points de vue / daniela ulea, roger giralt, amaury lefévère, sophie guilbault l’architecture publique survivra-t-elle à la crise? / jean-pierre weiss future practice / zach eirin la résilience en temps de crise / sophie guilbault le palais de la femme / gabi hernandez crise en scène / min hong métamérie / eliza culea, arthur billaut margot chignac - psychologue environnementale pia van peteghem - céramiste compulsive drawer / ina leonte lebbeus woods / eliza culea briques n° 1 la crise comme programme
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points de vue / daniela ulea, roger giralt, amaury lefévère, sophie guilbault
l’architecture publique survivra-t-elle à la crise? / jean-pierre weiss
future practice / zach eirin
la résilience en temps de crise / sophie guilbault
seraient libre de reconstruire leur résidence là où ils le souhaitent. Cette annonce illustre-t-elle
davantage une volonté de ramener les citoyens en Nouvelle-Orléans, ou est-elle plutôt le reflet
d’un manque de leadership de la part du maire?
Cette décision de l’administration Nagin a eu pour effet de générer plusieurs situations
problématiques au niveau urbain. À titre d’exemple, certains quartiers, tel le Lower Ninth Ward,
ont entamé la reconstruction de leurs maisons sans qu’aucune infrastructure de base soit
reconstruite dans leur secteur. Ainsi, les gens retrouvaient leur propriété sans toutefois avoir
accès aux services de proximité tels que les banques, écoles ou supermarchés. Ceci étant dit,
sans prise de position claire de la part du gouvernement et sans plan défini de reconstruction,
plusieurs initiatives locales ont émergé dans divers quartiers. On a donc ressenti dans la
période post-Katrina, une très grande influence provenant du système «bottom-up», ce qui
a certainement influencé la résilience de la population locale. Par résilience, on entend ici la
capacité d’une population à se remettre d’un choc et utiliser ce choc comme élément moteur
de développement. Suite à Katrina, on a pu assister à la création de nouvelles organisations
non gouvernementales, de nouveaux types de constructions, à de nouvelles entreprises, bref,
à un vent de renouveau sur la ville.
Plusieurs leaders locaux ont émergé à travers la population suite aux inondations majeures
de 2005. Parmi eux, Scott Cowen, président de l’Université Tulane, explique que lors d’un
désastre majeur, les individus résilients présentent généralement trois principaux attributs. En
premier lieu, il s’agit d’individus réalistes saisissant l’ampleur de la situation et étant capables
d’effectuer des évaluations précises et raisonnables de la condition dans laquelle ils se
trouvent. Il s’agit également d’individus faisant preuve de créativité et d’une impressionnante
flexibilité. Suite à un désastre de l’ampleur de Katrina, aucun manuel d’instruction ne dictait
une façon précise d’organiser la reconstruction. Un individu, ou encore à plus grande échelle
une population, se remettra sur pied en improvisant et en cherchant de nouvelles solutions.
Finalement, le dernier élément essentiel réside dans la capacité à faire preuve d’un sens moral
très fort et d’orienter ses actions selon des convictions bien précises.
La résilience d’une population ne se situe pas uniquement dans la réponse immédiate à
un désastre naturel, bien au contraire. Il s’agit plutôt d’un processus devant faire partie de
chacune des étapes précédant et suivant un désastre naturel (l’anticipation, la réponse, le
rétablissement et la mitigation). Contribuer à augmenter la résilience d’une population n’est
donc pas un processus simple et s’étend sur plusieurs années. Pour la Nouvelle-Orléans, il a
fallu 40 ans pour créer un système d’alerte de dangers et de suivi efficace, plus de 35 ans pour
informer la population adéquatement des menaces qui pouvaient potentiellement les guetter.
Il aura également fallu une quarantaine d’années pour renforcer les digues, puis 6 autres pour
les reconstruire et les améliorer suite à Katrina. Aujourd’hui, plus de 7 ans après le passage de
l’ouragan, la reconstruction n’est toujours pas complétée et on estime qu’il faudra encore une
dizaine d’années pour arriver à ce point.
La Nouvelle-Orléans est bien entendu un cas unique et chaque désastre naturel est bien
différent. Ceci étant dit, peu importe le désastre naturel, la résilience d’une population
influencera toujours sa capacité à se remettre d’un tel événement. Une plus grande résilience
des populations à l’échelle mondiale serait-elle la clé pour se remettre de la crise économique
actuelle? Plus précisément, est-il possible d’obtenir le même niveau de résilience de la part
d’une population sans devoir faire face à un choc aussi clair, net et soudain qu’un désastre
naturel? Peut-être qu’un économiste pourrait répondre à cette question. Pour ma part, je
préfère demeurer architecte.
illustration 2 illustration 3
illustration 4
la résilience en temps de crise - sophie guilbault
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En se baladant sur la rue de Charonne, dans le 11ème arrondissement de Paris, on peut voir beaucoup de
choses. Des cafés branchés, des boutiques de prêt-à-porter, des bistrots de quartier, des galeries d’art, des
cours intérieures pavées, des passages fleuris, une ancienne usine à gaz, mais aussi plusieurs anciens couvents
et bâtiments d’accueil spécialisés. Parmi eux, un édifice en particulier a eu un passé pour le moins tumultueux.
Il s’agit du Palais de la Femme. Appartenant aujourd’hui à l’Armée du Salut, ce foyer sert de point de chute, de
refuge, pour celles qui ont besoin d’un logement à bas loyer. Mais cela n’a pas toujours été le cas, loin de là.
