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REPRESE%TATIO%S SOCIOLI%GUISTIQUES ET DE%OMI%ATIO% DES DIALECTES
BERBERES E% ALGERIE1
Rsum : Les mots berbres, tamazight, kabyle, chaoui, mozabite,
sont employs pour dsigner une langue, un dialecte dune langue ou
des dialectes dune mme langue. Mais du point de vue linguistique la
langue berbre standard nexiste pas. Les locuteurs ont recours des
dnominations gnriques pour dsigner leur langue (au singulier) :
celle quils considrent comme unifie, homogne . Les reprsentations
sociolinguistiques quont les locuteurs berbrophones de leurs
pratiques langagires sous-tendent leurs attitudes envers leur
langue. Ces attitudes influent le processus de dnomination des
dialectes berbres. Cependant au sein de la mme communaut (ici
kabylophone) il existe des dnominations pjoratives qui dsignent
certains dialectes du berbre. Dans cette tude nous nous
intresserons aux diffrents noms dsignant les dialectes berbres et
aux dnominations pjoratives de certains dialectes.
Mots-cls : dnomination, reprsentations sociolinguistiques,
attitudes, langue. Abstract: The words, Berber, Tamazit, Kabyle,
Chaoui, Mouzabite...etc, are used
to design a language, a dialect of a language or dialects of the
same language. Linguistically, the standard Berber language does
not exist. The speakers use generic denominations to describe their
language (in singular); the one they consider to be unified and
homogenous. The sociolinguistic representations, which the Berber
speakers have of their language practices, underlie their attitudes
towards their langauge. These attitudes influence the process of
denomination of the Berber dialects. ,everthless, in the same
community (here Kabyle speakers), there are pejorative
denominations that describe some Berber dialects. In this study, we
are interested in the different names designing the Berber dialects
and the pejorative denominations of certain dialects.
Key words: Denomination, sociolinguistic representations,
attitudes, language. La nomination du berbre pose la problmatique
lancinante de la
dsignation dune langue standard dans laquelle se regrouperaient
plusieurs varits linstar des autres langues du monde. Or, du point
de vue linguistique, le berbre est dfini comme langue dont lunit
est abstraite. En Algrie, depuis 2002, il est reconnu comme langue
nationale sous la dnomination de langue amazighe . En labsence dune
varit standard (officielle), les locuteurs attribuent leur langue
diffrents noms en recourant des appellations gnriques : berbre,
tamazight, kabyle, etc. Mais, derrire le processus de dnomination
des langues se profilent des attitudes envers les diffrentes varits
parles en Algrie. Les noms
1 Mourad BEKTACHE, Laboratoire LAILEMM, Universit de Bejaia,
Algrie. [email protected]
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des langues revtent un caractre important ds lors quils
constituent un indice du positionnement des langues dans le
discours des locuteurs. En nommant les langues les locuteurs
hirarchisent et classent les dialectes. Cette tude traite de la
nomination dune langue dont lunit est abstraite, en ce sens que la
langue berbre standard nexiste pas. Un effort pour sa
standardisation est men. Mais elle na toujours pas une norme de
rfrence. En effet, les locuteurs nomment une langue dont lexistence
est thorique. Les linguistes considrent la notion de langue berbre
comme une abstraction linguistique et non une ralit
sociolinguistique identifiable et localisable (Chaker, 1995 :7).
travers une brve esquisse constitue de deux parties, nous
identifierons les noms attribus au berbre dans les textes
officiels. Suivra une description sociolinguistique de la situation
des dialectes en prsence en Algrie et particulirement en Kabylie
(lieu de notre enqute). La seconde partie de ce travail est une
analyse des noms des dialectes kabyles attribus par les locuteurs
d'aprs les rsultats d'une enqute mene l'Universit de Bjaia. Cette
analyse nous permettra de savoir, dans un premier temps, comment
sont nomms les dialectes kabyles, puis de comprendre ce qui
sous-tend l'emploi des noms pjoratifs pour dsigner certains de ces
parlers kabyles ? 1. La dnomination du berbre dans les textes
officiels
Le berbre navait aucun nom dans les textes officiels algriens.
Il fallait attendre lanne 1995 pour voir apparatre dans certains
dcrets la dsignation de langue amazighe . Cette expression apparat,
en effet, dans larticle 4 du dcret prsidentiel du 28 mai 1995,
portant cration du Haut Commissariat lAmazighit. Cette institution
a pour mission la rhabilitation et la promotion de lamazighit en
tant que lun des fondements de lidentit nationale ; lintroduction
de la langue amazighe dans les systmes de lenseignement et de la
communication . Plus officiellement, ce nest que dans lamendement
du 8 avril 2002 de la Constitution que, pour la premire fois, cette
langue a pu tre nomme sous le dsignant langue amazighe . Cependant,
dans les faits, la langue berbre continue tre enseigne sous ses
divers dialectes selon la rgion dhabitation. Le journal tlvis est
prsent en divers dialectes (kabyle, chaoui, mozabite). Les manuels
scolaires pour lenseignement du berbre sont labors dans des
graphies diffrentes. Le berbre est crit en caractres latins,
caractres arabes et tifinagh. En Kabylie, ce sont les caractres
latins qui semblent tre privilgis. Dans les mass-media, cest une
vritable bataille qui est engage : la chane Berbre Tlvision qui met
partir de France diffuse ses principaux programmes en kabyle et
utilise les caractres latins pour sous-titrer ses films. T.V
Tamazight, une chane de tlvision lance au mois de mars 2009 par
lEntreprise Nationale de Tlvision (chane algrienne publique),
diffuse ses programmes dans plusieurs dialectes du berbre. Ses
films
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sont sous-titrs en caractres arabes. Bien avant le lancement de
cette chane, lunique chane algrienne de tlvision diffusait le
journal berbre de 13h essentiellement en trois dialectes. 2. Les
langues en prsence
Le berbre se prsente sous plusieurs formes, rparties sur un
territoire gographique immense. Sad Chemakh (2006 :58) subdivise
les langues berbres dAlgrie en:
- Aire kabyle au Nord ( l'est d'Alger) - Aire chaouie lest
(sud-est Constantinois) - Aire chenouie dans les Monts du Chenoua
louest dAlger, - Aire mozabite Ghardaa et les six cits
environnantes, - Aire touargue au sud, dans l'Ahaggar.
