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La stabilisation des pentes instables par clouage
Gil les C A R T I E R Chef de la sect ion d e s ouvrages en
terre
Laboratoire central d e s Ponts et C h a u s s e s
RSUM
Le clouage des pentes consiste goujonner les masses instables
sur le substratum fixe en rpar-tissant in situ des groupes de pieux
verticaux ou des inclusions perpendiculaires la surface de
glissement. Cette mthode, qui trouve ses origines dans une pratique
rustique ancienne, connat actuellement un certain essor pour les
cas o les mthodes classiques de stabilisation par drainage ou
terrassement ne sont pas applicables. L'efficacit de la technique
s'appuie, d'une part, sur le transfert des efforts de glissement
vers le substratum au droit des points durs constitus par les clous
et, d'autre part, sur un renforcement global de la masse dformable
par effet de vote et effet de groupe d la densit de clous.
L'article analyse ces principes de fonctionnement compte tenu de la
litt-rature existante, et prsente les implications de l'interaction
sol-clou sur les sollicitations engendres dans les clous et sur les
critres de stabilisation des pentes.
Les mthodes de calcul actuellement dispo-nibles pour
dimensionner les pieux et dcider de leur rpartition dans la pente
traite sont prsentes et compares, notamment avec la mthode propose
par le LCPC. Il n'existe pas encore de recommandations officielles
pour une bonne utilisation du clouage dans la stabilisation des
pentes. On prsente, toutefois, quelques exemples d'appli-cation qui
permettront au projeteur d'adapter sa conception en fonction de
ralisations ayant donn satisfaction.
MOTS CLS : 42 Stabilisation des talus -Clouage (sol) -
Comportement - Groupe de pieu - Interface - Sol - Micropieu
Dimen-sionnement - Calcul.
Le choix d'une mthode de stabilisation d'un glissement de
terrain, ou de renforcement d'une pente en quilibre prcaire,
ncessite une parfaite connaissance des causes de l'instabilit.
Sachant que c'est l'action de la gravit de l'eau qui est l'origine
de la plupart des dsordres, on comprend que les techniques relevant
du terrassement des masses instables, ou du drainage des terrains,
aient de tous temps emport la prfrence des gotechniciens.
La solution finalement retenue sur le terrain rsultera par
contre d'un compromis tenant compte des caract-ristiques du site,
des sujtions lies la technique et des impratifs technico-conomiques
[Cartier, paratre]. C'est ainsi que sont progressivement apparus
des procds destins s'opposer directement aux effets de
l'instabilit, ou amliorer en masse les caractristiques des
terrains.
Le clouage s'inscrit parfaitement bien dans cette catgorie. Les
conditions de site (accessibilit, emprises), les carac-tristiques
des terrains (permabilit, notamment), les contraintes des mthodes
de drainage (dlai de rponse, prennit) et les impratifs de scurit
peuvent en effet se cumuler pour que le clouage soit la seule
technique applicable. Cela est typiquement le cas des dblais
ferroviaires dont la crte est urbanise et o les terrains sont
soumis des coulements diffus difficiles drainer. C'est par exemple
la solution qui a t retenue pour la tranche de Briollay sur la
ligne Paris-Nantes [Chaput, 1983] o le talus, creus dans sa partie
suprieure dans des sols argilo-plastiques temporairement gorgs
d'eau, avait t l'objet de glissements localiss affectant la
circulation ferroviaire. A u voisinage d'un passage suprieur et
d'habitations proches de la crte, la solution de terrassement avec
adoucissement des pentes et ralisation d'une risberme adopte en
section courante ne pouvait tre retenue. On a donc clou le talus
comme l'indique la figure 1, ce qui en outre prsente l'avantage de
ne pas engager le gabarit ncessaire l'exploitation.
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Clture Habitation
0 5 10m I l I
Fig. 1. Renforcement par c louage du talus de la t r a n c h e
ferroviaire de Briollay ( d ' a p r s Chaput , 1983) .
D'autres exemples illustrant l 'adquation de la mthode, pour des
remblais o l'on a souhait limiter le confortement dans l'emprise de
l'ouvrage, ont t dcrits par Cartier et al. [1984].
Sur le plan des principes de fonctionnement de la technique du
clouage, i l est ncessaire d'clairer ds maintenant le lecteur sur
la distinction traditionnelle, mais d'apparence arbitraire, qui est
faite entre l'application au soutnement des excavations et celle
destine la stabilisation des pentes. Schlosser et Juran [1979]
dfinissent le clouage comme une technique de renforcement des sols
in situ par des lments linaires travaillant la traction ou au
cisaillement, ces lments pouvant tre soit mis en place dans des
forages et scells par un coulis, soit simplement battus ou fors .
Dans les soutnements, des barres passives sont mises en place peu
prs horizontalement au fur et mesure que l'on terrasse
l'excavation, et elles sont sollicites par la dformation
progressive du massif. Elles travaillent alors essen-tiellement en
traction, ainsi qu'au cisaillement de faon assez similaire la terre
arme. Pour la stabilisation des pentes, on ralise gnralement des
pieux verticaux ou ventuellement perpendiculaires la surface de
glissement potentielle ou dclare. Les pieux travaillent alors
essentiellement par ci-saillement.
Mme si la frontire n'est pas extrmement nette entre les deux
applications, le rle prpondrant du frottement dans les soutnements
clous et de l'interaction latrale sol-pieux dans la stabilisation
des pentes a jusqu' maintenant conduit les projeteurs utiliser des
mthodes de dimensionnement assez diffrentes dans les deux cas. En
ce qui concerne la stabilisation des pentes, on notera que les
choses ne sont pas si simples selon le type d'ouvrage concern. En
effet, quand les clous sont constitus d'lments de faible inertie
comme les micropieux, la rigidit relative clous-sol est faible et
les inclusions peuvent alors subir des dformations se traduisant
par des dplacements relatifs par rapport au sol importants. Des
efforts de traction et de cisaillement sont alors susceptibles
d'apparatre comme pour les excavations cloues. L a tendance
actuelle consiste
donc fdrer les deux approches usuelles dans le cadre d'une
mthode de calcul pouvant prendre en compte l'ensemble des efforts.
