Camille LE DUOT Sciences Po Toulouse Mémoire professionnel 2014 ** L’évolution des relations de pouvoir entre médecins et directeurs à l’hôpital public depuis la réforme fondatrice de 1941-43 Sous la direction de M. Didier Bouvet
Camille LE DUOT
Sciences Po Toulouse
MMéémmooiirree pprrooffeessssiioonnnneell 2014
**
L’évolution des relations de pouvoir entre médecins et directeurs à l’hôpital public depuis la réforme fondatrice de 1941-43
Sous la direction de M. Didier Bouvet
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SOMMAIRE
Avant-propos.............................................................................................................................. 5 Avertissement............................................................................................................................. 7 Introduction ................................................................................................................................ 9 Partie I - Deux mondes qui se sont longtemps ignorés, voire opposés I. Un choc de cultures… ....................................................................................................... 12
A. Des formations, carrières, statuts et poids politiques distincts................................. 12 B. Deux fonctions aux légitimités discordantes............................................................ 17
II. … qui se traduit par des conflits de pouvoir au sein des instances de gouvernance de l’hôpital public........................................................................................................................ 21
A. Deux mondes qui se sont longtemps ignorés ........................................................... 22 B. Deux mondes qui ont fini par s’affronter ................................................................. 24
Partie II - Deux mondes qui, par la force de l'évolution, se sont rencontrés autour de la gestion, au profit du malade I. De la cohabitation à « l’hôpital stratège » : la création d’une nouvelle gouvernance hospitalière.............................................................................................................................. 33
A. La réforme du 31 juillet 1991 : l’union des médecins et directeurs autour d’une vision commune, le projet d’établissement ...................................................................... 33 B. La réforme 2005 : la gestion par pôles, illustration d’une meilleure entente entre médecins et directeurs ...................................................................................................... 37
II. Le rééquilibrage des pouvoirs entre médecins et directeurs : fruit des récentes réformes hospitalières ............................................................................................................ 42
A. La loi HPST de 2009 : « un seul patron à l’hôpital »...............................................43 B. Le projet de réforme Touraine de 2013 : un rééquilibrage des forces au profit des médecins........................................................................................................................... 46
Conclusion................................................................................................................................ 51 Lexique..................................................................................................................................... 53 Bibliographie............................................................................................................................ 54
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REMERCIEMENTS
En premier lieu, ma reconnaissance s’adresse à mon directeur de mémoire, Monsieur
Didier BOUVET , pour m’avoir conseillée et soutenue tout au long de mon travail. Ses
sources bibliographiques et ses conseils avisés auront en effet grandement enrichis ma
réflexion.
Je tiens également à remercier Monsieur Dominique MICHEZ , Madame Catherine
DEDIEU , Monsieur Jean PETIT et l’ensemble de leurs équipes pour m’avoir accueillie en
stage au CHU de Toulouse au mois de juin 2013. En effet, ce fut une chance pour moi de
pouvoir constater sur le terrain les différents enjeux que pose la gouvernance d’un hôpital
public et le partage des pouvoirs qui existe entre médecins et directeurs au sein des instances
de gouvernance.
Enfin, je remercie les différentes personnes que j’ai rencontrées durant mon stage au
CHU de Toulouse pour le temps qu’elles m’ont accordées et pour les échanges auxquels elles
se sont prêtées car cela a grandement enrichi ma réflexion. Je tiens à remercier tout
particulièrement, Monsieur BELCASTRO et son équipe du pôle Imagerie et de la direction
des finances, Madame MARTIN et son équipe du pôle RH, Monsieur RASTOUIL et son
équipe de la direction des affaires juridiques, Madame REYNIER et son équipe du pôle
CVM, Madame ZANATA du pôle PISTE, Madame FAGES du service sûreté et sécurité
incendie, Madame DERMOUNE du service communication, le Dr COUGOT du service
réanimation de Rangueil, ainsi que Madame ZARDO et Monsieur CHABANON de la
CRUQPC.
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AVANT-PROPOS
Étudiante en 5ème année au sein du master « carrières administratives » de l’Institut
d’Etudes Politiques (IEP) de Toulouse, je prépare actuellement le concours de l’Ecole des
Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP) avec pour ambition de devenir un jour directrice
d’hôpital. Il faut savoir que cela n’a pas toujours été mon objectif. En effet, même si j’ai
rapidement compris que je souhaitais travailler dans le secteur public, je n’en connaissais pas
encore tous les métiers et je n’avais donc pas arrêté mon choix sur une fonction publique en
particulier. C’est en effectuant mon stage obligatoire de 4ème année en juin 2013 au sein du
CHU de Toulouse à la direction du site de Rangueil puis à la direction de la qualité et de la
gestion des risques de l’Hôtel-Dieu que j’ai réellement compris mon appétence pour le
domaine sanitaire et mon attachement au service public hospitalier. Aujourd’hui, je cherche
donc à acquérir davantage de connaissances théoriques en droit hospitalier et droit de la santé,
ainsi qu’à consolider ma formation généraliste afin de me préparer au mieux au concours de
l’école de Rennes et, par ce biais, à la fonction de directeur d’hôpital.
Dans ce cadre, et afin de mettre en cohérence mon expérience et mes aspirations, j’ai
choisi d’effectuer mon mémoire de fin d’étude sur le thème de la gouvernance hospitalière et
plus particulièrement sur les relations de pouvoir que l’on retrouve entre le corps médical et le
corps administratif au sein de l’hôpital public en France depuis la création de la fonction de
directeur en 1941-1943 jusqu’à aujourd’hui.
En effet, ce qui m’a le plus impressionné lors de mon stage au CHU de Toulouse, c’est
la diversité des acteurs et le pluralisme des statuts que l’on peut trouver au sein de l’institution
hospitalière. Plus que la distinction entre le personnel médical, médico-technique et
administratif, c’est la multitude des professions qui peut exister à l’intérieur d’un même corps
de métier qu’y m’a paru considérable. Sachant cela, on peut se demander comment faire en
sorte que l’institution hospitalière fonctionne le mieux possible et comment tirer le meilleur
de chacun des acteurs présents à l’hôpital ?
Par ailleurs, souhaitant moi-même devenir un jour directrice de centre hospitalier, je
suis particulièrement intéressée par les relations que les directeurs entretiennent avec les
médecins dans leur travail, au quotidien. J’ai donc souhaité orienter mes recherches sur ce
sujet afin de mieux comprendre ce que l’on attend d’un directeur d’hôpital à ce niveau là. En
effet, selon moi, une des principales compétences d’un « bon » directeur est sa capacité à
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manager les personnels de l’établissement dont il est responsable, ce qui demande de
l’autorité, du courage et une certaine capacité à fédérer les hommes et à les responsabiliser
autour d’une vision stratégique sur la conduite de l’établissement. J’ai donc souhaité étudier
plus particulièrement les relations entre médecins et directeurs et notamment l’implication des
médecins au sein de la gouvernance de l’hôpital et les problèmes que peuvent parfois poser
leurs désaccords avec les directeurs d’établissement.
En outre, j’ai entrepris de croiser cette évolution des relations de pouvoir entre
médecins et directeurs avec les différentes réformes de la gouvernance hospitalière qui ont été
entreprises depuis la création de la fonction de directeur d’hôpital en 1941-1943 jusqu’à nos
jours. En effet, elles traduisent pour moi une volonté constante d’améliorer la gouvernance de
l’hôpital et de l’adapter aux évolutions de la société, notamment, depuis une dizaine d’années,
à la nécessité de réduire, ou du moins de réguler, les dépenses de santé.
Pour rédiger ce mémoire, je me suis très fortement appuyée sur l’ouvrage collectif de
Monique Cavalier, Richard Dalmasso et Jean-Jacques Romatet, Médecins, directeurs, un pacs
pour l’hôpital ?, publié aux éditions Erès en 2002, ainsi que sur de nombreux articles que
Monsieur Didier Bouvet, mon directeur de mémoire, a pu me fournir tout au long de mes
recherches.
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AVERTISSEMENT
« L’Institut d'Etudes Politiques de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni
improbation dans les mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme
propres à leur auteur(e). »
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« L’huile seule est indigeste,
le vinaigre seul est imbuvable,
mais la vinaigrette fait de bonnes salades.
Ces deux systèmes se complètent
et sont condamnés au mélange.
Peut-être que les lois hospitalières ne sont que l’ustensile
qui doit de temps en temps agiter le mélange. »
Professeur Alain BERNADOU, « Le praticien, le directeur et le président, une éthologie à l’hôpital »,
Revue hospitalière de France, N°5, Septembre-Octobre 1998
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INTRODUCTION
« La santé n’a pas de prix mais elle a un coût. » Cette expression, que l’on attribue à
Jean-Marcel Jeanneney1, a été maintes et maintes fois reprise par les journalistes et hommes
politiques français pour justifier les coupes budgétaires dans le domaine social et sanitaire au
regard du déficit de la sécurité sociale depuis le début des années 2000 et plus encore avec la
crise économique et financière mondiale de 2008.
En effet, la santé n’a pas de prix. Elle fait partie des droits fondamentaux que l’on
reconnaît aux hommes. Selon l’article 25 de la déclaration universelle des droits de l’homme
adoptée par l’Organisation des Nations Unies (ONU) en décembre 1948, « toute personne a
droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille,
notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour
les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de maladie (…). » De la
même façon, en France, la protection de la santé est garantie par l’article 11 du préambule de
la Constitution de 1946, repris dans le préambule de la Constitution de 1948, « [La Nation]
garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la
santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs (…). » Ainsi, la santé est un bien précieux
qui, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), correspond à « un état de bien-être
physique et mental permettant le plein épanouissement de la personne humaine ».
Toutefois, depuis les années 1980, en raison d’une augmentation constante des
dépenses de santé dans le monde, il est apparu nécessaire de réduire, ou du moins réguler, les
dépenses de santé. En effet, la santé n’a pas de prix mais elle a un coût. En 2013, en France,
les dépenses de santé se chiffrent à 175 milliards d’euros, ce qui place la France en troisième
position, derrière les Etats-Unis et les Pays-Bas, en termes de dépenses courantes de santé
(DCS) dans le monde. Par ailleurs, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie
(ONDAM), créé par une des ordonnances Juppé de 1996, est un montant prévisionnel voté
chaque année par le parlement dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale
(LFSS). Il englobe les dépenses de soins hospitaliers (dispensés dans les établissements privés
ou publics), les dépenses de soins de villes et les dépenses médico-sociales. Cela fait quatre
ans que l’objectif est respecté, les dépenses d’assurance maladie n’ayant pas dépassé 1 Ministre français des affaires sociales entre 1966 et 1968
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l’ONDAM depuis 2010. Il apparaît donc être un outil efficace de maîtrise des dépenses de
santé. De plus, la définition de cet objectif représente une avancée notable dans la
compréhension et la visibilité des dépenses d’assurance maladie.
Dans un contexte de contraintes budgétaires de plus en plus fortes, les directeurs de
centres hospitaliers doivent donc veiller à maintenir le budget de leurs établissements à
l’équilibre. Médecins comme directeurs partagent le même objectif : procurer à la population
les meilleurs soins possibles pour maintenir le maximum de personnes en « bonne santé ». Il
existe néanmoins une tension constante entre obligation de soins et contraintes budgétaires à
l’hôpital, et cela peut être source de tensions. En effet, il existe des conflits de pouvoir entre
le corps médical – l’ensemble de médecins – et le corps administratif – l’ensemble des
fonctionnaires chargés de la gestion du service public hospitalier – au sein de l’institution
hospitalière car chacun agit en fonction de ses obligations. D’un côté le médecin a un devoir
de soins envers ses patients, et de l’autre le directeur doit garantir la viabilité et la stabilité
financière de l’établissement hospitalier qu’il dirige, c’est pourquoi il doit tenir compte des
contraintes budgétaires auxquelles l’institution est sujette et il peut être amené pour cela à
faire des choix que le médecin ne partagera pas.
Aujourd’hui pourtant, malgré ces conflits d’intérêts, médecins et directeurs sont
amenés à coopérer et à travailler ensemble au sein des instances de gouvernance de l’hôpital
public en France. On parle à ce propos de « gouvernance hospitalière ». Issu du grec kubernân
et du latin gubernare, le mot « gouvernance » était utilisé en ancien français comme
équivalent de « gouvernement », c'est-à-dire l’art et la manière de gouverner. Aujourd’hui, la
gouvernance se définit de manière générale comme « un processus de coordination d’acteurs,
de groupes sociaux et d’institutions, pour atteindre des buts propres discutés et définis
collectivement dans des environnements fragmentés et incertains. (…) Dans la nouvelle
gouvernance, les acteurs de toute nature et les institutions publiques s’associent, mettent en
commun leurs ressources, leur expertise, leurs capacités et leurs projets et créent une
nouvelle coalition d’action fondée sur le partage des responsabilités. » 2 On s’éloigne donc de
l’approche centralisée du pouvoir pour tendre davantage vers un pouvoir pluriel et interactif.
Ainsi, dans la notion de « gouvernance hospitalière », il y a l’idée, depuis les années 2000, de
2 In Dossier documentaire de la Direction générale de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction, Octobre 1999
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mettre en œuvre des contre-pouvoirs médicaux et d’associer, de façon croissante, les
praticiens à la prise de décision au sein des établissements de soins.
Sachant cela, on peut se demander ce sur quoi repose la « bonne gouvernance » de
l’hôpital public en France aujourd’hui. En quoi la coopération médico-administrative
s’avère-t-elle nécessaire au bon fonctionnement de l’hôpital ? Comment pouvons-nous
concilier à la fois culture de soins et culture gestionnaire au profit d’une meilleure prise en
charge des patients ?
