Marie-Nolle BourguetChristian LicoppeVoyages, mesures et
instruments : une nouvelle exprience dumonde au Sicle des
lumiresIn: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 52e anne, N. 5,
1997. pp. 1115-1151.AbstractExactMeasurementsand
NomadicInstruments:Scientistson the Move and a New Experience ofthe
World in theEnlightenment.M.-N.BourguetetC.Licoppe.This paper is
focused on the various instruments and measuring devices that
travellers took with them to the top of mountains,such as
barometers, thermometers, hygrometers and other meteorological
devices. It aims at investigating the transformation ofinstrumental
practices by scientific travellers and natural philosophers between
the late 17th century and the end of the 18thcentury. Focusing our
attention particularly on thermometric and barometric measurements,
we intend to analyse how measuringand quantifying practices were
related to philosophical assumptions about order in nature, and how
within the new ethos ofprecision and accuracy they contributed, in
turn, to reshape the perception of nature and the relationship
between man andnature.Citer ce document / Cite this document
:Bourguet Marie-Nolle, Licoppe Christian. Voyages, mesures et
instruments : une nouvelle exprience du monde au Sicle deslumires.
In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 52e anne, N. 5, 1997. pp.
1115-1151.doi :
10.3406/ahess.1997.279622http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1997_num_52_5_279622LES
EXPDITIONSSCIENTIFIQUES VOYAGES MESURES ET INSTRUMENTS Une nouvelle
exprience du monde au Sicle des lumires Marie-Nolle BOURGUET
etChristian LICOPPE
Aprsuneheuredemarchenousvnmesctoyeruneimmensecre vasseelle et plus
decent pieds de largeur onen voyait le fond
nullepartDansunmomentonousnousreposionstousdeboutsurson bord...]
mondomestique par je ne sais quelle distraction laissa chapper
lepiedde monbaromtreil tenoitlamaince piedglissaavecla rapiditune
flchesurlaparoi inclinede la crevasseetalla se planter
unetrsgrandeprofondeurdansla paroi oppose oildemeura fixen
oscillantcommelalanceAchille surlariveduScamandreeus un
mouvementdechagrintrsvifparcequecepiedservoitnonseulement au
baromtremaisuneboussoleunelunetteetdiversautresinstru
mentsquisefixoientau-dessusMaisaumomentmmequelques-unsde mesguides
sensiblesma peine offrirent aller le reprendre... un eux se passa
une corde sous les bras etles autres le calrent ainsi au pied
dubaromtre il arrachaet rapporta en triompheeus unedouble inquitude
pendant cette oprationpremirement celle du danger duguide
suspenduensuitecommenoustionsenvueetenfacedeChamouni o avec la
lunette onpouvoit suivretous nosmouvements je pensai que
sidanscemomentonavoitlesyeuxsurnousoncroiroitnepasen douterquetoit
undenous quitoittombdanslacrevasseeton Cetarticleestlefruitune
rechercheamorcelorsun sjourauMax-PlanckInstitut
frWissenschaftsgeschichtedeBerlinLa Berlin-BrandenburgischeAkademie
derWissens
chaftenAlexander-von-Humboldt-Forschungsstellegracieusementautorislaconsultation
lareproductionphotographiqueainsiquelatranscriptiondactylographiquedescarnetsma
nuscrits Alexandre de Humboldt actuellement en cours de
publicationUne premire version
decetravailtprsentelaconfrenceChallengeoftheEnlightenmentCalculation
Chanceandthe EnlightenmentClark Memorial Library Los Angeles23-24
fvrier1996 Les commentaires de Lorraine Dastonetde Dominique Pestr
ceux dePter Reillet de Mary Terral!ainsi que les discussions avec
Christophe Bonneuil Kpil Raj Simon SchafferOtto Sibum et David
Turnbull sur lethme du voyagedes instruments nous ont t
particulirement prcieux 1115
AnnalesHSSseptembre-octobre1997nopp1115-1151 LES EXPDITIONS
SCIENTIFIQUES alloitle reprendreai sudepuisheureusement
danscemoment-lon nenousregardaitpas Lesrcitsde voyagesont
richesanecdotes etde priptiesdetoutes
sortesmaisilestrarevoirconterlesmsaventuresun instrument
commelefaitHorace-Benedict deSaussureproposun pieddebaro
mtretombdansunecrevassesurlechemindumontBlancetsauv grce aucourage
un guide montagnardSongeant que lascne observe la lunettedepuisla
valle pouvaitfairecroireunaccidentsurvenu un des membres de son
expdition Saussure manifeste il est vrai quelque embarrasla
rapporterMais aveu de inquitude anxieuse il prouva
encetteoccasionsuffitsuggrerextrmeimportancedeinstrument
pourlevoyageentreprisquoiserviraitdefaireascension dumont Blanc
aller visiterleslieuxlesplusinhospitalierssinonpourporter
desappareilsetprocderdesobservationsetdesmesuresmultipleset prcises
Rencontrla croise denosrecherchesrespectives une portantsur
ladescriptionetinventaire dumonde parlesvoyageursnaturalistesdu
Sicledeslumiresautrequestionnantlerledelamesureetdela
quantificationdanslessciencesde poque moderne2lethmedeins
trumentenvoyagesertdefildirecteurcettetudePrenantlecasdes mesures
effectuessur les montagnesaide de baromtres thermomtres
hygromtresetautresappareilsmtorologiquesnotreproposestde
suivrevolutiondeusage desinstrumentsparlesvoyageurssavants
philosophes etnaturalistes entrela findu17e sicle et la findu18e
sicle analyser les rapportsentre les gestesde lamesure et de
laquantification une part etles prsupposs philosophiques
oucognitifssur ordre dela natureautrepartIlagit
aussidemontrercommentenretources pratiques instrumentalesont
auseinune nouvelle thique de la prcision
etdeexactitudecontributransformerlessensibilitsmodelerla perception
de la nature etredfinir les relations entre homme etle monde qui
environneDiverstravauxhistoriens aucoursdesvingtdernires
annesontmisenvidence la mutationdessensibilitsetdesreprsen
tationsdelanaturequeconnatlafindege desLumiresfaceaux paysages
marins et montagnards notamment3Notre ambition est explorer
Horace-Benedict deSAUSSURE VoyagesdanslesAlpes
Neufchtel-Genve1779-1796 vols1796pp160-161)
Marie-NolleBOURGUETVoyagestatistiquehistoirenaturelleRapporthabilitation
UniversitParisI-Panthon-Sorbonne1993dactylChristianLICOPPELa
formationdela
pratiquescientifiqueLediscoursdeexprienceenFranceetenAngleterre1630-1820)
Paris La Dcouverte1996 MarjorieHOPE NicoLSON MountainGloomMountain
GloryIthaca Cornell University Press1959Numa BROC Les montagnes
vues parles gographes etles naturalistes delangue franaise au
18esicleParis Bibliothque nationale 1969Keith THOMASDans le jardin
de la natureLa mutation des sensibilits en Angleterrepoque
moderne1500-1800 Ire dition 1983) tradfrParis Gallimard
1985CHARLTONNew Imagesof the Natural inFrance
StudyinEuropeanCultural
History1750-1800CambridgeCambridgeUniversity Press
1984BarbaraSTAFFORD Voyage into Substance Cambridge Ma. MIT Press
1984Alain 1116 M.-NBOURGUET etLICOPPEVOYAGES ETINSTRUMENTS cette
transformation culturelle en prenant comme angle approche usage des
instruments et les mesures faites dans lecadre des voyages
scientifiques enmontagneentantils ontcontribumergencedenouvelles
catgories perceptivesetesthtiquesun nouveautypederapportsentre
homme etla nature agissant en quelque sorte un essai
historiographique attachmettre en commun des problmatiques
ordinairement disjointes et en outre soumis auxcontraintes
propresau format de article notre propos estici de frayer unespace
investigationhorizon invitablementbornparceschoix demthodeAinsi
convient-il entre de jeu desouligner en choisis santde focaliser
attentionsurdesinstrumentsbaromtresetthermo mtressurtoutetsurles
pratiques demesure etde quantificationmises enuvrelorsexpditions
enmontagneaucoursdes17eet18e sicles
notretudeprenddecefaitlerisquetre tropdtachedesdivers contextes
institutionnels sociaux culturels et mme nationaux dans lesquels
insrent ses diffrentsacteursvoyageurs naturalistes astronomes phy
siciensouphilosophesqui sontles hrosde notrercitSans douteest-
ceproposAlexandredeHumboldtfigureemblmatiqueduvoyage scientifique
des Lumires apparaissent le mieux les effetsoules points
aveuglesdelapositionadoptesila placequiluiestfaitedansnotre rcitse
justifieautant mieuxqueHumboldtvoyagea surlestracesdes
savantsfranaisquiavaient prcddanslaCordillrerefaisantleurs
mesuresenmme temps il attachait expressmentmettreses calculs en
rsonance avecletravaildes physicienset astronomes parisiens de son
tempsilempchequerduirelevoyageurauxmesuresilfaites durantsonpriple
amricain revientconstruireunpersonnage enpartie fictifcoup de sa
formationdeminralogiste deses voyagesapprentis sage
enEuropeetdesoninsertiondansles dbats intellectuels dumonde
germanique4Cettelimiteindiqueprixpayerdansattenteune enqute
aboutiereste le pariqui motive entrepriseproposer des pistes
explorer aucarrefour de histoire culturelle et de histoire des
sciences Voyage etmesuredes rseaux instruments
Depuislemilieudu17esicle ilestcourantderecommanderceux qui se
prparent auvoyage de se munir instruments et effectuer au long
deleur route des observations etdes expriences de mesureEn1688 pour
inciter les voyageursrecueillir des donnes mtorologiques sur les
saisons etlesclimats des paysvisitsBaudelot de Dir val insiste sur
les avantages apporte
lafabricationnouvelleinstrumentsportablesOnfait
CORBINLeterritoireduvideOccidentetledsirdurivage1750-1840ParisAubier
1988SimonSCHAMALandscapeand MemoryLondres Fontana Press1996 Michael
DETTELBACHHumboldtianSciencedansNickJARDINE JamesSECORD
EmmaSPRYCulturesof Natural HistoryCambridge Cambridge
UniversityPress1996 pp287-304Marie-NolleBOURGUETLa
rpubliquedesinstrumentsVoyagemesureet
sciencedelanaturechezAlexandre deHumboldtColloque
Deutsch-Franzsischer Kultur transfer1789-1914Berlin
27-28septembre1996paratredanslesactes) 1117 LES EXPEDITIONS
SCIENTIFIQUES depuis
peudepetitsthermomtresexcellentsetcommodesporterdans desetuisde
chagrinsion enavaitilseraitfacileobserver combien esprit de
vinmonte plushaut ici oudescend plusbasselon la saison
quirgneradanslepaysCettetendanceaffirmeausiclesuivant il agisse de
voyages dansles pays Europe expditions maritimes de
missionsnaturalistesou plusquetoutascensions montagnardesla
panopliedesvoyageursalourditlafindu18esiclelecomtede
Berchtoldprescritaucandidatvoyageur emporterunebonnemontre
uncompasdemarineunthermomtreunbaromtredescartes...] un bon
tlescopeSurtout les questions poseset accent missur la quan
tification supposent mme de manire implicite le recoursdes
instruments et une place croissante faite aux mesures et aux
calculsDans leSommaire observations histoire naturelleil
rdigeen1766 pour expdition
australedeBougainvillelenaturalistePhilibertCommerson consacreun
dveloppementspcialauxobservationsphysiquesetmtorologiques
insistantsurlancessitdetenirunregistreexactdesvariationsde
atmosphrepardesmesuresbaromtriquesthermomtriqueshygro
mtriqueslectriquesetmagntiques7LorsqueleprsidentJefferson charge
Thomas Freemanexplorer lesud-ouest amricain en1804 illui demandede
dcrireleclimat desrgionsvisitespardes relevsthermo mtriqueset
hygromtriquesautantque pardesobservations plusqualita tivessur la
directiondes ventsles priodes de floraisonoulepassage des
oiseauxtoutesdonnesenregistrersouslaformelaplusconcisedans
lescasesun calendrieroudanslescolonnesun tableau8lamme poque en
Franceonvoitcetteexigence quantificatrice semanifestersur
unmodedjbureaucratique dansenqute confieaux prfetsnapolo niensqui
pour dcrire la topographie de leur dpartement devront prfrer
lechiffreetlamesureauxnotationspittoresquesgard desmon
tagnesilestncessaireon fasseconnatreleurslvationsprisessur les pics
comme aussi la hauteur moyenne deleurs chanesIl faut indiquer leur
pente est--dire angle que leursurfaceincline faitavec horizon
CharlesCsar BAUDELOT deDAIRVAL Mmoiresur quelquesobservations que
on peut faire pournepas voyagerinutilementBruxelles Lonard1688
Leopold BERCHTOLDEssai
pourdirigerettendrelesrecherchesdesvoyageursqui se proposentutilit
deleur patrie1789] trfrParis Du Pont an V-1797pp84-85
PhilibertCOMMERSONSommaireobservationshistoirenaturelleparlede
Commersonoccasion duvoyage proposde faire autour du monde
pardeBougainville etenrponse dela demandeque
faisaitleducdePrasiinune noticedesobservations pourrait faire un
naturaliste remis audit ministre le 24 dcembre 1766Arsenal Ms6666
pice15reproduitdansEtienneTAILLEMITEBougainvilleetsescompagnonsautourdu
monde1766-1769 Paris Imprimerienationale1977pp514-522) Thomas
JeffersonThomas Freeman Esquire14 avril1804Climate as characterized
bythe thermometerbythe proportion of rainycloudyand clear days...