Au XVIIème siècle, des sœurs dominicaines s’installent sur le site et créent en 1641 le couvent des Filles de la
Croix. Le bâtiment est alors plus grand qu’il ne l’est aujourd’hui, recouvrant l’équivalent du 94, mais aussi du 92
rue de Charonne. C’est alors un lieu de culte, de soins, mais aussi d’éducation à l’attention des jeunes enfants
de l’époque. On retrouve déjà à cette époque, l’aspect caritatif lié à ce site. Alors financé par la charité, et sous
l’impulsion de la grande ferveur chrétienne de Louis XIII, on peut déjà y voir les prémices de que ce sera, trois
siècles plus tard, le 94 rue de Charonne ; un lieu à vocation sociale.
Tout se passe pour le mieux pour les sœurs dominicaines, elles prient, prêchent, éduquent les enfants du
quartier, bref, Dieu peut-être fier de ses brebis. Mais en 1789, un vent de révolte souffle sur Paris, la Bastille
tombe, la Révolution est en marche. D’un point de vue religieux, plusieurs décrets vont venir abolir petit à
petit les privilèges alors accordés à l’Eglise de France, les biens du clergé sont nationalisés, et les ordres
religieux supprimés les uns après les autres. Le mouvement de laïcisation, inspiré des Lumières et poussé
par la bourgeoisie parlementaire, va se radicaliser. Heureusement pour elles, les sœurs dominicaines sont « invitées
» auparavant par la Garde Nationale à quitter leurs locaux de la rue de Charonne. Le 2 septembre 1792, 45 de leurs
compères se feront « juger » puis exécuter en moins d’une heure, annonçant alors l’ouverture officielle des Massacres
de Septembre.
Ce n’est qu’en 1825, dans un contexte plus stable, mais toujours troublé, que le couvent rouvre ses portes. Il voit
alors défiler Louis Philippe, une autre Révolution (celle de 1848), la Seconde République, le coup d’état de Napoléon
III, le Second Empire, les grands travaux parisiens de Haussmann, et la Troisième République. C’est dans ce cadre, et
en prolongation des idéaux urbanistiques du modèle napoléonien, que la rue Faidherbe vient, sans aucun scrupule,
couper en deux le domicile des sœurs dominicaines. Cela ne suffira pourtant pas à les chasser, elles en ont vu
d’autres. C’est en 1904, année de la rupture diplomatique entre la France et le Vatican (notamment suite à l’affaire
Dreyfus), que le couvent ferme définitivement ses portes. Il sera démoli par la suite.
Le site restera vide durant des années. La France traverse alors, ce qu’on appellera plus tard la Belle Epoque. Forte
croissance économique, révolution industrielle, libéralisation de la société, développement des couches intellectuelles
et artistiques, multiples innovations scientifiques, soit, de manière générale, une période d’abondance, de paix, et de modernisation. Paris en est l’exemple parfait. Accueillant l’exposition
universelle en 1900, la capitale française devient alors un des points de convergence de l’art et de l’architecture. Mais cette douce ambiance de flânerie, d’insouciance et de joie de vivre,
cache un profond malaise social. La banlieue, lieu d’habitation des classes sociales basses, devient le cœur de la révolution industrielle, forçant les ouvriers à déménager. De plus, les travaux
haussmanniens ayant augmenté les loyers dans les quartiers centraux de la ville, les ouvriers y résidant se sont vus obligés de se relocaliser dans les quartiers périphériques, tels que Belleville.
Cela se traduit par une surpopulation dans ces arrondissements, une ghettoïsation, et de vastes problèmes hygiéniques.
Des ouvriers venant des quatre coins de la France se tassent dans les dortoirs (quand ils en ont les moyens), s’amassent
dans les cafés (seul lieu de socialisation à l’époque), soulevant alors la question du logement social.
Une première tentative avait
bien été mise en place en 1852.
La Cité Napoléon comprenait
5 étages d’appartements
à bas loyers, « distribués
autour d’un escalier central et
desservis par des coursives –
une organisation en quelque
sorte carcérale. »1 Des WC sur
paliers, et une fontaine au rez-
de-chaussée comme seul point
d’eau ; un vrai paradis. Ce genre d’interventions aura néanmoins comme conséquence d’amener les
promoteurs de l’époque, à « une nouvelle conception du logement (…) qui se démarque autant de
l’habitation bourgeoise que du phalanstère. »2 Par la suite, le financement d’entités privées (tels que la
Fondation Rothschild) va accélérer la recherche en matière d’optimisation, et d’hygiène des logements
sociaux. Ainsi, le Groupe des Maisons Ouvrières va engager, à partir de 1903, Auguste Labussière,
diplômé en Ingénierie à l’Ecole Centrale, et architecte-voyer de la ville de Paris. Ce dernier se reconnaît
non seulement dans la mouvance rationaliste dans la lignée de Viollet-Le-Duc, mais aussi, encore, dans
l’Art Nouveau. Se penchant autant sur l’aspect technique que décoratif de l’architecture, « l’intérêt
de Labussière pour des modes constructifs d’avant-garde est patent, tout comme son plaisir du jeu
décoratif et son goût des beaux matériaux. »3
A cette époque, « 30% de la population parisienne était célibataire, avec de nombreux jeunes ouvriers
venant des provinces, tandis que les filles travaillaient majoritairement en tant que domestique, habitant
sur leur lieu de travail. Toutefois, les HBM étaient « conçues principalement pour de grandes familles
»4. C’est alors que Labussière (collaborant avec Longerey) conçoit en 1910, avec le financement de la
1 - Parisian architecture of the Belle Epoque, Roy Johnston, 2007, Royaume-Uni, Wiley Academy, p.1512 - L’apprentissage du « chez-soi », Monique Eleb, 1994, Marseille, Editions Parenthèses, p.213 - L’apprentissage du « chez-soi », Monique Eleb, 1994, Marseille, Editions Parenthèses, p.19
4 - Parisian architecture of the Belle Epoque, Roy Johnston, 2007, Royaume-Uni, Wiley Academy, p.1625 - L’apprentissage du « chez-soi », Monique Eleb, 1994, Marseille, Editions Parenthèses, p.70
D’origine uruguayenne, Gabi Hernández étudie l’histoire de l’art à
l’University of New Mexico et travaille depuis un an sur sa thèse. A
travers son expérience professionnelle, il cotoîe les architectes, et
développe un intérêt particulier pour cette profession. Assistant de T.D.