Des propositions ont t faites dans ce sens par Blondeau et al.
[1984] et, rcemment, une mthode tenant compte des dformations a t
mise au point au L C P C [Delmas et al., 1986].
Sur le plan technologique, et bien que l'on assiste depuis
quelques annes un engouement pour cette mthode, il faut remarquer
que la S N C F , par exemple, a toujours eu recours au battage de
pieux d'acacia ou de rails usags pour le renforcement de ses talus.
Fukuoka [1977] cite de mme une application au Japon sur le
Noo-Tsutsuichi Rail-way o, ds 1880, des pieux de bois taient
utiliss pour la stabilisation de glissements de terrain. Ceux-ci
ont ensuite t progressivement remplacs par des lments en bton arm
puis mtalliques.
Baker et Marshall [1958], ainsi que Root [1958], montrent
toutefois des exemples de ruptures de pentes ainsi stabilises. On
peut penser que la cause est en fait une mauvaise estimation des
efforts mobiliss dans la masse en mouvement puisque, l'poque, et
l'exception des travaux de Henns [1936], on ne trouve quasiment pas
de justification chiffre sur ce sujet. C'est en 1970 que De Beer et
Wallays dcrivent un des premiers cas les mieux documents : la pente
instable de Huy, en Belgique, a connu ses premiers signes de
dsordres aprs que l'on eut largi la tranche de chemin de fer situe
en pied. Le massif de schistes concern est fortement broy et s'est
progressivement dcomprim entranant une srie de glissements
rtrogressifs vers des habitations situes en amont. La situation
urbaine du talus ne permettant pas de terrasser pour adoucir la
pente, on a ralis un clouage sur deux ranges au moyen de pieux fors
btonns et renforcs par des poutrelles en acier. Quarante-sept pieux
de 1,50 m de diamtre et 20 m de longueur, et quarante pieux de 1,07
m et 1,28 m de diamtre et 10 m de longueur ont ainsi permis de
stabiliser le site (fig. 2).
Actuellement, le clouage fait appel des inclusions de nature et
d'inertie assez diffrentes : micropieux, palplanches, profils
mtalliques, pieux et barrettes en bton arm. On examinera, dans ce
qui suit, les conditions d'utilisation de la mthode en fonction des
ouvrages concerns.
F i s s u r e s
Fig. 2. Stabil isation du gl issement de Huy ( d ' a p r s De
Beer et Wal lays, 1970) .
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PRINCIPES DE FONCTIONNEMENT ET D'UTILISATION DU C L O U A G E
DES PENTES
Justification de l'efficacit de la mthode
Le clouage d'une pente peut tre conu titre de renforcement du
sol pralable la ralisation du terrassement. Il s'agit alors de
constituer un matriau composite dans lequel l'interaction entre le.
sol et les inclusions, conjugue aux dforrnations du massif, se
traduit par des efforts qui augmentent la rsistance globale du
matriau. Comme pour le clouage des excavations, ces dformations
rsultent d'un dpla-cement d'ensemble en direction du talus mais ne
gnrent pas ncessairement une surface de glisse-ment, mme si les
mthodes de calcul traditionnelles reposent sur l'quilibre des
forces le long d'une surface de rupture potentielle.
Dans les cas les plus courants qui nous intressent ici, le
clouage est destin stabiliser une masse de sol instable ou
potentiellement instable le long d'une surface de rupture. L a
stabilisation est alors obtenue par transmission des efforts depuis
la masse instable vers le substratum. Le dplacement du sol provoque
en effet la mobilisation d'une pression p(z) au contact
sol-inclusion qui se traduit par un systme
de forces et m, au point O sur la surface de glissement (fig.
3). Ces forces, qui sont quilibres par une raction dans le
substratum, accroissent la rsistance au glissement et, aprs un
dplacement suffisant, participent la stabilisation de
l'ouvrage.
D
Fig. 3. Principe du c louage des pentes.
Cette analyse permet ds prsent de prvoir que le clouage ne sera
efficace que si :
le pieu ne se rompt pas par flexion ou cisaillement, la pression
au contact sol-pieu ne dpasse pas une valeur ultime admissible pour
le sol : on assisterait sinon un coulement du sol autour du pieu,
la fondation peut supporter les charges transmises par le pieu. L a
profondeur d'encastrement de l'inclusion sous la surface de
glissement doit en outre tre suffisante pour qu'un glissement de
type A D C (fig. 3) ne puisse se produire : le clouage conserverait
alors son intgrit mais ne serait plus efficace.
Si le clouage agit sur le glissement par goujonnage du bloc
mobile sur le substratum fixe, i l ne faut pas oublier qu'en
pratique le sol est un matriau dformable. Les dplacements de la
masse en mouvement se trouvent donc restreints au droit des points
durs constitus par les clous mais ne sont rduits entre les clous
que si leur espacement est suffisamment faible pour que se dveloppe
un effet de vote. Ce phnomne, encore mal connu, se traduit par un
report des contraintes du sol vers les clous, et permet une range
de clous non jointifs de jouer le rle d'un cran dans la pente. Wang
et Yen [1974] ont prsent une analyse thorique du phnomne. Leur
modle est trs imparfait, puisqu'il ne rend notamment pas compte de
la mobilisation des efforts en fonction des dformations relatives
du sol et des inclusions. Il permet toutefois de comprendre la
nature du phnomne.