Le fait particulier et propre à l’hôpital réside dans l’ignorance, voire le mépris, dans lequel
se tenaient réciproquement les deux mondes, celui du soin et celui de la gestion, et dans la
coordination obligée vers laquelle les différentes parties prenantes semblent se diriger. En
effet, médecins et directeurs appartiennent à deux mondes qui se sont longtemps ignorés,
voire opposés (Partie I). Néanmoins, face aux exigences de qualité et de sécurité et aux
contraintes budgétaires de ces dernières décennies, ces deux mondes ont fini par se rencontrer
atour de la gestion, au profit du malade (Partie II).
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PREMIÈRE PARTIE
Deux mondes qui se sont longtemps ignorés,
voire opposés
Pour le professeur Alain Bernadou, « l’hôpital, en tant qu’organisation, est la coalescence
de deux sous-ensembles, historiquement indépendants, politiquement incompatibles, ne
partageant aucune valeur commune et fondés sur des cultures et des idéologies opposées
(…)»3. En effet, médecins et directeurs appartiennent respectivement au corps médical et au
corps administratif, deux sous-ensembles guidés par des intérêts divergeant, le premier
relevant d’une culture de soins alors que le second relève d’une culture de gestion. On assiste
donc à un choc de culture (I) qui s’est progressivement traduit par des conflits de pouvoir au
sein des instances de gouvernance de l’hôpital public en France (II).
I. Un choc de cultures…
A l’hôpital, tout sépare les médecins des directeurs : leurs formations, leurs carrières, leurs
statuts, voire leurs poids politiques (A). Par ailleurs, leurs deux fonctions ne revêtent pas la
même légitimité, ce qui conduit à un divorce de valeurs et à la constitution de deux sous-
cultures au sein de l’hôpital public (B).
A. Des formations, carrières, statuts et poids politiques distincts
• Leurs formations
La formation du directeur est très différente de celle du médecin. Le directeur est dans une
« formation carrée et sans surprise »4. Dès lors qu’il a réussi le concours de directeur
d’hôpital, tout élève directeur entrant à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP)
de Rennes est assuré d’être un jour directeur. La formation qu’il reçoit est la même pour tous.
3 Pr Alain Bernadou, Hôtel Dieu, Paris, « Le praticien, le directeur et le président, une éthologie à l’hôpital », Revue hospitalière de France, N°5, Septembre-Octobre 1998 4 Jean-Pierre Claveranne in Médecins, Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, Erès, 2002, page 31
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Se déroulant sur 27 mois, elle est fondée sur l’alternance entre des sessions à l’EHESP basées
sur un enseignement magistral qui repose fondamentalement sur un corpus juridique,
financier et administratif (14 mois) et des stages en milieu professionnel, en établissement
hospitalier et au sein d’hôpitaux publics étrangers ou dans le monde de l’entreprise (13 mois).
Dès sa sortie de l’école, l’élève de l’EHESP sera directeur, même si les indices, les échelles et
les responsabilités sont différentes entre un jeune directeur nommé et un directeur de Centre
Hospitalier Universitaire (CHU) en fin de carrière.
La formation du médecin est, quant à elle, une longue course d’obstacles. Actuellement,
les études médicales sont composées de trois cycles qui portent les études de 9 à 11 années
suivant la filière choisie. Deux concours ponctuent le cursus de médecine : celui de la
première année qui sert à la sélection (moins de 30% des étudiants en moyenne sont retenus)
et celui de la fin du deuxième cycle qui oriente les étudiants vers leur filière professionnelle.
Les trois premières années d’étude de médecine se répartissent entre cours magistraux et
travaux pratiques qui permettent d’acquérir une formation médicale complète. A partir de
l’externat (4ème, 5ème et 6ème année d’études), la pratique clinique occupe de plus en plus de
temps à l’étudiant en médecine. Celui-ci est à la fois étudiant et salarié de l’Assistance
publique, avec des stages à mi-temps le matin à l’hôpital et un total de 36 gardes à effectuer.
C’est le début d’un chemin difficile s’il veut accéder à l’internat en passant les épreuves
classantes nationales (ECN) en fin de 6ème année. Une grande partie de l’apprentissage du
métier par le médecin se fait donc tout au long de stages où, lorsqu’il arrive comme externe, il
commence à côtoyer les plus humbles.
Comme le soulignent Monique Cavalier, Richard Dalmasso et Jean-Jacques Romatet,
« dans de très nombreux cas, il est laissé à lui-même, tout particulièrement en ce qui
concerne le fonctionnement de l’hôpital qu’il apprend au fil des jours au travers de son
activité, des conversations écoutées, des problèmes émergents, etc. Très peu souvent, des
paroles institutionnelles vont venir contrebalancer les multiples ragots, histoires, rumeurs et
médisances qui scandent la vie quotidienne des espaces clos. »5 Ainsi, c’est au cours de ses
premiers stages que l’étudiant en médecine apprend à vivre à l’hôpital et à contester voire
rejeter dès le départ l’autorité de l’administration et du directeur. « Non accueilli, et souvent
non encadré, il est formé au petit bonheur la chance, dans les couloirs, dans les réfectoires,
5 Jean-Pierre Claveranne in Médecins, Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, Erès, 2002, page 31
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dans les salles de garde. Ouvrir ses oreilles lui suffit pour entendre la complainte contre la
gestion technocratique. »6
L’internat dure ensuite 3 à 5 ans, suivant la spécialité choisie par l’élève en médecine.
« La réussite à l’internat lui donne désormais un commencement de statut et lui ouvre les
portes d’une autre réalité : un hôpital ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dont le
fonctionnement, notamment l’organisation des heures de garde, ne correspond pas tout à fait
à ce que dit le Code de la santé publique. C’est à ce moment là qu’il va prendre conscience
de l’écart qui sépare le tuyau d’internat de sa mise en pratique. C’est encore là qu’il va
découvrir que les ressources financières sont limitées et qu’il va vivre cela, à défaut
d’explication, comme une contrainte insupportable à l’exercice de son art. C’est là encore
qu’il va se heurter à des problèmes d’organisation ou plutôt d’inorganisation, que la pensée
dominante va attribuer, sans autre forme d’instruction, à l’incurie administrative. Très vite, il
va donc faire sien et métaboliser, un discours anti-administration et anti-directeur qu’il
transmettra à son tour à ses externes »7. Les conflits d’intérêts entre médecins et directeurs ne
sont donc pas seulement le fruit de leur formation divergente mais peuvent également être liés
à l’environnement dans lequel ils ont été formés.
• Le contenu de leurs études
Le contenu des études médicales est également extrêmement différent de celui de la
formation de directeur d’hôpital. Tout d’abord, la nature du savoir n’est pas comparable. Les
médecins doivent apprendre un langage médical complexe qui n’arrête pas de se développer,
ils se réfèrent à une littérature très anglo-saxonne, des sociétés savantes et des réussites
nationales ou internationales. Par ailleurs, ils sont confrontés à l’incertitude des pratiques et
des résultats et à l’inquiétude vis-à-vis de la possession de ce savoir. Enfin, ils s’insèrent dans
un rapport très spécial vis-à-vis de leurs aînés.
La formation des directeurs est quant à elle, comme de nombreuses formations françaises,
très hexagonale. Celle-ci forme de hauts fonctionnaires, de haute technicité, dont la qualité est
internationalement reconnue et enviée, mais qui présente les inconvénients de ses avantages.
En effet, on a pu lui reprocher, comme à ses grandes sœurs l’ENA (Ecole Nationale
6 Jean-Pierre Claveranne in Médecins, Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, Erès, 2002, page 31 7 Jean-Pierre Claveranne in Médecins, Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, Erès, 2002, pages 31 et 32
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d’Administration) et l’INET (Institut National des Etudes Territoriales), d’être plus centrée
sur le reporting (c'est-à-dire le fait de rendre compte périodiquement de ses performances) et
la régulation administrative que sur la gestion de production ou l’animation des hommes, et
ainsi d’être plus conforme aux attentes de la tutelle qu’aux besoins des hôpitaux.
• Leurs carrières
La carrière des uns et des autres constitue également un élément distinctif. La carrière des
directeurs est diversifiée tant au niveau géographique qu’au niveau du domaine d’activité. En
effet, celui-ci change d’affectation en moyenne tous les cinq à dix ans et peut évoluer en
exerçant par exemple, les fonctions de directeur adjoint (c'est-à-dire qu’il est à la tête de
directions fonctionnelles relatives aux affaires générales, juridiques et médicales, finances et
analyse de gestion, ressources humaines, services économiques, logistiques et techniques,
système d’information, qualité et gestion des risques, communication, etc.) puis de directeur
d’établissement (c'est-à-dire qu’en tant que représentant légal de l’établissement, il met en
œuvre le projet d’établissement et assure le règlement des affaires générales de l’hôpital).
Au contraire, la carrière des médecins est souvent « loco-local », s’effectuant la plupart du
temps dans un même établissement, voire parfois dans le même service que celui où ils ont
fait leurs études. Leur carrière est donc « inscrite dans un champ clos avec des réussites, des
échecs, des rumeurs, quelques colloques, avec le sentiment que tout bouge à l’extérieur alors
que dedans, c’est toujours la même chose »8.
La fonction elle-même est une activité de plus en plus spécialisée pour les médecins et de
plus en plus généraliste pour les directeurs. Néanmoins, Jean-Pierre Claveranne a bon de
préciser que « tous les deux se retrouvent sur une même certitude : la difficulté de pouvoir
tout maîtriser »9.
• Leurs statuts
Le statut des médecins se différencie également de celui des directeurs. En effet, alors que
les directeurs d’hôpitaux sont des fonctionnaires, les médecins sont des agents publics sous
8 Jean-Pierre Claveranne in Médecins, Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, Erès, 2002, page 33 9 Jean-Pierre Claveranne in Médecins, Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, Erès, 2002, page 33
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statuts. Seuls les personnels hospitalo-universitaires sont des fonctionnaires d’Etat par leur
fonction d’enseignement.
Ainsi, le décret n°2005-921 du 2 août 2005, modifié par le décret du 10 juillet 2013,
stipule que le directeur d’hôpital relève d’un corps de hauts fonctionnaires catégorie A de la
fonction publique hospitalière. A l’inverse, divers textes organisent la situation juridique du
personnel médical hospitalier. C’est le cas notamment de l’ordonnance n°58-1373 du 30
décembre 1958 relative à la création de CHU, à la réforme de l’enseignement médical et au
développement de la recherche médicale, qui définit dans son article 5 les modalités
d’exercice des membres du personnel médical exerçant dans les CHU.
De la même façon, la loi du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière a défini de
nouveaux statuts du personnel médical hospitalier, le but étant d’harmoniser la situation
juridique de l’ensemble de ces personnels. Somme toute, à l’heure actuelle, il existe de
nombreuses catégories de médecins hospitaliers aux statuts multiples : les professeurs des
universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) et maîtres de conférences des universités-
praticiens hospitaliers (MCU-PH), les praticiens hospitaliers à temps plein, ceux à temps
partiel, les praticiens contractuels, les assistants des hôpitaux, et les attachés des
établissements d’hospitalisation publics.
Par ailleurs, contrairement aux personnels administratifs, il n’y a pas de hiérarchie des
grades parmi les médecins hospitaliers mais une carrière linéaire où l’avancement s’acquiert
par échelon dans un grade unique. Néanmoins, en tant qu’agents publics sous statuts, les
médecins hospitaliers ont des droits et des obligations de service public (notamment, le
respect du principe de continuité de service public). Ils bénéficient donc de statuts proches de
ceux des fonctionnaires, même si ceux-ci doivent rester conciliables avec le respect de leurs
obligations professionnelles et de leur déontologie médicale.
• Leurs poids politiques
Pour finir, les médecins et les directeurs n’ont pas le même poids politique. En effet, les
médecins sont fortement représentés au sein du parlement en France. D’après le site Internet
du Sénat, 32 sénateurs sur 348 exercent une profession médicale (dont 13 médecins, 1
chirurgien, 3 pharmaciens, 1 chirurgien dentiste, 9 docteurs vétérinaires, 2 infirmiers, 1 aide-
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soignante, 1 orthophoniste et 1 cadre hospitalier) alors qu’un seul sénateur est directeur
d’hôpital. Par ailleurs, selon le site de l’assemblée nationale, 34 députés sur 577 sont
médecins, et ils sont 63 si l’on prend l’ensemble des professions de santé (dont 7 chirurgiens,
7 dentistes, 8 pharmaciens, 2 sages-femmes et 5 vétérinaires).
Pour l’ancien député des Deux-Sèvres, Dominique Paillé, « les spécialistes de la santé
forment un petit monde. »10 En effet, ils se retrouvent, pour la plupart, au sein de la
commission des Affaires sociales de l’assemblée nationale, qui répartit le travail en mini-
sous-groupes et ils participent à de nombreuses réunions informelles où ils sont fortement
sollicités par des lobbies de toute nature comme a pu en témoigner l’affaire du médiator. Le
poids politique des médecins n’est donc pas négligeable.
B. Deux fonctions aux légitimités discordantes
• Des rôles différenciés qui conduisent à un divorce de valeurs
Médecins comme directeurs poursuivent le même objectif : apporter les meilleurs soins
possibles à la population afin de maintenir le plus grand nombre de personnes en bonne santé.
Pour cela, l’un comme l’autre ont intérêt à ce que les soins fournis à l’hôpital public soient
des soins de qualité, sécurisés et fournis dans les meilleurs délais. Pour autant, même s’ils
partagent le même objectif, médecins et directeurs ne sont pas toujours d’accord sur les
moyens d’y parvenir.