Dautres groupes berbrophones plus restreints existent galement.
Ils sont disperss dans plusieurs autres rgions dAlgrie : Tlemcen,
Adrar, Ouargla, etc. La Kabylie constitue lune de ces grandes aires
dialectales berbres (Laceb, 2000). Au sein de cette mme aire,
coexistent des parlers locaux qui ne sont gure utiliss que pour la
communication intra-rgionale (Chaker, 1995 :7) et qui sont souvent
dsigns par des dnominations internes : le kabyle de la Grande,
celui de la Petite Kabylie, tasahlit, tamrousit, tagawawt, etc. Ils
sont gnralement caractriss par des particularits phontiques,
lexicales, parfois morpho-syntaxiques qui permettent une
identification golinguistique des locuteurs (Chaker, 1995 : 8). En
gnral, le terme tagawawt dsigne les parlers pratiqus dans la wilaya
de Tizi-Ouzou. Pour les Kabyles de la Soummam (Bjaia), tagawawt
dsigne les parlers des habitants du massif du Djurdjura. Tandis qu
Tizi Ouzou tagawawt renvoie uniquement au parler des habitants des
At Wassif, At Yanni et An-El-Hamam (Boulifa, 1913 :18). Il faut
noter que cette appellation est trs ancienne et nest utilise que
dans certaines rgions de la Kabylie. Le dialecte tasahlit1 est parl
par environ cent soixante mille locuteurs le long de la cte Est de
Bjaia. Le nom sous lequel ce dialecte1 est aujourdhui connu tire
son origine de larabe Sahel qui signifie la cte .
1 propos de cette varit qui se distingue sensiblement du kabyle
parl dans les autres rgions de la Kabylie, une lgende raconte que
deux familles chelouhs seraient venues de Sakiet El-Hamra (Sud
marocain) sinstaller sur la cte dAokas situe lEst de Bjaa. Sliman
Rahmani (1933, ,otes ethnographiques et sociologiques sur les Beni
Mhamed du Cap dAokas et les Beni-Amrous , Constantine ) rapporte ce
propos la lgende que voici : Vers la fin du XVe sicle de lre
chrtienne au moment o les Maures vaincus par les Espagnols
repassrent la mer et se rpandirent dans le Nord de lAfrique (1492,
deux familles vinrent stablir dans le pays sous la conduite de
deux
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Le terme tamrousit est utilis pour dsigner le parler des Ait
Amrous, dans la commune de Tichy, lest de Bjaia. Plusieurs autres
noms de dialectes apparaissent galement pour distinguer les
dialectes des diffrentes rgions de la Kabylie. Ces dialectes sont
nomms par des appellations ethnonymiques et anthroponymiques:
takherratit (parler de Kherrata), tamouchit (parler de Amoucha),
tabdjawit (parler de Bjaia), tamrousit (parler des Ait Amrous, dans
la commune de Tichy, lest de Bjaia). 3. Dnomination des langues en
Kabylie.
Lanalyse des rsultats de notre enqute fait ressortir trois
procds de dnomination des langues en Kabylie : dnomination par des
noms pjoratifs, dnomination par des noms mlioratifs (noms de
prestige), dnomination neutre . Nous comprenons travers ces trois
procds quil sagit de charges smantiques connotatives qui
accompagnent le nom ou le qualifiant dune langue. 3.1. Pjoration,
mlioration et neutralit dans la dnomination des langues
Du latin pejorare, le mot pjoration dsignait l action d'empirer
(le TLF informatis). Le mot vient galement de pejor pire . Il sagit
dun tat de ce qui devient pire . Dans le TLF informatis la
pjoration dsigne le fait de prendre, de prsenter une dnotation ou
une connotation dfavorable , ou une action de rendre pire, de
dprcier (le TLF informatis). Le Grand Robert (2009) dsigne par le
mot pjoration le fait d'ajouter une valeur pjorative un mot;
processus par lequel une forme linguistique acquiert une valeur
pjorative, une connotation dfavorable . Le mme dictionnaire ajoute
que ladjectif pjoratif se dit d'un mot, d'une expression, d'une
terminaison, d'une acception qui comporte une ide de mal, dprcie la
chose ou la personne dsigne . Dans son livre Essai de smantique,
Michel Bral (1913 :100) note que la pjoration est une disposition
trs humaine qui nous porte voiler, attnuer, dguiser les ides
fcheuses, blessantes ou repoussantes . Au plan sociologique, la
pjoration est utilise en tant que stratgie sociale pour dplacer les
tensions et les frustrations des membres d'un mme groupe ou encore
de construire une image plus flatteuse de son groupe d'origine
(Sanchez-Salgado, 2008 :63). Ladmiral Jean-Ren et Lipiansky Edmond
Marc (1989 :208) affirment
chefs et marabouts vnrs : Mhemmed ou Sad des Ouled Mhemed de
Djidjilli et Sidi Mahmed ou Mamar (notre anctre) 1 originaire de
Sakiet El-Hamra, au Sud du Maroc. 1 Dans ce travail les termes
dialecte, parler, varit sont synonymes.
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ce propos qu il est important de pouvoir percevoir, par exemple,
les strotypes, les prjugs, les images ngatives comme inhrentes aux
relations intergroupes en gnral, plutt que de les interprter comme
une sorte de perversion individuelle ou sociale... Dans le domaine
sociolinguistique, la pjoration sinscrit dans le cadre des
reprsentations et des attitudes linguistiques quont les locuteurs
sur/envers les langues. Lattitude et la reprsentation sont un cas
de la pjoration. Un locuteur qui dans son imaginaire se reprsente
une langue ou une quelconque autre pratique langagire de faon
ngative ragit dans son discours de faon dnigrer et dprcier cette
langue. Cest dans ce contexte prcis que la pjoration intervient. Le
procd de dnomination par des noms pjoratifs est une attitude
ngative et dfavorable envers les langues. Cette attitude se
manifeste par des comportements linguistiques en dfaveur de la
langue nomme. Le discours ngatif sur les pratiques langagires
dcoule ici des reprsentations ngatives quont les locuteurs.
