquoautres proceacutedures meacutedicales raquo pouvaient ecirctre reacutealiseacutes Le requeacuterant Dragan Petrovic est un ressortissant serbe neacute en 1985 reacutesidant agrave Subotica (Serbie)
Art 8 - Respect de la vie priveacutee - Preacutelegravevement dun eacutechantillon dADN de la salive du demandeur dans le cadre dune enquecircte preacuteliminaire - Approbation du demandeur obtenue par la menace de la force - Absence de preacutevisibiliteacute de la loi - Aucune reacutefeacuterence agrave des dispositions leacutegales speacutecifiques dans lordonnance autorisant la police agrave preacutelever leacutechantillon - Aucune reacutefeacuterence speacutecifique dans la loi au preacutelegravevement dun eacutechantillon dADN - Neacutecessiteacute dune reacuteglementation plus stricte deacutemontreacutee par des dispositions plus deacutetailleacutees dans la leacutegislation reacutecente - Respect du domicile - Perquisition au domicile du demandeur fondeacutee sur des motifs adeacutequats et suffisants et accompagneacutee de garanties efficaces
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En juillet 2008 la police reccedilut des informations qui laissaient penser que le requeacuterant pouvait ecirctre impliqueacute dans le passage agrave tabac et le deacutecegraves drsquoun homme acircgeacute Sur la base de ces informations un juge drsquoinstruction rendit deux deacutecisions par lesquelles il ordonna drsquoune part une perquisition du domicile du requeacuterant et drsquoautre part le preacutelegravevement drsquoun eacutechantillon de salive sur sa personne aux fins drsquoune analyse ADN Dans le cadre de la perquisition la police devait en prioriteacute rechercher des objets que le requeacuterant eacutetait soupccedilonneacute avoir pris apregraves le meurtre notamment une laquo veste en cuir noir raquo ainsi que laquo des chaussures et drsquoautres objets raquo pouvant ecirctre lieacutes au meurtre Elle trouva finalement deux armes de poing dont le requeacuterant deacuteclara ignorer lrsquoexistence Le preacutelegravevement drsquoun eacutechantillon drsquoADN du requeacuterant devait permettre une comparaison avec lrsquoADN retrouveacute sur la scegravene de crime Le juge autorisa la police agrave proceacuteder soit agrave un preacutelegravevement de salive soit agrave un preacutelegravevement sanguin par la force si neacutecessaire avec lrsquoaide de professionnels de santeacute Le requeacuterant consentit en preacutesence de
son avocat agrave un preacutelegravevement de salive Il apparaicirct cependant que la police nrsquoa produit aucun procegraves-verbal de la proceacutedure En aoucirct 2008 la police indiqua au juge drsquoinstruction qursquoelle avait deacutecideacute de poursuivre le requeacuterant pour possession illeacutegale drsquoarmes agrave feu Les autoriteacutes ne trouvegraverent aucune correspondance entre lrsquoeacutechantillon drsquoADN preacuteleveacute sur la personne du requeacuterant et les traces biologiques retrouveacutees sur la scegravene du crime Le 4 aoucirct 2008 le requeacuterant saisit la Cour constitutionnelle pour se plaindre sur le terrain de lrsquoarticle 8 de la Convention et des articles 25 et 40 de la Constitution drsquoune violation de son droit au respect de son domicile et de sa vie priveacutee La Cour constitutionnelle rejeta son recours sur le fond le 14 octobre 2010
1) Sur la violation alleacutegueacutee de larticle 8 de la Convention o Sur la recevabiliteacute de la requecircte
La Cour EDH rejette drsquoembleacutee les exceptions de tardiveteacute et de non-eacutepuisement des voies de recours souleveacutees par le Gouvernement Elle juge en particulier au paragraphe 53 que le recours constitutionnel formeacute par le requeacuterant eacutetait un recours effectif au sens de larticle 35sect1 de la Convention
o Sur le fond Sur le fond de lrsquoaffaire la Cour EDH examine tout drsquoabord la question de la perquisition du domicile du requeacuterant Elle dit que cette mesure srsquoanalyse en une atteinte au droit du requeacuterant au respect de son domicile qursquoelle eacutetait preacutevue par la loi et qursquoelle visait un but leacutegitime (sect74) La question qui se pose donc est celle de savoir si elle eacutetait proportionneacutee crsquoest-agrave-dire si elle eacutetait laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo (voir en ce sens les arrecircts CEDH ndeg2535812 Paradiso et Campanelli c Italy sect 167 24 Janvier 2017 et ndeg4107916 Caruana c Malta sect 26 15 Mai 2018) Elle note dans son paragraphe 76 que le mandat de perquisition a eacuteteacute deacutelivreacute dans le cadre drsquoune enquecircte pour meurtre et qursquoil preacutecisait ce que la police devait chercher agrave savoir une veste en cuir noir des chaussures et drsquoautres objets lieacutes au meurtre Elle ne souscrit donc pas agrave lrsquoargument du requeacuterant selon lequel le mandat de perquisition manquait de preacutecision La Cour EDH considegravere par ailleurs que le requeacuterant jouissait de garanties adeacutequates et effectives propres agrave le preacutemunir contre tout abus au cours de la perquisition Elle note en particulier que le requeacuterant son avocat et le proprieacutetaire de lrsquoappartement eacutetaient preacutesents lors de la perquisition Elle observe en outre au paragraphe 77 que lrsquoavocat de lrsquointeacuteresseacute a signeacute le certificat de saisie et le procegraves-verbal de lrsquoopeacuteration de perquisition et de saisie et qursquoil srsquoest borneacute agrave cette occasion agrave contester la motivation de la deacutecision de perquisition sans soulever drsquoobjections quant agrave la proceacutedure de perquisition elle-mecircme La Cour EDH conclut au paragraphe suivant que lrsquoatteinte en question eacutetait laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo et qursquoil y a donc eu non-violation de lrsquoarticle 8 agrave raison de la perquisition meneacutee par la police au domicile du requeacuterant Se penchant ensuite sur la question du preacutelegravevement drsquoun eacutechantillon drsquoADN la Cour EDH constate que cette mesure srsquoanalyse en une atteinte au droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee Le fait que lrsquointeacuteresseacute ait consenti agrave la proceacutedure est deacutenueacute de pertinence eacutetant donneacute que ce consentement a eacuteteacute donneacute sous la menace drsquoun preacutelegravevement de sang ou de salive par la force (voir en ce sens larrecirct Caruana c Malte sect29 citeacute) (sect79)
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La Cour EDH note que la deacutecision ordonnant le preacutelegravevement drsquoun eacutechantillon drsquoADN ne faisait mention drsquoaucune disposition leacutegale et que lrsquoarticle pertinent du code proceacutedure peacutenale serbe agrave savoir lrsquoarticle 131 sectsect 2 et 3 disposait uniquement qursquoun tribunal pouvait ordonner le preacutelegravevement drsquoun eacutechantillon de sang ou toute laquo autre proceacutedure meacutedicale raquo jugeacutee neacutecessaire drsquoun point de vue meacutedical agrave lrsquoeacutetablissement de faits laquo importants raquo dans le cadre drsquoune enquecircte peacutenale Par ailleurs il ressort du dossier de lrsquoaffaire que les autoriteacutes meacuteconnaissant lrsquoarticle 239 du code de proceacutedure peacutenale ont omis de reacutediger un procegraves-verbal de la proceacutedure (sect81) La Cour EDH note eacutegalement au paragraphe suivant que lrsquoarticle 131 sectsect 2 et 3 eacutetait deacutepourvu de certaines garanties concernant les preacutelegravevements drsquoADN et que ces garanties furent introduites dans une nouvelle version du code de proceacutedure peacutenale entreacutee en vigueur en 2011 Le nouveau texte faisait speacutecifiquement reacutefeacuterence aux preacutelegravevements drsquoeacutechantillons de salive il disposait que ceux-ci devaient ecirctre reacutealiseacutes par des experts et il preacutecisait dans quels cas une personne pouvait ecirctre soumise agrave pareille proceacutedure sans son consentement La Cour EDH considegravere par conseacutequent qursquoen inseacuterant des dispositions plus deacutetailleacutees dans la version du code de proceacutedure peacutenale entreacutee en vigueur en 2011 lrsquoEacutetat deacutefendeur a lui-mecircme reconnu implicitement que des regravegles plus strictes eacutetaient neacutecessaires dans ce domaine (sect83) La Cour EDH conclut dans son paragraphe 84 que lrsquoatteinte au droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee que constituait le preacutelegravevement litigieux drsquoADN nrsquoeacutetait pas preacutevue par la loi et qursquoelle a donc emporteacute violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
2) Sur la violation alleacutegueacutee de larticle 6 de la Convention Sous lrsquoangle de lrsquoarticle 6 sect 3 a) de la Convention (tout accuseacute a droit agrave ecirctre informeacute dans le plus court deacutelai dans une langue qursquoil comprend et drsquoune maniegravere deacutetailleacutee de la nature et de la cause de lrsquoaccusation porteacutee contre lui ) le requeacuterant soutient qursquoil srsquoest vu refuser le droit drsquoecirctre informeacute dans le plus court deacutelai et drsquoune maniegravere deacutetailleacutee du fait qursquoil eacutetait soupccedilonneacute drsquoavoir commis une infraction peacutenale Admettant que les observations du requeacuterant sur ce point ne se rapportent pas aux griefs souleveacutes sous lrsquoangle de lrsquoarticle 8 de la Convention mais constituent un grief distinct la Cour EDH constate que lrsquointeacuteresseacute nrsquoa jamais formeacute de recours interne agrave cet eacutegard Cette partie de la requecircte est donc ecirctre rejeteacutee pour non-eacutepuisement des voies de recours internes (sect86) POUR CES RAISONS LA COUR
1 Deacuteclare agrave lunanimiteacute que les griefs du requeacuterant au titre de larticle 8 de la Convention sont recevables et que le reste de la requecircte est irrecevable
2 Constate agrave lunanimiteacute quil ny a pas eu violation de larticle 8 de la Convention en ce qui
concerne la perquisition au domicile du requeacuterant
3 Dit par six voix contre une quil y a eu violation de larticle 8 de la Convention en ce qui concerne le preacutelegravevement dun eacutechantillon dADN sur le requeacuterant
4 Dit oui par six voix contre une a) que lEacutetat deacutefendeur doit verser au requeacuterant dans un deacutelai de trois mois agrave compter de la date agrave laquelle le jugement devient deacutefinitif conformeacutement agrave larticle 44 sect 2 de la Convention les montants suivants agrave convertir dans la monnaie de lEacutetat deacutefendeur au taux applicable agrave la date de la transaction i) 1 500 (mille cinq cents) euros plus les taxes eacuteventuellement exigibles au titre du preacutejudice moral (ii) 1 200 (mille deux cents) euros plus toute taxe qui pourrait ecirctre mise agrave la charge du demandeur au titre des frais et deacutepens b) quagrave compter de lexpiration des trois mois susmentionneacutes et jusquau regraveglement des inteacuterecircts simples seront dus sur les montants susmentionneacutes agrave un taux eacutegal au taux de precirct marginal de la Banque centrale europeacuteenne pendant la peacuteriode de carence majoreacute de trois points de pourcentage 5 La demande de satisfaction eacutequitable du requeacuterant est rejeteacutee agrave lunanimiteacute pour le surplus Opinion dissidente du juge Mourou-Vikstroumlm
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Selon le juge Mourou-Vikstroumlm le preacutelegravevement dun eacutechantillon sur le demandeur aux fins danalyse de son profil ADN eacutetait bien conforme agrave la loi mecircme si celle-ci neacutetait pas laquo preacutevisible raquo Le juge note que la disposition leacutegislative en vigueur agrave leacutepoque en question - larticle 131 paragraphes 2 et 3 du code de proceacutedure peacutenale - preacutevoyait le preacutelegravevement dun eacutechantillon sanguin ou la reacutealisation dautres actes meacutedicaux sous reacuteserve dune autorisation judiciaire si cela eacutetait neacutecessaire pour leacutetablissement de faits importants pour une enquecircte peacutenale Elle preacutecise que la leacutegislation allait plus loin preacutevoyant lapplication forceacutee de ces mesures si la personne concerneacutee ne coopeacuterait pas et que sur la base de cette disposition et de la demande du ministegravere public le juge a ordonneacute le preacutelegravevement dun eacutechantillon de salive ou agrave deacutefaut de sang sur le demandeur par la force si neacutecessaire Le demandeur a consenti agrave un preacutelegravevement buccal en preacutesence de son avocat Elle affirme que le juge a donc agi dans le plein respect de la loi qui agrave son avis eacutetait parfaitement claire et preacutevisible La loi couvrait selon elle sans aucun doute le preacutelegravevement dun eacutechantillon de salive agrave des fins didentification geacuteneacutetique qui repreacutesente une preuve essentielle dans les affaires peacutenales et un outil essentiel pour les enquecircteurs et les juges dinstruction dans leacutetablissement de la veacuteriteacute et les termes laquo autres proceacutedures meacutedicales raquo doivent ecirctre interpreacuteteacutes comme englobant ce type de preuve Elle ajoute que le juge a donneacute la prioriteacute au preacutelegravevement dun eacutechantillon par eacutecouvillonnage buccal et non pas par preacutelegravevement sanguin car cest une meacutethode moins invasive et moins deacutesagreacuteable pour le demandeur Le juge Mourou-Vikstroumlm conclut cet argument en disant que la mesure contesteacutee reacutesulte dune ordonnance rendue par un juge intrinsegravequement indeacutependant et a causeacute aucun deacutesagreacutement au requeacuterant Enfin elle preacutecise que le nouveau code de proceacutedure peacutenale preacutevoit expresseacutement le preacutelegravevement dun eacutechantillon par eacutecouvillonnage buccal sans le consentement de la personne concerneacutee Les conditions dans lesquelles leacutechantillon a eacuteteacute preacuteleveacute en lespegravece sont donc eacutegalement compatibles avec les nouvelles regravegles de droit peacutenal
Partie II ndash Conclusion des avocats geacuteneacuteraux
Aides drsquoEtat
Conclusions de lrsquoAvocat geacuteneacuteral M Szpunar preacutesenteacutees le 2 avril 2020 dans lrsquo affaire Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland et autres Vereniging Gelijkberechtiging Grondbezitters et autres C-81718
Reacutesumeacute LrsquoAvocat geacuteneacuteral propose agrave la Cour de justice de rejeter le moyen des requeacuterantes selon lequel le Tribunal a commis une
erreur de droit en consideacuterant comme partie inteacuteresseacutee les requeacuterants au recours formeacute devant le Tribunal En outre lrsquoAvocat geacuteneacuteral
estime que la Cour de justice devrait accueillir le second moyen des requeacuterantes puisque le raisonnement du Tribunal relatif agrave
lrsquoincompleacutetude de lrsquoexamen par la Commission europeacuteenne de la deacutefinition du SIEG drsquoune part est entacheacute drsquoune erreur de droit et
souffre drsquoautre part drsquoune insuffisance de motivation
Les requeacuterantes treize organisations de gestion de terrain sont des associations et fondations non
gouvernementales sans but lucratif ayant pour objet statutaire la conservation et la protection de la nature Elles