En effet, pour le médecin, soigner engage dans un combat contre la maladie et pour la
dignité des personnes et cela constitue une cause qui se suffit à elle-même, qui possède en elle
sa légitimité, sa fin et son sens. Il s’agit d’un engagement envers la vie des patients, une
éthique soignante qui se suffit en soi. Ainsi, l’action du médecin repose sur un principe
d’efficacité, c'est-à-dire que celui-ci va toujours rechercher l’adéquation entre ses résultats et
les objectifs qu’il s’est lui-même fixés ou qu’on lui a fixé. Etre efficace revient à produire à
l’échéance prévue les résultats escomptés et réaliser les objectifs fixés. Pour le médecin, il
s’agit donc de soigner ses patients dans les délais impartis, qu’ils soient préalablement établis
(pour des consultations, interventions chirurgicales, etc.) ou non (lorsque l’enjeu est
10 Deprieck, Matthieu, « Les députés médecins, enquête dans un petit monde », l’Express, 12 octobre 2013
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davantage de soigner le patient le plus rapidement possible, avant que sa maladie ne
s’aggrave, se généralise ou devienne, dans le pire des cas, incurable). Tous les moyens sont
donc envisageables du moment qu’ils lui permettent de réaliser les objectifs fixés. C’est le
résultat (la bonne santé du patient) qui compte et non le coût de son action.
De son côté, le directeur d’hôpital n’adopte pas la même position. En effet, en tant que
responsable économique et financier, il est au service de la santé de la population sur un
territoire donné mais il doit également veiller à la bonne gestion de l’établissement. Son
action repose donc sur un principe d’efficience et non d’efficacité. Contrairement au médecin,
le directeur s’attachera davantage à observer le rapport qui existe entre les moyens mobilisés
et les résultats obtenus que celui entre les objectifs fixés et les résultats obtenus. En effet, pour
lui il est important que les activités médicales exercées par les médecins soient rentables car
de ce ratio dépend la survie financière de l’établissement. Force est de constater que les
logiques qui guident l’action des médecins et des directeurs sont donc très différentes.
Selon Jean-Paul Dumond, « le conflit principal ne se situe [donc] pas entre des
institutions, ni même des professions, mais entre des rôles : d’une part ceux qui consistent à
soigner et de l’autre ceux qui ont pour mission de gérer les ressources dont les premiers ont
besoin pour travailler. »11 Les rôles, nécessairement différenciés des médecins et des
directeurs les conduisent à un divorce de valeurs. Adopter un rôle de soignant incite
obligatoirement à une certaine réserve, voire à un sentiment d’étrangeté, à l’égard du calcul
permanent qu’opère le gestionnaire envers les ressources qu’il engage et les résultats qu’il
obtient. Les médecins vivent comme un obstacle à l’exercice de leur fonction les restrictions
budgétaires décidées par les directeurs afin de maintenir la stabilité financière de
l’établissement. Ils sont loin de se soucier des problèmes financiers de l’établissement
puisqu’ils voient concrètement les répercussions négatives que peut avoir la diminution des
moyens dans un service. Ces deux légitimités sont donc souvent créatrices de conflits
d’intérêts entre médecins et directeurs. Néanmoins, entre eux s’est construite une relation de
double dépendance dans la mesure où les allocataires de ressources formulent des exigences
de plus en plus précises en contrepartie des moyens qu’ils fournissent. Médecins et directeurs,
même lorsqu’ils ne s’entendent pas, sont donc forcer de coopérer.
11 Dumond, Jean-Paul, « Santé : Où sont les pouvoirs ? Les conflits de pouvoir à l’hôpital », Revue Sève, Hiver 2003, page 1
~ 19 ~
• Une histoire plus ou moins longue au sein de l’institution
Par ailleurs, médecins et directeurs ne partagent pas le même vécu au sein de l’institution
hospitalière. En effet, comparés aux médecins, les directeurs ne sont apparus que très
tardivement au sein des hôpitaux publics en France.
Crées entre le IVème et le Vème siècle afin d’accueillir les « malheureux, malades ou trop
âgés ou les pèlerins sur le chemin de Compostelle »12, les premières maisons d’hospitalité
furent pendant longtemps l’apanage des congrégations religieuses, ce qui ne laissait peu de
place à une ingérence de l’Etat. Ce n’est qu’aux siècles suivants que les institutions
hospitalières commencèrent à être de plus en plus surveillées par la Royauté. Elles furent
finalement confisquées aux congrégations religieuses en 1790, nationalisées en 1794 et
confiées aux communes en 1796.
Néanmoins, il fallut attendre 1941 pour que les hôpitaux commencent à être étatisés et
que, parallèlement, la fonction de directeur soit créée. Ainsi, avec la loi du 21 décembre 1941
« dite Charte hospitalière » et le décret du 17 avril 1943, l’Etat reprend la main mise sur
l’hôpital – la fonction de direction relève du préfet ou du ministre et non plus du président de
la commission administrative – et la fonction de directeur est créée au sein de l’établissement
– celui-ci est nommé par le représentant de l’Etat et dispose d’un pouvoir de nomination sur
l’ensemble du personnel administratif.
Somme toute, le directeur est donc arrivé beaucoup plus tardivement que le médecin au
sein des hôpitaux publics. De ce fait, les deux acteurs ont un vécu différent au sein de
l’institution ce qui influence nécessairement la vision qu’ils ont de leurs métiers et l’idée
qu’ils se font de la gouvernance de l’institution. Bien évidemment, cela participe à la
construction de leurs deux légitimités discordantes au sein de l’hôpital public.
• La constitution de deux sous-ensembles dans un milieu « hyperculturel »
Il existe à l’hôpital, outre la dichotomie traditionnelle entre administratifs et soignants, de
multiples « identités » professionnelles qui créent autant de cultures différentes, autant
12 IRDES, « Histoire des réformes hospitalières en France », Septembre 2011, page 1
~ 20 ~
d’approches qui s’articulent difficilement par rapport à la prise en charge quotidienne des
patients d’une part, mais aussi par rapport à l’activité et au déploiement stratégique à mettre
en œuvre en santé d’autre part.
Au sein de ce milieu « hyperculturel »13 des « micro-cultures en mosaïque »14 se
distinguent par une appréhension largement différente des patients et de leurs problématiques,
ainsi que par les représentations que chacun se fait de son rôle professionnel, de son jeu ou de
sa stratégie personnelle dans le collectif organisationnel. Selon les auteurs de l’ouvrage
Médecins, directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, « [cette organisation] semble refléter
l’enfermement de chaque profession dans une sorte de vase clos »15. La culture est également
un élément structurant où règne des modes de pensée différents, pouvant s’ériger en
revendications identitaires fermées, en fonction des statuts et catégories professionnelles et
des habitudes de travail propres à chaque service…
Pour le professeur Alain Bernadou, « l’hôpital, en tant qu’organisation, est la coalescence
de deux sous-ensembles, historiquement indépendants, politiquement incompatibles, ne
partageant aucune valeur commune et fondés sur des cultures et des idéologies opposées, en
résumé aussi facile à mélanger que l’huile et le vinaigre »16 : le sous-ensemble administratif
« ADA » (administration-démocratico-autoritaire), représenté par le directeur, et le sous-
ensemble médical « MAF » (médico-anarcho-féodal), représenté par le praticien. Le président
de la Commission Médicale d’Etablissement (CME) étant, quant à lui, un avatar récent qui est
censé stabiliser le mélange : médecin élu par ses pairs, il les représente auprès de
l’administration afin de faire descendre les instructions du centre vers le terrain et de faire
remonter des informations du terrain vers le centre. Enfin, les infirmières, « surveillantes
générales », seraient tiraillées entre les deux cultures.
Selon le professeur Alain Bernadou, tout oppose ces deux systèmes qui cohabitent dans le
même milieu hospitalier mais pourtant l’ensemble semble fonctionner. Les praticiens
13 J.-M. Larrasquet ; I. Franchistéguy ; N. Jayaratna, « Démarche d’amélioration dans un service d’urgence hospitalières. Aspects d’organisation et d’information », Système d’information et management, n°4, volume 3, 1998 14 Jean-Michel Larrasquet et Isabelle Franchisteguy in Médecins, Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, Erès, 2002, page 92 15 Jean-Michel Larrasquet et Isabelle Franchisteguy in Médecins, Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, Erès, 2002, page 93 16 Pr Alain Bernadou, Hôtel Dieu, Paris, « Le praticien, le directeur et le président, une éthologie à l’hôpital », Revue hospitalière de France, N°5, Septembre-Octobre 1998
~ 21 ~
demandent le pouvoir au nom du fait qu’ils détiennent le savoir (médical), le directeur a le
pouvoir, mais détient un secret désir de savoir, et le président de la CME est censé, d’après
une réglementation relativement récente, établir un lien entre les deux. Blaise Pascal dit à ce
sujet que l’on ne peut pas avoir à la fois pouvoir, savoir et estime. En effet, si on cherche à
lier le pouvoir au savoir cela devient tyrannique. L’équilibre institutionnel qui s’est établit
entre directeur, praticiens et président de CME est donc peut-être le bon équilibre.
• Une appréhension différente du changement
Une caractéristique de bon nombre d’établissements de santé est aussi de perpétuer des
modes d’organisation hérités du passé, banalisés, hiérarchisés, « culturalisés », qu’ils posent
ensuite comme des « postulats inquestionnés et inquestionnables »17. Peu habitués à des
modes d’organisation évolutifs, il peut donc être compréhensible que les acteurs du soin
redoutent de voir s’abattre sur eux le spectre de la gestion et du management qu’ils
considèrent souvent encore comme réservé aux entreprises économiques privées, et d’une
certaine façon dangereux, dérangeant en tous cas par rapport aux problématiques de santé.
Il faut préciser également que les activités de santé baignent dans un univers culturel
particulier où règnent la maladie, la détresse et la fin de vie. Il est ainsi inhabituel pour les
acteurs du soin de s’extraire de leur grande charge de travail à contenu émotionnel fort pour
se projeter dans des préoccupations gestionnaires envisageant des modes de fonctionnement
nouveaux.
II. … qui se traduit par des conflits de pouvoir au sein des
instances de gouvernance de l’hôpital public
Somme toute, médecins comme directeurs appartiennent à deux sous-ensembles très
différents et cela se traduit par un choc de cultures, la culture de gestion des directeurs
s’opposant à la culture de soins des médecins. Ainsi, même si ces deux mondes se sont
longtemps ignorés, du fait de la faible implication des médecins dans la gestion de l’hôpital
(A), l’accroissement des responsabilités de ces derniers au sein des instances de gouvernance
17 Jean-Michel Larrasquet et Isabelle Franchisteguy in Médecins, Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, Erès, 2002, page 93
~ 22 ~
et la nouvelle nécessité de maîtrise des dépenses de santé va finalement les conduire à
s’affronter et à s’opposer lors des différentes prises de décisions en faveur de l’hôpital (B).
A. Deux mondes qui se sont longtemps ignorés
• Jusqu’en 1960 : un pouvoir contraint des directeurs d’hôpitaux et une
intervention limitée des médecins à l’hôpital
Comme a pu l’expliquer Jean-Paul Dumond, on est progressivement passé de
« l’ignorance, voire [du] mépris, dans lequel se tenait réciproquement les deux
mondes, (…) » à [leur] coordination obligée »18. En effet, au départ il y avait peu, si ce n’est
aucune, implication des médecins au sein de la gouvernance de l’hôpital alors que le pouvoir
du directeur, lui, était croissant.
Dans un article19 de 1994 de la revue Communication et organisation, Alain Heriaud
ancien directeur général adjoint du CHU de Bordeaux, distinguait trois dates
clés historiquement: la période avant 1960, les années 1960-1980 et la période après 1980. En
effet, avant 1960, les médecins qui intervenaient à l’hôpital étaient tous à temps partiel. Leur
temps de présence à l’hôpital étant limité, ils ne s’impliquaient guère dans le fonctionnement
de la structure si ce n’est pour venir y soigner individuellement un certain nombre de malades,
ce qui est tout autre chose que de s’intégrer dans une problématique institutionnelle.
De leurs côtés, les directeurs d’hôpitaux disposaient de pouvoirs extrêmement limités
puisqu’ils les partageaient avec le président de la commission administrative – souvent le
maire de la commune – qui, malgré la loi du 21 décembre 1941 et le décret du 17 avril 1943,
disposait toujours de pouvoirs importants dans la structure, notamment en matière de
recrutement et de gestion budgétaire. En 1943, le directeur n’a donc pas de pouvoir propre. Il
est chargé d’exécuter les décisions de la commission administrative de l’hôpital. Par ailleurs,
il ne bénéficie pas de formation spécifique à l gestion. A ses côtés, ce sont le trésorier et
l’économe qui sont chargés de faire vivre matériellement l’hôpital. La même loi dessine
18 Dumond, Jean-Paul, « Santé : Où sont les pouvoirs ? Les conflits de pouvoir à l’hôpital », Revue Sève, Hiver 2003, pages 2 19 Heriaud, Alain, Arnautou, Jean, « Les pouvoirs à l’hôpital : les relations entre médecins et directeurs », Communication et organisation, HS N°1, 1994
~ 23 ~
également les prémices de l’organisation médicale actuelle avec l’organisation des services,
des chefs de service, et la constitution d’une commission médicale consultative dans chaque
établissement.
• De 1960 à 1980 : un accroissement du pouvoir des directeurs d’hôpitaux et de
l’intervention des médecins à l’hôpital dans un contexte budgétaire favorable qui
ne laisse pas place à la communication
Les vingt années les plus riches en ce qui concerne le développement de l’hôpital furent
ensuite, pour Alain Heriaud, les années 1960-1980. En effet, à partir de 1958 et de
l’ordonnance n°58-1198 du 11 décembre 1958 portant réforme hospitalière, les médecins vont
devenir des acteurs de l’hôpital à part entière puisqu’ils vont consacrer la totalité de leur
temps à l’hôpital.