bytheaccess and recessof
frostbythewindsprevailingatdifferentseasonsthedatesatwhichparticular
plantsput forth orloose their floweror leaftimes ofappearances
ofparticular birdsreptiles orinsectsMostof thesearticles
maybeenteredincalendarortablesoastotakelittle room ortimein
enteringcite dansFLORES d. Jeffersonand SouthwesternExploration
TheFreemanCustisAccounts oftheRed RiverExpedition of1806Norman
University of Oklahoma Press1984 pp321-322) 1118
M.-NBOURGUETetLICOPPEVOYAGES ET INSTRUMENTS ..JPour dterminer avec
prcision tendue des valles ondonnera leur
largeurmoyenneaubasaumilieuetlacimeaprsavoirgalement donn leur
hauteur moyenne perpendiculaireLes donnes quantitatives recueillies
par le moyen instruments imposent ainsicomme le matriau
scientifiqueparexcellencelamesureetlaquantificationcommelavoie
oblige duprogrsdela connaissancePour Alexandre deHumboldtce est pas
autrement que lagographie des plantesest--dire tude de la
distributiondes espces vgtalespuson poque devenirune
scienceCettetudeneest leveaurangune sciencequedepuis que
onperfectionnetles mesures dehauteurparemploi desnivel
lementsbaromtriquesetladterminationdes diffrencesentrela temp
raturede t et dehiver entrecelle du jour et de la nuit10 On se
tromperaitnanmoinslire ce processus comme la consquence
simpleetdirecte une demande de faitschiffrscontinmentcroissante
depuisle17esicleCarlespratiquesdequantificationde mme que les
maniresutiliser les instrumentssont historiquement
diversesvariables selon les lieux et les poquesla findu18esicle dj
cetteobservation conduit le physicien suisse
Jean-AndrDelucdistinguertroissquences danshistoire des
instrumentset desmesuresvienten un premiertemps invention appareils
capables de montrerdes objetsqui chappentla vueetpour cela
nommsmicroscopesthermoscopesoubaros copespuis au cours du 17e sicle
le suffixe scope laisse progressivement la place ausuffixemtrecomme
dansbaromtreapparuvers1665 Maisceglissementsmantiquedela vuela
mesuresemblefort prmaturDelucqui jugela findu18e sicle
encorepeuobser
vateurssinonlui-mmeetsespairspeuventlgitimementrevendiquer
exactitude de leurs mesuresOnchang troptt la terminaison de ces
nomsetde bienautres encoreenqualifiantde mesurece qui netait
pointencoreMaischaque jour ondevientplusdlicatsurlesconditions
elles exigentetlesprogrsversleurperfectionsontles paslesplus relson
aitfaitsverslaconnaissancedelanatureLa remarque
Jean-AntoineCHAPTALCirculaireduministredeIntrieur
auxprfetsdesdparte ments19germinalan
IXcitdansMarie-NolleBOURGUETDchiffrerlaFranceLa
statistiquedpartementalepoque napolonienneParis
Editionsdesarchivescontempo raines1988 p.418 10Alexandre de
HUMBOLDTSur les lois que on observe dans la distribution des formes
vgtalesAnnalesdechimieetdephysique1816)227 11Jean-Andr DELUCEssai
sur la pyromtrie etaromtrie et sur les mesures physiques engnral
deuximepartieObservationssurla physiquesurhistoire
naturelleetsurles arts181781)481Surhistoire
desinstrumentsbaromtriquesleurfabrication etleurs
usagesvoirMauriceDAUMAS
Lesinstrumentsscientifiquesau17eetau18esicleParis
PressesUniversitairesdeFrance1953KNOWLESMIDDLETONTheHistoryofthe
BarometerBaltimoreTheJohnsHopkinsUniversityPress1964TheodoreFELDMAN
AppliedmathematicsandthequantificationofexperimentalphysicsTheexample
ofba rometrichypsometryHistorical
StudiesinthePhysicalSciences151985pp127-198 Jan
GoLlNSKiBarometersof changemeteorological instrumentsasmachinesof
enlighten mentparatre dansWilliamCLARKJanGOLINSKI
andSimonSCHAFFERTheSciencesin
EnlightenedEuropeChicagoChicagoUniversityPressPlusgnralementsurlesinstru
mentsdemesureet essor delaquantificationvoir lestravaux rcentsde
Tore FRNGSMYR 1119 LES EXPDITIONS SCIENTIFIQUES montre combien
mergence une thique de la prcision et de exactitude dans le dernier
tiers du18e sicle fut ds lors perue par les contemporains comme
uneruptureparrapportaux pratiquesantrieures
Demanderdesobservateurseffectuerdesmesuressurleterrain supposeque
dansesprit etla pratiquedeceluiquilescommandeces mesures aient un
sens et que les donnes ainsi collectes localement puissent
treapprhendescommeunensemblecohrentdenombresenrapport les unsavec
les autresOrcomment des mesures elles soient effectues en des lieux
divers par un mme type instrument ou au contraire produites
surunmmesiteaide instrumentsdiffrentspeuvent-ellestrede
manirepertinenteetsignificativerelieslesunesauxautresAinsila
questionduvoyagedesinstrumentsetdelaquantificationsetrouvepar
essenceliecelle fortcomplexede lacoordinationdesoprationsde mesure
de leurmiseenrseau
LespremirestentativesencesensapparaissentrelativementttEn
1648ayanttout justeachevsesclbresexpriencesbaromtriquesau sommet du
Puy-de-Dme le beau-frre de Pascal Florin Prier entreprend observer
quotidiennementlapression atmosphriqueClermontetpro pose de
comparer ses mesuresavec celles qui sont simultanment collectes
Paris etenSudemais ilestfinalementoblig admettre que compte
tenudesinstrumentsdisponibles la confrontationavecdesdonnesloin
tainesapporte riendenouveauauxconclusionsil peuttirerdeses seules
observations locales12La question de la coordination des
instruments etdelacomparabilitdeleursmesuresapparatdonchorizondela
rflexionaumoment prcis oles savantsintresssla physique passent de
exprience torricelliennedans laquelle letubeexhibe unespace dont la
nature est controversepeut-tre videcoup sr curieuxinstrument
baroscope o leniveau dumercure dansletubedonnevoirlepoids de
atmosphre enunlieu et uninstantdonns) Siinstableen soitalorsla
pratiqueleprojetinscrire desobser vationsdansla matrialitun
instrument etdansordre scripturalun
tableauchiffrposedoncentreautreschosesleproblmede lacompa rabilit
et de la calibration des instrumentsest sous cet angle que nombre
de recueils instructions auxvoyageurs publis dansla seconde moiti
du 17e sicleabordent la questionDans unmmoireadresse desobser
vateursenvoyageoilappellela mise enplace un rseau obser
vationscoordonneslenaturalisteanglaisJohnWoodwardvoquele problme de
lastandardisationdesinstrumentsI]l seraitextrmement avantageux que
tous les thermomtreset hygrobaroscopesutilissdansles
HEILBRONandRobinRIDERedsTheQuantifyingSpiritintheEighteenthCentury
Berkeley UniversityofCalifornia Press1990pour unetude
desinstruments du18esicle
dcaledesapprochesliantmesureetprcisionvoirThomasHANKINSandRobert
SILVERMAN Instruments and theImagination Cambridge Cambridge
University Press 1995
12FlorinRIERRcitdesobservationsfaitesparMrPrier.dansBiaise PASCAL
uvrescompltesuvresdiverses1623-1654)JeanNARDd.ParisDesclede
Brouwer1970 pp739-742 1120 M.-NBOURGUET etLICOPPEVOYAGES ET
INSTRUMENTS mesuressoientsoigneusement ajustsles unsauxautres aprs
untalon commun rsultatqui serait facileatteindre sitous les
instruments taient achetslamme personneLa solutionenvisage
prendformeune publicitenfaveurun artisandesesamisSijedevaispourcela
recommander un nom je nesaurais dsigner une personne pluscomptente
queMrHuntdmonstrateurdelaRoyalSocietyGreshamCollge
Dotsinstrumentssemblablessortisdelammechoppeetrapports par
leurfabricantuntaloncommunles voyageurs pourronttravailler
unescience desclimatsDe cettemanire la chaleur oulefroidde tous
leslieuxplacssousla mmelatitudeetlemmeclimat pourraienttre compars
etconnus pour chaquesaison de anneDe mme onpourrait juger de manire
comparative de la chaleur et du froid respectifs des climats
mmelesplusdiffrentsetdistantslachaleurun paysouun lieu pourraittre
confrontecelle un autreendroit13
Prescriptivesdansleurtoncesinstructionsusage desamateurset des
curieux restentla findu17e sicle teintes encoreutopieDans la
Francedelapremiremoitidu18esiclecesontlesastronomesde Acadmie
royale des sciences de Paris etle rseau de leurs correspondants
locauxacadmiciens deprovince hydrographesdes portsde la Marine
ecclsiastiquesordresverssdansunetraditionsavanteminimesou
jsuitesque on voitrecourirde tellespratiquesconjuguant obser
vationsastronomiquesetmesuresbaromtriquesou thermomtriqueslors
expriences journalires conduites dans leur cabinet ouleur
observatoire ouoccasion des mesureseffectuesaucoursde
missionsgodsiques Ainsidansle voyage ils accomplissent
en1700-1701en Auvergne en Provence et aux Pyrnes pour dterminer la
mesure dumridiende Paris Jean-DominiqueCassini
etsonfilsJacquesprofitentdes ascensions
effectuesdanslecadredeleursoprationsde triangulation pourse livrer
desobservationssurla hauteurdu mercuredanslesdiffrentesstations
Enmmetempsils calculentaltitude desmontagnes parla mthode classique
dela triangulation lesastronomes concluent de cesexpriences queon
peutaussidterminerceshauteurspartirdemesuresbarom
triquescoordonnesIIparatparcesobservationsque... on peut
connatreavec assez exactitude les diffrencesentre les hauteurs de
deux lieuxlevs un au-dessus de autre pourvuque on sache la
hauteurdu baromtreobserve dans lemme tempsauniveau de la
merSoucieux 13JohnWOODWARDBrief
instructionsforthemakingofobservationsand collectionsin ordertothe
promotionof naturalhistoryin all partstheworld LondresWiikin1696
19Itwouldbeofincredibleadvantagetothisdesignwere all
thethermometersand hygrobaroscopesusedinitadjustednicelyand
exactlyaftersomeonecommonstandard Which would
bethingveryeasytobedone weretheyall boughtof thesame personNor
canifmaypresumetorecommend
oneforthispurposenominatefitterthanMrHunt operatortotheRoyal
SocietyatGreshamCollege... Bythismeanstheheatorcold of all
placesinthesameclimateorunderthesame latitudemaybecompared and
knownforany orallseasonsof
theyearThesamewaymaycomparativejudgmentbemadeoftheheat
orcoldofclimatesthousoneversodifferentordistanttheheatof
onecountryorplace maybeconferred with another 1121 LES EXPEDITIONS
SCIENTIFIQUES
detesterlesthoriesenvigueursurlepoidsdeatmosphreetsurles variations
de la colonne de mercure ambitieux de trouverces phnomnes
unergleconstanteles astronomes de Acadmie adoptentpourstratgie de
confronter leurs mesures locales avec les relevs effectus
simultanment Observatoire
deParisafindedterminerlesvariationsdubaromtre entre les deux
endroitsNon pourtant ils supposentdfendentrio ri lathseune
correspondanceentrecesphnomnesest aucontraire
seulementlorsquelescartsdanslesrsultatssontngligeablesils estiment
fondsjugersignificativestantauplaninstrumentalon
tologiquelesmesureseffectuesLadiffrencequisetrouveentrele plushaut
tat dubaromtreParis et Clermont est depoucelignes1/2 la mmequi
setrouve treobservation faiteentre cesdeux villes lorsque
lebaromtre tait enson plus bas tatcequi fait conjectureril avait
departetautre la mmeconstitutiondeair14La concidenceentre