exerccedilaient eacutegalement des activiteacutes secondaires de nature eacuteconomique qui geacutenegraverent des recettes agrave leur profit et
constituent une source de financement de leur activiteacute principale
Afin de creacuteer une structure eacutecologique et un reacuteseau laquo Natura 2000 raquo le Royaume des Pays Bas a octroyeacute des
subventions pour lrsquoacquisition de zones naturelles (laquo reacutegime PNB raquo) aux requeacuterantes Le reacutegime PNB a eacuteteacute en
vigueur de 1993 agrave 2012 Le 23 deacutecembre 2008 la Commission europeacuteenne a reccedilu une plainte de deux fondations
priveacutees sans but lucratif de droit neacuteerlandais En 2009 elles ont eacuteteacute remplaceacutees dans le cadre de la proceacutedure
Pourvoi ndash Aide drsquoEacutetat ndash Reacutegime drsquoaide relatif agrave lrsquoacquisition subventionneacutee ou agrave la mise agrave disposition agrave titre gracieux de zones naturelles ndash Deacutecision deacuteclarant lrsquoaide compatible avec le marcheacute inteacuterieur ndash Notion de ldquopartie inteacuteresseacuteerdquo ndash Difficulteacutes seacuterieuses
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administrative en cause par la VGG un organisme dont lrsquoobjet social est drsquoassurer lrsquoeacutegaliteacute des droits de tous les
proprieacutetaires fonciers priveacutes dans le cadre du subventionnement de lrsquoacquisition de terrains
Le 2 septembre 2015 la Commission europeacuteenne a deacuteclareacute le reacutegime PNB compatible avec le marcheacute inteacuterieur
en vertu de lrsquoarticle 106 paragraphe 2 TFUE Le 19 feacutevrier 2016 VGG et autres ont formeacute un recours devant le
Tribunal tendant agrave lrsquoannulation de la deacutecision litigieuse Le Tribunal a deacuteclareacute le recours recevable et a annuleacute la
deacutecision litigieuse
Les requeacuterantes demandent agrave la Cour de justice drsquoannuler lrsquoarrecirct du Tribunal
o Sur la seconde branche du premier moyen
Les requeacuterantes soutenue par la Commission europeacuteenne et le gouvernement neacuteerlandais font valoir que le
Tribunal a commis une erreur de droit en deacuteclarant le recours de VGG et autres recevable degraves lors que celles-ci
ne sauraient ecirctre consideacutereacutees comme laquo parties inteacuteresseacutees raquo au sens de lrsquoarticle 108 paragraphe 2 TFUE et de
lrsquoarticle 1er sous h) du regraveglement ndeg6591999
Sur la notion de laquo partie inteacuteresseacutee raquo
LrsquoAvocat geacuteneacuteral commence par rappeler les deux phases de la proceacutedure de controcircle viseacutee agrave lrsquoarticle 108 TFUE
agrave savoir une phase preacuteliminaire drsquoexamen et une proceacutedure formelle drsquoexamen
En lrsquoespegravece la proceacutedure formelle drsquoexamen nrsquoa pas eacuteteacute ouverte par la Commission europeacuteenne et VGG et autres
ont invoqueacute devant le Tribunal une violation de leurs droits proceacuteduraux La recevabiliteacute du recours deacutepend
degraves lors essentiellement de la question de savoir si VGG et autres ont eacutetabli ecirctre des parties inteacuteresseacutees LrsquoAvocat
geacuteneacuteral rappelle qursquoune partie inteacuteresseacutee est laquo tout Eacutetat membre et toute personne entreprise ou association
drsquoentreprises dont les inteacuterecircts pourraient ecirctre affecteacutes par lrsquooctroi drsquoune aide en particulier le beacuteneacuteficiaire de celle-
ci les entreprises concurrentes et les associations professionnelles raquo La qualiteacute de partie inteacuteresseacutee deacutepend de ce
que les inteacuterecircts de lrsquoentiteacute qui se preacutevaut de cette qualiteacute pourraient ecirctre affecteacutes par lrsquooctroi de la mesure drsquoaide
Il srsquoagit donc de deacuteterminer de quelle faccedilon il peut ecirctre eacutetabli que les inteacuterecircts drsquoune entreprise pourraient ecirctre
affecteacutes par lrsquooctroi drsquoune aide de sorte agrave confeacuterer agrave cette derniegravere la qualiteacute de partie inteacuteresseacutee Selon lrsquoAvocat
geacuteneacuteral il faut distinguer les entreprises concurrentes du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide et les entiteacutes qui ne sont pas
concurrentes du beacuteneacuteficiaire
Pour les premiegraveres selon une jurisprudence constante de la Cour de justice elles figurent incontestablement
parmi les parties inteacuteresseacutees Pour les secondes elles peuvent se voir reconnaitre la qualiteacute de partie inteacuteresseacutees
si elles eacutetablissent que lrsquoaide risque drsquoavoir une incidence concregravete sur leur situation
LrsquoAvocat geacuteneacuteral note que cette distinction est en contradiction avec un courant minoritaire de la jurisprudence
du Tribunal dont fait partie lrsquoarrecirct attaqueacute
Le raisonnement du Tribunal dans lrsquoarrecirct attaqueacute et le courant jurisprudentiel dans lequel il srsquoinscrit
Selon cette jurisprudence du Tribunal il serait exigeacute des entreprises concurrentes des beacuteneacuteficiaires de lrsquoaide de
prouver agrave la fois lrsquoexistence drsquoun rapport de concurrence et lrsquoincidence concregravete de lrsquoaide sur leur situation
LrsquoAvocat geacuteneacuteral est drsquoavis qursquoune telle solution ne saurait ecirctre maintenue Elle serait en contradiction avec le
regraveglement ndeg6591999 qui deacutesigne expresseacutement le concurrent du beacuteneacuteficiaire comme partie inteacuteresseacutee et avec
une jurisprudence pleacutethorique du Tribunal au terme de laquelle la seule preuve de la qualiteacute de concurrent suffit
agrave qualifier lrsquoentreprise de partie inteacuteresseacutee Finalement lrsquoAvocat geacuteneacuteral estime que cette solution pourrait
entrainer une certaine confusion avec la jurisprudence relative agrave la recevabiliteacute du recours Il estime que
contrairement agrave ce qursquoa jugeacute le Tribunal il ne saurait ecirctre exigeacute de VGG et autres de prouver tant lrsquoexistence
drsquoun rapport de concurrence avec les requeacuterantes que lrsquoincidence concregravete de la mesure sur leur situation qui
fausserait ce rapport de concurrence afin de deacutemontrer leur qualiteacute de partie inteacuteresseacutee En jugeant que VGG et
autres devaient ecirctre consideacutereacutees comme des entreprises concurrentes des requeacuterantes le Tribunal pouvait
valablement qualifier VGG et autres de parties inteacuteresseacutees
LrsquoAvocat geacuteneacuteral conclut qursquoune erreur de droit dans lrsquoappreacuteciation de lrsquoincidence concregravete de la mesure sur la
situation de VGG et autres ne saurait conduire agrave lrsquoannulation de lrsquoarrecirct attaqueacute degraves lors que son appreacuteciation
apparait fondeacutee pour drsquoautres motifs de droit
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Consideacuterations subsidiaires sur lrsquoappreacuteciation par le Tribunal du risque drsquoincidence concregravete de la mesure sur la situation de VGG
et autres
LrsquoAvocat geacuteneacuteral examine le point de savoir si le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la mesure
drsquoaide risquait drsquoavoir une incidence concregravete sur la situation de VGG et autres Pour le cas ougrave la premiegravere branche
du premier moyen devait ecirctre accueillie par laquelle les requeacuterantes contestent la constatation de lrsquoexistence drsquoun
rapport de concurrence entre VGG et elles-mecircmes VGG et autres ne pourraient ecirctre qualifieacutees de parties
inteacuteresseacutees que srsquoil a correctement eacuteteacute jugeacute que la mesure en cause risquait drsquoavoir une incidence concregravete sur leur
situation
Srsquoagissant du critegravere deacutegageacute par le Tribunal pour eacutetablir lrsquoexistence drsquoun risque drsquoune incidence concregravete de lrsquoaide
sur la situation de VGG et autres lrsquoAvocat geacuteneacuteral estime qursquoil est manifestement deacutenueacute de pertinence Le
raisonnement du Tribunal qui procegravede drsquoune confusion dans la lecture de la jurisprudence lui semble entacheacute
drsquoune erreur de droit Pour autant il relegraveve qursquoune telle erreur de droit nrsquoa pas affecteacute le reacutesultat de lrsquoappreacuteciation
meneacutee par le Tribunal Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice qursquoune erreur de droit commise par le
Tribunal nrsquoest pas de nature agrave invalider lrsquoarrecirct attaqueacute si le dispositif de celui-ci apparait fondeacute pour drsquoautres
motifs de droit
LrsquoAvocat geacuteneacuteral conclut que il ne saurait ecirctre reprocheacute au Tribunal drsquoavoir commis une erreur de droit en
consideacuterant que la mesure en cause risquait drsquoavoir une incidence concregravete sur la situation de VGG et autres et
en jugeant que ces derniegraveres devaient degraves lors ecirctre qualifieacutees de parties inteacuteresseacutees
Par suite la seconde branche du moyen est inopeacuterante et partant ne saurait ecirctre accueillie
o Sur la premiegravere branche du second moyen
Les requeacuterantes allegraveguent que le Tribunal a admis agrave tort lrsquoexistence de difficulteacutes seacuterieuses pour appreacutecier la
compatibiliteacute de la mesure drsquoaide en cause avec le marcheacute neacutecessitant lrsquoouverture de la proceacutedure formelle
drsquoexamen preacutevue agrave lrsquoarticle 108 paragraphe 2 TFUE
Sur la preacutetendue constatation par le Tribunal drsquoune contradiction dans la deacutecision litigieuse
LrsquoAvocat geacuteneacuteral estime que lrsquoargument selon lequel le Tribunal aurait statueacute ultra petita en se fondant sur
lrsquoexistence drsquoune contradiction dans le raisonnement de la Commission europeacuteenne dans la deacutecision litigieuse qui
nrsquoavait pas eacuteteacute invoqueacutee par VGG et autres ne saurait prospeacuterer Le Tribunal srsquoest reacutefeacutereacute agrave lrsquoexistence drsquoune
contradiction dans la deacutecision litigieuse entre les conclusions de la Commission europeacuteenne relatives agrave la
qualification des requeacuterantes drsquoentreprises et celles relatives agrave la deacutefinition du SIEG en cause Une telle
contradiction nrsquoa pas eacuteteacute invoqueacutee par les parties en premiegravere instance LrsquoAvocat geacuteneacuteral relegraveve que la solution agrave
laquelle est parvenue le Tribunal selon laquelle la qualification de SIEG global ou atypique des activiteacutes des
requeacuterantes peut constituer un indice de lrsquoexistence de difficulteacutes seacuterieuses nrsquoest degraves lors pas fondeacutee drsquoune
contradiction dans la deacutecision de la Commission europeacuteenne Ainsi quand bien mecircme le Tribunal aurait releveacute
au stade de lrsquoexposeacute des arguments des parties un argument qui nrsquoavait pas eacuteteacute invoqueacute par VGG et autres cela
serait sans incidence sur la solution apporteacutee
Sur le raisonnement du Tribunal relatif agrave lrsquoexistence de difficulteacute seacuterieuse quant agrave la deacutefinition du SIEG
Les requeacuterantes estiment que le Tribunal a commis des erreurs de droit en jugeant que la deacutefinition par la
Commission europeacuteenne du SIEG en tant que SIEG atypique eacutetait un indice de difficulteacutes seacuterieuses
LrsquoAvocat geacuteneacuteral note que le Tribunal a conclu agrave lrsquoexistence de difficulteacutes seacuterieuses quant agrave la deacutefinition du SIEG
dans la deacutecision litigieuse en raison du laquo caractegravere insuffisant ou incomplet de lrsquoexamen meneacute par la Commission
europeacuteenne lors de la proceacutedure preacuteliminaire drsquoexamen raquo qui selon la jurisprudence constitue un indice de
difficulteacutes seacuterieuses Il relegraveve que le raisonnement du Tribunal qui a ameneacute agrave cette conclusion est entacheacute de
plusieurs incoheacuterences Le Tribunal a reprocheacute agrave la Commission europeacuteenne de ne pas avoir deacutemontreacute la
neacutecessiteacute des activiteacutes secondaires pour le fonctionnement du SIEG alors mecircme que ce nrsquoest pas imposeacute agrave la
Commission europeacuteenne Le Tribunal ne pouvait sans commettre drsquoerreur de droit se fonder sur cet eacuteleacutement
pour conclure agrave lrsquoincompleacutetude de lrsquoexamen de la Commission europeacuteenne Quant au constat selon lequel la
Commission europeacuteenne nrsquoaurait pas eacutetabli que les activiteacutes secondaires revecirctaient un inteacuterecirct geacuteneacuteral de sorte
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que lrsquoexamen de la Commission europeacuteenne serait eacutegalement incomplet sur ce point lrsquoAvocat geacuteneacuteral estime
qursquoun tel constat souffre drsquoune insuffisance de motivation
Ainsi le raisonnement du Tribunal relatif agrave lrsquoincompleacutetude de lrsquoexamen par la Commission europeacuteenne de la
deacutefinition du SIEG drsquoune part est entacheacute drsquoune erreur de droit et souffre drsquoautre part drsquoune insuffisance de
motivation
Par suite lrsquoAvocat geacuteneacuteral est drsquoavis qursquoil y a lieu drsquoaccueillir la premiegravere branche du second moyen
o Conclusions
Au vu des consideacuterations qui preacutecegravedent jrsquoestime que la seconde branche du premier moyen doit ecirctre
rejeteacutee comme eacutetant inopeacuterante et que la premiegravere branche du second moyen doit ecirctre accueillie sans
que cela preacutejuge du bien-fondeacute des autres branches des moyens du pourvoi
Coopeacuteration judiciaire en matiegravere civile
Conclusions de lrsquoAvocat geacuteneacuteral M Manuel Campos Saacutenchez-Bordona preacutesenteacutees le 2 avril 2020 dans lrsquoaffaire Verein fuumlr KonsumenteninformationVolkswagen AG C-34319
Reacutesumeacute LrsquoAvocat geacuteneacuteral Campos Saacutenchez-Bordona estime que les acqueacutereurs de veacutehicules eacutequipeacutes drsquoun moteur Volkswagen sur lesquels ont eacuteteacute installeacutes un logiciel de manipulation relatif aux gaz drsquoeacutechappements ayant pour conseacutequence la diminution de la valeur desdits veacutehicules peuvent attraire une entreprise devant les juridictions de lrsquoEacutetat dans lequel ces veacutehicules ont eacuteteacute acheteacutes Le Verein fuumlr Konsumenteninformation (ci-apregraves laquo VKI raquo) est une organisation de consommateurs ayant son siegravege en Autriche Son objet statutaire inclut lrsquoexercice drsquoactions en justice pour la deacutefense des droits des consommateurs que ceux-ci lui cegravedent agrave cette fin Le 6 septembre 2018 VKI a intenteacute devant le Landesgericht Klagenfurt (tribunal reacutegional de Klagenfurt Autriche) une action contre Volkswagen AG ayant son siegravege en Allemagne pays dans lequel celle-ci fabrique des veacutehicules automobiles afin drsquoexercer les droits agrave indemnisation lui ayant eacuteteacute ceacutedeacutes par 574 acheteurs de veacutehicules et pour demander la constations de la responsabiliteacute de la socieacuteteacute pour des dommages futurs qui nrsquoont pas encore eacuteteacute quantifieacutes Ces demandes eacutetaient lieacutees agrave lrsquoinstallation dans les veacutehicules acheteacutes drsquoun dispositif qui a masqueacute lors des essais les valeurs reacuteelles drsquoeacutemissions de gaz drsquoeacutechappement en violation des dispositions du droit de lrsquoUnion VKI affirme que les consommateurs avaient acquis en Autriche aupregraves drsquoun concessionnaire professionnel ou drsquoun particulier des veacutehicules eacutequipeacutes drsquoun moteur Volkswagen et ce avant la reacuteveacutelation au public le 18 septembre 2018 de la manipulation sur les gaz drsquoeacutechappements Dans ce contexte la juridiction de renvoi pose la question preacutejudicielle suivante Lrsquoarticle 7 point 2) du regraveglement (UE) no 12152012 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 12 deacutecembre 2012 concernant la compeacutetence judiciaire la reconnaissance et lrsquoexeacutecution des deacutecisions en matiegravere civile et commerciale doit-il ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que dans des circonstances telles que celles de lrsquoaffaire au principal on peut consideacuterer comme ldquolieu ougrave le fait dommageable srsquoest produitrdquo le lieu situeacute agrave lrsquointeacuterieur drsquoun Eacutetat membre ougrave srsquoest produit le preacutejudice si ce preacutejudice consiste exclusivement en une perte financiegravere qui est la conseacutequence directe drsquoagissements susceptibles drsquoengager la responsabiliteacute deacutelictuelle survenus dans un autre Eacutetat membre LrsquoAvocat geacuteneacuteral considegravere que lrsquoarticle 7 point 2) du regraveglement no 12152012 eacutetablissant en faveur du demandeur un critegravere de compeacutetence alternatif au for geacuteneacuteral est difficile drsquointerpreacutetation notamment en matiegravere
