ARMENTROUTJenniferL.
Jeud’indulgence
Maisond’édition:J’ailu
Traduitdel’anglais(États-Unis)parCécileTasson
©JenniferL.Armentrout,2014Pourlatraductionfrançaise:ÉditionsJ’ailu,2016Dépôtlégal:janvier2016
ISBNnumérique:9782290082836ISBNdupdfweb:9782290082843
Lelivreaétéimprimésouslesréférences:ISBN:9782290082737
CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.
Présentationdel’éditeur:À21ans,Calla,ex-reinedesconcoursdebeauté,portelescicatricesd’unetragédiequ’ellepréfèretaire…Deprofondesblessuresqu’ellesaitdissimulermieuxquepersonne,notammentàsoncercled’amisleplusproche.Or,lorsqu’elleapprendquesamères’estvolatiliséeavecseséconomies,levernismenacedes’écailler.Deretourdanssavillenatale,lajeunefemmealasurprisededécouvriruncertainJaxderrièrelebarquetienthabituellementsamère.Dèslors,cederniers’impliqueracorpsetâmedanslaquêtedeCalla.Resteàsavoirs’ilseracapabledelaperceràjour…
Couverture:©Plainpicture/Hasengold
Biographiedel’auteur:D’abordautopublié,sonpremierromanJeudepatiencearapidementconnulesuccès,s’inscrivantsurleslistesdebest-sellersduNewYorkTimesetdeUSATodaypendantplusieurssemaines.Fortedecetteréussite,JenniferL.Armentroutestaussil’auteurdeplusieurssériesderomance,defantasyetdescience-fiction,dontlesdroitsontétévendusdansdenombreuxpays.
Titreoriginal:STAYWITHME
Éditeuroriginal:HarperCollinsPublishing
©JenniferL.Armentrout,2014
Pourlatraductionfrançaise:ÉditionsJ’ailu,2016
DumêmeauteurauxÉditionsJ’ailu
JeudepatienceJeud’innocence
Numérique
ÉternellementChanceux
Obsession
Lux
1–Obsidienne2–Onyx
Àmeslecteurs,commetoujours.Sansvous,cettehistoiren’auraitjamaisexisté.
Sommaire
IdentitéCopyright
Biographiedel’auteur
DumêmeauteurauxÉditionsJ’ailu
Chapitre1
Chapitre2
Chapitre3
Chapitre4
Chapitre5
Chapitre6
Chapitre7
Chapitre8
Chapitre9
Chapitre10
Chapitre11
Chapitre12
Chapitre13
Chapitre14
Chapitre15
Chapitre16
Chapitre17
Chapitre18
Chapitre19
Chapitre20
Chapitre21
Chapitre22
Chapitre23
Chapitre24
Chapitre25
Chapitre26
Chapitre27
Chapitre28
Chapitre29
Chapitre30
Chapitre31
Chapitre32
Chapitre33
Chapitre34
Remerciements
1
LaBrigadedesBeauxGossesm’encerclait.Pour beaucoup, cette Brigade était unmythe. Rien de plus qu’une légende urbaine qui
faisait frissonner le campus.Vous savez, commecette reinedubalqui se serait jetéepar lafenêtredesachambreparcequ’elleétaitsousLSD?Àmoinsqu’ellenesesoitouvertlecrâneen tombant dans la douche… ? Aucune idée. L’histoire change chaque fois qu’on me laraconte. Mais contrairement à ce fantôme qui hantait, soi-disant, le Gardiner Hall, lesmembresdelaBrigadedesBeauxGosses,eux,étaientbienréels.
Etsupersexy.Cesdernierstemps,ilétaitsuperraredelesvoirtousensemble.C’étaitpourcetteraison
qu’ilsavaientétéreléguésaurangdefolkloredelafac.Maisquandilsseréunissaient,ohlàlà…c’étaitunvrairégalpourlesyeux!
Lescôtoyermepermettaitd’approcheruneperfectionquejen’auraisjamaispuatteindreparmoi-même,malgrélefonddeteintmiraclequicouvraitengrandepartie lacicatricequimebarraitlevisage.
Cesoir-là,onétaittousentassésdansl’appartementd’AveryMorgansten,etàencroirelecaillou à son annulaire, elle n’allait pas tarder à changer de nom de famille. Je ne laconnaissais pas très bien, moins que Teresa, mais j’étais contente pour elle. Elle s’étaittoujoursmontréetrèsgentilleavecmoi.L’amourquesonfiancé,CameronHamilton,etelleseportaientétaitflagrant:ilsuffisaitdevoirlafaçondontilssedévoraientdesyeux.
Et il la regardaitainsiaumomentoù jeparlais,commesielleétait laseule femmesurterre. Cam était assis sur le canapé avec Avery sur ses genoux, et il la contemplait tandisqu’elleriaitàquelquechosequesasœur,Teresa,avaitdit.
Si unehiérarchie avait existé au sein de laBrigadedesBeauxGosses,Camaurait sansdoute été leur président. Il n’était pas seulement craquant, il avait aussi la personnalitéadéquate.Personnenesesentaitgênéensacompagnie,nimisàl’écart.Soncôtéchaleureuxdétendaitimmédiatementl’atmosphère.
Secrètement, et j’emporterais cette information dans la tombe, j’enviais Avery. Je laconnaissaisàpeine,pourtantj’étaisjalousedecequ’elleavait.Unmeccanon,biensoustoutrapportetquisaitvousmettreenconfiance,c’estplutôtrare.
—Tuveuxboireautrechose?Jepenchailatêteàgauche,puisunpeuenarrière,pourobserverJaseWinstead.Savue
me coupa le souffle. Jase n’était pas commeCam. Lui aussi possédait un physique de rêve,maissonregardd’ungrisintensemedéstabilisait.Avecsonteintmat,sescheveuxbrunsmi-longs et son corpsdemannequin, Jase aurait pu être le brasdroit du chefde laBrigade. Ilétaitde loin leplus sexydesmembreset ilpouvait semontreradorable,mais iln’étaitpasaussi avenant et charmant que Cam, ce qui expliquait leur position respective dans lahiérarchie.
—Non,çava.Je soulevai la bouteille de bière à moitié pleine avec laquelle je jouais depuis mon
arrivée.—Maismerci.Il sourit et s’éloigna pour prendre Teresa dans ses bras. Elle appuya la tête contre son
torseetposalesmainssursesbras.LevisagedeJases’adoucit.Ouais.J’avoue.J’enviaisunpeuTeresaaussi.Lavérité, c’étaitque jen’avais jamaiseude relationsérieuse.Au lycée, jen’étais sortie
avec personne. À l’époque, la cicatrice sur mon visage était beaucoup plus visible. Aucunmaquillage miracle n’avait pu la camoufler et… vous connaissez les ados : ils sontimpitoyables.Etmêmesiquelqu’unavaitpuvoirau-delà,àcetâge-là,jen’avaisniletempsnila place dans ma vie pour aller à des rendez-vous et encore moins pour me trouver unvéritablepetitami.
Puis il y avait eu Jonathan King. Il était dans le même cours d’histoire que moi, enpremièreannéedefac.Ilétaittrèsmignonetonavaittoutdesuiteaccroché.Pourdesraisonsévidentes,j’avaisd’abordrefusédesortiraveclui,mais,surprise!,ilavaitinsistéetj’avaisfinipar dire oui.On avait eu plusieurs rencards et la relation avait progressé naturellement. Sibien qu’un soir où on s’était retrouvés seuls dans ma chambre et, étant un garçonnormalementconstitué, ilavait tentéquelquechose.Commeune imbécile, j’avaiscruquesilacicatricesurmonvisagenel’avaitpasperturbé,lerestenelegêneraitpasnonplus.
J’avaiseutort.Onnes’étaitmêmepasembrasséset,aprèsça,onnes’étaitplusrevus.Jen’avaisparlé
deluietdecettesoiréedésastreuseàpersonne.Etsurtout,jem’étaisinterditd’yrepenser.Jusqu’àmaintenant.Etmerde.Tandis que j’observais la Brigade des Beaux Gosses se comporter comme des beaux
gosses, je compris que si je n’arrêtais pas de penser à tout ça, c’est parce que j’étais enmanque,toutsimplement.
—Jel’ai!Jerevinsbrusquementà laréalité.Ollies’approchaitducanapésuividesapetiteamie,
Brittany.Ellesecouaitlatêteetlevaitlesyeuxauciel.Une fois devant la table basse, Ollie se baissa. Il avait une tortue entre lesmains. En
voyantlepetitanimalagiterlespattes,jenepusm’empêcherdehausserlessourcils.Qu’est-cequ’ilfabriquaitavecça?
— La fête ne commence pas tant qu’Ollie ne sort pas la tortue, expliqua Jase avec ungrandsourire.
CamsoupiraetserraAveryunpeuplusfortdanssesbras.—Qu’est-cequetufaisavecRaphael?—Rectification.Ollie posa l’animal sur la table, puis, d’une main, replaça ses longs cheveux blonds
derrièresonoreille.—C’estMichelangelo.Etjetrouveassezinquiétantquetunereconnaissesmêmeplusla
tienne.Àcausedetoi,Raphaelvafinirendépression.—J’aiessayédel’enempêcher,ditBritencroisantlesbras.(Touslesdeux,ilsauraient
pugagnerl’oscarduParfaitCoupleBlond.)Maistuleconnais…Toutlemondeleconnaissait.Ollieétaitenfacdemédecine.Ilvoulaitdevenirdocteur.Étonnant,jesais.Sespitreries
étaient devenues aussi légendaires que la Brigade des Beaux Gosses. Dans leur hiérarchie,Olliedécrochaitlamédailledebronze.Ilmarquaitdespointsdebonusparcequ’ilrevenaitàShepherdstown leweek-end pour voir sa copine et aussi parce que c’était un vrai boute-en-train.
—Commevouspouvezlevoir,jeluiaifabriquéunenouvellelaisse.Ildésignacequiressemblaitàuneceintureminiatureenrouléeautourdelacarapacede
latortue.Camledévisagea.—Tuessérieux?—Onvapouvoirlespromener,commeça!IlprocédaaussitôtàunedémonstrationenfaisantavancerMichelangelosur latable.Je
medemandaisiAveryetCammangeaientdessus.Promenerunetortue?C’était…encorepirequedepromenerunchat.J’éclataiderire.—OndiraituneceinturedeBarbie.—C’est une laisse haute couture !me corrigea-t-il en se retenant de rire.Mais j’ai eu
l’idéeenparcourantlerayonjouetsàWalmart,c’estvrai.Teresafronçalessourcils.—Qu’est-cequetufaisaislà-bas?—C’estvraiça,fitJaseenfaisanttraînerle«a».Vousavezquelquechoseànousdire,
touslesdeux?
Britécarquillalesyeux.Ollie,lui,secontentadehausserlesépaules.—J’aimebienallervoirlesjouets,c’esttout.Ilssontbeaucouppluscoolqueceuxqu’on
avaitànotreépoque.Cetteréflexionengendratouteunediscussionsurlefaitquenotregénérations’étaitfait
avoirparrapportauxenfantsactuelsquiavaientdroitàdesjouetssophistiquésetultracool.Personnellement,ilmefallutuncertaintempspourmerappeleravecquoijem’étaisamusée.J’avais eu des Barbie, bien sûr, mais les écharpes satinées et les couronnes étincelantesavaientremplacélesvélosetlesjeuxdesociété.
Puis,d’unseulcoup,onm’avaittoutretiré.Quandlegroupeabordalesujetdesvacancesd’été,j’écoutaislesprojetsdechacunavec
attention. Cam avait réussi à intégrer l’équipe de foot des United. Du coup, Avery et luipassaientl’étéàWashington.Mêmesilacapitalen’étaitpastrèsloindeShepherd,jen’yétaisjamaisallée.BritetOllie,eux,avaientprévuuntrucdedingue.Unesemaineaprèslafindescours, ilsprendraient l’avionpourParisetvoyageraientà travers l’Europe. Jen’avais jamaismis les piedsdansunavion et encoremoins à l’étranger. Pour tout vousdire, jenem’étaismême jamais renduàNewYork.QuantàTeresaet Jase, ils étaienten traindeplanifierunsuper séjour à lamer enCaroline duNord ou du Sud avec les parents de Jase et son petitfrère. Ils allaient louer un bungalow sur la plage et Teresa n’arrêtait pas de dire qu’ellemouraitd’enviede tremper sespiedsdans l’eau salée. Jen’étais jamais alléeà laplagenonplus.Doncjen’avaispaslamoindreidéedecequeçafaisaitdemarchersurlesable.
Ilfallaitvraimentquejesorteetquejeviveunpeuplus.Sérieux.Dans l’ensemble, ce n’était pas très grave, parce que toutes ces choses, y compris me
baladeràtraversl’EuropeavecunBeauGosse,nefaisaientpaspartiedemesobjectifsdevie:lestroisT.
♣Terminerlafac.♣Trouverunboulotdansledomainedessoinsinfirmiers.♣Tirerprofitdufaitd’êtreenfinalléeauboutdeschoses.Cegenred’objectifsétaitessentiel.Barbants.Maisessentiels.—Tuesaffreusementsilencieusecesoir,Calla.EnentendantlesondelavoixdeBrandonShriver,jemecrispaisanslevouloiretsentis
le rouge me monter aux joues. Je posai ma bouteille entre mes jambes et m’efforçai dedétendrelesmusclesdemesépaules.Cen’étaitpascommesij’avaiszappéqueBrandonétaitassis à côté demoi, àma gauche. Comment aurais-je pu ne pasm’en apercevoir ? Non, jem’étaisjusteefforcéedel’occulter.
Jem’humectaileslèvresetinclinailatêtedefaçonàcequemescheveuxblondstombentsurmonépaulegaucheetdissimulentmajoue.
—J’écoute.Brandonrit.Ilavaitunjolirire.Etunjolivisage.Etunjolicorps.Etuntrèsjolicul.
LuiaussifaisaitpartiedelaBrigadedesBeauxGosses.Soupir.Touteslesfillesdumondeauraientsoupirédevantlui.Avecsescheveuxbrunsetseslargesépaules,Brandonarrivaitex-æquoavecOllie.
—C’estvraiqu’Ollieatoujoursdestasdechosesàdire,fit-ilremarquerenm’observantpar-dessuslegoulotdesabouteille.Attendsqu’ilteparledesonidéederollerspourtortue.
Jerisetmedétendisunpeuplus.Brandonn’étaitpasseulementcanon,c’étaitaussiunmecbien.
—Excuse-moisij’aidumalàimaginerunetortueavecdesrollers.—SoitOllieestfouàlier,soitc’estungénie.(Brandonajustasapositionsurlecanapé.)
Lejuryn’apasencoredélibéré.—Jepencheplutôtpourlegénie.JeregardaiOllieramasser latortueetretournerde l’autrecôtéducanapé,endirection
delacageunpeuextravagantedanslaquellevivaitlepetitanimal.— D’après ce que dit Brit, il a réussi ses partiels les doigts dans le nez. Et la fac de
médecinen’estpasréputéepourêtrefacile.—Ouais,mais laplupartdesgénies sontdingues. (Il souritenmevoyant riredansma
barbe.) Sinon, ça y est ? L’impitoyable bataille pour les cours du prochain semestre estterminée?
Jehochai latêteetsourisencoreunefoisenmelaissantallercontre ledossierdemonfauteuil.Ilnemerestaitqu’unsemestreetdemiavantdepassermondiplômed’infirmière,etobtenir les cours dont j’avais besoin relevait du parcours du combattant. Tous ceux quiconnaissaientmon nom, ou qui s’étaient trouvés autour demoi à unmoment ou un autre,savaientque jem’étaisbattuepourmonemploidutempspendantuneéternité. Ilnerestaitplusqu’unesemaineavantlafindusemestreetçafaisaitpresqueunmoisquelesinscriptionspourlesemestresuivantétaientterminées.
—Oui,enfin.J’aiétéobligéededonnermajambedroitepourenobtenircertains.Ilmeresteencoreàdiscuteraveclebureaudesbourses,lundi,maisçadevraitlefaire.
Jejetaiuncoupd’œildanssadirection.Ilavaitlessourcilsfroncés.—Toutvabien,àceniveau-là?— Je crois. (Je ne voyais pas pourquoi ils auraient refusé de m’aider.) Tu as prévu
quelquechosepourcetété?Ilhaussaunedeseslargesépaules.—Jen’yaipasvraimentréfléchiétantdonnéquej’assisteauxcoursd’été.—Tuvast’amuser.Ilrenifla.Jemesentais suffisammentà l’aisedanscetteconversationen têteà têteavecBrandon
pour plaisanter,mais un coup sur la porteme fit oublier ce que je comptais dire. Je suivisOllieduregard.Ilouvritcommes’ilhabitaitici.
—Salut,mabelle!s’exclama-t-il.Mesdoigtssecrispèrentsurmabouteille.Jemeredressaiaussitôt.Une jolie petite brune pénétra dans l’appartement, un sac de fast-food à la main. Elle
souritàOllieetfitsigneàBrit.J’ignoraiscommentelles’appelait.Ou plutôt, je refusais de retenir son prénom. Cela faisait deux semestres que je
connaissaisBrandonet jen’avais jamais fait l’effortd’apprendre lenomdes fillesavecqui ilsortaitparcequ’ilyenavaitbeaucouptropetqu’ellesnerestaientjamaislongtemps.
Cettefille,avecsescheveuxbrunscoupéscourtetsoncorpsdedanseuse,étaitdifférente.Ils avaient un cours en commun ce semestre et avaient commencé à se voir enmars,maisc’étaitlapremièrefoisquejelavoyaisavecBrandonendehorsdelafac.
En vérité, je ne l’avais jamais rencontrée officiellement, comme je n’avais jamaisrencontré ses autres copines. Je les avais juste aperçus ensemble à l’école et à des soirées,maisBrandonavaitarrêtédefairelafêtedepuis…ehbien,depuislemoisdemars.
—Lavoilà!Sesyeuxvertss’étaientilluminés.Etmerde.Ilnemanquaitplusqueça.Je pris une grande inspiration et souris tandis que l’intéressée se frayait un chemin à
travers les couples. Brandon se redressa et lui tendit les bras. Elle ne se fit pas prier. Elles’assitsursesgenouxetenroulasesbrasautourdesoncou.Sabouche,elle,descenditsurlasienne comme un missile à tête chercheuse. Le pire, c’était que je ne pouvais pas lui envouloir.
Ilséchangèrentdoncunbaiser.Un vrai. Pas un baiser qui signifiait « on apprend à se connaître » ou « on vient de se
rencontrer».Non,cebaiservoulaitdire«onadéjàéchangédestasdefluidescorporels».Et mince, on aurait dit qu’ils cherchaient à se dévorer l’un l’autre, et je les regardai
faire… jusqu’à ce que je me rende compte que je devais vraiment avoir l’air d’une grosseperverse.Alors,jemeforçaiàdétournerlesyeux.
Teresam’observait.Uneexpressiondecompassionpassasur son jolivisage,puiselle se retournaversJase.
Ellesavait…Évidemmentqu’ellesavaitquej’étaisraidedinguedeBrandon.—Jet’aiapportéunbretzelaufromage,annonçalafillequandilsdurentreprendreleur
souffle.Brandonaimaitautantlesbretzelsaufromagequemoilesbrowniesaucaramel.—Elle t’a achetéunbretzel ?demandaOllie.Une fille comme ça, faut l’épouser,mon
pote!Britlevalesyeuxaucieletpassalesbrasautourdelatailledesonpetitami.
—Ilenfautpeupourt’impressionner.Olliebaissalatêteverselle.—Tusaiscequ’ilfautfairepourm’impressionner,moncœur.Jem’attendaisàcequeBrandonselèved’unbondets’enfuieàl’idéed’épouserunefille
qu’ilconnaissaitdepuisseulementdeuxmois,maissonjolipetitculnebougeapasd’unpoil.Alors,jefisl’erreurdemetournerverslui.Quevoulez-vous?Jesuisunpeumaso.
Brandon regardait la fille dans les yeux avec un sourire qui signifiait… qu’il étaitheureux,toutsimplement.
Jeravalaimonsoupir.Puis il tourna la tête vers moi. Avant que je memette à paniquer parce qu’il m’avait
surpriseentraindel’espionner,sonsouriresefitencorepluséblouissant.—Tun’aspasencorerencontréTatiana.Etmerde.Jenevoulaispasconnaîtresonnom.D’ailleurs,pourquoiavait-elleunprénom
aussicool?Tatianasecoualatêteetposasesyeuxmarronsurmoi.—Non,onnes’estjamaisvues.—Alors,jeteprésentemonamieCallaFritz,amiedelaBrigadedesBeauxGossespour
toujoursetpourl’éternité.Pasplus.Pasmoins.Ravalantleslarmesquim’étaienttoutàcoupmontéesauxyeux,jegigotaimesdoigtsen
directiondeTatiana.—Raviedeterencontrer.Cen’étaitpasunmensonge.Pasvraiment.
Le lundi suivant, je quittai ma chambre plus tôt que d’habitude pour me rendre à
IkenberryHall,quisetrouvaitdel’autrecôtéd’uneénormecolline.Monfessieravaittoujoursdumalàs’yfaire.Onétaitaudébutdumoisdemai,pourtantlestempératuresavoisinaientdéjà les trente degrés, etmalgré un chignon fait en quatrième vitesse, je sentais l’humiditécouvrirmapeauetenfoncerseshorriblesdoigtsdansmescheveux.
Avantlafindelajournée,j’auraislelookdesJacksonFive.Je traversai la route pour atteindre Ikenberry, puis me dépêchai d’entrer dans le
bâtiment. En ouvrant la porte, une énorme toile d’araignée s’était détachée de l’auvent etavaitmenacédetombersurmatête.
L’airfroiddelaclimatisationemplissait lehall.Relevantmeslunettesdesoleilsurmonfront, j’empruntai lecouloirquimenaitauxbureauxdesbourses.Aprèsavoirprismonnom,unefemmelessivée,aubordduburn-out,medemandadem’asseoir.
Au bout de cinq minutes à peine, une femme plus âgée, grande et élancée, avec descheveuxargentéscoupésavecgoût,vintmechercher.Ellenem’emmenapasverslapièceoùlesconseillers travaillaienthabituellement.Non.Ellemeguidaversuneautrepièce,dans lacontinuitéducouloir.
Puisellefermalaportederrièrenousetfitletourdubureau.—Asseyez-vous,mademoiselleFritz.L’estomacnoué,jeluiobéis.C’était la première fois que çam’arrivait. D’habitude, quand je venais ici, c’était parce
qu’ilmanquaitunpapieràmondossier,ouunesignature.Aprèstout,çanepouvaitpasêtregrave.Jusqu’à récemment, jem’étaisuniquementservide laboursepourpayer les fraisquemonsalaireridiculedeserveusen’avaitpascouverts.J’avaisensuitedémissionnéaudébutdusemestrepourmeconcentrersurlescours.
Lesétudesd’infirmerien’étaientpasdelarigolade.Jeposaiavecprécautionmonsacparterreetexaminailasurfacedesonbureau.Lenom
«ElaineBooth»étaitécritsuruneplaque.Alors,àpartsiellesefaisaitpasserpourquelqu’und’autre, c’étaitàelleque j’avaisaffaire. Il yavaitaussidenombreusesphotos.Desportraitsd’enfants,ennoiretblanc,encouleurs,deleursplustendresannéesàunâgeprochedumien,peut-êtremêmeunpeuplusavancé.
Jedétournailesyeux.Unevieilleblessures’étaitrouvertedansmapoitrine.—Alors…Quesepasse-t-il?MmeBoothposasesmainsliéessurundossier.— Le bureau des admissions nous a envoyé un e-mail la semaine dernière pour nous
informerquevotrechèquepourlesfraisduprochainsemestren’apasétéaccepté.Jeclignailesyeux.Unefois.Deuxfois.—Pardon?— Le chèque n’a pas pu être encaissé, expliqua-t-elle en relevant les yeux du dossier.
(Sonregardremontalelongdemonvisage,puisfuitencoreunefois.)Pourcausedeprovisioninsuffisante.
Ellesetrompait.Iln’yavaitpasd’autreexplication.Lechèquen’avaitpaspuêtrerefusé.Ilétait liéàuncompteépargneque j’utilisaisuniquementpourpayermes fraisdescolarité,uncomptesurlequelétaitplacéel’intégralitédemonargentdestinéàl’université.
— Il y a sûrement une erreur. Il devrait y avoir assez sur ce compte pour le prochainsemestreetlamoitiédusuivant.
Nonseulementça,mais lemontantétaitsuffisantpourfaire faceàuneurgenceetpourvivre quelques mois après la fac pendant que je chercherais un boulot et déciderais où jevoulaisvivre,sijerestaisiciousi…
—Nous avons vérifié auprès de la banque,Calla. (Le fait qu’elle soit passée outre auxformalités rendait les choses encore plus difficiles.) Parfois, les chèques nous reviennent àcause d’une faute de frappe ou une erreur dans la somme indiquée.Mais la banque nous aconfirméquevotreréserved’argentétaitinsuffisante.
Jen’arrivaispasàycroire.—Combienont-ilsditqu’ilrestait?
Ellesecoualatête.— Nous n’avons pas accès à ce genre d’informations. Vous devrez vous en référer
directementàvotrebanque.Leboncôtédeschoses,c’estquevousavezenvoyévotrechèqueen avance. Cela nous laisse le temps de trouver une solution avant la clôture des dossiers.Nousallonsarrangerça,Calla.
Elle s’interrompit et ouvrit mon dossier. Moi, je la fixai comme si je m’étais soudainpétrifiéesurmachaise.
—Vousbénéficiezd’unebourse.Ilsuffitdedemanderuneaugmentationdevosaidesafindecouvrirlesfraisdusemestreprochain…
Monestomacs’étaitdéjàdécroché,pourtant ilmesemblaitqu’ilcontinuaitdetomberàmesurequ’ellemeconseillaitde souscrireàuncréditplus important,de faireunedemandepouruneboursedumériteetdestasd’autresaidesprivées.
Àcetinstantprécis,jen’avaisrienàfairedetoutça.Jen’arrivaistoujourspasàycroire.Moncomptenepouvaitpasêtrevide.J’avaistoujoursbienfaitattentionaucompteque
j’utilisaispour telleoutelle facture.Etcelui-là, jem’enservaisuniquementpour les fraisdescolarité.Jen’avaismêmepasdecartedepaiementpourlui.
Tandis que Mme Booth sortait formulaires sur formulaires des casiers à côté de sonbureauet les empilait avec calme, commesimavie toutentièren’avaitpas subiunviolentcoupdefreins,j’eussoudainunerévélation.
De la glace se répandit dansmes veines. Je tentai de respirer, mais mon souffle étaitbloquédansmagorge.Cen’étaitpeut-êtrepasuneénormebourdedelapartdelabanqueetdelafac,enfindecompte.C’étaitpeut-êtrebienréel.
Oh,monDieu.Quelqu’und’autrequemoiavaitaccèsàcecompte.Unepersonnetellementmorteàmes
yeuxque j’agissaiscommesielle l’étaitvraiment…Mais jen’arrivaispasà lacroirecapabled’unetellechose.C’étaitimpossible.
