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RIRL 2010 - Bordeaux September 30th & October 1st, 2010 1 RIRL 2010 The 8th International Conference on Logistics and SCM Research BEM Bordeaux Management School September 29, 30 and October 1st 2010 Apprentissage expérientiel en gestion des chaînes logistiques : Exploitation des simulateurs participatifs tels que le XBeerGame Edith Brotherton Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT), Université Laval, Québec, Canada [email protected] Benoit Montreuil Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT), Université Laval, Québec, Canada [email protected] Rémy Glardon Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT), École Polytechnique Fédérale de Lausanne, Lausanne, Suisse [email protected] Salma Naccache Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT), Université Laval, Québec, Canada [email protected] Résumé La gestion des chaînes logistiques est un domaine stimulant de par la diversité et la complexité des réseaux globaux qui les composent, mais aussi fondamentalement par la nature dynamique des relations et des phénomènes qui s’y retrouvent. Cet article présente un nouveau cadre expérimental générique qui permet de conceptualiser, développer et expérimenter à l’aide d’un simulateur participatif, tel que le XBeerGame, des scénarios pédagogiques de formation expérientielle plus évolués. Un exemple d’utilisation sur une semaine est présenté afin de démontrer le potentiel d’apprentissage progressif des multiples facettes de la gestion des chaînes d’approvisionnement à travers une programmation structurée de simulations ciblées. Mots clés: Pilotage de chaîne logistique, Simulations participatives et immersives, Jeux d’affaires, Apprentissage expérientiel, Effet coup de fouet
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RIRL 2010    The 8th International Conference on Logistics and SCM Research 

BEM Bordeaux Management School  September 29, 30 and October 1st 2010 

   

Apprentissage expérientiel en gestion des chaînes logistiques : Exploitation des simulateurs participatifs tels que le XBeerGame

Edith Brotherton Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le

transport (CIRRELT), Université Laval, Québec, Canada [email protected]

Benoit Montreuil

Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT), Université Laval, Québec, Canada

[email protected]

Rémy Glardon Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT), École Polytechnique Fédérale de Lausanne, Lausanne, Suisse

[email protected]

Salma Naccache Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le

transport (CIRRELT), Université Laval, Québec, Canada [email protected]

Résumé La gestion des chaînes logistiques est un domaine stimulant de par la diversité et la complexité des réseaux globaux qui les composent, mais aussi fondamentalement par la nature dynamique des relations et des phénomènes qui s’y retrouvent. Cet article présente un nouveau cadre expérimental générique qui permet de conceptualiser, développer et expérimenter à l’aide d’un simulateur participatif, tel que le XBeerGame, des scénarios pédagogiques de formation expérientielle plus évolués. Un exemple d’utilisation sur une semaine est présenté afin de démontrer le potentiel d’apprentissage progressif des multiples facettes de la gestion des chaînes d’approvisionnement à travers une programmation structurée de simulations ciblées. Mots clés: Pilotage de chaîne logistique, Simulations participatives et immersives, Jeux d’affaires, Apprentissage expérientiel, Effet coup de fouet

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INTRODUCTION

La gestion des opérations, de la logistique et des chaînes d’approvisionnement sont des

domaines très importants sur le plan économique. Ils intéressent aussi fortement les

chercheurs et les enseignants en raison de la diversité et de la complexité des phénomènes

dynamiques qui gouvernent les réseaux globaux qui les composent. Le jeu d’affaires le plus

connu permettant d’illustrer ces relations est le Beer Game développé dans les années 1960 au

Massachusetts Institute of Technology (MIT) et basé sur la théorie de la dynamique des

systèmes de Forrester (1958). Le Beer Game est un jeu de table qui permet à des équipes de

quatre joueurs de prendre en charge le pilotage opérationnel d’une chaîne logistique à quatre

centres en série, comme illustré à la Figure 1. L’objectif est de répondre efficacement aux

demandes du marché en réduisant les inventaires ainsi que les ruptures de stocks de manière à

minimiser les coûts globaux encourus par la chaîne logistique.

Figure 1: Chaîne logistique du Beer Game

Dans une démarche pédagogique conventionnelle, le Beer Game est utilisé sur une période

d’au plus quelques heures afin de démontrer les effets systémiques dans les chaînes

logistiques, dont l’effet coup de fouet ou bullwhip effect observé par Forrester (1961). Au

cours des dernières années, notre équipe de recherche a conçu et développé le XBeerGame

(Montreuil et al, 2009), un simulateur de pilotage de chaînes logistiques inspiré du Beer

Game, mais offrant des fonctionnalités et un potentiel expérimental largement supérieurs. Il

permet en particulier aux participants d’expérimenter de nombreux aspects liés au

comportement dynamique de ces chaînes, allant bien au-delà de l’effet coup de fouet.

La recherche rapportée dans cet article investigue le potentiel d’exploitation d’un simulateur

tel que le XBeerGame pour favoriser un intensif apprentissage expérientiel de multiples

facettes de la gestion des chaînes logistiques à travers un programme structuré de simulations

ciblées. Après une brève revue de littérature, l’article décrit l’espace d’apprentissage du

XBeerGame et catégorise les paramètres permettant de configurer des expériences. Ceci

permet de décrire le cadre expérimental générique qui sert à élaborer et à réaliser une

programmation d’apprentissage expérientiel. L’article décrit ensuite les résultats et les

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apprentissages tirés d’une expérience réalisée auprès des étudiants de l’Executive Master in

Global Supply Chain Management (EMGSC) de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne

(EPFL). Finalement des conclusions et des perspectives de recherche sont élaborées.