Proceacutedure preacutejudicielle ndash Regraveglement (UE) ndeg12152012 ndash Compeacutetence judiciaire en matiegravere de responsabiliteacute deacutelictuelle ou quasi deacutelictuelle ndash Lieu du fait dommageable ndash Manipulation des valeurs drsquoeacutemission de gaz dans les moteurs de veacutehicules automobiles
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deacutelictuelle ou quasi deacutelictuelle De ce fait il en revient agrave la Cour de justice drsquoadapter et drsquoenrichir agrave lrsquooccasion des questions preacutejudicielles lrsquoexeacutegegravese de cette disposition Srsquoil existe plusieurs critegraveres permettant lrsquointerpreacutetation de cette disposition
- Le principe de la preacutevisibiliteacute des regravegles et de la proximiteacute entre les juridictions compeacutetentes et le litige - La preacuteoccupation de maintenir lrsquoutiliteacute de la regravegle speacuteciale dans le cadre de la reacutepartition des
compeacutetences sans pour autant en autoriser une interpreacutetation extensive (Arrecirct du 5 juin 2014 Coty Germany C-36012 point 45)
- La neutraliteacute de cette regravegle par rapport aux parties Lrsquointerpreacutetation est autonome en ce que les deacutefinitions de laquo fait raquo et de laquo dommage raquo sont indeacutependantes des systegravemes nationaux au mecircme titre que le reacutegime de fond applicable agrave la responsabiliteacute civile (arrecirct Coty Germany C-36012 point 43) LrsquoAvocat geacuteneacuteral preacutecise que lrsquoarticle 7 point 2) du regraveglement no 12152012 preacutesuppose un lien eacutetroit entre la juridiction compeacutetente et le litige Lorsque le comportement illicite et ses conseacutequences sont situeacutes dans des Eacutetats membres diffeacuterents le critegravere de la compeacutetence judicaire se deacutedouble en matiegravere deacutelictuelle car ces deux lieux preacutesentent un lien significatif avec le litige Ainsi le demandeur peut choisir entre les deux juridictions lorsqursquoil introduit son action
1 La nature du dommage initial ou conseacutecutif mateacuteriel ou patrimonial Victimes directes ou indirectes Srsquoagissant de la nature du dommage lrsquoAvocat geacuteneacuteral distingue le domaine des faits geacuteneacuterateurs de celui des preacutejudices qursquoils produisent
- La fabrication drsquoun objet avec ou sans vices relegraveve du domaine des faits geacuteneacuterateurs (arrecirct du 6 juillet 2009 Zuid-Chemie C-18908 point 27)
- Les dommages sont les conseacutequences neacutegatives des faits dans la sphegravere des inteacuterecircts juridiques proteacutegeacutes drsquoun demandeur
Ainsi en lrsquoespegravece le fait geacuteneacuterateur consisterait en lrsquoinstallation au cours du processus de fabrication du veacutehicule du logiciel qui modifie les donneacutees relatives aux eacutemissions de gaz de celui-ci LrsquoAvocat geacuteneacuteral est drsquoavis que dommage reacutesultant de ce fait soit de nature initiale et patrimoniale En lrsquoabsence de tout vice lrsquoacquisition drsquoun objet apporte au patrimoine auquel il srsquointegravegre une valeur au moins eacutequivalente agrave la valeur de ce qui en sort dans le cadre drsquoune vente le prix payeacute pour lrsquoobjet Ainsi lorsque la valeur du veacutehicule est infeacuterieure au prix payeacute au moment de lrsquoachat du fait drsquoun vice drsquoorigine le prix payeacute ne correspond pas agrave la valeur reccedilue De fait la diffeacuterence entre le prix payeacute et la valeur du bien geacutenegravere un deacutesavantage patrimonial concomitant agrave lrsquoacquisition du bien et ce mecircme srsquoil nrsquoest deacutecouvert qursquoa posteriori De plus cette perte se fait initiale car elle deacuterive directement du fait geacuteneacuterateur en lrsquoespegravece la manipulation du moteur et non drsquoun dommage anteacuterieur subi par le demandeur qui trouve son origine dans ce mecircme fait Srsquoagissant de la qualiteacute des victimes lrsquoAvocat geacuteneacuteral considegravere que les personnes ayant acheteacutes les voitures sont des victimes directes au sens de lrsquoarticle 7 point 2) du regraveglement no 12152012 puisque la perte qursquoelles allegraveguent nrsquoest pas une conseacutequence drsquoun preacutejudice anteacuterieur subi par drsquoautres personnes avant elles
2 Le lieu ougrave srsquoest produit le fait agrave lrsquoorigine du dommage LrsquoAvocat geacuteneacuteral estime que conformeacutement agrave la regravegle geacuteneacuterale la socieacuteteacute Volkswagen ayant son siegravege en Allemagne serait soumise aux juridictions de cet Eacutetat membre Toutefois la demande trouvant son origine dans un deacutelai ou un quasi-deacutelit la deacutefenderesse peut eacutegalement ecirctre attraite devant les juridictions de lrsquoEacutetat membre du lieu ougrave le dommage srsquoest mateacuterialiseacute
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3 Le lieu ougrave le dommage se mateacuterialise
o La localisation drsquoun preacutejudice purement eacuteconomique dans la jurisprudence de la Cour de justice
LrsquoAvocat geacuteneacuteral rappel que le lieu de mateacuterialisation du dommage est celui ougrave les conseacutequences neacutegatives drsquoun fait se manifestent concregravetement (arrecirct Zuid-Chemie C-18908 point 47) Lrsquoabsence drsquoatteinte physique rend difficile lrsquoidentification drsquoun lieu et geacutenegravere des incertitudes Agrave ce titre lrsquoAvocat geacuteneacuteral rappelle qursquoil avait eacuteteacute suggeacutereacute agrave la Cour de justice drsquoabandonner lrsquooption entre le lieu du fait dommageable et le lieu du dommage pour les hypothegraveses de dommage uniquement patrimonial (Conclusions de lrsquoAvocat geacuteneacuteral Szpunar dans lrsquoaffaire Universal Music International Holding C-1215 point 38) En effet le deacutedoublement du for nrsquoest pas un impeacuteratif dans lrsquoapplication de la disposition en cause et lrsquooption du laquo lieu ougrave se mateacuterialise le dommage raquo ne devrait peut-ecirctre pas srsquoappliquer dans certaines hypothegraveses
- Lorsque la nature du dommage ne permet pas de deacuteterminer ougrave celui-ci srsquoest produit en appliquant un critegravere simple
- Lorsque la localisation devrait ecirctre eacutetablir en recourant agrave des fictions - Lorsque lrsquoexamen tend agrave aboutir agrave un lieu fortuit ou pouvant ecirctre manipuleacute par le demandeur
LrsquoAvocat geacuteneacuteral rappelle que dans lrsquoarrecirct Bessix du 19 feacutevrier 2002 (C-25600 point 49) la Cour de justice avait exclu lrsquoapplication de lrsquoarticle 5 point 1) de la Convention de Bruxelles (devenu lrsquoarticle 7 point 1) du regraveglement no 12152012) agrave lrsquoeacutegard drsquoune obligation qui laquo nrsquoest susceptible ni drsquoecirctre localiseacutee agrave un endroit preacutecis ni drsquoecirctre rattacheacutee agrave une juridiction qui serait particuliegraverement apte agrave connaicirctre du diffeacuterend relatif agrave cette obligation raquo cette solution pouvant srsquoappliquer eacutegalement au point 2) de lrsquoarticle 7 du regraveglement no 12152012 La Cour de justice a eacutegalement eu lrsquooccasion drsquoassocier au dommage une omission ou un fait causeacutes par lrsquoactiviteacute du deacutefendeur qui preacutecegravedent immeacutediatement et logiquement le preacutejudice et dont la capaciteacute agrave ecirctre appreacutecieacutes par les sens est plus grande notamment lorsque le dommage reacutesulte de quelque qui ne se produit pas (arrecircts du 21 deacutecembre 2016 Concurrence C-61815 point 33 du 5 juillet 2018 flyLAL-Lithuanian Airlines C-2717 points 35 et 36 et du 29 juillet 2019 Tibor-Trans C-45118 points 30 32 et 33) LrsquoAvocat geacuteneacuteral considegravere que la preacutesentation du dommage patrimonial par reacutefeacuterence agrave une activiteacute ou agrave un fait apparents aide agrave le rattacher physiquement agrave un territoire ou directement eacutevite drsquoavoir agrave le faire Selon lui il nrsquoy a aucun obstacle agrave ce que cette meacutethode soit geacuteneacuteraliseacutee (point 53) Parallegravelement il est preacuteciseacute que la Cour de justice a admis la mateacuterialisation de la perte patrimoniale en matiegravere drsquoinvestissements en ce que le preacutejudice se produit sur le compte qui enregistre au niveau comptable la perte eacuteconomique Dans cette jurisprudence qui se reacutesume agrave trois arrecircts Kolassa (28 janvier 2015 C-37513) Universal (16 juin 2016 C-1215) et Loumlber (2 septembre 2018 C-30417) le lieu de mateacuterialisation du dommage identifieacute constitue un point de deacutepart qui doit ecirctre corroboreacute par les autres circonstances particuliegraveres du litige dans une appreacuteciation drsquoensemble (arrecirct Loumlber C-30417 points 31 et 36)
o Porteacutee du critegravere des laquo circonstances particuliegraveres raquo LrsquoAvocat geacuteneacuteral rappelle que la Cour de justice a recours aux laquo circonstances particuliegraveres raquo de lrsquoaffaire pour preacuteciser le critegravere de compeacutetence relatif au laquo lieu du dommage raquo Toutefois il preacutecise que ce critegravere ne permet pas agrave la juridiction saisie du litige de comparer le laquo lieu du fait geacuteneacuterateur raquo et le laquo lieu du dommage raquo et de choisir le plus approprieacute des deux La Cour de justice a rappeleacute qursquoil nrsquoeacutetait pas possible drsquoeacutecarter le reacutesultat auquel conduit lrsquoapplication de lrsquoarticle 7 du regraveglement no 12152012 mecircme srsquoil deacutesigne une juridiction deacutepourvue de lien avec le litige Le deacutefendeur peut ecirctre attrait devant la juridiction du lieu deacutesigneacute par cette disposition mecircme si le for ainsi deacutetermineacute nrsquoest pas celui qui preacutesente le lien le plus eacutetroit avec le litige (arrecirct du 29 juin 1994 Custom Made Commercial C-28892 point 17 lu en combinaison avec les points 16 et 21)
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o Preacutecisions sur les laquo autres circonstances particuliegraveres raquo
LrsquoAvocat geacuteneacuteral explique que les laquo autres circonstances particuliegraveres raquo devant coiumlncider au soutien du lieu de manifestation du dommage lorsque celui-ci est purement eacuteconomique deacutependent de chaque litige mais en termes geacuteneacuteraux il preacutecise que ces circonstances peuvent ecirctre deacutecrites comme
- Les eacuteleacutements pertinents pour la bonne administration de la justice et lrsquoorganisation utile du procegraves
- Les facteurs qui ont pu servir agrave former la conviction des parties quant au lieu de lrsquoaction en justice ou quant agrave celui ougrave elles peuvent eacuteventuellement ecirctre attraites du fait de leurs actes (point 67)
Il peut ecirctre supposeacute que ces eacuteleacutements puissent contribuer agrave la preuve du comportement illicite du dommage et de la relation de causaliteacute entre ceux-ci LrsquoAvocat geacuteneacuteral propose agrave la Cour de justice de reacutepondre au Landesgericht Klagenfurt (tribunal reacutegional de Klagenfurt Autriche) de la maniegravere suivante
1 Lrsquoarticle 7 point 2) du regraveglement (UE) no 12152012 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 12 deacutecembre 2012 concernant la compeacutetence judiciaire la reconnaissance et lrsquoexeacutecution des deacutecisions en matiegravere civile et commerciale doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que lorsqursquoun acte illicite commis dans un Eacutetat membre consiste en la manipulation drsquoun produit dont la reacutealiteacute est dissimuleacutee et qui ne se manifeste que posteacuterieurement agrave lrsquoacquisition de ce produit dans un autre Eacutetat membre agrave un prix supeacuterieur agrave sa valeur reacuteelle - Lrsquoacqueacutereur de ce produit qui le conserve dans son patrimoine lorsque le vice est rendu
public constitue une victime directe - Le lieu ougrave le fait geacuteneacuterateur srsquoest produit est le lieu ougrave srsquoest produit le fait qui a deacuteteacuterioreacute le
produit lui-mecircme et - Le dommage se mateacuterialise au lieu situeacute dans un Eacutetat membre ougrave la victime a acquis le
produit aupregraves drsquoun tiers agrave condition que les autres circonstances corroborent lrsquoattribution de compeacutetence aux juridictions de cet Eacutetat Il est impeacuteratif que parmi ces circonstances il y en ait une ou plusieurs ayant permis au deacutefendeur de preacutevoir raisonnablement qursquoune action en responsabiliteacute civile imputable agrave ses actes pourrait ecirctre intenteacutee contre lui par de futurs acqueacutereurs du produit dans ce lieu
2 Lrsquoarticle 7 point 2) du regraveglement no 12152012 doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens qursquoil nrsquoautorise pas la juridiction du lieu ougrave le dommage srsquoest mateacuterialiseacute agrave eacutetablir ou agrave deacutecliner sa compeacutetence sur la base drsquoune mise en balance des autres circonstances de lrsquoespegravece visant agrave deacuteterminer quelle juridiction ndash agrave savoir cette mecircme juridiction ou la juridiction du lieu du fait geacuteneacuterateur ndash est la mieux placeacutee en termes de proximiteacute et de preacutevisibiliteacute pour statuer sur lrsquoaffaire
Environnement
Conclusions de lrsquoAvocate geacuteneacuterale Mme Eleanor Sharpston preacutesenteacutees le 30 avril 2020 dans lrsquoaffaire CLCE ea (Dispositif drsquoinvalidation sur moteur diesel) C-99318
Reacutesumeacute LrsquoAvocate geacuteneacuterale Sharpston est drsquoavis qursquoun dispositif qui influe agrave la hausse lors des tests drsquohomologation des veacutehicules agrave moteur diesel sur le fonctionnement du systegraveme de controcircle des eacutemissions de ces veacutehicules constitue un laquo dispositif drsquoinvalidation raquo