Le reste de mon entretien avec Mme Booth se passa dans un flou artistique. La têteailleurs, j’acceptai la pile de formulaires qu’elle me tendit et sortis du bureau glacial pourretrouverlesoleiléclatantdecematindemai.
Commeilmerestaitdutempsavantmonexamen,jem’assissurlebancleplusprocheetfourrai les papiers dansmon sac. Puis j’attrapaimon téléphone avec des doigts tremblants,cherchailenumérodemabanqueetappuyaisurlatouche«Appel».
Cinqminutesplustard,j’étaistoujoursassisesurlebanc,maisjenevoyaispasplusloinquelesverresfumésdemeslunettesdesoleil.Jeneressentaisabsolumentrien,cequiétaitunebonnechose,carjesavaisqueçan’allaitpasdurer:cettesensationdevideallaitbientôtsetransformerencolèreaveuglanteetenenviedemeurtre.Maisjenepouvaispasmelaisseremporter.Ilfallaitquejerestecalme,quejecontrôlemesémotions,parceque…
Monargents’étaitenvolé.Etjesavais,auplusprofonddemonêtre,quecen’étaitqueledébut,lapartievisiblede
l’iceberg.
2
Je n’arrivais pas à comprendre comment, en l’espace d’une semaine, ma vie avait pupasserdustade«jesuisunpeuseule,maisçava»àcemerdiergigantesque.
J’étaiscarrémentbaisée.Etpasdelafaçonfun,oùontranspirebeaucoup.Mescomptesd’épargneavaientétévidésdeuxsemainesavantque je signemonchèque
pourlesfraisscolaires…maisçan’étaitpastout.Ça,j’auraispum’enremettre.J’auraismêmepufermerlesyeux.Aprèstout,jen’auraispaseuvraimentlechoix.
C’étaitmonsangetmachairquim’avaitmisesur lapaille.Mapropremère.Unemèreaccro aux médocs, bourrée quatre-vingt-dix pour cent du temps, que mes amis pensaientmorte.Dansunsens, cen’étaitpas si loinde lavérité.D’accord, lemensongeétait terrible,maisjeneluiavaispasparlédepuisuneéternitéetilyavaitbienlongtempsquel’alcool,lesmédicamentsetDieusaitquoid’autresavaienttuélamèreaimanteetdrôledemonenfance.
Cettefemmeavaitvécudeschosesqu’aucunemèrenedevraitjamaisvivre.Danstous lescas, ilnes’étaitpasseulementagidemescomptesd’épargne.Lasemaine
précédente, pendantmes examens, que j’avais réussi à passer sans perdre la tête, la partieimmergéedel’icebergavaitfiniparfairecoulerleTitanic.
J’avais consultémonhistoriquedecréditparceque… j’avaisunmauvaispressentiment.Etils’étaitvérifié.
Des cartes de crédit que je n’avais jamais vues dema vie avaient été délivrées àmonnom,puisutilisées jusqu’à épuisement.Unprêtdont jene connaissaismêmepas l’existenceavaitaussiétésouscritetreprésentaitàluiseulquatresemainesàShepherd.
J’étaisendettée jusqu’aucou,d’environcentmilledollarsen tout, sanscompter lepetitprêtétudiantquej’avaismoi-mêmecontractéetlecréditpourlavoiturequejen’étaismêmeplussûredepouvoirpayer.
Monventresecreusaitetmapoitrineseserraitchaquefoisquejepensaisàl’ampleurdesdégâts. Ilme fallut rassembler toutmoncouragepournepasm’effondrer. Les crédits et lesdettes aidaient ou enfonçaient encore plus. À présent, je ne pourrais plus souscrire aucuncréditsij’enavaisbesoin.Pire:mêmesijeréussissaisàjoindrelesdeuxboutspourterminer
la fac, mes employeurs potentiels pouvaient demander à consulter mon historiqued’endettementetprendreladécisiondenepasm’embaucher.
Le jeudi, après mon dernier partiel, je fis une petite crise de nerfs, avec beaucoup delarmes et de brownies au caramel pour compenser. Jeme roulai même en position fœtaledans un coin pour me balancer. Je serais bien restée comme ça pendant unmois, mais jerefusais,horsdequestionqu’onmedépossèdeencoreunefoisdemavie.
Biensûr,mesamisn’étaientpasaucourant,etaucund’entreeuxnesavaitquoiquecesoit àmon sujet. Ilspensaientquemamèreétaitmorte, etTeresa croyaitmêmeque j’étaisoriginairedeShepherdstown.
Untissudemensonges.Commentpouvais-je leur enparler,maintenant ?Au fait, il faut que je rentre chezmoi.
Pourquoi ?Oh, trois fois rien. Jedoisaller étranglermamère.Oui, celle que tu croyaismorte,parcequejesuisunevilainementeuse.Parcequ’ellem’acouillonnée.Jepeuxvenirboireuncoupcheztoiquandjereviens?Bientropd’humiliationenperspective.Parcequ’alorsjedevraisleurparlerde ladrogue,de l’alcool,de l’échec totaldemavieetde l’étrangeséparationdemesparents,durant laquellemonpèreavaitcarrémentdisparu.Ladiscussionmèneraitensuiteàl’incendiequiavaitbrisémafamilleetquim’avaitpresquedétruite,moi.
Ilenétaithorsdequestion.Aulieudequoi,j’avaisannoncéàmesamisquejepassaisl’étéchezdesparentséloignés.
Avecunpeudechance,ilsn’apprendraientpasdanslesjournauxquej’avaistuéquelqu’un.Personnenemeposadequestions.Après tout, l’annéeprécédente, je leuravaisditque
j’étaisrentréechezmoialorsqu’enréalitéj’étaisalléedansunhôtelàMartinsburgetm’étaisdéfouléesurleroom-service…commeuneratée.
Unevraieratée.Bref.JemettaislestroisTenpausepourretournerchezmamère.Avecunpeudechance,et
l’aidedesdieux,illuiresteraitunepartiedeseséconomies.Ellen’avaitpaspudilapidertoutmonargentetlesien.Ilfallaitjustequejelaforceàarrangerleschoses.
C’étaitleplanA.Le plan B, c’était que, si elle n’avait plus un kopeck, au moins, je serais logée
gratuitementpendanttoutl’été,enattendantdesavoirsimademanded’aidefinancièreavaitétéacceptée.Danscecas-là,ilfallaitprierpourquejesurvivetoutunétédanscebledpaumésanstuermamère,histoiredepouvoirutilisermaboursesionmel’accordait.
Les mains tremblantes, j’empoignai le volant et pris la sortie qui menait à PlymouthMeeting,unevilledanslabanlieuedePhiladelphie.Tandisqueleschênesetlesnoyerstouffusqui bordaient la route se faisaient de plus en plus rares et les collines demoins enmoinshautes, j’eus soudain envie de vomir. Le trajet n’avait pas été long : un peu plus de quatreheures,maisilm’avaitparudureruneéternité.
Àprésent,j’étaisarrêtéeàunfeurougeenfaced’uneboutique«Toutàundollar»dansunevilledanslaquellej’auraispréférénejamais,maisalorsjamais,revenir.J’appuyailefrontcontrelevolant.J’étaisd’abordpasséeàlamaison.Pasdevoiture,nidelumière.Aprèsavoirlégèrementrelevélatête,jelareposaiaussitôtcontrelevolant.
J’avais sorti une clé dont j’aurais préféré ne jamais,mais alors jamais,me resservir etj’étaisentrée.Lamaisonavaitétéquasimentdéserte.Uncanapéetunvieilécranplatdanslesalon. La petite salle àmanger était vide à l’exception de quelques cartons fermés. Presqueriendans le frigo.Aurez-de-chaussée, lachambrecontenaitun litsansdraps.Lesvêtementsdemamèreavaientétéjetésparterreetilyavaitunevraiepagaille,unamasdepapiersetde trucs que j’avais évité d’examiner de trop près. À l’étage, la chambre qui avait été lamiennependantdesannéesavaitétécomplètementredécorée.Lelitavaitdisparu,ainsiquel’armoireetlepetitbureauquemagrand-mèrem’avaitoffertsavantdemourir.Ilyavaitunfutonquiavaitl’airassezpropre,maisjenevoulaispassavoirquidormaitdessus.Lamaisonnedonnaitpasl’impressiond’êtrehabitée.Commesisonpropriétaire,mamèredanscecas,avaitdisparudelasurfacedelaterre.
Çaneprésageaitriendebon.Il n’y avait pas non plus lamoindre photo. Rien sur lesmurs. Pas de souvenirs. Ça ne
m’avaitpasétonné.Jerelevailatête,puislalaissairetombersurlevolant.—Aïe.Aumoins,l’électricitén’avaitpasétécoupée.C’étaitunebonnechose,non?Çasignifiait
qu’ilrestaitunpeud’argentàmamèrequelquepart.Montroisièmecoupdetêtecontrelevolantavaitétéplusviolent.Derrière moi, un coup de klaxon retentit. Je me redressai immédiatement et jetai un
coupd’œilàtraverslepare-brise.Feuvert.Oups.Lesmainscrispéessurlevolant,jeprisunegrandeinspirationpourmedonnerducourageetaccélérai.Ellenepouvaitêtrequ’àunseulendroit.
Putain.Encoreunendroitdanslequelj’auraispréférénejamaisremettrelespieds.Tandisqueje
me forçaisà respirerprofondément, je roulaisàunevitessenettement inférieureà la limiteautoriséeetçaennuyaitsûrementlesautomobilistesderrièremoi.Maisjenepouvaispasfaireautrement.
Lecœurbattant lachamade, jetournaiàdroitepourrejoindrelarouteprincipalequ’onappelait comme ça parce que c’était là que les fast-foods et les chaînes de restaurantsentouraient lesmagasins et centres commerciaux. LeMona’s se trouvait à une quinzaine dekilomètresdelàenfaced’uneboîtedestrip-teasemalfaméedevantlaquelleétaitgaréeunerangéedemotosdegrosdurs.
Ohputain.
Les routes étaient encombrées, mais quand je coupai la voie pour m’engager dans leparkingbientropfamilieravecsesnids-de-poule,iln’yavaitpasbeaucoupdemonde.
Enmêmetemps,onétaitlundisoir.Aprèsm’êtregaréeàl’arrière,sousl’enseignelumineuseàlaquelleilmanquaitle«a»,je
prisplusieursgrandesinspirationsetmerépétai:—Nepaslatuer.Nepaslatuer.Unefoisquejefussûrequejenem’énerveraispasetquejeneluisauteraispasàlagorge
dèsque je laverrais, jedescendisdemavoitureet tirai sur lebasdemonshorten jean.Jeréajustaiégalementmonchemisiervaporeuxàmancheslonguescouleurcrèmequiauraitétépluslongquemonshortsijenel’avaispasrentréàl’intérieur.
Mes tongs claquèrent contre le bitume tandis que je traversais le parking, une mainserréecontrel’ansedemonsacpourmontrerquej’étaiscapabledem’enservircommed’unearme.
En approchant de l’entrée, je carrai les épaules et soufflai un bon coup. La vitre de laporteétaitpropre,maisfissurée.Lapeinturerougeetblanchequi,autrefois,avaitétéviveettape-à-l’œil s’écaillait, comme si quelqu’un avait lancé de l’acide sur les murs. La vitrineprincipale,teintée,avecunpanneau«Ouvert»quiclignotait,étaitégalementfissuréeet lescraqueluress’étendaientcommeunetoiled’araignéeverssoncentre.
Sil’extérieurressemblaitàça…—Oh,monDieu.Jen’avaisvraimentpasenviedevoirlereste.Mon regard se posa de nouveau sur la porte vitrée. Dans le reflet, mes yeux bleus
paraissaient trop grands et mon visage trop pâle, ce qui faisait ressortir encore plus lamagnifiquecicatricequimebarraitlajouegaucheducoindel’œiljusqu’auxlèvres.
J’avaiseude lachance.Dumoinsétait-ceceque lesmédecins, lespompierset tous lesautresavaientdéclaré.Unpeuplushautetj’auraisperdumonœilgauche.
Mais à ce moment-là, je ne me sentais pas vraiment chanceuse. Au contraire, j’étaispersuadéequeMmelaChanceétaitunegarcesanscœurquiméritaitdecrever.
M’encourageantintérieurement,jesaisislapoignéeetouvrislaporteàlavolée.Jeperdisalorsunechaussureettrébuchaiàl’intérieurdubar,aumilieudel’odeurfamilièredebière,deparfumbonmarchéetdefriture.
J’avaisl’impressiond’êtrerentréeàlamaison.Non.Jeserrai lepoingdemamainlibre.Cebarn’étaitpasmamaison.Dumoins, iln’aurait
pas dû l’être. Peu importait que j’aie passé tous les soirs ici après l’école, cachée dans unearrière-salle,ouquej’avaisl’habitudedemefaufilerpourobservermamèreparcequec’étaitleseulendroitoùellesouriaitencore.(Sûrementparcequ’elleétait toujoursbourrée.)Non,çan’avaitpaslamoindreimportance.
Rien n’avait changé. Ou presque. Je reconnaissais les tables hautes rondes ou carréesuséesetdélavées,lestabouretsetleschaiseshautes.
Leclaquementdesboulesdebillard lesunescontre lesautresattiramonattentionverslestables,del’autrecôtéd’unepistededansesurélevée.Danslecoin,unjuke-boxdiffusaitdelacountrylarmoyante.
Unefemmed’âgemoyenquejeneconnaissaispasenfonçalesportesbattantesettraversalapisteàgrandspas.Sescheveuxblondclair,visiblementcolorés,avaientétérassemblésenchignonetelleavaitunstylocoincéderrièrel’oreille.Avecsonjeanetsontee-shirtblanc,elleavaitl’aird’unecliente,maiscen’étaitpasétonnant:leMona’sn’étaitpaslegenredebaroùles serveurs portaient un uniforme. Elle avait à lamain deux petits paniers rouges remplisd’ailesdepouletgrilléesetavançaitensedéhanchantverslestablesquibordaientlemurprèsdujuke-box.
Ilyavaitdesserviettesrouléesenbouleparterreetdestachesquiavaientl’airdecoller.Certainespartiesdecarrelagedonnaientl’impressiondedevoirêtrecarrémentremplacées.Etavecl’éclairagetamisédubar,jesavaisquejenevoyaispastout.
Ce n’était pas si sale. C’était même presque propre, comme si quelqu’un refusait deperdrelabataille.
Çanepouvaitpasêtremamère.Ellen’avaitjamaisadoréfaireleménage,maiselleavaitétéunpeuplusdouéequeça.
Puisquej’étaisrestéedevantlaporteassezlongtempspourpasserpouruneidioteetquejenel’avaisaperçunullepart,jedécidaiqueceseraitsansdouteunebonneidéede,jenesaispas,bouger,parexemple. Je fisunpasenavant.Etme rendis compteque j’avais laissémasecondetongàl’entrée.
—Etmince.Jefismarchearrièreetbaissai latêtetandisque jetortillaimesorteilspourenfilerma
chaussure.—Ondiraitquetuasbesoind’unverre.Jemeretournai.Lavoixdel’hommequivenaitdeparlerétait incroyablementgrave,si
profonde et douce qu’elle me caressa la peau comme du satin. J’allais rétorquer que, vul’endroitoùjemetrouvais,j’avaisforcémentl’aird’avoirbesoind’unverre,maisàl’instantoùjefisfaceaubarenformedeferàcheval,touterepartiemourutsurmalangue.
Derrièrelecomptoir,l’hommesemblaseredresser,commesouslecoupd’unmouvementde recul. C’était une réaction étrange. Vu le peu de lumière et l’endroit où jeme tenais, iln’avait pas pu remarquerma cicatrice. Toutefois, quand je l’observai de plus près, j’oubliaitoutdemasurprise.
MonDieu,monDieu,monDieu…C’étaitlegenred’hommesquejen’auraisjamaiscrutrouverderrièrelebarduMona’s.Waouh.Alertemaximale!Barmansexyenvue!
Alorsça:ilétaitcanon.SansdouteautantqueJase,oupeut-êtreplus.Jen’arrivaispasàme souvenir d’avoir jamais rencontré une personne d’une telle beauté dans la vraie vie. Etencore,jenevoyaisquelehautdesoncorps.
Leslampespluspuissantesdubardonnaientuneteintericheetchaleureuseàsescheveuxbruns.Coupésàrassurlescôtés,ilsétaientunpeupluslongssurledessus,ondulésetcoiffés-décoiffésavecgoût.Letoutfaisaitressortirsespommettessaillantes.Sapeaumatetrahissaitdesoriginesexotiquesetavecsamâchoirepuissanteetciselée,ilauraitputournerdansunepub pour rasoir. Sous son nez fin légèrement cabossé se trouvaient les lèvres les pluspulpeuses,lesplusdécadentes,quej’avaisjamaisvuessurunmec.
MonDieu, j’auraispuregardersabouchependantdesheures.Unpeupluset j’allaismeretrouveràPerverseland,population:Calla.Jemeforçaiàreleverlesyeux.
Lacourburenaturelledesessourcilsattiraitl’attentionsursesyeux.Desyeuxmarron.Des yeux marron qui, à cet instant précis, se promenaient lentement sur moi comme
l’auraientfaitdesdoigtschauds.J’entrouvrisleslèvrespourrespirer.Il portait un vieux tee-shirt gris qui moulait ses larges épaules. Je distinguais
parfaitementleslignesdesontorseàtraverssontee-shirt.Mince.Quiauraitcruqu’unetellechoseétaitpossible?Etd’aprèscequejepouvaisvoir,auniveauoùlebarcommençaitàlecacher,ilavaitsûrementdesabdosincroyables.
SicemecavaitétudiéàShepherd,ilauraitdétrônéJaseàlatêtedelaBrigadedesBeauxGosses. On aurait entendu les soupirs que les filles auraient émis sur son passage dans lemondeentier.
Sansoublierceuxdesgarçons.Ceslèvresdélicieusesseretroussèrent.Pasd’erreur:ilavaitunsourireàfairetomberles
culottes.—Toutvabien,chérie?Ilemployaitleterme«chérie»commes’iln’yavaitriendeplusnaturel.Danssabouche,
cen’étaitpasringard,nimielleux.C’étaitunpetitnomsexyquimeréchauffaitleventre.Etmoi,jeledévisageaiscommeuneidiote.—Ouais.J’avais retrouvéma voix le temps d’unmot et j’avais à peine réussi à le croasser.Mon
Dieu.J’avaislesjouesenfeu.Jemouraisd’enviedem’enfoncerdanslesol.Sondemi-sourires’élargitetiltenditlamainpourmefairesigned’approcher.—Etsituvenaist’asseoirici?D’accord.Mes jambesavancèrent sansdemander sonavisàmoncerveauparceque, sérieux :qui
aurait pu résister à Sexy Barman quand il tortillait des doigts comme ça ?Du coup, jemeretrouvaiassisesuruntabouretinconfortableavecuncoussindéchiré.
Dieutout-puissant.Deplusprès,c’étaituneœuvred’artd’unebeautéquidonnaitl’eauàlabouche.
Sanssedépartirdesonsourire,ilposalesmainsàplatsurlebar.—Qu’est-cequejetesers?Jeclignai lesyeux, très lentement.Jen’arrêtaispasdemedemandercequ’il fabriquait
danscetaudis.Ilauraitpuposerpourdesmagazines,bosseràlatélé,ouaumoinssetrouverunjobaugrillenbasdelarue.
Sexy Barman pencha la tête sur le côté et son sourire s’étendit au second coin de saboucheimprobable.
—Chérie…?Jerésistaiàl’enviedeposerlescoudessurlebaretdelecontemplerdetoutmonsaoul,
mêmesiquelquepart,c’étaitdéjàcequej’étaisentraindefaire.—Oui?Ilritdoucementtoutensepenchantenavantetpar«enavant»,j’entendscarrémentsur
moi.Enmoinsd’uneseconde,ilavaitenvahimonespacevitaletsabouches’étaitretrouvéeàquelquescentimètresdelamienne.Sesbicepsbandésétiraientletissudesonvieuxtee-shirt.
Bonsang!Siseulementcetee-shirtpouvaitsedéchirerettomber.—Qu’est-cequetuveuxboire?demanda-t-il.Cequejevoulaissurtout,c’étaitregarderseslèvresbougerencore.—Est-cequ’ilfautquejetedemandetacarted’identité?Cettequestionmetiradelatorpeurinduiteparsabeauté.—Non.Pasdutout.J’aivingtetunans.—Tuessûre?Lachaleurmemontadenouveauauvisage.—Jelejure.—Croixdebois,croixdefer?Jebaissailesyeuxverslepetitdoigtqu’ilmetendait.—Tuessérieux?Une fossette creusa sa jouedroite tandis que ses lèvres s’étiraient enun grand sourire.
Merdouille.S’ilenavaitdeux,j’étaisfoutue.—J’ail’airdenepasêtresérieux?Il avait surtout l’air d’avoir une idéederrière la tête.Une lueur taquine s’était allumée
dans ses yeux couleur chocolat chaud. Réprimant un sourire, je tendis la main vers lui etaccrochaimonpetitdoigtausien,beaucouppluslargequelemien.
— Si jemens, je vais en enfer, rétorquai-je enme disant que c’était une bien étrangemanièredevérifierl’âgedesgens.
Lesourirequ’ilm’adressafuttoutbonnementdélicieux.—Voilàunefillecommejelesaime.
Quevoulez-vousquejerépondeàça?Au lieudeme lâcherquand j’ôtaimamain, ilm’attrapapar lepoignetavecdouceuret
force à la fois.Mes yeux commençaient àme sortir de la tête. Il s’approchadavantage et ilsentait…bon.Unmélanged’épicesetdesavon.L’effetsurmesovairesfutimmédiat.
Aumêmemoment,BrownEyedGirl 1,masonneriede téléphone, retentitdansmonsac.SexyBarmanéclataderirependantquejecherchaismonportable.
—VanMorrison?demanda-t-il.Jehochaid’unairabsentensaisissantenfinmontéléphone.C’étaitunappeldeTeresa.
Jeraccrochai.—Tuasbongoût.Jerelevailesyeuxtoutenfaisanttombermonportabledansmonsac.—Je…euh,jepréfèrelestrucsunpeuoldschoolàcequimarcheaujourd’hui.Aumoins,
à l’époque, ils savaient chanter et jouer d’un instrument.Maintenant, ils se baladent à poildansleursclips,ilshurlentouilsparlentsurleurchanson.Çan’aplusrienàvoiravecdelamusique.
Unelueurd’intérêts’allumadanssesyeux.—Tujuresettuécoutesdelamusiqueoldschool?Jet’aimedéjà.—Iln’enfautpasbeaucouppourt’impressionner,alors.Iléclataderire, la têterejetéeenarrière, lagorgedécouverteet,bonsangdebonsoir,
quelrire!Profond.Chaud.Enjoué.Lesonm’avaitliquéfiéedel’intérieur.—Cesontdeuxchosestrèsimportantes,dit-il.—Ahoui?—Yep.(Sonvisagereflétaitsonamusement.)Paroledescout.Cettefois,jenepusm’empêcherdesourirefranchement.—Ehbien,jen’aijamaisétéscout,alors…—Tuveuxconnaîtreunsecret?—OK,murmurai-je.Ilbaissalégèrementlatête.—Moinonplus.Çanem’étonnaitpasplusqueça.Surtoutqu’ilmetenaittoujourslepoignet.—Tun’espasducoin,déclara-t-il.Plusmaintenant.—Qu’est-cequitefaitdireça?— C’est une petite ville. Le Mona’s attire surtout des habitués, pas de jolies petites
distractionscommetoi.—Avant,je…Attendez uneminute. Quoi ? Pas de jolies petites distractions comme toi ? Le fil de ma
pensées’étaitcomplètementemmêlé.
Ilmelâchalepoignetpetitàpetit,sanscesserdemeregarderdanslesyeux.Sesdoigtsglissèrentlentementversl’intérieurdemonpoignet,puislelongdemapaumejusquesurmesphalanges.Des frissonsmeremontèrentdans lebrasavantde redescendredansmondosendansantlajava.
MonDieu,çamerendaitdingue.J’avaisvraimentl’impressionqu’ilyavaitquelquechoseentrenous.Uneétincelle.C’étaitfou,j’avaisdumalàrespireroumêmeàréfléchir.
Sansmequitterdesyeux,iltenditlamainversunseaudeglaceetensortitunebouteilledebière.Aprèsl’avoirouverte,illaposasurlecomptoir.Ilmefallutquelquessecondespourcomprendrequ’ilyavaitquelqu’unàcôtédenous.
Je jetai un coup d’œil sur la droite. C’était un jeune homme plutôt mignon avec descheveuxpresque rasés. Il fit un signede la tête àSexyBarmanenattrapant sabièrepar legoulot.
—Merci,mec.Puisildisparutetonseretrouvaseuls.—Bref,repritSexyBarman.Etsijeteservaisuncocktailunpeuspécial?D’habitude, quand un mec me proposait un « cocktail un peu spécial », je prenais les
jambes à mon cou en criant à l’aide, mais cette fois, je me surpris à hocher la tête. Çaconfirmaitsûrementquejen’avaisaucunepersonnalité.
Ouquejenecontrôlaispaslasituation,cequiétait…uneexpérienceuniquepourmoi.Je le regardai fairevolte-face.Lesmusclesde sondos saillirent tandisqu’ilattrapaitde
l’alcoolsurl’étalderrièrelebar,sansquejepuissevoirdequellebouteilleils’agissait.Avecunegrâcenaturelle, il saisitunverrebas et large, conçupour lespetits cocktails, et pila laglace.
Lefaitquejemesouviennedelafonctionduverremedonnaenviedemetaperlatêtecontrelebar.Maisjemeretins.Dieumerci.Pendantquejeleregardaispréparermaboisson,j’essayaidedéterminersonâge.Ilavaitvisiblementunanoudeuxdeplusquemoi.
Quelques secondesplus tard,uncocktail impressionnantapparutdevantmoi.Rougeausommet,puisundégradéévoquantuncoucherdesoleil.Unecerisevenaitcompléterletout.J’attrapaileverreetbusunegorgée.Lasaveurfruitéemanquamedonnerunorgasmebuccal.
—Onnesentpasl’alcool.—Je sais. (Il avait l’air fier de lui.)C’est doux,mais fais attention. Si tu enbois trop,
tropvite,tuvasfinirparterre,surtonjolipetitcul.«Jolipetitcul»,tuparles. Ildevaitdireçaàtoutes lesfilles.Jereprisunegorgée.Pas
besoindemerappelerd’êtreprudente.Jenebuvaisjamaisavecexcès,detoutefaçon.—Commentças’appelle?—Jax.Jehaussaiunsourcil.—Intéressant.