Fabienne Baider (2004 :89) note ce propos que la pjoration
linguistique est [...] bien une pratique sociale qui cre autant
qu'elle perptue une attitude vis--vis du rfrent . Contrairement la
pjoration, le procd de mlioration renvoie une attitude favorable
par rapport lobjet dsign. Du latin melioris. La mlioration renvoie
au fait d'emporter une connotation favorable (Le Grand Rober,
2009). Dans le TLF informatis, cest ladjectif mlioratif qui est
mentionn. Il sagit selon ce dictionnaire dun terme qui a une
connotation favorable . Nous retenons de ces dfinitions le terme
favorable. La mlioration concerne un procd de dsignation par lequel
le locuteur manifeste une attitude favorable. Dans le procd de
dnomination des langues, cest ladjectif mlioratif qui est employ :
noms mlioratifs de langues. Il sagit dune qualification/ dsignation
connotation valorisante des ralits que les termes mlioratifs
dsignent. Ce procd rvle le jugement de valeur de celui qui
l'emploie. Cest une attitude linguistique positive que le locuteur
manifeste envers une langue. Par ailleurs, la neutralit dans le
procd de dnomination des langues se manifeste quand le nom de
langue utilis par le locuteur na aucune connotation (ni positive,
ni ngative). Le contexte demploi de la dnomination lui seul peut
rendre compte de cette neutralit. travers ce procd le locuteur
naffiche aucune position envers les langues. Dans la pratique, la
dnomination neutre des langues est difficile concevoir. Car chaque
nom de langue vhicule une connotation (pjorative ou ngative). Les
procds de dnomination des langues dpendent de la position de celui
qui nomme. Il y a plusieurs positions travers lesquelles cette
dnomination peut se manifester. Un dnommant intra-muros est un
individu ou groupe qui nomme sa propre langue. Dans cette
situation, ce sont les membres du mme groupe qui nomment leur
propre langue. La dnomination est majoritairement mliorative.
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Un dnommant extra-muros est un individu ou groupe qui nomme la
langue de lautre. Dans ce cas, il peut sagir dun individu ou groupe
en conflit avec la langue - il y a divers enjeux - de lautre quil
nomme (exemple dun groupe appartenant la mme rgion gographique,
mais parlant deux langues diffrentes). Dans ce cas de figure, cest
la dnomination par des noms pjoratifs qui se manifeste. Il peut
concerner aussi un individu ou un groupe tout fait extrieur la
langue quil nomme : aucun conflit, aucun intrt, aucun enjeu
(exemple dun tranger dun pays lointain qui nomme une langue dun
autre pays). Ici, la dnomination peut tre neutre. 3.2. Lenqute
Pour comprendre les procds de dnomination du kabyle, nous avons
men une enqute sociolinguistique auprs de locuteurs Bejaa. Ces
locuteurs sont des tudiants de luniversit de Bejaia. Ils sont
inscrits dans diffrentes filires (sciences humaines et sociales,
technologie, mdecine, sciences exactes, lettres et langues).
Lenqute sest droule au courant de lanne universitaire 2012/2013.
Les tudiants interrogs poursuivent leurs tudes universitaires en
franais. Ils viennent des diffrentes rgions de la wilaya de Bejaia
: rgion du Sahel (Cte Est), rgion de la valle de la Soummam et la
ville de Bejaia (chef lieu de la wilaya). Le choix des tudiants de
luniversit de Bejaia comme population denqute est motiv par
plusieurs paramtres : les tudiants de luniversit de Bejaia sont
majoritairement berbrophones. Ils parlent le kabyle (langue
maternelle), ont suivi leurs tudes (du primaire au lyce) en arabe
et effectuent leurs formation universitaire en franais. Cette rgion
vit continuellement le conflit linguistique qui caractrise lAlgrie
: arabe/berbre. De nombreux vnements militants ont chamboul la
rgion : printemps berbre (manifestations de rue en 1981 pour exiger
la reconnaissance de lidentit berbre), grve du cartable ou boycott
scolaire (une grve des coliers et des tudiants qui a dur une anne
en 1995 pour demander lofficialisation de la langue berbre) et
printemps noir (manifestions de rues qui ont dur plus dune anne en
2001). Il faut souligner aussi que luniversit est un milieu ou le
dbat sur les langues est intense et constitue lune des principales
proccupations des tudiants. Par ailleurs, nous avons emprunt la
mthode denqute par questionnaire. Cette mthode prsente comme
avantage, pour notre travail, de cerner tous les procds utiliss
pour la dnomination du kabyle. Partant du constat que mme en
Kabylie, il existe une ambigut dans la dsignation des diffrentes
langues berbres et que certaines dentre elles sont stigmatises
tandis que dautres sont valorises, nous avons centr notre
questionnaire autour de la dfinition des mots berbre et tamazight,
puis sur les noms attribus aux diffrents dialectes du kabyle.
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Le questionnaire contient 17 questions que nous avons classes en
deux parties. Le premier groupe (de 1 6) est constitu de questions
relatives la dfinition des mots berbre et tamazight. Dans le mme
sillage, une question a t consacre aux rapports que font les
locuteurs entre les dnominations berbre/amazigh/kabyle. La deuxime
partie du questionnaire (de 7 17) est consacre aux noms attribus
aux dialectes du kabyle et aux reprsentations que se font les
locuteurs de ces dialectes. Trois cents exemplaires du
questionnaire ont t soumis aux tudiants dans les cits et campus de
Bejaa. Nous avons procd nous-mmes la distribution du questionnaire.
Les enquts ont reu linstruction de rpondre librement aux questions.
Aprs dpouillement, nous avons cherch savoir quels noms
attribue-t-on aux langues berbres dune manire gnrale puis aux
dialectes kabyles.
3.1. Berbre / tamazight : nomination valeur symbolique
Un premier dpouillement nous a permis d'abord de cerner comment
sont dfinis les mots berbre et tamazight et que dsignent-ils chez
nos locuteurs. Le tableau suivant en donne un aperu de ces
dsignations.
Tableau 1 : dsignations des mots berbre et tamazight
Q 1
Q
ue
ds
ign
e-t-
on p
ar le
mot
be
rbr
e ?