de profession et globe-trotter à mi-temps, c’est à l’occasion d’un de
ces voyages à Paris qu’il découvre le travail de Labussière. Passionné
par les vieilles pierres, c’est avec beaucoup d’enthousiasme qu’il nous
livre ici son premier article en français.
le palais de la femme
briques / journal d’architectes
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Fondation Lebaudy (anciennement Groupe des Maisons Ouvrières), un hôtel de 743 chambres pour hommes célibataires au 94 rue de Charonne.
En façade, on retrouve différents matériaux ; la pierre de taille, la brique, et le béton. L’utilisation de différentes textures sert ainsi à démarquer les différentes strates du bâtiment. Quelques éléments
sinueux viennent « atténuer la régularité des lignes verticales et horizontales »5. Seul élément un peu excentrique, l’entrée est monumentalisée par le biais d’un porche en pierres de taille ornementé de
gravures à motifs floraux.
L’intérieur du palais de la femme n’a rien à envier à son extérieur. Dès la porte passée, on entre dans un hall pavé de céramique blanche, éclairé par une large verrière, et, généralement, bien fleuri par
de nombreuses plantes. Si le travail de façade est dicté par la hiérarchisation verticale du bâtiment, le dessin intérieur répond, lui, à des questions plus sociales. L’objectif des philanthropes à cette
époque, est non seulement d’éduquer la classe ouvrière à un mode de vie plus bourgeois, mais aussi d’essayer de comprendre et d’assimiler les habitudes de cette classe dans ce processus de «
remodelage ». Cette éducation va notamment se faire par le biais de l’art. En injectant un décor bourgeois, artistique, raffiné dans cet immeuble, l’intention de l’architecte est de donner aux habitants,
une certaine sensation de prestige. « Conforme aux objectifs des fondations philanthropiques, l’idée selon laquelle « l’art éduque » fonde la conception du bâtiment. Les céramiques, les frises exaltant
le travail et les travailleurs, les meubles Art Nouveau dessinés par l’architecte forcent l’admiration et sont destinés à donner à l’ouvrier la fierté de son lieu de vie et, par là, une certaine dignité. »6 Mais
la priorité de ces fondations philanthropes est l’hygiène, physique et sociale. Physique, tout d’abord, par l’apprentissage des habitudes de propreté. Ainsi, de nombreux espaces dédiés à cet effet
sont présents au rez-de-chaussée ; « rien n’y manque : « bains et douches », « bains de pieds », « salle
des lavabos », « salle d’habillage », « laverie » et armoires alignées et même une boutique de coiffeur. »7
Sociale ensuite, par l’accès à la culture, et à des espaces de divertissement ; des salles de lecture, un
fumoir, un restaurant à prix abordable, et un espace de correspondance. Ce dernier répond au besoin
spécifique de communication de certains ouvriers dits « nomades ».
L’endroit semble idéal pour les jeunes travailleurs de l’époque. Tout ce qu’il faut pour vivre, se socialiser,
se cultiver, et avec des chambres de 8m2 ! Un vrai luxe à l’époque (et aujourd’hui aussi ?) ! Mais l’aspect
cossu du foyer ne constitue que la partie visible de l’iceberg. Derrière ces intérieurs confortables et bien
décorés, se cache un système de contrôle rigoureux, contraignant ses habitants à suivre des règles
spécifiques. Les chambres, par exemple, ne sont accessibles qu’entre 7:00 du soir et 9:00 du matin,
forçant les jeunes ouvriers à passer leur journée dans les parties communes (quand ils ne travaillent pas).
Les visites sont très réglementées, souvent refusées de manière arbitraire. Et cela passe même par la
sélection des futurs habitants. Car le foyer est réservé aux jeunes travailleurs, et non pas aux « miséreux
absolument tombés, qu’on ne pourra plus relever »8. L’accès y est autorisé « à des célibataires ayant un
travail stable et ayant satisfait à l’enquête de moralité conduite par la Fondation avant l’attribution des
logements. »9
Arrive alors, la Première Guerre Mondiale. Dès 1914, la totalité des occupants du 94 rue de Charonne
est réquisitionnée afin de défendre la patrie. L’hôtel pour hommes célibataires est repris par l’état, et
se transforme alors en hôpital de guerre. A la fin de celle-ci, le gouvernement français va conserver la
propriété du bâtiment, et y installer le Ministère des Pensions. Malgré ce changement de statut de privé
à public, le site conserve toujours cet aspect social qui lui est propre. C’est en 1926 que l’Armée du
Salut déménagera dans ces locaux, et renommera le lieu en Palais de la Femme. Reprenant les mêmes
principes que le projet initial de Labussière, le bâtiment accueille alors des personnes du sexe opposé.
Dans un contexte de montée du féminisme (courant alors très controversé en ces temps), cette initiative
émanant d’une association caritative ne fait pas l’unanimité. Mais cela n’empêchera pas l’Armée du Salut
de poursuivre sa démarche, et aujourd’hui encore, le Palais de la Femme accueille celles qui sont à la
recherche d’un foyer, devenant ainsi, une véritable référence en terme de logements sociaux d’un point de
vue historique. Le bâtiment connaît en effet un tel succès, que son modèle est repris, au début du siècle,
par les réformateurs viennois. Et qui ne voudrait pas d’un logement à bas loyer de nos jours à Paris ? C’est donc une belle acquisition pour l’association caritative, non seulement d’un point de vue
immobilier, mais aussi architectural. Et ce n’est pas la seule.