lesinstrumentscreaupassagelareprsentationdelanaturelaquelle
elleestcenserenvoyeretconditionnelafaondeapprhenderat mosphreserait
souvent homogneentreParis etClermontLe pointest loinailleurs de
faireunanimitenAngleterre parceil cherche
mettreencauseensembledesrsultatsduvoyagedesCassiniqui conduisentdes
conclusions sur la formede la terreen dsaccord avecla
thorienewtonienne dontil estlui-mme unactif partisan) lephysicien
et philosophe de la natureJean-Thophile Desaguliers faitremarquersi
grandedistancelesconditionsatmosphriquessonttropdiffrentespour
autoriserlacomparaisoncelle-cinepeutsefaireentre desmesures
prisesendeslieuxvoisinsun deautre parexemple ausommetetau piedune
mme montagne15 Pour ce quiestdesthermomtressiambition de leur
coordination et
deleurcomparabilitestaffichedsledbutdu18esicleavecles
instrumentsconusparacadmicienAmontonsilfautattendrelesex priencesde
Reaumurdanslesannes1730 pourtrouverunphilosophe de la naturequi
fondeson programme de mesurenonsur laseule habilet un artiste mais
sur unargumentpriori concernantla conception mme
desinstrumentsetleurcalibration16Reaumurattachetalonnerses
thermomtresparrapportcequeon pensealorstredespointsfixes dansla
naturetat deeau enebullition celuidesa transformationen glacedes
instrumentsconstruitssurcettebase serontidentiques est--
direcapablesde parlerla mmelangueetainsidepermettrelacollecte
14Jacques CASSINI dit Cassini II)Rflexions sur lesobservations
faites parle pre Lavai la Sainte Baume etaux montagnes des
environsHistoire de Acadmie royale des sciences pouranne1708avec
lesmmoiresdemathmatiqueetdephysique pourla mmeanne
ParisImprimerieroyale1709460citci-aprsMmoiresdeAcadmie royaledes
sciencespour..id.RflexionssurlesrglesdelacondensationdeairMmoiresde
Acadmie royaledessciences pour17051706]69
15JohnTheophilusDESAGULIERSDissertationconcerningtheFigureofthe
Earth Philosophical Transactions ofthe Royal Societycite par la
suitePhilosophical Transactions) volXXXIII1724pp201-223213)
16LicopPELa formationdela pratiquescientifiqueopcit.pp108-112 1122
M.-NBOURGUET etLICOPPEVOYAGES ET INSTRUMENTS
demesurescoordonnesMieuxcarilfautencorequelesutilisateurs
sachentaussiharmoniserleursgestesReaumurparvientorganiserlui- mme
un petit rseau observateurs parstravers le mondevoyageurs
naturalistesagentsde la compagnie des Indes ingnieurs
administrateurs descoloniesAyant confichacunavecforceexplicationsun
deses thermomtresilchargesescorrespondantsenregistrer
quotidiennement lesmaxima etminima
detempratureobservsdanslesrgionsoilsse trouventauxbornesdeempire
franais duCanadale de Francede la Guyanela CyrnaqueDe ces
donnesmthodiquement recueillies le savant parisienespre pouvoir
dresser unecarteannuelle destempratures extrmesnotamment celles des
rgionstorridesduglobeLe travail prend finalementlaformeune
sriedetableauxstatistiquesannuelspublis durantunedizaine annes
danslesMmoiresdeAcadmie royaledes sciencesUne double
logiqueestuvreencollectant lesdegrs de chaleur oudefroid extrmes
Reaumur satisfait le got un public clair traditionnellement
amateurdephnomnescurieuxetdefaitssinguliers mais il veutservir
aussi utilit detat en dessinant au monarque grce
auxinformationsfourniesles moyensune politiquela carteune ex
pansion possibleNous aimerionssavoirquel point des hommes telsque
nous peuvent soutenir le froidou lechaud17Rayonnantpartir
ducentreAcadmie dessciences de Parislerseau des voyageurs
etdeleursinstrumentssetrouveprisdansunedynamiquecentrifuge
expansionniste vouematriser espace etfaire reculerles limitesdu
monde connu en imposant emprise de donnes chiffres prcises stables
jusque dansles rgionsinexplores oexistaient alors que mythes
fablesetlgendes Soixanteans plustard defait
appropriationglobalisante etcartogra phiquedu monde
associeunedmarche instrumentale et quantificatrice
prisunetellelgitimitAlexandre deHumboldtpeutfeindreindi gnationil
dcouvreenAmriqueduSudentreAmazoneetOr- noque il est encoredes
endroitsdumondechappsla mesuredont les cartessontfausses au point
avoisiner illustration de mythes gogra phiquesCe est pas
pourtantaient manqu sur placeles instruments ncessaires
pourtravailler auprogrsdelagographieendressantune carte exacte de
cette rgionDj en1778 rappelle Humboldt la commis sion charge de
rsoudre un conflit de limitesentre Espagne etle Portugal
apportaitsurleslieuxdesquartsdecercledespendulesetdeslunettes mais
faute une claire division entre objectifs politiques et
gographiques
lesinstrumentsfurentmalutilissetlescartesproduitesgrossirement
faussesCecibienqueles instrumentssoientencoresurplaceetque des
prcautionsaienttprisespourleurconservationLe progrsdela go
graphieseconfondaveclapossibilitpourdesgographesoprer in-
17Ren-AntoineFERCHAUT deREAUMURRgles pourconstruiredesthermomtres
dont lesdegrssoientcomparablesMmoiresdeAcadmie
royaledessciencespour1730 1732] pp452-507453) 1123 LES EXPDITIONS
SCIENTIFIQUES dpendamment munisde leurs insparables instruments de
mesure18Ainsi se trouvent formulsaube du 19e sicle idal un rseau
instruments tendulaterreentireetleprogrammeune cartographieduglobe
virtuellementacheveexceptiondequelquesendroitstoujours
conqurirencoremesurer attrait des sommets etdes pays perdus Au
17esicle atteindreunsommetouvisiter uncoinperdudumonde rienune
finensoipourlesphilosophesdelanaturePascaldoit convaincre
Prierdefaireascension duPuy-de-Dme munidesontube de mercure
pourprocderdes expriences sur levideil nelui demande
pasdedcrirelanatureil dcouvrira ausommetetPrierdefaitne
ditriencesujetDe mmelorsqueJacquesCassinietJacquesMaraldi
montentauhautduPuy-de-DmeduMont-DoretduCanigouleur objectif premier
est de mesurer la hauteur des montagnes par des techniques de
triangulation gomtriqueTout auplusprofitent-ilsde occasion pour
procder enmme tempsdes mesures baromtriques cherchanttablir
unerglequipermettraitde connatrealtitude une montagnepartir
unesimplesriedemesuresEnmatirehypsomtrielamthode baromtrique
restesubordonneaux procds gomtriquesQuoi il en
soitlesvoyageursnelaissent aucunetracedansleursrcitsun intrt
quelconqueportobservationdelanatureouladescriptiondes phnomnesils
ontpuremarquerausommetdesmonts19Aussi bien
leursilenceest-ilconformeespritun siclequiprouvepourla montagne
plus de rpulsion que attrait etvoit dansses paysages un chaos
dsordonnetuneaffreusesolitudeai vuces jourspasss des monts
pouvantablestout couvertsune glace paisse de dixdouze piques
criten1606saintFranoisdeSalesJeannedeChantaialorsil traversela
vallede Chamonix20 Durant la premire moiti du18e sicle un
changement sensible survient
danscesattitudescollectivesvis--visdesmontagnescommeillustre
expditiondeBouguerGodinetLa CondamineenvoysauProuen 1735Certes les
mesuresgodsiques sont iciencore au premier plan des
proccupationsdesacadmicienspuisqueest parellesquesavantset
astronomes esprentmettreuntermela controversesurlafiguredela
terreetdcider desa formeaplatie ouallongeest donc la ncessit tablir
uncampementlaplushautealtitudepossiblepourprocder leursmesuresangle
quilance Bouguer etLa Condaminesurles pentes 18Annotations de
Humboldt portesen marge une lettre de Miguel Bello 13 avril1802)
dansAlexander vonHUMBOLDTBriefeausAmerika1799-1804
UlrikeMOHEITed.Berlin Akademie Verlag1992171 19Biaise PASCALRcit de
la grande exprience de quilibre desliqueurs1648) dans
uvrescompltesopcit.pp681-682CASSINI IIRflexionssurlesrglesdela
condensation de airartcit pp61-71Jacques MARALDIComparaison
desobservations du baromtrefaites parleSbastienTruchet
aveclesntresMmoiresdeAcadmie royaledessciencespour17051706]
pp219-221 20CitparPhilippeJOUTARDinvention dumontBlanc Paris
Julliard198028 1124 M.-NBOURGUET etLICOPPEVOYAGES ETINSTRUMENTS
duPichinchaet duChimborazotait tanttsurlesommet tanttsur le
penchant de ces montagnes ... que nous placions nossignaux21Mais
ilplusdansintrt que portentlesacadmicienslaconqutedes sommetsautres
motivationssontvidence prsentes Pour
justifiersongotdesascensionsquatorialesBougueroffreun premier
argumentil agit aller effectuer des observations baromtriques
dansdes lieux jusque-l restshorsatteintecause de altitude et de la
neigeimpulsion iciestbiencelledelamesureetdelaquantification
Bouguer insistesurlefaitque personne avant eux avait jamaisobserv
leniveaudumercuretombersibasilracontecommentayantrussi
transporterleurinstrumentdepuislecamp au sommetduCoraz
ilsfirentleurs mesuresau milieu des neigespour lapuregloire de
briser le recordde altitude baromtrique au Nouveau MondeCette
montagne 2476 toises de hauteur selon les mesuresgomtriques que en
ai prises lemercuresoutintdanslebaromtre15pouceslignes...On avoit
jamaisportunbaromtredansunlieusihautetilmme beaucoup apparence que
personnetoitall car il faut unmotif pour entreprendrede pareils
voyages22estCassini deThuryCassini III) qui au mme moment effectue
avec Lemonnier des oprations baromtriques similairessurles
montagnesde ancien mondeenAuvergneetdansles Pyrnesque revientde
tracerle cadreprogrammatique quidonne sens exploit deses
confrreseten marquerla portephilosophiqueDe plusieurs observations
que divers physiciens et astronomes nous ont donnes surla
hauteurolemercurerestesuspendudanslebaromtrediverses
lvationssurleniveau dela mer ilneen trouveque trspeu de faites
surdes montagnestrsleveselles sont cependant les plusproprespour
connatretendue denotreatmosphreetlesdiffrentesrarfactionsde
airdiverseshauteurssurla surfacedela terre23
cettemotivationquantificatricedontenjeu esttablir unegrille
universelledemesureetderendrecomparablesentreeuxAncien etle Nouveau
Monde Bouguer ajoute un deuxime motifla curiositIl raconte
commentileutoccasion avec sescompagnons unepremirefoissurle
PambamarcapuissurlePichinchaobserver auleverdusoleilunph
nomneextraordinairedes halos lumineux qui entouraientleurstteset
dontombre se projetaitsur un nuage encouronnes multicoloresest
commeuneespceapothose pourchaquespectateurSafascination
21Charles-MariedeLA
CONDAMINEMesuredestroispremiersdegrsdumridiendans
hmisphreaustralParisImprimerie royale175157
22PierreBOUGUERRelationabrgeduvoyagefaitauProuparMrsdeAcadmie
royaledessciencesdansLa
figuredelaterreParis1749ppIvii-lviiiunepremire
versionpresqueidentiquefutpublieparBOUGUERsonretourRelationabrgedu
voyagefaitauProuparMrsde Acadmie
royaledessciencespourmesurerlesdegrsdu
mridienauxenvironsdeEquateuretenconclurelafiguredelaterreMmoiresde
Acadmie royaledessciences pour17441748] pp249-297)
23Csar-FranoisCASSINI de THURY dit CASSINI III)Rflexionssur
lesobservations du baromtre faites sur les montagnesdu Puy-de-Dme