Rponses des locuteurs
Rponses des locuteurs
Langue maternelle (50%)
Q 3
Q
ue
ds
ign
e-t-
on p
ar le
m
ot a
maz
igh
?
Langue nationale (40%)
,otre identit (26%) Langue pure et authentique (25%)
,otre nationalit (22%)
,otre culture (15%) Langue du peuple libre (06%)
Langue nationale et officielle (10%)
Tribu (03%) Langue officielle (03%)
Q 2
Q
ue
sign
ifie
pop
ov o
vo le
mot
be
rbr
e ?
Tamazight (66%)
Q 4
Q
ue
sign
ifie
pou
r vo
us
le m
ot
amaz
igh
?
Langue maternelle (53%)
Dialecte (17%) Langue des hommes libres (19%) Une langue qui
ressemble tamazight (09%)
Partie du berbre (13%)
Une langue (08%)
Langue (20%) Langue de Tizi Ouzou (05%)
Langue des anctres (04%) Langue de lAfrique du ,ord (03%)
kabyle enseign (02%)
Langue de Massinissa (01%)
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Commentaire
La lecture du tableau montre quune proportion importante de
locuteurs dsigne par le mot berbre la langue maternelle (50%). La
signification du mot berbre est rpercute par le vocable tamazight
(66%). Dautres significations (avec des proportions relativement
faibles) renvoient la notion de dialecte et de langue. Concernant
la question 4 (Que dsigne-t-on par le mot amazigh ?), une grande
partie des enquts nonce le compos langue nationale . Les rponses
des locuteurs tournent autour du statut de cette langue : langue
nationale, langue officiellePlus de la moiti des enquts (53%)
attribue au mot tamazight la signification de langue maternelle .
Les autres locuteurs interrogs considrent que tamazight signifie la
langue des hommes libres , langue enseigne En nommant le berbre,
les locuteurs produisent un discours sur leur langue. Les rsultats
de notre enqute montrent que les locuteurs oprent une distinction
entre le berbre et tamazight. Le smme de chacun de ces deux termes
subit des changements au niveau de quelques smes. Le mot berbre
fonctionne en tant quethnonyme dsignant les populations de lAfrique
du Nord. Le mme mot renvoie avec des proportions considrables de
rponses lidentit et la culture de la population correspondante. Le
mot tamazight, quant lui, dsigne une langue nationale et officielle
. Dans la pratique, le berbre nest pas une langue officielle. Elle
est langue nationale depuis 2002. Il y a lieu de souligner en outre
que cet emploi du mot tamazight pour dsigner la langue officielle
et nationale pourrait tre expliqu par le fait que les dialectes
parls par les berbrophones apparaissent dans les textes officiels
et les textes militants (associations, partis politiques,
organisations syndicales) sous ce nom. Les locuteurs ont avec le
temps intrioris cette appellation en lemployant pour dsigner leur
langue. Ils construisent dans leur imaginaire une langue
standardise et norme, dans laquelle ils se reconnaissent en y
forgeant leur identit. Abderrazak Dourari explique que cette
dnomination [de] langue tamazight , o le singulier frappe l'esprit
de celui qui est un tant soit peu au fait de la pluralit des varits
berbres ne peut tre interprte que comme un vouloir-tre, lui-mme
fond sur un avoir t mythique, rig en devoir-tre (Dourari, 1997 :
52). Le vouloir tre une gomme le multiple (Dourari, idem). Le schma
suivant montre les procds demploi des noms berbre et tamazight dans
les rponses de nos enquts :
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Figure 1 : emplois des mots berbre et tamazight
Ce schma (figure 1) dmontre que des modifications de sens sont
opres dans les mots berbre et tamazight. Des smes additionnels sont
prsents dans lun et lautre. Les locuteurs promeuvent au rang de
langue officielle la langue dont le nom est tamazight. Le terme
berbre, qui est dorigine franaise, recouvre une connotation
pjorative (Chriguen, 1987 :17). Dans une analyse de lethnonyme
Amazigh, Foudil Cheriguen dmontre que ce terme disparaissait puis
rapparaissait selon les vicissitudes de lhistoire (Chriguen, 1987 :
18), ce qui traduit selon lui la rsistance berbre lassimilation
complte sur le plan socio-politique et culturel (Chriguen, idem).
Le mot amazigh, relve-t-il, tait presque banni des usages officiels
et tait devenu tabou (Chriguen, idem). De ce point de vue, le
recours au terme amazigh traduit la volont des locuteurs de se
rapproprier leur identit. Dautant plus que le mot amazigh est
porteur de smes avantageux (noble, homme libre). Il sagit aussi de
marquer une opposition au discours officiel qui emploie lethnonyme
barbar (El barbar, en arabe moderne), avec les connotations
pjoratives que ce terme sous-entend pour dsigner les populations
berbrophones et leur culture. En outre, l'ethnonyme Amazigh,
contrairement son quivalent, berbre, qui tait le mieux tolr par les
reprsentants de l'tat, est prfr relativement aux termes spcifiques
rgionaux comme kabyle, touareg, chaoui. Or, lemploi de ces termes
relverait dans ce cas dune volont de morcellement ethnonymique
(Chriguen, 1987 : 19). Une fragmentation que seules les
appellations Amazigh et Berbre taient parvenues dpasser et fdrer.
Cela permet, comme le remarque, Francis Manzano de comprendre que
lamphibologie des mots en question nest sans doute pas le meilleur
tremplin pour lunification typologique et anthropologique du monde
berbre (Manzano, 2006 :189).