—Oh,çal’est,crois-moi.Lesbrascroisés, il sepenchaau-dessusdubaretmegratifiadecesourireencoinsexy
qui,jecommençaisàlecomprendre,étaitdangereuxpourmasantémentale.—Alors,tueslibrecesoir?Jeledévisageai.J’étais incapabledefairequoiquecesoitd’autre.Mêmesipendantles
quelquesminutes que j’avais passées en sa présence, j’avais presque oublié la raison demavenueici(jen’étaispaslàpoursocialiser,entoutcas),ilnepouvaitpasêtreentraindefairecequejepensaisqu’ilfaisait…
Flirteravecmoi.M’inviteràsortir.Ce genre de choses ne se produisait jamais à Calla-land. J’avais déjà du mal à croire
qu’ellesarriventàdesnanascanonscommeTeresa,BritouAvery,alorsàmoi…Sexy Barman se pencha davantage. Les muscles de ses bras bougèrent délicieusement.
Puis sesyeuxmagnifiques rencontrèrent lesmienset, l’espaced’une seconde, j’enoubliaiderespirer. Vue la façon dont ses lèvres se retroussèrent, il avait parfaitement conscience del’effetqu’ilavaitsurmoi.
—Situnel’avaispascompris,j’aimeraissavoirsitueslibrepoursortiravecmoi.
1.Lafilleauxyeuxmarron.(N.d.T.)
3
Crottedebique.Heureusementquej’avaisposémonverre,sinonjel’auraissansdoutefaittomber.—Tunesaismêmepascommentjem’appelle,rétorquai-je.Ilbaissalesyeux,mettantenvaleursescils,tellementlongsqueçaendevenaitridicule.—Commenttut’appelles,chérie?Je leregardaibouchebée.Cen’étaitcertainementpas très joliàvoir. Ilnepouvaitpas
êtresérieux.SexyBarmanattendaitmaréponse.Ilrelevalesyeux.Oh,monDieu.Ets’ilétaitvraimentsérieux?—Tudraguestouteslesfillesquimettentlespiedsdanscebar?Dans ce cas-là, un seul coup d’œil aux clients derrière moi prouvait qu’il n’était pas
difficile. Mis à part le mec qui était venu prendre une bière et s’était assis avec un petitgroupe,touslesautressemblaientprochesdelaretraite.
Sonsourires’élargit.—Seulementlesjolies.Jerestaidenouveaubouchebée.Unepartdemoin’étaitpassurpriseparsaréponse.Aprèstout,j’avaisunjolivisage.Ça
avait toujoursété le cas, depuis que j’étais haute comme trois pommes.Avant,mamèrenetarissait pas d’éloge sur la symétrie de mes traits, sur leur perfection. Plus jeune, j’avaisressemblé à une poupée de porcelaine. Et onm’avait exhibée comme telle. En grandissant,mes traits étaient restés symétriques : lèvres pulpeuses, pommettes hautes, petit nez et desyeuxbleusquis’accordaientavecmescheveuxblonds.Descheveuxblondsnaturels.
Maislemotcléici,c’était«avant»etonpouvaitm’accuserdebeaucoupdechoses,maisj’étaisloind’êtrestupide.
Laplupartdutemps,entoutcas.Etàcemoment-là,faceàcemec,j’avaisl’impressiond’êtrelareinedesimbéciles.
—Correction, repritSexyBarmanensouriant tellementquesa fameuse fossettecreusasajouedroite.Seulementlesjoliesfillesavecdesjambesd’enfer.
Non,maisn’importequoi.—Jesuisassise!Commentest-cequetupeuxvoirmesjambes?Ileutunriregraveetbref,c’étaitunsonsuperagréable.—Chérie,quandjet’aivueentrerdanslebar,tesjambessontlespremièreschosesque
j’airemarquées.Bon, d’accord. J’avais de belles jambes. Je courais trois fois par semaine. Je faisais
semblant d’adorer le sport etmonmétabolisme était plutôt cool à ce niveau-là : la graissevenaitse logerdansmesfessesetmeshanches.Alors,oui,unfrissonagréablemeparcourutlesveinesenréponsesàsesmots,mais…
Jeprisunegrandeinspiration,commesijem’étaisglisséesousunedouchefroide.SexyBarman etmoi nous trouvions face à face,mais alors on ne peut plus proches. Il
avaitforcémentvumacicatrice.Pourtant,depuisquej’avaisposélesyeuxsurlui,jen’yavaispas pensé une seule fois. Il m’avait tellement déstabilisée que ça ne m’avait pas traversél’esprit.
Maintenant que j’en avais repris conscience, je baissai la tête et la tournai un peu àgauche, comme par habitude, puis entourai mon verre de mes doigts soudain dénuésd’énergie. Cette fois, je savais qu’il ne pouvait pas être sérieux. Parce qu’il était membrehonorairedelaBrigadedesBeauxGossesetquemoi,j’étaisCalla,l’éternelleamie.Pascelleavecquiilsflirtaientouvertement.
Quisait?Ilétaitpeut-êtresousacide?Jedécidaidenepasluirépondreetmeforçaiàmesouvenirdesraisonsdemaprésence
ici.—C’estvraimentbon,commecocktail,luidis-je.(Engardantlecôtédroitdemonvisage
verslui,jejetaiunautrecoupd’œildanslebar.Toujoursaucunsignedemamère.)Etjoli.—Merci,maisonn’étaitpasentraindeparlercocktail.Àpartbiensûr,si,toietmoi,on
va boire un verre aprèsmon service, dit-il. (Je tournai vivement la tête vers lui. Comme ilavaitdenouveaumonattention,ilhaussaunsourcil.)Danscecas-là,onpeutparlercocktailtantquetuveux.
Lessourcilsfroncés,jem’assisplusconfortablementsurmontabouret.Je…Jen’avaispasl’habitudedecegenredecomportement.
—Tuessérieux?Maquestioneut l’airde lesurprendre,maisau lieudereculer, ilparcourutmonvisage
duregard,s’attardantsurmeslèvresavantderevenirversmesyeux.—Oui,chérie.Jesuissérieux.—Tunemeconnaismêmepas.—C’estpourarrangerçaqu’onvaboireunverre,engénéral,non?
J’étaisscotchée.—Onvientdeserencontrer.— J’ai déjà répondu à ça, mais je peux développer. Quand je veux quelque chose, je
fonce.Lavieestbientropcourte.Et j’aienvied’ensavoirplussurtoi.(Ilbaissadenouveaulesyeuxetsonregardsembladessinerdélicatementlecontourdemeslèvrescommesiellesétaientunereliquesacrée.)Oui.J’aivraimentenviedeteconnaîtreenprofondeur.
Ohlàlà.J’ouvris labouche,mais jen’avaispas lamoindre idéedequoi répondreàça.De toute
façon, avant que je puisse trouver une repartie cohérente et digned’intérêt, l’appel demonnommefitsursauter.
—Calla?s’exclamaunevoixprofondeetrauque.Calla,c’esttoi?Monattentionsefocalisasurlesportesbattantes.Alors,bouchebée,j’observaiungrand
hommefamilier,chauveetventripotent.OncleClyde,quin’étaitpasvraimentmononcle,avaitfaitpartiedemaviedepuis…ma
naissance.Ilseprécipitaversnous,levisagerougeaud,ensouriantàpleinesdents.—Nomd’unputaindedînerdefamille,c’estbientoi!Jeluifissignedelamainetmeslèvress’étirèrentenunsourire.OncleClyden’avaitpas
changéd’unpoucedurantmestroisansd’absence.Dansmondos,SexyBarmandemeuraitsilencieux.S’ilavaitcomprisquej’étaislafillede
Mona,jesavaistrèsbienàquoiilpensait.Puistoutàcoup,Clydesejetasurmoi.Levieilourspassasesbrasautourdemoietme
soulevadu tabouret.Mespiedsne touchaient pas le sol pendant qu’ilme serrait contre lui.J’étaisobligéedeserrerlesorteilspourempêchermestongsdetomber.
Toutefois,jememoquaisunpeudeperdremeschaussuresoud’avoirdumalàrespirer.Oncle Clyde… mon Dieu. Il avait été là dès le début, en cuisine depuis que mes parentsavaientouvert leMona’s, et il était restéquand toutétaitparti envrille.Toujours fidèleauposte.
Deslarmesmebrûlaientlesyeux.JeréussisàentourerseslargesépaulesavecmesbrasetrespiraisoneaudeCologneépicéeetune légèreodeurde friture.Clydem’avaitmanqué.C’étaitbienleseuldanscetteville.
—BonDieu,mapoupée,c’esttellementbondetevoir.(Ilmeserracontreluijusqu’àcequejelaisseéchapperungémissement,unpeucommelesjouetsàsifflet.)Tellementbon.
— Je crois qu’elle a compris, intervint Sexy Barman d’un ton sec. Tu es en train del’étouffer.
—Fermetabouche,mongarçon.Clydeme reposapar terre,maisenroulaunbrasautourdemesépaules.Àcôtéde lui,
j’avaisl’aird’unenaine.Çaavaittoujoursétécommeça.—Tuasconsciencedequiestcettepetite,Jax?
— Laisse-moi réfléchir… Oui, répondit-il sur le même ton, avec une légère trace dedérision.
—Attends.(JeparvinsàmetournerversSexyBarmanengigotant.)Tut’appellesJax?—JacksonJames,enfait,maistoutlemondem’appelleJax.Jerépétaisonnomdansmatête.Jedevaisadmettrequec’étaitunsurnomtrèssexy.Ça
mefaisaitpenseràunpersonnagedesérie,unmotardplutôtbeaugosse.—Tupourraisfairepartied’unboysband.Unrirerauques’échappadeseslèvres.—Mince,j’airatémavocation.—Tusaisquoi?fitClydeenresserrantsonbrasautourdemoi.Jaxchantetrèsbienetil
jouemêmeunpeudeguitaresituluifaisboiresuffisammentdewhisky.—C’estvrai?Cette révélation piquama curiosité. Il n’y avait rien de plus sexy qu’unmec avec une
guitare.Jaxs’appuyacontrel’évierderrièrelebaretcroisalesbrassursontorse.—J’aijouéunefoisoudeux,c’estvrai.—Alors,qu’est-cequit’amèneici,mapetite?demandaClyde.Le ton de sa voix trahissait la réelle signification de sa question. Autrement dit :
«Pourquoiest-cequetuesrevenuedanscetrouàrats?»Quandj’étaispartiepourlafac,Clydeavaitététriste,maisc’estluiquiavaitinsistépour
quejem’éloignedecettevilleetde…dureste.Ilauraitsûrementpréféréquejedéménageàl’autreboutdupays,maisj’avaischoisiuneuniversitérelativementproche,justeaucasoù…aucasoùilsepasseraitcegenredechoses.
—JechercheMaman.Je n’en révélai pas plus. Je n’avais pas l’intention de tout lui raconter devant Jax. Ce
derniermeregardaitàprésentcommes’ilmevoyaitpourlapremièrefois,etnoncommesij’étaisunesimplenanaquiétaitentréedanslebar:c’étaitsuffisammentgênant.
Pourbeaucoup,leschatsnefaisaientpasdeschiens.Etparfois,jemeposaismoi-mêmedesquestions.LafaçondontClydes’étaitsoudaincrispénem’échappapas,nileregardfurtifqu’illança
àJaxavantderevenirversmoi.Lasensationdemalaises’insinuaplusprofondémentenmoi,puisdéployasesracinescommeunemauvaiseherbedansunparterrederoses.
Préparéeàtouteéventualité,jemeconcentraientièrementsurClyde.—Quoi?Songrandsourireperditdesonéclat.Soudainnerveux,illaissasonbrasretomber.—Rien,mapoupée.C’estjusteque…Jeprisunegrande inspirationetattendisqu’ilcontinue.Derrière,Jaxattrapaunebière
dans un seau à glaçon et la tendit à un vieil homme en chemise rouge déchirée qui n’avait
mêmepaseu le tempsd’ouvrir labouchepourpassercommande.Pourtant, il retournaà saplaceavecunsourirejoyeux,etsurtout,unpeusaoul.
—Mamèreestlà?Clydesecoualatête.Jecroisailesbrassurmeshanches.—Oùest-elle?— Eh bien, en fait, ma poupée… Je n’en ai pas la moindre idée, répondit Clyde en
baissantlesyeuxverslesolérafléquiauraiteubesoind’unboncoupdeserpillière.—Tunesaispasoùelleest?Commentétait-cepossible?—Oui,enfin,Monaadisparudepuis…Ils’interrompit.Latêtebaissée,ilpassaunemainsursoncrânechauve.Mon estomac était de nouveau noué. Je pressaima paume contremon ventre pour le
calmer.—Depuiscombiendetempsest-ellepartie?Jaxobservamamainavantdemeregarderdanslesyeux.—Tamèreestpartiedepuisaumoinsdeuxsemaines.Personnenel’avue,onn’aaucunes
nouvelles.Elleaquittélaville.Toutàcoup,j’eusl’impressionquelesolsedérobaitsousmespieds.—Elleadisparudepuisdeuxsemaines?Clydeneréponditpas.Jax,lui,serapprochadubaretbaissalavoix.—Elleestvenue ici,un soir,visiblementperturbéeetelleamis lebureausensdessus
dessous,commesielleétaitfolle.Cequi,soitditenpassant,nechangeaitpasbeaucoupdesautressoirs.
Çanem’étonnaitpas.—Et?— Elle empestait l’alcool, ajouta-t-il d’une voix douce en me regardant intensément
derrièresescilsépais.C’étaitégalementpeuétonnant.—Et?—Età sonodeur,onauraitditqu’elleavaitpassédesheuresdansunepièce ferméeà
fumerdutabacetdushit.OK. Le shit, c’était nouveau. Autrefois,mamère préférait se shooter auxmédocs. Des
tonnesdemédocs.Desmédocsàn’enplusfinir.— Depuis un an, ça lui arrivait assez souvent, reprit Jax sans détourner les yeux.
(Désormais, je savais qu’il vivait dans le coin depuis un certain temps.) Donc personne n’avraimentfaitattention.Tusais,tamère…
— N’en foutait pas une quand elle venait ici ? proposai-je en le voyant crisper lamâchoire.Ouais,c’estpasnouveaunonplus.
Jaxsoutintmonregarduninstant,puispritunegrandeinspiration.—Cesoir-là,elleestpartievers20heures.Etdepuis,plusrien.
Oh,monDieu.
Jemelaissaitombersurletabouret.—Jenet’aipasappelée,mapoupée,parceque…ehbien,cen’estpaslapremièrefois
quetamèredisparaîtdanslanature.(Clydeappuyasahanchecontrelebaretposaunemainsurmonépaule.)Touslesdeuxmoisenviron,elleprendlarouteavecLeCoqet…
—Lecoq?répétai-je,perplexe.Ma mère avait-elle un coq de compagnie ? Si bizarre que cela puisse paraître, ça ne
m’aurait pas surprise. Elle avait grandi dans une ferme et quand j’étais petite, elle avaittoujourseuunfaiblepourlesanimauxquisortaientdel’ordinaire.Unefois,onavaitmêmeeuunechèvrequis’appelaitBilly.
Clydegrimaça.—C’estle…euh,lecopaindetamère.—Ils’appelle«LeCoq»?Paspossible.— C’est comme ça qu’il se surnomme, en tout cas, répondit Jax en accrochant de
nouveaumonregard.Mon Dieu, c’était tellement humiliant. Ma mère était une alcoolique qui abusait des
médocs,ellen’enfoutaitjamaisunedanslebardontelleétaitpropriétaireetpourcouronnerle tout, elle s’était enfuie avec un type, la quintessence de la classe sans nul doute, qui sefaisaitappelerLeCoq.
Argh.Après, j’allais sûrement apprendre qu’elle travaillait àmi-temps dans la boîte de strip-
teased’enface.Ilfallaitquejemetrouveuncoinsombrebienconfortablepourmeroulerenboule.
—Ilyaquelquesmois,elleadisparupendantquatresemaines,ditClyde.Alors,tun’asaucun souci à te faire. Tamaman… est quelque part là-dehors. Elle reviendra. Elle revienttoujours.
Jefermailesyeux.Ellen’avaitrienàfairelà-dehors.Saplaceétaitici,oùjepouvaisluiparler,où jepouvais luidemanders’il luirestaitunpeudecetargentqu’ellen’aurait jamaisdûtoucheretoù,surtout,jepouvaisluicrierdessuspourcompenserlefaitque,parsafaute,j’avaisperdulecontrôledemavie.
Clydemeserral’épaule.—Jepeuxt’appeleràsonretour,situveux.Cettepropositionme surprit tellementque je rouvris les yeuxd’uncoup, justeà temps
poursurprendreleregardemplidesous-entendusqu’iléchangeaavecJax.—Cen’estpaslapeinequeturestesici,mapoupée.Jetrouveçavraimentbienquetu
soisvenue,etjesuissûrqu’elle…—Tuveuxquejeparte?Lessourcilsfroncés, jesavaisquejevenaisdereprendredupoildelabête.Ilsepassait
visiblementbeaucoupplusdechosesquecesdeux-lànevoulaientl’admettre.—Maisnon,merassuraaussitôtClyde.Leproblème,c’estqu’aumêmemomentJaxrépondit:—Oui.Jeledévisageai,agacée.—Euh,jenecroispasquetuaiestonmotàdire,lebarman.Unecertainefroideurl’envahit.Sesyeuxmarroneurentsoudainl’airnoiretsamâchoire
se crispa…mais je soutins son regard, lemettant au défi deme contredire.Quand il restasilencieux, je me tournai de nouveau vers Clyde, qui sondait Jax du regard. Il se passaitquelque chose, et avecmamère, tout était possible. Je n’avais pas lamoindre intentiondepartir. Je ne le pouvais pas. Je n’avais nulle part où aller. Contrairement aux annéesprécédentes, je ne m’étais pas inscrite à l’université d’été parce que je n’en avais pas lesmoyens. Ça voulait dire que quand j’avais faitmes bagages pour revenir ici, j’avais dû toutemporteravecmoi.Lepeud’argentqu’ilmerestaitdevait tenir jusqu’àceque je trouvemamèreouunnouveaujob.Danstouslescas,jenepouvaispasmepermettred’alleràl’hôteloudelouerunappartement.EtilétaithorsdequestionquejedemandeàTeresadem’hébergeravantquetoutsoitrentrédansl’ordre.
Mon regardbalaya lebardécrépit,dansa sur les vieuxpanneauxde signalisationet lesphotos en noir et blanc accrochées auxmurs. Pour une raison ou pour une autre, je ne lesavaispasremarquéesavant.Sûrementparcequej’avaisététropoccupéeàdévorerlebarmandesyeux.Maisjelesvoyais,àprésent.
Derrière le bar, sous le panneau lumineux sur lequel était écrit « Mona’s » en lettrescursives,setrouvaitunephotoencadrée.
Marespirationsebloquadansmagorge.C’étaitunephotolumineuseetcoloréed’unefamille.Unevraiefamille.Lesdeuxparents
étaientbeauxetilssouriaient,visiblementheureux.Lamèretenaitdanssesbrasunbébéquin’avaitpasplusdequinzemois.L’autrepetitgarçon,vêtud’unpullbleu,avaitdixansetcinqmois. Il se tenait à côté d’une fillette qui venait d’avoir huit ans. Elle portait une robe deprincesse bouffante bleue. Avec son sourire éclatant, elle était tellement belle qu’elleressemblaitàunepoupée.
J’avaisenviedevomir.Ilfallaitquejesorted’ici.Aprèsavoirglissédutabouret,j’attrapaimonsacsurlebar.—Jereviens.Jax fronça les sourcils en me voyant m’éloigner, mais il eut aussi l’air… soulagé. Sa
mâchoiren’étaitpluscrispée,sesépauless’étaientdétendues. Ilétaitclairqu’ilétaitcontentdemevoirpartir,alorsquequelquesminutesplustôtilm’avaitinvitéeàboireunverre.
Etoui.J’avaisvujuste.Sapropositionn’avaitriendesérieux.Clydeessayadem’attraper,maisjel’évitaifacilement.—Pourquoiest-cequetunevienspast’asseoirdanslebureau,mapoupée?—Non.Çava.Avantqu’ilpuisse insister, jemeretournaietmeprécipitaihorsdubar,dans lachaleur
delanuit.Lorsquelaporteserefermaderrièremoietquemespiedstouchèrentlebitume,jesentis
unemaindeferm’enserrer lecœur.Denouvellesvoituress’étaientgaréessur leparking.Jedusslalomerentreellespouratteindrelamienne.
Concentre-toi,medis-je.Concentre-toisurleproblèmeàrésoudre.J’allaisretournerchezmamèreetfouillerletaudisquiluiservaitdechambre.Peut-être
quejetrouveraisoùelles’étaitbarrée.C’étaitlaseulechoseàfaire.Chassant l’image de la photo de famille, je contournai un vieuxmodèle de pick-up qui
étaitdéjàlàquandj’étaisarrivéeetapprochaidemavoiture.Le lampadaire était en panne et il faisait très sombre. Ma voiture baignait dans
l’obscurité.Jefisdemonmieuxpournepasprêterattentionaufrissond’appréhensionquimeremontait le longdudos.Aumomentoù jeposais lamainsur lapoignéedemaportière, jemerendiscomptequequelquechoseclochait.
Mesdoigtsserefermèrentsurdel’airtandisquejereculaisetmetournaisversl’avantduvéhicule.Alors,uneexclamationdesurpriseétrangléem’échappa.
Lepare-briseavaitdisparu.Àl’exceptiondequelquesmorceauxdeverreencoreaccrochésàlacarrosserie.Malgréle
manquedelumière,j’aperçusnettementlabriquesurletableaudebord.Quelqu’unl’avaitjetéeentraversdemonpare-brise.
4
—TuconduisuneFordFaux-Cul?Lesyeuxfermés, je laissaiéchapperunsoupirde frustration.Aprèsavoirdécouvertque
monpare-briseavait faitami-amiavecunebrique, j’avais ramenémes fessesdans lebar.Etsansm’enrendrecompte,jem’étaisretrouvéeàracontermesdéboiresàJax.
Malgrémonétatdechoc,j’avaisbienvuqu’iln’étaitpassurpris.Delacolèreétaitpasséesursonbeauvisageetavaitobscurcisesyeux,oui,maisdelasurprise?Non.Onauraitmêmeditqu’ils’yétaitattendu.
Et c’était bizarre.Même si ce n’était pas lemoment dem’en soucier, je n’avais pas lesmoyensderéparermonpare-brise.
Quandj’ouvrislesyeux,jemetournaiverslui.Jusqu’ici,jenem’étaispasrenducomptedesagrandetaille,maisàprésentqu’ilsetenaitdeboutàcôtédemoi,ilmedépassaitdeplusdetrentecentimètres.Ilmesuraitdoncàpeuprèsunmètrequatre-vingt-dix.Ilavaitlataillefineetilétaitclairqu’ils’entretenait.
—C’estuneFocus.—AussiconnuesouslenomdeFaux-Cul,rétorqua-t-ilenplissantlesyeuxpourobserver
lesdégâts.Merde.Lorsqu’iltenditlamainàtraversl’ouverture,jemecrispai.—Attention!dis-jeencriantpresque.Jecomprisquej’exagéraisunpeuquandilmejetauncoupd’œilperplexe.—Leverre,çacoupe,expliquai-jecommeunedemeurée.Seslèvresseretroussèrent.—Oui,jesais.Jevaisfaireattention.Ilramassalabriqueetlatournadanssagrandemain.—Putain.Si j’essayaisdecalculer lecoûtde la réparation, j’allais finirenposition fœtaledansun
coin.
Jaxjetalabriqueparterre,puissetournaversmoi.Enprenantmamaindanslasienne,plusgrandeetpluschaude,ilm’entraînaverslebar.Lecontactdesapeaumenoual’estomac.Commej’étaisunpeuderrièrelui,j’avaisunevuedégagéesursonpostérieur.
Pourcouronnerletout,ilavaituntrèsbeaucul.Ilfallaitvraimentquejerevoiemespriorités.—Jevaisenvoyerquelqu’unpourjeterunœilàtavoiture,dit-il.Safouléerapidem’obligeaitàmarcherplusvite.Jeclignailesyeux.—Tune…—Undemesamis travailledansungarage,àquelqueskilomètresd’ici. Ilmedoitune
faveur,poursuivit-ilcommesijen’avaisjamaisparlé.Aprèsavoirouvertlaportesiviteetsifortquej’euspeurqu’ellesortedesesgonds,ilse
précipitaàl’intérieur.—Resteici,medit-ilavecunregardd’avertissement.—Mais…Ilme lâcha lamain et se tourna versmoi, empiétant surmon espace vital. Ses bottes
touchaient mes orteils, son odeur m’enveloppait. Il baissa la tête. Par habitude, je luidissimulaima jouegauche,maisquand ilposa lamainsurmonmentonpourm’obligerà leregarderdanslesyeux,jehoquetaidesurprise.
—Resteici,répéta-t-il.J’enaipouruneminute.Grandmax.Uneminutepourfairequoi?—Promets-le-moi.Priseaudépourvu,jem’entendismurmurer:—D’accord.Ilmedévisageaencoreun instant,avantde s’éloigner.Moi, la seulechoseà laquelle je
pensais,c’étaitlesmotsqu’ilavaitprononcésplustôt:«J’aivraimentenviedeteconnaîtreenprofondeur.»Grâceàdelonguesetgracieusesenjambées,ildisparutrapidementderrièrelestablesdebillard,endirectiondelacuisine.
Jerestaiplantéelà.Moinsd’uneminuteplustard,ilréapparutavecdesclésdevoiture.Enchemin,ils’arrêta
prèsdelaserveusequej’avaisvueunpeuplustôtetl’attrapaparlebras.—Tupeuxt’occuperdubarjusqu’àcequeRoxyarrive?Lafemmemejetauncoupd’œilavantdereportersonattentionsurJax.—Biensûr.Toutvabien?Jax l’amena avec lui à l’endroit où j’avais les pieds vissés par terre. De près, elle était
vraimentjolie.Elledonnaitl’impressiond’êtredanslatrentaine,pourtant,ellen’avaitaucuneride.
—VoiciPearlSanders,dit-il,avantdemedésignerd’ungestedelamain.
—EtjeteprésenteCalla,lafilledeMona.Pearlmedévisagea,bouchebée.Argh.Puistoutàcoup,elleavançaversmoietmeserrabrièvementdanssesbras.Cettefois,
c’estmoiquirestaisansvoix.—C’estunplaisirdeterencontrerenfin,Calla.(EllesetournaversJaxetretiralestylo
placéderrièresonoreille.)Prendsbiensoind’elle,d’accord?—Biensûr,marmonnaJaxcommesic’étaitladernièrechosequ’ilavaitenviedefaire.De toute façon, c’était stupide. Jen’avais pasbesoinqu’on s’occupedemoi et jene lui
avais absolument rien demandé. Où était passé le mec qui avait voulu me connaître « enprofondeur»?
—Jecroisquej’aibesoin…—Viens.Jax me prit de nouveau par la main. Avant d’avoir eu le temps de protester, je me
retrouvai de nouveau dehors, près du pick-up garé devant ma pauvre voiture. Il ouvrit laportièrecôtépassager.