La pente y est suppose infinie et constitue d'un matriau homogne
et rigide plastique (caractris-tiques c et cp). En crivant les
quations d'quilibre d'un lment paralllpipdique de sol compris entre
deux pieux (fig. 4), les auteurs montrent que la force s'exerant
sur une facette verticale situe la distance x de l'origine est
:
K\ 2
o : K\ et K2 sont des fonctions de (p, ip,, c, c,, y, i, d et h,
K est un coefficient de pousse du sol, l'origine des abscisses est
choisie la limite d'influence de l'effet de vote.
R 2
Si P0 est la force existant en amont, hors de la zone
d'influence des pieux, la force s'exerant entre les pieux est P'0
et peut varier entre 0 et P0. Si l'on dfinit un espacement normalis
m par :
d m = -,
h on constate que l'effet de vote est nul (P = A>) pour m = m
et maximal (P 0 = 0) pour m = mmax.
47
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A ces deux valeurs de m correspondent des limites d'espacement.
Bien entendu, chaque pieu doit quilibrer la totalit des pressions
agissant sur le segment de largeur (d + B). Cela conduit une force,
sur le pieu, gale :
Pp = yyh-B + (yyh - p)d-h.
On verra par l suite que, dans les mthodes de calcul, l'effet de
vote est trs diversement pris en compte. Brinch-Hansen [1961] et De
Beer et Wallays [1970] supposent les pieux indpendants et
dter-minent donc l'espacement avec un autre critre. Ito et Matsui
[1975] considrent par contre l'quilibre d'un coin de sol compris
entre deux pieux adjacents et en dduisent les efforts sur les
pieux, en fonction de leur espacement, avec l'hypothse d'une
dfor-mation plastique ou d'un coulement viscoplastique du sol.
Sollicitations engendres dans les clous
En pratique, le comportement des clous dans la pente stabilise
est compliqu par le fait qu'ils sont rarement mis en place isolment
ou sur une seule range, comme dans l'analyse thorique prcdente. Les
promoteurs du renforcement par micropieux comptent notamment sur un
effet de rseau li la densit importante d'inclusions dans un volume
restreint (fig. 5). Il semble alors que la rsistance du groupe soit
bien suprieure la somme des rsistances de chacun des lments. Cet
effet n'est toutefois pas encore confort par la thorie et ne trouve
sa justification que dans quelques ralisations ayant donn
satisfaction, notamment en Italie [Lizzi, 1977]. On notera que la
socit Fondedile, qui en est le promoteur, recommande de calculer
ces ouvrages, du point de vue interne, comme un ouvrage en bton arm
et, du point de vue de la stabilit gnrale, comme un ouvrage de
soutnement poids encastr.
Fig. 5. Gl issement r e n f o r c par micropieux ( d ' a p r s
Lizzi, 1977) .
Quand la densit de clouage est plus faible (gros pieux espacs de
moins de trois diamtres, par exemple), on note galement que le
groupe de pieux ne se comporte pas tout ' fait comme une srie de
pieux isols. Tout d'abord, le champ des dformations
est considrablement modifi dans toute la masse de sol situe dans
la zone d'influence des pieux. Cela a par exemple t mis en vidence
lors d'une exprimentation ralise par les laboratoires des Ponts et
Chausses Boussy-Saint-Antoine, au km 23 de la ligne de chemin de
fer Paris-Lyon [Cartier et al., 1984]. U n glissement lent
affectait le remblai construit sur versant et obligeait le service
gestionnaire effectuer des rechargements priodiques de 10 30 cm
tous les six mois. L a reconnaissance du site ayant mis en vidence
une surface de glissement, il a t dcid de clouer la masse en
mouvement l'aide de pieux de 80 cm de diamtre et 11m de longueur,
fichs dans le substratum marno-calcaire de Champigny. On vitait
ainsi toute perturbation sur les voies pendant les travaux et on
palliait l'impossibilit pratique de drainer efficacement la masse
d'boulis argileux.
Le suivi des dplacements du sol aprs la ralisation des travaux a
t ralis par inclinomtrie et des rsultats significatifs sont fournis
sur la figure 6. On note que, dans la zone d'influence du groupe de
pieux (les pieux sont espacs de 2,80 m d'axe en axe et disposs sur
deux files en quinconce), le sol se dverse de faon tout fait
comparable aux pieux eux-mmes.
Vue en plan
D p l a c e m e n t s m e s u r s la date du 2 3 / 0 6 / 8 3
d a n s le sol
d a n s les pieux
Fig. 6. R s u l t a t s de l ' e x p r i m e n t a t i o n de B
o u s s y - S a i n t - A n t o i n e ( d ' a p r s Cartier et al.,
1984) .
Le dplacement en translation, au-dessus de la surface de
rupture, qui existait avant le confortement se retrouve par contre
bien en amont sur le tube 14.
Cette modification locale du mode de dformation du massif avait
dj t voque par Cartier et Gigan [1983] lors du suivi du clouage du
remblai de L a Membrolle .
Par ailleurs, les efforts transmis un pieu par le glissement
dpendent non seulement de la largeur frontale du pieu, mais
galement de la prsence d'autres pieux sur une mme file. L a courbe
de raction donnant la pression sur le pieu en fonction
48
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du dplacement relatif sol-pieu est en effet modifie par la
prsence d'un groupe comme l'indique la figure 7. On constate que,
pour un mme dplacement (y g), la sollicitation est rduite, ce qui
est rapprocher entre autres de l'effet de vote voqu prcdemment.
Quand on a faire plusieurs ranges de pieux, i l se produit en outre
un effet d ' ombre de l'amont vers l'aval.
Fig. 7. Influence de l'effet de groupe sur la courbe de r a c t
i o n d 'un pieu.