REVUE DE LA LITTERATURE

Malgré la simplicité du Beer Game, il s’agit de l’un des jeux de simulation d’affaire les plus

utilisés pour l’apprentissage et la compréhension des effets en cascade dans les chaînes

logistiques (Sterman, 1992; Lee et al. 1997a; Lee et al. 2004). Longtemps joué sur table, le

Beer Game est maintenant disponible en versions informatisées sur quelques sites web pour

des utilisations limitées, tel que celle développée par Jacobs (2000). À ce jour, plusieurs

groupes de recherche et organisations d’enseignement ont créé un ensemble de versions

informatisées, dont: Massachusetts Institute of Technology (http://beergame.mit.edu/),

Indiana University (http://jacobs.indiana.edu/beer/index.htm) et Swiss Federal Institute of

Technology (http://www.beergame.lim.ethz.ch/).

Plusieurs auteurs ont souligné les avantages de l’utilisation de jeux éducatifs, dont Gee (2003)

qui mentionne que les jeux offrent aux joueurs un environnement immersif les invitant à

penser de manière approfondie et les incitant à résoudre des problèmes d’un niveau élevé de

complexité. Selon Shaffer (2005), ces jeux permettent de développer une compréhension

contextuelle, pour explorer de nouvelles identités, créer des communautés de pratique et

appuyer l’apprentissage par l’action. Les jeux consolident aussi le transfert de connaissances

vers d’autres contextes (Oblinger, 2004). Dans le cas des chaînes logistiques, les simulations

ont pour but principal d’aider les étudiants dans leur apprentissage de l’impact global de

configurations alternatives des chaînes logistiques, de stratégies de gestion des chaînes,

d’approches collaboratives ou d’algorithmes de décision et d’heuristiques (Chen et al. 2000).

Il existe aussi des jeux logistiques qui permettent aux joueurs d’interagir avec des agents

logiciels qui implémentent des règles de décision simples (Nienhaus et al. 2006).

L’intégration d’agents logiciels qui simulent le comportement humain est abordée par

plusieurs auteurs dont Hall (2009) qui présente une vue prospective sur les courants

émergents dans la conception des jeux de simulation d’entreprise. Selon l’auteur, le

développement de jeux sérieux de simulation (Serious Game Movement) bénéficie de

l’utilisation de graphismes en trois dimensions, ainsi que d’agents qui interagissent avec le

joueur, afin de l’impliquer davantage dans le jeu et susciter son interaction. Smith (2010)

décrit l’évolution de la conception des jeux de simulation pour les militaires qui est similaire à

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l’évolution du jeu de la bière. L’auteur met l’accent sur les versions informatisées de cette

classe de jeux et insiste sur la nécessité d’investir plus d’efforts tant au niveau de la création

des données avant le jeu que lors de la collection et l’analyse des données après celui-ci.

Bien que l’utilisation des jeux de simulation dans les milieux pédagogiques semble

prometteuse, il existe plusieurs éléments qui doivent être pris en considération lors de leur

développement. Rieber (2005) a souligné qu’il arrive que les apprenants se concentrent

uniquement sur l’amélioration de leurs propres scores, sans s’engager dans une réelle

réflexion d’apprentissage. Il a aussi constaté que les apprenants doivent être guidés pendant le

jeu. Manske et Conati (2005) ont observé qu’il est difficile d’introduire des éléments

permettant aux étudiants de réfléchir par rapport au domaine de connaissances sans interférer

avec leur engagement dans le jeu. Par contre, Gentry et McGinnis (2008) s’inspirent de la

théorie de l’auto-détermination de Ryan et Deci (2000) pour proposer une idée innovatrice qui

consiste à impliquer les étudiants dans le processus de conception des scénarios de jeu afin de

stimuler d’avantage leur implication lors de leur participation au jeu. Mais selon Gentry et

McGinnis (2009), l’un des inconvénients de cette approche est que l’instructeur risque de

perdre le contrôle sur le contenu et les processus de la simulation.

Dobson et al. (2004) rapportent que les jeux de simulation d’entreprises sont des outils

efficaces d’apprentissage, cependant ils en énoncent quelques limites dont le manque de

rétroactions explicites directes par rapport aux étapes stratégiques du jeu. Aussi ils critiquent

la durée des jeux qui ne permet pas aux joueurs de se familiariser avec le jeu dans une

cadence convenable, et d’un autre côté, peut rendre difficile l’atteinte des objectifs de

l’entraînement. De plus, les jeux actuels affichent l’information sous des formes simplistes,

des tableurs par exemple, ce qui rend inintelligibles les informations fournies pendant le jeu.

Une autre limite rapportée par Dobson et al. (2004) est le manque de support technologique

lors du débriefing après le jeu. Il a été démontré qu’il existe plusieurs avenues de recherche

dans la conception des jeux de simulation d’affaire en général, et dans la conception des

versions informatisées du jeu de la bière. La conception de ces jeux se définit par plusieurs

aspects, dont la conception de l’environnement du jeu en lui-même, l’expérience de jeu ainsi

que la relation qu’entretient l’apprenant avec l’environnement du jeu.

XBEERGAME – ESPACE D’APPRENTISSAGE

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Le XBeerGame est simulateur immersif qui nous permet de reproduire le jeu classique d’une

chaîne logistique à 4 acteurs (Beer Game), mais également de concevoir des expériences

d’apprentissage plus complexes de pilotage des flux. Parmi les fonctionnalités que nous avons

développées afin de rendre les expériences plus pertinentes et réalistes, notons l’ajout d’un

ensemble d’outils d’analyse et de pilotage permettant à la fois de prendre en compte la

performance individuelle du joueur (ex: graphiques détaillés, revenus, coûts, profits et

niveaux de service), celle de ces partenaires d’affaires directs (ex: inventaire net, inventaire en

main et commandes en transit) ainsi que celle de toute la chaîne (ex: performance financière

et niveau de satisfaction). Une description de l’architecture de la plateforme

BusinessWebGame, sur laquelle le XBeerGame est bâti, des différents cockpits de gestion et

des paramètres de configuration est présentée dans Montreuil et al. (2009).

