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Rsistance au dversement des poutres mtalliques de pont
Raphal Thibaud et Jean-Paul Lebet, Lausanne
1 Introduction
Le dversement est un phnomne complexe dinstabilit qui intervient
lorsquune poutre est sollicite par un effort de flexion. De
nombreuses recherches exprimentales et thoriques, dont les rsultats
servent de bases aux normes actuelles de la construction en acier,
ont t effectue jusqu prsent pour valuer la rsistance des poutres
mtalliques du btiment principalement. Ces poutres se composent de
profils lamins et de certains types de profils composs-souds dont
les lancements des sections sont limits. En ce qui concerne le
domaine des poutres de ponts mtalliques et mixtes, caractris par
des sections composes-soudes lances, peu dtudes exprimentales et
thoriques existent pour valuer leur scurit structurale en
particulier par rapport au dversement. Par consquent, les modles de
rsistance des poutres de pont se rfrent ceux existant pour les
poutres de btiment mais en appliquant un degr de scurit lev.
Les poutres mtalliques de pont sont des structures de lespace
dont le comportement est influenc par de nombreux paramtres tels
que : les entretoises, la gomtrie variable des sections, leffet des
charges, ou encore les aspects lis la fabrication et au matriau. En
effet, le processus de fabrication des poutres composes-soudes
seffectue par oxycoupage puis soudage de tles paisses en acier.
Cela a pour consquence de crer des imperfections gomtriques sur les
lments ainsi que des contraintes rsiduelles dans le matriau dont
leffet sur le comportement de la structure nest pas ngligeable.
Lensemble de ces paramtres montre que ltude de la rsistance au
dversement de ce type de poutre ne peut pas tre effectue laide de
mthode dinvestigation simple.
Cet article prsente les rsultats actuels des tudes menes sur le
sujet du dversement des poutres mtalliques de pont dans le cadre du
projet de recherche AGB 2008/004. La section 2 rsume ltat des
normes Suisse et Europenne en matire de rsistance au dversement en
comparant les diffrentes courbes de rduction. La section 3 prsente
les rsultats exprimentaux relatifs aux
contraintes rsiduelles et aux imperfections gomtriques. Ces
rsultats sont ensuite repris dans la section 4 ddie la mise au
point dun modle numrique pour les analyses par lments finis. Les
rsultats des tudes numriques sont prsents dans la section 5 qui met
en vidence leffet des contraintes rsiduelles et des imperfections
gomtriques sur la rsistance au dversement.
1.1 Le dversement dans les ponts
Les tapes sensibles au dversement dans le domaine des ponts
peuvent se rsumer la figure 1. On distingue gnralement deux cas
possibles pour lapparition du dversement sur un ouvrage: dune part
lors des situations transitoires qui correspondent aux phases de
montages (not en rouge sur la figure 1), et dautre part, lors des
situations durables en phase de service (not en bleu sur la figure
1).
a) phase de montage par lancement
b) ouvrage en service
Figure 1: Cas considrer pour le dversement des poutres de ponts
(images extraites de [1])
Plus spcifiquement, les cas vrifier sont :
au montage la semelle infrieure en cas de lancement
au montage la semelle suprieure en trave en particulier lors du
btonnage
en service la semelle infrieure au droit des appuis
intermdiaires
De faon illustrer la ncessit des vrifications exposes ci-dessus
trois cas de ruines de ponts, extraits de [2], sont prsents la
figure 2.
-
a) pont autoroutier prs de Kaiserslautern, Allemagne, 1954
b) pont sur le canal Mitelland prs de Dedensen, Allemagne,
1982
c) pont de Saint-Ilpize, France, 2004
Figure 2: Illustrations de diffrents cas de dversement de
poutres mtalliques de ponts
La figure 2a prsente le cas dun pont constitu de deux poutres
continues sur cinq traves. Une spcificit de cet ouvrage rside dans
le fait que la porte centrale comporte un tronon articul formant
une poutre cantilever. Pour ce cas, le phnomne de dversement est
apparu lors des tapes de montage et btonnage de la dalle qui a
provoqu une contrainte de compression trop leve dans la semelle
infrieure prs des appuis.