D p l a c e m e n t relatif sol-pieu y-g
L'ensemble de ces phnomnes reste encore prciser sur le plan
thorique et est, pour l'instant, qualifi par l'expression globale
effet de groupe . Des recherches sont en cours au L C P C dans ce
sens [Abdelhedi, 1986]. On a notamment utilis une modlisation de
l'interaction des pieux entre eux partir de l'analyse en continuum
lastique propose par Poulos [1973] pour les groupes de pieux soumis
des efforts en tte, ainsi qu'une modlisation par lments finis.
Cette tude pourrait dboucher terme sur une mthode pratique de
correction des rgles applicables aux pieux isols.
Critres de stabilisation de la pente
On a dit prcdemment que l'effet de goujonnage principalement vis
dans la mthode ne devait pas faire oublier le caractre dformable
des sols. Il convient de remarquer par ailleurs que vouloir
stabiliser une pente instable suppose une parfaite connaissance des
phnomnes qui rgissent les mouvements.
Tout d'abord, il faut savoir que, si les efforts rsistants ne
sont que lgrement suprieurs aux efforts moteurs, des dformations
lentes de la masse
1 I i i i i n i i i i i_t 5 10
V(mm/j)
instable continuent gnralement de se produire. On a par exemple
montr sur le site exprimental de remblais sur versant des L P C
Salldes [Pouget et al., 1985] que des dformations se produisent
jusqu' ce que les efforts rsistants dpassent Iqs efforts moteurs de
20 % (fig. 8). Dans ce cas prcis, les caractristiques mcaniques
mobilises le long de la surface de glissement avaient t dtermines
avec certitude par calage sur la rupture d'un premier remblai, de
sorte que le coefficient de scurit F = 1 correspond des dplacements
trs grands pouvant tre assimils une rupture.
Cette constatation conditionne le choix du coefficient de scurit
qui sera impos sur le sol dans le calcul de stabilit de la pente
cloue. Ce problme est commun tous les procds de confortement mais
revt une importance particulire dans le cas du clouage, qui utilise
des lments rigides, contrairement par exemple aux perons drainants
qui peuvent supporter des dformations beaucoup plus
impor-tantes.
Par ailleurs, i l faut tenir compte du fait que la masse
instable n'est pas un bloc rigide et que la position de la range de
clous dans la pente n'est pas trangre l'efficacit du confortement.
On constate en effet sur la figure 9 que :
si les clous sont placs trop en tte, le glissement peut se
poursuivre l'aval et dchausser le soutnement ainsi cr ; si les
clous sont trop prs du pied, le glissement transmettra des efforts
considrables et sera suscep-tible de se ractiver en passant
au-dessus de la range de clous comme l'ont montr Blondeau et
Virollet [1976] pour les murs.
Fig. 9. E f f i c a c i t d 'une r a n g e de pieux dans une
pente instable.
Le clouage devra en fait tre mis en place dans une zone o
l'effort ncessaire la stabilisation de la pente ne dpasse pas la
raction que peut apporter le sol [Nakamura, 1984]. Si, par exemple,
on a dtermin l'effort horizontal P ncessaire la sta-bilisation de
la pente en l'introduisant dans les trois quations d'quilibre
statique et en se donnant une amlioration convenable du coefficient
de scurit,
49
-
10 20 30 0 50 60 70 80 x
Fig. 10. Optimisat ion de la posit ion d 'une r a n g e de pieux
dans une pente instable.
on peut tracer, en fonction de l'abscisse x, la raction
horizontale du sol H qui est donne par l'quation d'quilibre sur
l'horizontale :
X
H = M - , sin oc, - T(.cos a,) (fig. 10).
Les points A et B, dtermins par l'intersection des deux courbes
de la figure 10, dfinissent trois zones :
En zone I, la pousse du sol est insuffisante pour mobiliser,
dans les clous, l'effort ncessaire la stabilisation de la pente. L
a ligne de pieux se comportera donc comme un soutnement et n'vitera
pas au sol de glisser l'aval. En zone II, les pieux sont leur
position optimale pour rpondre la dfinition du clouage, c'est--dire
qu'ils sont soumis des pressions frontales avant et arrire et
transmettent des efforts vers le substratum. En zone III, la bute
que le sol peut offrir l'aval de la ligne de pieux est insuffisante
vis--vis de l'effort ncessaire pour la stabilisation. Il y aura
donc inefficacit du confortement.
On notera enfin qu'un des principaux avantages du clouage des
pentes instables par pieux est de ne pas perturber le site, et de
ne ncessiter aucune phase de travaux dlicate pour l'quilibre gnral.
L'excution est gnralement simple et rapide, et convient souvent aux
accs difficiles. Par contre, et contrairement au drainage par
exemple, l'efficacit n 'apparat compltement qu' partir du moment o
les dformations ont t suffisantes pour mobiliser les efforts
stabilisateurs. Elle se fait toutefois sentir progressivement, ds
la mise en place des pieux, et demande des dplacements
centimtriques, gnra-lement acceptables pour les ouvrages.
ANALYSE DES MTHODES DE DIMENSIONNEMENT POUR L E C LOU A GE DES
PENTES
On a vu prcdemment que le facteur dforma-tions est essentiel
dans le fonctionnement du clouage des pentes. A u stade du
dimensionnement, cet aspect reste toutefois difficile prendre en
compte. On procdera donc gnralement en trois tapes :
1 valuation des efforts de cisaillement re-prendre pour
augmenter le coefficient de scurit de la pente une valeur
acceptable ; 2 valuation de l'effort maximal que chaque pieu peut
transmettre de la masse en mouvement au substratum ; 3 slection du
type et du nombre de pieux, et de leur emplacement.