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En somme, amazigh/tamazight renvoie, comme le souligne Salem
Chaker assez nettement une identification linguistique, connote de
manire trs valorisante et impliquant la conscience d'une communaut
dpassant le cadre rgional-dialectal (Chaker, 1987: 562). Ces
remarques permettent en fait davancer que le remplacement du mot
berbre par tamazight est en cours de ralisation. premire vue donc,
quelques faits semblent attester que le remplacement est peut-tre
en cours, voire mme bien avanc , affirme Francis Manzano (2006 :
178) dans une tude sur la dnomination berbre. Par ailleurs, les
significations donnes par les locuteurs aux mots berbre et
tamazight sont imprcises : C'est un dialecte , cest du kabyle ,
tamazight , partie du berbre , langue maternelle , langue des
anctres , langue de Massinissa , une langue qui ressemble tamazight
En effet, la nomination du berbre a ceci de particulier : labsence
dune norme de rfrence clairement dfinie et clairement dlimite. Les
deux dnominations berbre et tamazight sont des appellations qui
restent ambigus pour les locuteurs. Or, si lune ou lautre renvoie
la langue, lobjet dsign demeure flou et abstrait et non saisissable
dans la ralit. S'agit-il du kabyle, du chaoui, du mozabite ? Mme si
on supposait que tamazight ou berbre renvoie lensemble des langues
parles par les populations berbres, il nen demeure pas moins que
cet ensemble est toujours inexistant sous forme dune langue
unifie/unique. En revanche, en tant qu'ethnonymes les mots amazigh
et berbre ne souffrent d'aucune ambigut puisqu'ils renvoient aux
populations parlant le kabyle, le mozabite, le chaoui, etc. Quelle
attitude les locuteurs adoptent-ils envers les deux dnominations ?
Foudil Cheriguen explique que les usages des noms de langues sont
rvlateurs des diffrentes attitudes quadopte le locuteur pour
affirmer, reconnatre, accepter, infirmer, nier, taire selon le cas,
des positionnements sociaux, politiques et idologiques divers ()
(Cheriguen, 2007 :138). Un nom de langue, relve-t-il, peut tre
englobant, particularisant, expressif dune langue, minorant,
ambiguisant et innommable (Cheriguen, 2007 : 139). Quand on oppose
berbre amazigh, une crasante majorit adopte une attitude ngative
lgard du mot berbre, considr comme pjoratif, et une attitude
positive envers le mot amazigh. La dnomination berbre est rejete
quand le contexte de son emploi lui associe le sme barbare . Le mme
nom est adopt quand il est employ comme quivalent tamazight et
dsignant une langue ou un peuple unifi. Le nom amazigh, quant lui,
est employ comme ethnonyme ou comme nom de langue (tamazight). Le
sme qui lui est associ est mlioratif : homme libre , noble . Le
tableau suivant montre quelques-unes des rponses obtenues :
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Dnomination Rponses des locuteurs
Berbre
Berbre: c'est le nom qui a t donn par les Arabes au moyen ge aux
Imazighen, qui veut dire brabra (charabia) car les Arabes avaient
eu beaucoup de difficult les comprendre El Barbar et el barbarya
sont des mots employs par le pouvoir algrien pour insulter le
peuple et la langue amazigh. Le mot berbre est pour moi un terme
pjoratif; c'est une faon hypocrite de dire barbare tout en restant
poli ! Je propose de bannir ce mot et de le remplacer par le juste,
le noble mot amazigh
Tamazight
La langue amazigh est une vraie langue part entire. Amazigh au
pluriel imazighen signifie "peuple libre". Je prfre le mot amazigh
car il est dnu de toute connotation pjorative
Tableau 2 : rponses de locuteurs
3.3. Berbre/tamazight/ kabyle : auto-dnomination mliorative
L'enqute mene auprs d'tudiants l'Universit de Bjaia montre que les
locuteurs ont conscience que le vocable kabyle dsigne une varit
rgionale du berbre. Mais il n'en demeure pas moins que l'emploi de
ce terme reste alatoire dans certains contextes. Pour savoir le
rapport que font les locuteurs entre la dnomination kabyle et les
autres noms attribus leur langue, nous avons pos la question
suivante : quelle distinction faites-vous entre les mots berbre,
tamazight et kabyle ? Deux types de rponses sont obtenus. Le
premier fait du kabyle la langue berbre littraire , enseigne . Car
cest une langue crite , langue de communication entre les Kabyles ,
langue du journal tlvis en kabyle . En nommant ainsi la langue
kabyle les locuteurs dsignent la ralit linguistique: le berbre
nexiste pas comme langue. C'est--dire que le kabyle, c'est le
berbre, c'est tamazight, comme le sont le chaoui, le mozabite, le
targui ... Le mot kabyle fonctionne ici comme quivalent berbre et
tamazight. Le deuxime type de rponse fait du kabyle un dialecte et
un parler berbre. Ces rponses renvoient lexistence de langues
berbres. Dans ce cas, le nom kabyle dsigne une langue berbre. Voici
quelques rponses obtenues :
- Kabyle vient du mot qabilate qui signifie en langue arabe
tribu, clan,
dynastie
- Si tamazight est une langue part entire et que le kabyle et le
chaoui en
drivent c'est qu'ils en sont des dialectes
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- Le kabyle est la langue berbre par excellence: en plus d'tre
la langue de
80% des berbrophones, c'est la seule langue littraire, alors que
les
autres sont exclusivement orales ou presque (mme sil existe
aussi des
diffrences entre le kabyle standard et le kabyle "parl")
- Il existe une "synonymie" entre tamazight et kabyle dans le
contexte
algrien
- Le kabyle est une langue orale
- Le kabyle est un dialecte du berbre
- Le kabyle est un dialecte (ou langue) qui fait partie de la
grande famille
Berbre.