En effet, en 1930, l’Armée du Salut s’approprie une parcelle au 12 rue Cantagrel, dans le 13ème arrondissement de Paris. Les années 30’ sont marquées par la montée du mouvement moderne, avec
à sa tête, Le Corbusier. C’est ce dernier qui sera en charge de concevoir la Cité du Refuge. Ce bâtiment est l’une des toutes premières réalisations de grande envergure de Charles Edouard Jeanneret
à Paris. Car s’il est l’auteur de nombreuses maisons individuelles, ses « machines à habiter », auront plus de mal à conquérir le cœur, et le portefeuille, des maîtres d’ouvrage de l’époque.
En extérieur, on retrouve le principe de « façade-rideau » cher à l’architecte suisse. « Libérée de tout point porteur, la façade n’est plus ce lieu statique où alternent ouvertures et surfaces pleines,
mais une fine membrane dessinée par le libre graphisme des menuiseries métalliques. »10 C’est là, la première différence entre le Palais de la Femme et la Cité du Refuge. Cela influe également sur
la vie dans les chambres. Au 94 rue de Charonne, on retrouve des appartements éclairés et chauffés par le couloir, alors qu’au 12 rue Cantagrel, les locaux profitent d’un ensoleillement naturel par la
façade généreux permettant aussi un bon chauffage l’hiver. Et même si certaines problématiques hygiénistes persistent dans la conception du projet, ce n’est plus sur l’idée que l’art éduque que se
repose l’objectif social du bâtiment, mais plutôt sur le principe de réintégration par le travail. Ainsi, l’intérieur n’est plus une grande démonstration de techniques artisanales et artistiques, mais plutôt «
une de ses plus belles promenades architecturales »11. Les espaces communs restent toutefois des lieux de socialisation « forcée », et le contrôle que l’association caritative exerce sur ses habitants
est maintenu. Pensée comme un bâtiment autonome, la Cité du Refuge offre à ses occupants un sentiment mitigé, entre la sécurité face au monde extérieur, et l’enfermement. S’il y a donc une vraie
différenciation technique et formelle entre ces deux projets, on ne peut pas en dire autant sur leur concept social.
Depuis, tout a été remis à neuf. Inscrit aux Monuments Historiques en 2003, le Palais de la Femme se verra attribué un grand projet de restauration de 2006 à 2009. Certaines polémiques sont venues
soulever la question du contrôle social encore opéré de nos jours dans l’établissement. Tout comme au début du siècle, une rigueur quasi carcérale est mise en place. Au fond, rien n’a vraiment changé
depuis le temps des sœurs dominicaines.
Et pourtant, le Palais de la Femme, tout comme son créateur Auguste Labussière, est un bâtiment méconnu. Peut-être est-ce dû à l’abondance de la création architecturale de son époque, à l’apparition
de grands noms du mouvement moderne à Paris, tels que Sauvage, Perret, ou encore Mallet-Stevens, Roux-Spitz, et bien sûr, Le Corbusier. Mais le bâtiment conserve un vrai potentiel, tant historique,
que spatial. « Les groupes sociaux s’y côtoient, s’intègrent ou s’opposent à lui, mais de toutes façon, laissent des traces et construisent des images urbaines, des lieux chargés de sens, une histoire
sociale, une mémoire urbaine. »12
6 - Paris 1900-2000, Jean-Louis Cohen, Monique Eleb, Antonio Martinelli, 2000, Paris, Editions Norma, p.297 - Paris 1900-2000, Jean-Louis Cohen, Monique Eleb, Antonio Martinelli, 2000, Paris, Editions Norma, p.29 8 - Fondation Groupe des Maisons Ouvrières, ses immeubles en 1911. L’hôtel populaire pour hommes, Emile Hatton, Paris, Imprimerie A. Garjeanne, 1912
9 - L’apprentissage du « chez-soi », Monique Eleb, 1994, Marseille, Editions Parenthèses, p.5810 - L’école de Paris, Jean-Claude Delorme, Philippe Chair, 1990, Poitiers, Editions du Moniteur, p. 13211 - L’école de Paris, Jean-Claude Delorme, Philippe Chair, 1990, Poitiers, Editions du Moniteur, p. 13312 - Architectures à Paris 1848-1914, Paul Chemetov, Bernard Marrey, 1980, Paris, Bordas
le palais de la femme - gabi hernández
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Nous assistons en ce moment même à une période de développement technologique
incroyable. L’information circule à la vitesse de l’éclair, nos téléphones deviennent aussi
performants que des ordinateurs, les progrès de la médecine nous permettent de vivre de
plus en plus longtemps, on envoie des robots sur Mars. Grâce à internet, nous pouvons
partager nos photos de famille, la recette de tarte-tatin de notre grand-mère, ou encore les
dernières performances de notre chat avec le monde entier. Où que l’on soit, et quoi que
l’on fasse, ces avancées technologiques affectent notre mode de vie. Et il en va de même
pour l’architecture. L’arrivée sur le marché de nouveaux matériaux, de nouveaux logiciels,
de nouvelles réglementations, de nouvelles problématiques, a drastiquement changé
l’environnement bâti dans nos sociétés. L’architecture se veut aujourd’hui high-tech. De
la façade média aux maisons actives en passant par la domotique, ces développements
sont le reflet d’une pratique changeante, concentrée de nos jours sur la mise en œuvre de
constructions technologiques. Cette mouvance progressiste est nécessaire dans la mesure
où elle permet d’ouvrir les architectes vers de nouveaux procédés. Toutefois, ceux-ci se
concentrent souvent sur l’aspect matériel, hardware, et sont souvent pensés comme des
additions aux bâtiments, offrant ainsi des résultats rarement à la hauteur de leurs coûts.