Au cours d’une simulation, chaque participant prend en charge le pilotage opérationnel de

l’un des centres d’une chaîne logistique. Son objectif est de répondre efficacement aux

demandes de son client en minimisant les inventaires et les ruptures de stocks. Il doit piloter

au mieux possible les flux de matières, les flux d’informations et les flux monétaires, entre le

centre et son fournisseur, ainsi qu’entre le centre et son client. La Figure 2 illustre ces flux.

Figure 2: Flux d’un centre avec son fournisseur et son client

Par le biais de parcours de formation ciblés, les participants sont amenés à comprendre les

enjeux de la gestion des chaînes logistiques et du pilotage des flux. Les parcours de formation

proposés dans cet article sont définis par un ensemble de paramètres génériques, dont les

objectifs de performance, le scénario de jeu, les outils de pilotage, la stratégie et la

collaboration entre les participants qui permettent de faire vivre un cheminement d’une

complexité croissante dans l’espace d’apprentissage selon les objectifs pédagogiques

identifiés. Les sections qui suivent présentent l’ensemble des options de configuration

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proposées par rapport à chacun des paramètres qui sont classifiés, sur une échelle croissante

de la variante la plus simple à la plus évoluée.

Objectifs de performance

Au cours d’une simulation, les participants peuvent monitorer leur performance à l’aide du

tableau synthèse des performances présenté dans leur cockpit. Selon l’objectif de la joute, ils

doivent minimiser leurs coûts (transport, inventaire, approvisionnement, arrérage, etc.) et

maximiser leurs revenus (ventes, annulations, arrérages) pour générer le maximum de profits,

de façon individuelle ou par équipe pour l’entière chaîne. La Figure 3 présente les différentes

options possibles en termes d’objectifs et de degrés d’information sur la chaîne logistique.

Chaîne logistique • SC0 : Aucune SC (mode solo) • SC1 : Chaîne non-identifiée • SC2 : Chaîne avec rôles connus • SC3 : Chaîne identifiée

Objectif • O0 : Objectif individuel • O1 : Objectif de centre (rôle) • O2 : Objectif de chaîne (équipe)

Figure 3: Paramètres de configuration pour les objectifs de performance

Le niveau le plus simple est celui où il n’y a pas explicitement de chaîne logistique et chaque

participant est directement lié avec son marché. Ce mode à un joueur (solo) simule la situation

idéale d’une chaîne où le fournisseur a un inventaire illimité et qu’il est toujours fiable à

100% dans les délais promis de livraison des commandes. L’objectif visé ici est individuel et

chaque joueur doit maximiser sa performance. Dans le cas d’une chaîne logistique non-

identifiée où chaque rôle de la chaîne est pris en charge par un joueur individualiste, les

participants ont un objectif de performance soit individuel, soit de centre. L’objectif de centre

vise à trouver le meilleure gestionnaire de chaque rôle, à savoir la meilleure usine, le meilleur

distributeur, etc. parmi tous les participants des différentes chaînes. Une chaîne logistique

non-identifiée reproduit la notion d’un fournisseur qui n’est pas toujours fiable. Selon les

réactions individuelles, et ne sachant pas qu’ils sont dans des chaînes logistiques, il y aura des

effets en cascade de la propagation de la demande plus ou moins importante. Dans le cas

d’une chaîne logistique où les participants connaissent les rôles de leurs partenaires d’affaires,

il est possible de définir différents objectifs, dont la gestion de chaque centre comme une

entreprise individuelle autonome. Ceci correspond au niveau habituellement joué dans le Beer

Game où les différentes entreprises travaillent en silo afin d’atteindre des objectifs

individuels. Les niveaux suivants misent sur la visibilité de la chaîne complète et des objectifs

d’équipe. L’effet de propagation des demandes sera généralement moins important que dans

les scénarios précédents en particulier si les participants ont déjà vécus l’un des scénarios

simplifiés. Afin de focaliser sur la performance de l’équipe, qui vise à être meilleure que les

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autres équipes, les participants peuvent avoir accès aux performances détaillées de tous les

acteurs de leur chaîne comme montré à la Figure 4.

Figure 4: Performance individuelle et performance de la chaîne logistique

Scénario de jeu

Le scénario de jeu utilisé dans les simulations du Beer Game traditionnel considère un seul

produit avec un patron de demande simple et déterministe, correspondant à une demande

stable suivie d’un saut de palier en milieu de joute, puis d’une autre période stable. Dans le

cas du XBeerGame, il est possible de configurer des patrons plus complexes, et ce pour

plusieurs produits. Les autres options du scénario de jeu sont l’accès à un historique pré-joute,

la configuration des délais dans le réseau, de même que la capacité de production et

d’entreposage, tel que montré à la Figure 5.