du Mont-Dor et du CanigouMmoires deAcadmie royaledessciences
pour17401742]73 1125 LES EXPEDITIONS SCIENTIFIQUES
estsigrandequeestpeineil songealorsprendrequelque mesure
duphnomneJeformailahteuneespce arbalestrilleavecles
premiresrglesque je trouvaiparceque jecraignoisque cetadmirable
spectacle neoffrt que rarementMais pisode suffitpoursignifierau
voyageur lancessit aller tudierlanaturesurles lieux mmeles plus
inhospitaliersayant atteint les sommets andins pour autres
finsprocder des mesures gomtriquesetbaromtriques) Bouguer etses
compagnons dcouvrent l undploiement de phnomnes qui eneux-mmes
mritent tre observsDe nouveauxespaceslesplushautesmontagnesles
volcans dela Cordillreouvrent ainsi auvoyageIlsconstituent pour
lephilosophe de la naturesonterritoire propre
ignordesgensordinaires quiont intrt quepourlesbassesvallesamour
desrichesses quiremuetantde gensau Prou comme
partoutailleursbienloindeles
conduiresurdesrocherssilevslessollicitepluttchercherenbas dansles
ravines24La Condamine aussi souligne cecontraste en racontant que
la populationdeQuito intrigue parles faits etgestesdes savants eut
ttfaitdesefaireuneopinionaprslavisiterendueleurcampdu Pichincha par
deux habitantsde la villeNous avonsconserv depuis la rputationune
espcehommesfortextraordinaires25De faitpour
menerbienleurprogrammeenceslieuxduboutdumondelesacad miciens
doivent renoncertouteoisivetils ne taient pas levs avant aube
ilsauraient rien vudumerveilleux spectacle des halos lumineux est
une heureindue pour tout autreque desphysiciens poursetrouver sur
lesommetune hautemontagneRenonceraussitoutsouci ap
parencedanstrange personnage quiparvientausommetduCoraz unct de son
habit de sa barbe et desessourcils tout couvert deglaons
commentpourrait-onreconnatrelgant LaCondamineordinairesi soucieux
desa miseil prfra enapprochantde Quito attendredansun monastre
jsuitearrive desesbagages plutt queaffronter la bonne socit de
lavillesansunhabit convenable26Hors dutempset des lieux
ordinaireshorsdesconvenancesdumondeetdesmodesdelasocit
ainsidoitvivrelevoyageurphilosophe de lanature
Maiscesnouveauxterritoiresduvoyage restentpourLaCondamine
etBouguereux-mmesdesespacespeineapproprisencoreaper us plutt que
conquisPour en prendre mesure il est intressant de considrer
lescritiquesexprimesparAlexandre de Humboldtunesoixantaine an
nesplustardalorsquelui-mmemarchesurlespasdeexpdition
franaiseellessoulignentcombiendansintervallelaconceptiondu
voyagescientifiquesurleshauteursest dcale profondmentinflchie sur
certainspointsettransforme danssonprojet cognitif autantque dans
24BOUGUERRelationabrgeopcit. ppxliii-xlvetlviii 25C.-Mde LA
CONDAMINE Journaldu voyage fait parordre duroiEquateur servant
introduction historiquela mesuredestroisdegrsdemridienParis
Imprimerie royale 1751p.38
26BOUGUERRelationabrgeopcit.xlivetlviiC.-Mde LA CONDAMINE
Journalopcit.58 16 1126 M.-NBOURGUET etLICOPPEVOYAGES ETINSTRUMENTS
sespratiquesmatriellesCertesHumboldt reconnatsesprdcesseurs la
gloireavoir tles premiersfaireascension des sommetsandinset admire
La Condamineavoir port ses instruments au haut du Chimborazo Mais
jusque dansces prouesses lanouveaut de leurvoyage nelui parat pas
assez radicaleSes critiques portent spcifiquementsur les pratiques
de mesuredesacadmiciensetsurlelienentrecelles-cilevoyageetles
reprsentationsde la montagneil reproche parexempleLa Condamine son
manque de prcision danstablissement de altitude duChimborazo il
luidonnepeu prs3220 toisesetil revendique pourlui- mmelagloireavoir
tlepremiertransportersesinstrumentssurle
Pichinchailsouligneilsupportderestersurlesommetletemps
ncessaireplusieursoprationsdemesureaulieudeladouzainede
minutesqueLa Condamineseulement passes27
LefaitestqueHumboldtassigneauvoyagescientifiqueautresob
jectifssurdeux pointsenparticulierTout abord mme ausommet des
montagnes unvoyageur ne sauraitse bornermesurer quelquesquantits
enpetitnombreetsurunestationdonneDu tempsde La Condamine la
partieminralogiqueetphysiquetsingulirementngligeOn ne
fitalorsquemesurerdeshauteursdeslasticits deair desdegrsde
chaleuretdefroidOnarrta auxquantitsSeuleaucontraireune volont de
parvenirune reprsentation globale est la marque duvoyageur
ambitieuxexplorationslointainesetelleimpliquencessairementla
multiplication dessitesvisits des observations des mesuresAu Chimbo
razoo comme La Condamineavant luiiltransportses instruments la
plushautealtitude jamais atteinteHumboldt prendsoin de distinguerle
travailileffectueunecartographiedetoutelamontagnede celui de
sonprdcesseur limitauseul sommetJedterminai plusieurs
pointsenlong[itudeetenlatitude je levaileplande toutlevolcan28
Ensuite mmeils attardentdcrireles plantestrouvesen cours de
routeBouguer etLa Condaminenecherchent pasmettreen rapport
cesobservationsbotaniquesavecleursmesuresaltitudeexception une
remarque de Bouguer sur la variation de la limite des neiges
ternelles enfonction de lalatitudeSi nous examinonsleschoses
demanire... gnralesinousportonslavuesurtoutleglobecetteligneest pas
exactement paralllela surfacedela terreilest vident elle doit aller
endescendantdemaniregraduemesureon loignedelazone torride ou on
avance versles ples29est trop peu dire au jugement
deHumboldtpourqui uneobservationnaturalisteestsansutilitsielle est
disjointe de ladtermination hypsomtrique prcise de endroit oelle t
faiteSon objectif estde parvenirtablirune cartographiecompre
hensive qui implique effectuer de longssjours enaltitude assembler
27vonHUMBOLDTBriefe...opcit.201Jean-BaptisteDelambre25 novembre
1802209WilhelmvonHumboldt 25novembre1802) 28Alexander
vonHUMBOLDTReise auf demRioMadgalena durch dieAnden und Mexico
Margot pAAKd.Berlin Akademie-Verlag1986-1990vols174
29BOUGUERRelationabrgeopcit.xlviii 1127 LES EXPEDITIONS
SCIENTIFIQUES
dessriesdedonnesnumriquesdeconstituerdelargescollections
chantillons botaniques etminralogiques tous localement indexs grce
auxmesures godsiqueset baromtriqueseffectuessurles lieuxavant tre
expdisenEuropeenmmetempsquedesflaconsair prlev localement
pourtreanalys enlaboratoireambition deapproprier la montagne
entireaumoyen une cartographieencyclopdique trouveson expression la
plusacheve dansla fameuse carte intituleGographie des plantes1807
oHumboldtdmontrevisuellementcommentlesfor mations vgtales sont en
rapport avec les lignes isothermesai dessin unplan trscurieux
quioffreenProfilla coupedeterraindepuislaMer duNordcelle duSud
indiquant les lvations du sol les vraiesdistances
enlongitudejadisincertaines30-40lieueslvationlaquellecrot telle ou
telle plantect des herbiers des collections etdesmanuscrits est
cettecartesurtoutqui dsignerala postrituvreaccomplie en compagnie
de BonpiandNous prouverons au public ce que deux hommes peuvent
faireils ont deactivit etdenergie30 Ce est pas pourtant que Bouguer
et La Condamine aient t paresseux
oungligentsMaisleurmaniredevoyageretleurspratiquesde mesure
inscrivaient dans uncadreintelligibilit etuneconception de la
nature toutdiffrentsL oHumboldtcherchesystmatiquementdesrapports
entreclimat altitude et vgtationet invente la notionde
ligneisotherme sesprdcesseurs
doutaientprcismentdelapossibilitdecartographier les
formesvgtalesetde trouver unergleleurdistributionOnsent biencritLa
Condaminequeladiversenaturedusol sadiffrente
expositionlesventslessaisonsetplusieurscirconstancesphysiques
doivent fairevarier plusoumoins les limites que je viensassignerces
diffrentstagesetelles nepeuventtredterminesgomtrique ment31Tels
sontselon luilenombre et la complexit des facteurs en jeu queon
nepeutesprerendonnerunereprsentationsignificativeLa
natureencesrgionsextrmesparattropdiversetropsubtiledansses
variationspourque la science puisse esprertendre sonempriseparce
que le philosophe intresse aux lois de la nature aux phnomnes
rguliers etconstantssondomaineexerciceassurnepeutqueresterlimit
quelques rgionsduglobe caractrises par des propritsphysiques sem
blables La positionadopteparCassinideThuryenmatiredemesuresba
romtriques traduit des conceptions trssemblablesil lui parat
pertinent de mettre en place un rseau observateurs et de lier entre
elles les mesures effectuessousdes climatssimilairesceuxduroyaume
deFrance par exempleentreprise aurait en revanche aucun senspour
des rgions
tropdistantesetdiffrenteslesunesdesautresLesperturbationsetles
variationsimprvisiblesintroduisentlescirconstancesnaturellesex-
30vonHUMBOLDTBriefe...opcit.245Delambre29 juillet1803id.Des
lignesisothermesetdeladistributiondela
chaleursurleglobeMmoiresdephysiqueet dechimiede la Socit
Arcueil1817 pp462-602 en particulier pp465-467) 31C.-MdeLA
CONDAMINEJournalopcit.49 1128 M.-NBOURGUET etLICOPPEVOYAGES ET
INSTRUMENTS cluentla possibilit mmeune cartographiegnrale etunifie
dealtitudetabliepartirde mesuresbaromtriquesOnconoitque
sceptiquesurintrtoummelasimplepossibilitune gographie
physiquelephilosophedela naturenesoitalorsgureenclinvoyager
nientreprendre depnibles expditionsfaire unecampagne scientifique
unealtitudede plusde deux milletoisesallerobserverla naturedans
lesconditionslesplusextrmesestvainextravaganttoutlemoins
commelemontreexpditionpruvienneaussilongtempsqueses
variationsetchangementsimprvisiblesnepeuventtrenimatrissni
liminsSituation qui restevraie au milieu du18esicle aumoins32 Un
demi-sicle plus tardcomme enfont foiles voyagesde Humboldt les
choses ont changLe doute sur la possibilit de conduire une
investigation systmatiquede lanature mme dansses lieux les plus
inhospitaliers est plusde miseles
montagnessontdevenuesdessitesobservation privi lgis et le voyage
prendforme de vritableexpditionscientifique impli quant de
longssjoursen altitude etde multiplesappareilsOn peut prendre
uneautremesuredelatransformationsurvenueaveclecasdessjours
effectusparSaint-Real au Mont-Cenisaid de quelques compagnons le
voyageurprvudepasserdanslamontagnesixsemaineschaquet
durantplusieursannessanssoucidumanquedeconfortnidesnuits passesla
belletoileIlagit pourluiassembleraucoursdeces
expditionssuccessiveslamatireun tableaucompletetune carte
exactedela rgionsoitunespacededouze lieuescarrespeineII voulait
ainsi dcrireavec uneexactitude aussi parfaite que le permettat
actueldessciences physiques uncarrde douze lieuesentoussensdont
leMont-CenisauraittlecentreVivementlouparSaussurele programmede
Saint-Real illustredefaonexemplairelesliensdsormais tablis entre
exigence exactitude etpratique duvoyagesous laforme de longues
campagnesobservations etde mesures lancesvers les lieux les
plusdsertsetinhospitaliersafinenregistrerlespluspetitesvariations