C’est en prenant le contre-pied de cette tendance high-tech hardware que 1024 architecture
propose une pratique architecturale différente, pluridisciplinaire, basée sur le software, alliant
mapping, musique, jeux-vidéos, programmation informatique, et utilisant aussi le low-tech, le
bricolage, le détournement. Fondée par Pier Schneider et François Wunschel en 2007, cette
agence parisienne se concentre principalement sur l’utilisation d’outils numériques à des fins
spatiales. Elle introduit une nouvelle notion ; celle de l’architecte-performer.
Comment en êtes-vous arrivés à votre pratique ? Êtes-vous d’abord passés par un parcours «
classique » stage-CDD-CDI en agence ? Ou bien vous êtes-vous lancés directement dans le
domaine de l’audiovisuel ?
Comme on s’y connaît pas mal en informatique, on a commencé à faire des perspectives
pour des agences. Quand on a commencé à gagner suffisamment d’argent, et une
certaine notoriété, notamment avec le projet pour Etienne de Crécy, on a pu se dédier à
autre chose. On a une approche assez large de l’architecture, à la fois « traditionnelle »
en faisant des bâtiments éphémères comme les Grandes Tables de lle, mais on conçoit
aussi des projets plus numériques, comme avec notre projet de mapping sur bâtiment
pour la fête des lumières à Lyon.
Il s’agit en fait d’architecture de scène, avec des fonctions répondant à d’autres problématiques,
mais quand même habitée que ce soit par des artistes, un D.J. ou le public. Par exemple,
pour la fête des lumières, le travail de 1024 architecture a été d’essayer de donner une
personnalité au bâtiment, une interactivité. De façon automatique, mais aussi « manuelle » en
impliquant l’utilisateur directement. Le mapping vidéo leur permet de rajouter une dimension
dynamique à une entité par définition statique, de reconnecter l’humain et le bâtiment de façon
très concrète et simple. Leurs connaissances informatiques leurs permettent de concevoir
leurs propres programmes selon le projet. Certains artistes travaillent avec des M.P.C. (Midi
Production Center) et des synthétiseurs, d’autres utilisent des programmes informatiques,
chaque situation est différente mais le principe reste le même ; il faut arriver à capter la donnée,
la réinterpréter en image, et en faire de l’espace, il s’agit d’augmenter l’espace grâce à l’image.
Et non seulement François et Pier créent des infrastructures spécifiques à certaines scènes,
mais ils conçoivent aussi leurs propres spectacles.
On voit de plus en plus l’architecte se mettre en scène, on peut notamment penser au prochain
film qui va sortir, the competition. Quel genre d’architectes pensez-vous être ?
Des architectes performers. On a commencé à penser l’architecture en tant que
performance, avec la Torre d’Espega, sorte de tour de lancement pour la tour Akbar
de Jean Nouvel à Barcelone. Il existe bien sûr déjà une scène du spectacle audiovisuel.
Mais l’interaction entre image et musique n’est pas extrêmement poussée dans ces
installations, car le musicien a déjà ses morceaux, ses tubes, et nous on s’adapte
dessus. Pour mettre en avant les spécificités de l’espace que l’on veut créer, c’est mieux
de penser la musique en même temps que l’image. Et c’est pour ça qu’on a eu envie
de faire nos propres spectacles. On ne réfléchit pas à la musique d’un côté et à l’image
de l’autre, on crée un système avec des correspondances. On sait que tel instrument
ou telle note va déclencher ceci, ou cela, la basse va déclencher le stroboscope, on
compose une musique graphique. Les shows audiovisuels de manière générale, ont
souvent la même base, un performer et un écran derrière. On essaie de transformer
ça, de l’envisager sous une forme plus théâtrale. On prend des risques, au lieu de faire
un show bien calé, on va chercher du côté de l’improvisation, du théâtre contemporain.
C’est un système qu’on met en place, mais après tout peut changer, on a un cadre
dans lequel on intervient, mais c’est du live. Pour ‘‘euphorie’’, ça nous a pris 2 mois à
installer, puis 3 ans pour en arriver au résultat d’aujourd’hui. C’est toujours un processus
d’expérimentation, un travail évolutif, on n’arrête pas de modifier de rajouter d’enlever,
on a cette liberté là. On n’a pas envie de s’ennuyer, on veut continuer à avoir du plaisir.
On prend notre temps.
crise en scène
briques / journal d’architectes
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Leur inspiration, ils la trouvent dans beaucoup de domaines différents. Aujourd’hui il y a
internet, tout va plus vite. Il existe une multitude de références venant d’autres professions,
d’autres milieux dont on peut se servir et retranscrire en architecture. L’idée de leur trilogie
‘‘euphorie / crise / récession’’, lancée en 2010, est bien sûr une référence au contexte de
morosité économique, mais aussi une remise en question de l’utilisation et de l’importance de
la technologie dans notre société.
Vous mettez en place des systèmes au fond très simples, et les résultats obtenus sont
assez impressionnants, il y a une certaine efficacité dans tous vos projets. Comment vous
fonctionnez?
Chaque projet se nourrit du projet précédent, il y a des ponts d’un projet à l’autre. Par
exemple, dans euphorie, on a conçu un programme qui permet de retranscrire la voix en
note midi, et on a réutilisé ce même principe pour la fête des lumières. Chaque projet est
lié à un autre. On est dans une démarche de recherche.