—Monte.Jemefigeai.—Pardon?Iltirasurmonbras.—Monte.Melibérant,jepoussailaportepourlafermer.—Jenevaisnullepart.Ilfautquejem’occupede…—Detavoiture,termina-t-ilàmaplace,latêtepenchéesurlecôté.La lueur argentée de la lune illuminait ses pommettes saillantes et caressait les traits
anguleuxdesonvisage.—Jecomprendsbien.Etcommejetel’aidéjàdit,unamivas’encharger.Clydeesten
traindel’appeler.Etheureusement.Moncerveauavaitdumalàsuivre.—Pourquoi?—Parcequ’ilvapleuvoir.Jeledévisageai.Quoi?Ilprévoyaitaussilamétéo,maintenant?—Onlesentdansl’air…unebruinedefindeprintempsetdedébutd’été.(Ilsepencha
versmoi. Je tournai aussitôt la tête à gauche.) Prends une grande inspiration, chérie, et tusentirasl’odeurdelapluie.
Pour une raison qui m’échappe, je lui obéis. Et oui, d’accord, l’air avait un parfummusqué,unparfumd’humidité.Jegrognai.Sanspare-brise,l’eauallaitfairedesdégâts.
—Donconvas’occuperdetavoitureavantqu’ilcommenceàpleuvoir,termina-t-il.
—Mais…— Je ne crois pas que tu aies envie de conduire avec desmorceaux de verre sous tes
joliesfessesetlescheveuxauvent.—Euh,OK.Bienvu,mais…—Mais rien. Je t’emmène loin d’ici. (Il soupira et se passa lamain dans les cheveux.)
Écoute.Onpeutresterlàetsedisputerpendantdixminutes.Lerésultatseralemême.Tuvasmonterdanscepick-up.
Jefronçailessourcils.—Laisse-moiterappeleruntruc.Jeneteconnaispas.Genre,pasdutout.— Et je ne suis pas en train de te demander de te déshabiller pourme faire un show
privé.(Ils’interrompitetmedétailladespiedsà latête.)Mêmesi l’idéemeplaîtbeaucoup.Elleseraittrèsmauvaise,maisellemeplaît.
Il me fallut une seconde pour comprendre ce qu’il était en train de dire. J’en restaibouchebée.Marmonnantdanssabarbe, ilsepositionnaderrièremoipuisplaçasoudainsesmainssousmesaisselles.Lasurprisem’empêchaderéagir.Sesmainsétaientincroyablementlargesetarrivaientvraimenttrèsprèsdemapoitrine.Enfait,leboutdesesdoigtseffleuraitlarondeurdemesseins.Unevaguedefrissonsinattendusglissasurmescôtes.
Alors,ilmesouleva.Littéralement.Jenetouchaisplusterre.—Baisselatête,chérie,m’ordonna-t-il.J’obéisparcequ’entrenous jen’avaispas lamoindre idéedecequiétaiten traindese
passer.Jemeretrouvaiassisedanssonpick-uptandisquelaporteserefermait.MonDieu.Jemepassailesmainssurlevisage.Quandjelesretirai,jeleviscourirdel’autrecôté.Ilmontaenvoitureenunriendetempsetfermasapropreportière.
Unefoisattachée,jedébitailapremièrechosequimepassaparlatête.—TuconduisuneChevrolet?Ileutunsouriretaquin.—Tusaiscequ’onditàproposdesChevrolet.—Ouais,qu’ilvautmieuxpousseruneChevroletqueconduireuneFord?(Je levai les
yeuxauciel.)Vachementlogique.Jaxricanaetdémarra.Jerestaisilencieusependantqu’ilquittaitleparkingets’engageait
surlaroute.Lefaitqu’ilaitflirtéavecmoiplustôtetladisparitiondemamèren’étaientplusmapriorité.Jememordislalèvreinférieure.
—D’aprèstoi,combiençavamecoûterpourmonpare-brise?demandai-je.Ilmejetauncoupd’œilenbiaisens’arrêtantaufeuprèsducentrecommercial.—Aumoinscentcinquantedollars.Sûrementplusparcequ’ilvafalloirleremplacer.Avec un pincement au cœur, je déduisis cette somme de ce qui me restait sur mon
compteenbanque.Jegrognai.—Génial.
Jaxneditrien.Quandlefeupassaauvert,iltraversal’intersection.—Tudorsàl’hôtel,jesuppose.Jereniflai.Cen’étaitpastrèsélégant.—Euh,non.C’estbeaucouptropcher.—Tucomptesallercheztamère?Savoixtrahissaitsonincrédulité.—Oui.Ilregardaitdroitdevantlui.—Maisellen’estpaslà!—Etalors?C’estmamaisonàmoiaussi.(Jehaussailesépaulesetposailesmainssur
mesgenoux.)Jenevaispasdépenserdel’argentpourunechambred’hôtelalorsquejepeuxdormirquelquepartgratuitement.
Mêmesic’étaitledernierendroitoùj’avaisenvied’aller.Jaxrestasilencieuxpendantunlongmomentavantdemedemander:—Tuasmangé?Les lèvres pincées, je secouai la tête. Je n’avais rien avalé depuis le petit déjeuner et
encore, j’avais seulement ingurgité une barre de céréales, trop stressée pour mangerdavantage.Monestomacgargouilla,visiblementagacéquejeneluiprêtepasplusd’attention.
—Moinonplus,commenta-t-il.Ons’arrêtadansunfast-food.Commej’avaisfaim,jecommandaiunhamburgeretunthé
glacébiensucré.Maisletempsquejeretrouvelepeud’argentliquidequej’avaissurmoi,Jaxavaitdéjàpayé.
—J’aidessous,luidis-jeenbrandissantmonportefeuille.Ilmeregardacommes’ilnemecomprenaitpas,lebrasnonchalammentposésurlebord
delavitre.— Tu as commandé un hamburger et du thé. Je crois que je peux me permettre de
t’inviter.—Maisj’aidessous,insistai-je.Ilhaussaunsourcil.—Etjen’enaipasbesoin.Jesecouailatêteetouvrismonportefeuille.—Combienest-cequeça…Hé!Ilm’avaitarrachémonsacdesmains.—Qu’est-cequetufais?—Commejetel’aidit,chérie,jen’enaipasbesoin.Refermantmonporte-monnaie, il le rangeadansmonsacet fourra le toutderrière son
siège.Jel’assassinaiduregard.—C’estvraimentpascool.
—Cequiseraitcool,c’estquetumeremercies.—Jenet’aipasdemandédepayerpourmoi.—Etalors?Saréponsemelaissaperplexe.Ilmefitunclind’œil.Je reculai. Ce simple geste avait suffi pour quemes ovaires se réveillent : «Wouhou !
Quandtuveuxoùtuveux!»Ilfallaitvraimentquejefasseunpeuplusattentionàmalibido.Çadevenaitdugrandn’importequoi.
Cemecmerendaitlégèrementdingue,maisquiauraitpum’envouloir?Uneminuteplus tard,onétaitdenouveau sur la route,ungrand sacdenourriture sur
mesgenouxetdeuxthésglacésposésdansleporte-gobelet.Jen’avaispasfaitattentionàcequ’ilavaitcommandé,maisvulepoidsdusacchaudquisentaitdélicieusementbonsurmesgenoux,ils’agissaitsansdoutedelamoitiédelacarte.
—Tuneressemblespasdutoutàtamère,medit-ilsoudain.C’étaitvrai.Mamèreseteignaitlescheveuxenblonddoré,oudumoins,çaavaitétéle
cas.Comme je ne l’avais plus vuedepuis longtemps, elle avait peut-être changé. Le jour oùj’avaisquittéPlymouthMeetingpourmerendreàShepherd,elleétaitl’ombred’elle-même.
—Savie…aétédifficile.Elleétaitvraimentbellequandelleétait jeune,m’entendis-jedire.
Tournéeverslafenêtre,j’observaislesrangéesdefast-foodsdisparaître.—J’imagine.Surtoutsielleteressemblait.Jerelevaivivementlesyeuxverslui,maisilnemeregardaitpas.Ilnesouriaitpasnon
plus. Rien dans son expression ne laissait croire qu’il me charriait. Pourtant, je n’étais pasbelleetçan’avaitrienàvoiravecunproblèmedeconfianceenmoi.J’avaisunecicatricequimebarraitlajouegauche.Engénéral,cen’étaitpasbeauàvoir.
J’ignorais à quoi jouait Jax et je n’avais pas l’intention de le découvrir. J’avais desproblèmesbienplusimportants.
Toutefois,quandjemerendiscomptequeJaxquittaitlarouteprincipalepouremprunterunraccourci,jenepusm’empêcherdeledévisagerencoreunefois.
—Tusaisoùsetrouvelamaison?Ilgrommelaquelquechosequidevaitsansdouteêtreunoui.—Tuyesdéjàallé?Samainsecrispasurlevolant.—Uneoudeuxfois.Unepenséeterribleseformadansmatête.—Pourquoiest-cequetuesalléchezelle?—«Chezvous»,tuveuxdire?—Euh,non.J’yaipeut-êtrevécuquandj’étaisaulycée,maisjenem’ysuisjamaissentie
àl’aise.
Ilm’observaavantdereportersonattentionsurlaroute.Unmomentpassa.—Lapremièrefoisque jemesuisrenducheztamère, j’étaisavecClyde.Mona…avait
tropbu.Elleétaittellementtorchéequ’onacruqu’onallaitdevoirl’emmeneràl’hôpital.Jegrimaçai.— Après, je suis revenu plusieurs fois quand on s’inquiétait pour elle parce qu’on ne
l’avaitpasvuedepuisdesjours.(Ils’étaitdétenduettapaitàprésentdesdoigtssurlevolant.)Detempsentemps,ClydeetPearlpassentpourvérifierqu’ellevabien.
—Ettoi?Tupassesaussi?Ilhochalatête.Je me mordis les lèvres et essayai de ravaler l’affreux sentiment de culpabilité qui
menaçaitderemonterle longdemagorge.Cesgens,àl’exceptiondeClyde,étaientplusoumoinsdesétrangers.Etmoi,saseulefamille, jenefaisaismêmepas l’effortdevenir,mêmeunefoisparan,pourm’assurerquemamèreétaitvivanteetqu’ellen’avaitpasfiniparfaireuneoverdose.Parcequejesavaistrèsbienquec’étaitdecelaqu’ils’agissait.
Jetentaideréprimermaculpabilité,envain.—Jenesuispasprochedemamère.Ona…—Calla,j’aicomprisquevousn’étiezpasproches.Net’enfaispas,mecoupa-t-ilavecun
souriredangereux.Ilétaitdangereux,cesourire,parcequeJaxnepouvaitignorerl’effetqu’ilproduisaitsur
moi.Etils’enservaitàtout-va.—Tun’aspasàtejustifier.—Merci,murmurai-jesansréfléchir.Jemesentisstupide.Jaxhochalatête.Lerestedutrajetsefitensilence.Ilsegaradansl’alléeetmesurpritenmesuivant,les
deuxthésglacésàlamain.Tandisquejedéverrouillaislaporte,jelevailesyeuxverslui.—Tun’espasobligéd’entrer.—Jesais,répondit-il,toutsourire,maisjepréféreraisnepasmangerdansmavoitureen
conduisant.Çanetedérangepas?Le« si »était sur leboutdema langue,maisma tête,elle, semblaitavoirunevolonté
propre.Jeluifisdoncsignequenonetouvrislaporte.—Super.Jaxmedépassaetentraavantmoi.—Faiscommecheztoi,grommelai-je.Il nem’entendit pas car il s’était déjà avancé et appuyait sur les interrupteurs sur son
passage.Ilobserval’intérieurdelamaisonavecinquiétudeetgravité,commes’ils’attendaitàvoiruntrollsurgirdesouslecanapémiteux.Jelesuivisdanslacuisine.Quandilmeditqu’ildevaitallerauxtoilettes,jeposailesacsurleplandetravailetydéchargeaisoncontenu.
J’eusdenouveau lapreuvequ’il étaitdéjàvenu ici : iln’utilisapas la salledebainsdubas. Je l’entendis monter les escaliers, mais je n’arrivais pas à réfléchir, ni à comprendrepourquoi.Moncerveauétaitdéjàensurchauffe.
LorsqueJaxredescendit,j’avaisfinipartrouvermonhamburgeraumilieudetoutcequ’ilavaitcommandé.
Iltiraunechaiseàmadroiteets’yassitavecgrâce.—Bon,fit-ilenlaissanttraînerlasyllabe.(Ildéballaunsandwichaupoulet.)Tucomptes
restercombiendetemps?Jehaussailesépaulestandisquejeretiraislescornichonsdemonhamburger.—Jenesaispasencore.— Pas très longtemps, je suppose. Il n’y a pas grand-chose à faire dans les parages et
commetamèren’estpaslà,tun’aspasvraimentderaisonderester.(Ilmarquaunepause.)Tunemangespastescornichons?
Quandjesecouailatête,ilseservit.Jen’avaispasenviedeparler.J’eusletempsd’avalerdeuxbouchéesavantqu’ilenchaîne.—Tuesàlafac?ÀShepherd?Mamainsefigeaàmi-chemindemabouche.—Commenttulesais?À présent, ilmangeait un hamburger. Il déposa les cornichons que je lui avais cédés à
l’intérieur.—Clydeparledetoidetempsentemps.Monaaussi.Jemecrispaidelatêteauxpiedsetmonestomacsesouleva.Cequemamèredisaitsur
moinedevaitpasêtretrèsglorieux.Lesilenceretomba.Ilretiralepainduhautdesonsandwichetlepliacommeunburrito.—Qu’est-cequetuétudies?Jelaissaitombermonhamburgeràmoitiémangédanssonemballage.—Jeveuxdevenirinfirmière.Ilhaussalessourcilsetsiffladoucement.—Tuviensderéveillerundemesvieuxfantasmes…Jeluilançaiunregardnoir.Ilsourit.—Pourquoiest-cequetuaschoisiça?Toutenenroulantmonhamburgerdanssonpapier,jehaussaidenouveaulesépaules.Je
savais très bien pourquoi,mais ce n’était pas facile pourmoi d’en parler. Alors, je préféraichangerdesujet.
—Ettoi?—Tuveuxdire,qu’est-cequejefaisàpartbarman?Ilterminasonhamburgeretattrapadesfrites.
—C’estça,luidis-jeenl’observant.Endehorsdetegoinfrer.Jaxeutencorecerirerauqueetsexy.—Pourl’instant,seulementça.Maisj’aidéjàfaitpasmald’autreschoses.Commemoi,Jaxnerentrapasdanslesdétailsetjen’endemandaipasplus.Ducoup,ça
limitaitlaconversation.—Frites?Jesecouailatête.—Oh,allez!C’estlemeilleurdanslefast-food!Tunepeuxpasrefuser.(Sonregardse
fitencorepluschaleureux.)Cen’estquedugras,desglucidesetdusel.Leplaisiràl’étatpur.Jeréprimaiunsourire.—Tun’aspasl’airdemangerbeaucoupdeglucides.Ilhaussaunedeseslargesépaules.— Je cours tous les jours et je vais à la salle de sport avant d’aller au bar. En
contrepartie, je mange ce que je veux, quand je veux. La vie est triste quand tu passes lamoitiédutempsàtepriver.
Jenelesavaisquetropbien!Alors, j’acceptai une frite. Puis deux. Bon, d’accord peut-être cinq…avant deme lever
pourjeterlesdéchetsàlapoubellequi,étonnamment,disposaitd’unsacpropre.Pendantqueje me lavais les mains, Jax se leva et se dirigea vers le frigo. Quand il l’ouvrit, il laissaéchapperunlégersifflement.Jen’avaispaslamoindreidéedecequ’ilvoulait.Lefrigoétaitvide,àl’exceptiondecondiments.
Il referma la porte et s’appuya contre le plan de travail. Après avoir observé lesmursjaunevifqueClydeavaitpeintsavantqu’onemménage,etlasurfaceérafléedelapetitetableronde à laquelle on avait mangé, il prit une grande inspiration et son beau visage se fitsoudain extrêmement sérieux. Mâchoire crispée. Lèvres pincées. Yeux sombres, presqueacajou.
—Tunepeuxpasresterici,annonça-t-il.Jeclignailesyeuxetmedéplaçaidefaçonàcequ’ilnevoiequemoncôtédroit.—Jecroyaisqueladiscussionétaitclose.—Iln’yarienàmangerdanslefrigo.—Ouais,jem’enétaisrenducompte.(Jem’interrompisetcroisailesbras.)Iln’yaurait
rienàmangernonplusdansunechambred’hôtel,etenplusjel’auraispayée.QuandJaxsetournaversmoi,jebaissailesyeux.Ilavaitleshanchesétroitesetlataille
fine.C’étaiteffectivementuncoureur.—Leshôtelsnesontpassichersqueçadanslecoin.L’agacement commençait à me gagner. Je savais que, tôt ou tard, j’allais devoir me
rendre au supermarché, parce que si je restais, j’allais avoir besoin de manger. J’avaiségalementbesoindemavoitureetDieuseulsavaitcombienlaréparationallaitmecoûter.Je
savaistrèsbienqueplusjerestaisici,plusj’allaisdilapidermeséconomies,maisjen’avaispaslechoix.Jen’avaisnullepartoùaller,jusqu’àlarentrée.
Dumoins,sionacceptaitd’augmentermabourse.Danslecascontraire…Jetrouveraispeut-êtreunejoliepiècecapitonnéedanslaquellemeroulerenboule.MaisJaxn’avaitpasbesoindesavoirtoutça.—Mercidem’avoir raccompagnéeetdem’avoiroffert àmanger. Je t’en suis vraiment
reconnaissante. Et si tu peux me dire qui je dois contacter pour mon pare-brise, ce seraitgénial.Enattendant,jecommenceàêtrefatiguée,alors…
Tout à coup, Jax se retrouva devantmoi. Je ne l’avais pas vu bouger. Je hoquetai desurpriseetmeplaquaiunpeupluscontreleplandetravail.
—Tun’aspasl’airdecomprendrecequejesuisentraindetedire,chérie.Apparemmentnon.—Tamèreestfêlée.Tulesais.Lesavoirétaitunechose.L’entendredesaboucheenétaituneautre.—Écoute,elle…— … Ne sera pas élue meilleure mère de l’année ? Ouais, sans aucun doute, dit-il
pendantquejeserraislespoings.Etellen’aurapasleprixdelameilleurepatronnenonplus,maisjenet’apprendsrien.
—C’estquoi lerapportavec le faitque jereste iciounon? luidemandai-jed’unevoixcassante.
—Tunedevraispasêtredanscetteville,etencoremoinsdanscettemaison.Alorslà…jenem’étaispasdutoutattendueàça.—Hein?— Prends une chambre à l’hôtel ce soir. Dès que ta voiture sera prête, tu pourras
éloigner ton joli petit cul d’ici. Avec un peu de chance, ce sera demain après-midi. Et nereviensjamais.Cen’estpaslapeine.
OK.Cettefois,c’étaitlagoutted’eauquifaisaitdéborderlevase.J’enavaispar-dessuslatête de tout ça. Je n’en avais rien à faire que Sexy Barman soit sans doute lemec le plusmignonquej’avaisjamaisvu,niqu’ilavaiteulagentillessedemeramenericietdem’acheteràmanger.Niqu’ilpensaitquej’avaisunjoliculetunebellepairedejambes.
Oublianttoutlereste,jem’engageaidanslamêlée.—Répondsàuneseulequestion.Sesyeuxbrunsrencontrèrentlesmiens.—Vas-y.Mavoixsefitfaussementmielleuse.—Pourquituteprendspourmedictercequejedoisfaire?Ilclignalesyeux,hébété,avantderejeterlatêteenarrièreetd’éclaterderire.
—Tuasunsacrécaractère.J’aimeça.Saréactionm’énervaencoreplus.Sansparlerdufaitquec’étaitplutôtmalsain.—Jeneteretienspas.Casse-toi.—Pasavantquetucomprennescequisepasseici.Jaxposalesmainssurleplandetravail,dechaquecôtédemeshanches,puissepencha
enavant,pourm’emprisonnercomplètement.—Tuvasm’écouterattentivement.Jelevailesyeuxverslui.J’étaisincapabledemesouvenirdeladernièrefoisqu’unmec
m’avaitapprochéed’aussiprès.—Calla,dit-il.(Jefrissonnai.L’inflexiondesavoixétaitgraveetdouce.)Jenecroispas
quetuterendescompteàquelpointMonaatouchélefond,nicequeça impliquepour lespersonnesquilaconnaissent.
L’oxygènesebloquadansmespoumons.—Maistuvasmeledire?—Cen’estpasagréableàentendre.—Jem’endoute.Sonregardnequittaitpaslemien.—Depuisdeuxans,cettemaisonest ledernierendroità lamodepour faire la fête.Je
parledesfêtesauxquelleslespersonnesavecplusdedeuxneuronesenétatdemarcheaimentserendre.Lapolice faitsouventdesdescentes ici.C’estplusoumoinsdevenuunrepairededrogués.Jeneseraispassurprisquetutrouvesdespipesàcrackdansuntiroirdelacuisine.
Bonsang…—Lesgensavecquielle traîne?Desrebutsde lasociété.Tunepeuxpas tomberplus
bas.Niêtrepluspourri,d’ailleurs.Maistoutça,cen’estpaslepire.—Ahnon?Qu’est-cequipouvaitêtrepirequemamèrevivantdansunrepairededrogués?Unlabo
deméthamphétamines,peut-être?—Elles’estmisàdosungrandnombredecespourris,reprit-il.(Jesentismonestomac
seretourner.)Àcequej’aientendu,elleleurdoitpasmald’argent.Etsonmec,LeCoq,aussi.Alorscommeça,elledevaitencoreplusd’argentquejenel’avaiscru.MonDieu.C’était
depireenpire.—Clydeneveutsûrementpasquetulesaches,maisjenecroispasquetelaisserignorer
toutcemerdiersoit lameilleuresolution.DestypesenveulentàMona.Lepare-briseenestunbonexemple.
—Quelrapportavecmonpare-brise?—Tuesd’abordvenueici,pasvrai?Quelqu’unquisurveillaitlamaisonadûtevoireta
décidé de t’envoyer un avertissement. Ils n’ont peut-être pas conscience que tu es de sa
famille,maisilsontlapreuvequetulaconnaispuisquetueslà.Biensûr,çapourraitêtreunecoïncidence,maisj’endoute.Espéronsqu’ilsn’apprennentpasquetuesdesonsang.
Putaindemerde.Ça sentaitmauvais.Ma respiration s’emballa enmême tempsque lesbattementsdemoncœur.Onvenaitd’atteindreunniveaudemerdierdecompétition.
—Bon, je vois que tu commences à comprendre, dit-il d’une voix douce, presque aveccompassion.Çanepeutallerqu’ens’aggravant,surtoutsielleresteterréedanssontrou.
En l’écoutant parler, je tournai la tête à gauche. Ses paroles prenaient tout leur sens,élicitaient un frisson qui me remontait le long de la colonne vertébrale. J’aurais encorepréféréunlabodeméth.
OhMaman,dansquelpétrint’es-tufourrée?Entendreparlerdesavie,oudumoins,decequ’elleenavait fait,étaitdouloureux.Je
sentisressusciterenmoiunesensationque j’avaiscruavoirenterréedesannéesplustôt,unbesoin quim’avait longtemps rongée de l’intérieur, une envie de la sauver… de sauvermamaman.
Deuxdoigtsseposèrentsousmonmentonetmeforcèrentàredresserlatête.MesyeuxécarquillésplongèrentdenouveaudansceuxdeJax.
—Ilspourraientseservirdetoipourl’atteindre.À cette pensée,mon esprit se referma comme une huître. Ça faisait beaucoup trop de
chosesà intégrer.Mamèrem’avaitvoléde l’argent.Untaréavaitcassémonpare-briseavecunebriquepoursevenger…ÇaressemblaitàunscénariodefilmdesérieB.
—Chérie,jet’assurequelemieuxàfaire,c’estdeprendretavoitureetdeneplusjamaisrevenir,merépéta-t-il,avecunregardd’acier.Iln’yarienpourtoiici…
Endisantça,Jaxavaitpresquel’airdéçu.J’arrêtaiderespireretsesyeuxquittèrent lesmienspourglisserjusqu’àmeslèvresentrouvertes.Quandilrepritlaparole,savoixavaitprisunenoteplusrauque.
—…Seulementdesproblèmes.
5
Je ne partis pas le lendemain comme Jax m’avait ordonné de le faire. D’une part, jen’avais toujourspas récupérémavoiture et,de l’autre, il n’avait absolumentpas ledroitdemedictermaconduite.Leproblème,c’étaitquejenesavaispasquoifaire:cherchermamèreetdécouvrirdansquoielletrempaitenespérantrécupérermessous?
L’idée que l’argent fût complètement dilapidé me terrifiait tellement que j’évitais d’ypenser.Danstous lescas, jen’avaisquedeuxoptions : rester ici tout l’étéouvivredansmavoiture.Enfin…dèsquejel’auraisrécupérée.
Toutefois, la situation était beaucoup plus compliquée que ça. Bien sûr, toute ma viedépendaitduproblèmed’argent,maisc’étaitsurtoutmamèrequim’inquiétait.
Avantdepartir,Jaxm’avaitproposédedéposermonjolipetitculà l’hôtelet ilm’avaitmêmeoffertdepayer.J’avaisrefusé.Jenevoulaisriendevoiràpersonne.Endernierrecours,ilavaitmenacéd’appeleruntaxi.
Etilavaiteul’audacedemedire:— Je sais que tu es plus futée que ça, chérie. Je te donne quarante minutes pour te
reprendreetquandletaxis’arrêteradevantcheztoi,tumeferasleplaisird’asseoirtespetitesfessesdedans.
Etpuisquoi,encore?Quandletaxis’étaitgaréetavaitklaxonnépendantunebonneminute,j’avaisfaitcomme
siderienn’étaitetilavaitfiniparrepartir.D’accord,c’étaitgentilde lapartdeJax…voire limitebizarreet surprotecteur.Mais je
n’avaispasletempsdem’appesantirsursoncomportement.J’avaispasséunetrèsmauvaisenuitsurlecanapé,puisunebonnepartiedelamatinéeà
fouillercequemamèreappelaitsachambre.Jen’yavaisrientrouvéd’intéressant,mêmepasunepipe à crack. Par contre, sonplacard renfermait plusieurs objets que j’aurais préférénepasvoir.
L’und’euxétaitunephotodemoiquandj’avaishuitouneufans.L’autreétaituntrophéedecinquantecentimètresdehaut,couvertdebrillantsetdepaillettes.Lesreliquesd’unpassé
quinem’appartenaitplus.Après les avoir rangées au fonddu placard, sous un jean, jemepréparai pour aller au
bar.Matenueimportaitpeu,maisj’appliquaimonmaquillageavecsoin,defaçonàcequemacicatriceparaissemoinsrougeetpresqueinvisibleàdistance.Jesortaisparfoisavecdesvieuxsweatsetdestee-shirtsàtrous,maisj’étaisincapabledemettrelenezdehorssansunecoucheépaissedefonddeteintsurlevisage.Unefoisprête,j’appelaiClyde.Lesrelevésbancairesdemamèreetlesindicessursadisparitionnepouvaientsetrouverqu’àunseulendroit.