Renvoi preacutejudiciel ndash Rapprochement des leacutegislations ndash Regraveglement (CE) ndeg 7152007 ndash Veacutehicules agrave moteur ndash Eacutemissions de polluants ndash Dispositif drsquoinvalidation ndash Programme agissant sur le calculateur de controcircle moteur ndash Technologies et strateacutegies permettant de limiter la production des eacutemissions de polluants ndash Moteur diesel
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prohibeacute par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne Plus speacutecifiquement lrsquoobjectif de ralentissement du vieillissement ou de lrsquoencrassement du moteur ne justifie pas le recours agrave un tel dispositif La socieacuteteacute X est un constructeur automobile commercialisant des veacutehicules agrave moteur en France Cette derniegravere aurait mis sur le marcheacute des veacutehicules eacutequipeacutes drsquoun logiciel (ci -apregraves le laquo logiciel litigieux raquo) susceptible de fausser les reacutesultats des tests drsquohomologation relatifs aux eacutemissions de gaz polluants tels les oxydes drsquoazote (ci-apregraves laquo NOx raquo) Avant drsquoecirctre mis sur le marcheacute les veacutehicules en cause ont eacuteteacute testeacutes suivant un protocole particulier deacutefini par voie regraveglementaire dans le cadre de la phase drsquohomologation relative aux eacutemissions de gaz polluants afin drsquoeacutetablir que le volume de NOx eacutemis ne deacutepasse pas les limites imposeacutees par le regraveglement ndeg7152007 Ainsi les eacutemissions des veacutehicules mis en cause nrsquoont pas eacuteteacute analyseacutees dans des conditions de conduite reacuteelles Les veacutehicules en cause eacutetaient eacutequipeacutes drsquoune vanne de recirculation des gaz drsquoeacutechappement (ci-apregraves laquo RGE raquo) qui est lrsquoune des technologies utiliseacutees par les constructeurs automobiles afin de controcircler et de reacuteduire les eacutemissions finales de NOx Plus speacutecifiquement il srsquoagit drsquoun systegraveme consistant agrave rediriger une partie des gaz drsquoeacutechappement du moteur vers lrsquoadmission (lrsquoentreacutee drsquoair fourni au moteur) en vue de reacuteduire les eacutemissions finales de NOx En octobre 2015 agrave la suite de publications dans la presse le parquet de Paris (France) a diligenteacute une enquecircte qui a donneacute lieu agrave lrsquoouverture drsquoune information judiciaire en feacutevrier 2016 agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute X En effet la socieacuteteacute aurait trompeacute les acqueacutereurs de veacutehicules eacutequipeacutes de moteur diesel sur les qualiteacutes substantielles de ceux-ci et sur les controcircles effectueacutes avant leur mise sur le marcheacute Lrsquoexpertise technique reacutealiseacutee dans le cadre de la proceacutedure drsquoinformation a conclu agrave lrsquoexistence dans les veacutehicules en cause drsquoun dispositif permettant de deacutetecter les phases des tests drsquohomologation et drsquoadapter en conseacutequence le fonctionnement du systegraveme RGE de faccedilon agrave respecter le plafond regraveglementaire en matiegravere drsquoeacutemissions Agrave lrsquoinverse dans des conditions autres que celles des tests drsquohomologation lorsque les veacutehicules circulent en situation normale ce dispositif entraicircne une deacutesactivation partielle du systegraveme RGE et par conseacutequent une augmentation des eacutemissions de NOx Lrsquoexpert prend soin de preacuteciser que si le fonctionnement du systegraveme RGE en circulation reacuteelle avait eacuteteacute conforme agrave celui qui preacutevalait lors de ces tests drsquohomologation ces veacutehicules auraient produit jusqursquoagrave 50 de NOx en moins Toutefois les opeacuterations de maintenance de ces derniers auraient eacuteteacute plus freacutequentes et plus coucircteuses en raison drsquoun encrassement plus rapide du moteur Le magistrat en charge de lrsquoinstruction srsquoest interrogeacute quant agrave la conformiteacute des veacutehicules viseacutes aux exigences du regraveglement ndeg7152007 et en particulier quant agrave la liceacuteiteacute du dispositif eacutevoqueacute ci-dessus En effet le regraveglement interdit expresseacutement lrsquoutilisation de dispositifs drsquoinvalidation qui reacuteduiraient lrsquoefficaciteacute des systegravemes de controcircle des eacutemissions dans des conditions normales drsquoutilisation Au regard de ces eacuteleacutements la juridiction de renvoi a deacutecideacute de saisir la Cour de justice en vue drsquoobtenir des clarifications notamment quant agrave la deacutefinition et agrave la porteacutee des concepts de laquo systegraveme de controcircle des eacutemissions raquo et de laquo dispositif drsquoinvalidation raquo
- Sur la recevabiliteacute des questions preacutejudicielles LrsquoAvocate geacuteneacuterale explique que dans le cadre de la coopeacuteration de la Cour de justice et des juridictions nationales institueacutee par lrsquoarticle 267 TFUE il appartient au seul juge national saisi du litige et assumant la responsabiliteacute de la deacutecision juridictionnelle agrave intervenir drsquoappreacutecier au regard des particulariteacutes de lrsquoaffaire la neacutecessiteacute drsquoune deacutecision preacutejudicielle et la pertinence des questions qursquoil pose agrave la Cour de justice Ainsi degraves lors que les questions poseacutees portent sur lrsquointerpreacutetation du droit de lrsquoUnion europeacuteenne la Cour de justice est en principe tenue de statuer (arrecirct du 4 deacutecembre 2018 Minister for Justice and Equality et Commissioner of An Garda Siacuteochaacutena C-37817 point 26 et jurisprudence citeacutee) Agrave ce titre les questions portant sur le droit de lrsquoUnion beacuteneacuteficient drsquoune preacutesomption de pertinence et le refus de la Cour de justice de statuer sur une telle question nrsquoest possible que srsquoil apparaicirct de maniegravere manifeste que lrsquointerpreacutetation solliciteacute du droit de lrsquoUnion
- Nrsquoa aucun rapport avec la reacutealiteacute ou lrsquoobjet du litige au principal - Lorsque le problegraveme est de nature hypotheacutetique
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- Lorsque la Cour de justice ne dispose pas des eacuteleacutements de fait et de droit neacutecessaires pour reacutepondre de faccedilon utile aux questions qui lui sont poseacutees (arrecirct Minister for Justice and Equality et Commissioner of An Garda Siacuteochaacutena C-37817 point 27)
En lrsquoespegravece lrsquoAvocate geacuteneacuterale est drsquoavis que la recevabiliteacute des questions preacutejudicielles est eacutetablie
- Sur la premiegravere question preacutejudicielle Selon lrsquoAvocate geacuteneacuterale la notion de laquo dispositif drsquoinvalidation raquo viseacutee agrave lrsquoarticle 3 point 10 du regraveglement ndeg7152007 deacutesigne tout eacuteleacutement de conception laquo qui deacutetecte la tempeacuterature la vitesse du veacutehicule le reacutegime du moteur en toursminute la transmission une deacutepression ou tout autre paramegravetre aux fins drsquoactiver de moduler de retarder ou de deacutesactiver le fonctionnement de toute partie du systegraveme de controcircle des eacutemissions qui reacuteduit lrsquoefficaciteacute du systegraveme de controcircle des eacutemissions dans des conditions dont on peut raisonnablement attendre qursquoelles se produisent lors du fonctionnement et de lrsquoutilisation normaux des veacutehicules raquo Cette deacutefinition confegravere une porteacutee large agrave la notion laquo drsquoeacuteleacutement de conception raquo qui peut ecirctre constitueacute aussi bien de piegraveces meacutecaniques que drsquoun logiciel informatique pilotant lrsquoactivation de telles piegraveces degraves lors qursquoil agit sur le fonctionnement du systegraveme de controcircle des eacutemissions et qursquoil en reacuteduit lrsquoefficaciteacute Agrave ce titre lrsquoAvocate geacuteneacuterale preacutecise qursquoil doit drsquoagit drsquoun eacuteleacutement eacutemanant du constructeur du veacutehicule srsquoagissant drsquoun logiciel embarqueacute peu importe qursquoil soit preacuteinstalleacute avant la vente du veacutehicule ou teacuteleacutechargeacute ulteacuterieurement Ne sont donc pas concerneacutes les eacuteleacutements installeacutes agrave lrsquoinitiative du seul proprieacutetaire ou utilisateur du veacutehicule sans lien avec le constructeur
- Sur la deuxiegraveme question preacutejudicielle LrsquoAvocate geacuteneacuterale explique que les constructeurs peuvent optimiser les performances de leurs veacutehicules sur le plan des eacutemissions polluantes par deux cateacutegories de meacutethodes
- Les strateacutegies dites laquo internes au moteur raquo consistant agrave minimiser la formation de gaz polluants dans le moteur lui-mecircme ndash tel le systegraveme RGE
- Les strateacutegies dites laquo post-traitement raquo consistant agrave traiter les eacutemissions apregraves leur formation LrsquoAvocate geacuteneacuterale preacutecise en outre que la notion de laquo systegraveme de controcircle des eacutemissions raquo nrsquoest pas deacutefinie par le regraveglement ndeg7152007 et que pour en eacuteclairer la porteacutee il convient de se reacutefeacuterer aux critegraveres drsquointerpreacutetation consacreacutes par la Cour de justice ( arrecirct du 7 feacutevrier 2018 American Express C-30416 point 54 et jurisprudence citeacutee)
o Interpreacutetation litteacuterale Sur le plan litteacuteral un laquo systegraveme de controcircle des eacutemissions raquo est un composant drsquoun veacutehicule visant agrave controcircler les eacutemissions de celui-ci Ainsi lrsquoAvocate geacuteneacuterale est drsquoavis que le systegraveme RGE peut srsquoinscrire a priori dans le champ drsquoapplication de cette notion puisque sa finaliteacute est de reacuteduire les eacutemissions finales de NOx Elle preacutecise que cette interpreacutetation de la notion de laquo systegraveme de controcircle des eacutemissions raquo nrsquoest ni trop extensive ni de nature agrave englober nrsquoimporte quel composant drsquoun veacutehicule ayant une incidence quelconque sur le volume des eacutemissions polluantes
o Interpreacutetation contextuelle Lrsquoarticle 4 paragraphe 2 du regraveglement ndeg7152007 impose aux constructeurs une obligation de reacutesultat en ce qursquoils doivent veiller agrave ce que les mesures techniques adopteacutees garantissent une limitation effective des eacutemissions au tuyau arriegravere drsquoeacutechappement deacutefini par lrsquoarticle 3 point 6 du mecircme regraveglement comme des eacutemissions de polluants gazeux et de particules Ces articles ne preacutecisent pas agrave quelle eacutetape du fonctionnement du veacutehicule ces eacutemissions doivent ecirctre moduleacutees ou reacuteduites
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Le regraveglement ndeg7152007 apparait donc comme eacutetant technologiquement neutre puisqursquoil nrsquoimpose pas de solution technologique particuliegravere mais fixe un objectif agrave atteindre quant agrave la limitation des eacutemissions ces derniegraveres eacutetant mesureacutees agrave la sortie du tuyau drsquoeacutechappement
o Interpreacutetation teacuteleacuteologique Agrave la lumiegravere des consideacuterants 1 et 5 du regraveglement ndeg7152007 il en ressort que ce dernier vise agrave garantir un niveau eacuteleveacute de protection de lrsquoenvironnement et que la reacutealisation des objectifs de lrsquoUnion europeacuteenne en termes de qualiteacute de lrsquoair exige des efforts continus de reacuteduction des eacutemissions des veacutehicules Le consideacuterant 6 dudit regraveglement preacutecise qursquoil est laquo neacutecessaire de continuer agrave reacuteduire consideacuterablement les eacutemissions [NOx] des veacutehicules diesels pour ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoair et respecter les valeurs limites en termes de pollution raquo De plus lrsquoarticle 4 du regraveglement ndeg7152007 vise agrave assurer une limitation effective des eacutemissions et ce tout au long de la vie normale des veacutehicules dans des conditions drsquoutilisation normales LrsquoAvocate geacuteneacuterale considegravere qursquoil faut confeacuterer une interpreacutetation eacutetendue au concept de laquo systegraveme de controcircle des eacutemissions raquo car en limiter la porteacutee aux meacutethodes de post-traitement des gaz drsquoeacutechappement en excluant les strateacutegies internes au moteur tel le systegraveme RGE priverait le regraveglement ndeg7152007 drsquoune partie de son effet utile
- Sur la troisiegraveme question preacutejudicielle LrsquoAvocate geacuteneacuterale rappelle qursquoun laquo dispositif drsquoinvalidation raquo est un eacuteleacutement de conception qui deacutetecte divers paramegravetres en vue drsquoactiver de moduler de retarder ou de deacutesactiver le fonctionnement de toute partie drsquoun systegraveme de controcircle des eacutemissions et qui reacuteduit lrsquoefficaciteacute de celui-ci dans des conditions dont on peut raisonnablement attendre qursquoelle se produisent lors du fonctionnement normal et de lrsquoutilisation normale drsquoun veacutehicule Sur le plan factuel lrsquoAvocate geacuteneacuterale preacutecise que le systegraveme RGE fonctionne suivant deux modes commandeacutes par le logiciel litigieux Lorsqursquoun cycle caracteacuteristique du test drsquohomologation est deacutetecteacute le systegraveme passe en mode 1 et lorsqursquoil deacutetecte lrsquoabsence des conditions caracteacuteristiques du test le systegraveme opte pour le mode 0 Ainsi il semble manifeste que le dispositif en cause laquo module raquo le fonctionnement drsquoune partie du systegraveme de controcircle des eacutemissions car il fait varier le niveau drsquoeacutemissions en fonction de la deacutetection de divers paramegravetre preacutedeacutefinis en passant drsquoun mode agrave lrsquoautre Sur le plan juridique la deacutesactivation partielle ou complegravete drsquoun systegraveme de controcircle des eacutemissions programmeacutee pour se produite systeacutematiquement en dehors de ce parcours theacuteorique conduit obligatoirement agrave minorer lrsquoefficaciteacute de ce systegraveme dans des consistions drsquoutilisations normales Cette deacutesactivation artificielle abouti agrave une violation de lrsquoarticle 5 paragraphe 2 du regraveglement ndeg7152007 Sur le plan contextuel lrsquoarticle 4 paragraphe 2 du regraveglement ndeg7152007 consacre lrsquoobligation de garantir une limitation effective des eacutemissions au tuyau arriegravere drsquoeacutechappement tout au long de la vie normale des veacutehicules et ce dans des conditions drsquoutilisation normales LrsquoAvocate geacuteneacuterale est drsquoavis que la modulation agrave la hausse du fonctionnement du systegraveme de controcircle des eacutemissions puisse se produire ponctuellement agrave lrsquooccasion de lrsquoutilisation normale du veacutehicule est sans incidence En pratique les chances qursquoune telle coiumlncidence se produise est infiniteacutesimales Le respect par le veacutehicule des limites fixeacutees par le regraveglement en cause doit donc ecirctre la regravegle lors de son utilisation normale et non une exception lieacutee agrave la reacuteunion accidentelle de conditions analogues agrave celles des tests drsquohomologation