4. Dnomination des dialectes kabyles (deuxime partie du
questionnaire : de 7 17)
La deuxime partie du questionnaire concerne les dnominations et
les reprsentations que les locuteurs ont des varits du kabyle
puisque lintrieur du kabyle existent des dialectes. Les locuteurs
tiennent un discours sur ces parlers. On ne parle pas de la mme
faon Tizi Ouzou-ville, Bjaia-ville, la valle de la Soummam ou dans
la Kabylie maritime (Est de Bjaia). Comment nomme-t-on ces
diffrents parlers en Kabylie ? 4.1. omination, hirarchisation et
stigmatisation des dialectes du kabyle
Les dnominations suivantes montrent les quelques noms des
dialectes kabyles recueillis dans le questionnaire :
Dnomination du kabyle :
Dnominations francises (07)
- Langue amazigh (54%)
- Le berbre ( 24%)
- Langue (12 %)
- Dialecte ( 04%)
- Dialecte du berbre ( 02%)
- Dialecte rgional (02 %)
- Notre langue (01 %)
Dnomination du kabyle de Tizi Ouzou :
Dnominations francises (03)
- Langue des Kabyles ( 25 %)
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- Vrai kabyle (06 %)
- Kabyle (02 %)
Dnominations berbrises (04)
- kabyle de la Grande Kabylie (30 %)
- Tagawawt (18 %)
- amamrit ( du nom de Mouloud Mammeri) (11 %)
- Tamazight ( 08 %)
Dnomination du kabyle de la ville de Tizi Ouzou : Dnominations
francises (06)
- Mlange arabe kabyle ( 04%)
- 15,5 ( 04%)
- kabyle arabis (04 %)
- Le dracin ( 03%)
- Arriviste ( 02%)
- kabyle cass ( 01%)
Dnominations berbrises (01)
- Zdimouh (78 %)
Dnominations arabises (01)
- Zdimouhya ( 03%)
Dnomination du kabyle de la valle de la Soummam : Dnominations
francises (04)
- kabyle ( 20 %)
- kabyle pur ( 09 %)
- berbre (03 %)
- kabyle de la petite Kabylie ( 01 %)
Dnominations berbrises (04)
- tabdjawit (59 %)
- tamazight ( 06%)
- Tabasit ( 01%) - Tamurt ( 01%) Dnominations du kabyle de la
ville de Bjaia : Dnominations francises (04)
- Mlange arabe kabyle (07 %)
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- Bougiote ( 03 %)
- Berbre cass ( 02 %)
- Parler fminis ( 01 %)
Dnominations arabises (08) - Bdjawiya ( 26%)
- El bdjawia ( 23%)
- Bdjawi (18 %)
- Qat-li (07 %)
- Qat-li uqalt-lek ( 06%)
- Lakhtsi (05 %)
- khalota(mlange) ( 01%)
- Bb Nta les balnes ( 01 %)
Dnominations du kabyle de la cte-Est de Bjaia :
Dnominations francises (03)
- Dialecte ( 10 %)
- kabyle (07 %)
- Amazigh (04 %)
Dnominations berbrises (01) -Tasalit (79 %) Commentaire
travers lanalyse des rponses de nos locuteurs, il apparat que
les noms des dialectes sont rvlateurs des attitudes des locuteurs
envers leur pratique des langues. La dnomination est le procd par
lequel les locuteurs affirment, imposent et institutionnalisent
leur langue (Canut, 2000 : 6). Paradoxalement, cest aussi le moyen
par lequel ils rejettent une langue. ce propos, S. Branca-Rosoff
considre que la gense des noms (de langues) accompagne [donc] les
batailles pour la naissance ou la dfense des langues. Ils sont au
service des rves et des passions de leurs promoteurs (Branca-Rosoff
, 1996 :97). Lanalyse statistique des rponses de nos locuteurs
montre que pour le kabyle, seuls des appellations francises sont
nonces pour la dsignation de ce parler (07). 54 % des rponses
concernant la question de la dnomination du kabyle renvoient langue
amazighe . Le dsignant berbre enregistre 24 % de locuteurs qui
lutilisent pour dnommer le kabyle. Le dnommant dialecte , considr
comme rducteur et pjoratif na t voqu que par des taux trs
faibles.
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Studii de gramatic contrastiv
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Lanalyse des rponses aux questions relatives aux dialectes issus
du kabyle font ressortir deux tendances. Les dialectes parls dans
les communes hors de la ville enregistrent des dnominations neutres
ou de prestige (kabyle de la valle de la Soummam, kabyle de Tizi
Ouzou et Tassahlit). Les dialectes issus du kabyle parl dans les
villes de Bejaia et de Tizi Ouzou sont porteurs de noms pjoratifs.
Quest-ce qui sous-tend cette diffrence dans la dnomination des
dialectes du kabyle ? 3.3.2.2. Tagawawt, tabdjawit, Tasahlit : des
noms kabyles.
Les dnominations releves plus haut montrent que les locuteurs
nomment les dialectes issus du kabyle par les noms suivants :
tagawawt, taqbaylit, tasahlit. Les dialectes qui sont dsigns
directement par le vocable kabyle bnficient dun certain prestige.
Ce sont gnralement des dialectes parls dans la valle de la Soummam
et dans le Djurdjura (Tizi Ouzou). Le kabyle est associ aux
appellations suivantes : kabyle, kabyle pur, tamazight, berbre,
kabyle de Mouloud Mammeri (Tamamrit), kabyle de la Petite Kabylie,
kabyle de la Grande Kabylie. Les rponses de nos enquts montrent
galement que les dialectes considrs comme du kabyle ne sont pas
dsigns par des appellations arabises, tandis que les dialectes
stigmatiss et considrs comme impurs ont des dnominations arabises.
3.3.2.3. Dnomination pjorative des dialectes kabyles de la
ville
Les parlers kabyles de la ville ont des noms pjoratifs
puisqu'ils sont considrs comme issus de linterfrence arabe/ kabyle.
Le nom fonctionne ici comme procd de pjoration identitaire qui
prend appui sur certaines attitudes ngatives l'gard de larabe. Sont
nommes pjorativement les langues issues dune hybridation
arabe/kabyle. Larabe est considr comme un danger pour le kabyle
puisquil lui dispute sa place dans le march linguistique algrien.