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Patron de demande • D0 : Stable • D1 : Stable avec saut de palier • D2 : Saisonnière • D3 : Lancement nouveaux produits

Incertitude demande • I0 : Demande déterministe • I1 : Demande légèrement

incertaine • I2 : Demande à forte incertitude

Historique pré-joute • H0 : Aucun historique • H1 : Historique local • H2 : Historique du marché • H3 : Historique partenaires • H4 : Historique chaîne complète

Réseau • R0 : Réseau simplifié, avec délais

identiques entre tous les centres

• R1 : Réseau local, avec délais courts mais variables selon les centres

• R2 : Réseau outremer, l’usine a un long délai de livraison

• R3 : Réseau global, avec plusieurs des centres qui sont dispersés et de longs délais

Capacité de production • U0 : Capacité de production

illimitée • U1 : Capacité de production limitée

par une cadence journalière

Capacité d’entreposage • E0 : Capacité d’entreposage

illimitée • E2 : Capacité d’entreposage limitée

par un nombre d’unités total (entreposage partagé)

• E3 : Capacité d’entreposage limitée par produit (entreposage dédié)

Figure 5: Paramètres de configuration pour le scénario de jeu

Outre les demandes stables et celles avec saut de palier qui sont plus conventionnelles, nous

avons développé des scénarios de demandes saisonnières qui sont plus représentatives du

marché des biens de consommation. Une autre innovation dans l’approche d’apprentissage est

la demande de lancement de nouveaux produits pour laquelle les participants doivent lancer la

production et déployer le stock dans la chaîne logistique avant la date de mise en marché

anticipée. Au début de la simulation, les participants ont accès à des prévisions du marketing

pour chacun des produits ainsi que tous les coûts et délais afin de déployer la stratégie qu’ils

estiment la plus profitable. Pour tous les patrons de demande il est possible d’associer une

incertitude plus ou moins grande, et de donner accès à un historique pré-joute. L’historique

pré-joute peut être local et donner des informations sur le centre seulement, il peut cibler tous

les partenaires d’affaires (voisins dans la chaîne) ou être plus collaboratif et donner accès à

l’historique complet de tous les acteurs de la chaîne logistique. Des exemples de demandes

avec variabilité, incertitude et historique, sont illustrés à la Figure 6.

Figure 6: Exemples de demande a) par palier, sans historique, faible variabilité, faible incertitude

b) saisonnière, avec historique, grande variabilité et incertitude pour un produit

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Pour simuler la mondialisation des marchés et le dispersement géographique des entreprises,

il est possible de configurer les paramètres et les délais du réseau. Dans le Beer Game le

réseau est simplifié et le délai entre chacun des acteurs est fixe. Ce scénario peut être

reproduit avec le XBeerGame, de même qu’un réseau local où tous les acteurs sont à

proximité mais dans lequel les délais varient d’un centre à l’autre. Dans le cas d’un réseau

global où les fournisseurs et les clients sont géographiquement dispersés partout sur la

planète, certains avec des délais de transport longs (par exemple des conteneurs qui transitent

de l’Asie vers l’Amérique), le maître de jeu peut initialiser la simulation avec des commandes

en transit qui arriveront dans les prochains jours.

Finalement, le scénario de jeu permet également de configurer la capacité d’entreposage des

différents centres ainsi que la capacité de production de l’usine. Celle-ci peut être illimitée

dans les scénarios de base ou limitée selon une cadence maximale par jour. Selon les objectifs

d’apprentissage visés, la demande moyenne peut fluctuer au dessus et en dessous de la

capacité journalière de l’usine, ce qui exige une anticipation des participants. Cette situation

est représentative des produits ayant des demandes saisonnières et des évènements spéciaux

(fêtes ou autres congés) dans le contexte des produits de biens de consommation. Lorsque la

capacité d’entreposage est restreinte pour l’un des centres de la chaîne, les options de

configuration d’entreposage incluent l’entreposage partagé et l’entreposage dédié par produit.

Lorsque le centre atteint la capacité qui lui est allouée, le gestionnaire du centre doit rediriger

les produits excédentaires soit vers son client (si des commandes existent), soit vers un centre

de stockage externe (avec des coûts associés), soit se départir des produits (rebus).

Outils de pilotage

Divers outils de pilotage peuvent être mis à disposition des participants selon les objectifs

d’apprentissage et la complexité du scénario de jeu souhaité. Le niveau de base est le cockpit

transactionnel dont les deux seules actions permises sont la passation de commandes au

fournisseur et la livraison de produits au client. Dans ce mode, le joueur est en situation de

réaction et doit prendre manuellement chacune des décisions. Le cockpit opérationnel propose

un ensemble d’outils d’aide à la décision qui permettent au joueur de faire le suivi des

décisions associées à son centre.

Le cockpit de pilotage permet alternativement au joueur de prendre des décisions de

paramétrage de politiques de gestion. Dans ce mode tactique, le joueur est responsable du

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choix des politiques et des seuils de commandes et d’expédition qui vont s’effectuer

automatiquement selon les paramètres définis. En tout temps, il peut outrepasser le mode

automatique et gérer manuellement les transactions comme dans les modes précédents.

Pilotage • P0 : Cockpit transactionnel • P1 : Cockpit opérationnel avec outil

d’aide à la décision • P2 : Cockpit de pilotage avec des

politiques de gestion

Graphiques et inventaires • G0 : Aucun • G1 : Centre (rôle) • G2 : Partenaires • G3 : Chaîne complète

Visibilité de la coloration • V0 : Aucun • V1 : Commandes et livraisons • V2 : Inventaire net centre • V3 : Inventaire net partenaires • V4 : Inventaire net chaîne

Communication • C0 : Aucune • C1 : Clavardage avec partenaires

directs • C2 : Clarvadage chaîne • C3 : Appels avec partenaires directs

(par vidéo conférence de type skype)

• C4 : Appels avec chaîne • C5 : De vive voix en personne

Localisation des participants en salle • L0 : Aléatoire • L1 : Répartie • L2 : Adjacente pour une chaîne • L3 : Salle dédiée par équipe