- Sur la quatriegraveme question preacutejudicielle Selon lrsquoAvocate geacuteneacuterale il srsquoagit drsquoanalyser lrsquoexception viseacutee de lrsquoarticle 5 paragraphe 2 sous a) du regraveglement ndeg7152007 qui permet de justifier la preacutesence drsquoun dispositif drsquoinvalidation lorsque celui-ci est neacutecessaire afin de proteacuteger le moteur contre des deacutegacircts ou des accidents et afin de garantir le fonctionnement en toute seacutecuriteacute du veacutehicule LrsquoAvocate preacutecise que les exceptions sont drsquointerpreacutetation stricte afin que les regravegles geacuteneacuterales ne soient pas videacutees de leur substance (arrecirct du 22 avril 2010 CommissionRoyaume-Uni C-34608 point 39 et
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jurisprudence citeacutee) Ainsi lrsquointerpreacutetation des exceptions ne peut aller au-delagrave des hypothegraveses envisageacutees de maniegravere explicite par la disposition en cause (arrecirct du 16 mai 2013 Melzer C-22811 point 24 arrecirct du 5 mars 2015 Copydan Baringndkopi C-46312 point 87 et jurisprudence citeacutee) Il importe donc de proceacuteder agrave lrsquointerpreacutetation des termes laquo accident raquo et laquo deacutegacircts raquo Sur le plan litteacuteral le terme laquo accident raquo vise un eacutevegravenement impreacutevu et soudain qui entraicircne des deacutegacircts ou des dangers comme des blessures ou la mort Le terme laquo deacutegacirct raquo deacutesigne un dommage reacutesultant geacuteneacuteralement drsquoune cause violente ou soudaine Or lrsquoAvocate geacuteneacuterale preacutecise que lorsque le libelleacute drsquoune disposition du droit de lrsquoUnion europeacuteenne est clair et preacutecise il convient de srsquoen tenir agrave celui-ci (arrecirct du 8 deacutecembre 2005 BCEAllemagne C-22003 point 31) Ainsi un dispositif drsquoinvalidation ne peut donc se justifier en vertu de lrsquoarticle 5 paragraphe 2 sous a) du regraveglement ndeg7152007 que srsquoil se reacutevegravele neacutecessaire en vue de proteacuteger le moteur contre la survenue de dommages soudains Sur le plan teacuteleacuteologique lrsquoAvocat geacuteneacuterale est drsquoavis qursquoil incombe aux constructeurs de veacutehicules de veiller agrave ce ces derniers observent les limites fixeacutees par la leacutegislation en matiegravere drsquoeacutemissions tout au long de leur fonctionnement normal et agrave ce que ces veacutehicules fonctionnent de faccedilon sure tout en respectant ces limites Si lrsquoon ne peut exclure que le fonctionnement drsquoun systegraveme de controcircle des eacutemissions puisse affecter neacutegativement (agrave long terme) la longeacuteviteacute ou la fiabiliteacute du moteur cette circonstance ne justifie en rien que lrsquoon deacutesactive ledit systegraveme au cours du fonctionnement normal du veacutehicule dans des conditions drsquoutilisation normales dans le seul but de preacutemunir le moteur contre son vieillissement ou son encrassement progressif Ainsi selon lrsquoAvocate geacuteneacuterale seuls les risques immeacutediats de deacutegacircts qui affectent la fiabiliteacute du moteur et qui geacutenegraverent un danger concret lors de la conduite du veacutehicule sont de nature agrave justifier le preacutesence drsquoun dispositif drsquoinvalidation Il en revient donc au juge de renvoi drsquoeacutetablir si le dispositif en cause au principal srsquoinscrit dans le peacuterimegravetre de lrsquoexception analyseacutee ci-dessus (arrecirct du 8 mai 2019 Dodič C-19418 point 45) Toutefois lrsquoAvocate geacuteneacuterale relegraveve que selon le rapport drsquoexpertise le systegraveme RGE laquo nrsquoest pas destructeur pour le moteur raquo Ce systegraveme est neacuteanmoins susceptible de deacutegrafer les performances du moteur agrave lrsquousage et drsquoacceacuteleacuterer son encrassement ce qui peut rendre les opeacuterations de maintenance laquo plus freacutequentes et plus coucircteuses raquo Agrave la lumiegravere de ce constat il me semble que le dispositif drsquoinvalidation mis en cause nrsquoest pas neacutecessairement aux fins de proteacuteger le moteur contre des accidents ou des deacutegacircts et afin drsquoassurer le fonctionnement du veacutehicule en toute seacutecuriteacute LrsquoAvocate geacuteneacuterale propose agrave la Cour de justice de reacutepondre au vice-preacutesident chargeacute de lrsquoinstruction du Tribunal de Grande Instance de Paris (France) de la maniegravere suivante laquo 1) Premiegravere question preacutejudicielle Lrsquoarticle 3 point 10 du regraveglement (CE) ndeg 7152007 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif agrave la reacuteception des veacutehicules agrave moteur au regard des eacutemissions des veacutehicules particuliers et utilitaires leacutegers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la reacuteparation et lrsquoentretien des veacutehicules doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens qursquoun programme inteacutegreacute dans le calculateur de controcircle moteur ou plus geacuteneacuteralement agissant sur celui-ci peut ecirctre consideacutereacute comme un eacuteleacutement de conception au sens de cette disposition degraves lors qursquoil fait partie inteacutegrante dudit calculateur 2) Deuxiegraveme question preacutejudicielle Lrsquoarticle 3 point 10 du regraveglement ndeg 7152007 doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que le concept de laquo systegraveme de controcircle des eacutemissions raquo inclut tant les technologies strateacutegies et piegraveces meacutecaniques ou informatiques qui permettent de reacuteduire les eacutemissions (en ce compris drsquooxydes drsquoazote) en amont agrave lrsquoinstar drsquoun systegraveme de recirculation des gaz drsquoeacutechappement que celles qui permettent de les traiter et de les reacuteduire en aval apregraves leur formation 3) Troisiegraveme question preacutejudicielle
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Lrsquoarticle 3 point 10 du regraveglement ndeg 7152007 doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens qursquoun dispositif qui deacutetecte tout paramegravetre lieacute au deacuteroulement des proceacutedures drsquohomologation preacutevues par ce mecircme regraveglement aux fins drsquoactiver ou de moduler agrave la hausse au cours de ces proceacutedures le fonctionnement de toute partie du systegraveme de controcircle des eacutemissions et ainsi drsquoobtenir lrsquohomologation du veacutehicule constitue un laquo dispositif drsquoinvalidation raquo au sens de cette disposition mecircme si la modulation agrave la hausse du fonctionnement de ce systegraveme de controcircle des eacutemissions peut aussi se produire de faccedilon ponctuelle lorsque les conditions exactes qui la deacuteclenchent se preacutesentent par hasard dans des conditions drsquoutilisation normales du veacutehicule 4) Quatriegraveme question preacutejudicielle Lrsquoarticle 5 paragraphe 2 sous a) du regraveglement ndeg 7152007 doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que lrsquoobjectif de ralentissement du vieillissement ou de lrsquoencrassement du moteur ne justifie pas le recours agrave un dispositif drsquoinvalidation au sens de cette disposition raquo
Liberteacute drsquoeacutetablissement
Conclusions de lrsquoAvocat geacuteneacuteral M Bobek preacutesenteacutees le 2 avril 2020 dans les affaires jointes Cali Apartments SCI Procureur geacuteneacuteral pregraves de la cour drsquoappel de Paris Ville de Paris et HX Procureur geacuteneacuteral pregraves de la cour drsquoappel de Paris Ville de Paris C-72418 et C-72718
Reacutesumeacute LrsquoAvocat geacuteneacuteral srsquoest prononceacute sur des questions preacutejudicielles poseacutees par la Cour de cassation dans un litige opposant des
proprieacutetaires de studio agrave Paris agrave la ville de Paris Il propose agrave la Cour de justice de juger que la directive 2006123 srsquoapplique agrave
des dispositions nationales et municipales encadrant lrsquoaccegraves agrave un service qui consiste agrave louer de maniegravere reacutepeacuteteacutee et pour de courtes dureacutees
un local agrave usage drsquohabitation agrave une clientegravele de passage Lrsquoobjectif tenant agrave la lutte contre la peacutenurie de logements peut constituer une
raison impeacuterieuse drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qui justifierait le fait que la mesure nationale exige lrsquoobtention drsquoune autorisation Une telle mesure
nationale est autoriseacutee par la directive 2006123 si elle reacutepond aux conditions de proportionnaliteacute et de non-discrimination
Chacun des requeacuterants est proprieacutetaire drsquoun studio situeacute agrave Paris Ils ont fait lrsquoobjet drsquoune enquecircte afin de
deacuteterminer srsquoils offraient leurs studios agrave la location de courte dureacutee en tant que biens meubleacutes sur la plateforme
Airbnb sans autorisation Selon la leacutegislation nationale lrsquoapprobation du changement drsquousage drsquoun bien constitue
la condition essentielle de lrsquoaccegraves agrave la location meubleacutee de courte dureacutee Agrave la suite de cette enquecircte les requeacuterants
ont eacuteteacute condamneacutes par le tribunal de grande instance de Paris au paiement drsquoune amende et agrave retourner les biens
agrave leur usage drsquohabitation La cour drsquoappel de Paris a confirmeacute par deux arrecircts des 19 mai et 15 juin 2017 que les
studios avaient fait lrsquoobjet de locations de courte dureacutee agrave une clientegravele de passage sans autorisation preacutealable du
maire de Paris ce qui est contraire agrave la leacutegislation nationale Les requeacuterants ont agrave nouveau eacuteteacute condamneacutes Ils ont
formeacute un pourvoi en cassation devant la Cour de cassation Les requeacuterants allegraveguent que les arrecircts rendus par la
cour drsquoappel violent le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion
La juridiction de renvoi pose agrave la Cour de justice les questions preacutejudicielles suivantes
laquo 1) La directive 2006123CE du 12 deacutecembre 2006 eu eacutegard agrave la deacutefinition de son objet et de son champ drsquoapplication par ses articles 1 et 2 srsquoapplique-t-elle agrave la location agrave titre oneacutereux mecircme agrave titre non professionnel de maniegravere reacutepeacuteteacutee et pour de courtes dureacutees drsquoun local meubleacute agrave usage drsquohabitation
Renvoi preacutejudiciel ndash Liberteacute drsquoeacutetablissement ndash Directive 2006123CE ndash Champ drsquoapplication ndash Location de biens meubleacutes de maniegravere reacutepeacuteteacutee pour de courtes dureacutees agrave une clientegravele de passage qui nrsquoy eacutelit pas domicile ndash Reacuteglementation nationale et reacuteglementation municipale soumettant une telle location agrave une autorisation preacutealable et agrave compensation ndash Justification ndash Objectif visant agrave garantir une offre suffisante de logements agrave des prix abordables et destineacutes agrave la location de longue dureacuteemdash Proportionnaliteacute
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ne constituant pas la reacutesidence principale du loueur agrave une clientegravele de passage nrsquoy eacutelisant pas domicile
notamment au regard des notions de prestataires et de services
2) En cas de reacuteponse positive agrave la question preacuteceacutedente une reacuteglementation nationale telle que celle
preacutevue par lrsquoarticle L 631‑7 du code de la construction et de lrsquohabitation constitue-t-elle un reacutegime drsquoautorisation de lrsquoactiviteacute susviseacutee au sens des articles 9 agrave 13 de la directive 2006123 ou seulement une
exigence soumise aux dispositions des articles 14 et 15
Dans lrsquohypothegravese ougrave les articles 9 agrave 13 de la directive 2006123CE du 12 deacutecembre 2006 sont applicables
3) Lrsquoarticle 9 sous b) de cette directive doit-il ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que lrsquoobjectif tenant agrave la lutte contre la peacutenurie de logements destineacutes agrave la location constitue une raison impeacuterieuse drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral permettant de justifier une mesure nationale soumettant agrave autorisation dans certaines zones geacuteographiques la location drsquoun local meubleacute destineacute agrave lrsquohabitation de maniegravere reacutepeacuteteacutee pour de courtes
dureacutees agrave une clientegravele de passage qui nrsquoy eacutelit pas domicile
4) Dans lrsquoaffirmative une telle mesure est-elle proportionneacutee agrave lrsquoobjectif poursuivi
5) Lrsquoarticle 10 paragraphe 2 sous d) et e) de la directive srsquooppose‑t-il agrave une mesure nationale qui subordonne agrave autorisation le fait de louer un local meubleacute destineacute agrave lrsquohabitation ldquode maniegravere reacutepeacuteteacuteerdquo ldquopour de courtes dureacuteesrdquo agrave une ldquoclientegravele de passage qui nrsquoy eacutelit pas domicilerdquo
6) Lrsquoarticle 10 paragraphe 2 sous d) agrave g) de la directive srsquooppose‑t‑il agrave un reacutegime drsquoautorisation preacutevoyant que les conditions de deacutelivrance de lrsquoautorisation sont fixeacutees par une deacutelibeacuteration du conseil municipal au regard des objectifs de mixiteacute sociale en fonction notamment des caracteacuteristiques des marcheacutes de locaux drsquohabitation et de la neacutecessiteacute de ne pas aggraver la peacutenurie de logements raquo
LrsquoAvocat geacuteneacuteral preacutecise agrave titre liminaire que lrsquoanalyse doit ecirctre effectueacutee au regard de la reacuteglementation nationale
et de la reacuteglementation municipale de la ville de Paris lues en combinaison
o Lrsquoapplicabiliteacute de la directive 2006123
La question est de savoir si la directive 2016123 srsquoapplique agrave la location agrave titre oneacutereux de maniegravere reacutepeacuteteacutee et
pour de courtes dureacutees drsquoun local meubleacute et agrave usage drsquohabitation ne constituant pas la reacutesidence principale du
loueur agrave une clientegravele de passage nrsquoy eacutelisant pas domicile Les gouvernements allemand et irlandais sont drsquoavis
que la directive nrsquoest pas applicable
Selon lrsquoAvocat geacuteneacuteral lrsquooffre de services de location de courte dureacutee contre reacutemuneacuteration est une prestation de
nature clairement eacuteconomique Lrsquoobtention drsquoun changement drsquousage de locaux drsquohabitation est tout simplement
une exigence qui affecte lrsquoaccegraves agrave la fourniture de ce service particulier Le premier argument des gouvernements
allemand et irlandais est que les activiteacutes en cause sont exclues du champ drsquoapplication de la directive par lrsquoarticle
2 paragraphes 2 et 3 de la directive preacuteciteacutee Pour lrsquoAvocat geacuteneacuteral cette disposition qui exclut les services
sociaux relatifs au logement social et les services drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non-eacuteconomiques nrsquoest manifestement pas
applicable
Lrsquoautre argument avanceacute par les gouvernements allemande et irlandais se reacutefegravere au consideacuterant 9 de la directive
LrsquoAvocat geacuteneacuteral estime que cet argument nrsquoest pas convaincant Il rappelle tout drsquoabord que le consideacuterant 9
nrsquoest qursquoun consideacuterant et qursquoil ne saurait lui seul et sans disposition correspondante dans le corps de la directive
creacuteer une nouvelle exemption par cateacutegorie qui nrsquoest refleacuteteacutee nulle part ailleurs Il estime que le consideacuterant 9