La figure 2b montre un cas de ruine qui sest produit sur un pont
dune porte simple avec une srie de poutres matresses en acier. Lors
de la dmolition de louvrage, le grutage a ncessit de dsolidariser
les poutres transversalement en dconnectant les entretoises qui
avaient la fonction dappui latral. Cela a cr linstabilit par
dversement de la poutre de bord qui a failli tomber dans le
canal.
La figure 2c expose un systme porteur dun pont suspendu avec
deux poutres latrales en treillis. La cause du dversement de la
membrure suprieure de la poutre serait due au passage dun poids
lourd en surcharge.
1.2 Particularits des poutres de ponts
En comparaison aux poutres de btiments, les poutres de ponts ont
des particularits qui forment un ensemble de paramtres (cf. figure
3) capable dinfluencer, avec plus ou moins dimportance, la
rsistance au dversement.
Figure 3: Paramtres influenant la rsistance au dversement des
poutres de ponts
Dans la suite, larticle relate les tudes exprimentales et
numriques menes pour connatre limportance de linfluence des
contraintes rsiduelles, des imperfections gomtriques et dans une
moindre mesure de la gomtrie variable des sections.
Rsistance au
dversement dun
pont
Entretoises
Hyperstaticit
et efforts
Contraintes
rsiduelles
Imperfections
gomtriques
Gomtrie
variable des
sections
Effets
transversaux
et charges
-
2 Situation normative
2.1 Introduction
Comme dun point de vue phnomnologique le dversement peut tre
assimil celui du flambement lastique latral de la partie comprime
[3], les normes utilisent les courbes de flambement comme courbes
de dversement moyennant quelques adaptations sur la classification
des sections. Les courbes de flambement sont de types
semi-empiriques et ont par consquent deux origines. Une origine
exprimentale qui repose sur une vaste campagne dessai portant sur
des profils lamins du commerce de diffrents pays [4], et une
origine thorique base sur des simulations numriques [5]. Le rsultat
de ces deux tudes dbouche sur la proposition de trois courbes de
flambement. La dfinition et la mise en quation des courbes
europennes de flambement se fait vritablement en 1978 avec une
formulation dite de type Ayrton-Perry [6]. Paralllement, il existe
aussi une autre formulation dite de type Merchant-Rankine [7]. Cest
dans les annes 2000 que des nouvelles propositions de mise en
quations de courbes de dversement ont t propose par [8] et [9] en
incluant des profils composs souds avec des gomtries de poutres de
btiments.
2.2 Eurocode 3 - Partie 2 : Ponts mtalliques
LEN1993-2 :2006 propose deux mthodes de vrification pour le
flambage latral ou le dversement des lments par son article 6.3.4.
Une mthode gnrale (art. 6.3.4.1) et une mthode simplifie (art.
6.3.4.2). Ces deux mthodes se diffrencient dans le calcul des
lancements rduits mais se basent sur
les mmes courbes de dversement pour les sections soudes par
lart. 6.3.2.2. Lapproche propose ici est de type Ayrton-Perry [6]
avec un coefficient de rduction que lon applique sur la rsistance
en section. Ce dernier est dfini comme suit :
(1)
o [ ( ) ] avec
une valeur recommande suivante pour la longueur du plateau des
courbes de
dversement . Le facteur dimperfection des courbes de dversement
varie de 0.21 0.76 en fonction du type de section transversale.
Comme les sections pour les ponts sont gnralement de type
composes-soudes, ce sont les courbes c (si llancement de la section
h/b 2) et d (si h/b 2) qui prvalent. Cette dernire est reprsente la
figure 4.