Cette attitude dcoule de la politique darabisation mene tous
azimuts par ltat algrien depuis lindpendance. Les locuteurs voient
dans l'arabisation une menace pour la survie de leur langue (et de
leur identit propre). Ce faisceau de noms pjoratifs nest en fait
quune forme de marginalisation ethnonymique des nouveaux arrivs,
appels parfois pjorativement en Kabylie arrivistes (ce sont des
gens qui viennent de rgions arabophones sinstaller dans les villes
de la Kabylie et qui essayent de parler le kabyle). Cette rflexion
permet de comprendre que langle dapproche interne du mode de
dsignation chez les Kabyles est trs dterminant pour la dfinition et
la construction dune identit, do sont exclus les non-Kabyles. Cest
cet angle qui dicte bon nombre de dsignations souvent de nature
pjorative des habitants de Kabylie venus dailleurs. Il faudrait
dans ce cas relier davantage les
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Studii de gramatic contrastiv
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procds de dnomination des langues aux mcanismes politiques et la
question des strotypes. On verrait alors que, lorsqu'un Kabyle
parle des nouveaux venus, la catgorisation est la plupart du temps
immdiate, car elle se trouve fonde sur un strotype trs largement
partag. Ces dnominations dsignent des gens originaires des rgions
arabophones que l'tat a fait installer en Kabylie. 3.3.2.4. Le mot
valise (sobriquet lexical) comme procd de dnomination pjorative des
dialectes kabyles
Les mots-valises sont dfinis comme des crations lexicales issues
du tlescopage de deux bases. Ce sont des mots motivs1. Ces termes
se distinguent tant par leur caractre ludique ou satirique que par
leur aspect typographique. Ils sont parfois chargs dune intention
stylistique pjorative (Cheriguen, 1994 : 141) qui peut rvler dans
le processus de dnomination des langues les attitudes des locuteurs
envers les dialectes du kabyle. Les rponses de nos locuteurs sont
constitues de deux types de transformation que subissent les
dsignants des diffrents dialectes, lune phonique, lautre graphique.
La cration se fonde, ici, sur le phontisme des units lexicales
pr-existantes qui subissent des transformations phoniques et
graphiques. Comme le fait observer F. Cheriguen pour le cas des
anthroponymes, les mots sont altrs dans les usages valeurs
gnralement pjoratives (1994 : 141). Cette transformation
(altration) est obtenue par substitution dun phonme un autre ou par
mtathse (1994 : 135). Par ailleurs, la dsignation des dialectes par
le recours aux mots-valises dans le discours des locuteurs est
sous-tendue par une volont de remodeler (daltrer) les smmes des
noms des dialectes kabyles stigmatiss. Les locuteurs produisent du
sens en jouant sur laspect morphologique des noms des dialectes
kabyles. 3.3.3.4. 1. Zdimouh ou lebdjawya : des noms pjoratifs de
parlers de la Kabylie
Le parler zdimouh est la langue maternelle de nombreux locuteurs
dans la
ville de Tizi Ouzou. Il est nomm par certains sociolinguistes
arabe tizi-ouzien. Le zdimouh est le parler de la haute-ville de
Tizi Ouzou. Le mot est form des procds anthroponymiques
caractristiques au kabyle. Laltration de certaines consonnes donne
lieu un sobriquet lexical.
1 Le signe linguistique tel que dfini par Saussure est
arbitraire, immotiv et conventionnel. S. Colot (dans Guide de
lexicologie crole, IBIS Rouges Editions, 2002, pp.32-34) distingue
en plus de la motivation phonique, trois autres types de
motivations : motivation morphologique, motivation
smantique et motivation ludique.
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Studii de gramatic contrastiv
49
Le mot zdimouh est issu d'une dformation de djeddi Mouh
grand-pre + Mouhand , en rfrence une formation hybride issue de
deux langues : kabyle-arabe. djeddi (emprunt larabe) + Zizi (en
usage dans certaines rgions kabyles. Ce terme signifie grand-pre,
vieux, oncle, etc.) + djaddi (arabe standard : grand-pre), par
dformation on obtient : Zedi. Mouh (apocope : suppression de la
dernire syllabe) Mouhand ou Mohamed. Ici, comme le fait observer
Foudil Cheriguen, le mot altr na pas de signification en langue. Le
sens se rduit dans ce cas sa seule valeur injurieuse et moqueuse
(Cheriguen, 1994 : 135). Soulignons par ailleurs que le parler
zdimouh est utilis par des locuteurs issus des rgions arabophones
qui sont venus sinstaller dans la ville de Tizi Ouzou dans les
annes quatre-vingt. C'est la formation dun parler par recours
lemprunt massif. Les kabylophones vivent cette situation comme une
dformation de leur langue ou comme une autre forme d'arabisation de
leur rgion. Dautres appellations sont galement utilises. Elles
renvoient toutes l impuret dune langue kabyle envahie par des
emprunts larabe. Quinze et demi (15,5) : La classification des
wilayas en Algrie place la wilaya de Tizi Ouzou quinzime. Le demi
(0.5) fait rfrence une autre wilaya arabophone. En ce sens que tout
locuteur parlant un kabyle arabis est considr comme un non tizi
ouzien. Sa langue est nomme quinze et demi. Cette appellation est
galement utilise pour dsigner les habitants de Bordj-Menayel qui
viennent sinstaller Tizi Ouzou et qui ne parlent pas correctement
le kabyle. Kabyle cass : cette expression est utilise pour dsigner
une dformation du kabyle. La mme appellation est utilise dans les
expressions suivantes franais cass, arabe cass . Elle dsigne un
usage erron dune langue. Arriviste : cette dsignation est utilise
pour voquer le fait que les locuteurs qui utilisent ce parler ne
sont pas de la rgion. Elle dsigne des gens qui arrivent dans la
rgion pour sinstaller et qui vhiculent leur culture, leur manire de
shabiller et leur parler. Par ailleurs, le mme procd est utilis
pour dsigner les parlers de la ville de Bjaia : parler fminis,
lakhtsi ( du mot soeur), qat-li (elle ma dit), qat-li ou qat-lek
(elle ma dit et elle te dit : cette expression arabe est utilise
avec un accent kabyle. Laccent arabe rappelle ici la dformation du
kabyle.), berbre cass, xaluta (mlange). Toutes ces dsignations
renvoient la dformation du kabyle par l'emploi d'un nombre accru
demprunts larabe. Parler fminis : une forme de langue ou daccent
utilise uniquement par les femmes Lakhtsi : (de larabe dialectal
oukht sur , akh frre ) est dit dune personne qui parle et se
comporte comme une femme.
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Studii de gramatic contrastiv
50
Tout au dbut de sa construction, la ville de Bjaia tait
constitue de ce quon appelle aujourdhui l'ancienne ville . Celle-ci
tait constitue de la Haute ville et de la Plaine, appele Lekhmis,
jeudi (jour du march hebdomadaire). Larabe tait parl dans la Haute
ville et ses quartiers les plus anciens. Il s'agit du quartier Bab
Llouz, Lhouma Karamane, ... Toutes les personnes qui parlaient
larabe de Bjaia taient considres comme trangres, venues dailleurs.