localeseten donnerspatialement ettemporellement la plusfinerepr
sentationcartographique possible Laqute de ordrela transformation
des pratiques instrumentales Tout comme elle
estlieunetransformationdanslesconceptions de la nature la
modification des attitudesgard du voyage et de exploration semarque
danslespratiquesde mesureetdecollecte desvoyageursAu dbutdu18esicle
deuxtraitscaractrisentusage dubaromtreetdu thermomtreon intresse
aux valeursextrmesils indiquent et pour tablir un moyen terme entre
les variations on choisit de prendre la moyenne arithmtiquedes
mesuresLadiscussion de JacquesCassiniproposdes mesuresbaromtriques
dePrierillustrebiencettepratiqueAu dbut des 32C.-FCASSINI
deTHURYRflexionssurlesobservationsdubaromtrefaitessurles
montagnesduPuy-de-Dme duMont-Dor etdu Canigouartcit pp94-95
33H.-BdeSAUSSURE VoyagesdanslesAlpesopcit.pp34-35 1129 LES
EXPEDITIONS SCIENTIFIQUES annes1700
dansleursoprationspourlamesuredumridiende Paris Cassini et
Maraldiont dterminlahauteur de plusieurssommets comme le Puy-de-Dme
et le Mont-Dor en effectuant la rduction de leurs mesures
angulairesparrapportauniveaudela merMaislesconditionsmtoro logiques
les empchrent de procder aux expriences baromtriques ils
souhaitaientfaireenhautdesmontagnesafindevrifiersion pouvait
considrerlebaromtrecommeuninstrumentprcispourlesmesures
hypsomtriquesIlssontdoncrduitssereporterauxmesuresfaitessur lePuy
parPrierundemi-sicleplusttlescomparant avecdesobser
vationsfaitesenmme tempsClermontNanmoins lacomparaison des
hauteursbaromtriques entreParis etClermont reste elle problmatique
certesdanslesannes1649-1651PrierbieneffectuClermontde
nombreusesmesures tandisque un ses correspondantsfaisait de mme
Paris mais les deux oprations furent menes sans coordinationdes
jours oudes momentsdiffrentsHtrognes les faitsainsicollects
restaient doncsanssignificationmoins deleurappliquer
untraitementappropri
Cassinidcidealorsdeprendrecartentrelesvaleursmaximalesdu baromtre
observesParis etClermont au cours de la priode considre
etdelecompareraveccart entrelesvaleursminimaleslestrouvant gaux il
peut en dduire que la composition de atmosphre estsemblable dans
les deux villes et prendre leur diffrencecomme mesure de la
variation de hauteur baromtrique entre ellesDe cette manire les
chiffres extrmes se trouvent chargs de reprsenter tout ventail des
mesures intermdiaires
faitesenunlieudonnquellesquesoientlescausesquijustifientla
dispersion desrsultats34 Dans la formepeine stabilise de pratique
instrumentale en rseau qui caractrise la premiremoitidu18e sicleest
ainsiunusagecommun et admis que de releverles maxima et minima de
pression baromtrique et
deprendrelesmoyennescommebasedecomparaisonentredeslieux
diffrentsCassini par exemple recourt au mmeprocd avec les mesures
baromtriques effectues par le pre LavaiMarseille et sur le
Saint-Pilon
prenantlesdiffrencesentrelesmesuresextrmesilenfaitlamoyenne pour
valuer lvation du Saint-Pilon au-dessus de Marseille et duniveau
delamerEncecaslaproximitentrelesvaleursextrmesellesne
diffrentquedequelqueslignesetlesrsultatsobtenusenfaisantla moyenne
des petitesvariationspermetCassiniderapporterceschiffres une
mesurealtitudeMais la tendancefaire de la moyenne unevaleur
significativeestgnralemmelorsqueamplitudedesfluctuationsest
trslarge et raressontalorsceux qui mettent endoute la pertinence
une telle pratiqueest lecasde Fontenelle qui devantla difficultde
dter miner les effetsduvent sur lesvariationsdu thermomtre juge
prfrable delimiterlenombredesobservationspluttquedeprocderune
moyenneil aitpasautre voiepourparvenirauxdcou vertesphysiques que
lesexpriences ilsemble il soitenquelque sorte dangereuxen
tropfaireparcequedansungrandnombreellessed- 34CASSINI IIRflexions
surlesrgles dela condensation deairartcit pp61-71 1130 M.-NBOURGUET
etLICOPPEVOYAGES ET INSTRUMENTS truisent lesunes lesautres
etrendent les faitsaussi difficilestablir que
lescausesmmeslesonttrouver35 La mesuredela tempraturese heurte
biensrdes difficultssem blablesquiconduisentadopter
lesmmesstratgiesAu Proulorsde la discussion sur la longueur des
bases godsiques de Tarqui et de Yarouqui donnecrucialepourtoutle
restedesoprationsLa Condamine besoin valuer lesvariations de
tempraturesurvenues au coursde leurs oprationscause de leurs
effetssur la longueur de la toise de ferqui leur serttaloncart
entreles extrmesenregistrsdansla plaine de Ya rouqui
particulirement large va de quelques degrs au-dessus de la cong
lationdurant la matineplusde vingtdegrsdans aprs-midiprenant
letermemoyenentrecesextrmesLaCondamineestimeunpeuplus de dix degrs
la temprature moyenne du lieuLes choses sont plus dlicates
aucoursdusjourTarquiolesacadmiciensnedisposentaucun
thermomtresefiantsessensationscorporellesLaCondaminejuge plausible
estimer la tempraturemoyenneentreseizeet dix-septdegrs
Lamoyenneentrecesdeuxvaleurstournedoncautourdetreizedegrs
Puisenconsidrantlestempraturesextrmesils ontprouveslors un
premierpassageTarquiilavaitencoreunthermomtrequivaria entre deux et
vingt-six degrsLa Condaminearrive encoreune moyenne
detreizedegrsOrilse trouveque est lexactementla temprature laquelle
enFrance leur toisetvrifiecelle duChteletSoit on
prenneuntermemoyenentrelesplusgrandsdegrsdechaudet defroid que nous
avonsprouvsdansles plainesYarouqui et de Tarquietqui
sontpeuprsdeuxetvingt-sixdegrsau-dessusdutermede laglace
danslethermomtrededeReaumursoiton setienneaumilieu
entredixdegrsetdemietseizedegrsetdemiquimarquentlesdeux
tempraturesmoyennes queje viens assigner aux terrains des deux
bases ... onauratrspeuprsledegrtreizeau-dessusdezroetest
prcismentcelui que lethermomtrededeReaumurmarquoitParis
en1735lorsque notretoisede fer futtalonne surcelleduChteletpar
Godin36Une tellestabilit des rsultats calculs de manire diffrente
etpartirde sriesde mesuresdissemblables semble autoriserliminer les
variationslocalesMieuxenapportantlagarantieque ensemble des mesures
faitesau Prou peut tre rapportecelle de la toise talonParis elle
rendautant pluscrdibletouteopration godsiqueeffectue par les
acadmicienspartirdesbases deTarqui etde Yarouqui Le recoursla
moyenneentre des valeursextrmesprivilgie lestats de la natureles
plusviolents etcontrasts ceux-l mmesqui fascinent les
curieuxetsollicitentattentiondessavantsMaisiltendeffacerles
distributions intermdiairesPar ailleurs dfinir la moyenne
thermomtrique 35CASSINI IIRflexionssur lesobservationsfaitespar
lepre LavailaSainteBaume etauxmontagnesdesenvironsMmoiresdeAcadmie
royaledessciencespouranne 1708 1709] pp456-462Bernard LEBoviERde
FONTENELLE]Sur effet du ventgard desthermomtresHistoiredeAcadmie
royaledessciencespour17101712]13 36C.-MdeLA
CONDAMINEMesure...opcit. pp82-85 1131 LES EXPEDITIONS SCIENTIFIQUES
ou baromtrique comme la demi-somme des maxima ou minima quotidiens
mensuels ouannuels incitelocaliser cettevaleurenunsitedonn celui
quiconnules situations les plusextrmesUne telle procdure se conoit
dans unmonde gographiquement cloisonn ola coordinationdistance des
mesuresreste une conqute fragile jamais acquise eto tout attendues
soient-elles les variationssemblent un phnomne dpourvu de sens il
convientcommetelliminerDansunmondeoordreestraresa prsence exige tre
rendue manifesteAvec ce systme de reprsentation le philosophe dela
naturese trouveenclinvaloriserleslieux privilgis o hors des sites
habituels de activit savante se laisse apercevoir quelque
rgularitDe telsespacesquisemblentchapperaudsordreordinaire des
phnomneset ne prsenter aucune variation mesurable constituent un
terrainsolide lieu idal pour la misepreuve des instrumentsest le
casdes cavesdeObservatoire de Parisquipoque deLa Hire etde Reaumur
paraissent jouir une atmosphresicalme etune temprature
siconstanteaucun thermomtreneparvientdtecterlamoindre
variationaussila findu18esicle vient-on en ce lieu pour tablir ou
vrifierla graduationdesnouveaux thermomtres
LoindeParisauxextrmitsdumondeaussilessavantsvoyageurs sont en qute
de telslotsordreBouguer leuraccorde beaucoup atten tiondans sa
relation de expdition godsique du ProuIl parlepropos une vaste
rgiondpourvue deprcipitationunphnomne dont les
effetsrguliersetconstantsnesontpasrenfermsdansenceinteun
espacedepeutendueLorsquelesacadmiciensontlebonheurde trouver au
milieu du chaosmontagneux delaCordillre unplateauassez vasteetplan
pouralignerleursperchesilvoitlesignencessaire une bndictionest par
une espce de prodige que la naturelaiss dansunpayssiraboteuxunebase
quenouspuissionsmesureret quift enmmetempsune longueur
suffisanteFaute detrouver detels lieux la foisraresetncessairesest
entreprisesavantetoutentirequise fttrouveenquestionsa
russitemenaceinverse lola nature resteimprvisible etdpourvue ordre
apparent l ola sciencepoint de prise rgne la superstitionAinsi dans
lesrgions andines frquemment
bouleversesruptionsvolcaniquesetdetremblementsdeterreles
croyancesdes indignessontunsimple reflet du dsordredelanature qui
les environneOn ne tonnera pas que astrologie judiciaire ait
entrepris au Prou de prvoirles tremblements de terreet les
incendies de volcans Le philosophe dela naturelui prfre considrer
ces phnomnes comme effet un
mlangedecausesparticuliresdontilnepeutapprhender imbrication
complexeSi raresoit-elle existence de lieuxose mani festentordre
etlargularitde la naturefondeactivit savante etce faisant
sertaudveloppementde la philosophienaturelle37
Outrecesprsupposssurordredelanatureautresvaleurs imprgnent usage
que font de la moyenne arithmtique les voyageurs qui se rendent
sous des climatsexotiques dansdeszones torridesouglaciales
37BOUGUERRelationabrgeopcit.ppxxxiiilxii-lxiii 1132 M.-N BOURGUET
etLICOPPEVOYAGES ET INSTRUMENTS loindes
rgionstempresquileursontfamiliresValeursordre pis- tmologique tout
abord comme onvu dj avec attitude de Cassini deThuryqui
toutensoutenantqueleclimat franaisestsaufaccidents locaux
oragesetc.)suffisamment homognepourautoriserdesmesures baromtriques
coordonnes entreelles douteaucontraireque entreprise soit possible
danslecasdeclimatssoumisdes variationsbaromtriques extrmesValeurs
ordre moralaussiaprslespeinesil endures dans la chaleur etlefroid
comment un voyageur comme Bouguer pourrait-
ilnepasressentirunsoulagementetunbonheurintensesendcouvrant soudain
auur des montagnes quatoriales une rgionla nature profuse oles
jourssonttoujourspeu prsgaux aux nuitset la temprature
quasiconstanteLe thermomtredeReaumurmaintient14ou 15degrsune rgion
enfinqui semble image du paradisterrestre38 Autant de motifs
intellectuels et moraux qui animent astronome en qute decette