Clydearrivaunpeuaprèsmidi.Jel’attendaissurleperron.Jegrimpaidanssonpick-up,uneFordbienplusvieilleque lamienne,etm’attachaiavantqu’ilaiteu le tempsd’extirpersoncorpsimposantdelavoiture.
—Mapoupée…—Commejetel’aiditautéléphone,ilfautquej’ailleaubar.Jenet’auraispasappelési
j’avaiseumavoiture.—Jaxs’enoccupe.Jefronçailenezetlaissaitombermonsacsurmesgenoux.—C’estrassurant,marmonnai-je.Cen’étaitpas très sympademapart.Mêmes’il s’étaitmontré légèrementautoritaire, il
m’avaitbeaucoupaidée.Setournantdetoutsonpoidssurlesiège,Clydemeregardadanslesyeux.—Mapoupée,reprit-il.Tucomptesvraimentresterdanscettemaison?Jesoupiraietenfilaimeslunettesdesoleil.Ellesétaientjolies.C’étaitdescontrefaçons,
maisjetrouvaisqu’ellesm’allaientbien.—Danslerepairedescamés?Ouais.Jeneprendraipasdechambreàl’hôtel.—Calla…— Jax a déjà essayé de m’en payer une. Il m’a même appelé un taxi ! (Malgré mes
gesticulations,jenemanquaipaslagrimacedeClyde.)Mamère…Ellem’afaitunsalecoup,c’estvrai,maisjepréfèreêtreàmaplacequ’àlasienne.
Leslèvrespincées,ilpassalamarchearrière.—Ouais,moiaussi.Unfrissonmeparcourut.—Lasituationestsiterriblequ’ill’alaisséentendre?UnepetitepartiedemoiespéraitqueClydemediraitqueJaxavaittendanceàexagérer.Jen’euspascettechance.Mêmesijen’avaispasélaboré,ilgrognasonassentiment.—Jenesaispascequ’ilt’aditexactement,maisj’imaginequ’ilnet’apastoutraconté.Je fermai les yeux etme concentrai sur le son des pneus qui avalaient les kilomètres.
MonDieu, qu’est-ce que j’étais en train de faire ? Peut-être que j’auraismieux fait d’aller àl’hôtelfinalement,ouderentreràlafacetd’appelerTeresa.Non.Jem’empêchaid’allerplus
loindansma réflexion. Jase et elle avaientdegrandsprojets pour l’été.Voyager.Aller à laplage.Lesoleil,lesable.Pasquestiondegâchertoutçaenl’embêtant,enlesembêtant,avecmesproblèmes.Detoutefaçon,squattersurleurcanapéétaittropspontané.Jedétestaisça.
Delonguesminutess’écoulèrentavantqueClydereprennentlaparole.—C’estvraimentladernièrechosequejesouhaitaispourtoi.Jegardailesyeuxfermés.—Revenirici,jeveuxdire.Tusais,mapoupée,j’aitoujoursétéhonnêteavectoi,alors,
jecomptebiencontinuer.Lecœurauborddeslèvres,jerepensaiàcequeJaxm’avaitdit.Qu’iln’yavaitrienpour
moiici,àpartdesproblèmes.—Jenevoulaispasquetureviennesparcequeplusrienn’estcommeavant.Laseulequi
n’apaschangé,c’esttoi,mapoupée.Ilyadeschosesquetun’aspasbesoindesavoir.Jamais.J’ouvrislesyeuxengrand.—Tuasunbon fond.Çaa toujours été le cas,malgré tout ceque t’a fait subirMona,
avantetaprèsl’incendie.Unedouleurseréveilladansmapoitrineavantdes’étendredanstoutmoncorps,jusqu’à
lacicatricesurmajoueettouteslesautres.Plusprofondes.J’avaisl’impressionqueças’étaitproduitlaveille.L’incendie.
—Maistusaistrèsbienquetunepeuxpassauvertamère.—J’enaiconscience,murmurai-je,lagorgesoudainserrée.Jenesuispasvenuepourça.
Ellem’amisdanslepétrin,Clyde.Jen’aipasmenti.Iljetauncoupd’œilentendudansmadirection.—Jetecrois.Maisjeteconnais,maintenantquetusaisquetamèreadesproblèmes,tu
vasvouloiressayerdel’aider.Jeprisunegrandeinspiration.—Alors, je te le dis encoreune fois. Tunepeuxpas sauverMona. Il n’y a plus rien à
faire.Tuferaismieuxderetourneràlafacetdenejamaisregarderenarrière.Unboldebiscuitssalésavaitétéposésurlebureauenchêneéraflé,danslasallesituée
au bout du couloir qui menait aux toilettes. Il y avait deux meubles à tiroirs derrière lebureau et un canapé en cuir collé aumur qui, étonnamment, paraissait neuf. Bien plus, entoutcas,queceluisurlequelj’avaisdormilaveille.
Jen’avaispaspumerésigneràdormirdansmachambre,àl’étage.Je n’avais jamais géré un bar et je n’étais pas un génie desmaths,mais le fait que les
relevésdebanque,lesreçusetlesfacturessoientbienrangésprouvaitdeuxchoses.Une : il était impossible que ma mère s’en fût occupée. Dans le dictionnaire, pour
illustrerlemot«désorganisé»,ilyavaitunephotod’ellequisouriaitdetoutessesdents.Çasignifiaitquequelqu’und’autretenaitlescomptes.Jedoutaisqu’ils’agissedeClyde.Dieusaitquejel’aimais,ilétaitd’unehonnêtetésansbornes,ilexcellaitdanssonrôled’uniquemodèle
parentalpositifetdéchiraitencuisine,maispourtoutcequiétaitfinancier…ilbrillaitunpeumoins.
Deux : j’avais appris que le bar neperdait plus d’argent commeunpanier percé.Cetterévélation m’avait laissée bouche bée. Si ma mère avait dilapidé tout mon argent et sansdoute le sien, j’aurais cru qu’elle se serait ensuite attaquée au bar. Surtout qu’il n’était pasdanslesmeilleuresconditions.
Ouais,enréfléchissantbien…Commej’étaistouteseule,j’enavaisprofitépourinspecterlebar.Aprèsm’avoirexpliqué
quema voiture n’était plus sur le parking,mais dans un garage oùmon pare-brise était entraind’êtreremplacé,Clydes’étaitrenduencuisinepourfaireleménage.
Jenevoulaispaspenseràlanotequej’allaisdevoirpayer.Avant que je parte à la fac, leMona’s était très sale. Le comptoir du bar collait, le sol
aussi,maisonnesavaitpaspourquoi.Lesrobinetsétaientcassés.Onoubliaitderefermerlesfûts de bière. On se servait de citrons coupés depuis des jours, de jus de fruits qui avaientdépassé la date de péremption, sans oublier tout un tas d’autres pratiques écœurantes.Mamèreavaittoujoursemployésesamispourservir.C’est-à-diredesadosattardésquipensaientque travailler dansun bar leur donnait le droit de boire gratos.Autant dire que leménagen’avaitpasétéleurpriorité.
À présent, le bar semblait avoir connu des joursmeilleurs. On pouvait carrément direqu’ilavaitatteintletroisièmeâge.Ilétaitpluspropre,entoutcas,quecequej’avaispensélaveille. Derrière le comptoir, le restant de glace avait été jeté dans l’évier et aspergé d’eaubrûlante pour éviter la propagation de bactéries. Je n’avais pas vu de moucherons ni decrottes de souris, ce qui, malheureusement, était monnaie courante dans ce genred’établissements.Lezincvenaitd’êtreessuyéetlesolétaitpropre;lesbouteillesétaientbienrangéesetorganisées.
Les tables aussi avaient été nettoyées. Ainsi que les cendriers. Alors, même s’il auraitfallurénoverpasmaldechoses, ilétaitclairquequelqu’uns’enoccupait,et jesavaisquecen’étaitpasmamère.
Je jetaiuncoupd’œilà la feuilledecalculs impriméeà laquelleavaientétéagrafésdestonnes de reçus, et passai en revue les différentes lignes. Comme les dizaines que j’avaistrouvées plus tôt, qui remontait au mois de mars de l’année précédente, tout avait étéminutieusement noté : les facturesmensuelles comme l’électricité et les autres charges, lesrecettes,lesdépensesennourriture,enboissonsetenréparationetsurtout,lessalaires.
Dessalaires,quoi!Laraisonpourlaquellemamèreavaitembauchédesamisquiétaientintéresséspardes
verres gratuits, c’était qu’ellen’avait jamais su rédigerdes fichesde salaire.De toute façon,l’idée que Mona ait pu gagner suffisamment d’argent pour payer des employés de façon
régulière était à se tordre de rire. Et pas d’un rire joyeux, mais plutôt d’un rire nerveux,légèrementdélirant.
Pourtant, leMona’s délivrait des fiches de paie depuis plus d’un an, à présent, et je nereconnaissaisaucunnomàpartceuxdeJaxetClyde. Ilyavaitmêmeunmecpouraiderencuisinelessoirsdeweek-end.
Cela faisaitquatremoisque leMona’s engendraitduprofit.Riend’extraordinaire,maisunprofitétaitunprofit.
Me laissant aller contre ma chaise, je secouai lentement la tête. Comment était-cepossible?Simamèregagnaitdel’argent,pourquoiavait-ellevolé…
—Qu’est-cequetufousici?Je sursautai et poussai un cri de surprise. J’en eus le souffle coupé. Jax se tenait dans
l’encadrementdelaporte.Ilétaitsûrementmi-fantôme,mi-ninjacarjenel’avaispasentenduarriver.Quandj’avaisempruntélecouloirjusqu’aubureau,uneplanchesurdeuxavaitcraqué.
Çanefaisaitquequelquesheuresquejen’avaisplusvuJax,pasassezpouroublieràquelpointilétaitsexy:jenepusm’empêcherdeledévorerdesyeux.
Mouillés,sescheveuxparaissaientplussombresetondulaientsursonfront.Le tee-shirtnoirqu’ilportaitétaitencoreplusmoulantqueceluidelaveille.Unevraiebénédictionpourlapopulationfémininelocale.
Toutefois,iln’avaitpasl’aircontentdemevoir.Mâchoire serrée, lèvrespincées, ilme fusillaitduregardpendantquemoi, je lui faisais
desyeuxdefaon.—Qu’est-cequetufaisici,Calla?L’appeldemonprénommefitsortirdematorpeur.Jeposailesfeuillesdecomptesetles
reçussurlebureaud’unairagacé.—C’estlebardemamère,jeterappelle.J’aitouslesdroitsd’êtredanssonbureau.— C’est vraiment une logique tordue, étant donné que je travaille dans ce bar depuis
deuxansetqu’hiersoir,c’étaitlapremièrefoisquejevoyaistonjolipetitcul.Lerougememontaauxjouesetjefispivoterlachaisesurlagauche.—Tuveuxbienarrêterdeparlerdemonjolipetitcul?Sesyeuxs’assombrirent.Onauraitditduchocolatnoir.—Tupréfères«petitculd’enfer»?—Non.—Sexy?Jerespiraiparlenez.—Non.—Rebondi?Jeserrailespoings.—Lemieux,c’estquetun’enparlespasdutout.
Ses lèvresseretroussèrentun instantavantqu’ilaperçoive lapilededocumentsdevantmoi.Alors,toutetraced’humourlequitta.Ils’approcharapidementdubureau.
—Tuasregardélescomptes?Jehaussailesépaulesenessayantd’avoirl’airnonchalant.—Jevoulaisconnaîtrelasituationdubar.—Cenesontpastesaffaires.Pardon?—Etmoi,jecroisquecelesont.Ilposalamainsurlebureau,pilesurlesdossiers.—Pourquoi?Tournantdansmachaise,jeluiprésentailecôtédroitdemoncorps.—Ehbien,étantdonnéquecebarest laseulechosequemamèremelégueraunjour,
j’aitouslesdroitsdejeterunœilauxcomptes.Uneexpressionindéchiffrablepassasursonvisage.Ilpenchalatêtesurlecôté.—Elletelégueralebar?—Mamèreauntestament.Elle l’a fait ilyadesannées.Alorsàmoinsqu’ellene l’ait
modifié récemment, ce qui, à mon avis, n’était pas sur sa liste des priorités, s’il lui arrivequelquechose,etjetouchedubois,lebarseraàmoi.
Cette fois encore, il plissa les yeux d’une façon que je ne comprenais pas.Unmomentpassa.
—C’estcequetuveux?Lebar?Rienàvoir.Jen’avaisjamaisditça.—Situteretrouvaistoutàcoupaveccetendroitsurlesbras,qu’est-cequetuenferais?
demanda-t-il.Jerépondislapremièrechosequimevintàl’esprit.—Jesupposequejelevendrais.Jax recula et se redressa de toute sa hauteur. Quand il baissa les yeux vers moi, ils
semblaientcoupantscommedeséclatsdeverre.Lebarmandragueurettaquinavaitdisparu.—Situn’enasrienàfaire…—Jen’aijamaisditça.Pasvraiment.Maisilnem’écoutaitpas.—Pourquoiest-cequetuesvenue ici?Pour tamère?C’estunecauseperdueet tu le
saistrèsbien.Jesupposequetun’espasalléeàl’hôtel,hiersoir?Lechangementrapidedesujetmefittournerlatête.Certainsjours,c’estbiencequeje
pensaisdemamère.D’autres,j’enétaisincapable.—Mercipourletaxi,mais…—Putain,tuvasvraimentm’emmerderjusqu’aubout.
Ils’éloignadubureauetpassalamaindanssescheveuxhumides.Lesmusclesdesondossebandèrentsoussontee-shirt.
Lesjouesdeplusenplusrouges,jeprisunegrandeinspiration.—T’inquiète.Jenecomptepast’emmerderlongtemps.Ils’esclaffaetsetournadenouveauversmoi.—Ahouais?Pourtant, je t’ai racontédansquelmerdier tamères’était fourréeetquel
genrede sales types lui couraientaprès…et tues toujours là.Sansparlerde tonpare-brisequiaétécassé…
—Écoute.J’aicomprisquemamèreavaitdesennuis.Mais, tusaisquoi?Cen’estpasnouveau.
OK, elle avait quand même l’air d’avoir plus de problèmes que d’habitude, mais à cestade,çan’avaitpaslamoindreimportance.
—Etpourmavoiture?Jesuisrestéedanscettemaisoncinqminutesmontreenmain.Jenevoispascommentquelqu’unauraitpumevoir.Enplus,j’étaisgaréesurunparkingenfaced’uneboîtedestrip-tease.Cesontdeschosesquiarrivent.
—Ahoui?(Ilcroisalesbrascontresontorse.)Tutraînessouventautourdesboîtesdestrip-tease?
—Non,crachai-je.Unmusclede samâchoire tressauta.On se regardadans les yeuxpendantuneéternité
avantqu’ilreprennelaparole.—Pourquoiest-cequetuesrevenue,Calla?Franchement?Iln’yarienpourtoiici.Ta
mère a foutu le camp.Tun’as plus lamoindre famille. Et de ce que je sais, tu as passé lesdeuxdernièresannéesàlafacsansjamaisrentrer.Jenetejugepas,maisçamontrebienquetunet’esjamaissouciédecetendroit.Alorspourquoimaintenant?
Waouh.Sesparolesm’avaienttranspercéecommeautantdepicsàglace.Jaxreculaverslaporteencontinuantdemedévisager.—Retourned’oùtuviens,Calla.Tune…—Mavietoutentièreestenjeu!Àl’instantoùlesmotsfranchirentmeslèvres…putaindemerde,jecomprisàquelpoint
ilsétaientvrais.Sij’avaisavaléunefioledepoison,lerésultatauraitétélemême.J’ignoraisce qui m’avait poussée à l’avouer. Peut-être parce que la douce intonation de sa voixressemblaitàdelapitié.
Jedéglutisetleregardaisefigeretmedévisager.—Mavietoutentièreestenjeu,répétai-je,moinsfort.(Puislerestem’échappa,comme
unepuissantediarrhéeverbale.)Mamèrem’aruinée.Elleavidémescomptesd’épargne,avectoutmonargentdessus :celuipour la fac,ceque j’avaismisdecôtéencasdecoupdur,cequejecomptaisutiliserletempsdetrouverunboulot.Enplusdeça,elleaaussisouscritun
prêtetdescartesdecréditàmonnom,sansrienrembourser.Ducoup,jesuisdanslerouge,etjenesuismêmepassûredepouvoircontracterunnouveauprêtétudiant.
Les yeux légèrement écarquillés, il leva le bras et frotta sapaume contre son torse, auniveauducœur.
—Jen’ainullepartoùaller,poursuivis-je,lagorgenouéeetleslarmesauxyeux.Jen’aipaspuresteràlacitéuniversitaireparcequejen’avaispasassezd’argentpourm’inscrireauxcoursd’été.La seulechosequ’ellem’a laissée, c’estmoncomptecourantetunemaisonqui,apparemment,estunrepairededrogués.Pourcouronnerletout,elles’estenfuieDieusaitoùavecuntypequisefaitappelerLeCoq.Monseulespoir,laseulechosepourlaquellejeprie,c’estqu’illuiresteunpeud’argentquelquepartpourmerembourser.Alorsd’accord:iln’yarienpourmoiicietjesuispeut-êtreuneemmerdeuse,maisjesuissérieusequandjedisquejen’ainullepartoùaller.
—Merde.Lamâchoirecrispée,ildétournalatête.Çame fit l’effetd’unedouche froide.Jemesentaishumiliée. Je fermai lesyeux leplus
fortpossible.Oùétaitl’agrafeuse?J’enavaisbesoinpourmabouche.—Merde,répéta-t-il.Calla,jenesaispasquoitedire.Quand jeme forçaiàouvrir lespaupières, jeme rendis comptequ’ilme regardait.Son
expressionnereflétaitaucunepitié,maissesyeuxs’étaientdenouveauéclaircis.—Iln’yarienàdire.—Tune trouveraspasd’argent ici, chérie.Ellen’a rienà tedonner. (Il sembla sonder
mon regard.) Je sais que c’est difficile à entendre, mais il n’y a absolument rien. Pas lemoindrecentimeendehorsdesrecettesdubar,etlàencore,cen’estpasgrand-chose.
Jeme laissai aller enarrière contremon siègeetprisune inspiration tremblante.Non.Non.Non.Lemotserépétaitenboucledansmonesprit.
—Siellet’avolétonargent,ellenel’aplus.Sielleavaitquoiquecesoità labase,çafaitlongtempsqueçaadisparu.Crois-moi.(Savoixsetransformaenmurmure.)Ilnesepassepasunesemainesansquequelqu’unviennereniflerautourdubaràsarechercheparcequ’elleluidoitdufric.
Jedétournailesyeuxetinspiraiprofondément.—OK.Ilfautquej’acceptelefaitqu’iln’yaitplusd’argentetqu’onnemerendrapasun
centime.Il ne répondit pas à ça, ce quime convenait très bien étant donnéque jemeparlais à
moi-même.— Voilà. Je suis pauvre. Maintenant, il faut que je prie pour obtenir une bourse plus
conséquente.De labileme remonta le longde lagorgeàcausede la finalitédemesparoles. J’étais
ruinéepourdebon.Maviereposaitentièremententrelesmainsdequelqu’und’autrepourde
bon.Etj’allaisvomirpourdebon.—Jesuisdésolée,dit-ild’unevoixdouce.Jemecrispaisouslecoupdelasurprise.Jax avait fait le tour dubureau et se tenaitmaintenant près demoi. Je ne voulais pas
qu’ils’approcheainsi.Malàl’aise,j’essuyaimesmainsmoitessurmonjean.—PlanB,murmurai-je.—Quoi?J’avaislavoixquitremblait.—PlanB.Ilfautquejemetrouveunboulotetquejemefasseleplusd’argentpossible
pendantl’été.En jetant un coupd’œil autour demoi, je sus tout de suite ce que je devais faire pour
reprendre les choses enmain. J’avais un nœud à l’estomac. J’aurais voulu le dénouer,maisc’étaitimpossible.
—Jepourraistravaillerici.Ilsursauta,avantdefroncerlessourcils.—Travaillerici?Chérie,cen’estpasunendroitpourtoi!Jeleregardaid’unairdubitatif.—Onnediraitpasquec’estunendroitpourtoinonplus.—Etpourquoipas?rétorqua-t-il.—Tu t’es regardédansunmiroir? (Je traçaiuncercledans l’airpour ledésigner.)Tu
n’aspaslatêteàtravaillerdanscegenredeboui-boui.Ilhaussaunsourcil.—J’aimeàcroirequec’estunpeumieuxqu’unboui-boui.—Justeunpeualors,marmonnai-je.Lecoindeseslèvresseretroussa.—D’aprèstoi,jedevraistravailleroù?—Jenesaispas.(Jem’adossaicontremonsiègeetrepoussaimescheveuxdemonfront
ensoupirant.)Peut-êtreàSexyRUs?Ilhaussalessourcils.—Alors,commeça,tupensesquejesuissexy.Jelevailesyeuxauciel.—Jen’aipasdeproblèmesdevue,Jax.—Dans ce cas-là, pourquoi est-ce que tu étais aussi réticente à l’idée d’aller boire un
verreavecmoi?Je l’examinai en me demandant comment la conversation avait pu prendre une telle
tournure.—C’estimportant?—Oui.
—Non,jenecroispas.Sesyeuxpétillaientd’amusement.—Ondevras’accordersurlefaitd’êtreendésaccord.—Onnes’accordesurriendutout.Jeme levai,maisme figeai aussitôt. Il n’avait pas reculé et l’espace était limité. Ilme
bloquaitcarrémentlepassage.—Jepeuxtravaillerici.—Ilpeutyavoirpasmaldegrabugeleweek-end.Tudevraispeut-êtredonnertonC.V.
augrillenbasdelarue.—Cesploucsnemefontpaspeur,grommelai-je.Jaxmeregardad’unairdubitatif.—Quoi ? (Je levai les bras.) Ce n’est pas comme si vous n’aviez pas besoin d’aide. Et
moi, d’argent. Tu le sais. Peut-être qu’en travaillant ici je recevrai des pourboires et jeregagneraiunepartiedecequ’onm’avolé.Mêmeunetoutepetite.
—Despourboires?(Il fitunpasenavantet jemeretrouvaicoincéeentre lachaiseetlui.)Qu’est-cequetupensesfaire,commeboulot,aujuste?
Jehaussailesépaules.—Barmaid?—Tuasdel’expérience?(Quandjehaussaiencorelesépaules,iléclatad’unrirefranc.
Jeluilançaiunregardnoir.)Chérie,cen’estpasaussifacilequeçaenal’air.—Çanepeutpasêtresidurqueça.Jaxmedévisageaunlongmoment,puisunechosefascinanteseproduisitsousmesyeux.
Lemoindredesesmusclestendusserelâchaetunsourireentenduétiralentementseslèvres.Monestomacfitunsaltoarrière.—Bon,jevaisêtreobligéd’yremédier,pasvrai?—Remédieràquoi?Àmonestomacquifaisaitdespirouettes?Ilnepouvaitpaslesavoir,c’étaitimpossible.—Aufaitquetun’aiesnullepartoùaller.(Commejenerépondaispas,ilpenchalatête
surlecôté.)OK,chérie.Situleveuxvraiment…c’estd’accord.L’espaced’un instant, j’eus l’impressionqu’ilparlaitd’autrechose.Unedoucechaleurse
répanditdansmonventre.—D’accord.Sonsourires’élargit,faisantapparaîtresesdentsblanches.—Génial.
6
Lebarouvritsesportesà13heures.Commeiln’yavaitpasencoredeclients,Jaxm’avaitpostéederrièrelebarpourcouperdestranchesdecitronsjaunesetverts,avecuneseulemiseengarde:
—S’ilteplaît,netecoupepaslesdoigts.Çaseraitgênant.J’avais levé les yeux au ciel, sans prendre la peine de répondre, puis m’étais exécuté
jusqu’àcequetouslesfruitssoientprêtsàl’emploi.Dansl’ensemble,jemesentaisplutôtbienderrièrelecomptoir…dumomentquejeneregardaispaslaphotoencadréequej’avaisenviededéchireretdejeteràl’autreboutdelapièce.
Heureusement,j’avaisdeschosesbienplusintéressantesàregarder.Detempsàautre,jejetaiuncoupd’œilendirectiondeJax.Ilétaitadosséàl’autrebout
dubar,lesjambescroiséesauniveaudeschevillesetlesbrassursontorse.Ilregardaitlatélé,suspendueauplafond.
Ensortantdubureau, ilm’avaitexpliquéque j’allais faire lesmêmesheuresque lui,de16 heures à la fermeture. J’ignorais pourquoi il était arrivé aussi tôt. Dans tous les cas, iltravaillaitlessoirsoùilyavaitleplusdemonde:dumercrediausamedi,dixheuresd’affilée.
Bienau-delàdel’heureàlaquellejemecouchaishabituellement,maisj’enétaiscapable.Jen’avaispaslechoix.Jen’avaispasdetempsàperdreàessayerdetrouverunjobaugrill,commeill’avaitsuggéré.
Enl’observantainsiàladérobée,j’essayaisd’évaluersonâge.J’auraispuleluidemander,mais jen’étaispascertained’êtredansmonbondroit. Iln’étaitsûrementpasbeaucoupplusvieuxquemoi,pourtantunegrandematuritésedégageaitdelui.Laplupartdesgensdevingtetunansquejeconnaissaisavaientdumalàseleverlematin,moiycompris.Luiavaitl’airde savoir cequ’il faisait, commequelqu’undeplusâgé,quelqu’unquiauraitdenombreusesresponsabilités.
Toutàcoup,enexaminantlebartoujoursvide,unechosemefrappa,unechosequiavaitété sousmes yeux depuis le début.Mes yeux se posèrent de nouveau sur Jax. Ses cheveux
avaient séché naturellement et lesmèches ondulées d’un bronze profond retombaient deça,delàsursatête.
C’étaitluiquigéraitlebar.Jenevoyaispasd’autresolution.Bien sûr, je n’avais rencontré personne d’autre que Pearl. J’avais aperçu son emploi du
tempsdanslebureau.Ilyavaitaussiuneautrebarmaidquis’appelaitRoxyetunbarmanquis’appelait Nick. Gloria était serveuse et travaillait uniquement le vendredi et le samedi. Etenfin,SherwooddonnaituncoupdemainàClydeencuisine.
Peut-êtrequejemetrompaisetquelemanagerétaitl’und’entreeux,maisjen’enavaispas l’impression.Et jenesavaispasdutoutquoienpenser.Par-dessus tout, j’étaiscurieuse.PourquoiJaxs’impliquait-ilautantdansleMona’s?
Presque contrema volonté,mes yeux glissèrent de ses cheveux au col noir de son tee-shirt,lelongdesondos,jusqu’àsonvieuxjeandélavé.
Putain,qu’est-cequ’ilavaitunbeaucul!C’étaituneœuvred’art.Sonjeann’étaitpastrèsmoulant,maislaformegénéralede…
Jax tourna soudain la tête pour me regarder par-dessus son épaule, alors que jel’observais.Quejelereluquais,même.