Stratégie • S0 : Aucune • S1 : Solo sans réajustement • S2 : Solo avec réajustement • S3 : Stratégie d’équipe préalable à

la joute • S4 : Stratégie d’équipe préalable à

la joute, avec réajustement • S5 : Stratégie intégrée et évolutive

d’équipe collaborative

Figure 7: Paramètres de configuration pour les outils de pilotage et de collaboration

Afin d’améliorer le pilotage des flux, différents outils d’aide à la décision peuvent être

intégrés dans les cockpits opérationnel et de pilotage. Un ensemble de graphiques et de

statistiques, tels que l’inventaire net, l’inventaire en main, les jours de couvertures, ainsi que

l’historique des commandes reçues de son client depuis le début de la joute, peuvent être

rendus disponibles ou non. La coloration des indicateurs permet aux participants un repérage

plus rapide des zones qui sont hors contrôle, par exemple la coloration des commandes et des

livraisons permet respectivement d’identifier lorsque notre fournisseur est en retard dans les

produits qui lui ont été commandés et lorsque le joueur lui-même est en retard dans ses

livraisons face à son client. Une coloration blanc signifie qu’il n’y pas de retard actuellement,

une coloration jaune signifie que la commande aurait due être expédiée (retard anticipé), alors

qu’une coloration rouge indique que la date de livraison promise est atteinte (retard effectif).

Stratégie et collaboration

Divers degrés de collaboration et de stratégies sont permis selon les objectifs visés par le

cadre de formation. La collaboration entre les participants est favorisée par les outils de

visualisation des informations des partenaires et de la chaîne, mais elle se concrétise par les

relations entre les gestionnaires des centres. Dans le cas où le degré de communication est

inexistant, les participants sont en mode isolé face à leurs décisions d’approvisionnement et

de livraison, ils sont généralement peu conscients de leur environnement et la collaboration

est très limitée voire inexistante. Lorsque des outils de communication dont le clavardage

avec les partenaires directs dans le simulateur ou la téléconférence (ex: skype) sont autorisés,

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le pilotage sera souvent plus efficace, et ce même si les participants n’ont pas défini de

stratégies à priori. L’espace d’apprentissage définit également la stratégie que les participants

peuvent préparer en lien avec une simulation. Cette stratégie peut être faite seul ou en groupe,

préalablement à la joute (avec historiques ou prévisions marketing) ou en cours de joute. Des

réajustements de stratégie peuvent être autorisés en continu au cours de joute ou à des

moments préétablis du déroulement de la simulation. La collaboration totale s’expérimente

lorsque les participants d’une même équipe ont un temps de préparation stratégique

collective, suivi d’une simulation où ils sont localisés dans une même salle et peuvent

communiquer directement de vive voix afin de mettre en place une stratégie intégrée et

évolutive d’équipe collaborative.

Pour permettre aux participants de mieux gérer leurs flux de produits, réduire leurs arrérages

et leurs surplus d’inventaire dans la chaîne, sous certaines conditions les clients peuvent

annuler des commandes à leur fournisseur si celui-ci est en retard. Cette annulation de

commandes peut être avec ou sans pénalité selon les paramètres choisis par le maître de jeu.

Inversement un fournisseur peut refuser des commandes à son client si celui-ci ne respecte

pas les règles préalablement entendues, en particulier concernant la taille maximale des lots.

Lorsque les refus sont effectués durant le délai spécifié, il n’y a pas de coûts associés.

La configuration de l’ensemble de ces paramètres permet d’orchestrer des scénarios et des

expérimentations favorisant d’une part le développement de compétences individuelles et des

compétences collectives dans la gestion des chaînes logistiques.

CADRE EXPÉRIMENTAL

Lors d’une formation de grande envergure, un scénario pédagogique spécifiant des acquis

d’apprentissage progressifs doit préalablement être établi à l’aide d’un plan systématique. Le

défi consiste ensuite à concevoir des joutes ciblées qui exploitent des simulations de durée

variable, souvent de 30 à 90 minutes, et permettent de garantir l’apprentissage expérientiel

spécifié dans le scénario pédagogique. Chaque joute doit être validée de façon expérimentale,

calibrée et réajustée au besoin avant utilisation effective dans un programme de formation.

Les jeux de simulation en gestion des opérations des chaînes d’approvisionnement permettent

aux étudiants de prendre conscience de l’importance de la collaboration. Cette collaboration a

été classée dans la littérature selon différents axes. Par exemple, Holweg et al. (2005)

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identifient quatre différentes configurations des chaînes d’approvisionnement selon deux

dimensions: la planification collaborative et la collaboration en gestion de l’inventaire. Ovalle

et Marquez (2003) prônent l’utilisation des outils de e-collaboration pour la gestion des

chaînes d’approvisionnement et soulignent que la collaboration passe par le partage de

l’information. Pour mettre en place ces outils, les partenaires doivent passer par deux étapes à

partir de la non-collaboration, aux prévisions collaboratives, puis enfin à la planification

collaborative. Simatupang et Sridharan (2005) proposent un indice pour quantifier le niveau

de collaboration dans une chaîne d’approvisionnement. Ils le mesurent selon trois dimensions

inter-reliées: le partage de l’information, la synchronisation de la décision et l’alignement des

motivations qui est le degré avec lequel les partenaires de la chaîne partagent les coûts,

risques et bénéfices. Meca et Timmer (2008) précisent que la collaboration peut se faire de

manière verticale, entre client et fournisseur. Elle peut aussi bien se faire de manière

horizontale c'est-à-dire entre plusieurs fournisseurs au même niveau de la chaîne.