2.3 SIA
Dans sa version actuelle (SIA 263 : 2013) la norme suisse pour
la construction en acier prvoit une formulation similaire
lquation
(1) mais en choisissant les valeurs et un coefficient
dimperfections pour les profils souds, cf. figure 4. Dans son
ancienne version (SIA 263 : 2003), la norme suisse utilisait une
formulation similaire mais
avec un saut au passage de . Dans sa version antrieure (SIA161 :
1990), la formulation de la courbe de dversement tait diffrente
avec une approche de type Merchant-Rankine [7] ayant pour quation
selon art. 3 254 2 :
(
)
(2)
Figure 4: Reprsentation de diffrentes courbes de
dversement sur le diagramme
La courbe correspondante, galement reprsente sur la figure 4,
est celle qui rduit le moins la rsistance comparativement aux
autres. La plus svre des courbes de rduction est celle recommande
par lEN1993-2 courbe d. Lapprciation de lcart entre ces extrema est
montre par la courbe rouge o lon observe un cart grandissant jusqu
un lancement rduit de 0.8, puis lcart diminue avec laugmentation de
llancement. Il est intressant de noter que les carts les plus
grands entre les courbes se situent justement dans le domaine
dlancement des poutres de ponts. Par exemple, la diffrence sur le
coefficient de rduction entre la SIA 161 :1990 et lEN1993-2 peut
atteindre 30% pour un lancement rduit de 0.8. Pour le mme
lancement, lcart entre
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
1.2
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0
SIA 263:2013 - courbe c
SIA 263:2003 - courbe c
SIA 161:1990
EN1993-2 - courbe d
Euler
D = D,max - D,min
Facte
ur
de r
duction,
[-]
Elancement rduit, [-]
SIA 263:2013 SIA 263:2003 SIA 161:1990 EN1993-2: 2006
= 0.4
D = 0.49
Profils souds
= 0.2
D = 0.49
courbe c
si alors
D = 1.0
= 0.2
LT = 0.76
Section en I
soudes h/b > 2
courbe d
Art. 4.5.2 Art. 4.5.2 Art. 3.254 Cas gnral
Art. 6.3.2.2
-
la norme SIA263 :2013 et lEurocode se monte 15%.
3 Etudes exprimentales
3.1 Mesure des contraintes rsiduelles
Lobjectif de ces mesures est de dfinir un modle de contraintes
rsiduelles qui correspond aux poutres mtalliques de ponts.
Plusieurs modles de contraintes rsiduelles existent dj dans la
littrature mais correspondent aux profils lamins ou poutres
composes-soudes avec des plats lamins. Rares sont les modles tenant
comptes de toutes les tapes de fabrication des poutres mtalliques
de ponts qui sont le laminage des plats, loxycoupage des semelles
forte paisseur et le soudage entre lme et les semelles. Dans ce qui
suit, la mthodologie et les rsultats principaux sont prsents ; les
auteurs renvois le lecteur la rfrence [10] pour plus de dtails.
Les mesures se composent de deux tapes. La premire tape est ddie
ltude des contraintes rsiduelles lies leffet de loxycoupage dune
plaque en acier S355N dune paisseur de 60 mm dont la gomtrie est
donne la figure 5.
Figure 5: Vue en plan du squencement de loxycoupage (dimensions
en mm)
Trois dcoupes successives sont effectues une vitesse constante
de 250 mm/min permettant ainsi dobtenir trois semelles. Les
semelles T1 et T2a sont ddies ltude des contraintes rsiduelles
doxycoupage. La deuxime tape, figure 6, se concentre sur ltude du
soudage entre un morceau dme et la semelle T2b pralablement
oxycoupe.
Figure 6: Vue en plan et coupe du soudage me-semelle (dimensions
en mm)
Un soudage de type semi-automatique en trois passes larc sous
flux est utilis avec une vitesse constante de 6.66 mm/s.
Les contraintes rsiduelles sont mesures laide de la mthode de
sectionnement [11] (figure 7).