Parallèlement, les directeurs d’hôpitaux reçoivent désormais une formation spécifique
délivrait par une école nationale, dite Ecole Nationale de Santé Publique (ENSP), qui
deviendra l’EHESP au 1er janvier 2007. De plus, les directeurs voient leurs pouvoirs élargis à
l’ordonnancement des dépenses et à la perception des recettes en substitution des pouvoirs
jusqu’alors accordés au président de la commission administrative. Cette mesure ne concerne
que les établissements de moins de deux cents lits, mais elle est significative d’un
dessaisissement des maires présidents-nés au bénéfice des directeurs fonctionnaires
dépendant, pour leur carrière, des ministres et des représentants de l’Etat dans le département.
A ce moment là, la compétence de principe est toujours détenue par la commission
administrative et le directeur est chargé de la « conduite générale de l’établissement ». Par la
suite, avec la loi n°70-1318 du 31 décembre 1970, le directeur obtiendra la compétence de
principe et non plus d’exception.
Cependant, il n’y a pas vraiment de communication entre les médecins et les directeurs à
cette période là car tout va bien, la France connaît une expansion économique très rare dans sa
longue histoire et les hôpitaux sont bénéficiaires de cette prospérité. Ainsi, chacun joue son
rôle sans se soucier des prérogatives de l’autre.
~ 24 ~
• Depuis 1980 : vers une coopération forcée pour faire face aux contraintes
budgétaires
Ce n’est finalement que depuis les années 1980 qu’un changement s’est opéré entre les
médecins et les directeurs à l’hôpital. En effet, à partir des années 1980 on commence à parler
d’hôpital « dépensier », « gaspilleur », « fossoyeur des ressources de l’assurance maladie » et,
toujours selon Alain Heriaud, c’est finalement pour faire face à ces nouvelles contraintes
budgétaires que les directeurs et les médecins vont être obligés de travailler ensemble. En
effet, ces restrictions budgétaires vont fortement impacter les activités des médecins et les
pousser à se préoccuper davantage des modalités de gestion de l’hôpital.
B. Deux mondes qui ont fini par s’affronter
• Un pouvoir médical qui a toujours été présent
Le « pouvoir médical » peut être entendu comme la capacité du corps médical, c'est-à-dire
des professions médicales, à agir au sein de l’institution hospitalière pour revendiquer et faire
valoir leurs droits. Selon Patrick Hassenteufel, il est « plus juste de parler des pouvoirs des
médecins que du pouvoir médical dans l’absolu »20. Celui-ci distingue en effet quatre types de
pouvoirs que les médecins sont susceptibles d’exercer : les pouvoirs professionnel, politique,
économique et social des médecins.
Selon lui, le pouvoir professionnel des médecins renvoie à la monopolisation de l’exercice
des soins (c’est-à-dire la domination des médecins sur les autres soignants), à l’autonomie de
la pratique médicale (c’est-à-dire l’autocontrôle de la profession) et aux rapports de pouvoir
vis-à-vis des patients. En effet, c’est bien parce qu’en 1892 les docteurs en médecine se sont
vu conférer par l’Etat le monopole de l’administration des soins médicaux en France que
l’activité des autres soignants leur est subordonnée. Ainsi, la majeure partie des actes
accomplis par les professions paramédicales dépend du diagnostic effectué par les médecins.
C’est pour cela que l’on parle de professions « prescrites » pour les désigner. Le monopole de
l’exercice des soins des médecins se manifeste donc par leur position dominante dans la
hiérarchie des soins. D’autre part, l’autonomie de la pratique médicale apparaît être un aspect
20 Hassenteufel, Patrick, « Vers le déclin du pouvoir médical ? Un éclairage européen : France, Allemagne, Grande Bretagne. », Pouvoirs N°89 – le pouvoir médical – avril 1999, p.51-64
~ 25 ~
essentiel du pouvoir professionnel des médecins. En effet, la profession médicale s’est
construite historiquement sur la base de la conquête de ce pouvoir d’autonomie. Si l’on suit
les sociologues de la profession médicale, en particulier Elliott Freidson21, la marque du
passage de métier de soignant à celui de profession médicale est l’acquisition d’un statut
garantissant l’autonomie professionnelle. Celle-ci renvoie à deux éléments : d’une part la
pleine liberté de choix du médecin dans la poursuite de l’objectif de la guérison ; d’autre part
le contrôle par la profession elle-même de la pratique médicale dont elle fixe les règles
déontologiques. Historiquement cet autocontrôle s’est traduit par la mise en place d’instances
de représentation professionnelles composées de médecins et chargées de l’observation et du
suivi de l’activité des pairs : le Royal College britannique (créé en 1858), la Chambre des
médecins allemande (mise en place en 1935) ou encore l’Ordre des médecins français
(institué en 1940).
Le pouvoir politique des médecins renvoie quant à lui à la capacité d’intervention des
médecins comme groupe organisé sur les décisions publiques en matière de santé (cf. page
17). Leur pouvoir économique désigne par ailleurs le niveau de revenu des médecins et sa
position dans l’échelle des revenus. En France, un praticien hospitalier (PH) gagne entre
7 700 euros à 12 400 euros par mois, soit environ 9 000 euros par mois, et un praticien
hospitalier – professeur des universités (PU – PH) entre 17 000 euros et 20 000 euros par
mois, soit environ 18 500 euros par mois. Les médecins ont donc des revenus plus élevés que
la majorité des professions en France. Enfin, le pouvoir social des médecins correspond à leur
prestige social, à l’image qu’ils véhiculent auprès de l’opinion publique. Selon Patrick
Hassenteufel, ces différents aspects du pouvoir des médecins sont interdépendants et
interagissent constamment entre eux.
Le pouvoir médical a donc toujours été présent en France, se traduisant à travers le poids à
la fois professionnel, politique, économique et social des médecins. Néanmoins, la présence
des professions médicales au sein des instances de gouvernance de l’hôpital public ne s’est
faite que plus tardivement. Le pouvoir institutionnel et décisionnel des médecins fut donc plus
tardif.
21 La Profession médicale, Paris, Payot, 1984
~ 26 ~
• Une représentation plus récente des médecins au sein des instances de
gouvernance de l’hôpital public
Créée en 1943 avec l’adoption du premier statut de médecin hospitalier (à temps
partiel), l’organisation médicale en services et la chefferie de service, la commission médicale
consultative (CMC) est devenue la commission médicale d’établissement (CME) en 1987. Ce
changement d’appellation a fait suite à l’évolution des attributions de la commission qui de
simple organe consultatif et devenue partiellement un organe de co-gestion. En application de
l’ordonnance n°2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des établissements de
santé, un décret n°2005-767 du 7 juillet 2005 avait à nouveau étendu les attributions de cette
instance. Celle-ci ainsi que sa composition furent ensuite modifiées par un décret n°2010-439
du 30 avril 2010 qui fut adopté suite à la loi HPST de 2009 et qui diminuait les attributions de
la CME. Toutefois, suite à l’adoption de deux décrets n°2013-841 et 2013-842 du 20
septembre 2013 la CME a vu ses attributions à nouveau rehaussées.
La composition de la CME, fixée à l’article R. 6144-3 du Code de la santé publique,
varie en fonction de la nature de l’établissement (CH ou CHU). Ainsi dans les CH, elle est
composée :
- de l’ensemble des chefs de pôle d’activités cliniques et médico-technique de
l’établissement lorsque l’établissement compte moins de onze pôles, au-delà le
règlement intérieur de l’établissement détermine le nombre de représentants élus par et
parmi les chefs de pôle, ce nombre ne pouvant être inférieur à dix ;
- des représentants élus des responsables des structures internes, services ou unités
fonctionnelles ;
- des représentants élus des praticiens hospitaliers titulaires de l’établissement ;
- des représentants élus des personnels temporaires ou non titulaires et des personnels
contractuels ou exerçant à titre libéral de l’établissement ;
- des représentants élus des sages-femmes si l’établissement dispose d’une activité de
gynéco-obstétrique (et non plus seulement un représentant22) ;
- des représentants des internes.
22 Depuis le décret du 20 septembre 2013
~ 27 ~
Assiste également à la commission avec voix consultative :
- le président du directoire ou son représentant, qui peut se faire assister de toute
personne de son choix ;
- le président de la CSIRMT ;
- le praticien responsable de l’information médicale ;
- le représentant du CTE, élu en son sein ;
- le praticien responsable de l’équipe opérationnelle d’hygiène ;
- un représentant des pharmaciens hospitaliers désigné par le directeur de
l’établissement.
Par ailleurs, dans les CHU, la CME compte également des représentants élus des
personnels enseignants et hospitaliers titulaires de l’établissement et assiste également avec
une voix consultative les directeurs d’unité de formation et de recherche de médecine ou le
président du Comité de coordination de l’enseignement médical et, quand ils existent, le
directeur d’unité de formation et de recherche de pharmacie et le directeur d’unité de
formation et de recherche d’odontologie.
Ajoutons que la répartition et le nombre des sièges au sein de la CME sont déterminés,
pour chaque catégorie, par le règlement intérieur de l’établissement qui assure en son sein une
représentation minimale et équilibrée de l’ensemble des disciplines de l’établissement (CSP,
art. R. 6144-3-2).
L’ensemble des médecins est donc représenté au sein de la CME qui dispose d’un
véritable pouvoir de décision au sein de l’institution hospitalière. En effet, la loi du 24 juillet
1987, complétée par la loi portant réforme hospitalière du 31 juillet 1991, avait transformé le
rôle de l’ancienne CMC en donnant à la nouvelle CME un rôle de cogestion de
l’établissement en partenariat avec le conseil d’administration (CA). La volonté d’associer
davantage encore les praticiens à la gestion de leur établissement était présente dans les
nouvelles attributions ressortissant du décret du 9 juillet 2005. Les attributions antérieures,
déjà nombreuses, étaient maintenues, mais aussi élargies notamment à la consultation sur tous
les projets de délibération du conseil d’administration, donnant ainsi un véritable droit de
regard de la CME sur la totalité de la politique de l’établissement ; enfin elles étaient
renforcées puisque la CME était chargée d’organiser l’évaluation des pratiques
~ 28 ~
professionnelles des praticiens, devenue obligatoire depuis l’entrée en vigueur de la loi du 9
août 2004 relative à la politique de santé publique.
Les dispositions issues de la réforme HPST opèrent une refonte de ses attributions
pour tenir compte de celles désormais reconnues au directoire. Depuis 2009, la CME a donc
vu ses attributions restreintes à une fonction consultative sur divers matière et une fonction de
proposition en ce qui concerne la politique d’amélioration continue de la qualité et de la
sécurité des soins. Néanmoins, nous verrons que depuis les décrets du 20 septembre 2013,
certaines matières qui ne faisaient l’objet que d’une simple information seront désormais
soumises pour avis à la délibération de la CME. Par ailleurs, plusieurs matières nouvelles
apparaîtront désormais dans le champ consultatif de la CME.
Ainsi, toutes ces attributions donnent un réel pouvoir aux médecins dans la définition et la
mise en œuvre de la politique de l’établissement. En effet, comme le fait remarquer Alain
Heriaud, « la CME est un lobby extrêmement puissant dans la définition de la politique de
l’hôpital. »23 Par ailleurs, la CME dispose également de sous-commissions créées au fil des
législations dans le domaine notamment des différentes vigilances sanitaires. C’est le cas
notamment du comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN), de la commission
du médicament et des dispositifs médicaux stériles (Comedims), etc. Ces différentes
commissions ne sont plus obligatoires depuis le décret de 2010, néanmoins elles contribuent
toujours à la prise de décision en matière de qualité et de sécurité des soins tant leurs avis sont
pris en compte par la CME et la CSIRMT.
D’autre part d’autres caractéristiques permettent de penser que les médecins disposent de
réels pouvoirs de décision au sein des instances de gouvernance de l’hôpital public en France.
En effet, le président de la CME, élu parmi les praticiens titulaires pour quatre ans
renouvelable une fois, joue notamment un rôle important au niveau de la gouvernance de
l’établissement puisque, outre ses fonctions au sein de la CME, il représente également ses
pairs au sein du directoire où il occupe la fonction de vice-président. Les médecins occupent
également des postes importants au sein des pôles avec la création de la fonction de
23 Heriaud, Alain, Arnautou, Jean, « Les pouvoirs à l’hôpital : les relations entre médecins et directeurs », Communication et organisation, HS N°1, 1994
~ 29 ~
responsable de pôle en 2005 et la mise en place d’une contractualisation et d’une délégation
de gestion au niveau du pôle.
Enfin, outre les médecins, les infirmières jouent également un rôle important dans la
définition et la mise en œuvre de la politique de l’établissement. En effet, leur rôle n’a cessé
d’augmenter depuis que Simone Veil, alors ministre de la santé, a créé le statut d’infirmière
générale en 1975. En 1975, le rôle de l’infirmière générale se situe auprès du directeur général
et à l’intérieur de l’équipe de direction. Par ailleurs, elle siège à la CMC avec voix
délibérative. En 1989, un deuxième décret statutaire de l’infirmière générale est adopté. Celle-
ci est désormais considérée comme une fonctionnaire catégorie A, membre de l’équipe de
direction. A ce moment là, elle n’est plus membre de la CME (ancienne CMC) mais elle y
assiste de droit. Par la suite, la loi Evin de 1991 a créé le service des soins infirmiers dont la
direction a été confiée à l’infirmière générale. Celle-ci présidait la commission du service des
soins infirmiers (CSSI) et le CSSI était représenté à la CME et au CA. Par ailleurs, cette loi
intègre le projet de soins infirmiers au sein du nouveau projet d’établissement. Depuis, la
fonction de directrice des soins infirmiers, de réadaptation et médico-techniques, a été créée
en 2002. Coordinatrice générale des soins, celle-ci est présidente de la CSIRMT et membre de
droit du directoire. Nommée par le chef d’établissement et membre de l’équipe de direction,
la directrice des soins dispose également, par délégation du chef d’établissement, de l’autorité
hiérarchique sur l’ensemble des cadres de santé.