‘‘euphorie / crise / récession’’ est un projet expérimental, dès le départ on s’est dit
qu’on allait faire une trilogie, et que la première partie s’appellerait euphorie. Et au fur
et à mesure l’histoire se construit, de façon expérimentale. A l’origine, euphorie, c’est
l’histoire d’un pixel seul, et par notre action, on va lui donner de l’énergie, le transformer
d’abord en objet, puis en espace. L’image, le pixel est le matériau de construction de
notre performance. On a souhaité être au centre de l’espace en tant que performer, que
l’image serve à définir un espace qui nous englobe, pouvoir le manipuler, à l’aide d’outils
comme des manettes de jeux-vidéos, faire des instruments qu’on fabrique nous-mêmes,
réinterpréter les objets du quotidien. Ça peut paraître high-tech, mais c’est super low-
tech, c’est une manière de dire qu’avec trois fois rien, on peut faire beaucoup, qu’on peut
faire de l’architecture avec n’importe quoi.
Et après l’euphorie, il y a eu la crise.
Oui, et on l’a suivie à la télévision comme une télénovela évangéliste. Comme on regarde
LOST, on peut regarder la crise, avec ses personnages charismatiques comme les
patrons des grandes banques, ou les présidents des grandes institutions financières. Ce
qui nous a choqué, c’est qu’on nous présentait ça comme quelque chose de compliqué,
les outils financiers sont compliqués, la situation est compliquée. Est-ce que ça veut
dire qu’on comprend rien ? Qu’on ne peut rien comprendre ? Qu’est-ce que ça veut dire
? « Les traders font des paris. », nous disait-on, ça nous semblait fou. On a commencé à
s’y intéresser, à faire un peu de recherches et on s’est rendu compte que ce n’était pas
si compliqué, que c’était même plutôt simple. Ils ont inventé des instruments financiers
complètement fous avec des noms exotiques, mais au fond c’est juste du pari à grande
échelle. On a essayé de se servir de ces éléments comme personnages, parce que c’est
de cette manière qu’on le perçoit à travers le média, comme une histoire. On a en fait
essayé de « vulgariser » tout ça. Quand on regarde les logiciels de la finance, et les
logiciels de mapping, on y trouve une certaine ressemblance. Les courbes de croissance
peuvent être assimilées à des courbes de son, la folie des salles de marché peut être
comparée à un concert de rock.
En ce qui concerne le troisième opus, ‘‘récession’’, qui devrait se finir dans 2 ans, on a
commencé à travailler dessus. Il s’agit de l’idée de la technologie qui se développe, mais
qui en même temps restreint, l’idée que nous sommes en quelque sorte prisonniers de
cette technologie.
Vous avez vraiment une approche intéressante, entre le D.I.Y. (do it yourself, fait soi-même), le
théâtre, la performance audiovisuelle et l’architecture. Vous vous sentez parfois vous éloigner
peu à peu de votre cursus d’origine ?
Ce qu’on fait peut paraître loin de l’architecture, mais au final, on utilise exactement les
mêmes logiciels, 3DS max, autocad, qui sont les outils de l’architecte. Le procédé est
le même. On essaie de réinterpréter certaines notions apprises à l’école. Par exemple,
la mobilité, et la flexibilité. On s’est rendu compte que pour rester mobile et simple, un
dispositif scénique doit tolérer l’imprécision. Contrairement en architecture, où ce qui
importe est la précision. On essaie d’introduire une notion d’adaptabilité, comme en
architecture d’urgence. On utilise aussi des matériaux de l’architecture. Dans’’ euphorie’’,
on utilise des filets de chantier comme surface de projection pour faire un spectacle.
Pour ‘‘crise’’, l’utilisation du carton, matériau de base, neutre, peut aussi renvoyer
aux maquettes d’étude en architecture. Le carton peut représenter le matériau de la
consommation, l’emballage de la société de consommation. Mais il peut aussi devenir
le support d’un décor, voire même un instrument. Comme on est à la fois architecte,
performer et bricoleur, on a l’opportunité de penser tout en même temps.
La grande différence, c’est que dans une pratique architecturale classique la courbe de
créativité monte beaucoup au début, et dès que tu passes l’esquisse, elle s’aplatit ou
descend. Avec des projets comme euphorie, crise, la boombox, des projets éphémères,
de spectacle, cette courbe reste en hausse. On échappe à beaucoup de restrictions.
Libéré de contraintes physiques et temporelles, 1024 architecture œuvre aussi à un niveau
presque immatériel. Leur projet le plus « virtuel », MadMapper, en est l’exemple parfait. Ce
logiciel de vidéo mapping qu’ils réalisent et commercialisent eux-mêmes a été pensé comme
un outil simple d’utilisation, même pour les débutants en la matière. On peut penser à des
applications en architecture classique, comme la projection sur maquette, ou même sur un
chantier, en augmentant l’espace grâce à la vidéo. Quelque part entre scénographe, D.J.,
programmeur informatique, bricoleur, et même acteur, l’architecte pourrait en effet intervenir
à des échelles plus diverses, et s’ouvrir à différentes pratiques. Plus qu’une simple déviation
de parcours, le travail de 1024 architecture démontre donc une véritable alternative au statut
classique de l’architecte.
Toutes les images présentées dans cet article ont été utilisées avec l’aimable autorisation de
1024 architecture qui en détient tous les droits.quelques vidéos pour en voir plus
Les architectes développent comme habitude de griffonner, que ce soit dans les coins de leurs carnets pendant les réunions, ou sur des serviettes en papier au téléphone, comme tout le monde.
Ils maintiennent cette compulsion car dessiner devient un moyen d’expression courant à travers leur vie professionnelle. Toutefois, la formation d’architecte incite, parfois, à donner trop de sens à
la moindre ligne ou forme tortueuse, comme si la gravité s’y appliquait et que les croquis pouvaient s’effondrer.