Figure 7: Principe de la mthode de sectionnement
Cette mthode comporte trois tapes principales. La premire tape
consiste marquer puis mesurer une base dempreinte sur la plaque de
base (figure 7a) afin dobtenir les mesures initiales Li. Dans un
second temps les chantillons, situs au centre de la plaque pour
viter les effets de bords, sont dcoups transversalement par sciage
(figure 7b). La dernire tape se compose du sciage en tranche de
lchantillon, permettant le relchement des contraintes
longitudinales, suivit des mesures finales Lf de la base
dempreintes (figure 7c). Les dformations provoques par le
relchement des contraintes rsiduelles sont ainsi calcules avec
lquation (3) et les contraintes rsiduelles sont dtermines par la
loi de Hooke donne via lquation (4).
(3)
(4)
Les rsultats des mesures de contraintes rsiduelles sont prsents
la figure 8 pour les chantillons oxycoups et la figure 9 pour ceux
oxycoups et souds.
730
615
T2a
25
T2b
Coupe 2
Coupe 3
730
2600
60
2100
60
Coupe 1
vitesse de
dcoupe,
250 mm/min.
Sens de laminage
T1
730
OX
OX
2600
60
730
Vue en Coupe A-A
A
A
Vue en plan
Ame PL20mm, S355J2 2600 x 180 x 20 mm
Semelle PL60mm, S355N 2600 x 730 x 60 mm
20
180
Direction du soudage,
Vitesse 6.66 mm/s
T2b
Sens de laminage
a. Plaque b. Echantillon c. Tranches
Sciage
Sectionnement
Mesures
initiales Li
Mesures
finales Lf
-
Figure 8: Distribution des contraintes rsiduelles moyennes
mesures pour les chantillons oxycoups (2 x 3 prouvttes oxycoupes
avec deux largeurs diffrentes : 615 mm et 730 mm)
La figure 8 montre que loxycoupage introduit localement une
forte contrainte rsiduelle de traction aux bords atteignant environ
250 MPa. Cette composante de traction est suivie par une zone
comprime avec un pic atteignant -50 MPa. Dans la zone centrale les
valeurs de contraintes sont quasi nulles.
Figure 9: Distribution des contraintes rsiduelles moyennes
mesures pour les chantillons souds (1 x 3 prouvettes oxycoupes +
soudes)
A la figure 9 leffet du soudage de lme au centre de la semelle
est mis en vidence. Leffet principal du soudage est dinsrer une
contrainte de traction au droit de la zone soude atteignant environ
50 MPa son pic. En consquence, lensemble des contraintes est abaiss
de la mme valeur uniformisant ainsi les zones comprimes environ -30
MPa et abaissant les pics de traction aux bords oxycoups 200
MPa.
En divisant la distance au bord par la largeur de lchantillon bf
et les contraintes rsiduelles par la limite dlasticit fy la figure
9 prend une allure relative reprsente par la figure 10.
Figure 10: Distribution relative des contraintes rsiduelles
moyennes mesures pour les chantillons souds
La reprsentation de la figure 10 permet dobtenir par quilibre
successif des zones tendues et comprimes le modle exprimental des
contraintes rsiduelles lies loxycoupage et au soudage. Ce modle est
illustr la figure 11.
Figure 11: Modle exprimental des contraintes rsiduelles pour une
plaque en acier oxycoupe aux bords puis soude au centre
Ce modle servira de base pour les tudes numriques la section
4.
3.2 Mesure des imperfections gomtriques
Lobjectif de ces mesures est damliorer la connaissance sur les
imperfections gomtriques que lon retrouve dans les poutres
mtalliques de ponts. Ces imperfections se caractrisent par leur
forme et leurs amplitudes comme par exemple, les dfauts globaux
(rectitude et courbure) et locaux (planit).