porte sur un autre objet que celui lieacute agrave lrsquoajout drsquoune exoneacuteration au champ drsquoapplication de la directive dans un
certain domaine Le consideacuterant 9 reacuteaffirme que la directive ne doit pas avoir drsquoincidence sur des regravegles
drsquoapplication geacuteneacuterale qui ne reacutegissent pas speacutecifiquement les services et qui srsquoappliquent agrave tout le monde tant
aux particuliers qursquoaux prestataires de services Le consideacuterant nrsquoa jamais eacuteteacute conccedilu comme visant agrave exclure un
(ou des) domaine(s) speacutecifique(s) du champ drsquoapplication de la directive Ainsi les regravegles reacutegissant lrsquoaccegraves agrave un
service relegravevent du champ drsquoapplication de la directive tandis que les regravegles drsquoapplication geacuteneacuterale ne faisant
aucune distinction entre les prestataires et les autres personnes nrsquoen relegravevent pas Finalement lrsquoAvocat geacuteneacuteral
rappelle que la distinction entre les regravegles relatives agrave la proprieacuteteacute des biens sur laquelle est fondeacute le consideacuterant 9
selon qursquoelles reacuteglementent ou affectent speacutecifiquement lrsquoaccegraves agrave une activiteacute de service ou son exercice a deacutejagrave eacuteteacute
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abordeacutee par la Cour de justice dans lrsquoarrecirct Visser (CJUE 30 janvier 2018 C‑36015 et C‑3116) LrsquoAvocat geacuteneacuteral
constate qursquoil ressort clairement de lrsquoarrecirct Visser que les regravegles relatives agrave lrsquoutilisation drsquoun bien foncier relegravevent
du champ drsquoapplication de la directive 2016123 dans la mesure ougrave elles ont trait agrave des activiteacutes eacuteconomiques et
qursquoelles ont ainsi une incidence sur lrsquoaccegraves au marcheacute des services ou sur lrsquoexercice drsquoune activiteacute de service
Par suite lrsquoAvocat geacuteneacuteral estime que toute reacuteglementation nationale du type de celle en cause relegraveve clairement
du champ drsquoapplication de la directive 2006123
o Les dispositions pertinentes de la directive 2006123
Reacutegime drsquoautorisation ou exigence
La question est de savoir laquelle de la section 1 du chapitre 3 de la directive qui porte sur les reacutegimes
drsquoautorisations et les conditions pertinentes ou de la section 2 sur les exigences interdites ou celles soumises agrave
eacutevaluation est applicable dans lrsquoaffaire au principal
LrsquoAvocat geacuteneacuteral rappelle que les reacutegimes drsquoautorisation et les exigences imposeacutes par les Etats membres eacutetant
supposeacutes retreindre lrsquoaccegraves agrave une activiteacute de service ou son exercice sont en principe interdits par la directive
2006123 LrsquoAvocat geacuteneacuteral note que la reacuteglementation en cause constitue un reacutegime drsquoautorisation et non pas
une exigence En lrsquoespegravece les proprieacutetaires de biens qui souhaiteraient louer leurs locaux meubleacutes pour de courtes
dureacutees doivent se conformer agrave une proceacutedure administrative visant agrave obtenir du maire sous reacuteserve du respect
de certaines conditions une autorisation administrative formelle
Par suite lrsquoAvocat geacuteneacuteral conclut qursquoil y a lieu drsquoexaminer les preacutesentes affaires sous lrsquoangle de la section 1 du
chapitre 3 de la directive et en particulier des articles 9 et 10
Les articles 9 et 10 en tant que cadre drsquoanalyse
LrsquoAvocat geacuteneacuteral est ameneacute agrave se prononcer sur la porteacutee des articles 9 et 10 ainsi que sur le rapport entre eux Il
suggegravere que lrsquoarticle 9 porte sur la question de savoir srsquoil peut en reacutealiteacute y avoir un reacutegime drsquoautorisation pour un
type de service Lrsquoarticle 10 vise un stade suppleacutementaire Une fois que le critegravere de lrsquoarticle 9 est satisfait et que
la neacutecessiteacute drsquoun reacutegime drsquoautorisation a eacuteteacute eacutetablie lrsquoarticle 10 se focalise sur les critegraveres speacutecifiques qursquoun reacutegime
drsquoautorisation concret doit respecter Lrsquoarticle 10 indique clairement qursquoun reacutegime drsquoautorisation devrait ecirctre
conccedilu de maniegravere agrave remplir lrsquoensemble des sept critegraveres eacutenonceacutes dans son paragraphe 2 LrsquoAvocat geacuteneacuteral relegraveve
eacutegalement que la question de lrsquoorigine de la reacuteglementation (nationale reacutegionale ou locale) est sans importance
LrsquoAvocat geacuteneacuteral conclut que la question de la neacutecessiteacute mecircme drsquoun reacutegime drsquoautorisation doit ecirctre examineacutee au
regard des trois conditions eacutenumeacutereacutees agrave lrsquoarticle 9 paragraphe 1 Toutefois les conditions speacutecifiques dans
lesquelles une telle autorisation sera deacutelivreacutee dont notamment la compensation telle que conccedilue par la ville de
Paris doivent ecirctre appreacutecieacutees au regard des critegraveres eacutenonceacutes agrave lrsquoarticle 10 paragraphe 2
o La compatibiliteacute du reacutegime drsquoautorisation avec la directive 2006123
LrsquoAvocat geacuteneacuteral examine dans cette partie des conclusions les raisons impeacuterieuses drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qui ont eacuteteacute
avanceacutees pour justifier le reacutegime drsquoautorisation la question essentielle de la proportionnaliteacute et les autres
conditions auxquelles doivent reacutepondre les reacutegimes drsquoautorisation au titre de lrsquoarticle 10 paragraphe 2 de la
directive 2006123
LrsquoAvocat geacuteneacuteral rappelle agrave titre liminaire que lrsquoarticle 16 (liberteacute drsquoentreprise) et lrsquoarticle 17 (droit de proprieacuteteacute)
de la Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne sont particuliegraverement pertinents dans ce contexte
Il insiste sur le fait que ni la liberteacute drsquoentreprise ni le droit de proprieacuteteacute nrsquoont de caractegravere absolu Ils peuvent tous
les deux ecirctre limiteacutes
Raison impeacuterieuse drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
Les requeacuterants allegraveguent qursquoil nrsquoexiste pas de raison impeacuterieuse drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral susceptible de justifier les
dispositions litigieuses La ville de Paris et le gouvernement franccedilais estiment que les dispositions litigieuses ont
principalement pour objectif de lutter contre la peacutenurie de logements (et agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation des prix)
dans certains lieux lesquels sont dus au moins en partie au fait que les proprieacutetaires ont tendance agrave preacutefeacuterer
louer leurs locaux drsquohabitation pour des courtes dureacutees plutocirct que des longues dureacutees
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LrsquoAvocat geacuteneacuteral reconnait que la lutte contre une peacutenurie structurelle de logements drsquoune part et la protection
de lrsquoenvironnement urbain drsquoautre part peuvent effectivement ecirctre avanceacutees pour justifier ensemble ou
seacutepareacutement tant lrsquoinstauration du reacutegime drsquoautorisation au titre de lrsquoarticle 9 paragraphe 1 sous b) que sa forme
concregravete et les conditions qursquoil contient au titre de lrsquoarticle 10 paragraphe 2 sous b) Lrsquoarticle 4 point 8 de la
directive 2006123 reconnait explicitement la protection de lrsquoenvironnement urbain et les objectifs de politique
sociale comme des raisons impeacuterieuses drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Par suite lutter contre une peacutenurie de logement et
chercher agrave garantir la disponibiliteacute de logements suffisants et abordables ainsi que la protection de
lrsquoenvironnement urbain constituent des justifications valables pour lrsquoeacutetablissement drsquoautorisation en geacuteneacuteral
fondeacutees sur une politique sociale et les critegraveres preacutevus par un reacutegime drsquoautorisation
La proportionnaliteacute
Les requeacuterants allegraveguent que le reacutegime drsquoautorisation en cause nrsquoest pas apte agrave reacutealiser lrsquoobjectif visant agrave lutter
contre la peacutenurie de logements dans la mesure ougrave il ne dissuade pas neacutecessairement les proprieacutetaires drsquooffrir leurs
biens en tant que locations meubleacutees de courte dureacutee
- La proportionnaliteacute de la neacutecessiteacute drsquoobtenir une autorisation au titre de lrsquoarticle 9 paragraphe 1 sous c)
LrsquoAvocat geacuteneacuteral rappelle qursquoun reacutegime drsquoautorisation est geacuteneacuteralement proportionnel lorsque des controcircles a
posteriori ne suffisent pas pour atteindre lrsquoobjectif poursuivi Pour ecirctre proportionnel la deacutetermination de la
neacutecessiteacute drsquoun reacutegime drsquoautorisation devrait ecirctre fondeacutee sur des donneacutees scientifiques concernant le marcheacute du
logement dans les communes ougrave il est envisageacute drsquoinstaurer un tel reacutegime LrsquoAvocat geacuteneacuteral partage le point de
vue de la Commission europeacuteenne selon lequel les reacutegimes nationaux devraient ecirctre fondeacutes sur des eacuteleacutements
speacutecifiques lieacutes agrave la situation du marcheacute du logement Il rappelle eacutegalement que les reacutegimes drsquoautorisation doivent
ecirctre eacutequitables et ouverts agrave tous en termes drsquoaccegraves au marcheacute du logement destineacute agrave la location de courte dureacutee
En lrsquoespegravece si le but est de reacuteglementer ou drsquoempecirccher la sortie du marcheacute les autorisations de sortie ex ante sont
ineacutevitables Lrsquoexistence drsquoun problegraveme est indeacuteniable La France a conccedilu une solution agrave ce problegraveme qui en ce
qui concerne la neacutecessiteacute de soumettre les proprieacutetaires de biens agrave un reacutegime drsquoautorisation a incorporeacute la
proportionnaliteacute dans sa conception Finalement le reacutegime drsquoautorisation est applicable agrave toute personne qui
souhaite offrir une location de courte dureacutee agrave Paris
Bien que drsquoautres solutions pourraient ecirctre envisageacutees lrsquoAvocat geacuteneacuteral est drsquoavis que ces solutions ne pourraient
pas ecirctre plus efficaces qursquoun simple reacutegime drsquoautorisation ex ante
Par suite dans le contexte speacutecifique de la preacutesente affaire lrsquoAvocat geacuteneacuteral ne voit rien qui rendrait un reacutegime
drsquoautorisation disproportionneacute en lui-mecircme
- Proportionnaliteacute de lrsquoobligation de compensation au titre de lrsquoarticle 10 paragraphe 2
LrsquoAvocat geacuteneacuteral estime qursquoil est difficile drsquoappreacutecier concregravetement la proportionnaliteacute du reacutegime drsquoautorisation
speacutecifique en cause et notamment des critegraveres et des conditions sur lesquels repose ce reacutegime au titre de lrsquoarticle
10 paragraphe 2 de la directive 2006123 Il relegraveve que la juridiction de renvoi se focalise sur les dispositions
nationales laissant de cocircteacute le niveau municipal et que la Cour de justice dispose de peu drsquoinformations sur le
fonctionnement des regravegles speacutecifiques de la vielle de Paris Elle est donc mal eacutequipeacutee pour deacuteterminer si les
critegraveres preacutevus agrave lrsquoarticle 10 paragraphe 2 de la directive 2006123 sont remplis Il appartient degraves lors agrave titre
principal agrave la juridiction de renvoi drsquoappreacutecier compte tenu de la reacutepartition des tacircches entre la Cour de justice
et les juridictions nationales la compatibiliteacute des conditions drsquoautorisation preacutevues par le droit national avec
lrsquoarticle 10 preacuteciteacute La Cour de justice peut fournir des indications geacuteneacuterales avec les informations dont elle
dispose
LrsquoAvocat geacuteneacuteral insiste sur lrsquoobligation de compensation qui ressort de la reacuteglementation municipale de la ville
de Paris Lagrave encore il note qursquoil appartiendra agrave la juridiction de renvoi drsquoappreacutecier la compatibiliteacute de cette
obligation avec la directive 2006123 de la maniegravere dont elle a eacuteteacute concregravetement eacutedicteacutee par la ville de Paris Cette
obligation implique qursquoune personne qui cherche agrave louer son appartement meubleacute pour une courte dureacutee doit
acheter des locaux commerciaux drsquoune surface identique agrave celle de lrsquoappartement et les transformer en locaux
destineacutes agrave lrsquohabitation LrsquoAvocat geacuteneacuteral srsquointerroge sur lrsquoefficaciteacute de cette compensation et srsquoil semblerait qursquoelle
soit tregraves efficace il remarque qursquoelle est peut-ecirctre si efficace qursquoelle commence agrave aneacuteantir totalement lrsquoobjectif de
la demande drsquoautorisation elle-mecircme Quant agrave la proportionnaliteacute de la mesure elle semble proportionneacutee pour
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les proprieacutetaires de plusieurs immeubles ou pour un promoteur immobilier mais pourrait ecirctre disproportionneacutee
pour un bailleur non-professionnel
Bien que ce soit agrave la juridiction de renvoi drsquoexaminer lrsquoensemble de ces eacuteleacutements lrsquoAvocat geacuteneacuteral relegraveve que srsquoil
est admis que le niveau local peut adopter des regravegles et preacuteciser les conditions drsquoun reacutegime drsquoautorisation la
proportionnaliteacute de ces regravegles deacutependra probablement de la prise en compte des circonstances et speacutecificiteacutes
locales
Le respect drsquoautres critegraveres viseacutes agrave lrsquoarticle 10 paragraphe 2 de la directive 2006123
La juridiction de renvoi demande en substance si les dispositions nationales relatives aux reacutegimes drsquoautorisations
sont conformes aux obligations speacutecifiques de lrsquoarticle 10 paragraphe 2 de la directive 2006123 Les requeacuterants
allegraveguent que les termes employeacutes par la reacuteglementation en cause sont trop impreacutecis et que les conditions
drsquoobtention de lrsquoautorisation ne seraient pas suffisamment claires
LrsquoAvocat geacuteneacuteral estime que la reacuteglementation nationale contient des notions quelque peu vagues mais tout agrave fait
compreacutehensibles compte tenu que les conseils municipaux ont une certaine marge de manœuvre pour preacuteciser
davantage le sens de ces notions
LrsquoAvocat geacuteneacuteral propose agrave la Cour de justice de reacutepondre aux questions poseacutees par la Cour de cassation
(France) de la maniegravere suivante
ndash la directive 2006123CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 12 deacutecembre 2006 relative aux
services dans le marcheacute inteacuterieur est applicable agrave des dispositions nationales et municipales encadrant
lrsquoaccegraves agrave un service qui consiste agrave louer en contrepartie du paiement drsquoun prix mecircme agrave titre non
professionnel de maniegravere reacutepeacuteteacutee et pour de courtes dureacutees un local agrave usage drsquohabitation agrave une clientegravele
de passage nrsquoy eacutelisant pas domicile
ndash si ces dispositions nationales et municipales deacutefinissent une proceacutedure visant agrave obtenir une
deacutecision autorisant lrsquoaccegraves agrave la fourniture de tels services elles constituent un reacutegime drsquoautorisation au