• Une confrontation du pouvoir médical et du pouvoir administratif
Ces dernières années, les médecins et infirmières ont donc acquis une place importante au
sein des instances de gouvernance de l’hôpital public en France et cela n’est pas allé sans une
augmentation des conflits de pouvoir entre corps administratif et médical. En effet, alors que
le climat était clément entre 1960 et 1980, les contraintes budgétaires qui apparaissent au
début des années 1980 vont amener les autorités publiques à faire des choix et ceux-ci ne
satisferont pas toujours l’ensemble du personnel médical des établissements de santé. Depuis
les années 1980 les directeurs d’hôpitaux demandent en effet davantage d’efforts aux
médecins dans la gestion de leurs activités afin de réduire les dépenses de santé et de maîtriser
le déficit public. Les contraintes budgétaires ont donc été créatrices de discorde entre
médecins et directeurs puisque les médecins se sont massivement opposés à la maîtrise des
~ 30 ~
dépenses que voulaient leur imposer les directeurs, revendiquant une approche médicale et
non une approche purement gestionnaire.
Cette opposition des médecins est également due à leur perte de pouvoir progressive. En
effet, selon Patrick Hassenteufel, le pouvoir professionnel des médecins paraît aujourd’hui
menacé. En effet, la priorité accordée par les pouvoirs publics à la maîtrise des dépenses de
santé depuis les années 1980 transforme en profondeur la définition de la finalité et des
critères d’évaluation de la pratique médicale. Comme l’explique Hassenteufel, « D’après le
serment d’Hippocrate, le médecin doit tout faire, selon les moyens et les connaissances dont il
dispose, pour soigner son patient. Le critère primordial voire unique est celui de l’efficacité
thérapeutique. Or, avec les politiques de maîtrise des dépenses de santé, le critère des coûts,
l’évaluation économique des actes médicaux occupe une place croissante, ce qui modifie les
conditions mêmes de la pratique médicale. Le médecin ne doit plus seulement guérir, mais
aussi contribuer à l’équilibre financier des systèmes de protection sociale ! On assiste à une
transformation de l’activité médicale car celle-ci est de plus en plus considérée comme une
activité économique, ou tout au moins comme une activité susceptible de faire l’objet d’une
évaluation économique. »24 De plus, les objectifs que les médecins doivent respecter sont
définis avant tout comme des objectifs économiques et non pas comme des objectifs
sanitaires. Il s’agit donc bien, pour Hassenteufel, d’une « économisation» de la pratique
médicale dans la mesure où il est demandé au médecin non seulement de soigner mais aussi
de contribuer à l’équilibre financier de l’assurance maladie et de prendre en compte dans sa
pratique individuelle le coût économique de ses actes.
24 Hassenteufel, Patrick, « Vers le déclin du pouvoir médical ? Un éclairage européen : France, Allemagne, Grande Bretagne. », Pouvoirs N°89 – le pouvoir médical – avril 1999, p.51-64
~ 31 ~
our conclure, le choc culturel qui existe entre médecins et directeurs en France ne
pouvait que les conduire à un conflit de pouvoir au sein des instances de
gouvernance de l’hôpital public. En effet, médecins et directeurs appartiennent à
deux sous-ensembles très différents, tant historiquement, que politiquement ou culturellement.
Tout, de la formation à la fonction en passant par la carrière et l’adaptation au changement,
semble opposer ces deux corps de métiers. Leur logique, tournée vers le soin pour l’un et
tournée vers la gestion pour l’autre, les conduisent à adopter des positions différentes quant à
la gestion de l’établissement.
Conflit d’intérêts révélateur de fonction, responsabilité et devoir différents, celui-ci s’est
donc progressivement cristallisé au sein de la gouvernance des hôpitaux publics en France et
ce d’autant plus depuis les années 1980 où les pouvoirs publics vont commencer à accorder
une priorité absolue à la maîtrise des dépenses publiques et notamment des dépenses de santé.
Ainsi, même si les deux mondes se sont longtemps ignorés, du fait de la faible implication des
médecins dans la gestion de l’hôpital, l’accroissement des responsabilités de ces derniers au
sein des instances de gouvernance et la nouvelle nécessité de maîtrise des dépenses de santé
va finalement les forcer à se rencontrer autour de la gestion de l’hôpital au profit du malade.
P
~ 32 ~
DEUXIÈME PARTIE
Deux mondes qui, par la force de l’évolution,
se sont rencontrés autour de la gestion,
au profit du malade
A l’hôpital tout sépare les médecins des directeurs. Néanmoins, face aux nouvelles
contraintes budgétaires qui frappent les établissements de santé et l’ensemble des pouvoirs
publics depuis les années 1980, ces deux acteurs vont être dans l’obligation de coopérer afin
de pouvoir continuer de garantir une bonne gestion de l’établissement au profit du malade.
Face à cette nécessité, les pouvoirs publics se sont donc atteler à réformer la gouvernance
hospitalière.
Selon Monique Cavalier, Richard Dalmasso et Jean-Jacques Romatet, nous faisons face à
une « adaptation douloureuse et permanente de l’hôpital public, au service du public, dans
une société toujours en avance d’une révolution car toujours en retard d’une réforme » 25.
Pour Bruno Palier « chaque réforme hospitalière opère un arbitrage entre quatre objectifs »
26 : l’égalité d’accès aux soins, la qualité des soins, la viabilité financière et la liberté des
acteurs, réactivité du système. Ainsi, depuis les années 1990, les réformes hospitalières ont
toutes été orientées par le souci de réduire, ou au moins de contrôler, les dépenses de santé
tout en maintenant la qualité, l’égalité et la continuité du service public hospitalier.
Depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000, les différentes réformes
hospitalières ont ainsi permis d’instaurer une nouvelle gouvernance à l’hôpital, favorisant la
coopération médico-administrative (I) et permettant un rééquilibrage des pouvoirs entre
médecins et directeurs au sein des instances de gouvernance (II).
25 Jean-Jacques Romatet in Médecins, Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, Erès, 2002, page 9 26 Bruno Palier, La réforme des systèmes de santé, Que-sais-je ?, PUF, 6ème édition, 2012, page 122
~ 33 ~
I. De la cohabitation à « l’hôpital stratège » : la création
d’une nouvelle gouvernance hospitalière
Depuis la fin des années 1980, nous sommes progressivement passés d’une simple
cohabitation à une véritable coopération stratégique entre médecins et directeurs et cette
coopération fut notamment favorisée par la mise en place du projet d’établissement en 1991
(A) et à l’instauration des pôles d’activité en 2005 (B).
A. La réforme du 31 juillet 1991 : l’union des médecins et directeurs
autour d’une vision commune, le projet d’établissement
• Le projet d’établissement, une nouvelle nécessité
« Médecins et directeurs, seuls, l’eau et le feu se combattent. Ensemble, ils font la qualité
de l’acier. Le projet commun peut résulter, comme l’acier, de l’action combinée de l’eau et
du feu. » 27 Cette phrase de Jean-Pierre Claveranne illustre bien le fait que malgré leurs
différences, les médecins et les directeurs d’hôpitaux ont fait le même choix : être au service
du malade. Il est donc intéressant de valoriser leurs différences en construisant un projet
solide pour l’hôpital autour de leurs actions complémentaires.
La loi n°91-748 du 31 juillet 1991, dite « loi Evin », va obliger les hommes à collaborer.
En effet, l’article 8 de cette loi (qui crée l’article L. 714-11 du code de la santé publique) pose
la nécessité d’établir un projet d’établissement dans chaque hôpitaux : « Le projet
d'établissement définit, notamment sur la base du projet médical, les objectifs généraux de
l'établissement dans le domaine médical et des soins infirmiers, de la politique sociale, des
plans de formation, de la gestion et du système d'information. Ce projet, qui doit être
compatible avec les objectifs du schéma d'organisation sanitaire, détermine les moyens
d'hospitalisation, de personnel et d'équipement de toute nature dont l'établissement doit
disposer pour réaliser ses objectifs. Le projet d'établissement est établi pour une durée
maximale de cinq ans. Il peut être révisé avant ce terme. »
27 Jean-Pierre Claveranne in Médecins, Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, Erès, 2002, page 34
~ 34 ~
Dans cet esprit, le budget est un moyen de réaliser le projet voté par le conseil
d’administration. On passe d’une logique budgétaire stricte à une logique de projet, ce qui
permet l’adaptation permanente de l’hôpital à l’évolution des soins. Une fois que le préfet a
voté l’enveloppe globale, il appartient désormais au conseil d’administration de faire les
ventilations sans que celles-ci soient soumises à l’approbation de l’Etat. D’une certaine
manière, c’en est donc fini du budget global traditionnel. La dotation variera selon les
établissements, selon l’activité réelle et la qualité du projet. Autre conséquence de cette plus
large autonomie, les directeurs d’établissement verront leurs pouvoirs augmenter.
Cette nouvelle logique de projet a donc vocation à permettre une plus grande concertation
et un meilleur dialogue social. Comme l’expliquait Jean Arnautou, « la réunion peut avoir
cette vertu très particulière de déboucher sur une décision éthique. Le président de la CME et
le directeur d’établissement sont constamment en conflits et c’est pour les résoudre que l’on a
créé les commissions. » 28 Ainsi, afin d’améliorer la concertation, les compétences de la CME
ont également été accrues. C’est elle en particulier qui prépare le projet médical avec le
directeur.
• De nouvelles instances de concertation
D’autre part, plusieurs autres structures de concertation ont été créées avec la loi Evin du
31 juillet 1991. La représentation du personnel non-médical est organisée dans de nouvelles
structures puisque est créé un comité technique d’établissement (CTE) où les syndicats seront
plus largement représentés que dans l’ancien comité technique paritaire. Par ailleurs, au sein
de chaque service ou département est organisé un conseil de service ou de département. En
effet, les structures de soins sont organisées en services ou en départements, mais la
nouveauté est que ces deux appellations correspondent à une structure de même importance,
composée d’unités fonctionnelles. La seule différence réside dans le fait que le chef de service
reste nommé par le ministre alors que le chef de département est nommé par le conseil
d’administration, sur proposition des praticiens du service. Ainsi, au sein de ces structures, un
conseil de service ou de département est créé afin de renforcer la concertation entre les
membres de l’équipe soignante. Outre le règlement de problèmes de la vie quotidienne
(planning, vacances, équipements, etc.) il aura à élaborer, dans le cadre du projet
28 Jean Arnautou, Président de la CME du CH d’Agen in Des pouvoirs à l’hôpital : les relations entre médecins et directeurs, Revue « Communication et organisation », HS N°1, 1994
~ 35 ~
d’établissement, un projet de service ou de département. Celui-ci devra déterminer les axes de
développement et d’activité du service, ainsi que son mode d’organisation et ses équipements.
Enfin, en vue de reconnaître la spécificité des soins infirmiers, un collège des soins infirmiers
sera créé.
Avec la création de ces différentes structures de concertation – le CTE, le conseil de
service ou de département et le collège de soins infirmiers – le législateur espère faire en sorte
que chacun, médecin ou non, se sente concerné par les décisions prises au sein de
l’établissement. En effet, dans cette réforme, on met l’axent sur la création de consensus et la
responsabilisation des acteurs. Les débats qui ont lieu dans les différentes instances de
concertation ont pour objet de créer un consensus.
• Entre création de consensus et responsabilisation des acteurs
En ce qui concerne la relation des médecins et des directeurs, leur dialogue autour du
projet médical, cœur du projet d’établissement, apparaît comme une meilleure méthode de
management pour la gestion des conflits. Le plus important, comme le rappel Jean Arnautou,
c’est que la communication entre les acteurs ne soit jamais interrompue et que le débat mène à
une décision commune sur la meilleure solution pour la prise en charge optimale des patients.
C’est pourquoi, selon lui, « le projet d’établissement doit porter sur une stratégie médicale,
c'est-à-dire sur la définition d’objectifs médicaux. Il faut que ce soit un engagement, une
motivation, une action dynamique. Il en va de la survie de l’hôpital. »29.
Pour les auteurs de l’ouvrage Médecins, Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, l’alliance
entre médecins et directeurs doit se faire dans l’objectif d’une prise en charge globale du
patient. « Un « pacs » médecins-directeurs représente certainement une bonne opportunité
pour l’hôpital. Chacun, tant dans l’organigramme hiérarchique qu’au niveau plus
symbolique des représentations de chacun, représente un pouvoir, est appréhendé comme un
dépositaire d’un pouvoir, d’une autorité… Ils ont donc tous deux une responsabilité, de règle
et de symbole, pour mettre en marche la transformation de la machine hospitalière. Il doit
donc s’agir d’un « pacs de raison », contrat conclu sous conditions et dans l’optique d’une
transformation réfléchie de l’activité. (…) Une volonté de transformation de l’hôpital et de
29 Jean Arnautou, Président de la CME du CH d’Agen in Des pouvoirs à l’hôpital : les relations entre médecins et directeurs, Revue « Communication et organisation », HS N°1, 1994
~ 36 ~
son environnement nécessite une réflexion approfondie sur la mission de l’établissement (…)
en s’intéressant à la globalité de la personne prise en charge, tant dans les dimensions
médico-soignantes traditionnelles que dans les dimensions logistiques et plus matérielles, qui
participent à la prise en charge du patient. »30
• De nouvelles responsabilités pour le couple médecin-directeur : croiser les
cultures et animer le « faire ensemble »
Finalement, médecins et directeurs avancent en discutant car ils apprennent chacun
beaucoup de l’autre culture. Croiser les cultures enrichie les dialogues, construit les débats,
pousse à la critique et à la formation de nouveaux savoirs issus de différents points de vue. Au
début des années 2000, l’Ecole centrale de Paris a développé une expérience originale et
fructueuse : proposer à chaque corps de l’hôpital des formations passerelles vers les autres
cultures. Une expérience qui a été nommée « croiser les formations ». Il est ressorti de cette
expérience que, « que ce soit quand les praticiens mènent l’enquête sur les investissements ou
quand les directeurs découvrent la prise en charge de l’accident vasculaire cérébral, un
travail cognitif et de construction de leur cadre de référence s’enclenche. (…) Ces
sensibilisations, dont l’objectif est l’acquisition des connaissances, suscitent et organisent une
démarche constante vers la compréhension des logiques et des enjeux. » 31 Le croisement des
cultures gestionnaire et soignante peut donc permettre d’améliorer la prise en charge globale
des patients. Il est donc important que médecins comme directeurs partagent leurs points de
vue et apprennent de la culture de l’autre lors des réunions qui les amènent à se prononcer sur
un projet commun pour l’établissement.