Dun point de vue pratique, les imperfections gomtriques sont
lies aux tolrances que les constructeurs mtalliques se doivent de
respecter. Il sagit des tolrances gomtriques de fabrication
prescrites par les
-100
-50
0
50
100
150
200
250
300
0 200 400 600 800
Co
ntr
ain
tes r
sid
ue
lles [
MP
a]
Distance au bord [mm]
T1-2 T2a-2
T1-3 T2a-3
T1-4 T2a-4
-100
-50
0
50
100
150
200
250
300
0 200 400 600 800
Distance au bord [mm]
T2b-2
T2b-3
T2b-4
Contr
ain
tes r
sid
uelle
s [
MP
a]
-0.30
-0.20
-0.10
0.00
0.10
0.20
0.30
0.40
0.50
0.60
0.70
0.80
0.00 0.20 0.40 0.60 0.80 1.00
T2b-2
T2b-3
T2b-4
Contr
ain
tes r
ela
tive
fy
[-]
Distance relative bf [-]
0.11 fy
0.68 fy
0.20 f y
b20
2b20
8b20
8b20
0.63 fy
0.07 f y
h 20
h 20
18h
20
0.20 fy
b20
0.11 f y
0.63 fy
Residual stresses distribution type D
(flame-cut + welded)
-
normes et des tolrances de montage et dexcution lies la mthode
de montage.
Dun point de vue scientifique, les imperfections gomtriques
doivent tre considres lors du calcul de la rsistance ultime dune
poutre. Pour ce faire, la norme EN 1993-1-5 :2006 annexe C [12]
propose un cadre gnral avec des mthodes conservatrices qui prennent
en compte les imperfections gomtriques pour le calcul numrique. En
consquence, la littrature scientifique montre une grande varit de
valeur et de type dimperfections gomtriques utiliss dans les
publications crant une certaine confusion.
Les mesures sont effectues sur deux poutres mtalliques droites
de type compose-soudes utilises pour la construction du viaduc
ferroviaire de Wilwisheim en France. Une poutre correspondant une
section sur appui, nomme T10 (figure 12a), alors que la seconde
correspond une section de trave, nomme T11 (figure 12b).
a) tronon sur appui (T10)
b) tronon en trave (T11)
Figure 12: Vue des poutres mesures stockes en atelier
Transversalement, les poutres sont munies de deux raidisseurs
longitudinaux souds du ct intrieur qui sont interrompus environ
tous les 6.0 m par les raidisseurs verticaux. La section en trave
montre une semelle infrieure lance de 1200 mm de large par 40 mm
dpaisseur, une me de 3120 x 25 mm et une semelle suprieure de 800 x
40 mm. La section sur appui prsente une semelle
infrieure dpaisseur variable de 50 mm 100 mm pour une largeur
constante de 1200 mm, une me de hauteur variable avec une paisseur
de 30 mm et une semelle suprieure dpaisseur variable entre 60 mm et
125 mm pour une largeur constante de 800 mm.
Le choix de la mthode de mesure sest port sur un systme par
Laser Tracker suffisamment prcis et flexible pour travailler en
milieu industriel. Ce systme portatif (figure 13) mesure des
coordonnes via un faisceau laser, mis par la station (metteur), qui
poursuit le rflecteur dans un environnement 3D. Cet appareil assure
des mesures avec une MPE (maximum permissible error) de 15 m + 6
m/m ce qui donne une prcision de mesure d'environ 0.135 mm dans un
rayon de 20 m.
Figure 13: Illustration de mesure par Laser Tracker sur la
poutre T10
Les mesures se sont concentres sur la prise de points le long de
deux artes sur la semelle suprieure, deux artes sur la semelle
infrieure et trois lignes de point sur lme (figure 14). Les points
sont distants entre eux denviron un mtre et les lignes de points
sur lme se situent approximativement la base, mi-hauteur et au
deux-tiers de la hauteur de lme. Cette rpartition des points permet
dune part, de quantifier correctement les rectitudes horizontales
et verticales des poutres, et dautre part, destimer la planit de
lme dans son ensemble.