La premire tape fait actuellement appel un calcul de stabilit
classique. Comme pour toutes les analyses limites, on peut trouver
de nombreuses critiques cette approche. On retiendra notamment que
les effets tridimensionnels n'y sont pas couramment pris en compte
et que l'hypothse d'un bloc indformable se dplaant sur une surface
de rupture se justifie plus difficilement eu gard ce qui a t dit
prcdemment sur l'influence des clous sur le champ des
dformations.
Quoi qu'il en soit, cette mthode reste la seule disponible et
donne satisfaction, pour peu que l'on en connaisse les limites.
Dans les calculs simplifis de pieux verticaux, o on ne tient
compte que des efforts tranchants, l'effort de clouage R peut par
exemple, pour un glissement circulaire, tre introduit dans
l'expression de Fellenius par :
c ! [ ! ' , + ^;cosa, , tg(p;]
I ^ , . s i n a,- = - +
F et F' tant respectivement les coefficients de T
scurit sur le sol et sur le pieu, et R = cos a
( r : effort tranchant) (fig. 11).
50
-
Il est d'usage, selon la mthode retenue pour la justification de
la rsistance propre aux pieux, d'adopter les valeurs F' = 1 ou F' =
F. On obtient alors :
si F' = 1
F =
[c ; . / , . + ^;cosa,,t g ,cp;]
Y, rVj sin oc, - R
si F' = F
te../, + W;cosa, . tgq>] + R
F = Wt. sin a,
Cette approche simplifie de la prise en compte des effets du
clouage dans l'analyse de stabilit demeure la plus cite dans la
littrature technique internatio-nale. Elle reste pourtant trs
imparfaite puisqu'elle ne fait pas intervenir l'ensemble des
efforts mobiliss dans le clou (effort tranchant, effort normal et
moment) dans les trois quations de la statique.
On pourra se reporter l'article de Delmas et al. [1986] publi
conjointement celui-ci pour une analyse plus dtaille des mthodes
proposes actuellement, notamment par le L C P C .
Comme on l'a vu prcdemment, la dtermination lors de cette
premire tape des efforts que le renforcement doit apporter en
raction au glissement ncessite de se fixer un coefficient de scurit
sur le
AF sol, c'est--dire une amlioration du coefficient F0
Fo de la pente instable.
Brandi [1979] et De Beer et Wallays [1970] ont utilis
respectivement 25 et 10 % dans les cas qu'ils prsentent. Ito et al.
[1982] et Nakamura [1984] recommandent pour leur part la valeur
minimale de 20 %. En gnral, le compromis entre une scurit
confortable et un cot optimis conduit en effet retenir 20 %.
Quelques exprimentations sur sites rels conforts par gros pieux ont
toutefois montr que la stabilisation avait t obtenue pour des
efforts bien moindres.
Sommer [1979] a mesur des pressions au contact sol-pieux trs
infrieures aux valeurs prises en compte dans le dimensionnement.
Ces efforts correspondent une amlioration de 5 % du coefficient de
scurit. On notera toutefois que les mouvements ont t rduits 1/20 de
leur valeur initiale, mais qu'un lger fluage subsiste dans ce
cas.
Sur le remblai ferroviaire de L a Membrolle , dcrit par Cartier
et Gigan [1983], les rsultats sont peu diffrents. L'ouvrage que
l'on a cherch stabiliser a t difi en pied d'un versant
argilo-crayeux. Les formations alluvionnaires de surface recouvrent
le Snonien, constitu de blocs de craie et de marnes, puis de sables
denses. Le suivi des
dformations, en surface et en profondeur, a montr que
l'instabilit endmique du remblai tait provo-que par un glissement
profond dans les marnes. Compte tenu de la topographie du site et
de la prsence de matriaux compressibles en pied de versant, i l a t
dcid de clouer le glissement au moyen de trois ranges- de profils H
E B 200 scells dans des forages de 400 mm de diamtre (fig. 12). Les
187 pieux sont espacs de 2 m et sont fichs dans les sables, au
moins 3 m sous la surface de rupture.
5 m -r
; ; ? ; : : \ Sable :S
I Inc l inomtre R a n g e n 3 J Glissement R a n g e n 2 _
R a n g e n
Fig. 12. Stabilisation par clouage du glissement de la Membrolle
(d'aprs Cartier et Gigan, 1983).
Le suivi des dplacements aprs clouage a montr un ralentissement
de 10 cm 2,5 mm par an. En utilisant la mthode de dimensionnement a
posteriori, on a russi recaler les efforts mobiliss dans le pieu,
compte tenu des dformations mesures. On constate que la
quasi-stabilisation du site correspond en fait une amlioration
AF/Fr, proche de 7 %.
A Boussy-Saint-Antoine (fig. 6), la mesure des dformations a t
ralise sur trois virolles mtaU liques de mme rigidit que les pieux
en bton arm, au moyen de jauges lectriques et d'extenso-mtres
cordes vibrantes. En juin 1983, soit environ un an aprs la fin du
chantier, les mouvements taient considrablement rduits et on notait
des efforts trois fois plus faibles que ceux prvus par le calcul.
L'amlioration de la scurit sur le sol tait alors d'environ 7 %
[Cartier et al., 1984]. En novembre 1984, une nouvelle srie de
mesures, tant des dformations que des dplacements du sol et des
pieux, a montr que le glissement se poursuit vitesse trs faible.
Les efforts correspondent actuellement un gain AF/F0 d'environ 10
%.
Il semble donc qu'avec la technique du clouage par gros pieux,
un gain de stabilit sur le sol assez faible soit suffisant pour
faire chuter notablement les mouvements. Vis--vis des effets long
terme, et dans l'attente de rsultats nouveaux, le seuil de 20 %
reste toutefois une valeur prudente.