Conception expérientielle

Le scénario pédagogique proposé doit prévoir une progression de la complexité et des

objectifs d’apprentissage afin de permettre aux participants de comprendre et d’expérimenter

les techniques de base avant de s’engager dans des expériences plus évoluées misant sur la

visibilité, le partage d’information et la collaboration dans la chaîne logistique. Pour décrire

cette démarche de conception, nous expliquerons comment nous avons exploité les

paramètres de l’espace apprentissage afin de concevoir une semaine d’intégration en

logistique dans le cadre l’Executive Master in Global Supply Chain Management (EMGSC)

de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL).

Afin d’explorer l’espace d’apprentissage incluant différents niveaux de complexité, nous

avons élaboré et proposé un ensemble de treize expériences de simulations basé sur quatre

blocs, tel qu’illustré au Tableau 1. Le premier bloc focalise sur l’apprentissage individuel

dans un contexte simplifié d’une chaîne à un seul centre, où les approvisionnements sont

fiables. Un deuxième bloc introduit la dynamique des chaînes logistiques et vise à démontrer

les impacts de la non-disponibilité des stocks chez le(s) fournisseur(s). Dans le troisième bloc,

les participants sont introduits aux spécificités de chacun des rôles dans la chaîne logistique

ainsi qu’aux règles d’affaires qui régissent le système. Dans ce bloc les participants doivent

optimiser leur centre dans la chaîne afin d’être le meilleur pour leur type de centre.

Finalement un quatrième bloc introduit des outils de collaboration intégrée permettant aux

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membres de chaque équipe de travailler ensemble dans un objectif commun d’optimisation

des performances de la chaîne.

Le cheminement proposé dans le premier bloc met l’emphase sur les différents patrons de

demande et d’incertitude, les historiques, la visibilité ainsi que la localisation du réseau de

fournisseurs. Le bloc débute en 1.1 avec une demande stable (D0) et des fournisseurs locaux

(R1). Les fournisseurs outremer (R2) sont introduits en 1.2, alors qu’en 1.3 une demande

saisonnière (D2) est proposée en combinaison avec un fournisseur local et l’autre outremer

(R1 + R2). Bien que la demande est saisonnière dès le scénario 1.3 les participants n’en ont

aucune connaissance à priori (H0), et ce n’est qu’en 1.4 que les historiques de demandes (H1)

deviennent disponibles afin d’aider les participants dans le pilotage de leur centre.

Dans les scénarios du bloc 2, la chaîne passe à 4 acteurs et différents paramètres de demandes

sont exploités. En 2.1, un patron de demande simple avec saut de palier (D1) sans historique

(H0) est utilisé, alors qu’en 2.2 il s’agit d’une demande saisonnière (D2) avec historique local

(H1). Le détaillant est le seul acteur de la chaîne à connaitre l’historique du marché, alors que

les autres ont une information partielle sur les commandes reçues qui peuvent être, ou non,

une amplification de la demande réelle. En 2.3, tous les participants sont identifiés dans la

chaîne (SC2), mais ils n’ont aucun outil de communication (C0) leur permettant de collaborer.

Ils ont en plus de leur historique local (H1), une information générale sur le patron de la

demande au niveau du marché. Finalement en 2.4, les participants doivent gérer la chaîne

pour le lancement de deux nouveaux produits (D3) dans une chaîne identifiée mais non-

collaborative (SC2). Ils sont informés des phases possibles suite au lancement (croissance,

stabilité, maturité et déclin) par l’équipe marketing mais n’ont pas d’historique (H0) leur

permettant d’en estimer l’amplitude. L’annulation et le refus de commandes sont autorisés

entre les clients et les fournisseurs, sujet à des coûts de pénalité.

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Tableau 1: Paramètres des différents blocs

paramètre

code

Bloc 1 Individuel

Bloc 2 Individuel dans

une chaîne

Bloc 3 Rôle dans une chaîne

Bloc 4 Chaîne intégrée

1.1 1.2 1.3 1.4 2.1 2.2 2.3 2.4 3.1 3.2 4.1 4.2 4.3

Objectifs de performance

Objectif O 0 0 0 0 1 1 2 2 3 3 3 3 3

Chaîne logistique SC 0 0 1 1 0 0 1 1 1 1 2 2 2

Scénario de jeu

Patron de demande D 0 0 2 2 1 2 2 3 2 2 2 2 3

Incertitude demande I 0-1 0-2 1-2 1-2 0-2 1 1-2 0-2 0-1 1-2 1-2 1-2 0-1

Historique pré-joute H 0 0 0 1 0 1 1 0 0 0 2 2 0

Réseau R 1 2 1-2 1-2 1-2 1 1 1 1 2 1-2 3 2 Capacité de

production et d’entreposage

U + E 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

Outils de pilotage et de collaboration

Pilotage P 0 0 0 0 0 1 1 1 1 1 1 1 1 Annulation et

refus --- n n n n n n n o o o o o o

Graphiques et inventaire G 0 0 1 1 0 1 1 1 2 2 3 3 3

Visibilité de la coloration V 0 0 1+2 1+2 1+2 1+2 1+2 1+2 1+3 1+3 1+4 1+4 1+4

Communication C - - - - 0 0 0 0 1 1 1 / 3 1 / 3 3 / 5Localisation participants L 0 0 0 0 1 1 1 1 1 1 1 2 3

Stratégie S 0 0 0 1 0 1 1 1 0 2 3 3 4

Dans le bloc trois, toutes les chaînes sont identifiées (SC3), les participants ont une visibilité

(V2) sur les demandes et les inventaires de leurs partenaires d’affaires directs (client et

fournisseur) et ils sont encouragés à collaborer par l’utilisation du clavardage (C1). En 3.1,

une demande saisonnière (D2) sans historique (H0), mais avec une connaissance générale du

patron est proposée, de plus tous les délais dans la chaîne sont courts et connus (R1). En 3.2,

les caractéristiques des demandes sont similaires, mais l’usine a un délai de livraison de 21

jours représentant une localisation outremer (R2). Le temps de réponse de la chaîne est plus

long et le déploiement stratégique des inventaires selon les délais peut faire la différence entre

une équipe performante et une équipe ayant constamment des arrérages.