Figure 14: Lignes principales des points de mesures
Arte infrieure-extrieure
Arte suprieure-extrieure
Arte suprieure-intrieure
Arte infrieure-intrieure
Trois Lignes de mesure des points sur l'me
z
x
y
-
Les rsultats des mesures relatifs aux rectitudes horizontales
sont illustrs aux figures 15a et b. Les carts maximaux sont compars
avec les tolrances gomtriques prescrites par la norme SIA
263/1:2003 au tableau 1.
a) T10, poutre sur appui
b) T11, poutre de trave
Figure 15: Rectitudes horizontales (selon y) des quatre artes
mesures pour chaque poutre, en rouge la semelle infrieure et en
noir la semelle suprieure
Poutre Longueur
L
Ecart maximum
mesurs y
Tolrance selon SIA
263/1:2003 L/1000
[m] [mm] [mm]
T10 20 9.1 20 T11 28 8.3 28
Tableau 1: Valeurs maximales mesures et tolrance selon la norme
SIA 263/1:2003
En comparant les carts maximums mesurs avec les recommandations
de la norme SIA 263/1:2003 sur les tolrances de fabrication et de
montage, les dfauts de rectitudes mesurs restent bien infrieurs aux
normes dans ce cas. Par consquent, la prise en compte des tolrances
gomtriques comme valeur damplitude pour les imperfections
gomtriques comme le propose la norme EN1993-1-5 :2006 lors du
calcul de charge
ultime est bien du ct conservateur. Ce rsultat servira de base
pour les tudes numriques la section 4.
4 Mthode danalyse numrique
4.1 Modlisation par lments finis
Les modles numriques sont construits avec le logiciel dlments
finis non-linaire FINELG [13]. La figure 16 reprsente une gomtrie
type de poutre avec son maillage, le chargement sous moment
constant et les appuis de type fourche .
Figure 16: Modlisation type dune poutre par lments finis
Lintroduction du moment constant se fait par lapplication dun
couple de force de mme valeur mais de direction oppose entre les
semelles suprieures et infrieures aux extrmits de la poutre.
Un acier S355 avec une limite dlasticit fy = 355 N/mm
2 et une loi de matriau bilinaire
selon la figure 17 est utilis.
Figure 17: Loi constitutive bilinaire employe
4.2 Modlisation des imperfections gomtriques et contraintes
rsiduelles
Pour effectuer des analyses non-linaires en tenant comptes des
imperfections gomtriques il est ncessaire dintroduire une gomtrie
de poutre contenant des imperfections initiales. Dans cette tude
limperfection initiale a t choisie en prenant
-2
0
2
4
6
8
10
0 5 10 15 20 25
Co
urb
ure
ho
rizo
nta
le,
y [
mm
]
X [m]
inf. int.
inf. ext.
sup. int.
sup. ext.
-9
-8
-7
-6
-5
-4
-3
-2
-1
0
0 5 10 15 20 25 30
Co
urb
ure
horizo
nta
le,
y [
mm
]
X [m]
inf. int. inf. ext. sup. int. sup. ext.
fy
y
E = 210 GPa
max = 10%
0.01 E
-
la forme gomtrique du mode global de lanalyse critique (figure
18) qui a t multiplie soit par une amplitude a1 = L/1000 (cas
IG1000), soit a2 = L/3000 (cas IG3000) o L est la porte de la
poutre. Le choix de tester deux amplitudes permet de connatre la
sensibilit de la rsistance au dversement vis--vis de lamplitude de
limperfection initiale.