raremerveille de la natureun lot bien tempr orgnent ordre etla
rgularit Dscettepoque pourtantcettemaniredevoirnevaplusvraiment
desoi nonplusque lesgestesquilui sontassocisEn Angleterrevo lution
graduelle des comptes rendus mtorologiques dans les Philosophical
Transactions tmoignedece dplacementDepuisles annes1720James
Jurinproposdeconstruirelesmoyennesmensuellesdesdegrsdu
thermomtreoudela hauteurdumercure dansle baromtrenoncomme
lademi-somme desextrmesmaiscommeunemoyennecalculesurla somme de
toutes lesvaleurs relevesWilliam Derham lui-mme qui depuis
unetrentaineannes estenchargedesarticlesmtorologiquespublis
danslejournal envientrecalculersous cetteformeles moyennesil
reoitobservateurstrangersentrinantuneprocdurelaquellelui- mme ne se
plie que de frache dateAvec son successeur Hadiey impose
lapratiquededresserpartirdesjournauxobservationsdestables
synthtiques et comparatives pour chaque instrument39En France
dansles mmesannes il revientReaumur de marquer ses rservesgard des
travauxdeLa HireetdeMaraldiqui ilreprochedetre contentsde publier
dansles MmoiresdeAcadmie lesmaxima etminima destem
praturesenregistreschaqueanneParispartirdesrelevsde Ob servatoire
La critique de Reaumur tmoignedes exigences nouvelles tantsociales
que cognitives qui accompagnent les volutions apparuesdans usage
des moyennesCalculerunemoyennepartirdeensemble desdonneset non
plusdes seuls minima et maxima revient en effetaccorderchacune
elles uneimportancegaleindpendammentdesoncaractreextrme
38Ibid.ppxxxiii-xxxv
39JamesJURINInvitatioadObservationesMeteorolgicas communiconsilio
instituen- dasPhilosophical
TransactionsvolXXXII1723pp422-427William DERHAMAn
AbstractoftheMeteorologicalDiariescommunicatedtotheRoyalSocietywithremarks
upon themPhilosophical Transactions volXXXVIII 1734 pp334-344George
HADLEY AnAccount and Abstractof the Meteorological Diaries
communicatedto the Royal Society
fortheyears1729and1730Philosophical Transactions volXL 1738
pp154-167 1133 LES EXPDITIONS SCIENTIFIQUES ounonest parce
ilconstat quecertainesjournes t peuvent treplusfroidesun jour hiver
que Reaumur formeleprojetdein tresserensemble desvariations de
tempratureaprs lui lepublic clairdemande on luifournissedsormaisce
genrededtailsetson attentepeuttresatisfaitegrceaunouveaumodle
dethermomtreque
justementilvientdeconstruireetdedistribuerquelquesvoyageursde
sesamisCesobservateursdeparlemondetelCossignyle de Franceont
remission de procderleursmesuresdeux fois par jour
etenregistrerlestempratureslesplusfroidesetlespluschaudesAu
vraiReaumurconscience que son projet exigerait idalement des
mesures plus frquentesun quivoudroitavoirlasuiteexacte detoutes
lesvariationsduthermomtreseroitoblig depasser les jourset les nuits
suivre le mouvement desa liqueurMais ilrecule devantune assiduit
sipnibleetchoisit de se contenter de deuxmesuresquotidiennesEn
gnralilnoussuffitdesavoirpeuprsquelletchaquejourla marchedela
liqueuretest cequeon saitdson saitledegrle plusbasoelle est
trouvelematinetleplushautoelle estarrive aprs-midiMmeainsiassouplie
unetelledisciplinesetrouvenan
moinsmieuxadapteaugenredeviedesclercsetdesadministrateurs
mdecinsouingnieursceux-l mmesil faitssesinterlocuteurs
privilgisceluidesnoblesamateursdescienceReaumurdoit ainsi
reconnatreil luiest personnellement impossible defaireses me
suresParischaque jourdeanne il coutumedeserendre chaque automne
enPoitou dansledomaine familialdifficult que aca dmiciensurmonte en
supposant que les deux endroits ont des tempratures semblables etil
peut tenir pour comparables les deuxsriesde mesures Aussi
bienlesavantreste-t-ilsensibleencoreexistence dergularits dansla
natureetdontla dcouverte nemanque jamaisdemouvoir la lecture des
rapportsde Godin et de Bouguer surla temprature de Saint- Domingue
etdes donnesde Cossignysur lesles deocan Indienil ne peutempcher
voqueravecadmirationcesrgionsprivilgiesdes tropiquesosemble
rgnerunetempraturepresque constante40 Il fautattendrela
secondemoitidu18esiclepourqueide mme un
ordrenaturellocalsoitfinalementnie etcettemise encauseva de pair
avec une nouvelle inflexiondansles pratiquesdemesurede plusen
pluscentressur la sensibilit etla prcisionattaque porte abord sur
la questiondeexistence de lieuxsiconstantsils puissentchapper
40R.-HFERCHAUT deREAUMURObservationsdes thermomtres faites
parCossigny correspondantdeAcadmieisie deBourbonisie
deFranceMadagascar et dansla
routedeparOrientcesIslespendantanne1732etpartiedeanne1733
comparesaveclesobservationsduthermomtrefaitesParispendantlemmetemps
MmoiresdeAcadmie royaledessciences pour17331735] pp433-435id.Obser
vationsduthermomtre faitesParispendant anne 1735 comparesavec
celles qui ont t faitessouslaligneisie deFranceAlger
etenquelques-unesdenosisles Amrique MmoiresdeAcadmie
royaledessciencespour17351738] pp546-547id.Obser vationsdu
thermomtrependant anne1739faitesParisetendiffrents paysMmoires
deAcadmie royaledessciencespour1739174l]457 1134 M.-N BOURGUET
etLICOPPEVOYAGES ET INSTRUMENTS la mesureun instrumentcelle
duthermomtreparexempleainsids queon parvientobserverles
menuesvariationsqui affectentla temp raturedes caves deObservatoire
deParis celles-cide point de rfrence elles taientdeviennentendroit
osavantsetacadmiciensviennent tester la sensibilit de leurs
instrumentsobjectif est alors doublemesurer
desvariationsinfinitsimales etdtecterauurmmede ces variations des
rgularits indicatives des causes diverses qui concourentles
produire Pour Jean-Dominique Cassini lequatrime dela ligne
Reaumureu tort deattacherrechercher lesmaxima quotidiens durant t
ou les minima duranthiver toutcommede
vouloirstimulerlacuriositdesonpublic
enrvlantdesconstantesderriredesconditionsmtorologiques enap
parencelesplushtrogneslestempraturesextrmesnesurviennent- elles pas
souvent en ralit en automne et au printempsIl convient donc
renonantaux mesuresdiscrtesdeprocderunenregistrementcontinu
desphnomnesLetempsestvenuoChangeuxpeutproposerAca
dmiesonbaromtographeuninstrumentil dcritcommecapable
enregistrerlesvariationsdela pression atmosphriquesansenlaisser
chapper uneseuleetdont le comit acadmique reconnat utilitCar se
bornerdes relevs mtorologiques effectusdes instantsdiscrets
sibienchoisissoient-ilsonrisquede perdrelefildesoprationsdela
nature41 Humboldt unefoisencore donnela critiquedes
anciennestraditions
demesuresaformulationlaplussystmatiqueCherchantvaluerla
tempraturemoyenneun endroitdonnilconstatequela mthodetra
ditionnelleslectionner lesminima et les maxima annuelsetdiviserle
totalpardeuxestvidemment trompeuseetinduitdeseffetserrons cequeon
saitdepuisquelquesdizainesannes djIlcitecomme exemple les mesures
de abb Cotte pour la ville de Toulon en1777alors
quelamthodetraditionnelledonnepourcettevilleunetemprature
moyennede256 degrs lemtorologistedenemployantla masse
detouteslesobservationsrduirecelle-ciceelle esteffective mentsoit
157 degrsEn consquence pour procderun calcul correct il
faudraitmesurer la tempraturetroisfoispar jour aumoinsau lever du
soleildeux heuresde aprs-midiet aucoucher dusoleil pour tousles
jours deanne puisfaire la moyenne de tous les rsultatsFallacieuse
est lamthodedumoyentermeentrelesextrmescarellereposesurhy pothse
que lesfacteursperturbantsproduisentdesvaleursintermdiaires
galementdistribuesil sepeutquelefaitsevrifiedanslecasde phnomnes
relativement stablesdtermins par une cause unique oupar unseul
centreactionrienenrevanchedans lecasde la temprature
41Jean-DominiqueCASSINI dit CASSINI IV)Mmoiresurlatemprature
dessouterrains deObservatoire royalMmoiresdeAcadmie
royaledessciencespour17861788] 519Pierre-Nicolas
CHANGEUXDescriptionde deuxbaromtographes oubaromtresqui
tiennentnotepardestracessensiblesdeleursvariationset destempsprcis
oellesarrivent Avec ide
deplusieursautresinstrumentsmtorologiquesObservationssurla physique
surhistoire naturelle etsurlesarts XVI1780336 1135 LES EXPDITIONS
SCIENTIFIQUES
ointerviennenttantdefacteursdiversautoriseprsumerunegale
distributiondesvaleurs intermdiairesIci dclareHumboldtplusgrand
estlenombredemesures prisesencompte plusexactseralecalcul de la
moyenne42 Des instruments sur unmme sitelekalidoscope de lanature
Diversinstrumentsetappareilsdemesuresontdjapparusdansce
rcitbaromtresetthermomtresfurentaupremierrangpuisquetude
deatmosphresouslesdiffrentsclimatssertdethmecentralnotre
analysemais il faudrait ajouterla liste nombreautres instrumentsqui
fontalorspartieeuxaussidubagageobligdesvoyageurscurieuxet
clairsDjla findu17esicle lenaturalisteanglais JohnWoodward
conseillaitses lecteursemporter dans leursvoyages des thermomtres
des baromtres des hygrobaroscopesAu coursdusicle suivantmesure que
progresse la fabrication instruments portables quipement du voya
geurdevientplussophistiquil seprparepartir pourles Alpes
aumilieudesannes1770George-EvelynShuckburghse procuretoute une
collection instrumentsune sorte de cabinet philosophique portable
quicomprenddes baromtresde RamsdenunbaromtredeDeluctrois ou
quatrethermomtres des boussoles inclinaison et de dclinaison des
balles lectrisables unsextant equatorial de Ramsden une chanearpen
tage enacierdes perches de plomb ettain de troispieds de long43
Comme onvuplushautunproblme essentiel longtempsunique souci des
voyageursestcelui de la calibration et dela coordination ins
trumentsidentiquesdeleurcapacitparlerlammelangueetse
rpondredistance44Mais chaque type appareil semble oprersur un plan
particulier auurun rseau instruments demmefamillesans queon semble
tropse proccuperdecoordonnerlessriesdedonnes recueillies surun mme
site pardes instrumentsdiffrentsLes voyageurs dans leurs rcits
traitent engnral sparment de chaque type de mesures effectuesavec
uninstrumentparticulierAinsi la relation quefait lepre Feuille de
sesvoyagesauxAntillesetMaltepublie parCassini dans
lesMmoiresdeAcadmie royaledessciencesprsentedeslistesde
chiffresportantsuccessivementsur la forcedesventsles hauteursbaro
mtriques les mesures aromtriques etc. sansfaire aucune tentative
pour corrler entre elles localement ces diffrentes donnesOr
lesobservations deFeuille sontau jugement de Cassiniexemplaires
deceque laphilo- 42vonHUMBOLDTDes lignesisothermesartcit pp490-495
et468-470 43George-EvelynSHUCKBURGHObservationsmadeinSavoy inorder
toascertainthe heightsofmountainsbymeansofthebarometerPhilosophical
TransactionsvolLXVII 1777pp513-597kind ofportablephilosophical
cabinetcitedansFELDMAN Applied mathematicsartcite163 44Limagese
trouvedj chezJohnWoodwardproposdesthermomtresquidoivent
constammentserpondreunautreenquelquepaysils soientwouldall.