Finalement le bloc 4 mise sur les stratégies d’équipe (S3 et S4) afin de créer des chaînes

logistiques performantes peu importe la complexité du scénario de jeu (D2-D3, I0-I2, H0-H2,

R1-R3). Pour ce bloc, l’objectif devient la performance de la chaîne (SC4) par rapport aux

autres chaînes, la Figure 9 montre les outils supplémentaires qui sont disponibles. Dans le

scénario 4.1 l’usine est localisée outremer (physiquement au Québec) et les joueurs sur le

même site sont physiquement ensemble (distributeur, grossiste et détaillant en Suisse). Avant

de démarrer cette joute, les membres de sites différents communiquent par Skype et ils ont

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généralement de 20 à 50 minutes pour établir collectivement une stratégie d’équipe. Tous

connaissent l’historique de demande du marché (H2) dont le patron est saisonnier (D2). En

4.2, le réseau devient global (R3) avec l’usine en Asie, le distributeur en Europe, le grossiste

et le détaillant en Amérique. Les joueurs ont jusqu’au lendemain pour établir leur stratégie. Le

match 4.3 propose un scénario de lancement de nouveaux produits (D3) pour lequel

l’historique est remplacé par une prévision large bande du marketing pour les deux produits.

L’usine est localisée en Asie (R2) et les participants ont 50 minutes pour établir une stratégie

d’équipe (S4).

Tel que montré par l’exemple des ateliers du EMGSC, le programme d’apprentissage élaboré

doit prévoir une introduction graduelle des différents outils de pilotage. La Figure 8 montre

l’évolution des différents cockpits de gestion à partir du cockpit transactionnel du premier

bloc jusqu’au cockpit collaboratif du quatrième bloc.

Figure 8: Interface du cockpit de gestion individuel (a) sans identification du réseau - scénario 1.1 et 1.2

(b) avec visibilité du réseau et outils avancés - bloc 4

Validation

Afin de s’assurer que les paramètres choisis et que la progression dans l’espace

d’apprentissage permettent d’atteindre les objectifs fixés de l’expérience d’apprentissage, il

est important de valider chacun des scénarios de façon expérimentale. Ceci permet de calibrer

et de réajuster au besoin un ou plusieurs des paramètres de scénarios. Le mode de validation

le plus simple à mettre en place est celui de la simulation par des agents virtuels. Les agents

virtuels peuvent reproduire des comportements typiques de joueurs ou appliquer les

techniques mondialement reconnues afin de générer des comparatifs de performances. Le

scénario peut également être mis à l’épreuve par une équipe experte de joueurs humains.

Ceux-ci ont l’avantage de pouvoir communiquer directement de façon verbale ou écrite afin

de s’échanger des messages contenant divers types d’informations permettant une meilleure

prise de décision collaborative au sein de l’équipe. La validation idéale consiste à utiliser un

groupe de joueurs humains qui ont les mêmes connaissances et compétences que le groupe

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ciblé lors de l’expérience. Ceci permet d’anticiper les résultats et de s’assurer que les objectifs

visés seront réellement atteints par le groupe. Toutefois cette approche de validation est plus

difficile à mettre en place.

Figure 9: Interfaces et outils des participants – bloc 4

RÉSULTATS ET EXPÉRIENCES ACQUISES

Afin de s’assurer de l’atteinte des objectifs par les participants, un mode d’évaluation hybride

a été mis en place dans le cadre des ateliers EMGSC. D’un part la performance obtenue

(profits ou pertes) est compilée, basé sur l’objectif de la simulation qui peut être soit

individuel, de centre ou de chaîne. D’autre part les participants sont évalués sur leur

comportement et leur participation individuelle ou au sein de leur équipe. Finalement des

rapports de stratégies et d’apprentissage sont produits afin de synthétiser les leçons apprises.

L’utilisation d’un simulateur participatif tel que le XBeerGame, dans le cadre d’un

programme d’apprentissage structuré, basé sur l’introduction progressive des notions en

gestion des chaînes logistiques, permet aux participants d’expérimenter et d’améliorer leurs

techniques de gestion des approvisionnements et des stocks lors des premières joutes, mais

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également de réaliser les impacts des décisions individuelles sur l’ensemble d’une chaîne ou

d’une entreprise lors des simulations suivantes.

Nous avons réussi avec le premier bloc à montrer le compromis entre la satisfaction des

consommateurs et le niveau d’inventaire requis pour répondre à la demande. En vivant les

effets des surplus d’inventaire et ceux des arrérages dans une chaîne toujours fiable, un des

participants nous a confié avoir compris en temps réel ce compromis crucial dans les

entreprises. « Il faut faire des compromis pour atteindre les objectifs et savoir s’adapter en

fonction de l’évolution du marché et des ressources disponibles ».