Figure 18: Forme du mode global de lanalyse critique
Trois schmas de contraintes rsiduelles, figure 19, sont valus
pour connatre linfluence de ce paramtre. Le premier cas (figure
19a) ne contient pas de contraintes rsiduelles. Le deuxime cas
(figure 19b) reprend le modle exprimental dvelopp la section 3.1
qui tient compte de loxycoupage des semelles et du soudage
me-semelle. Les contraintes rsiduelles sur lme sont reprises de
[14]. Le troisime modle (figure 19c) ne tient compte que du soudage
me-semelle en ignorant la composante de traction aux bords des
semelles. Les trois schmas proposs sont auto-quilibrs plaque par
plaque.
a) CR0
b) CRFCW
c) CRW Figure 19: Schmas de contraintes rsiduelles considrs
5 Rsultats de ltude paramtrique
Ltude paramtrique porte sur deux gomtries de poutre
monosymtrique de ponts de type trave rsumes au tableau 2.
Poutre de type trave
hf bf,sup tf,sup bf,inf tf,inf tw
[m] [mm] [mm] [mm] [mm] [mm]
Wilwisheim (W) 3.2 800 40 1200 40 25 St-Pellegrino (SP) 2.0 450
20 650 40 14
Tableau 2: Dimensions des poutres calcules
O bf,sup,inf sont les largeurs de semelles suprieures, resp.
infrieures, tf,sup,inf sont les paisseurs de semelles suprieures,
resp. infrieures, tw lpaisseur de lme et hf la hauteur de la poutre
de mi-paisseur de semelle infrieure mi-paisseur de semelle
suprieure comme illustr la figure 20.
Figure 20: Notations des dimensions utilises, tires de [1]
La mthode de calcul se droule en cinq tapes :
calcul du moment critique Mcr de dversement par une analyse
linaire infiniment lastique
calcul non-linaire du moment ultime Mult en intgrant les
imperfections gomtriques et matrielles
calcul du moment rsistant caractristique en section, dans ce cas
les sections sont de classe 4, donc de type lastique-lastique rduit
MRk,EER
calcul de llancement rduit
calcul du coefficient de rduction
En variant les longueurs de poutres il est ainsi possible
dobtenir une srie de points de
coordonnes - permettant une comparaison avec les diffrentes
courbes de dversement.
0.20fy
-0.11fy
0.68fy
-0.11fy
0.20fy
0.63fy
0.63fy
-0.07fy
-0.11fy
fy
-0.11fy
0.63fy
0.63fy
-0.07fy
-
5.1 Influence des contraintes rsiduelles
La figure 21 permet dapprcier linfluence des contraintes
rsiduelles sur le dversement pour les poutres dont la gomtrie est
de type St-Pellegrino avec une amplitude dimperfection gomtrique de
L/1000. Les rsultats montrent des diffrences non-ngligeables entre
les diffrents cas de contraintes rsiduelles pour des lancements
rduits situs entre 0.5 et 1.5. Dans cette zone, les poutres sans
contraintes rsiduelles (CR0) montrent des rsistances plus leves.
Elles sont suivies par les poutres avec les contraintes rsiduelles
exprimentales (CRFCW) qui montrent une rsistance plus leves que
celles dont la composante de traction aux bords est nglige (CRW).
Pour un lancement rduit typique de 0.8 les diffrences de rsistance
en comparaison de la norme SIA 263 :2013 - courbe c peuvent
atteindre 5% (cas CRW), 12% (cas CRFCW) et 19% (cas CR0). Ces
diffrences sont encore plus marques avec la courbe de lEN1993-2
puisquelles atteignent respectivement 20% (cas CRW), 27% (cas
CRFCW) et 34% (cas CR0). Le cas CRFCW est reprsentatif des poutres
de ponts.
Figure 21: Influence des contraintes rsiduelles sur le
dversement
Les rsultats qui se situent dans les grands
lancements au-del de dpassent la courbe dEuler. Cela sexplique
par deux raisons principalement : 1) lhypothse des petites
rotations de la thorie dEuler nest plus respecte et 2) leffet des
grandes rotations des poutres mobilisent une partie de la rsistance
selon laxe faible.
5.2 Influence des imperfections gomtriques
La figure 22 met en vidence leffet de lamplitude des
imperfections sur la rsistance au dversement. Deux types
damplitudes sont tests, L/1000 recommand par le norme [12] et
L/3000 provenant des mesures exprimentales la section 3.2. Pour ces
deux
cas, les contraintes rsiduelles mesures du type CRFCW sont
utilises.