Par ailleurs, le couple médecin-directeur doit animer le « faire ensemble » à l’hôpital.
C’est de leur capacité à responsabiliser les acteurs qui sont sous leur autorité qu’il est
question. « De [leur capacité] de promouvoir, d’imposer la vraie délégation de
responsabilités, la mise en place, autour de process principaux d’activité, qui vertèbrent et
qui font le service rendu, de véritables équipes responsables, par les résultats qu’elles
obtiennent, de leur activité. C’est avancer vers l’obligation de résultats dans des zones de
responsabilité clairement définies. (…) Le segment directeur-médecin se voit donc plutôt dans
30 Jean-Michel Larrasquet et Isabelle Franchisteguy in Médecins, Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, Erès, 2002, pages 96 et 97 31 Monique Cavalier, Michèle Sérézat et Jean-Dominique Tortuyaux, in Médecins, Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, Erès, 2002, page 75
~ 37 ~
le rôle de la mise en place d’un « système de pilotage » c'est-à-dire de la fixation de la
structuration de l’activité, des grandes orientations, des grands arbitrages, de la définition
des principales guidelines qui vont encadrer l’activité des collaborateurs. (…) Néanmoins,
cela se fonde sur la confiance car le directeur reste légalement responsable. »32
Le projet d’établissement apparaît donc être un outil indispensable pour permettre aux
directeurs et aux médecins de concevoir ensemble une vision commune des missions qui
doivent être assumées par l’établissement et fédérer ensemble les équipes soignantes et
administratives autour de cette vision. La meilleure prise en charge des patients est ainsi
davantage perçue de manière globale avec un décloisonnement des métiers et une
collaboration des acteurs à l’hôpital et en dehors. Les médecins et directeurs qui se trouvent
être à la tête des instances de gouvernance de l’hôpital ont donc pour mission de diriger, au
sens d’indiquer une direction, afin que chacun se sente effectivement partie prenante d’un
collectif.
B. La réforme 2005 : la gestion par pôles, illustration d’une meilleure entente entre médecins et directeurs
• La recherche d’une alliance médico-administrative stratégique et globale
Dans la notion de « gouvernance hospitalière », il y a l’idée, depuis les années 2000, de
mettre en œuvre des contre-pouvoirs médicaux et d’associer, de façon croissante, les
praticiens à la prise de décision au sein des établissements de soins. En effet, de nombreux
rapports, tel que le rapport Couanau de 2003, ont dénoncé le cloisonnement médico-
administratif de l’hôpital et revendiqué la mise en place d’une nouvelle gouvernance
hospitalière. Ainsi, même si la réforme de 1991 allait déjà dans ce sens avec la mise en place
du projet d’établissement (qui est confirmé par la l’ordonnance de 2005), c’est avec
l’ordonnance n°005-406 du 2 mai 2005 que l’alliance médico-administrative va réellement
être mise en œuvre.
La réforme de 2005 va en effet poser les bases et les objectifs de cette « nouvelle
gouvernance hospitalière » en recherchant une alliance médico-administrative à la fois
32Jean-Michel Larrasquet et Isabelle Franchisteguy, in Médecins, Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, Erès, 2002, pages 100 et 101
~ 38 ~
stratégique et globale au niveau des instances de gouvernance de l’établissement, et de nature
fonctionnelle avec la création des pôles d’activités.
La création d’un conseil exécutif par l’ordonnance du 2 mai 2005 montre bien la volonté
des législateurs d’associer davantage les praticiens à la gestion et à la mise en œuvre des
orientations fondamentales de l’établissement. En effet, le conseil exécutif est une instance de
gouvernance qui associe à parité le directeur et les membres de l’équipe de direction désigné
par le directeur d’une part et, d’autre part, le président de la commission médicale
d’établissement (CME) et les médecins désignés par la CME, dont au moins la moitié doivent
être des chefs de pôles, avec, pour les CHU, le directeur de l’UFR ou le président du comité
de coordination de l’enseignement et le président de commission de recherche. Le conseil
exécutif est présidé par le directeur et le nombre de membres est fixé par une décision
conjointe du directeur et du président de la CME, dans des limites fixées par décret.
Cette nouvelle instance a pour mission de préparer et de suivre la mise en œuvre du projet
d’établissement, du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), du projet médical,
du plan de formation continue et d’évaluation des médecins (en lien avec la CME), et des
éventuels plans de sauvegarde ou de redressement. Par ailleurs, il donne son avis sur la
nomination des responsables de pôles et des chefs de services et désigne les professionnels de
santé qui participeront aux travaux conjoints de la commission des soins. L’objectif de cette
instance est clairement de permettre un rapprochement des acteurs médicaux et administratifs
et de créer un véritable lieu de décisions partagées entre la direction générale et les
représentants de la CME.
L’ordonnance du 2 mai 2005 favorise également l’alliance médico-administrative au
niveau des instances consultatives puisqu’elle recentre le conseil d’administration sur ses
missions stratégiques d’évaluation et de contrôle et elle lui permet de constituer, après avis
conforme de la CME et du comité technique d’établissement (CTE), à titre expérimental et
pour une durée de quatre ans, un comité d’établissement se substituant à ces deux instances.
Ce comité est constitué à parité de représentants désignés par la CME et le CTE sous la
présidence du directeur.
~ 39 ~
• La recherche d’une alliance médico-administrative fonctionnelle
La nouvelle gouvernance introduite par l’ordonnance du 2 mai 2005 conduit par ailleurs à
mettre en place une alliance fonctionnelle des personnels administratifs et médicaux en créant
des pôles d’activité mis en place par le conseil d’administration sur proposition du conseil
exécutif.
Les pôles sont pilotés par un médecin « responsable de pôle » (qui sera ensuite « chef de
pôle » avec la loi HPST de 2009) nommé par décision conjointe du directeur et du président
de la CME (et du directeur de l’UFR médicale dans les CHU), ce qui témoigne, encore une
fois, de cette alliance médico-administrative recherchée par la nouvelle gouvernance
hospitalière. Ce responsable est accompagné d’un directeur administratif référent (aujourd’hui
« directeur délégué ») qui représente la direction générale et veille à ce que le pilotage du pôle
soit conforme aux objectifs fixés par le comité stratégique (aujourd’hui « comité exécutif »).
De plus, selon les activités du pôle, il est également assisté d’au moins un cadre de santé pour
l’organisation, la gestion et l’évaluation des activités et un cadre administratif. Un véritable
triumvirat médico-administratif est ainsi placé à la tête du pôle.
La notion d’alliance médico-administrative se concrétise également au travers des
mécanismes de contractualisation internet et de délégation de gestion définis par l’article L
6145-16 du Code de la santé publique. Cet article dispose que « les établissements publics de
santé mettent en place des procédures de contractualisation interne avec leurs pôles
d’activité, qui bénéficient de délégation de gestion de la part du directeur. Le contrat négocié
puis consigné entre le directeur et le président de la CME, d’une part, et chaque responsable
de pôle d’activité, d’autre part, définit les objectifs d’activité, de qualité et financiers, les
moyens et les indicateurs de suivi des pôles d’activité, les modalités de leur intéressement aux
résultats de leur gestion, ainsi que les conséquences en cas d’inexécution du contrat. »
Parallèlement, le directeur de l’établissement délègue au pôle une partie de ses
compétences de gestion. Les conditions d’exécution du contrat, notamment la réalisation
d’objectifs assignés au pôle, font l’objet d’une évaluation annuelle entre les cosignataires
selon des modalités et sur la base de critères définis par le conseil d’administration après avis
du conseil de pôle, de la CME et du conseil exécutif. Par ailleurs, le responsable de pôle
élabore un projet de pôle comportant obligatoirement un volet relatif à la qualité et à
~ 40 ~
l’évaluation des soins. Il met en œuvre la politique générale de l’établissement au sein du pôle
et les moyens correspondant aux objectifs assignés au pôle. Ainsi, il organise le
fonctionnement technique du pôle.
La mise en place de cette délégation de gestion montre bien qu’il est possible de mobiliser
des équipes hospitalières sur des efforts de gestion et d’enclencher une réelle responsabilité
médico-économique des médecins dans un environnement où la tarification à l’activité (T2A)
a imposé aux établissements de santé une gestion fine de leurs coûts et activités. Ainsi, grâce
à ces nouveaux contrats de pôles la direction responsabilise les acteurs et les oblige à un
résultat. Néanmoins, pour que ce nouveau dispositif fonctionne, il est nécessaire de prévoir,
en parallèle de la délégation des compétences, des plans de formation à la gestion pour les
responsables de pôles. Le recours à une démarche de contractualisation des pôles d’activité –
dotés d’une masse critique suffisante pour constituer le support d’une gestion déconcentrée –
a ainsi pour objectif de permettre le « décloisonnement » des hôpitaux et d’améliorer in fine
aussi bien la prise en charge des patients que la qualité du travail pluridisciplinaire.
La « nouvelle gouvernance » est donc une nouvelle approche de management ayant
comme objectif principal de moderniser la gestion interne des hôpitaux publics en favorisant
une alliance constructive entre les personnels médicaux et administratifs. Ainsi, en associant
les médecins à la gestion, en responsabilisant les acteurs et en promouvant l’efficacité des
soins et l’efficience de la gestion, cette « nouvelle gouvernance » devrait parvenir à créer une
vision commune et partagée des décisions au sein des instances de gouvernance de l’hôpital
public.
D’après le docteur Jean-Pierre Bedos33, président de la CME du centre hospitalier de
Versailles, il s’agit là d’une profonde « révolution culturelle » cherchant à mettre en place une
gestion de proximité, simultanée et transparente entre les différents acteurs de l’hôpital,
parfois éloignés dans leur conception de leurs missions. Ce nouvel « art de vivre » au sein de
l’hôpital doit conduire à une responsabilisation commune médicale et administrative sur
l’ensemble des décisions fondamentales prises pour le fonctionnement de l’hôpital. Ce
management « partagé des contraintes » doit permettre une maîtrise de l’ensemble des
33 Jean-Pierre Bedos in « Pôles – Pour qui ?, Pourquoi ? », FHF – Dimension Médicale – Avril-Mai 2006
~ 41 ~
processus pour une meilleure qualité de prise en charge des « séjours patients » amenant
indirectement à une meilleure maîtrise des coûts.
• Une nouvelle gouvernance qui semble prometteuse
Très vite, cette nouvelle organisation a montré que le périmètre du service était trop étroit
pour permettre la prise en charge coordonnée du patient dans une logique de parcours de
soins, ainsi que la mutualisation des capacités de prise en charge, des ressources humaines et
matérielles. Selon un article de la Revue hospitalière de France34, trois facteurs semblent
expliquer la réussite des pôles :
- le développement d’une stratégie médicale : déclinaison organisationnelle du projet
médical au sein des pôles avec la constitution d’un projet médical de pôle ;
- l’effet taille : la taille des pôles est souvent importante, avec une variante en fonction
des CH (120 à 140 lits) et des CHU (200 à 250 lits) ;
- le trio soudé et complémentaire à la tête des pôles : le médecin exerce le plus souvent
le management des équipes médicales, le cadre soignant des personnels paramédicaux
et le cadre administratif assure le suivi du compte résultat, le benchmark et la gestion
quotidienne des ressources déléguées.
Ces conditions remplies, le pôle devient un atout pour la performance de l’établissement.
Il permet de passer de l’opacité et de la globalisation des problèmes à une plus grande
transparence, ainsi qu’à une plus grande précision dans le pilotage des activités et le suivi des
coûts. Rapprochant la décision du terrain, le pôle a un effet de responsabilisation et de
transparence plus important qu’auparavant. Enfin, l’analyse des déficits met en évidence
qu’ils sont concentrés dans certains établissements parmi les plus importants et, au sein de
ceux-ci, sur certains pôles. De fait, l’on comprend que certains établissements sont en
difficultés à cause de certains pôles. Il revient alors au directeur d’agence de prendre les
mesures qui s’imposent ou d’apporter les financements nécessaires au maintien de ces
activités.
34 « Quel avenir pour les pôles ?», RHF – N°531 – Novembre-Décembre 2009
~ 42 ~
Ces avancées dans la modernisation des établissements ne sauraient masquer les points
faibles. Toujours selon l’article de la Revue hospitalière de France, trois limites semblent
toucher la gestion en pôles d’activité :
- les systèmes d’information : très souvent insuffisants, ils ne sont pas en mesure
d’apporter rapidement au pôle les éléments d’aide à la décision ;
- l’effet taille pour les petits établissements et le déficit managérial : les pôles sont
quelques fois artificiels et n’apportent aucune plus-value, notamment pour les petits
établissements ;
- L’autorité encore insuffisante du responsable de pôle sur ses confrères et ses
difficultés à impulser le changement (à titre d’exemple, l’insuffisant développement
de l’activité ambulatoire) : ce manque d’autorité peut rapidement s’avérer paralysant.