Ileutunsourireencoin.Priseenflag.Le rouge me monta aux joues et je détournai aussitôt les yeux en débitant un tas de
jurons dans ma tête. La vérité, c’est que ça n’avait rien de sexuel. Je passais beaucoup detempsàregarderlesgarçonsetçanemenaitjamaisàrien.
Alors,jenevoispaspourquoiçachangerait.—Etmaintenant?demandai-je.Jem’éclaircislavoixetmelavailesmainsavantdeportermesdoigtscouvertsdejusde
citronàmesyeux.—Commeonn’apasbeaucoupderangementsderrière lebar, il fauts’assurerqu’ilya
toutcequi faut.On faitaussiun inventairedesstocks. Iladéjàété faitaujourd’hui,mais jepeuxtemontreroùilssont.Jepensequeçaachangédepuisladernièrefoisquetuesvenue.
Commebeaucoupdechoses.Tandisque jemeséchais lesmains, jemedemandaisimamèreavaitjamaisfaitunseulinventaire.
—Quigèrelebar?Lesmusclesdesondossetendirentetilsetournaversmoi.—Ilfautquejetemontreoùtoutestrangé.Labièreestaufrigo,danslacuisine.L’alcool
fort,danslaréserve.Il se redressa et s’éloigna, ne me laissant pas d’autre choix que de le suivre dans le
couloir.
Quand il s’arrêta devant une porte à côté de celle du bureau, je ramenaimes cheveuxdevantmonépaulegauche.
—Jesaisquecen’estpasClyde.Ilsortituntrousseaudeclé.—Jenesuispassûrdetesuivre,chérie.Jefronçailessourcilspendantqu’ildéverrouillaitlaporte.—Quis’occupedubar?Quitientlescomptes?Laportes’ouvrit.— Tu vois cette feuille ? (Il désigna un bloc-notes pendu aux étagères d’un geste du
menton.) On y note tout ce qui sort. Tout. On se sert aussi de cette feuille pour lesinventaires.
J’yjetaiunœil.C’étaitplutôtclair.—Pareilpourlefrigo.Sitoutestenordreici,c’estplusfaciledeseretrouver.Il se retourna et me reconduisit hors de la pièce. Toutefois, quand il essaya de me
dépasser,jeluibarrailechemin.—Quis’occupedubar,Jax?demandai-jeencoreunefois.À lafaçondont ilrefusaitdemeregarderdans lesyeux, lessourcils froncés, jecompris
quej’avaisraison.—C’esttoi,pasvrai?Ilneditrien.—Tugèrescebar.C’estpourçaqu’iln’estpascomplètementpourri.—Pascomplètement.Sesyeuxmarroncroisèrentlesmiens.Jebaissailatêteverslagauche.—Çan’aplusrienàvoiravecavant.Toutestpropreetorganisé.LeMona’scommenceà
rapporterdel’argent.—Pasbeaucoup.— En tout cas, il a mieux marché en un an que pendant toutes ces années, fis-je
remarquer.Ettoutçagrâceà…Ilposalesmainssurmesépaulesettoutàcoup,mesmotsseretrouvèrentcoincésdans
magorge.Jedéglutis.Latêtebaissée,ilsuivitmonregardetparlad’unevoixdouce.—Cen’estpas seulementgrâceàmoi.Lesemployés s’impliquentbeaucoupdans lavie
dubar.Clyde,lui,l’atoujoursfait.C’estpourcetteraisonqueçafonctionnemieux.Çaaétéuneffortdegroupe,etoncontinue.
On se regardait dans les yeux et comme la veille, dans la cuisine de ma mère, saproximitémeréduisaitausilence.Jen’aimaispasquelesgenss’approchentautantdemoi.Çaleurpermettaitdevoiràtraversmonmaquillage.
—Laclientèleaussis’estaméliorée,continua-t-il.
Lasimpleforcedesonregardm’empêchaitdedétournerlesyeuxetdemecacher.Autantdirequec’étaitsupergênant,parcequej’étaislareinedel’esquive.Ilbaissaencoreunpeulavoix.
—Despoliciers,endehorsdeleurservice.Desétudiantsdelafacducoin.Etlesmotardsqui viennent ici ne cherchent pas la bagarre. Une fois que les amis louches de Mona sontpartis,touts’estarrangé,mêmesi,évidemment,çaarrivequ’ilyaitunpeuderemue-ménage.
—Çasevoit,murmurai-je.Sescilsincroyablementlongss’abaissèrent.Monregardseposasurseslèvrespulpeuses.
MonDieu,commentunetellebouchepouvait-elleexister?Sonsourireencoinmefitrougir.—Intéressant,dit-il.Jeclignailesyeux.—Qu’est-cequiestintéressant?—Toi.—Moi ? (Je tentai de faire un pas en arrière,mais sesmains se refermèrent surmes
épaules.)Jenesuispasintéressantedutout.Ilpenchalatêtesurlecôté.—Jesaisquecen’estpasvrai.Pourquoi est-ce que j’avais l’impression que ses mains sur mes épaules étaient la
sensation la plus agréable que j’avais jamais ressentie ? Même s’il ne me touchait qu’à cetendroit,jeressentaislapressionexquisedanstouteslescellulesdemoncorps.
Ohoh.Alerterouge.— Si, murmurai-je au bout d’un moment. (Malheureusement, ma diarrhée verbale ne
pouvait pas être arrêtée, comme un train lancé à pleine vitesse.) Je suis la fille la plusennuyeuse surTerre. Jene suis jamaisalléeà laplageetencoremoinsàNewYork. Jen’aijamaisprisl’avionetjenesuisjamaisalléedansunparcd’attractions.Quandjesuisàlafac,jene fais riendeparticulieret je…(Le souffle court, jem’interrompis.)Bref. Jene suispasintéressante.
Ilhaussaunsourcil.—OK…Mon Dieu, il fallait vraiment que je trouve une aiguille et du fil pour me coudre la
bouche.—Maisonvadevoirs’accordersurlefaitd’êtreendésaccordsurcesujetégalement.Unelueurd’amusementétincelaitdanssesyeux.Àcettedistance,jevoyaisqu’ilavaitdes
tachesplusfoncéesprèsdesespupilles.J’essayai unenouvelle fois demedégager, en vain.Mapoitrine se souleva violemment
tandisquejeprenaisunegrandeinspiration.—Pourquoiest-cequetutiensautantàcebar?Cefutàsontourd’avoirl’airperplexe.
—Qu’est-cequetuveuxdire?— Pourquoi est-ce que tu fais tant d’efforts ? Tu pourrais te faire embaucher dans un
établissementplussympaetéviterlestressdegérerunbartoutseul.Jaxmedévisageaunmoment.Puisilfitglissersesmainslelongdemesbras,créantdes
frissonsdanstoutmoncorps,avantdemerelâchercomplètement.—Tusais,situmeconnaissaismieux,tunemeposeraispascettequestion.—Jeneteconnaispas.—Précisément.Il me contourna pour retourner dans le bar. Moi, je restai plantée dans le couloir,
complètementdésarçonnée.Biensûrquejeneleconnaissaispas.Jel’avaisrencontrélaveille.Alorsàquoijouait-il?
Çan’avait été qu’une question. Jeme retournai, fis passermes cheveuxdevantmon épaulegaucheetprisunegrandeinspiration.Puissoufflai.
J’avaisunproblème.Correction.J’avaisdestasdeproblèmes.Maisj’enavaisunnouveau.J’avais envie d’apprendre à connaître Jackson « Jax » James. C’était une trèsmauvaise
idée.Çaauraitmêmedûêtreladernièredemespréoccupations.
Leboulotdebarmaidn’étaitpasdelarigolade.Comme j’avais plus oumoins grandi dans des bars, après avoir quitté lamaison, je les
avaisévités.Ducoup,ça faisaitdesannéesque jen’avaispasmis lespiedsdans l’und’entreeux.Àl’époque,j’avaistellementvudecocktailspréparésdevantmoiquej’avaisapprissurletas.Maintenant ? J’étais nulle. Nulle à chier,même. Chaque fois qu’onme commandait uncocktail,jegardaislesyeuxrivéssurlesrecettesscotchéesauplandetravail.
Heureusement, Jax ne m’en tenait pas rigueur. Lorsque les clients commencèrent àaffluer vers 15 heures, les uns après les autres, pour commander des boissons dont le nomressemblait à une langue étrangère, il ne me laissa pas tomber. Au contraire, il se plaçaderrièremoietmedonnadesindications,enmeprévenantsij’attrapaislemauvaismélangeurousijemettaistropoupasassezd’alcool.
Comme j’avais travaillé en tant que serveuse, je savais que, au cas où, un sourire mepermettrait de me sortir du pétrin. Avec des hommes âgés aux yeux baladeurs, ça devraitfonctionnerencoremieux.
—Prends ton temps,ma jolie,medit l’und’eux lorsque jedus recommencer sonverreparcequej’yavaisverséassezd’alcoolpourletuer.Ilnemeresteplusqueça,dutemps.
—Merci.(Jesourisenluiservantunautrecocktail,unsimplegintonic.)C’estmieux.Ilbutunegorgéeetmefitunclind’œil.—Parfait.Lorsque levieilhommes’éloignapour sedirigervers l’unedes tablesdebillard, Jax se
rapprocha.
— Viens. Je vais te montrer comment verser correctement. (Il attrapa un petit verredevantmoi,puislabouteilledegin.)Turegardes?
Euh.Ilsetenaittellementprochedemoiquejesentaislachaleurquesoncorpsdégageait.Il
aurait trèsbienpuparlerde lavitessederotationdeMarsautourde laTerre,çaauraitétépareil.
—Oui,oui,murmurai-je.— On ne se sert pas de doseur, mais tu vas voir, c’est facile. En gros, il faut que tu
comptes dans ta tête. Chaque chiffre est l’équivalent de dix millilitres. Donc si tu veuxcinquantemillilitres,ilfaudracompterjusqu’àcinq.Etdeuxpourvingt.
Çaparaissaitfacile,maisaprèsavoiressayédeuxfois,jemerendisbiencomptequejeneversaispasdefaçonrégulière.Toutcequejefaisais,c’étaitgâcherdel’alcool.
—Tut’améliorerasaveclapratique,medit-ilenappuyantsahanchecontrelecomptoir.Heureusement, la majorité des clients préfèrent la bière, les shots purs et les cocktails debase.
—Peut-être,maisquelqu’unvafinirparcommanderunJaxspécialetjevaispasserpouruneidiote,luidis-jeenessuyantl’alcoolquej’avaisrenversésurlebar.
Ilricana.—Jesuisleseulàlefaire,celui-là.Net’enfaispas.Jel’imaginaioffrircetteboissonauxfillesqu’ilvoulaitmettredanssonlit.Lesentiment
derépulsionquejeressentism’étonnamoi-même.—C’estbonàsavoir.—Tutedébrouillesbien.Se redressant, il posa lamain contremes reins et sepencha enavant, les lèvres àune
distancedangereusedemonoreille.Quandilouvritlabouche,sonsoufflechauddansasurmapeau.Jemecrispai.
—Continuedesourirecommetulefaisetlesmecstepardonneronttout.Lesyeuxécarquillés,jeleregardais’éloignerdel’autrecôtédubaretsepencherenavant
sursesbrascroiséspourécouterunclient.Raidecommeunpiquet,j’enoubliaiderespirer.Mesyeuxétaientrivéssurl’arrièredela
têted’unhommequiperdaitsescheveuxblancs.Dansmonesprit,iln’yavaitaucundoute:Jaxsavaitflirter.Jereculaid’unpaseteffaçai
demonvisagecequi, je l’espérais,n’étaitpasunsourire idiot,puis jetaiuncoupd’œilverslui.
Jaxriait.Ilriaitavecunabandontotal,lementonunpeurelevépourmieuxexpulserlesongraveetsonorequis’échappaitdesagorge.Onauraitditqu’ilsemoquaitduregarddesautres.Enl’écoutant,jesentismeslèvress’étirerenunsourire.L’hommeàquiilparlaitavaitenvironsonâge…l’âgemystèrequejen’avaistoujourspasdéterminé.Ilétaitaussitrèsbeau.
Sescheveuxbrun foncéétaientunpeu trop longsàmongoût,mais ils restaientplus courtsqueceuxdeJase.Àcequejepouvaisvoir,ilavaitégalementdelargesépaules.
Les beaux gosses se déplaçaient toujours en meute. Il devait y avoir une explicationscientifiquederrièreça.
Roxy arriva audébut du service du soir etmeprit par surprise.Avecmonpetitmètresoixante-dix, je n’avais jamais fait partie des plus grandes, mais elle, elle était vraimentminuscule.Elleatteignaittoutjustelemètrecinquante.Sescheveuxnoisetteétaientparsemésdemèchesrougesetcoiffésenchignon.Seslunettesàmonturecarréeluiallaientcommeungantetmettaientenvaleursonvisagemalicieux.Àpartça,elleétaitplusoumoinshabilléecommemoi: jeanettee-shirt.J’avaissuqu’ons’entendraitàl’instantoùjel’avaisvue,parcequ’elleportaituntee-shirtSupernaturalavecDeanetSamdessus.
En m’apercevant, ses yeux s’arrondirent de surprise. Jax lui fit tout de suite signe des’approcher. Je ne sais pas ce qu’il lui raconta, mais Roxy tourna aussitôt la tête dans madirection.
Jedétestaisêtrelapetitenouvelle.Quand il en eut terminé avec ses explications, il reprit sa conversation avec le beau
gosse. Je me forçai à respirer lentement pour me calmer. Rencontrer des gens pour lapremièrefoisétait…difficilepourmoi.Teresanes’endoutaitprobablementpasparcequ’ons’était vite rapprochées grâce à notre désintérêt total pour le cours de musique, mais, engénéral, jen’étaispasdouéepourbriser laglace.Mêmesiçapouvaitparaîtrepathétique, jem’inquiétaisparrapportàmacicatrice.Jesavaisquelesgensseposaientdesquestions,parcequejem’enseraisposéaussi.C’étaithumain.
LorsqueRoxyvintseposterderrière lebarensouriant, jemedemandaisi lesclients lavoyaientpar-dessuslecomptoir.
— Salut, dit-elle en me tendant une main délicate. Moi, c’est Roxanne, mais tout lemondem’appelleRoxy.Alors,jet’enprie,appelle-moiRoxy.
—Calla.(Jeluiserrailamainenriant.)Raviedeterencontrer,Roxy.Ellefitglisserl’ansedesonsacdesonépaule.—Jaxm’aditquetuétudiaispourdevenirinfirmièreàShepherd?Jejetaiuncoupd’œilenbiaisàl’intéressé.Ehbien,lesnouvellesallaientvite.—Ouais.Ettoi,tuesàlafacdanslecoin?— Hé oui. (Elle remonta ses lunettes sur son nez.) C’est moins cool que des études
d’infirmière.Moi,mondomaine,c’estl’infographie.—C’estsupercool,tuveuxdire!Tusaisdessiner,alors?Ellehochalatête.—Ouais.Ledessin, lapeinture…onaçadans lesang,dans la famille.Cen’estpasun
choixdecarrièretrèslucratif,maisj’adoreça.Jemesuisditquemedirigerverslegraphisme,c’étaittoujoursmieuxquedemourirdefaimenessayantdevivredemonart.
—Jesuisjalouse,avouai-jeenfaisantpassermescheveuxdevantmonépaulegauche.J’aitoujoursrêvédesavoirdessiner,mais jenesaismêmepas faireunbonhommesansqu’ilaitl’airridicule.Deuxchosesquimefontdéfaut:l’artetletalent.
Elles’esclaffa.—Jesuissûrequetuesdouéepourautrechose.Jefronçailenez.—Parlersanscesseetnepassavoirs’arrêter,çacompte?RoxyritencoreetjevisJaxsetournerversnous.—C’estdutalentàl’étatpur.Jevaisposermonsac.Jereviens.Quandellerevint,ontravaillatouteslesdeuxcôteàcôte.CommeJax,elleétaitpatiente
et très détendue. Les clients adoraient son sens de l’humour décalé qui s’étendait au dessinqu’ellefaisaitsurlesserviettesetapparemment,àseschoixdetee-shirts.Laplupartdesgensregardaientsontee-shirtetcequ’ildisaitavantmêmedecommander.
Iln’yavaitpastropdemondepourunsoir,maislestablesseremplirentpetitàpetitetcommej’étaislenteaubar,onm’envoyaensalle.
Jaxm’attrapaparlebras.—Tuoubliesuntruc.—Quoi?Avecunsourireencoin,ilm’attiraverslui.Jemelaissaifaireenmemordantleslèvres.
Jene savaispasdu toutàquoim’attendre.Onse retrouva tellementproches l’unde l’autrequelorsqu’iltenditlamainversuncasier,sonbraseffleuramacuisse.
—Ilfautquetuportesuntablier.Perplexe,j’examinailetablierendemi-lune.—Sérieux?IlmemontraPearld’ungestedumenton.Je soupirai. Effectivement, elle en avait un autour de la taille. Je le lui arrachai des
mains.—Commetuveux.—Çairabienavectontee-shirt.Jelevailesyeuxauciel.Jaxéclataderire.—Laisse-moit’aider.—Ladernièrefoisquej’aivérifié,jepouvaisattacheruntabliersans…Je m’interrompis, bouche bée. Le tablier était de nouveau entre ses mains et Jax me
tenaitparlahanche.—Qu’est-cequetufais?—Jet’aide.Ilsepenchaversmonoreillegauche.J’éloignaiaussitôtmajouedesavue.
—Nerveuse?medemanda-t-il.Je secouai la tête et me rendis compte que j’étais devenue incapable de former la
moindresyllabe.C’étaithumiliant.Sans unmot, ilme plaça dos à lui, puis glissa un bras entre sa taille et lamienne. Je
n’osaisplusbouger.—Tuasledroitderespirer,tusais?Ses mains frôlèrent mon ventre pour mettre le tablier en place. J’en avais des
palpitations.—Jerespire,dis-jeduboutdeslèvres.Savoixtrahissaitsonamusement.—Tuenesvraimentsûre,chérie?—Ouais.Pearlentradanslebaràcemoment-làavecunplateaudeverrespropres.Ellehaussales
sourcilsennousvoyant.—Gardetesmainspourtoi,Jackie-boy.—Jackie-boy?marmonnai-je.Jaxricananonloindemonoreille.—C’estdifficileàattacher.—Oui,oui,rétorquaPearl.—Etj’aimebienmettremesmainssurelle,ajouta-t-il.J’avaistellementchaudquej’avaisl’impressiond’avoirprisuncoupdesoleil.Jaxprenait
toutsontemps.Jelesentisfaireunderniernœud,puisilm’attrapaparleshanches.Nomd’uneallumettedansunestationd’essence!—Etvoilà.(Ilmelâcha,puismepoussadélicatementendehorsdubar.)Amuse-toibien.Leslèvresretroussées,jeluijetaiuncoupd’œilassassinpar-dessusmonépaule.Iléclata
desonrirebienàluiquejenetrouvaisabsolumentpas,sousaucunecirconstance,sexy.Alorsça,non.Pasdutout.
7
ServirensalleavecPearl,prendrelescommandespourlebaretapporterlesplatsdelacuisine n’était pas si mal que ça. Je ne savais pas ce que ça représentait en termes depourboires et comme je n’étais pas employée légalement, je n’étais pas payée à l’heure…j’espéraisjustequelasommeseraitcorrecte.
Ce n’était pas un boulot qui demandait une grande réflexion,mais je ne pensais pas àgrand-choseen faisant les allers et retours. J’auraispresquepumeconvaincreque je l’avaischoisiparcequ’ilmeplaisaitetnonparnécessité.Laseulequestionquimetravaillait,c’étaitmamère.Jemedemandaisoùelleétaitetsielleallaitbien.Cetteinquiétudeétaittellementfamilièreaprèstoutessesannéesquejepouvaispresquesentirunulcèreseformerdansmonventre.Ilfallaitquej’arrêteça.Dumoins,c’estcequejemerépétais,maissi j’étaishonnêteavecmoi-même–etquil’étaitvraiment?–,jesavaisquejenepouvaispasm’enempêcher.
Jedéposaiuneassietted’ailesdepouletàunetabledepoliciersenciviloudemilitaires.La boule à zéro les trahissait. Et waouh : certains d’entre eux avaient vraiment l’airappétissant.LebeaugossequiavaitdiscutéavecJaxunpeuplustôts’étaitjointàeux.J’avaiséténerveuseàl’idéed’approcherdeleurtable,parcequejem’imaginaischacund’entreeuxenuniformeetj’aimaiscequejevoyais.
—Merci,ditl’unlorsquejeposaiunemontagnedeserviettesdevanteux.Deprès,jemerendiscomptequ’ilavaitdesyeuxbleusmagnifiques.Jesourisetpressaimesmainsl’unecontrel’autre.—Vousavezbesoind’autrechose?—Paspourl’instant,réponditunautre,toutsourire.Après avoir hoché la tête, jeme dépêchai de retourner derrière le bar pour remplacer
Roxy pendant qu’elle prenait sa pause. J’ignorais quel était le secret de Jax, mais il étaittoujoursaussisouriantetpleind’énergie,commes’ilvenaitd’arriver,alorsqu’ilétaitlàdepuisaussilongtempsquemoi.Jemefiscraquerlanuqueavantdem’approcherd’unclientquinedevaitpas êtrebeaucoupplus vieuxquemoi. La journéeavait été longueet j’avaismal auxpiedsàcausedemestongs,maisjenevoulaispasmeplaindre.
Lespiècesdemonnaiedanslapochedemontablierm’aidaientàgarderlesourire.—Qu’est-cequejevoussers?Ilpassalamainsursontee-shirtblanctropgrandetdétournarapidementleregard.—Euh,peut-êtreuneBud?—Pressionoubouteille?—Bouteille.Sesyeuxseposèrentdenouveausurmoipendantqu’ilremontaitsonjeantroplarge.—Toutdesuite.JemeretournaietcontournaiJaxpourattraperunebière.Lesjoursderéelleaffluence,
ça devait être invivable derrière le bar. Étonnamment, l’idée me plaisait autant qu’ellem’intriguait. Je pense qu’être aussi occupée m’apportait une certaine sérénité. En revenantauprèsdemonclient, jedécapsulai labouteille et souris en sentant l’air frais s’échapperdugoulot.
—Vousavezunenoteouvouspayeztoutdesuite?—Jepaietoutdesuite.(Ilattrapasabièreetreculadubar.)Dommage,marmonna-t-il.Jehaussaiunsourcil.—Dommage?Jedoutaissérieusementquec’étaitsonnomouuntrucdanslegenre.—Pardon.Lemecpritunelonguegorgéedebière,lessourcilsfroncés.—C’estdommage.Je regardai autourdemoi, sans savoir de quoi il parlait etmedemandai s’il était déjà
bourré.Jen’avaispasencoreeubesoindecouperlesvivresàquiquecesoitetjen’avaispashâtedecommencer.Ducoindel’œil,jevisJaxsetournerversnous.
—Jesuisdésolée,luidis-je.Jenevoussuispas.Illevasabièreetdécrivituncercledanslesairs,auniveaudemonvisage.—Tonvisage,clarifia-t-il.(Jeprisunegrandeinspiration.)C’estdommage.Tousmesmuscles se crispèrentpendantque je ledévisageais, bouchéebée.À forcede
couriràdroiteetàgauche,j’avaisfaitl’impossible:oubliermacicatrice.Pourmoi,cen’étaitpas quelque chose de facile. Cette cicatrice n’était pas une simple entaille. Elle m’avaittouchée au plus profond de mon être et était devenue une partie de moi-même. Je savaisqu’ellesevoyait,mêmesilefonddeteintlatransformaitentraitléger…
Aprèsavoirprisuneautregorgéedebière,ilcontinua.—Jesuissûrquet’asdûêtrecanon,unjour.Cette remarque me blessa beaucoup. J’avais l’impression d’avoir marché sur un frelon
énervé. L’opinion d’un tel salaud n’aurait pas dû m’atteindre, mais le mal était fait. Je nesavaispasquoi faire,niquoidire.Ça faisaituneéternitéquepersonnenem’enavaitparlé.Sûrement parce que les amis qui me connaissaient et qui n’étaient pas choqués par ma
cicatricemecachaientauxyeuxdesautresquandlemaquillagecommençaitàs’estomper,àlafindelajournée.
—Dégage!Unevoixrauquederrièremoi,presqueungrognement,mefitsursauter.Jaxsetenaitlà
enpositiondedéfense,leregardduretlesdentsserrées.Bêtement,jemedemandaipourquoiilmedemandaitdepartir.Jen’avaisrienfaitetcen’étaitpascommes’ilnes’étaitpasrenducomptequej’étaislégèrementdéfigurée.
Maiscen’étaitpasàmoiqu’ils’adressait.Jaxfitbaisserlesyeuxausaletypedel’autrecôtédubar,puisavançad’unpasrésolu.Il
plaquaunemainsurlecomptoiretsautapar-dessus,atterrissantdel’autrecôtéavecgrâceàquelquescentimètresduclient.
—Putaindemerde,murmurai-je,lesyeuxgrandsouverts.Jen’avais jamais vuquelqu’un faire ça. Jene savaismêmepasque c’étaitpossible. Jax
n’avaitpastouchéunseultabouret.Onauraitditqu’illefaisaittoutletemps.Peut-êtrequ’ils’entraînaitquandiln’yavaitpersonne.
PearlsefigeaaumilieudelasallepourregarderJax.Étonnamment,ellen’avaitpasl’aird’être surprise.L’amideJax se leva.Lesautres se retournèrent,maisvisiblement, cen’étaitpasparpurecuriosité.Ilssemblaientprêtsàintervenird’unesecondeàl’autre.
Jaxarrachalabouteilledesmainsduclientetposalamainaumilieudesontorsepourlepousser.Lemouvementl’envoyavalserplusieursmètresenarrière.
—Houlà,mec,c’estquoi,tonproblème?demandaTee-shirtBlancententantdegarderl’équilibre.
—Jet’aiditdetecasser.Jax se rapprochadangereusement et étantdonnéqu’il faisait bienune têtedeplusque
l’autre,ilétaitplutôtimpressionnant.—Ettoutdesuite,saleapprentigangsterdemesdeux.— Quoi ? J’ai rien fait de mal, moi ! rétorqua Tee-shirt Blanc. J’essayais juste de
commanderàboire.—Jememoquedesavoircequetuessayaisdefaire.(Lesmusclesdesondosondulèrent
soussontee-shirt.)Toutcequejeveux,c’estquetutecassesdecebar.—C’estn’importequoi,mec.Tee-shirtBlancpenchalatêtecommes’ilallaitsejetersurlui,cequi,vulephysiquede
Jaxetsonétatd’énervement,paraissaitunetrèsmauvaiseidée.—Tun’aspasledroitdemefoutredehorsàcausedecetteconnasse.Ilmedésignadudoigt.Mon ventre se noua de nouveau et sans m’en rendre compte je portai la main à mon
visageetpressaimesdoigtscontreletraitquimebarraitlajoue.Jeretiraimamaincommesionm’avaitbrûlée.