La deuxime tape consiste dterminer les efforts mobiliss dans les
clous par la masse en mouvement, afin d'valuer si la raction
transmise au substratum peut tre suffisante pour stabiliser le
glissement. L'objectif du dimensionnement tant de stabiliser le
terrain, la dtermination de ces efforts maximaux
51
-
devra en outre tenir compte des paramtres d'in-teraction, et
notamment de la limitation de la raction latrale exerce par le sol
sur les clous. Pour ce faire, la plupart des auteurs utilisent les
thories de calcul mises au point pour la justification des
fondations profondes sollicites horizontalement. On distingue
globalement :
les mthodes la rupture, les mthodes en dformation.
Les mthodes la rupture supposent que, sous l'action du
glissement, le sol situ autour du clou atteint l'quilibre limite et
transmet une pression dite ultime au clou. Pour plus de prcisions,
on pourra notamment se reporter aux travaux de Brinch-Hansen [1961]
et l'application qu'en font De Beer et Wallays [1970], ainsi qu '
Viggiani [1981] qui a propos une amlioration des calculs
classiques.
On notera que ce type d'approche, bien que cohrent avec le
calcul la rupture effectu pour le glissement, semble mal adapt la
modlisation du mcanisme d'interaction sol-clou. Ito et Matsui
[1975] ont tent d'amliorer les formules existantes en prenant,en
compte l'effet de groupe sur une ligne de pieux. Le sol est suppos
en tat de rupture plastique entre deux surfaces de glissement ( A E
B et A ' E ' B ' sur la figure 13a) ou, ventuellement, dans un tat
d'cou-lement viscoplastique (fig. 13Z>). L a rsolution des
quations d'quilibre fournit la valeur de la pression s'appliquant
l'tat ultime sur les pieux : cette expression tient videmment
compte de leur espa-cement. En 1982, les auteurs ont tendu leur
mthode des ranges multiples de pieux pour la stabilisation des
glissements. Ils ont alors introduit un facteur de mobilisation de
la pression /4)
Cela s'crit :
p = k\y(z)-g(z)]
E \ \ \ \
: E' 1 1
D, 0;
k tant le module de raction du sol et p la pression globale, qui
tient compte des ractions frontales avant et arrire et des
frottements latraux. Dans le cas des glissements conforts par gros
pieux rigides, on notera que g(z) est suprieur y(z), notamment en
partie haute du pieu, et que la raction frontale arrire est
prpondrante.
L a rsolution de l 'quation d'quilibre des pressions sur le pieu
fournit la dforme du pieu et les efforts qui lui sont appliqus,
moyennant la dfinition de la fonction g(z), de la courbe de raction
tout niveau et des conditions aux limites.
Pour un groupe de clous, la fonction g(z) doit reprsenter le
dplacement du sol en l'absence du clou considr, compte tenu de la
prsence des autres clous. Bourges et al. [1980] ont propos une
quation type pour g(z) dans le cas des remblais sur sols
compressibles. En ce qui concerne les glissements de versant, on
utilise gnralement le fait que la plupart d'entre eux se dplacent
en translation au-dessus de la surface de glissement. Ce point
restera prciser dans le cadre d'expri-mentations venir, notamment
pour le cas de ranges de pieux assez rapproches comme L a Membrolle
. D u fait de l'effet d'ombre d'une range sur l'autre, i l ne
semble en effet pas judicieux de dimensionner chaque-range avec les
mmes hypo-thses.
L a courbe de raction du sol utilise au L C P C est explicite
par Bourges et al. [1980] et est tire de l'essai
pressiomtrique.
Pour l'application au clouage, qui suppose une stabilisation du
sol, on dimensionne gnralement les clous de faon se limiter la
pression de fluage Pf. Dans l'tat actuel des connaissances, du fait
de la mconnaissance de l'influence de la lenteur du chargement
propre la plupart des glissements
de versants argileux, on pense que cette scurit est raisonnable.
Comme on l'a vu prcdemment, le rle de l'effet de groupe vis--vis de
la courbe de raction reste cependant prciser.
Fig. 13. M o d l i s a t i o n de Ito et Matsui (1975) .
52
-
Si les efforts en jeu ncessitent l'utilisation de barrettes
section rectangulaire, la loi de raction devra tre modifie pour
tenir compte du frottement sur les faces latrales. Pour ce faire,
on peut se reporter aux rsultats thoriques obtenus par Ba-guelin,
Carayannacou-Trzos et Frank [1979] sur les effets de forme et les
effets tridimensionnels.
On dcomposera la courbe de raction globale en une composante
frontale (celle dj explicite pour les pieux circulaires) et une
composante tangentielle. Dans les cas usuels, le module tangentiel
et le module frontal sont essentiellement gaux. On dterminera la
valeur P^ partir du frottement latral unitaire (T) donn par les
rgles pressiom-triques (f%> = t x 2L).
Les conditions aux limites imposer aux clous seront dtermines
pour chaque cas particulier, selon les recommandations de Bourges
et al. [1980].
On notera enfin que la rsolution de ce problme est simplifie par
l'utilisation de programmes de calcul comme le logiciel Pilate
dvelopp au Laboratoire central des Ponts et Chausses [Baguelin et
al., 1976].
Parmi les mthodes en dformation, citons enfin la mthode lastique
de Poulos [1973] qui s'applique un groupe de pieux chargs
latralement. La rsolution des quations fait intervenir une
discr-tisation en diffrences finies, et fournit les dplace-ments du
sol et des pieux.
Il est noter que les mthodes proposes dans la littrature pour le
calcul des efforts mobiliss dans les clous par les pentes instables
concernent essen-tiellement la raction latrale due la pression
sol-clou. Quand les clous sont inclins ou/et de trs faible inertie,
on a vu que le phnomne d'interaction est plus complexe et fait
intervenir des efforts normaux (traction essentiellement). On
pourra se reporter aux travaux de Blondeau et al. [1984] et
l'article conjoint de Delmas et al. [1986] pour voir comment on
peut alors tenir compte de l'ensemble des efforts.