constantlyanswertooneanotherin what countrysoevertheywereBrief
instructionsop cit.19) 1136 M.-N BOURGUET etLICOPPEVOYAGES
ETINSTRUMENTS sophie naturelleest en droit attendre un rcit de
voyageII parat par ces observationsque leFeuille nenglige rien de
ce qui peut tre utile auxsciencescequifaitconnatreavantage queon
retireradesobser vationsil doitfairedans lasuite de sonvoyage
dansces paysdonton prsent quetrspeu de connaissances45
Dslafindu17esicle nanmoinscertainsindicesdonnentpenser que ide
decombiner entre elles les oprations effectues en un lieu donn avec
plusieurs instruments fait son cheminFaisant loge un hygromtre
deson inventionSimon Foucher suggre que la marche dunouvel appareil
devraittreobserveenparallle avec celles un baromtreetun ther
momtreCe est pas une chose moinsdivertissante elle estutile de
remarquerlescontraritsetlesaccordsdesinstrumentsdanslesquelsla
mmeconstitution deair enapparenceproduitdeseffetsfortdiffrents onne
doit pasassurer on nepuissela findcouvrir des qualits toutes
nouvellesdeair quenossensnesontpascapablesdenousfaire
connatre46Cependant mme ilconson instrument comme unoutil
dequantificationlacorrlationque propose Foucher
resteessentiellement ordre qualitatifest lespectacle deaccord oude
ladiscordance entre les instrumentsqui intresse et enchanteide que
cette confrontation puisseconduireladcouverte de nouvelles
propritsde air estpeine suggreEn bref alors que la lgitimit de
comparer des sries demesures
tabliesendeslieuxdiverspardesinstrumentssimilairesest impose ds
ledbut du 18esicle comme illustre lecas dubaromtre la runion
instruments diffrents sur un mme site chappe encore largement quant
elletoutetentativede miseenrseau etde coordination
Unefoisencoreledeuximetiersdu18esiclemarqueunetape dcisive
quivoitsesystmatiserla pratique demesures jointesassociant des
instruments diffrentsthermomtreetbaromtre parexempleProlon
geantdanslechampduvoyagesavantdestravauxissusducabinetde
physiqueoudeatelierdufabricantinstruments47CassinideThury
entreprenddemesurersurunemontagneinfluencedealtitudesurla
tempraturedetransformationdeeau englace etsurcelle dupassage
ebullitionuneexpriencequiimpliquelalectureconjointeun ther momtre
dont extrmit est alternativement plonge dans eau bouillante
etdanslaneigeetun baromtreindiquantlapressionatmosphrique
ambiante48Unegnrationplustardusage decorrigerlesdonnesdu 45CASSINI
IIExtraitsdesobservationsastronomiques faitesenSardaigne etMalte
parlepreFeuillemathmaticienduroiMmoiresdeAcadmie royaledessciences
pour 17081709] pp.5-16168-173 46Abb SimonFOUCHERNouvelle
faonhygromtres s.l.n.d1672] pp17-18
47Ladmarcationentrecesdeuxespacesceluiduphysicienetceluideartisanest
parfoisflouecommedanslecasdetudeparFahrenheitdeinfluencedelapression
atmosphrique surlatempraturebullition
deeauCedernieresteneffetlui-mmeun fabriquant instruments
etilopreparailleurssouventdanslesschoirsune raffineriede sucreVoir
Pieter Van Der STAR d.Letters to Leibniz andrhaave Amsterdam
Rodopi1983
48C.-FCASSINIdeTHURYRflexionssurlesobservationsdubaromtrefaitesurles
montagnes duPuydeDme duMont-Doreetdu Canigouartcit93 1137 LES
EXPEDITIONS SCIENTIFIQUES baromtreparcellesun
thermomtreestdevenuunrequisiiordinaire
pourtouteexpriencedemesurebaromtriqueLemoindregologueen
tranemportedanssescoursesenmontagneaumoinsunbaromtreet
deuxthermomtresun pourmesurerlatempraturedeair etautre
fixsurlebaromtre pourindiquer celle dumercureet permettreainsila
correction des donnes baromtriquesLes observateursvoquent constam
mentlemal ils se donnentpour procderdes expriences corrles et
exhaustives dansles endroits les plusimprobablesSaussure qui durant
les quatreheuresil passa ausommetdumontBlancfutempchparle
maldesmontagnesquiralentissaitchacundesesgestesexcuter son
programmeobservationsdcidedereprendrelasriecompltedeses
expriencessurunsiteplushospitalieraucolduGantIIparu intressant
defaire sur unecime leve unsjour assez longpourdter minerlamarche
journalire des diffrentsinstrumentsde lamtorologie du baromtre
duthermomtredehygromtre delectromtre etc49 Pour
lessavantsvoyageursdelafindu18esicleilestdevenuune
importancecrucialedeconduiresurunmmesitedesoprationsinstru mentales
multiplesL o La Condamine et Bouguer pouvaient se contenter
enapparenceune seulemesurebaromtrique priseavectantdepeines au
sommet du Corazil en va plus de mme pour Humboldt qui raconte
firement comment parvenu sur la crte du Pichincha avec tout son
attirail ilrussitmesurerlatempratureetlapressionbaromtriquetouten
brandissanthygromtre deDelucdurantplusune heureafinobtenir
desdonnes hygromtriquesprcises50 effort
desvoyageurspourcoordonnerlesmesuresdeplusieursins trumentssur
unmmesite estautant plussignificatif il inscrit dans
unetendancegnraledessciencesexprimentalescelleune diffren
ciationdeplusenplusmarqueentreespace closdulaboratoireetle
terrainproche ou lointainde exprience ordinairela findu18esicle les
physiciens franais concentrent leursrecherchessur la dterminationde
lois dela naturequi permettent demettre en relation dessriesde
donnes sous formedelois de puissance avec des exposants entiersLe
travailde Coulomb sur lectricit illustre parfaitement cette sorte
de stratgie etses
implicationspratiquessavoirlancessitdeproduiredesdonnesex
primentalespurifiesdetouteperturbationinduitepardescausesphy
siquesPour parvenircetteeradicationetobtenirdesfaitspertinentsle
physiciendoitfaireusagede multiplesinstrumentsdecontrleenplace
surlelieummedeexpriencelorsdesesexprienceslectriques Coulomb
doitquiper sa balance detorsiondethermomtresetun hy
gromtrenouvellementmisaupointordreetlargularitsontune
49Pierre-Nicolas CHANGEUXRecherche sur la vraie cause de ascension
etde la descente
dumercuredanslebaromtreetsurlesmoyensdetirertoutavantagepossibledecet
instrumentpourconnatreetprvoirlesvariationsdeatmosphreObservationssurla
physiquesurhistoirenaturelleetsurlesarts
IV1774pp85-103H.-BdeSAUSSURE VoyagesdanslesAlpesopcit.pp217-218
50C.-MdeLA CONDAMINEJournalopcit.58vonHUMBOLDTReise...opcit. p.191
1138 M.-NBOURGUET etLICOPPEVOYAGES ET INSTRUMENTS
constructionartificiellelaboreentrelesmursdulaboratoirepartoute
unepanoplieinstrumentsdemesureproduisantdessriesdedonnes hautement
corrles les unesaux autres51En contraste avec la formepure deslois
de la nature que les physiciensappliquentfaire apparatre dans
espace closdu laboratoireles phnomnes naturelsqui sur leterrainse
prsententobservationdesvoyageurssemblentune extrmehtro
gnitdescausesmultiplesconcourenticibrouillertoutergularit ou
produisent des variations trop rapides pour tre enregistresAussi
pour dnouer cheveau desphnomnesimpliqus dans uneobservation don
neobservateur a-t-il autre solution queeffectuerdenombreuses
mesures simultaneset essayer tablir des corrlationsentre dessries
dedonnes Au vraidsledbutdu18esicledesastronomes-gomtrescomme
Cassini etMaraldi amensparleursfonctionsAcadmie etObser
vatoireeffectuer de multiples observations etmettre en place les
premiers rseaux demesuresbaromtriquesdj eurentconsciencedufaitquela
runiondedonnesrecueillies endiffrentslieuxde manirecoordonne
aideraitmettre au jour les rapports entre ordre et variabilit entre
localit etuniversalitIInesuffitpasavoir desobservationsfaitesdansun
seul endroitilest ncessaireen faireaussi endiffrentspayscomparer
cesobservationsensembleremarquerceelles ontdeconformeetles
diffrences quirencontrentSans ungrand nombre de cesobservations
onestsujetsetromperenexpliquantpardescausesquineseraient
propresunpaysparticulierdesphnomnesquipeuventavoirdes
causesplusgnralesetonpourraconsidrercommeunepropritde toutela
massedeair cequi neluiconvient quedansquelquescircons tances oudans
un certainetenduede pays52Ce faisant nanmoinsils
necherchaientencorequedesrgularitsaction descauses physiques
locales oula prsencedevariationsinexpliquesdevaienttreidentifies
commetellesest--dire commedeslmentsde perturbationqueon pouvait
liminernotammentonvuparlecalcul de la moyenne entre valeurs
maximales et valeurs minimalesLa variation tait pas encore devenue
unobjet directinvestigation Lorsque dansla seconde moitidu18esicle
les physiciens franais se
mettentrecourirlacoordinationinstrumentsdemesurediffrents est
afindetesterla sensibilitaccrue de leursappareils et grcecelle-
cidervlercommentlespropritsdelanaturenesemanifestent
traversdesvariationsmmeinfimesquipun thermomtretrs sensible
construit par Lavoisier Jean-Dominique Cassini parvientmontrer
commentlatempraturedescavesde Observatoire de Parislointre
51Charles Augustin COULOMBTroisime mmoire surlectricit et
lemagntismede laquantitlectricitun corpsisol
perddansuntempsdonnsoitparlecontactde air plusou moins humide soit
le long dessoutiens plus ou moinsidio-lectriquesMmoires deAcadmie
royaledessciences pour17851788] pp612-638
52JacquesMARALDIComparaisondesobservationsdubaromtrefaitesendiffrents
lieuxMmoiresdeAcadmie royaledessciencespour1709171l]233 1139 LES
EXPDITIONS SCIENTIFIQUES constante comme on le supposait passe par
de menues variationsmaisau lieu de appliquerles liminer
parquelquestratgietechnique ouintel
lectuelleilselancedanstudedecesvariationsmmescherchant dgagerdeamas
desdonnes unergularitsignificativepourluitout phnomne rgulier que
cesoitlavaleurconstanteune mesureouune
volutionpriodiquerenvoieunecausephysiquesimpleDefaitles
physiciensfranais de la findu sicle prennentfermement
positioncontre
leseffetsduhasardseloneuxtouteirrgularitmmesielleparat
dpourvuedesensfautedistingueraucunmotifdoittrepasseau criblede
mesures plusprcisesetexactesceapparaissent les diffrentes causes
physiquesuvre chacune entre elles relevant une loi physique
simple53Sousle hasard apparentdes variationsrgne dansla nature
ordre des loisrvl le laboratoireOn retrouve cette conviction
jusquechezunvoyageurnaturalistecomme Humboldtailleurs trsau
courantdelasciencefranaisedesontempsLorsqueluiparvienten
novembre1802au beaumilieu desonvoyageamricain unexemplaire de la
McaniqueclesteHumboldtentreprendimmdiatementde vrifier
sesobservationsbaromtriquesetcorrigersescalculsenfonctiondela
thoriedeLaplaceenmmetempsil selanceavecunecuriosit
renouveledanstude duphnomnedesmaresatmosphriques Ce
livreranimcontinuerles recherchessur les maresatmosph
riquessurlesquelles ai fait nombreobservations en1799Cumana Autant
Humboldt est confiant en sa propre capacitpercevoir la prsence un
phnomne priodique etrecueillir desobservations systmatiques autant
ilunefoiabsolue dans legnie deLaplace pour tournerenloi les
milliersdedonnesquantitativesil pourraaccumulerobserve
prsentsurtout les jours opposition et conjonction lunaires et je ne
doute pasque leCitLaplacedontlegniecrateurdomptlesmaresdela lune
dcouvrira les lois de mares deair lorsque je luifournirai quelques
milliersobservations horaires54
Cettenouvelleattitudeintroduitunchangementnotabledanslespra
tiquesduvoyagedsormaisaulieutre peruscommedesmanifes
tationsparasitesetpiphnomnaleslesassemblageshtrognesleurs
motifschangeantsouirrgulierssuscitent directement attention duvoya
geurilstracentlecadre dans lequeleffectuent sesobservations etop
rations de mesure jusque dans les rgions inconnues dumondeParce que
surles pentesneigeusesun volcan la couleuropaque dequelques ruis
seaux faitcontrasteavecla limpiditde certainsautresHumboldtinter
roge sur la naturecomposite de eau dont ilssont formsCette opacit
neprovient-elle quedes diffrencesde densitouannonce-t-elle desm
langeschimiques55Pour Saussure est prcisment parleur caractre
complexe et changeant que les phnomnes mritent attention du
voyageur philosopheintensit delectricit deair dansunmmelieuest
53CASSINI IVMmoire surlatempraturedescavesdeObservatoireartcit
54vonHUMBOLDTlettreDelambre25 nov1802Briefe...opcit.pp205-206
55vonHUMBOLDTReise...opcit.178 1140 M.-N BOURGUET etLICOPPEVOYAGES
ET INSTRUMENTS sujettedetrsgrandesvariationsetest
parcesvariationselle intressela mtorologieDe l la ncessit ajouter
unlectromtre la longue liste des instruments qui doivent composer
le bagage du voyageur
curieuxobserverlesmodificationsdeatmosphreDelaussila
justificationde multiplierlesexpditionsversdessommetsinhospitaliers
emprunter des chemins peu frquents moyen pour le voyageur acqurir
surlevifimpressiondececaractreessentieldelanaturesavarit
Maisdepuisquedesvoyagesrptsdansdiffrentespartiesdecette chane ont
prsentdes faits plusnombreux ai reconnuon pouvait
presqueassurerildanslesAlpesriendeconstantqueleurva
rit56Cettevaritperptuellementmouvantenourritlacuriositdu voyageur
pourles montagneset motiveleplaisir il prendsesexcur
sionsAinsiDehicUne desbeautsdelamontagneconsistedansla varit mais
unevarit telleondela peinese la figurerquand on nepas prouve... Une
demi-heure inattention suffit pourque sans avoirchang de place
onsecroie transportbienloinCar riendansun
paysagemontagnardneserptejamaisIIrsultedecescausesde varit dans les
montagnes onpas de regret comme dans les plaines
retournerparlesmmescheminsAu fondementde la reprsentation que se
fontde lanaturelesvoyageursdela finduSicle deslumiresse
trouveuneimage kalidoscopique produiteparles variationsperptuelles
effets multiplesCe sentiment est si vif que Saussure merveille
lorsque parvenu ausommet dumont Blanc par uneatmosphresans
nuageilpeut enfin prendre du massif une vue ensemble instant
privilgi o la varit et le dsordre des phnomnes semblent immobiliser
en un bref quilibre Jepus alors jouir sans regret dugrand spectacle
que avois sous les yeux ... Ceque je visavecla plusgrandeclartest
ensemble detoutes les hautescimes dont je dsiraisdepuis
silongtempsde connotreorga nisation57
Dslorsquelavaritestdevenuelecentredesesproccupationset que sonobjet
est demesurer les changementsles plus fugaces le voyageur
doitadaptersesprocdsPlusexpriencesdiscrtesouhtivement
conduiteslesommetdesmontagnesestdevenulesitedelongueset
patientessriesdemesuresai vucessommetsloisirpendantmes expriences
du baromtre raconte Delucpassais souventdes journes
entiressanscarter un mmelieu pourobserverdequartheure enquartheure
lesvariationsdupoids deair depuislemomentole
soleilselveceluioilsecoucheest aussiladisposition mentale de
observateur qui doit ajuster au nouveau programme car pour
saisirles plusminimesetfugaces modificationsdela natureilfautmoins
fairepreuveintrospectionoudeconcentrationquededisponibilitet
attention constante soutenueOnsouventdit que pour dcouvrir les
56H.-BdeSAUSSURE VoyagesdanslesAlpesopcit.220464
57Jean-AndrDELUCLettresphysiquesetmoralessurlesmontagnesetsurhistoirede
la terreetdehommeEnSuissechezleslibrairesassocis1778pp113-115H.-Bde
SAUSSURE Voyagesdans lesAlpesopcit.147 1141 LES EXPEDITIONS
SCIENTIFIQUES secretsdelanature ilfautla prendresurlefaitorelle
nese montrepas nosordreset observateur qui se tient prtla saisir
paruneattention
habituellequoiquevagueenapparenceestbienplussrderussirque celui
quiveutcompenserletempsparuneattentionplusimmdiatement
dirigeobjet... intention observer ouvrelesyeuxmaisest le tempsqui
leurprsenteles objetsetsouvent ilssetrouventquand onne
lescherchepoint58Aussi biencetteperptuellemobilitdelanature
montagnarde sa varit ses rigueurs ne sont pas sans imprimer leur
marque surme inquite des habitantstout commeelle
serefltedansactivit fbrile des voyageursCe sontces dangersmme
cettealternative es prancesetde craintesagitation continuelleque
cesmouvements entre tiennentdansme
quiexcitentlechasseurcommeellesaniment...