Malheureusement,iln’avaitpasterminé.—Àquoitut’attendais,mec?C’estpasmafautesic’estlagaminedeMona.Etçasevoit
commelenezaumilieudelafigurequesonvisage…—Finis cette phrase et je te démolis le tien. Tu seras tellement amoché que tu verras
doublepourlerestantdetesjours,connard.MonDieu.Çacommençaitàpartirenvrille.Jem’approchaidubar.—Arrête,Jax.Cen’estpasgrave.Letypeautee-shirtblancétaitdevenuécarlate.—Hého,monpote,tucommencesvraimentàm’énerver.Dieumerci,l’amideJaxs’étaitinterposé,parcequ’ilnesemblaitpasm’avoirentendue.—Allez,viens,Mack,dit-ilenattrapant le typepar lebraseten le tirantvers laporte
sansménagement.Tire-toiavantqueJaxtecasselagueule.—Quoi?explosaMack.(Jesursautaietmecrispai.)Tun’espasenservice,Reece,tune
peuxpas…—Enserviceounon,tuferaismieuxderéfléchiravantdeterminercettephrase.Ah,donc sonamiétait flic. J’essuyaimesmainsmoiteset tremblantes surmon jeanen
espérantquelascèneseraitbientôtterminée.Malgrélamusique,toutlemondenousécoutaitetobservaitlaconfrontation.Çarendaitlasituationencorepire.
Jaxlessuivitjusqu’àlaporte,lespoingsserréscontresesflancs.—Tune sais pas ceque tu fais, ditMack en s’arrêtant à l’entréepour avoir ledernier
mot.Tucroisquetuesdanslamerde?Tun’asencorerienvu.Tamère…—Décidément, vousn’apprendrez jamaisdevoserreurs,marmonnaReeceenpoussant
Mack dehors. (Pendant qu’il disparaissait dans la nuit, Reece se tourna vers Jax.) Je vaism’assurerquecettesaloperies’enaille.
—Merci,ditJaxenseretournant.Sonregardseposasurmoi.—C’estàcausedeMona?demandaPearlàvoixbasse.Ça expliquait pourquoi elle n’avait pas été surprise quand Jax avait sauté par-dessus le
bar.—Est-cequ’ellea…—Non,gronda-t-ilen faisant le tour, cette fois.Occupe-toidubarpendant lapausede
Roxy.Leslèvrespincéessouslecoupdelaconfusion,Pearlhochalatêteetsepassaunemain
danslescheveux.—D’accord.Pétrifiée,j’observaiJaxseplacerauboutdubar.Ilmefitsigne.—Viensici.
Moncœurbattait la chamade. Jen’avaisaucuneenvied’avancer. Il avait l’air énervéetj’avaispeurqu’ilenaitaprèsmoi.Lefaitqu’ilaitrapidementacceptédemelaissertravaillericinesignifiaitpasqu’ilétaitdemoncôté.Étantdonnéqu’unebagarreavaitfailliéclaterlorsdemonpremierjour,leschosesnepenchaientpasenmafaveur.
—Viensici,répétaJaxd’unevoixdurecommedelapierre.Toutdesuite.Lesoufflecourt, jesentismespiedsavancerverslui.JedépassaiPearlquim’adressaun
regardinquiet.Jesavaisquejen’avaisrienfaitdemal,maislasituation,elle,étaitloind’êtrebonne.
—Jax…Ilm’attrapaparlamainetmetiradederrièrelebar.—Pasici.Jedusprendresurmoi,maisjegardaileslèvresscelléestandisqu’ilm’emmenaitdansle
couloir, en direction du bureau. Après avoir ouvert la porte, il m’entraîna à l’intérieur.L’estomac retourné, j’entendis laporte claquerderrièrenous. Je voulus reprendre laparole,maisquandilsetournaversmoi,toutencontinuantdemetenirlamain,lesmotsmoururentsurmalangue.
Nos regards se rencontrèrent une fraction de seconde, puis je baissai la tête vers lagaucheetprisunegrandeinspiration.
—Jesuisdésoléepourcequis’estpassélà-bas.Je…—Jerêve?Tuesentraindet’excuser?Jerelevailesyeuxverslui.—Euh,oui?Cemecestunvraisalaud,mais…— Tu es sérieuse, là ? (Ses yeux s’étaient obscurcis, à tel point que je me demandai
comment ils pouvaient changer de couleur ainsi.) Tu n’as pas à t’excuser pour ce putain desalopard.
—C’estmonpremierjourettuasdéjàeuàvirerquelqu’un.—Jememoquequecesoittonpremieroutondixièmejour.Lesgensquiontcegenre
decomportement,jelesvire.Pasdedeuxièmechance.Il devait baisser la tête pour me regarder dans les yeux et son regard était tellement
intensequ’onauraitditqu’ilpouvaitlireenmoi.—Tunem’enveuxpas?—Quoi?(Ilécarquillalesyeuxetsamainremontajusqu’àmoncoude.)Pourquoiest-ce
quejet’envoudrais,Calla?Jesecouailatête.Enyréfléchissant,c’étaitunequestionstupide.Ilfronçalessourcils.—J’espèrequec’estuneblague.Tout à coup, le besoin dem’échapper ou dumoins de changer de sujetme submergea
aveclaforced’unraz-de-marée.
—Ilaparlédeproblèmes?Mack,jeveuxdire.C’étaitausujetdemamère?—Ons’enmoquepourl’instant.J’avaiscrulecontraire.—Alorspourquoiest-cequetum’asemmenéeici?—Jevoulaism’assurerquetuallaisbien.C’était…adorabledesapart.—Tun’asrienfaitdemal,poursuivit-ilenmeserrantlebrasavecdouceur,commepour
merassurer.Jesuisencolèreparcequec’étaitunramassisdeconneries.—Oui,enfin,c’estvrai,mais…Ilpenchalatêtesurlecôté.—Maisquoi?Lerougememontaauxjouesetjereculailepluspossibleensachantqu’ilavaittoujours
lamainauniveaudemoncoude.—Maisquoi,Calla?Il avança pour franchir l’espace que j’avais créé. Le bout de ses bottes effleurait mes
orteils.Jefisdenouveauunpasenarrièreetmeretrouvailedoscolléaumur,maisilmesuivit.
Moncorpstoutentieravaitconsciencedesaproximité.Parréflexe,jevoulustournerlatête,détournerlesyeux.
Comme la nuit précédente, je sentis deux doigts s’enrouler sous mon menton etm’obligeaiàleregarderenface.Ilbaissalatêteversmoi.Sabouche…n’étaitqu’àquelquescentimètresdelamienne.
—Tunecroispascequ’iladit,j’espère?Savoixétaitdouce,pasplusfortequ’unmurmure.J’eneuslagorgesèche.Il me lâcha le bras et posa la main contre le mur, à côté de ma tête. L’autre tenait
toujoursmonmenton.—C’estn’importequoi.Jeclignailesyeux.— Ce n’est pas que je n’ai pas confiance en moi. J’ai accepté la réalité, c’est tout. Je
suis…simplementréaliste.—RachellaRéaliste?Lessourcilsfroncés,illerépétaencoreunefoisàvoixbasse.—Ouais,soufflai-jeetcequejem’apprêtaisàdireétaitlavérité.Jesaistrèsbienceque
voientlesgensquandilsmeregardent.Laplupartd’entreeuxnedisentrienparcequ’ilssontbienélevés,maisjesaistrèsbiencequ’ilsvoient.C’estcommeçadepuisquej’aidixansetçanechangerajamais.
Jaxmedévisagea,leslèvreslégèremententrouvertes.
—Qu’est-cequ’ilsvoient,Calla?—Ilfautvraimentquejetefasseundessin?rétorquai-je,agacée,frustréeetunmillion
d’autreschosesàlafois.Jecroisquec’estplutôtévident.Sonregardsondalemien.—Oui,c’estévident.Même si jeme l’étais toujours répété, l’entendre acquiescerme fit l’effet d’un coup de
poingdanslapoitrine.J’auraisvouludétournerlesyeux,maisilrefusaitdemelaisserfaire.—Jecroisqu’ilfautquej’yretourne…Seslèvresseposèrentsurlesmiennes.Oh,monDieu…Il n’y avait eu aucun signe avant-coureur, rien qui aurait pu présager de ce qu’il allait
faire.Uninstant,ilavaitétéentraindeparler,etl’autre,seslèvreschaudesavaientrecouvertlesmiennes.
Jaxm’avaitembrassée.
8
QuandmoncerveaucompritqueJaxm’embrassait,queseslèvresétaientposéessur lesmiennes,ilsubituncourt-circuit.
Etcen’étaitpasunpetitbaisernonplus.Iln’étaitpasprofond,niaveclalangue,rienàvoiraveccequ’onlisaitdanslesromansà
l’eau de rose. D’ailleurs, ces descriptions m’avaient toujours un peu dégoûtée… maisj’imaginaisque,silemecsavaits’yprendre,celaéveilleraitsansdoutemonintérêt.
Cebaiser-làétaitsincère.Seslèvresépousaientlesmiennesetlasensationétaitexquise.Ellesétaientdouces,mais fermeset jen’avaispascruqu’unetellechoseétaitpossible.Ellessuivaientlescourbesdemabouche,commepourlesdessiner.
Mesbraspendaientcontremesflancs,maisjemesentaisréagir,m’éloignerdumurpourmepencherverslui.Noscorpsnesetouchaientpasetc’étaitprobablementunebonnechose.
J’étaisdéjààdeuxdoigtsdeprendrefeu.QuandJaxrelevalatête,jemerendiscomptequej’avaislesyeuxfermés.Malgrétout,je
sentaissonregardsurmesjouesrouges,surleboutdemonnez…surmeslèvres.—Tum’asembrassée,murmurai-je.Je sais, c’était plutôt stupide comme remarque,mais à cemoment-là, j’étais persuadée
d’avoirperduplusieursneurones.— Oui. (Sa voix paraissait encore plus grave et rauque que d’habitude. Sexy.) Je t’ai
embrassée.Jeme forçai à ouvrir les yeux pour regarder cemembre non officiel de la Brigade des
BeauxGosses.Il sepenchaenavant, lebrasappuyécontre lemurpour supporter sonpoidsetôta sa
maindesousmonmenton.—Jen’embrassepaslesfillesquejenetrouvepasjoliesousupersexy.Tucomprendsce
quejeveuxdire?J’avaissurtoutl’impressiond’avoirdesmoutonsdepoussièredanslatête.—Tum’asembrasséepourmedonneruneleçon?
Lefantômed’unsourireapparutsurseslèvres.—Çam’aparulemoyenleplusrapide.Jenesavaispassijedevaismesentirblesséeparlefaitque,visiblement,iln’yavaitpas
d’autreraisonderrièrecebaiser,ouflattéeparcequ’ilpensaitquej’étaisjolieetsupersexy.Commejenesavaispasquoipenser,nirépondre,jemelaissaitombercontrelemur.Il
reculaetouvritlaporteavecunsourireencoin.—Cegenred’incidentsnesereproduiraplus,déclaraJaxavantdesortir.Il l’avaitditcommeunepromesse.Unepromessequ’ilnepourraitsansdoutepas tenir,
mais…c’étaitadorabledesapart.Lesyeuxfermés,jeprisunegrandeinspirationetlaissaitombermatêteenavant.Trois
semainesplustôt,j’avaishabitéàShepherdstown,avecmestroisTetj’avaisétéàdeuxdoigtsd’être diplômée. Ce bar n’avait été qu’un souvenir. Ma vie avait tourné autour de mesobjectifs : Terminer la fac, Trouver un boulot dans le domaine des soins infirmiers et Tirerprofitdufaitd’êtreenfinalléeauboutdeschoses.
Riend’autre.Quelquessemainesplustard,toutavaitchangé.JemeretrouvaisauMona’s, sans lesou
etsansfutur,avecunemèreenvoléedanslanature…etunmembrenonofficieldelaBrigadedesBeauxGossesm’avaitembrassée.
Rien de tout ça n’avait été prévu, ni ne rentrait dans les trois T que j’avaisminutieusementplanifiés.
Maiscebaiser…sincèreounon,avaitété important.Très important,même.Carc’étaitmonpremierbaiser.
Pourdestasderaisons,jemesentissoulagéequandPearlapparutdanslecouloiretmedit qu’elle me raccompagnait chez moi. Même si je n’aimais pas qu’on décide à ma place,aprèscequis’étaitpasséavecMack,puisavecJax,jen’étaispascontrel’idéedequitterlebaretmeviderlatêtedeschosesdésagréables…etmoinsdésagréables.
J’attrapaimonsacetdisaurevoiràClydeaupassage.Ensortant,jem’efforçaidenepasregarder Jax.Ma résolutionne tintpasdeux secondes.Quand jeme retrouvaià laporte, jejetai un coup d’œil en arrière, vers le bar bondé. Jax s’y trouvait avec Roxy. Tous deuxsouriaientetriaientenservantlesclients.
Roxyrelevalatêteetmefitunrapidesignedelamain.Jeleluirendis.Jaxnem’adressamêmepasunregard.Jeressentisun légerpincementaucœur,etquelquechosedebeaucoupplus ridiculeet
énervant. Je repoussai le tout enmon for intérieur tandisque je suivaisPearldehors etmepromisderécupérermavoitureàlapremièreheurelelendemain.
Sur le trajetduretour,Pearlme fit laconversation.Ellenonplusn’avaitpasbesoindedirections.Jel’aimaisbienetcommeelleavaitl’âgedemamère,j’imaginaisquec’étaitàçaqu’elleauraitressemblésiellen’avaitsombrédanscefichumerdier.
Quandonarrivaàlamaison,ellem’arrêtaavantquejedescendedevoiture.—Oh,j’aifaillioublier!(EllesecambrasurlesiègedesavieilleHondapoursortirune
liassedebilletsdesapoche.)Lesgarçonsquiontcommandédesailesdepoulett’ontlaisséunpourboire.
Ah,latabledeflics.Jesourisetacceptail’argent,parfaitementconscientequelasommeétaitdisproportionnéeparrapportauservicerendu.
—Merci.—Pasdesouci.Maintenant,dépêche-toiderentreretrepose-toi,dit-elleavecungrand
sourire.J’ouvrislaportière.—Soisprudenteauvolant.Pearl hocha la tête, puis attendit que j’aie déverrouillé la porte et mis un pied à
l’intérieurpourdémarrer.Enallumantla lumièreducouloir, jetentaid’ignorer lesentimentdenostalgiequim’envahitsoudain.Jefermai lesyeuxettoutàcoup, j’eusdenouveauseizeans.J’étaisrentréetardaprèsunesoiréeaubaravecClyde.Merappeler leriredemamèrenefutpastrèsdifficile.Elleavaittoujourseuunjolirire,gutturaletcontagieux,legenrederirequilarendaitattirante.Malheureusement,elles’enservaitrarement.Etquandelleriait,c’étaitqu’elleplanaittellementqu’elleauraitpulécherlesnuages.
Cettenuitavaitétécatastrophique.Lamaisonavaitétéremplied’amisàelle,degrandsenfantsquienavaientprobablement
àlamaisonetquipréféraientfairelafêteplutôtquesemontrerresponsable.Enavançantdans le couloir, je revoyais la scènequi s’était jouée cinq ansplus tôt.Un
inconnuétaitévanouisurlesoldusalon.Mamanétaitsurlecanapé,unebouteilleàlamain;unautre typeque jen’avais jamaisvuavait levisageenfouidanssoncouetunemainentresesjambes.
Parterre,l’inconnunebougeaitpas.Maman s’était à peine rendu compte dema présence. C’était lemec englué à elle qui
m’avaitvueetm’avaitproposéde les rejoindrepour s’amuser. Jem’étaisprécipitéedansmachambreenprétendantqu’ilsn’étaientpasvraimentlà.
Sauf que l’homme allongé par terre n’avait toujours pas bougé une heure plus tard etquelqu’unavaitfinipars’inquiéter.
Dieuseulsaitdepuiscombiendetempsilétaitmort.Jefrissonnaienregardantl’emplacementexact,àcôtéducanapé.Jepouvaistoujoursle
voir.Avecsontorsenuetsonjeansale.Levisagecontrelesoletlesbraslelongdesesflancs.Tout lemondes’étaitéchappéenunclind’œil.Mamèreetmoi,ons’étaitretrouvéesseulesavecunmacchabéedansnotresalon.Lapoliceavaitdébarqué.Çan’avaitpasété joliàvoir.Des tasde formulairesavaientété remplis,pourtant, les services sociauxnes’enétaientpasmêlés.Personnen’étaitvenuenquêter.Cen’étaitpastrèssurprenant.
Après ça, ma mère avait fait une cure de désintox et était restée clean pendant…quelquesmois.
Lesdeuxmeilleursdecettepériode.Jesecouailatêteetposaimonsacsurlecanapé.Repoussantcessouvenirsdansuncoin
demonesprit,j’attrapaiunélastiquedansmapocheetm’attachailescheveux.Commejen’avaispasl’intentiondepasserunedeuxièmenuitsurlecanapé,nidedormir
à l’étage, jeme résignaià retirer lesdrapsdu lit au rez-de-chausséeetà les fourrerdans lamachineàlaveravecunecouverturequej’avaistrouvéedansunplacard.L’enviedepasserlematelas à la Javel me démangeait, mais je me retins. Après tout, le matelas paraissaitrelativementneuf,iln’yavaitpasdetachessuspectesetaucuneodeurnes’endégageait.
Remplie d’énergie et de nervosité, je ne me sentais pas fatiguée. J’entrepris donc denettoyerlachambredemamèreetjetaitoutcequidevaitl’êtredansdessacs-poubellenoirsquej’avaistrouvésdanslecagibi,avantdeplacerletoutsurleperron,àl’arrière.Iln’yavaitaucunvêtementdansl’armoire,nidanslacommode…seulementquelquesjeansetpullsdansunplacard.Jen’yavaispasfaitattentionjusqu’àprésent.Quandonadditionnaitletout,çanefaisaitpasunegarde-robecomplète.
Encoreunepreuvequemamères’étaitbeletbienenfuie.Jenesavaispasquoipenser,nicequejedevaisressentir.Ellem’avaitvolée,moietses
amis,avaitmismaviesensdessusdessous…Etelleétaitquelquepart,là-dehors,entraindepaniqueroutellementcaméequ’elleneserendaitpascomptedecequ’elleavaitfait.
Je sortis l’argentdemapoche, trentedollars, auquel j’ajoutai les vingtdes flics.C’étaitunesommeexcessivequitenaitdavantagedelapitiéquedelaqualitédemonservice,maiscinquantedollarspourunepremièresoirée,cen’étaitpasmaldutout.Jerangeailetoutdansmonportefeuilleaprèsavoiramenémonsacdanslachambredubas.
Lasse, je fis le lit et rangeai les vêtementsque j’avais apportés.Puis jeprisunedoucherapide dans ce que ma mère aimait appeler sa salle de bains « cosy ». Cosy, parce qu’entendantlesbrasoulesjambesonpouvaittoucherlelavabo,labaignoireetlestoilettes.
Alorsquej’allaisretournerdanslachambre,lemiroirembuéattiramonattention.Jenesaispascequimepritalors.Çafaisaitdesannéesquejenel’avaisplusfait.Pourtant,jemepenchaienavantetpassailamainsurlemiroirpourlesécher.
C’était peut-être à cause du stress causé par la situation.Ou de ce que ce type,Mack,avaitditaubar.OuJaxetsonbaiser.Çan’avaitpaslamoindreimportance.Lerésultatétaitlemême.
J’avais toujours évité mon reflet, surtout après l’accident et les greffes de peau quiavaient suivi. Comme je l’ai déjà dit, ça faisait des années que je n’avais pas regardémoncorpsdansunmiroir.Cen’étaittoutsimplementpasquelquechosequejem’autorisais.
Jememordislalèvreetm’obligeaiàmeregardervraiment.Pasuncoupd’œilfurtif.Monsoufflesebloquaquelquepartentremonsternumetmagorge.
Auniveaude laclavicule,rienàsignaler.J’yavaisunteintdepêche.Lacouleurdemapeauavaittoujoursétéparfaite,lemaquillagenefaisaitquelacomplimenter.Lehautdemapoitrineétaitlisse.Jebaissailesyeux.
Plusbas,jeressemblaiàuneœuvredePicasso.Unecicatricesimilaireàcelledemonvisagebarraitmonseingauchejusteau-dessusdu
mamelon. J’avais eu de la chance. Ça craignait d’avoir un seul mamelon. Personne ne lesvoyait,biensûr,maisjepréféraisnepasavoiràmesurnommer«Callaaumamelonunique.»Monautreseinétaitnormal.Leurtailleétaitplutôtstandard,maislapeauentreeuxétaitplusclaire,commedécolorée.Brûlureauseconddegré.Lacicatriceselimitaitàunedécolorationdespigments.Puisilyavaitmonventre.
Je ressemblais à un vieux canapé rafistolé avec des morceaux de peau de différentescouleurs. Et je ne plaisantaismême pas. Les brûlures au troisième degré ne sont pas de larigolade.Loindelà.
Parendroits,mapeauétait rosevif,àd’autreselleétait lisseetcouleurchair,mais lescontoursdemescicatricesétaientprotubérants.Jelevoyaisdanslemiroir.Onauraitpresquedit une tache de naissance. Enme retournant et en étirant le cou, j’aperçusmon dos. Desomoplates et àmes fesses, il ressemblait àmon ventre, sauf que les cicatrices étaient bienpires.Lapeauétaitplissée,rugueuseetd’unecouleurbeaucoupplusfoncée,presquemarron.
Jen’avaispasreçudegreffeàcetendroit.Mon père était parti à cemoment. Il avait préféré fuir les problèmes et la culpabilité.
Quandj’avaisterminélelycée,j’avaisréussiàleretrouveravecl’aidedeClyde.Ils’étaitremarié.IlvivaitenFloride.Iln’avaitpasd’enfants.Uncoupdetéléphoneavaitsuffipourquejecomprennequ’ilnevoulaitpasrecréernotre
lienpère-fille.Danstouslescas,aumomentoùj’allaissubirunegreffedepeaudansledos,ilétaitdéjà
partietmamère…jesupposequ’elleavaitoubliélesrendez-vousaveclemédecinouqu’elleavaitarrêtédes’ensoucier.
Leslarmesauxyeux,jemeforçaiàrespirer.Ladouleurinduiteparlesbrûluresavaitétélapireexpériencedemavie,dumoins,physiquement.Malgrémonjeuneâge,j’avaissouhaitémourir plus d’une fois pendant les heures, voire les jours, qui avaient suivi. Désormais, lescicatricesnemefaisaientplusmal.Ellesétaientjustemoches.
Jefermailesyeuxetmeretournai,maisderrièremespaupièrescloses,jevoyaistoujoursmonreflet.Cen’étaitpasbeauàvoir,maisçaauraitpuêtrepire.J’avaiscroisédescasplusdésespérésquemoidansledépartementdesgrandsbrûlés.Desenfantsquiavaientjouéaveclefeu.Desadultesrescapésd’accidentsdevoiture.Leurpeauavaitcarrémentfondu.Etpuisilyavaitceuxquin’avaientpassurvécu,àcausede lachaleuroudelafumée.Alors, jesavais
queçaauraitpuêtrepire,maispeu importait ladistanceque jemettaisentrecettevilleetmoi, peu importait le temps qui s’était écoulé, la nuit de l’incendie m’avait laissé desséquelles,autantsurleplanphysiquequ’émotionnel.
Etilavaitbrisémamère.Unbaiser.Jememordisleslèvresjusqu’ausang.Un baiser ne signifie rien. J’avais été débile de craquer pour Brandon. Encore plus
d’embrasserJax.Toutétaitstupide.Jem’éloignaivivementdumiroiretenfilaiunshortencotonavecuntee-shirtàmanches
longues.En toute saison, la températurede lamaison restait fraîcheetdevenaitmême trèsfroide lanuit.Ducoup, jemiségalementdes chaussetteshautespourgardermespetonsauchaud.
Commemonestomacgargouillait,jemerendisensuitedanslacuisine,sansbeaucoupdesuccès : la seule chose qui restait dans les placards, c’étaient des crackers. J’attrapai quandmêmelaboîteetmepromisderécupérermavoiturelelendemainetd’allerausupermarchépourm’achetercinquantedollarsdepâtes.
Alorsquej’emportaislepaquetdecrackersqui,jel’espérais,n’étaitpaspériméetleresteduthédelaveilledanslesalon,uncoupsurlaportem’arrêta.
Je jetai le paquet sur le canapé etme tournai vers l’horloge accrochée aumur. Si elleétaitbienréglée,ilétaitdéjàplusdeminuit.Qu’est-cequ’onmevoulait?
Jemefigeaietgrimaçaiquandonfrappadenouveau.Nerveuse,jemerendisensilencedanslecouloirétroitetcourt,puismemissurlapointedespiedspourregarderàtraverslejudas.
Jefronçailessourcils.De ce que je voyais, il n’y avait personne dehors. Lesmains à plat contre la porte, je
regardaiencoreunefois.Leperronétaitvide.—Allonsbon,marmonnai-je.Persuadée que je devenais folle, je reculai et déverrouillai la porte. À peine fut-elle
ouverteque jecomprismonerreur.Leperronn’avaitpasétévide.L’hommes’étaitassis.Enmevoyant,ilselevad’unbond.Moncœurseheurtadouloureusementàmescôtes.
Ceque jevoyaisdans l’obscuriténemedisait riendebon.Grandetmaigre commeunclou,ilavaitlescheveuxlongs,grasetemmêlés.Sonvisageétaitémaciéetseslèvresgercées.Beurk.Jenevoulaispasenvoirdavantage.Jereculai, lamainsur lapoignéeetétaissur lepointderefermerlaportelorsqu’illaretint.
—IlfautquejevoieMona,dit-ild’unevoixéraillée.—Ellen…n’estpaslà.Désolée.J’essayaiencoreunefoisdefermerlaporte,maisilplaçasonpiedcontrel’encadrement
etmepoussasifortquejepartisenarrière.Jeheurtailemuretmetapailatête.Ladouleur
se répercuta dans toutmon crâne et s’intensifia lorsqu’ilme balança la porte dessus etmetouchaaufront.
—Putain!hoquetai-je.Lemecauxcheveuxgrasentraàl’intérieuretmeregardacommesij’étaisuninsectequ’il
avaitécrasé.—Désolé,dit-ilenéloignant laportedemoieten larefermantduboutdesabottede
motard.IlfautquejevoieMona.Je clignai les yeux deux ou trois fois et posai les mains contrema tête. L’espace d’un
instant,jecrusvoirdesoiseauxtournerautourdemoi.—Mona!cria-t-ilenavançantdanslecouloir.Malgréladouleur,jebaissailesmainsetmeredressai.L’hommeétaitentrédanslesalon
etcriaitlenomdemamèrecommesielleallaitsematérialiserparmagie.Jemeprécipitaiàsasuite,dansunétatsecond.—Ellen’estpaslà.L’hommesetenaitdevantlecanapé,ledosvoûté.Lalumièreintensememontraitceque
jen’avaispaseuenviedevoir.Ilétaitsale.Sonjeanetsontee-shirtétaientcrasseux.Sursesbrasnus,onpouvaitapercevoirdesmarquesrouges.