Figure 22: Influence de lamplitude des imperfections gomtriques
sur le dversement
Lensemble des points se situent au-dessus des courbes de
dversement et parfois avec une marge trs apprciable. Pour ce cas
aussi, la mme tendance qu la figure 21 est observe avec des carts
entre les deux cas tudis qui sont plus importants dans la zone des
lancements rduits situe entre 0.5 et 1.5.
Dune manire gnrale lorsque lamplitude de limperfection initiale
est plus faible, cas L/3000, la rsistance est plus leve. Pour
, la diffrence entre les deux cas tudis atteint 10%. Pour ce mme
cas, le point ayant une amplitude dimperfection de L/1000 se situe
encore 12% au-dessus de la courbe SIA 263 :2013 courbe c.
5.3 Influence de la gomtrie des sections
La figure 23 prsente une comparaison de rsultats pour deux
sections diffrentes (SP : St-Pellegrino et W : Wilwisheim) soumis
aux mmes conditions de contraintes rsiduelles (CRFCW) et
dimperfections gomtriques (L/1000).
Figure 23: Influence de la gomtrie des sections sur le
dversement
Les rsultats ne montrent pas de tendances particulires. Cela
peut sexpliquer en partie
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
1.2
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0
SP1000_CR0_Mconst
SP1000_CRFCW_Mconst
SP1000_CRW_Mconst
SIA 263:2013 - courbe c
SIA 263:2003 - courbe c
EN1993-2 - courbe d
Euler
Domaine des ponts
Elancement rduit, [-]
Fa
cte
ur
de r
du
ctio
n,
[-]
Viaduc de St-Pellegrino
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
1.2
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0
SP1000_CRFCW_Mconst
SP3000_CRFCW_Mconst
SIA 263:2013 - courbe c
SIA 263:2003 - courbe c
EN1993-2 - courbe d
Euler
Domaine des ponts
Elancement rduit, [-]
Facte
ur
de r
duction,
[-]
Viaduc de St-Pellegrino
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
1.2
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0
W1000_CRFCW_Mconst
SP1000_CRFCW_Mconst
SIA 263:2013 - courbe c
SIA 263:2003 - courbe c
EN1993-2 - courbe d
Euler
Domaine des ponts
Elancement rduit, [-]
Fa
cte
ur
de r
du
ctio
n,
[-]
Viaduc de Wilwisheim et St-Pellegrino
-
par llancement (bf,sup/tf,sup) des semelles suprieures qui sont
pratiquement identiques pour les deux poutres.
6 Conclusion
Ltude de la situation normative pour la rsistance au dversement
montre des diffrences importantes entre les courbes de rduction.
Ces diffrences sont particulirement marques pour le domaine des
ponts.
Les rsultats des tudes exprimentales proposent dune part, un
schma de contraintes rsiduelles adapt aux poutres de ponts et
dautre part, une connaissance plus prcises des imperfections
gomtriques dues la fabrication des poutres composes-soudes.
Les tudes numriques ont permis de mettre en vidence les points
suivants :
linfluence des contraintes rsiduelles peut atteindre 14% sur la
rsistance au dversement
linfluence de lamplitude des imperfections gomtriques entre les
cas L/1000 et L/3000 atteint un maximum de 10%
linfluence de la gomtrie des sections nest pas significative
pour les sections considres
les rsultats numriques montrent une rserve significative par
rapport aux courbes normatives qui devrait pouvoir tre prise en
compte (rsultats futurs de la prsente recherche)
Remerciements
Les auteurs de cet article tiennent remercier lOffice Fdral des
Routes (OFROU) pour son soutien cette recherche. Les remerciements
vont galement lentreprise Zwahlen & Mayr qui a donn la
possibilit deffectuer lensemble des mesures exprimentales.
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