sens des articles 9 agrave 13 de la directive 2006123
ndash lrsquoarticle 9 paragraphe 1 sous b) de la directive 2006123 doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que
lrsquoobjectif tenant agrave la lutte contre la peacutenurie de logements destineacutes agrave la location de longue dureacutee constitue
une raison impeacuterieuse drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral permettant de justifier une mesure nationale soumettant agrave
autorisation dans certaines zones geacuteographiques la location de maniegravere reacutepeacuteteacutee drsquoun local destineacute agrave
lrsquohabitation pour de courtes dureacutees agrave une clientegravele de passage qui nrsquoy eacutelit pas domicile
ndash la directive 2006123 doit ecirctre interpreacuteteacutee en ce sens qursquoelle autorise des dispositions nationales
et municipales qui soumettent agrave autorisation le fait de louer de maniegravere reacutepeacuteteacutee un local meubleacute
destineacute agrave lrsquohabitation pour de courtes dureacutees agrave une clientegravele de passage qui nrsquoy eacutelit pas domicile agrave
condition qursquoelles respectent les exigences preacutevues agrave lrsquoarticle 10 paragraphe 2 de la directive 2006123
notamment les conditions de proportionnaliteacute et de non‑discrimination ce qursquoil appartient agrave la
juridiction nationale de veacuterifier
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Partie III Questions preacutejudicielles
Libre prestation de services
Affaire preacutejudicielle 31 janvier 2020 Fluctus et Fluentum C-92019
Juridiction de renvoi Landesverwaltungsgericht Steiermark (Autriche) La juridiction de renvoi a saisi la Cour de justice des questions suivantes conformeacutement agrave lrsquoarticle 267 TFUE laquo 1 Lrsquoarticle 56 TFUE doit-il ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que lrsquoappreacuteciation des pratiques publicitaires illicites telles qursquoeacutetablies dans la jurisprudence constante de la Cour de justice dans le chef du titulaire drsquoune concession dans le cadre drsquoun monopole drsquoEacutetat sur les jeux de hasard deacutepend du point de savoir si le marcheacute des jeux de hasard a effectivement crucirc de maniegravere geacuteneacuterale au cours de la peacuteriode en cause ou srsquoil suffit deacutejagrave que la publiciteacute vise agrave inciter agrave participer activement aux jeux par exemple en banalisant le jeu en lui confeacuterant une image positive en raison de lrsquoutilisation des recettes aux fins drsquoactiviteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ou en augmentant son attractiviteacute par des messages publicitaires accrocheurs qui font miroiter des gains importants 2 Par ailleurs lrsquoarticle 56 TFUE doit-il ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que lesdites pratiques publicitaires illicites drsquoun concessionnaire du monopole excluent en tout eacutetat de cause la coheacuterence du reacutegime de monopole ou que en cas de pratiques publicitaires correspondantes drsquoannonceurs priveacutes un titulaire du monopole peut eacutegalement inciter agrave une participation active aux jeux par exemple en bana lisant le jeu en lui confeacuterant une image positive en raison de lrsquoutilisation des recettes aux fins drsquoactiviteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ou en augmentant son attractiviteacute par des messages publicitaires accrocheurs qui font miroiter des gains importants 3 Une juridiction de lrsquoEacutetat qui dans le cadre de sa compeacutetence doit appliquer lrsquoarticle 56 TFUE est-elle tenue aux fins drsquoassurer le plein effet de ces normes de veiller agrave laisser inappliqueacutee de sa propre autoriteacute une disposition de droit interne qursquoelle juge contraire mecircme si sa conformiteacute au droit de lrsquoUnion a eacuteteacute confirmeacutee dans le cadre drsquoune proceacutedure constitutionnelle raquo
Marcheacute inteacuterieur
Affaire preacutejudicielle 31 janvier 2020 Ministerstwo Sprawiedliwości C-5520
Juridiction de renvoi Sąd Dyscyplinarny Izby Adwokackiej w Warszawie (Pologne) La juridiction de renvoi a saisi la Cour de justice des questions suivantes conformeacutement agrave lrsquoarticle 267 TFUE laquo 1 Le chapitre III de la directive 2006123CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 12 deacutecembre 2006 relative aux services dans le marcheacute inteacuterieur (ci-apregraves la laquo directive services raquo) et notamment son article 10 paragraphe 6 srsquoappliquent-ils agrave une proceacutedure disciplinaire visant les avocats et les avocats eacutetrangers inscrits sur la liste des avocats et permettant notamment drsquoinfliger agrave un avocat une sanction peacutecuniaire la suspension de ses activiteacutes professionnelles voire sa radiation du barreau et agrave un avocat eacutetranger une sanction peacutecuniaire la suspension voire lrsquointerdiction du droit de fournir une assistance juridique en Pologne En cas de reacuteponse positive la charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne (ci-apregraves la laquo Charte raquo) notamment son article 47 est-elle applicable agrave cette proceacutedure meneacutee devant les conseils de discipline du barreau degraves lors que les deacutecisions de ces juridictions ne sont pas susceptibles de recours devant les juridictions nationales ou ne sont susceptibles que drsquoun recours extraordinaire agrave savoir un pourvoi en cassation devant le Sąd Najwyższy (Cour suprecircme Pologne) et est-elle eacutegalement applicable lorsque tous les eacuteleacutements pertinents de lrsquoaffaire se cantonnent agrave lrsquointeacuterieur drsquoun seul Eacutetat membre 2 Lorsque dans une proceacutedure viseacutee agrave la premiegravere question lrsquoinstance qui est compeacutetente en vertu des dispositions nationales applicables pour statuer sur le pourvoi en cassation formeacute contre lrsquoarrecirct ou lrsquoordonnance du conseil de discipline du barreau ou contre la reacuteclamation visant le refus drsquointroduire un tel pourvoi nrsquoest pas conformeacutement agrave la position adopteacutee par le Sąd Najwyższy (Cour suprecircme) dans son arrecirct du 5 deacutecembre 2019 reacutef III PO 718 un tribunal indeacutependant et impartial au sens de lrsquoarticle 47 de la Charte [Or 2] le conseil de discipline du barreau doit-il eacutecarter les dispositions nationales eacutetablissant la compeacutetence de cette instance et transmettre ce pourvoi ou cette reacuteclamation aux instances judiciaires qui auraient eacuteteacute compeacutetentes si les dispositions susmentionneacutees ne srsquoy opposaient pas
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3 Lorsque ndash dans une proceacutedure viseacutee agrave la premiegravere question ndash le conseil de discipline du barreau considegravere que le Prokurator Generalny (procureur geacuteneacuteral) et le Rzecznik Praw Obywatelskich (meacutediateur) ne sont pas habiliteacutes agrave former un pourvoi en cassation contre son arrecirct ou son ordonnance et que sa position est
a) contraire agrave la position exprimeacutee dans la deacutecision du 27 novembre 2019 reacutef II DSI 6718 de la chambre disciplinaire du Sąd Najwyższy (Cour suprecircme) sieacutegeant en formation de sept juges crsquoest-agrave-dire de lrsquoinstance qui conformeacutement aux dispositions nationales en vigueur est compeacutetente pour connaicirctre du recours formeacute contre le refus drsquointroduire un pourvoi en cassation mais qui selon le conseil de discipline du barreau qui se rallie agrave la position adopteacutee par le Sąd Najwyższy (Cour suprecircme) dans son arrecirct du 5 deacutecembre 2019 reacutef III PO 718 nrsquoest pas un tribunal indeacutependant et impartial au sens de lrsquoarticle 47 de la Charte
b) conforme agrave la position exprimeacutee preacuteceacutedemment par la chambre peacutenale du Sąd Najwyższy (Cour suprecircme) crsquoest-agrave-dire lrsquoinstance judiciaire qui serait compeacutetente pour examiner ce recours si les dispositions susmentionneacutees ne srsquoy opposaient pas
Le conseil de discipline du barreau peut-il (ou doit-il) eacutecarter la position exprimeacutee par la chambre disciplinaire du Sąd Najwyższy (Cour suprecircme) 4 Si dans lrsquoaffaire viseacutee agrave la troisiegraveme question le conseil de discipline du barreau est ameneacute agrave examiner un recours du Minister Sprawiedliwości (ministre de la Justice) mais que
a) lrsquoinfluence du pouvoir exeacutecutif notamment celle du Minister Sprawiedliwości (ministre de la Justice) sur la composition de la chambre disciplinaire du Sąd Najwyższy (Cour suprecircme) constitue lrsquoun des facteurs qui selon lrsquoappreacuteciation exprimeacutee par le Sąd Najwyższy (Cour suprecircme) dans son arrecirct du 5 deacutecembre 2019 reacutef III PO 718 appreacuteciation que partage le conseil de discipline du barreau justifient de consideacuterer que cette chambre disciplinaire qui est lrsquoinstance viseacutee agrave la troisiegraveme question sous a) nrsquoest pas un tribunal indeacutependant et impartial au sens de lrsquoarticle 47 de la Charte
b) et que le Minister Sprawiedliwości (ministre de la Justice) exerce lui-mecircme la fonction de Prokurator Generalny (procureur geacuteneacuteral) lequel serait habiliteacute agrave introduire un pourvoi cassation selon la position exprimeacutee par la chambre disciplinaire du Sąd Najwyższy (Cour suprecircme) agrave savoir lrsquoinstance viseacutee agrave la troisiegraveme question sous a) tandis qursquoil nrsquoy est pas selon la position exprimeacutee par la chambre peacutenale du Sąd Najwyższy (Cour suprecircme) agrave savoir lrsquoinstance viseacutee agrave la troisiegraveme question sous b) et selon la position du conseil de discipline du barreau ce conseil de discipline du barreau doit-il srsquoabstenir drsquoexaminer le recours srsquoil srsquoagit de la seule maniegravere drsquoassurer que la proceacutedure respecte lrsquoarticle 47 de la Charte et en particulier drsquoeacuteviter qursquoune instance qui nrsquoest pas un tribunal indeacutependant et impartial au sens de cette disposition nrsquointervienne dans la proceacutedure raquo
Protection des consommateurs
Affaire preacutejudicielle 7 feacutevrier 2020 KRONE ndash Verlag Gesellschaft mbH amp Co KG C-6520
Juridiction de renvoi Oberster Gerichtshof (Autriche) La juridiction de renvoi a saisi la Cour de justice des questions suivantes conformeacutement agrave lrsquoarticle 267 TFUE laquo Lrsquoarticle 2 lu en combinaison avec les articles 1 er et 6 de la directive 85374CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions leacutegislatives reacuteglementaires et administratives des Eacutetats membres en matiegravere de responsabiliteacute du fait des produits deacutefectueux doit-il ecirctre interpreacuteteacute en ce sens qursquoun exemplaire physique drsquoun journal quotidien qui contient un conseil de santeacute techniquement inexact dont le respect cause un dommage agrave la santeacute peut eacutegalement ecirctre consideacutereacute comme un produit (deacutefectueux) raquo
Affaire preacutejudicielle 26 feacutevrier 2020 StWL Staumldtische Werke Lauf ad Pegnitz GmbH C-10220
Juridiction de renvoi Bundesgerichtshof (Allemagne) La juridiction de renvoi a saisi la Cour de justice des questions suivantes conformeacutement agrave lrsquoarticle 267 TFUE
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laquo 1 Les critegraveres de la notion drsquoenvoi au sens de lrsquoarticle 2 deuxiegraveme alineacutea sous h) de la directive 200258 sont-ils remplis lorsqursquoun message nrsquoest pas transmis par un utilisateur drsquoun service de communications eacutelectroniques agrave un autre utilisateur par lrsquointermeacutediaire drsquoune entreprise de services agrave lrsquolaquo adresse raquo eacutelectronique du second utilisateur mais est afficheacute de maniegravere automatiseacutee par des serveurs publicitaires agrave la suite de lrsquoouverture de la page Internet proteacutegeacutee par un mot de passe correspondant agrave un compte de messagerie eacutelectronique dans certains espaces preacutevus agrave cet effet de la boicircte de reacuteception eacutelectronique drsquoun utilisateur seacutelectionneacute de maniegravere aleacuteatoire (publiciteacute dans la boicircte de reacuteception) 2 La reacutecupeacuteration drsquoun message au sens de lrsquoarticle 2 deuxiegraveme alineacutea sous h) de la directive 200258 suppose-t-elle que le destinataire apregraves avoir pris connaissance de la preacutesence drsquoun message deacuteclenche par une demande de reacutecupeacuteration volontaire une transmission des donneacutees du message en vertu drsquoun programme preacuteeacutetabli ou suffit-il que lrsquoapparition du message [Or 3] dans la boicircte de reacuteception drsquoun compte de messagerie eacutelectronique soit deacuteclencheacutee par le fait que lrsquoutilisateur ouvre la page Internet pro teacutegeacutee par un mot de passe correspondant agrave son compte de messagerie eacutelectronique 3 Y a-t-il eacutegalement courrier eacutelectronique au sens de lrsquoarticle 13 paragraphe 1 de la directive 200258 lorsqursquoun message nrsquoest pas envoyeacute agrave un destinataire individuel deacutejagrave concregravetement deacutefini avant la transmission mais est inseacutereacute dans la boicircte de reacuteception drsquoun utilisateur seacutelectionneacute de maniegravere aleacuteatoire 4 Lrsquoutilisation drsquoun courrier eacutelectronique agrave des fins de prospection directe au sens de lrsquoarticle 13 paragraphe 1 de la d irective 200258 nrsquoest-elle caracteacuteriseacutee que lorsqursquoil est constateacute que la charge imposeacutee agrave lrsquoutilisateur va au-delagrave drsquoune gecircne qui lui serait causeacutee 5 La publiciteacute individuelle satisfaisant aux critegraveres de la laquo sollicitation raquo au sens du point 26 premiegravere phrase de lrsquoannexe I de la directive 200529 nrsquoest-elle caracteacuteriseacutee que lorsqursquoun client est contacteacute au moyen drsquoun outil traditionnel de communication individuelle entre un expeacutediteur et un destinataire ou suffit-t-il que comme dans le cas de la publiciteacute en cause en lrsquoespegravece le lien avec un individu soit eacutetabli par lrsquoaffichage de la publiciteacute dans la boicircte de reacuteception drsquoun compte de messagerie eacutelectronique priveacute et donc dans une rubrique ougrave le client srsquoattend agrave recevoir des messages qui lui sont individuellement adresseacutes raquo
Santeacute publique
Affaire preacutejudicielle 24 feacutevrier 2020 Ordine Nazionale Biologi e a C-9620
Juridiction de renvoi Corte suprema di cassazione (Italie) La juridiction de renvoi a saisi la Cour de justice des questions suivantes conformeacutement agrave lrsquoarticle 267 TFUE laquo Lrsquoarticle 9 paragraphe 2 de la directive 200298CE qui eacutetablit des normes de qualiteacute et de seacutecuriteacute pour la collecte le controcircle la transformation la conservation et la distribution du sang humain et des composants sanguins doit-il ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que lorsqursquoil mentionne la possession drsquoun titre acadeacutemique ldquodans le domaine des sciences meacutedicales ou biologiquesrdquo parmi les conditions de qualification minimales requises pour pouvoir acceacuteder agrave la fonction de personne responsable drsquoun eacutetablissement de transfus ion sanguine il confegravere directement aux diplocircmeacutes dans les deux disciplines le droit drsquoexercer la fonction de personne responsable [Or 11] drsquoun eacutetablissement de transfusion sanguine En conseacutequence le droit de lrsquoUnion permet-il au droit national drsquoexclure que ladite fonction de personne responsable drsquoun eacutetablissement de transfusion sanguine puisse ecirctre exerceacutee par les diplocircmeacutes en sciences biologiques ou bien srsquooppose-t-il agrave cette exclusion raquo