uncertainpointlenaturalistedescimesdontlavieressemble
biendesgardscelleduchasseurdechamois59Cequiesten jeuici
estlerapportcomplexeentrelesujetetobjet entreleprogrammede
observateur philosophe etladimension morale et esthtique
duspectacle de la nature attention porteaux changementsles plus
tnus effort de distinguer
entredescausesmultiplespeuventdefaitprovoquerchezlevoyageur
uneexpriencetroublante parfoismmehorrible dansle casde variations
tropintensesoutroprapidespourtreenregistresAinsiexpliquele
sentimenthorreur prouv parHumboldtausommetdu volcan Rucupi-
chinchaendroit estsidifficileaccs il dabandonner ses instru
mentsencheminetlelieu sichaotiqueaucun trevivantorganis ne
semblevivreSuffoqupardescouchesdevapeurssulfureusessa vue trouble
levoyageur aper oittravers lesnues mobiles que des images instables
partielles vision chaotiqueo nese dgage aucun motif
peinea-t-onfixlesyeuxpourbienexaminerunepartiequedjcette
partieobscurcit etque on choisit uneautregalementfrustr dansses
esprances oncroitvoir unelanterne magique danslaquelle les images
ne sontpasplacesdansle foyerdesverresTout ce queon voit intresse
inspiredehorreur maisonnepeut dveloppercequeonvuSous la
plumedeHumboldtletropeprromantiqueune naturechaotiqueet sublime
aupointde dfier ladescription devient expressionducauchemar de
explorateur savantqui privde sesinstrumentsnepeutconvertiren
chiffresetmesureslespectaclegrandioseetmouvantdploysousses yeuxLa
couleur sombre etlugubrelagrandeurdesmasses etsurtout le peu de
clart... ce voile mystrieux des vapeursqui drobe une partie en
dcouvrant une autretout cela monte imagination et exalte comme
unchantduParadisperdudePopeMais dessituationsmoinsextrmes
permettentHumboldtde donnerlibrecourssonambitionde capterla nature
dans ses instants les plus fugaces et de rendre compte par des
mesures dessentimentsressentissonspectacleIlessaie parexemple
lorsdes
58J.-ADELUCLettresphysiquesetmoralessurlesmontagnesopcit.ppix-xid.
Lettres physiquesetmoralessurhistoire dela terreopcit.19
59deSAUSSURE VoyagesdanslesAlpesopcit.152 1142 M.-N BOURGUET
etLICOPPEVOYAGES ET INSTRUMENTS
couchersdusoleilmesurerlatailleapparentedudisquesolairetandis que
Bonpiand enregistreletempscoulaide du chronomtreAu-del
dusoucidecorrigerledfaut dela perceptionsensorielle parlerecours
desoprationsde mesureexercice dbouchesurdesconsidrationsqui
mlentanalyse etesthtique carsurlammepage desonjournalle voyageur
inscrit uncommentairesur la beaut des couchersdu soleil sous
lestropiqueslieu communtypiquede lasensibilit prromantiqueLa
magiedescouleursestplusgrande plusvarieCertesilarrte net au point o
ses mesures et ses chiffres pourraient empiter sur les sentiments
deseslecteursLespersonnesdegotnemevoudrontpasdemalde
traiterunphnomne le coucher quileurprocurds leplusjeune ge
lessensationslesplusdouesMaisonsentbienqueexcuse avance
laisseouvertela possibilitquela quantificationpuisse entrersontour
danslerpertoireesthtiquetraverslequellespectacledela natureest
ordinairementmisenscne etenrichir une dimension nouvelle60
Lesspcialistes histoire culturelleontanalysla transformationsur
venuela findu18esicle dansla perception que les litesse fontde la
nature etdcrit les attitudescontemplatives que suscitedsormais
lespec tacledeslmentsdchansTelleestparexempleattirance pourles
rivagesdesmersEurope duNordavecleursvaguescumantesetles
dessinscomplexestracssurlesablemarebassetelaussilegot
nouveaupourlesmontagnesalpinesdontlepaysagechaotiquedevient
sourcedefascinationaulieuderpulsion61Nousvoyonsicicomment
danslecreusetdu voyage scientifique la quantification etusage
instru mentsdemesureontpu jouerunrlemdiateurentrethiquedela
prcisionetde exactitude qui sedveloppe danslessciences etles nou
vellestendancesesthtiquesquiremodlentlaperceptiondelanature
Concentrersonattentionsurla mesurede menuesvariationsetconstruire
uneimage kalidoscopique de la natureles deux processusvont ensemble
etserenforcent mutuellement sansdoute dj dansexprience mmedes
voyageurs surlesommet desmontagnes trs certainement en tout cas
dans larhtoriquede leursrcits Instruments et quantificationune
nouvelle exprience dumoi La
dfinitiondeordreetlaperceptiondelanaturenesontpasles
seulsdomainessetrouverprofondmenttransformsparlespratiques savantes
de mesureusage instruments etle dveloppement dela quan tification
contribuent largementremodeler aussi la relation entre homme
etlanatureSur dessommetsinhospitaliers facede vastes paysages les
voyageursphilosophesdelafindu18esiclefontladcouverteune nouvelle
exprience de soi 60vonHUMBOLDTReise... opcit.pp204 et305 61Alain
CORBINLe territoire du vide opcit.en particulier pp130-140Serge
BRIFFAUD Naissance un paysageinvention gologique du paysage
pyrnenla findu18esicle RevuedeSynthseIVesrieno3-4 juill.-dc1989
pp419-452 1143 LES EXPEDITIONS SCIENTIFIQUES est
unetraditionbientabliedsle17esiclequedeconsidrer instrument
commeunearchive matriellesignifiantparsesmarquesou ses incisions
les valeurs remarquables il servimesurerRapproprie
parlesphilosophesdelanaturedanslecadreduvoyagesavantcette tradition
de lascience de cabinet se trouveaucoursdu18e sicle dplace et
gauchie tire versle tmoignage une exprience extrme unique dont elle
estla foisla preuveet la manifestationet elle sertrevendiquer
valoriserDj BougueretLaCondamine se plaisentsoulignerils ont
vulorsdeleursascensions andineslacolonne demercurechuterun
niveauquepersonneavanteuxavait observSaussureraconteil d complter
la table de correction de Deluc parce que son collgue avait
pasprsum on ptmonterassezhautpourvoirlebaromtreun niveauaussi
basqueceluiil lui-mmeobservausommetdumont
BlancHumboldtquantluidoitmmegraverdirectementsursonba
romtreunenouvelle graduation pourmarquerletrsbasniveauobserv
surAntisanaPersonneavant nous]a certainementvudescendrele
mercuredanslebaromtre14pouces11lignes chelle de mon instru
mentallait pasjusque-lmaisnousnoustionsmunisun compas
prvoyantcettedifficultNousfmesunsignesurletubemme etrp tmesla
mesuresisoigneusement il neparatpasil ptavoirun
doutede0.3lignesAinsimodifi instrument estcommeunearchive matrielle
duvoyagela traceattestant leslimites toujoursrepoussesde la
natureaussi bienque de exprience humaine62 Dbordant ce rle
instrument enarrivetre dcrit dansles rcits de la findusicle
commeunesortede prolongementdesmembresdeex plorateurpresque
unepartiedesoncorpsunorganede perceptionpart entire qui vient
complter les autres sens ou mme les surpasse en rabattant ordre
dessensationsordinaires surlelangage deschiffresCeciest par
ticulirement patent dans le cas du thermomtre et de la sensation de
chaleur La mfiancegard des sensations de chaud ou de froid
commegard des perceptions sensorielles en gnral est certes pas
chose nouvelle chez les savantsdela priode moderne
utilisateursduthermomtreelle donne sensleur propre pratique
instrumentaleetleursefforts pourla diffuser quitendinstituerle
thermomtreenporte-paroleunique desdegrsde chaleurMais longtemps
cette suspicion affiche laisse dans les faits place des
formesfragilesde coexistenceo tout recoursautmoignage des sensde
exprimentateur est pasexcluTout enlouant Cassini avoir
menbiensamesuredumridiendeParisavec unthermomtrela mainLa
Condaminesesentencoreledroitil doitmesurerla base de Tarqui
sansthermomtresa disposition dese fierses propres sensations pour
estimer la tempratureetvaluer la dformation de sa toise talonLa
circonstance seule avoir mesurespace de six cents toises
danseaumi-jambessansressentirniincommoditnilaplus
lgreimpressiondefroidsuffitpourfairejugerparcomparaisonavec
62C.-MdeLACONDAMINEJournalopcit.58H.-BdeSAUSSURE Voyagesdans
lesAlpesopcit.188vonHUMBOLDTReise...opcit.182 1144 M.-NBOURGUET
etLICOPPEVOYAGES ET INSTRUMENTS autres expriences que le thermomtre
devait trevingt degrs et peut-
tremmeplusau-dessusdutermedelaglaceMieuxilvaparfois accorder plusde
crditsespropresperceptionsaux chiffres indiqus par ses instruments
bien que ceux-ci soient en tat de fonctionner Nousressentions
unfroid extrmenous lejugions plus grandparses effetsil nenoustait
indiquparunthermomtredeReaumur que avais portetque je nemanquais
pasde consultertousles joursmatin
etsoir63Deuxgnrationsplustardenrevanchetoutevaluationde
tempraturepassedsormaisparinstrumentettouteperceptionparsa
mesureHumboldtsoulignelecaractrefondamentalement trompeurdes
impressions corporelles maintes fois vrifi durant sonvoyageAu
sommet duChimborazoil relve unetemprature de13 degrau-dessous de
zro etnoteNousen pouvionsplusdefroidAprsavoirvcu troisans sous les
tropiques on devient une sensibilit pour le froid queparaisse
-24que ai sentismoi-mmeenpleinairBayreuth179564La
remarqueestdoublementintressanteabord enconfrontantdestem
praturesrelevesBayreuthautres observesen Amrique elle pose comme
admis que les instruments sont assez stabilissdans leur maniement
pourpouvoirvoyagerde manireplausibleetquedesmesuresfaitesen deux
endroitspeuvent tre comparesEnsuite ce que Humboldt ditavoir
prouvBayreuthceest pasuntrsgrandfroidmaisvingt-quatre degrs
au-dessous de zrotout se passe comme si la mesure de temprature
taitici devenuelaperceptionelle-mmeOnpourraitreconstruireune
analyse similaire pouraltitude cas autant plusintressant que homme
nedispose pas organe sensorieldirect etque instrument devient ici
un outilperceptif nouveauainsidanslercitquedonneofficier espagnol
Ulloa deexpditionlaquelleilparticip auxctsdesacadmiciens franais la
dcroissance dela tempraturemesure aufur etmesurede leur montevers
lessommetsandins vient scander la narration une srie de mesures qui
sont autant de caractristiques quasi perceptives des stations
successives de leuritinraire65 Cet entrelacementde la
perceptionetde la mesure construitunefigure
devoyageurindissociabledesoninstrumentpresqueconfonduaveclui
Certainsvoyageurs de la findusicle parmiles plusferventspromoteurs
dela quantification hsitent pasconstruire leur rcit autour une mise
enscne dramatiqueetfortsymboliquede cettefusionentrelesavantet
soninstrumentOnse rappellecommentla chuteun pieddebaromtre
aufondune crevasseest vcue parSaussure etses compagnonscomme une
petite tragdie collectiveMais il arriveaussi que le lienavec instru
mentprouve auniveau deindividu lui-mmedefaon sitroiteque
lapertedeappareilest rienmoinsune douloureuseamputation source une
souffrancevritablementphysiqueTelle estla msaventure 63C.-MdeLA
CONDAMINEMesure...opcit.pp251et83Journalopcit.34
64vonHUMBOLDTReise...opcit.220 65AntoniodeULLOAVoyage
historiquedeAmrique mridionale fait parordreduRoi Espagne
ParisJombert1752volspp180-181 1145 LES EXPDITIONS SCIENTIFIQUES
quisurvi