Paradoxalement, griffonner « sérieusement » implique que l’on oublie ce genre d’interprétation trop éduquée. C’est un fait que j’ai découvert grâce à Laura Leonte, la créatrice de CompulsiveDrawer,
un site web s’intéressant aux griffonnages, et les diffusant. Pour être honnête, je ne suis pas tombée sur cette idée par hasard, car il s’agit en fait de ma sœur, et j’ai donc accès à tous ses trucs
cools la première, mais je peux toutefois dire que cela m’a fait voir ces gribouillis sous un autre jour, comme des dessins non conventionnels. Laura définit le dessin compulsif comme quelque chose
qui se produit en faisant, ou en réfléchissant à autre chose. Cet état de non concentration est, selon elle, l’habitat de notre créativité débridée, elle perçoit les « doodles » comme des formalisations
d’une liberté créative traitées illégitimement par leurs créateurs. Les dessins compulsifs ne devraient pas rester enfermer dans un vieux carnet sur le point d’être jeté, ils méritent de s’exposer, de
se dévoiler au monde extérieur, et d’y rester. C’est bien là le but de CompulsiveDrawer, montrer ces dessins en ligne et hors-ligne. Même s’ils sont le fruit d’un processus secondaire, involontaire, il
faut reconnaître le message qu’ils portent.
Une agence d’architecture est généralement remplie de jolis stylos, de grandes feuilles vierges, et de personnes intéressantes sachant dessiner. On pourrait dire que c’est le Shangri-La du gribouillage.
De nombreux dessins potentiellement compulsifs s’y trouvent. La plupart sont des croquis de concepts qui peuvent sembler vagues, déformés. Mais ce sont en fait des pépites d’intention ayant eu
pour but de devenir maison, gratte-ciel, ou bureaux. Dessiner fait partie intégrante du travail d’architecte, c’est un processus nécessaire. Frank Gehry a donné tellement d’importance à cette étape
que c’en est presque devenu son métier. Cela a amené son agence a repensé les procédés de fabrication existants afin que les lignes sinueuses de ses croquis ne se transforment pas en traits
orthogonaux et angles droits. Victoire ! Mais aussi intuitifs soient ces croquis, on ne peut les qualifier de dessins compulsifs, car cela implique un certain recul vis-à-vis des décisions conscientes
afin de laisser place à l’irréfléchi, à l’inconscient. L’art du griffonnage naît dans les marges des feuilles de cours que l’on distribue à l’école.
Nous avons demandé à Laura sur quoi elle avait l’habitude de dessiner quand elle était étudiante. Sa réponse ? Des oignons. Pourquoi ? Car les
pommes et les autres surfaces étaient trop courantes. J’étais une hipster, dit-elle avec autodérision.
J’étais dans ma phase « just do it », j’aimais concrétiser mes projets. On était supposé se débarrasser de certaines
choses à l’agence, notamment de carnets. En les feuilletant, certains dessins ont attiré mon attention. Ils étaient
tellement différents les uns des autres. Ils avaient l’air très bêtes. Ils étaient vivants. Après les avoir vus, je me suis dit
qu’il ne fallait pas les laisser disparaître, on ne peut pas rester indifférent à ce genre de dessins. Ce sentiment s’est
combiné à ma frustration de ne pas pouvoir utilisé certaines bonnes idées à causes de toutes sortes de contraintes,
et cela m’a amené à créer CompulsiveDrawer 10 minutes plus tard.
Selon la créatrice de CompulsiveDrawer, cette pratique représente un moteur pour la créativité, et c’est pour cela
qu’elle s’attache à exposer chacun des surprenants travaux de nos esprits déconcentrés. Laura travaille depuis 10
ans en tant que rédactrice, et est actuellement au sein d’une agence de publicité top à Bucarest. Gravitant autour de
personnes créatives dans le monde de la communication, elle découvrit le point commun le plus courant entre toutes
les idées ; elles ne se matérialisent presque jamais. Et celles qui atteignent ce stade sont toujours transformées,
s’éloignant parfois beaucoup de l’étincelle créative initiale. C’est comme cela qu’elle commença à réfléchir au
potentiel du griffonnage, et à l’importance du dessin dans toutes les phases de conception. Dix minutes plus tard,
CompulsiveDrawer était né.
Ce site web est une plateforme encourageant des personnes d’horizons, professions, générations différentes à diffuser
les dessins qu’ils réalisent en exécutant d’autres tâches. Son but principal est d’aider ces griffonnages à faire surface
au lieu de se perdre dans un carnet qui finira lui-même à la poubelle. Nous avons demandé à Laura, elle-même
dessinatrice compulsive, de nous parler de son site, s’il y avait quelque chose de plus derrière cette collection de
dessins que leur simple fonction chronophage lors de réunions ennuyantes. Nous avons essayé de reprendre tout au
début.
C’était en Juillet 2010, cela fait donc 3 ans que cette décision, ferme et soudaine, convertit des gens de tous horizons à l’art du dessin compulsif. Le rêve de Laura est de recevoir
des travaux de n’importe où en Chine. Cela ne s’est pas encore réalisé, même si CD compte des fans dans le monde entier. Les retours positifs qu’elle reçoit de leur part l’ont incitée
à réfléchir à ce projet comme un réseau social pour griffonneurs. Elle voudrait que même les gens n’ayant aucune expérience se mettent à dessiner, car chacun d’entre eux a un
message à faire passer. C’est bien là le credo de CD.
Ina Leonte est architecte, et enseignante assistante au Département d’Introduction au
Design Architectural à l’Université d’Architecture et d’Urbanisme Ion Mincu, Bucarest.