On leur attribue des origines turques ou andalouses. Depuis les
annes 1970, avec l'extension du chef-lieu de la wilaya et l'arrive
de nouveaux cadres, de commerants et dhabitants en qute de travail,
venant majoritairement des villages reculs de Kabylie, la ville de
Bjaia sest scinde en deux : la ville den Haut (dsigne par les
appellations : Ancienne ville ou Haute ville) et la ville den bas (
Nouvelle ville). Les habitants de la ville den haut nomment
pjorativement la langue de ces nouveaux arrivs : cest ainsi que
nous avons obtenu les noms suivants :
Parler Mouhouch ( Imouhouchen en kabyle, mot venant de la forme
tronque du prnom Mouhand : Mouh et du suffixe pjoratif kabyle
(-ch). Littralement un parler Mouhouch signifie un une pratique
langagire sauvage. Tamourt (du bled) renvoie pjorativement aux
parlers pratiqus par des personnes venant des montagnes.
Les habitants des nouveaux, quartiers se considrant comme
kabyles de souche, nomment le parler de la Haute ville par les noms
suivants :
khalouta (mlange) linguistique Dardja algroise Dialecte bdjawi
Le bdjawi Arabe de Bgayet.
Toutes ces appellations font rfrence au mlange de langues. Ces
reprsentations se manifestent clairement dans les rponses de nos
enquts :
- Ce "dialecte bdjawi" est compos 90% d'arabe
- Phnomne de mode
- Le berbre de Bjaia, parler bougiote, langue ayant un fond
arabo-
andalou mais trs affect par des mots essentiellement franais et
kabyle
de la rgion de la Soummam
- Arabe argotique (mlange plutt de larabe)
- Cest un parler base d'arabe avec de nombreux mots franais,
berbres
et avec un degr moindre d'espagnol et autres langues de la
Mditerrane. Il se caractrise par sa prononciation et son
accent,
utilisation notamment des consonnes "ts, q,..."
- Le bougiote est un parler issu de larabe comme langue de
communication
qui est considr comme le parler citadin.
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Studii de gramatic contrastiv
51
Enfin, lanalyse des rponses de nos locuteurs a rvl trois procds
de dnomination des dialectes kabyles :
1. Dnomination par des noms pjoratifs
2. Dnomination par des noms de prestige
3. Dnomination par des noms neutres
La stigmatisation par des noms pjoratifs dsigne les dialectes du
kabyle qui ont eu massivement recours lemprunt larabe. Ces
dnominations concernent les parlers des villes de Tizi Ouzou et de
Bjaia. La dnomination par des noms de prestige est employe pour
dsigner les dialectes parls dans les rgions de la Kabylie o le
recours larabe nest pas trs apparent et ou des actions militantes
pour la reconnaissance de cette langue sont continuellement menes.
La dnomination par des noms neutres est utilise pour distinguer des
dialectes kabyles dont la diffrence linguistique est sensible. Ces
dsignations sont ethnonymiques ou anthroponymiques : Tasahlit : du
mot sahel (ctes) Tamrousit : du nom des Ait Amrous Takharratit: du
nom de la rgion de Kherrata Tamouchit : du nom de la rgion de
Amoucha Rfrences Boulifa, S., 1913, Mthode de langue kabyle : Cours
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Branca-Rosoff, S., 1996, Les imaginaires des langues , in H. Boyer
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Montpellier, Presses Universitaires de Montpellier III. Chaker, S.,
1995, Linguistique berbre : tudes de syntaxe et de diachronie,
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1989, Paris. Chemakh, S., 2006, Lamnagement de tamazight milieu
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Linguistique pour lEnseignement de Tamazight. Cheriguen, F., 1987,
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Studii de gramatic contrastiv
52
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Dourari, A., 2002, Pratiques langagires effectives et pratiques
postules en Kabylie la lumire des vnements du Printemps noir 2001 ,
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05-07/12/06, Publications du Centre National Pdagogique et
Linguistique pour lEnseignement de Tamazight. Rahmani, S., 1933,
,otes ethnographiques et sociologiques sur les Beni Mhamed du Cap
dAokas et les Beni-Amrous, Constantine. Sanchez Salgado, R., 2008,
Les projets transnationaux europens : analyse d'une exprience
europanisante. , Politique europenne 3/2008 (n 26), pp. 53-74.
Annexe
Questionnaire Que dsigne-t-on par le mot berbre
?......................................................................................................
Que signifie pour vous le mot berbre
?...................................................................................................
Que dsigne-t-on par le mot amazigh
?.....................................................................................................
Que signifie pour vous le mot amazigh
?..................................................................................................
Daprs vous, y-a-t-il une diffrence entre les dnominations suivantes
: berbre, amazigh, kabyle ?.... Si oui, dites quelle est cette
diffrence .... Quest-ce que le kabyle
?..........................................................................................................................
Comment appelle-t-on le parler de Tizi Ouzou
?......................................................................................
Est-il du kabyle, du berbre de lamazigh ou autre (indiquez dans ce
cas le nom de la langue) ?............ Comment appelle-t-on le
parler de la Soummam
?...................................................................................
Est-il du kabyle, du berbre de lamazigh ou autre (indiquez dans ce
cas le nom de la langue) ?............
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Et celui de Bjaia ville
?............................................................................................................................
Est-il du kabyle, du berbre de lamazigh ou autre (indiquez dans ce
cas le nom de la langue) ?............ Que signifie le mot zdimouh
pour vous
?..................................................................................................
Est-il du kabyle
?.......................................................................................................................................
Comment appelle-t-on le parler des rgions-Est de Bjaia (Aokas,
Kherrata, etc) ?................................ Est-il du kabyle,
du berbre de lamazigh ou autre (indiquez dans ce cas le nom de la
langue) ?............
Mourad BEKTACHE, matre de confrences au dpartement de
franais
(Universit de Bejaa-Algrie), enseignant de sociolinguistique,
membre du comit de rdaction de la revue Multilinguales
(http://www.univ-bejaia.dz/multilinguales/) et charg de recherche
au laboratoire LAILEMM (Laboratoire de formation en langues
appliques et ingnierie des langues en milieu multilingue).