Figure 10: Profits individuels par joueur - bloc 1

Cet effet de compromis est particulièrement ressenti au cours de la joute 1.1 où les

participants n’avaient aucune information sur le volume de la demande et devaient réagir aux

commandes passées par leur client. Leur défi était d’interpréter correctement les informations

à disposition pour en extraire une stratégie flexible permettant d’optimiser la gestion du centre

de façon à maximiser le niveau de service et minimiser les coûts. Par la suite, lorsque des

informations sur la demande ont été rendues disponibles (ex: historique à la joute 1.4), une

stratégie individuelle a pu être élaborée et les performances se sont améliorées, tel que montré

sur la Figure 10. Les résultats montrent clairement une amélioration dans le premier bloc

entre les joutes 1.1 et 1.4, dont la médiane des profits grimpe de -179 123$ à 412 390$, ce qui

est attribuable principalement par l’accès à des informations supplémentaires de pilotage dont

les graphiques locaux et l’historique de demande.

Le deuxième bloc a introduit les participants dans des chaînes non-collaboratives et a permis

de démontrer les impacts de la non-disponibilité des stocks chez les fournisseurs en amont

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dans cette chaîne. Chaque participant devait maximiser son profit individuel ou de centre,

ainsi certains d’entre eux ont fait du profit au détriment de leurs collègues en misant sur des

commandes impossibles à satisfaire qui ont engendré des revenus d’arrérage élevés. Les

étudiants ont ainsi appris que, peu importe leur stratégie, ils sont toujours dépendants des

comportements des autres acteurs dans la chaîne, de leur interprétation de la demande, des

prévisions et des règles du jeu. Même une stratégie parfaite ne peut pas atteindre les résultats

anticipés si le fournisseur est lourdement en retard ou que le client commande des lots hors-

normes sans avertissement. Les participants ont compris les enjeux de chacun des différents

rôles de la chaîne logistique et l’importance d’adapter leur stratégie de pilotage au centre dont

ils sont responsables, selon les paramètres de revenus et de coûts associés (voir Figure 11). De

plus, au travers l’expérience ils ont réalisé de façon concrète que tous les acteurs peuvent

influencer le succès ou l’échec de la chaîne de par les interrelations de leur comportement.

Figure 11: Coûts et revenus par centre - bloc 2

Dans les chaînes logistiques collaboratives d’entreprises indépendantes du bloc 3, les

participants ont réalisé l’importance de viser des buts communs malgré les objectifs

individuels, et d’avoir une communication efficace. Ils ont pu échanger avec leurs partenaires

d’affaires (client, fournisseur) par l’interface de clavardage intégrée au jeu, mais dans certains

cas l’information ne s’est pas propagée dans la chaîne, ou s’est propagée avec un délai tel que

l’information transmise était désuète. De plus, il a été difficile pour plusieurs joueurs de

définir une stratégie commune au sein de leur équipe, certains joueurs ne faisant preuve

d’aucune souplesse, ce qui a créé des conflits et des tensions au sein de certaines chaînes.

L’objectif du bloc 4 a été d’apprendre aux participants à travailler en collaboration dans un

objectif commun de maximiser la performance de la chaîne. Pour la joute finale (4.3), chaque

2.1 2.2

2.3 2.4

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équipe a été installée dans une salle distincte, ce qui leur a permis de discuter directement

entre eux. Cette proximité des coéquipiers, le partage d’information et le réajustement de

stratégie en cours de simulation s’est effectué de façon plus efficace que dans les blocs

précédents. Ils ont réalisé l’importance de prévoir des plans de contingence en cas

d’évènements hors des zones de prévision et de faire preuve de flexibilité.

SYNTHÈSE ET CONCLUSION

L’exploitation de simulateurs participatifs pour la formation en gestion des chaînes

logistiques offre un potentiel d’innovation pédagogique et d’amélioration d’efficacité

d’enseignement. Nous avons proposé une nouvelle approche d’apprentissage basée sur une

progression structurée des participants dans un espace rigoureusement défini. Le cadre

expérimental présenté permet aux participants de vivre des parcours de formation basés sur

des scénarios pédagogiques préalablement établis, plutôt que de simples expériences

ponctuelles. Nous avons montré comment concevoir, exploiter et valider ce cadre

expérimental en utilisant en exemple la semaine d’intégration de l’Executive Master in Global

Supply Chain Management de l’EPFL. L’ensemble des simulations XBeerGame réalisées au

cours de ce parcours de formation ont été présentées afin de démontrer le potentiel de

l’apprentissage expérientiel et de l’impact des différents paramètres sur le pilotage des flux et

la performance de gestion des chaînes logistiques.

Dans une société de savoir, où l’esprit des gens est l’un des facteurs différenciateur pour les

entreprises, le succès de ces ateliers a permis de réaffirmer une motivation conjointe entre

l’Université Laval et l’EPFL de poursuivre le développement et l’exploitation des simulations

pour la formation des gestionnaires. Au cours des prochaines années, l’espace d’apprentissage

sera enrichi par l’introduction de nouvelles fonctionnalités telles que la variabilité de la

demande du marché en fonction des performances de service de la chaîne logistique. De plus

les scénarios pédagogiques seront renforcés en fonction des expériences acquises et des

évaluations des formations expérientielles réalisées.

REMERCIEMENTS

Les auteurs remercient la Chaire de Recherche du Canada en Ingénierie d’Entreprise, le Fonds

APTIC de l’Université Laval pour le support financier des recherches, ainsi que la Fondation

Canadienne de l’Innovation pour le financement d’infrastructure des laboratoires. Les auteurs

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remercient également Anne-Sylvie Borter, Marc Matthey, Souleiman Naciri de l’EPFL ainsi

qu’Alexandre Morneau de l’Université Laval pour leur implication lors des ateliers EMGSC.

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