Elle est actuellement en train de développer sa recherche doctorale, et travaille en
tant que collaboratrice avec l’Ecole de Design Computationnel Parametrica.
l’art du dessin compulsif
briques / journal d’architectes compulsive drawer - ina leonte
La fine limite entre l’intentionnel et l’involontaire commencera à s’exprimer au fur et à mesure que la communauté de
dessinateurs compulsifs grandira. Mais CD a pour but d’encourager la bravoure, et de reconnaître la liberté de l’idée brute, de
la vérité nue. C’est pourquoi la plateforme grandira à travers l’aspect intuitif des travaux soumis, et non autour de la maîtrise
de la main.
A partir de cet automne, CompulsiveDrawer s’efforcera de mettre en contact ces artistes, qu’ils soient reconnus ou non, et
leurs travaux, par le biais d’évènements en ligne et hors-ligne, célébrant ainsi les choses que nous accomplissons entre les
choses que nous voulons accomplir.
Il y a des dessinateurs qui ne savent plus quoi dessiner, et des gens qui ont des choses à dire
mais qui se laissent bloquer par leur maladroitesse.
C’est la raison pour laquelle Laura voudrait ouvrir la petite communauté que CD a réussi à rassembler, et ce, sans réfléchir à une stratégie
d’expansion, afin de laisser une certaine autonomie à cette évolution. La fondatrice croit au potentiel de ce projet. C’est une chose à laquelle
elle ne s’attendait pas, avoue-t-elle, mais qui la pousse à développer son travail. CompulsiveDrawer est une plateforme principalement en
ligne pour le moment, mais Laura prévoit de créer des évènements hors ligne, l’occasion pour les contributeurs de se rencontrer en chair et
en os, de partager leurs idées, leurs points de vue, leurs travaux. Elle travaille également sur une exposition regroupant les œuvres soumises
ces dernières années, et sur la rédaction d’un livre d’histoires racontées par le biais de l’écriture, et du dessin compulsif. Une bande dessinée,
en quelque sorte, qui sera envoyée à toute la communauté de CD.
De manière générale, les personnes soumettant leurs griffonnages travaillent ou étudient dans un milieu créatif.
Les rédacteurs sont la plus grosse source de dessins compulsifs, mais ils ne savent pas tellement
dessiner. Leurs productions sont des plus délicieuses car ils ont des idées qui se matérialisent de
façon totalement improbable.
Bien sûr, l’architecte que je suis ne pouvait s’empêcher de se sentir oubliée. J’ai donc défendu bec et ongles ceux d’entre nous qui gribouillent pour, ou autour,
d’un concept. Toute agence d’architecture qui n’est pas totalement passée du côté digital est un environnement propice au dessin compulsif. D’expérience, je
sais que quelques post-its suffisent à créer un petit personnage marrant, caricaturant son patron, les nuits de charrettes, etc. Mais jamais les clients, ils sont
rois, surtout ces derniers temps.
Chacun d’entre nous pourrait bénéficier d’une soupape de sécurité afin de laisser s’échapper sa créativité entre deux projets. Laura considère le dessin
compulsif comme une porte ouvrant vers une infinité de possibilités créatives, et elle semble en tirer une certaine énergie.
Laura travaille sur le développement de son site web afin d’élargir sa communauté. Après tout, le message est que tout le monde peut, et devrait dessiner. Mais le défi, dit-elle, est
de garder cette énergie brute jusqu’au bout. Nous lui avons demandé si une certaine prise de conscience, une popularisation de cette pratique, ne desservirait en fait pas son côté
compulsif, instinctif.
C’est génial de créer des choses. Chacun doit créer tout ce qu’il/elle peut imaginer. Chaque
idée a un potentiel en soi, même si on peut avoir du mal à la mettre en pratique au début.
Les grandes idées survivent. Le plus merveilleux, c’est qu’une bonne idée grandit, et trouve
les sources d’énergie nécessaires à son évolution par elle-même ! Quand on cesse d’y croire,
quelqu’un d’autre arrive avec des suggestions, des conseils sur la marche à suivre. C’est
pourquoi je pense que CompulsiveDrawer doit fonctionner comme une communauté ! nous dit
Laura avec grand enthousiasme.
Il y a une différence entre le griffonnage et l’art graphique, mais qu’importe le professionnalisme
d’un artiste, une partie de son travail restera compulsif. L’art pour l’art débute toujours par un
instinct, une intuition.
Quand on gribouille, on ne s’en remet qu’à soi-même, et
encore. C’est quand on n’est pas totalement conscient de ce
que l’on dessine que des résultats délirants apparaissent.
Selon elle, c’est l’absence de contraintes qui dynamise le griffonnage. C’est à travers son
aspect compulsif que le génie créatif prend le dessus, sans réfléchir à la marche à suivre.
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0-418, 493-657
Envoyez-nous vos travaux à [email protected]. Un tirage au sort sera mis
en place, avec comme récompense, une version kindle du livre Future Practice.
Reliez les points:
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suggestion d’épaisseurs de lignes
début de ligne
fin de ligne
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Detroit, centre-ville. La crise peut être synonyme de fin, mais elle est aussi synonyme de
renouveau. Imaginons un vieux théâtre inoccupé, laissé à l’abandon, vidé de son activité
du jour au lendemain. On peut encore y sentir l’odeur du vieux parquet, l’exaltation des
comédiens, et même entendre les applaudissements des spectateurs. L’endroit a perdu
son dynamisme, mais a gardé un certain cachet. Une douce lumière s’introduit à travers les
carreaux poussiéreux et vient éclairer les vestiges d’une gloire passée.
Comment, dans un contexte de crise économique et démographique, peut-on proposer
une seconde vie à ces espaces en décomposition ? Quelles solutions, temporaires ou non,
peut-on amener afin de réinjecter de la vie dans ces édifices laissés à l’abandon ?
Retravaillez l’image mise à votre disposition comme vous le souhaitez.
Libre à vous d’ajouter tout autre élément graphique à votre réponse.