La troisime tape permet de choisir les caractris-tiques et la
disposition des clous. On a vu prcdemment que l'optimisation de la
position d'une range de pieux dans la pente pouvait, en thorie, tre
obtenue sans problme majeur. En pratique, on veillera bien rpartir
l'effet du clouage dans la pente en tenant compte notamment des
remarques de Blondeau et Virollet [1976] si le glissement est trs
allong.
Le calcul de l'espacement devrait par contre rsulter d'une
apprciation de l'effet de groupe, dont on a dit qu'il tait mal
connu. La mthode retenue actuellement par le L C P C [Cartier et
al., 1984] consiste comparer les efforts mobiliss dans les pieux
avec ceux ncessaires pour stabiliser la pente. On crit pour ce
faire les quations d'quilibre du massif de sol renforc, dans
lesquelles on tient compte au mieux d'une estimation des efforts
engendrs dans les inclusions, compte tenu des dformations dans la
pente. Le coefficient de scurit sur les caractristiques mcaniques
du sol est introduit classiquement et on cherche par ailleurs
satisfaire quatre critres :
l'amlioration minimale de la scurit du sol gliss est fixe 20 % ;
les efforts au contact sol-clou doivent tre limits pour viter les
risques d'coulement du sol entre les clous (limitation de la
pression latrale la pression de fluage) ainsi que les ruptures
d'ancrage (choix d'un coefficient de scurit sur le frottement) ; le
dplacement du sol correspondant la satisfaction du critre prcdent
doit tre obtenu dans un dlai raisonnable et tre admissible vis--vis
des installations impliques dans le glissement ; les efforts
engendrs dans les clous doivent tre compatibles avec la rsistance
propre au matriau, en vertu des rglements de calcul en vigueur.
RECOMMANDATIONS POUR UNE BONNE UTILISATION DU CLOUAGE DANS L A
STABILISATION DES PENTES
On a vu que le clouage, bien qu'employ de longue date pour la
stabilisation de certains remblais instables, connaissait
actuellement un essor impor-tant. Son extension des ouvrages de
nature et d'importance diverses ncessite que l'on prcise rapidement
ses conditions d'utilisation et ses limites d'emploi. Compte tenu
du faible recul dont on dispose vis--vis de la plupart des
chantiers cits dans la bibliographie, on traitera de cet aspect des
choses par le biais de quelques exemples auxquels le lecteur pourra
faire rfrence pour traiter ses propres problmes par analogie.
On pourra galement se rfrer l'article de Cartier et al. [1984],
en ce qui concerne l'exprience du rseau des laboratoires des Ponts
et Chausses.
L a premire application concerne le renforcement des pentes
instables ou en quilibre prcaire par des lments de trs faible
inertie. On a vu, sur la figure 5, l'utilisation en rseaux prconise
par les Italiens. L a limite d'extension de cette faon de procder,
quant la dimension des ouvrages stabiliser et la densit des
inclusions, n'est pas encore bien cerne, bien que les mthodes
de
53
-
dimensionnement proposes actuellement, et un certain nombre de
cas rels, doivent permettre de s'en faire une ide. L a S N C F
dispose notamment d'un nombre assez important de remblais stabiliss
de cette manire depuis quelques annes, avec un taux d'efficacit
apprciable. L'exemple type est fourni par le remblai de Yerres, sur
la ligne Paris-Lyon, qui, constitu de marnes et d'argiles prleves
non loin du site, tait affect de mouvements sur les deux voies
situes l'aval. L'instabilit se dveloppait dans le versant d'argiles
vertes et de colluvions et se manifestait par un bourrelet en pied
de talus (fig. 14). Afin de limiter les risques d'aggravation, la S
N C F a mis en uvre des micropieux constitus de tubes crpines de 50
mm de diamtre, dans lesquels est place une barre d'acier de 16 mm
de diamtre, et qui permettent l'injection d'un coulis de ciment
sous faible pression, conduisant un diamtre thorique de l'ordre de
15cm. Les pieux ont t concentrs sur des bandes de 4 m de largeur,
afin de raliser des sortes d ' pe rons renforcs . Ces perons
comprennent 20 inclusions de 6 9,5 m de profondeur et sont espacs
de 6 m afin de ne pas faire cran aux coulements d'eau.
Le coefficient de scurit sur le sol qui tait initialement proche
de l'unit, augmente ainsi glo-balement d'environ 30 %, grce
l'effort tranchant mobilis dans les pieux [Blondeau et al., 1984].
Cette amlioration confortable s'est rvle tout fait suffisante pour
que les mouvements se
D p l a c e m e n t s (mm)
Fig. 14. C l o u a g e d 'un remblai sur versant Yerres (doc. S
N C F ) .
Rembla i d ' a u t o r o u t e
S u r f a c e de g l i s s e m e n t
Fig . 15. E x p r i m e n t a t i o n de S o m m e r (1979)
.
stabilisent rapidement. On constate, en effet, sur les rsultats
des mesures inclinomtriques effectues en pied de remblai qu'un dlai
peine suprieur trois mois a suffi pour obtenir la stabilisation
(fig. 14).
Dans l'tat actuel des connaissances, l'extension de cette
pratique des glissements de taille plus importante semble alatoire.
On citera malgr tout l'exprience d'Ast [1984] qui dcrit
l'utilisation de la technique pour le rtablissement d'urgence, et
ventuellement provisoire, d'une route d'accs une station de sports
d'hiver. Les micropieux, de 8 12 m de longueur, ont permis de
renforcer une couche de terrain dcomprime et instable sur 5 7 m
d'paisseur et de fonder une dalle en bton arm assurant le
rtablissement de la chausse.