Partie IV Informations diverses
Aides drsquoEacutetat
Communication de la Commission europeacuteenne Modification de lrsquoencadrement temporaire des mesures drsquoaide drsquoEacutetat visant agrave soutenir lrsquoeacuteconomie dans le contexte actuel de la flambeacutee de COVID-19 3 avril 2020 C(2020) 2215
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Reacutesumeacute La Commission europeacuteenne a adopteacute une modification eacutetendant lrsquoencadrement temporaire adopteacute le 19 mars 2020 afin de permettre aux Eacutetats membres drsquoacceacuteleacuterer la recherche la mise agrave lrsquoessai et la fabrication de produits utiles pour combattre le coronavirus de proteacuteger les emplois et de soutenir drsquoavantage lrsquoeacuteconomie dans le contexte du COVID-19 Lrsquoencadrement temporaire modifieacute complegravete les nombreuses possibiliteacutes dont disposent deacutejagrave les Eacutetats membres pour atteacutenuer les reacutepercussions socio-eacuteconomiques de la flambeacutee de COVID-19 conformeacutement aux regravegles de lrsquoUnion europeacuteenne en matiegravere drsquoaides drsquoEacutetat Le 19 mars 2020 la Commission europeacuteenne a adopteacute une communication intituleacutee laquo Encadrement temporaire des mesures drsquoaide drsquoEacutetat visant agrave soutenir lrsquoeacuteconomie dans le contexte actuel de la flambeacutee du COVID-19 raquo (C(2020) 1863) Cette derniegravere deacutecrit les possibiliteacutes offertes aux Eacutetats membres par les regravegles de lrsquoUnion pour garantir la liquiditeacute et lrsquoaccegraves au financement des entreprises et en particulier des PME afin de leur permettre de surmonter la situation actuelle La Commission europeacuteenne visait agrave eacutetablir un cadre permettant aux Eacutetats membres de soutenir les entreprises qui connaissent des difficulteacutes lieacutees au COVID-19 et ce tout en preacuteservant lrsquointeacutegriteacute du marcheacute inteacuterieur de lrsquoUnion europeacuteenne par la garantie de conditions eacutegales pour tous Selon la Commission europeacuteenne une application cibleacutee et proportionneacutee du controcircle des aides drsquoEacutetats permettrait que les mesures de soutien nationales aident efficacement les entreprises toucheacutees par la flambeacutee du COVID-19 tout en leur permettant de rebondir au terme de la crise actuelle et en gardant agrave lrsquoesprit lrsquoimportance de mener agrave bien la transition eacutecologique et numeacuterique conformeacutement aux objectifs de lrsquoUnion europeacuteenne Cette nouvelle communication vise agrave eacutenumeacuterer les mesures drsquoaide drsquoEacutetat temporaires suppleacutementaires que la Commission europeacuteenne juge compatibles avec lrsquoarticle 107 paragraphe 3 TFUE dans le contexte de la flambeacutee de COVID-19 Ainsi la modification eacutetend lrsquoencadrement temporaire en preacutevoyant cinq types de mesures drsquoaide suppleacutementaires
- Soutien agrave la recherche et au deacuteveloppement lieacutes au COVID-19 pour faire face agrave la crise eacutepideacutemique les Eacutetats membres peuvent octroyer des aides sous forme de subventions directes drsquoavances remboursables ou drsquoavantages fiscaux en faveur de la recherche et au deacuteveloppement lieacute au COVID-19 et sur drsquoautres eacuteleacutements lieacutes agrave la lutte contre le virus Un suppleacutement drsquoaide peut ecirctre accordeacute aux projets de coopeacuteration transfrontiegravere entre Eacutetats membres
- Soutient agrave la construction et agrave la mise agrave niveau drsquoinstallations drsquoessai les Eacutetats membres ont la
possibiliteacute drsquooctroyer des aides sous forme de subventions directes drsquoavantage fiscaux drsquoavances remboursables et de garanties de couverture de pertes afin de soutenir les investissements permettant la construction ou la mise agrave niveau drsquoinfrastructures neacutecessaires pour mettre au point et tester des produits lieacutes au COVID-19 jusqursquoau premier deacuteploiement industriel Sont concerneacutes
o Les meacutedicaments y compris les vaccins et les traitements o Les dispositifs meacutedicaux et eacutequipements hospitaliers et meacutedicaux y compris les appareils de
ventilation et les vecirctements de protection ainsi que les outils de diagnostic o Les deacutesinfectants o Les outils de collecte et de traitement de donneacutees utiles agrave la lutte contre la propagation du virus
Afin drsquoencourager la coopeacuteration et de soutenir une action rapide les entreprises peuvent beacuteneacuteficier drsquoun suppleacutement drsquoaide lorsque leur investissement est financeacute par plusieurs Eacutetats membres et lorsqursquoil est reacutealiseacute dans un deacutelai de deux mois suivant la date de demande drsquoaide
- Soutien agrave la fabrication de produits utiles agrave la lutte contre la flambeacutee de COVID-19 les Eacutetats
membres peuvent octroyer des aides sous forme de subventions directes drsquoavantages fiscaux drsquoavances remboursables et de garanties de couverture de pertes afin de soutenir les investissements permettant la
Article 107 paragraphe 3 TFUE
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fabrication rapide de produits utiles agrave la lutte contre le coronavirus produits eacutenumeacutereacutes au point preacuteceacutedent Afin drsquoencourager la coopeacuteration et de soutenir une action rapide les entreprises vont beacuteneacuteficier drsquoun suppleacutement drsquoaide lorsque leur investissement est financeacute par plusieurs Eacutetats membres et lorsqursquoil est reacutealiseacute dans un deacutelai de deux mois suivant la date de demande drsquoaide
- Soutien cibleacute sous la forme de reports de paiement des impocircts et des taxes etou de suspensions
de cotisations de seacutecuriteacute sociale afin de reacuteduire les contraintes de liquiditeacute auxquelles les entreprises sont confronteacutees agrave cause du COVID-19 et de proteacuteger les emplois les Eacutetats membres peuvent accorder des reports cibleacutes de paiement des impocircts des taxes et des cotisations de seacutecuriteacute sociale dans les secteurs les reacutegions ou les types drsquoentreprises qui sont particuliegraverement toucheacutes par la pandeacutemie La Commission europeacuteenne considegravere que si de tels reports srsquoappliquent agrave lrsquoensemble de lrsquoeacuteconomie ils ne relegravevent pas du controcircle des aides drsquoEacutetats Toutefois srsquoils confegraverent aux entreprises un avantage seacutelectif degraves lors qursquoils sont limiteacutes agrave certains secteurs (transport tourisme santeacute hellip) agrave certaines reacutegions ou agrave certains types drsquoentreprises ils constituent des aides drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE
- Soutien cibleacute sous la forme de subventions salariales en faveur des salarieacutes afin drsquoaider agrave limiter
les conseacutequences de la crise du coronavirus sur les travailleurs les Eacutetats membres peuvent contribuer aux coucircts salariaux des entreprises de secteurs ou de reacutegion qui ont le plus souffert de la flambeacutee du COVID-19 et qui auraient ducirc licencier du personnel en lrsquoabsence drsquoaide De mecircme que pour les reports envisageacutes au point preacuteceacutedent la Commission est drsquoavis que si ces reacutegimes de soutien srsquoappliquent agrave lrsquoensemble de lrsquoeacuteconomie ils ne relegravevent pas du controcircle des aides drsquoEacutetats Agrave lrsquoinverse srsquoils sont limiteacutes agrave certains secteurs reacutegions ou certains types drsquoentreprises ils constituent des aides au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE
Lrsquoencadrement temporaire modifieacute renforce les types drsquoaide existants que les Eacutetats membres peuvent accorder aux entreprises dans le besoin et sera en place jusqursquoagrave la fin du mois de deacutecembre 2020 La Commission europeacuteenne preacutecise neacuteanmoins qursquoelle pourra prolonger ce deacutelai drsquoapplication srsquoil srsquoavegravere que cela soit neacutecessaire apregraves reacuteeacutevaluation
Deacutecision de la Commission europeacuteenne COVID-19 Reacutegime cadre temporaire pour le soutien aux entreprises en France 20 avril 2020 C(2020) 2595
Reacutesumeacute Par sa deacutecision du 20 avril 2020 la Commission europeacuteenne a autoriseacute le reacutegime-cadre franccedilais visant agrave soutenir les PME
ainsi que les grandes entreprises toucheacutees par la pandeacutemie de coronavirus Ce reacutegime dun montant de 7 milliards drsquoeuros a eacuteteacute
autoriseacute en vertu de lencadrement temporaire des aides dEacutetat adopteacute par la Commission le 19 mars 2020 tel que modifieacute le 3 avril
2020
Le 17 avril 2020 les autoriteacutes franccedilaises ont notifieacute agrave la Commission europeacuteenne le reacutegime cadre temporaire pour
le soutien aux entreprises conformeacutement aux dispositions de lrsquoencadrement temporaire des mesures drsquoaides
drsquoEacutetat visant agrave soutenir lrsquoeacuteconomie dans le contexte actuel de la flambeacutee de COVID-19 adopteacute le 19 mars 2020
(ci-apregraves laquo encadrement temporaire raquo) tel que modifieacute le 3 avril 2020
Ce reacutegime qui seacutetend agrave lensemble du territoire franccedilais et est doteacute dun budget preacutevisionnel de 7 milliards
deuros permet loctroi daides sous les formes suivantes
a) aides dun montant limiteacute sous la forme de subventions directes dapports de fonds propres
davances remboursables et de precircts bonifieacutes jusquagrave un montant nominal maximal de 100 000 euros
pour les entreprises du secteur agricole primaire jusquagrave 120 000 euros pour les entreprises du
secteur de la pecircche et de laquaculture et jusquagrave 800 000 euros pour les entreprises de tous les autres
secteurs
Article 107 paragraphe 3 TFUE
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b) garanties publiques sur des precircts saccompagnant de garde-fous pour les banques qui acheminent les
aides dEacutetat vers leacuteconomie reacuteelle
c) precircts publics octroyeacutes aux entreprises assortis de taux dinteacuterecirct reacuteduits
d) aides sous la forme de garantie ou precircts octroyeacutes via des eacutetablissements de creacutedit ou institutions
financiegraveres Les mesures srsquoappliquent agrave toutes les entreprises - quelle que soit leur localisation et leur taille - de tous secteurs drsquoactiviteacutes y compris les entreprises de production primaire de produits agricoles et du secteur de la pecircche et de lrsquoaquaculture Neacuteanmoins les eacutetablissements de creacutedit les institutions financiegraveres ainsi que les entreprises qui eacutetaient en difficulteacute agrave la date du 31 deacutecembre 2019 ne peuvent pas beacuteneacuteficier du preacutesent reacutegime Les autoriteacutes franccedilaises estiment que les beacuteneacuteficiaires du preacutesent reacutegime drsquoaide devraient deacutepasser les 1000 entreprises La Commission europeacuteenne considegravere que les mesures notifieacutees par la France constituent une aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 du TFUE Les mesures imputables agrave lrsquoEacutetat franccedilais impliquent lrsquoutilisation de ressources drsquoEacutetat puisqursquoelles ont pour origine (1) les creacutedits drsquointervention de lrsquoEacutetat au niveau central et deacuteconcentreacute (2) les creacutedits drsquointervention des collectiviteacutes territoriales et de leurs groupements (3) les creacutedits des fonds europeacuteens structurels et drsquoinvestissement et (4) les creacutedits drsquointervention des autres organismes publics compeacutetents en vertu de dispositions leacutegislatives ou regraveglementaires De plus les mesures sont seacutelectives puisqursquoelles seront accordeacutees seulement agrave certaines entreprises en excluant les eacutetablissements de creacutedit et les entreprises qui eacutetaient en difficulteacute agrave la date du 31 deacutecembre 2019 Finalement les mesures confegraverent un avantage aux beacuteneacuteficiaires et sont susceptibles drsquoaffecter les eacutechanges entre Eacutetats membres eacutetant donneacute que le reacutegime nrsquoest pas limiteacute aux beacuteneacuteficiaires actifs dans des secteurs ougrave il nrsquoexiste pas de commerce entre les Eacutetats membres Neacuteanmoins la Commission europeacuteenne peut deacuteclarer compatibles avec le marcheacute inteacuterieur les aides destineacutees laquo agrave remeacutedier agrave une perturbation grave de lrsquoeacuteconomie drsquoun Eacutetat membre raquo conformeacutement agrave lrsquoarticle 107 paragraphe 3 point b) du TFUE Dans lrsquoencadrement temporaire du 19 mars 2020 la Commission europeacuteenne preacutecise qursquo laquo une aide drsquoEacutetat est justifieacutee et peut ecirctre deacuteclareacutee compatible avec le marcheacute inteacuterieur sur la base de lrsquoarticle 107 paragraphe 3 point b) du TFUE pour une peacuteriode limiteacutee pour remeacutedier agrave la peacutenurie de liquiditeacutes des entreprises et faire en sorte que les perturbations causeacutee par lrsquoeacutepideacutemie de COVID-19 ne compromettent pas leur viabiliteacute en particulier des petites et moyennes entreprises raquo En lrsquoespegravece la Commission europeacuteenne note que les mesures notifieacutees par la France visent agrave permettre aux entreprises drsquoacceacuteder au financement externe au cours drsquoune peacuteriode ougrave le fonctionnement normal du marcheacute et en particulier de lrsquoaccegraves au creacutedit est gravement perturbeacute par la pandeacutemie de COVID-19 qui affecte lrsquoensemble de lrsquoeacuteconomie reacuteelle De plus elle note que les mesures reacutepondent aux exigences de lrsquoencadrement temporaire et en particulier aux dispositions des sections 31 agrave 34 La Commission europeacuteenne considegravere notamment que les mesures introduisent des assurances concernant lrsquoeacuteventuelle aide indirecte en faveur des eacutetablissements de creacutedit ou drsquoautres eacutetablissements financiers afin de limiter les distorsions de concurrence indues Elle considegravere eacutegalement que les plafonds drsquoaides et plafonds de cumul drsquoaide sous le preacutesent reacutegime sont respecteacutes En particulier les aides octroyeacutes au titre de la section 32 et de la section 33 de lrsquoencadrement temporaire ne peuvent se cumuler si lrsquoaide est octroyeacutee pour le mecircme precirct En conseacutequence la Commission europeacuteenne a autoriseacute les mesures franccedilaises en vertu des regravegles de lUnion en matiegravere daides dEacutetat Elle considegravere que les mesures notifieacutees sont neacutecessaires adeacutequates et proportionnelles pour remeacutedier agrave une perturbation grave de lrsquoeacuteconomie drsquoun Eacutetat membre et remplissent toutes les conditions eacutenonceacutees dans lrsquoencadrement temporaire