En ce sens, la loi HPST de 2009 offrira de réelles perspectives de développement en
confirmant le pôle et en renforçant le rôle du responsable de pôle devenu « chef de pôle ».
II. Le rééquilibrage des pouvoirs entre médecins et
directeurs : fruit des récentes réformes hospitalières
Depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000, les différentes réformes
hospitalières ont ainsi permis d’instaurer une nouvelle gouvernance à l’hôpital, favorisant la
coopération des médecins et des directeurs au travers des logiques de concertation,
contractualisation, délégation et projet. Par ailleurs, afin d’obtenir une véritable collaboration
entre médecins et directeurs il fut également nécessaire d’équilibrer les pouvoirs de ces
derniers au sein des instances de gouvernance de l’hôpital. Ainsi, alors que la loi HPST de
2009 renforce les pouvoirs du directeur (A), le projet de réforme Touraine de 2013 envisage
un rééquilibrage des forces en faveur du médecin (B).
~ 43 ~
A. La loi HPST de 2009 : « un seul patron à l’hôpital »
• Un renforcement des pouvoirs du directeur …
La loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à
la santé et aux territoires, loi dite « HPST » ou « Bachelot », avait pour objectif de réorganiser
et de moderniser l’ensemble du système de santé. Elle va considérablement renforcer le rôle
du directeur. Celui-ci « conduit la politique générale de l’établissement ». Il représente
l’établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice. Il dispose de larges
pouvoirs au sein de l’établissement.
Le directeur dispose tout d’abord d’un pouvoir de nomination au sein de l’établissement.
En effet, il propose au directeur général du centre national de gestion (CNG) la nomination
des directeurs adjoints et des directeurs de soins après avis des commissions administratives
paritaires (CAP). De plus, sur proposition du chef de pôle ou du responsable de la structure
interne, et après avis du président de la CME, il propose au directeur général du CNG la
nomination et la recherche d’affectation des personnels médicaux pharmaceutiques et
odontologiques. En tant que chef d’établissement il exerce par ailleurs son autorité sur
l’ensemble du personnel dans le respect des règles déontologiques et professionnelles.
Le directeur dispose également de larges pouvoirs en ce qui concerne l’exécution du
budget et la contractualisation avec le directeur général de l’ARS. En effet, il est, depuis la loi
HPST du 21 juillet 2009, ordonnateur des dépenses et des recettes de l’établissement et il
conclut, après avoir consulté le Directoire (qui vient remplacer le conseil exécutif) qu’il
préside, le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) et les délégations de service
public (DSP) avec le directeur général de l’ARS.
Enfin, le directeur reste le seul responsable de l’établissement en cas de contentieux
juridique et ce depuis l’arrêt du tribunal de grande instance de la Seine du 6 décembre 1966
qui définie la responsabilité pénale du directeur d’hôpital (T.G.I. Seine, 6 décembre 1966,
Hôpital communal de Puteaux).
~ 44 ~
• … contrebalancé par un renforcement des pouvoirs du médecin qui restent
toutefois plus limités
Même si la loi HPST a eu tendance à faire basculer le pouvoir du côté de l’administration
en revendiquant l’instauration d’ « un seul patron à l’hôpital », le Sénat a également modifié
le texte pour donner plus de poids aux médecins dans la gouvernance de l’hôpital : le
président de la CME coordonne donc la politique médicale avec le directeur, et non plus sous
son autorité, comme le stipulait le texte initial. Celui-ci est également vice-président du
Directoire. Il est a ce titre investit de plusieurs missions : l’élaboration de la politique
d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, l’élaboration de projets
relatifs aux conditions d’accueil et de prise en charge des usagers, la coordination de la
politique médicale de l'établissement et la participation a l'élaboration du projet médical de
l'établissement, en conformité avec le CPOM. Le Président de la CME se trouve donc
impliqué directement dans la gouvernance de l'hôpital aux cotés du Directeur.
Dans cette nouvelle configuration, le Directoire approuve le projet médical, prépare le
projet d’établissement et conseille le directeur dans la conduite et la gestion de
l’établissement. A la différence de l’ancien comité exécutif, le Directoire est désormais à
majorité médicale et non plus seulement paritaire. Il est composé de membres du personnel de
l’établissement, dont une majorité issue du personnel médical, pharmaceutique, maïeutique et
odontologique. Il comporte sept membres et neuf dans les CHU : le directeur, président du
Directoire, le président de la CME, vice-président, le président de la CSIRMT, des membres
nommés, et le cas échéant révoqués par le directeur, après information du conseil de
surveillance. Le directeur garde tout de même un pouvoir important au sein du Directoire
puisque lui seul a le dernier mot sur sa composition en cas de désaccord. En effet, pour les
membres qui appartiennent aux professions médicales, le directeur les nomme sur
présentation d’une liste établie par le président de la CME et dans les CHU, par le président
de la CME conjointement avec le directeur de l’unité de formation et de recherche (UFR)
médicale ou le président du comité de coordination de l’enseignement médical, en cas de
désaccord le président nomme les membres de son choix.
De la même façon, les responsables de pôles, devenus « chefs de pôles », sont nommés
par le directeur, sur présentation d’une liste établie par le président de la CME, pour les pôles
d’activités cliniques ou médico-techniques et, en cas de désaccord, le directeur nomme les
~ 45 ~
chefs de pôle de son choix. Pour les pôles hospitalo-universitaires, ces listes sont établies
conjointement par le président de la CME et le directeur de l’unité de formation et de
recherche (UFR) médicale ou le président du comité de coordination de l’enseignement
médical.
La loi HPST du 21 juillet 2009 confirme l’organisation en pôles et renforce le rôle du chef
de pôle. En effet, le pôle est la seule structure médicale mentionnée dans la loi. Le reste relève
de l’autonomie de chaque établissement qui peut supprimer, ou maintenir les services et
autres unités fonctionnelles évoqués dans la loi comme structure interne. D’autre part, le rôle
du chef de pôle est renforcé. Désormais le chef de pôle d’activité clinique ou médico-
technique organise avec son équipe le fonctionnement du pôle et non plus seulement le
fonctionnement technique du pôle. Il a donc autorité fonctionnelle sur les personnels du pôle
et peut choisir ses collaborateurs administratifs et soignants nommés par la direction. Grâce à
son autorité fonctionnelle sur l'ensemble du pôle, il peut également affecter des ressources en
fonction de l'activité et compte tenu des objectifs prévisionnels du pôle. Il est également
rémunéré pour sa fonction de chef de pôle et bénéficie par ailleurs d’une délégation de
signature, le principe même de la délégation de signature le plaçant notamment sous l’autorité
du directeur d’établissement qui le nomme, sur proposition du président de la CME. Enfin, les
chefs de pôles sont membres d'office de la CME dans les CH, et sont élus entre pairs au sein
des CHU possédant plus de onze pôles d'activités cliniques et médico-techniques, pour siéger
à cette même CME.
Par ailleurs la loi HSPT généralise les communautés hospitalières ce qui constitue une
opportunité réelle pour le développement de la stratégie médicale des pôles. Elle concerne
plus particulièrement les territoires de santé de 200 à 300 000 habitants, où chaque structure
ne peut faire face, seule, aux besoins de santé. Néanmoins, les pôles de territoire ne sont pas
explicitement prévus dans la loi.
Finalement, la loi HSPT confirme la nouvelle gouvernance impulsée par la réforme de
2005 et change en profondeur les établissements publics de santé. Les médecins sont
davantage responsabilisés puisque les chefs de pôles disposent de réelles capacités
décisionnelles et sont en relation contractuelle avec la direction à travers la délégation de
gestion et les contrats de pôles. Par ailleurs, cette nouvelle gestion impose une nécessaire
transparence dans l’utilisation des ressources et une connaissance fine de l’activité. Enfin, ce
~ 46 ~
nouveau type de management est fondé sur une analyse partagée entre l’administration, les
médecins et les soignants pour une prise en charge médicale qui se veut plus efficiente. Ce
nouveau mode de gestion et de dialogue devrait ainsi permettre de rompre avec une culture
d’allocation des moyens sans réelle évaluation de leur bon usage et les bénéficient retirés
devaient permettre une meilleure prise en charge globale du patient et un meilleur usage des
ressources de l’assurance maladie.
Toutes ces mesures renforcent la visibilité des médecins dans les instances de l’hôpital, ce
qui est porteur d’un symbolisme fort. Néanmoins, leur capacité d’action sur la gestion de
l’hôpital reste limitée, c’est pourquoi le projet de réforme de l’actuelle ministre de la santé et
des affaires sociales, Marisole Touraine, vise à un rééquilibrage des pouvoirs au profit des
médecins au sein des instances de l’hôpital public.
B. Le projet de réforme Touraine de 2013 : un rééquilibrage des forces au profit des médecins
• Un rééquilibrage des forces préconisé par le rapport Couty de mars 2013
Dans son rapport remis à la ministre de la santé et des affaires sociales en mars 2013, le
chef de la mission sur le pacte de confiance pour l’hôpital, Edouard Couty, listait 46
propositions visant à rénover la gouvernance hospitalière, évaluer la pertinence des pôles,
ajuster la tarification, refondre à tous les niveaux le cadre du dialogue social, créer des
contrats territoriaux de service public, améliorer les relations entre les établissements et les
agences régionales de santé et rénover le secteur psychiatrique.
En ce qui concerne l’évaluation de la pertinence des pôles, Edouard Couty proposait
notamment des évolutions en termes de nominations des responsables. Il suggérait alors de
faire nommer les praticiens responsables des différentes structures (chefs de pôles, de
département, d’unité et de service) conjointement par le directeur et le président de la CME
sur une liste d’aptitude établie chaque année par la CME sur la base de critères de compétence
spécifiques et prédéterminés. Il recommande par ailleurs d’engager une réflexion et une action
sur des formations initiales et continues des différents professionnels concernés par la gestion
d’un pôle « dans la perspective d’assurer une plus grande interdisciplinarité et de leur
~ 47 ~
permettre d’avoir une vision plus globale et plus transversale du fonctionnement du système
hospitalier, de ses contraintes et des ses enjeux ».
• Un engagement de Marisole Touraine qui se traduit d’ores et déjà par un
renforcement des prérogatives des CME
La ministre des affaires sociales et de la santé, Marisole Touraine, a annoncé, lors de la
remise du rapport Couty, ses 13 engagements pour rétablir la confiance avec les hospitaliers
et construire l’hôpital de demain. Elle dit vouloir « tourner la page » de la loi HPST et « écrire
l’histoire de l’hôpital de demain » dans un système de santé fondé sur le parcours de soins. La
ministre a indiqué qu’elle reprendrait de nombreuses propositions parmi les 46 formulées par
Edouard Couty, mais n’a pas souhaité prendre position sur chacune d’entre elles.
Néanmoins, elle évoquait le fait de vouloir réaffirmer clairement le service public
hospitalier, réorienter le financement, rénover le dialogue social et améliorer la démocratie à
l’hôpital, en réaffirmant le rôle des professionnels, notamment des médecins, et en
reconnaissant mieux la place des patients. Elle va notamment proposer la création par voie
réglementaire d’une section médicale du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de
travail (CHSCT) mais sa composition, qui a fait débat entre les représentants des CME et les
syndicats de praticiens, reste à définir.
Elle indiquait également vouloir « renforcer les prérogatives des CME » qui devront par
exemple donner leur avis sur la stratégie financière de l’établissement. En effet, pour elle, la
CME a un rôle important car c’est « l’expression d’un projet médical et pas simplement d’un
projet financier ». Elle ne nie pas l’enjeu financier car, même si les deux tiers des hôpitaux
sont revenus à l’équilibre à fin 2012, l’objectif reste le retour à l’équilibre financier de
l’ensemble des établissements. « Mais il faut associer l’ensemble des acteurs à la définition de
l’effort et à la manière de concevoir l’effort à réaliser », avait-elle souligné. Par ailleurs, elle
s’est engagée à travailler sur l’idée d’un « contrat de gouvernance » entre le directeur et le
président de la CME afin d’assurer la cohérence de l’exécutif de l’établissement et de
« lancer, s’il le faut, des expérimentations sur ce point ».
Enfin, Marisole Touraine annonçait souhaiter donner une meilleure visibilité
institutionnelle à la CSIRMT et renforcer le rôle du CTE sur l’accueil, l’intégration, la
~ 48 ~
démographie des professionnels non-médicaux et la gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences.
Cette volonté exprimée en mars 2013 s’est finalement traduite par l’adoption de deux
décrets le 20 septembre 2013 qui renforcent considérablement les pouvoirs de la CME et du
CTE. Concernant la CME, certaines matières qui ne faisaient l’objet que d’une simple
information seront désormais soumises pour avis à la délibération de la CME. Par ailleurs,
plusieurs matières nouvelles apparaîtront désormais dans le champ consultatif de la CME.
Ainsi, la CME est toujours consultée sur :
- le projet médical d’établissement ;
- le projet d’établissement ;
- les modifications des missions de service public attribuées à l’établissement ;
- le règlement intérieur de l’établissement ;
- les programmes d’investissement concernant les équipements médicaux ;
- la convention constitutive des centres hospitaliers et universitaires et les conventions
passées en application de l’article L. 6142-5 ;
- les statuts des fondations hospitalières créées par l’établissement ;
- le plan de développement professionnel continu (DPC) relatif aux professions
médicales, maïeutiques, odontologiques et pharmaceutiques ;
- les modalités de la politique d’intéressement et le bilan social.
Cependant, désormais, au lieu d’être simplement informée, la CME sera également consultée
sur :
- le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) de l’établissement ;
- le rapport annuel portant sur l’activité de l’établissement ;
- la politique de recrutement des emplois médicaux ;
- la politique de formation des étudiants et internes ;
- le projet de soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques ;
- l’organisation interne de l’établissement.