Pour des volumes instables plus importants, les efforts en jeu
imposent de recourir des pieux classiques, dans la gamme allant des
lments de palplanches aux profils mtalliques et, la limite, aux
pieux ou barrettes en bton arm. Ce type d'application est notamment
abondamment dcrit dans la littrature japonaise. On pourra se
reporter aux publications de la Japan Society of Landslide pour en
voir des images saisissantes. Fukuoka [1977] dcrit, par exemple, la
mise en place de pieux mtalliques de 45 m de longueur sur le
versant naturel instable de la retenue de Kanogawa. Le glissement
affectait une zone d'environ 500 x 300 m et atteignait localement
50 m de profondeur. Les pieux, qui sont constitus d'un fer H scell
au bton dans une virolle mtallique de 50 cm de diamtre, sont tous
relis en tte par un treillis de poutres mtalliques et sont espacs
de 3 m d'axe en axe sur deux ranges. En outre, l'ensemble est
retenu par des tirants ancrs sous la surface de rupture. Ito et al.
[1982] dcrivent pour leur part les travaux de stabilisation du
versant de Shiranozawa dans la province de Niigata. L'instabilit
affectait, de longue date, une zone de 250 m de longueur et 50 m de
largeur sur environ 10 m de profondeur. Le traitement a ncessit la
mise en place de huit ranges de pieux de 80 cm de diamtre, espacs
de 2 m d'axe en axe. Comme dans l'ensemble prcdent, i l s'agit de
virolles mtalliques remplies de bton.
On trouvera galement des exemples de clouage de versants dans
les articles de Brandi [1979] et de Winter et al. [1983]. Le cas le
plus clbre actuellement, du fait notamment de l'instrumentation
dont i l a t l'objet, est celui du remblai construit sur versant
instable dcrit par Sommer [1979]. L a pente naturelle d'argile
surconsolide trs plastique n'est incline qu ' 5 - 8", mais a t mise
en mouvement sur 15m d'paisseur par la construction d'un remblai
routier de 10 m de hauteur (fig. 15).
Afin de limiter la vitesse du glissement, qui tait initialement
de 14 mm par mois, des puits en bton arm, de 3 m de diamtre et 27 m
de profondeur, ont t excuts tous les 9 m, en pied de remblai. U n
suivi de l'efficacit du traitement a t ralis grce des cellules de
pression poses sur les pieux et des mesures de dplacement du sol.
On a alors constat une nette diminution des dplacements, la
54
-
vitesse chutant 1/20 de sa valeur initiale. Dans le mme temps,
les cellules n'enregistraient qu'un tiers des pressions ultimes
retenues pour le calcul. On notera que cette amlioration de la
rsistance au glissement correspond une augmentation de 5 % du
coefficient de scurit sur le sol.
En France, des profils mtalliques ont. t utiliss au lieu dit Les
Houches de l'autoroute A 41 pour stabiliser en urgence un remblai
ferroviaire affect par la ractivation d'un ancien glissement
[Dagnaux et Tran Vo Nhiem, 1984 ; Guilloux et al., 1984]. L a
surface de rupture se situe environ 5 m sous le terrain naturel, au
sein d'une couverture d'argiles glaciaires (fig. 16). Le clouage
ral is comporte deux ranges de profils H E A 140 de 9 m de
profondeur battus tous les 50 cm. Les 300 profils ont t relis en
tte grce des liernes H E A 160. Le calcul effectu a posteriori par
les auteurs montre que le gain de stabilit ainsi obtenu est de
l'ordre de 6 %. L a stabilisation a t complte par la
Clouage de deux r a n g e s de HEA KO battus 12 x 150 p r o f i
l s sur 75ml)
Premier d b l a i d c l e n c h a n t le glissement
Argile limoneuse
Argile sableuse +
blocs compacts ' r/
Autoroute A41
Fig. 16. Profil du versant au lieu-dit Les H o u c h e s sur
l'autoroute A 41 ( d ' a p r s Dagnaux et Tran V o Nhiem, 1984)
.
ralisation de contreforts drainants afin d'assurer la prennit
long terme de cette zone sensible.
Hormis le cas de Boussy-Saint-Antoine, dj dcrit dans ce texte,
on trouvera d'autres applications franaises dans l'article de
Cartier et al. [1984] mentionn prcdemment.
CONCLUSION
Le principal intrt du clouage pour la stabilisation des pentes
rside peut-tre dans le fait que la perturbation apporte la pente
est trs faible et que, si le dimensionnement a t bien conduit,
l'efficacit n'est pas alatoire comme, par exemple, pour le
drainage.
Il faut, par contre, garder l'esprit que le clouage n'agit
gnralement pas sur les causes premires du glissement et que les
techniques traditionnelles (terrassement, drainage) restent souvent
trs co-nomiques.
Ayant analys l'ensemble des critres techniques et conomiques du
projet, le projeteur qui s'oriente sur une solution de clouage
devra, en outre, s'assurer que les limites d'emploi de la mthode
sont compatibles avec son application.
On a vu que l'on dispose pour cela de mthodes de calcul qui
permettent normalement de justifier le choix des clous, mais
galement de s'assurer que la pente sera stabilise dans son
ensemble. Ignorer les spcificits propres au comportement des pentes
instables conduirait, en effet, des structures inefficaces ou voues
la ruine.
On s'appuiera galement sur les observations faites sur d'autres
sites qui, terme, devraient permettre de fournir des
recommandations prcises concernant les prcautions d'emploi de la
mthode. Les exemples de la bibliographie dcrits dans ce texte,
ainsi que l'exprience du rseau des laboratoires des Ponts et
Chausses, pourront tre mis profit dans cette optique.
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