Toutefois, la CME ne sera désormais plus informée de :
- l’état des prévisions de recettes et de dépenses (EPRD) initial et ses modifications ;
- compte financier et affectation des résultats ;
~ 49 ~
- contrats de pôles ;
- bilan annuel des tableaux de service ;
- la programmation de travaux, l’aménagement de locaux ou l’acquisition
d’équipements susceptibles d’avoir un impact sur la qualité et la sécurité des soins.
Enfin, la CME sera désormais consultée sur de nouvelles matières :
- les autres projets de délibération du conseil de surveillance :
o Toute mesure relative à la participation de l'établissement à une CHT dès lors
qu'un CHU partie prenante ainsi que tout projet tendant à la fusion avec un ou
plusieurs établissements publics de santé ;
o Toute convention entre l'établissement public de santé et l'un des membres de
son directoire ou de son conseil de surveillance
- Les orientations stratégiques de l’établissement et son plan global de financement
pluriannuel ;
- Le plan de redressement ;
- La gestion prévisionnelle des emplois et compétences ;
- La politique en matière de coopération territoriale de l’établissement ;
- La politique de la recherche clinique et de l’innovation de l’établissement ;
- Les modalités d’accueil et d’intégration des professionnels et étudiants.
~ 50 ~
our conclure, même si les deux mondes se sont longtemps ignorés, du fait de la
faible implication des médecins dans la gestion de l’hôpital, l’accroissement des
responsabilités de ces derniers au sein des instances de gouvernance et la nouvelle
nécessité de maîtrise des dépenses de santé va finalement les forcer à se rencontrer autour de
la gestion de l’hôpital au profit du malade. Ainsi, depuis la fin des années 1990 et le début des
années 2000, les différentes réformes hospitalières ont incité à une plus grande alliance
médico-administrative avec notamment l’instauration du projet d’établissement en 1991 et la
création des pôles d’activités au sein de chaque établissement en 2005.
Ces différentes réformes ont ainsi permis d’instaurer une nouvelle gouvernance à
l’hôpital, favorisant la coopération des médecins et des directeurs au travers des logiques de
concertation, contractualisation, délégation et projet. Par ailleurs, afin d’obtenir une véritable
collaboration entre médecins et directeurs, les réformes qui suivirent visèrent à équilibrer les
pouvoirs de ces derniers au sein des instances de gouvernance de l’hôpital. Ainsi, alors que la
loi HPST de 2009 renforce les pouvoirs du directeur, instaurant « un seul patron à l’hôpital »,
le projet de réforme Touraine, sur la base du rapport d’Edouard Couty de 2013 « un pacte de
confiance pour l’hôpital », envisage un rééquilibrage des forces en faveur des médecins, ce
qui a d’ores et déjà été mis en place avec le décret du 20 septembre 2013 qui renforce
considérablement les pouvoirs de la CME.
P
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CONCLUSION
n conclusion, il est difficile de définir clairement ce sur quoi repose la « bonne
gouvernance » de l’hôpital public aujourd’hui en France. En effet, il n’y a jamais
une solution mais toujours des objectifs vers lesquels nous souhaitons tendre. En
ce qui concerne l’hôpital, la prise en charge des patients est l’objectif premier du personnel,
qu’il soit médical ou administratif, et la gouvernance de l’hôpital doit permettre de répondre à
cet objectif en veillant à satisfaire les besoins sanitaires de l’ensemble de la population sur le
territoire. Médecins et directeurs se sont longtemps ignorés car, les ressources étant là,
l’établissement fonctionnait sans qu’ils aient nécessairement besoin de coopérer. Néanmoins,
depuis les années 1980, les exigences nouvelles de qualité et de sécurité, ainsi que les
contraintes économiques qui frappent tous les secteurs de l’économie, les ont amenés à se
rencontrer autour de la gestion au profit du malade. En effet, ces nouvelles contraintes
nécessitent de prendre des décisions stratégiques opérationnelles qui recueillent l’assentiment
de l’ensemble des acteurs qui animent chaque jour le quotidien de l’hôpital. Pour qu’elles
soient acceptées, ses décisions doivent être comprises et, pour cela, il est nécessaire que le
personnel de l’hôpital, tous statuts confondus, se sente impliqué et motivé par la direction.
Ainsi, depuis les années 2000, la notion de « gouvernance hospitalière » fait référence à
l’association croissante des praticiens à la prise de décision au sein des établissements publics
de santé. Cette « nouvelle gouvernance » amènent les médecins et les directeurs à rapprocher
leurs points de vue, à rechercher des terrains nouveaux de coopération et les conduisent à
croiser leurs cultures. En effet, nous l’avons vu, tout oppose les médecins (et l’ensemble du
corps médical de manière globale) et les directeurs à l’hôpital. Les premiers sont issus d’une
culture de soins alors que les seconds relèvent d’une culture de gestion. L’alliance médico-
administrative, impulsée depuis quelques années par les différentes réformes hospitalières, est
donc un projet ambitieux qu’il n’est pas toujours facile de mettre en place. En effet, les
médecins et les directeurs appartiennent à deux mondes bien différents, ils ne parviennent donc
pas toujours à se comprendre.
Finalement, la mise en place du projet d’établissement et des pôles aura eu le mérite de
permettre une responsabilisation de l’ensemble des acteurs autour des nouveaux enjeux de
gestion de l’hôpital. Instaurant une vision commune et une volonté de « faire ensemble » à
E
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l’hôpital, ces différents dispositifs ont en effet forcé les médecins et les directeurs à s’écouter et
à travailler ensemble. Néanmoins, dans la pratique, moins qu’un croisement de culture, se sont
plutôt deux cultures juxtaposées qui coexistent aujourd’hui à l’hôpital. Même si des formations
ont été mises en place pour familiariser les médecins à la gestion et les directeurs aux pratiques
médicales, il n’en reste pas moins que leurs différences se font encore ressentir aujourd’hui.
Ainsi, même s’il est vrai que la coopération médico-administrative est nécessaire au
bon fonctionnement de l’hôpital public, il faudra attendre encore quelques années pour que
celle-ci soit réellement mise en place. En effet, au sein du corps médical, les praticiens
commencent à comprendre qu’on ne leur demande pas de faire des économies sur le dos des
malades mais de réfléchir à une meilleure utilisation des dépenses de santé pour assurer la
performance économique et la qualité des soins de l’établissement. Même s’il existe encore des
résistances, les médecins sont donc globalement prêts à accepter ces demandes de changement
de la part des directeurs et, de leur côté, les directeurs s’intéressent davantage aux pratiques et
recherches médicales des médecins.
La clef d’une bonne gouvernance de l’hôpital public aujourd’hui en France repose
donc, selon moi, sur le dialogue et la communication des médecins et directeurs. En effet, à la
tête de l’institution hospitalière, leurs rôles, avec l’appui de la directrice des soins infirmiers, de
rééducation et médico-technique, est de fédérer l’ensemble des personnels autour d’une vision
stratégique et partagée pour l’hôpital. Les établissements de santé sont des organisations au
sein desquelles coexistent jusqu’à 180 métiers, chacun avec sa culture et ses valeurs.
Gouverner les établissements de santé suppose donc de laisser le temps aux acteurs de
l’organisation de comprendre et de se resituer dans ces nouveaux contextes pour leur permettre
de partager cette nouvelle vision. Dans ce cadre, les récentes réformes hospitalières visent à
favoriser le dialogue des acteurs, croiser les cultures et assurer le partage d’une vision
commune au profit du malade.
~ 53 ~
LEXIQUE
ARS : Agence Régionale de Santé
CA : Conseil d’Administration
CAP : Commissions Administratives Paritaires
CH : Centre Hospitalier
CHSCT : Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail
CHU : Centre Hospitalier Universitaire
CMC : Commission Médicale Consultative
CME : Commission Médicale d’Etablissement
CNG : Centre National de Gestion
CPOM : Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens
CTE : Comité Technique d’Etablissement
DCS : Dépenses Courantes de Santé
DPC : Développement Professionnel Continu
ECN : Epreuves classantes Nationales
EHESP : Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique
ENA : Ecole Nationale d’Administration
ENSP : Ecole Nationale de Santé Publique
EPRD : Etat des Prévisions de Recettes et de Dépenses
HPST : Hôpital, Patient, Santé, Territoire
INET : Institut National des Etudes Territoriales
LFSS : Loi de Financement de la Sécurité Sociale
MCU-PH : Maîtres de Conférences des Universités – Praticiens Hospitaliers
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
ONDAM : Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie
ONU : Organisation des Nations Unies
PH : Praticiens Hospitaliers
PU-PH : Professeurs des universités – Praticiens Hospitaliers
T2A : Tarification à l’activité
~ 54 ~
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
• CAVALIER Monique, DALMASSO Richard et ROMATET Jean-Jacques, Médecins,
Directeurs : un pacs pour l’hôpital ?, Erès, 2002, 158 pages.
• MOQUET-ANGER Marie-Laure, Droit hospitalier, L.G.D.J., 2012, 2ème édition, 570
pages.
• PALIER, Bruno, La réforme des systèmes de santé, PUF, 6ème édition, 2012, 127 pages.
Rapports et guides
• COUTY, Edouard, Rapport remis à la ministre des Affaires sociales et de la Santé,
« Le pacte de confiance pour l’hôpital », Février 2013, 72 pages.
• Dossier de presse du ministère des Affaires sociales et de la Santé relatif au « Pacte de
confiance pour l’hôpital », 4 mars 2013, 28 pages.
• Guide de l’ANAP et du ministère de la Santé et des Sports, « La loi HPST à l’hôpital :
les clés pour comprendre », 160 pages.
• Rapport de l’IRDES, « Historique des réformes hospitalières », 2011, 32 pages.
Textes législatifs et réglementaires
• Loi du 21 décembre 1941 relative aux hôpitaux et hospices civils et décret n°43-891
du 17 avril 1943 portant règlement d'administration publique pour l'application de la
loi du 21 décembre 1941 relative aux hôpitaux et hospices publics.
• Ordonnance n°58-1198 du 11 décembre 1958 portant réforme hospitalière.
• Ordonnance n°59-1199 du 13 décembre 1958 relative à la coordination des
équipements sanitaires.
• Ordonnance n°58-1370 du 30 décembre 1958 portant réforme hospitalo-universitaire.
• Loi n°70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière.
• Loi n°91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière.
• Ordonnance n°96-346 du 24 avril 1996 relative à la réforme de l’hospitalisation
publique et privée.
~ 55 ~
• Loi n°2002-202 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du
système hospitalier.
• Ordonnance n°2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des
établissements de santé.
• Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients,
à la santé et aux territoires.
• Décrets n°2013-841 et 2013-842 du 20 septembre 2013 modifiant les dispositions
réglementaires applicables à la CME et au CTE.
Articles de revues spécialisées
• Pr BERNADOU Alain, « Le praticien, le directeur et le président, une éthologie de
l’hôpital », Revue hospitalière de France, N°5, Septembre-Octobre 1998.
• CHASSANIOL Jean-Luc, « Médecins, directeurs d’hôpital : 2011 vers la fin des
préjugés ? », Le quotidien du médecin, N°8888, 19 Janvier 2011.
• DUMOND Jean-Paul, « Santé : Où sont les pouvoirs ? Les conflits de pouvoir à
l’hôpital », in Sève, Hiver 2003.
• ESPER, Claudine, « La nouvelle organisation de l’hôpital public – Les pôles
d’activités – la contractualisation interne – la délégation de gestion », JuriSanté,
Octobre 2005.
• FERMON Béatrice et JANCOURT Daniel, « Manager les établissements de santé :
des compétences fortes en pleine évolution », Revue hospitalière de France, N°542,
Septembre-Octobre 2011, p.16-18.
• HASSENTEUFEL Patrick, « Vers le déclin du pouvoir médical ? Un éclairage
européen : France, Allemagne, Grande Bretagne. », Pouvoirs N°89 – le pouvoir
médical – avril 1999, p.51-64.
• HERIAUD Alain, ARNAUTOU Jean, « Les pouvoirs à l’hôpital : les relations entre
médecins et directeurs », in Communication et organisation, HS N°1, 1994.
• « Une nouvelle gouvernance pour les hôpitaux », Gestion Santé - N°3 - Juin 2005.
• « Pôles – Pour qui ?, Pourquoi ? », FHF – Dimension Médicale – Avril-Mai 2006.
• « Quel avenir pour les pôles ?», Revue hospitalière de France – N°531 – Novembre-
Décembre 2009
~ 56 ~
Articles de presse
• DEPRIECK, Matthieu, « Les députés médecins, enquête dans un petit monde »,
l’Express, 12 octobre 2013.
• GOMEZ Pierre-Yves, « Renouer avec la subsidiarité comme principe de
gouvernance », Le Monde, 14 Juin 2011.
• VALLENCIEN Guy, « Comment aider l’hôpital à changer ? », les Echos, 18 janvier
2010, p.15.
Mémoires consultés
• BESSE, Juliette, « Un patron à l’hôpital ? Statut et fonction du Directeur d’hôpital,
aujourd’hui en France », mémoire professionnel, IEP de Toulouse, 2011, 40 pages.
• DURIEZ, Guillaume, « Le dialogue de gestion entre les médecins et la direction :
Impact de la tarification à l’activité et réalité dans un groupe hospitalier de l’AP-HP »,
mémoire professionnel, filière directeur d’hôpital, EHESP, décembre 2012, 79 pages.
• TONDELIER, Marine, « Les conflits d’acteurs à l’hôpital public à l’épreuve de la
nouvelle gouvernance hospitalière : le cas de la mise en place des pôles d’activité et
du conseil exécutif », mémoire professionnel, IEP de Lille, 2008, 186 pages.
Site Internet
• Agence de presse médicale : http://www.apmnews.com