Merde.C’étaitdesmarquesdepiqûres.Cetypeétaitdéfoncé.Putaindemerde.—Monan’estpaslà,répétai-je.Mon cœur battait tellement fort que j’avais l’impression d’avoir un marteau-piqueur
miniatureàcôtédel’oreille.L’hommesetournaversmoi,lamâchoirecrispée.—Elleaunedetteenversmoi.Putaindemerde,àlafin.Il se tourna versmoi. Ses yeux, bleu pâle, étaient voilés. Je n’étaismêmepas certaine
qu’ilmevoyaitvraiment.—Elleplanquedushitici.Jelesais.J’écarquillailesyeux.Ilvalaitmieuxpourmoiqu’ilsetrompe.Sansunmotdeplus,ilmedépassaetsedirigeaverslachambre.—Oùallez-vous?demandai-je,lecœurauborddeslèvres.Ilnemeréponditpas.Ilsecontentad’approcherdulitetd’arracherlesdrapspropres.—Hé!criai-je.Ilcontinuadem’ignoreretpassalesmainssouslematelaspourleretourner.Netrouvant
rien,illaissaéchapperunchapeletd’insultes.Toutçaneprésageaitriendebonetcommençaitàéchapperàmoncontrôle.
Quandjefisunpasverslui,illevalebras.—Net’approchepas,gronda-t-il.L’estomacnoué, je lui obéis. Je le regardai ouvrir l’armoire et jetermes vêtements par
terreavantdes’enprendreauplacard.Contretouteattente,ilnefitpasattentionàmonsac.Puisils’arrêtadevantl’entréedelasalledebainsetseredressasoudain.Uneexpression
étrangepassasursonvisage.—Maisoui!Ilseretournaetcourutverslesescaliers.Ohnon.Oùest-cequ’ilpensaitallercommeça?Lesmainstremblantes,jemeprécipitai
àsasuiteetmeplaçaidevantlui,bloquantl’accèsàl’étage.— Je suis désolée, mais elle n’est pas ici. Je ne sais pas où elle est, ni ce que vous
cherchez.Alors…Ilplantaunemainaucentredemapoitrinepourmepousser,avantdesepenchervers
moi.Sesdentsétaient jaunes,certainescomplètementpourries,et sonhaleineempestait lespoubellesvieillesdeplusieursjours.Delabilesemélangeaàmasalive.
—Écoute,jenesaispasquituesetjem’enbranle.Jen’airiencontretoi,dit-il.Alorsnem’énervepas,OK?
Jem’efforçaidehocherlatête.Jenevoulaisvraimentpasl’énerver.—Compris.Ilmeregardauninstant,puissesyeuxseposèrentsurmajouegauche.—TueslagaminedeMona,c’estça?Jeneluirépondispasparcequejenesavaispascommentilallaitleprendre.—T’asvraimentpasdechance,fit-ilavantdemerelâcher.Ilcontinuasaprogressionàl’étage.Contremonbonsens,jelesuivisjusqu’àmonanciennechambre.Visiblement,ilsavaitoù
chercher.Ilsedirigeadirectementversleplacardetouvritlaportesifortquejefussurprisequ’elle reste accrochée au reste du meuble. Ensuite, il se mit à genoux et se pencha dansl’alcôve étroite. Le souffle court, j’avançai derrière lui enme demandant si, oui ou non, jedevaisl’assommeraveclalampedechevet.
Enattendant, ilpoussa lesboîtesàchaussuresde sonchemin. Jenevoyaispascequ’ilfaisait,mais tout à coup, il grogna et recula violemment. Il jeta unmorceau dumur sur lecôté,unmorceauquiavaitétédécoupéetquicachaituncompartimentsecret.
Ohnon.—Ohoui,souffla-t-ilenserelevantavecdifficulté.Jackpot!Jen’avaispaslamoindreenviederegarder,maisj’étaisplusoumoinsobligée.L’homme
ne tenait pas un, mais au moins huit sachets dans les mains. Des sachets remplis d’unesubstancequifaisaitpenseràdusucreroux.
—Oh,monDieu,murmurai-je.
L’hommenem’écoutait pas. Il regardait les sachets comme s’il était à deuxdoigts d’enouvrirunpourenfouirlevisagedanslacamequ’ilcontenait.
Mesjambesvacillèrent.Ilyavaitdeladroguedanslamaison,deladroguecachéedansuncompartimentsecretàl’intérieurd’unplacarddemonanciennechambre.Etpasdushit,nitouteautredroguedouce.Non,j’étaissûrequecemachinétaittrèscherettrèsfort.
L’homme, lui, semblait avoir oublié mon existence. Personnellement, ça me convenaitbien.Ildescenditlesescaliersetunesecondeplustard,j’entendislaported’entréeclaquer.Jesursautai.
Jenesaispascombiendetempsjerestailà,àfixerlaporteouverteduplacard,avantdeforcermespiedsàbouger.Jedescendis,retournaidanslachambreetextirpaimonportabledemonsac.Lesmainstremblantes,j’appelaiClyde.
Ilréponditàlatroisièmesonnerie.—Toutvabien,mapetite?Ilétaittard,maisClydeétaitsûrementencoreaubar.—Unhommes’estintroduitdanslamaison.Ilyeutunepause,puissavoixsefitgraveetsérieuse.—Qu’est-cequis’estpassé?Jeluiracontaitoutel’histoiredansunsouffleetilmedemandadem’assurerquelaporte
étaitverrouillée(bonne idée)etde l’attendre. Ilallaitvenirmevoir. Ilnepouvaitplus rienfaire,àprésent,maisçamerassuraitquandmême.Lavérité,c’étaitque j’avaispeur.J’étaismortedetrouille.
Après avoir refermé le placard dans la chambre, jeme remaquillai,même si ce n’étaitqu’OncleClyde,puispassai les vingtminutes suivantesassise sur le canapé, lamain crispéeautour de mon portable, jusqu’à ce qu’un coup bref et puissant résonne contre la ported’entrée.
Je jetaidenouveauunœilà travers le judas.Cette fois, il yavaitbienquelqu’un.Moncœurquiavaitdéjàétésuffisammentmalmenépourlasoiréemanquas’arrêter.
Jaxsetenaitdel’autrecôtédelaporte.
9
— Non, mais à quoi tu pensais ? fut la première chose qui franchit ses lèvres quandj’ouvrislaporte.
J’avaisunemeilleurequestion.—Qu’est-cequetufaisici?C’estClydequej’aiappelé.—Etilm’atoutraconté,doncjesuisvenu.Ilmepoussapourentrer,retiramamaindelapoignéeetverrouilladerrièrelui.—Tun’aspasréponduàmaquestion.Comme jen’arrivais toujourspasàcomprendrepourquoic’était luiqui se tenaitdevant
moi,jeclignailentementlesyeux.—Quellequestion?—Qu’est-cequit’aprisderépondreàlaporteenpleinenuit?—Oh,rassure-toi,j’aid’abordregardédanslejudas.Jaxcontinuaitdemedévisager.—Etiln’yavaitpersonne,ajoutai-jepourmadéfense.Ilcroisasesbrasparfaitementdessinéssursontorse.—Sijecomprendsbien…tuasentendufrapperàlaporte,tuasjetéunœilparlejudas
etcommetun’asvupersonne,tut’esdit:«Tiens,etsi j’ouvrais laporte?»Çanet’estpasvenuàl’espritquequelqu’unpouvaitsecacher?
Waouh.Ilavaitvraimentl’airénervé…maisilpouvaitaussiallersefairevoir.—Lemecnesecachaitpas.Ilétaitassis.Ilhaussasessourcilsfoncés.—Tulesavaisquandtuasouvertlaporte?—Ehbien,non,mais…—Alorspourquoiest-cequetul’asfait,putain?s’exclama-t-il,avecunregardnoir.—Écoute.Jeveuxbienadmettrequec’étaitstupidedemapart.Mamainsecrispasurmontéléphoneportable.J’avaisenviedelefrapper.—Jen’aipasréfléchi.
—Paspossible,grommela-t-il.Jeplissailesyeux.—J’aicompris.Paslapeinedemerabâcherlesoreillesavecça.—Bonsang,Calla.Jet’aiexpliquélemerdierdans lequeltamères’était foutue.Jet’ai
mêmeditdenepasvivreici.Lemoinsquetupuissesfaire,c’estdenepasouvrirlaporteenpleinenuit.
Je pris une grande inspiration et replaçai mes cheveux encore humide derrière monoreilledroite.
—J’aicompris.Mercid’avoirdélivrélemessageenmainpropre.Maintenanttupeux…Jem’interrompis,surprise.Une lueur inquiétante s’était allumée dans ses yeux et tout à coup, il bougea avec la
mêmerapiditédontilavaitfaitpreuveaubaretseretrouvapiledevantmoi.Jereculaicontrelemur, jusqu’àneplusavoirnullepartoùm’enfuir. Ilposadeuxdoigts, très légèrement,auniveaudemonoreilledroite.Sesyeuxorageux, troublés, fixaient également cettepartiedemonvisage.
Moncœurbattaitaussifortquelorsqueletypeauxcheveuxgrass’étaitintroduitdanslamaison.
—Jax…?Sonregardrencontralemien.—Ilt’afrappée?—Non,murmurai-je.—Alorsqu’est-cequ’ilt’estarrivé?Tuasunemarque.Savoixétaitglaciale.—C’est à causede laporte. Il l’apoussée et j’étaisplusoumoins sur sonpassage. (La
colèreselisaitdanssesyeux.Ilserralamâchoire.)Iln’apasessayédemefairedumal,Jax.Ilvoulaitjusterécupéreruntrucdanslamaison.
Latensiondesamâchoirenesedissipapas.Unlongmomentpassaetjenecroispasquejerespiraiuneseulefois.
—Tuvasbien?Ilmeregardaitdanslesyeux.— Ouais. Ça m’a… secouée, c’est tout. Je ne m’y attendais pas. (Avec le recul, ça
paraissaitstupide.Ilm’avaitmiseengarde,pourtant.)Jenesavaispasquecetrucétaitdanslamaison.
—Jesais,murmura-t-il.Sa voix s’était radoucie et àmesure qu’ilme regardait, je sentais une douce sensation
grandirdansmapoitrine.Monesprit,lui,m’envoyaitdesdizainesdemisesengarde.—Clydem’aditquelemecavaittrouvéquelquechose?Jehochailatête.
—Oui.Enhaut,dansmonanciennechambre.Dansleplacard.—Merde,jura-t-il,clairementécœuré.Il fit glisser ses doigts le long demon visage, puis se retourna et s’avança un peu plus
danslamaison.Moi,jerestaiplantéeaumêmeendroit,letéléphoneserrécontremesseins.Auboutde
quelques minutes, je me forçai à m’éloigner du mur. Comme je ne savais toujours paspourquoiJaxétaitvenuàlaplacedeClyde,jelesuivis.Ilétaitdéjàdanslesescaliers.Onneditrienni l’unni l’autretandisqu’ils’accroupissaitdevant leplacardetattrapait lemorceaudecloison.
—Tuasvucequ’ilapris,exactement?demanda-t-il.—Plusieurssacsd’untrucquiressemblaitàdusucreroux.Jesupposequeçan’enétait
pas.—Putain,marmonna-t-il. (Il sembla réfléchir un instant.) Ça ressemble à de l’héroïne.
Lessacs,ilsétaientpetitsougrands?Del’héroïne.MonDieu.Mamèreprenaitcettemerde,àprésent?—Qu’est-cequetuappellespetit?Latailled’unsandwich?—Non.(Ileutunrireétrangléetselevapourmefaireface.)Unsacd’héroïnedelataille
d’unsandwich,cen’estpaspetit.Jeveuxdireàpeuprèsça.Ilécartasonpouceetsonindexdequelquescentimètres.—C’estcequetuasvu?—Non. Je teparlede sacs congélation, Jax. Il y enavait àpeuprèshuit et ils étaient
pleins. (En le voyant pâlir, je sentismon cœur rater un battement.) Ce n’est… pas bon dutout.C’estça?
—Ahça,non!(Ilsepassalamaindanslescheveux.)Ilsepourraitqu’ilyaitunbonkilodanscessacs.Etd’aprèscequetum’enasdit,jepensequec’estdel’héroïnenoire.
Jen’avaispaslamoindreidéedecequereprésentaitunkilodanslemondedeladrogue.—Noire?—Letruclepluscherdumarché.Lapiècesemitàtournerautourdemoi.—Genre,combien?— Je dirais entre soixante-dix mille et cent mille dollars le kilo, m’expliqua-t-il en
prenantunegrandeinspiration.Çadépenddelapureté.Sic’estdelaqualitéoupas.Sic’estvraimentdelabonne,çapeutmêmevaloirunoudeuxmillions.
—Oh,monDieu. (Tout à coup, j’avais dumal à rester debout.)Comment tu sais toutça?
Iljetauncoupd’œildansmadirection.—Jetraînedanslequartierdepuispasmaldetemps.—Tuasprisdel’héroïne.
—Plutôtcrever.(Iln’entrapasdanslesdétails.)Décris-moicemec.Quand je terminai de lui parler du mec aux cheveux gras, Jax m’eut l’air encore plus
tenduqu’avant.—Jedoutequeçasoitsacame.OucelledeMona,d’ailleurs.J’eneusl’estomacnoué.—Tucroisqu’ellela…gardaitpourquelqu’und’autre.Ilhochalatête.—Etiln’yaplusqu’àespérerquec’étaitpourlui.Sinon…Oh,monDieu.Pasbesoinde s’y connaîtreendroguepourcomprendreoù il voulaiten
venir.Simamèrecachaitunecamed’unetellevaleuràlamaison,sonpropriétaireallaitfinirparvenir la réclamer.Etsicelle-ciavaitdisparu,elleallait seretrouverencoreplusdans lamerde. Comme Jax l’avait dit, la seule chose à espérer, c’était qu’elle avait appartenu à cetype.Aprèstout,ilavaitparusavoirexactementoùellesetrouvait.
Lorsqu’on redescendit au rez-de-chaussée,mon téléphone sonna. En le soulevant, je visquec’étaitClyde.
—Allô?—Toutvabien,mapoupée?demandalavoixrauqueetgrave.—Mouais.—Jaxestavectoi?—Mouais.Ilsoufflalonguement.—C’estunbongarçon.Ilteprotégera.Jefronçailessourcils,pasàcausedecequedisaitClyde,maisparcequeJaxétaitentré
danslachambreetramassaitcequel’hommeavaitjetéparterre,ycomprismesculottes.—Euh,OncleClyde…Jedoistelaisser.— Je suis sérieux, ma poupée. Il saura t’aider, continua-t-il. (À ses mots, une douce
chaleurenvahitdenouveaumapoitrine,pluspuissanteencore.)Tum’entends?—Oui,murmurai-je.Jet’entends.—Bien.Appelle-moidemainmatin,d’accord?—D’accord.Je raccrochai et entrai lentement dans la chambre. Mon cœur battait la chamade. Je
m’arrêtaiauniveaudelaporte.—Jax,qu’est-cequetufabriques?— D’après toi ? (Il remit le matelas en place.) Je doute que ça soit ton idée du
rangement.—Non,maisjepeuxlefaire.Tun’espas…— Je t’aiderai que tu le veuilles ou non, alors ce n’est pas la peine de discuter. (Il se
penchapourattraperundrapetmelelança.)Jevaisresterdormirici.
Ledraptombaparterre.—Pardon?—Jeresteavectoi.(Ilposaledrap-houssesurlematelas.)Jepeuxdormirsurlecanapé.Quand ilme regardaà travers ses cils épais, ses yeuxavaient reprisune teintemarron
chaleureuse.—Oujepeuxresterici…Jerestaisansvoix.Ilrécupéraledrapquej’avaislaissétomberparterreetjerestaiplantéelà,pendantqu’il
terminaitdefairelelit,puiscontinuaitàramassermesvêtements.Lorsqu’ilsoulevaplusieurssous-vêtementscolorésendentelle,jesortisenfindematorpeur.
Jemeprécipitaiversluietluiarrachaimesculottesdesmains.—Ilesthorsdequestionquetupasseslanuitici.—Alors,vienschezmoi.Uneminutes’écoulaavantquejecomprennecequ’ilvenaitdedire.—Çan’estpasuneoptionnonplus.—Alors,jeresteici.Il ramassa le reste demes vêtements par terre. J’en profitai pour fourrermes culottes
dansuntiroir.—Cetendroitn’estpassûr.C’estunfait.Etenplus,tuouvresàdescamés…—Jen’ouvriraiplusàpersonne!criai-je.Aprèsavoirreferméletiroirdel’armoire,ilseredressaetunsourireencoinsedessina
surseslèvres.—Qu’est-cequetuportes?—Quoi?Jebaissailatêtepourexaminermesvêtements.Montee-shirtétaitnoiravecunsoutien-
gorge intégré,Dieumercicar jene tenaispasà fairedeseffetsdepoitrine,etmonshortdenuitétaitrosepâle.
—Ilyaquelquechosequinevapas?—Non,non.J’aimebienteschaussettes,c’esttout.Ellessontmignonnes.Commetoi.C’étaientdeschaussettesàcarreauxbleusetroses.Ellesétaientvraimentmignonnes.—Merci,murmurai-je.La sensation de plaisir que je ressentais émettait des interférences avec mes pensées.
Mauvaise idée.Trèsmauvaise idée.Très, trèsmauvaise,même : jen’avaispasbesoinde cegenrededistractions.Jerepoussaidonclasensationauplusprofonddemonesprit.
—Tunerestespas.—Donc,tuvienschezmoi.Super.Jecommençaisàavoirmalàlatête.—Jen’iraipascheztoinonplus.
Jaxavançaverslepieddulit,auniveaudelamontagnedecoussins.Ilyavaitcertaineschoseschezmamèrequinechangeaientpas.Elleavaittoujourseuaumoinscinqcoussinssursonlit,etelleleschangeaittouslesmois.
—Tudiscutestoujoursautant?Jeluilançaiunregardnoir.—Tudonnestoujoursdesordrescommeça?Ileutunsouriresuffisant.—Tun’asencorerienvu,chérie.—Super…Jelevailepoingavecunmanqued’enthousiasmeflagrant.Sans sedépartirde son sourire, Jaxattrapadeuxoreillers et fit le tourdu lit.Endeux
enjambées,ilseretrouvadevantmoietnes’arrêtaqu’àquelquescentimètresdemonvisage.—Continuedemedirequejenepeuxpasrester.Crie.Gesticule.Vas-y.Jem’enfous.Ça
nechangerarien.Jedoutequetupuissesvraimentmemettredehors.Tucomprendscequejedis?
J’écarquillailesyeux.Biensûrquejecomprenais.Mais,ducoup,jemedemandaissienlefrappantdanslescouillesilcomprendraitceque,moi,j’étaisentraindeluidire.
Quandilbaissalatête,sonsouffledansasurmeslèvres.Cemecmemettaithorsdemoi,pourtantjesentismoncœurbondirdansmapoitrine.
—Jesaisqu’aufonddetoituascomprispourquoiClyden’estpasvenuetpourquoic’estmoiquisuisici.
Euh.Enfait,non.J’allaisleluidire,maisilrepritlaparole.—Jeveuxm’assurerquetuesensécurité,étantdonnéquetuvasrestericipour…une
duréeindéterminée.Ilbougealégèrementetpenchalatêtesurlecôté.Unesecondepassa,puisilmeregarda
danslesyeux.— Tu ne peux pas rester seule ici. C’est dangereux. Alors, je vaism’assurer que tu ne
craignesrien.Un souffle s’échappa de mes lèvres entrouvertes et tout à coup, un désir ardent
m’envahit.Jemouraisd’enviedecollermoncorpsausien.Quem’arrivait-il?C’étaitvraimenttrèsétrange.Jen’avaisjamaisressentilebesoindemerapprocherd’ungarçonavecautantdeforce.Biensûr,j’avaisdéjàlucegenredechosesdansdesromansàl’eauderose,maisjen’yavaisjamaisvraimentcru.Jesavaisquedanssesbras,jeseraisbien,ensécurité.Latentationmerendaitfébrile.J’imaginaislachaleurdesoncorps,lafermetédesesmuscleset…d’autrespartiesplusintéressantes.
Oups.Mespenséescommençaientàpartirenvrille.J’étaisincapabledelesarrêter.Jax…possédait une beauté irréelle, inaccessible. Et il avait de très beaux sourcils. Sans rire. Ils
étaientplusfoncésquesescheveuxondulésetbiendessinés.Onnevoyaitqu’eux.Jen’avaisjamaisvudessourcilsaussisexy.
Maisiln’yavaitpasqueça.MonDieu,lesimplefaitdel’admettrereprésentaitsansdouteunpéchécapital…maisla
vérité,c’étaitqueJaxétaitunCam2.0.D’aprèscequejesavaisdelui,ilétaitévidentqu’ilétaitgentil.Trèsgentil,même.Cequi
le rendait dangereux pour ma santé mentale. En même temps, tomber amoureuse de luipouvaitserévéleruneaventureamusante…sijem’enremettaisunjour.
Enattendant,jesentaistoujoursseslèvresprèsdesmiennes.Lorsqu’ilm’avaitembrasséeunpeuplustôt,lecontactavaitétébref,sansautrebutquedefairepasserunmessage.
Une lueur chaleureuse, profonde, s’alluma dans ses yeux. Jeme demandai s’il savait àquoi jepensais.Oh,monDieu, faitesqu’iln’enaitaucune idée.Quandsescilss’abaissèrent,meslèvrespicotèrentsouslepoidsdesonregard.
—Oui, je crois que tu commences à comprendre, déclara-t-il avant de s’éloigner pourretournerdanslesalon.
—J’aibesoind’unadulte,marmonnai-je.Jemeretournai.Ilétaitdeboutàcôtéducanapé.—Aufait,avantquej’oublie…—Nechangepasdesujet!Jetapaidupiedparterreetj’enétaisfière.Interloqué,iljetauncoupd’œildansmadirection.—Tuviensdetaperdupied,là?Lerougememontaauxjoues.—Peut-êtrebien,grommelai-je.LeslèvresdeJaxseretroussèrent.—C’estmignon.—Cen’estpasmignon!Ettunepasseraspaslanuitici.Je…—Tumeramèneraschezmoidemainmatinenallantaubar,mecoupa-t-ilens’arrêtant
devantlecanapé.—Jene…Jem’interrompis.Sesparolesvenaientdememonteraucerveau.—Quoi?— J’aurai besoin d’un chauffeur demain, répéta-t-il en posant des coussins contre
l’accoudoir.Jesuisvenuavectavoiture.Lepare-briseaétéchangé.Je le dévisageai pendant tellement longtemps qu’il se demanda sans doute si je n’avais
pasunproblème.Puisjemeprécipitaiàlafenêtreprèsdelatélévision.J’ouvrislesrideaux.MaFocusétaitbienlà,garéedansl’allée.
—Laisse-moideviner.Iln’yapaslecâble?demandaJax.
—Quoi?Lecœurbattantlachamade,jecontinuaideregarderdehors.—Latélé?Monaasûrementoubliédepayer.Jel’entendisjeterlatélécommandesurlatablebasse.—J’ailecâblechezmoi.Jedisça,jedisrien.Lorsquejemetournaiverslui,j’avaislagorgenouée.—Combien…Combienest-cequejetedoispourlaréparation?—Riendutout.—Si,ilfautquejeterembourse.Cen’estpasunhamburger.Jenesuispassipauvreque
ça.Jepeuxencore…—Jen’airienpayé.Ilsepassalamaindanslescheveuxtoutenjaugeantmaréaction.—Commejetel’aidéjàdit,legaragiste,Brent,medevaitunefaveur.Ils’estoccupéde
tonpare-brise.Gratis.—Iltedevaitunefaveur?répétai-jebêtement.Tuesdanslamafiaouquoi?La tête rejetée en arrière, il laissa échapper un éclat de rire tonitruant qui me rendit
toutechose.—Pasdutout.J’aimaissonrire.Tandis que je m’éloignais de la fenêtre, je me sentis soudain… je ne sais pas trop.
Soulagée ? Tendue ? Stupéfaite ? Les trois enmême temps, sans doute,mais je savaismemontrerreconnaissantequandillefallait.
—Merci.Ilhaussalesépaules.—Cen’estpasgrand-chose.—Aucontraire.Unmomentpassa.—Tuesfatiguée?Non.J’étaissur lesnerfs,àtelpointque j’avais l’impressionquemesosetmesmuscles
allaient s’échapper de sous ma peau, mais je mentis et répondis que oui, parce que je nevoulaisplusresterunesecondedeplusdanslamêmepiècequelui.Ilyavaitunfeuderrièremesyeuxquejedevaisapprendreàcontrôler.
Jaxcroisamonregarduninstant,avantdeselaissertombersurlecanapé.Ilneditrienpendantquejem’approchaisduplacardàlingeetquej’ensortaisunesecondecouverturequej’avaisrepéréeplustôt.Jelaposaisurl’autreaccoudoir,àl’opposéd’oùilsetrouvait.
—Aufait…Quandjemetournaiverslui,ilavaitcesourireencoinquimefaisaitfrissonner.—Tesjambesdansceshort?C’estlaperfection.
Allongéesur ledos, je fixai leplafondavecdesgrandsyeux.Plusieurs lamesdesvoletsétaient cassées. Du coup, la lumière de la lune filtrait à l’intérieur et dessinait comme desdoigtsau-dessusdemoi.
Pendant des heures, je n’arrêtai pas deme retourner dansmon lit. J’étais incapable detrouverlesommeil.Chaquefoisquejebougeais,lematelasgrinçaitunpeu.Oubeaucoup.Lesonmeparaissaitretentissant…maisceluidemoncœuraussi.
Jaxdormait sur le canapé,àquelquesmètresde là.Plus tôtdans la journée, ilm’avaitembrassée.Ilavaitfaitréparermavoiture.Etilm’avaitditquemesjambesétaientparfaites.
Àcepropos,c’étaitquoi,cettefixationqu’ilfaisaitsurmesjambes?Jemeretournai sur leventreetétouffaiungrognementdansmonoreiller.Mes jambes
n’avaient rien à voir là-dedans. Ce n’était pas le plus important, en tout cas. Pourtant, jen’arrêtaispasdemedemanderpourquoi il avait choisi cettepartiedemoncorps. Il y avaitpleindechoseschezmoiquiattiraient le regard,commemonvisageparexemple.Maispasmesjambes.
Dans tous les cas, ilm’avait embrassée. Et il était dans la pièce d’à côté etmes lèvresrecommençaientàmedémanger.Monpremierbaiser.J’avaisreçumonpremierbaiseràl’âgedevingtetunans.Enfin.Etjen’étaismêmepassûrequ’onpuisseappelerçaunbaiser.
—MonDieu,marmonnai-jedansmonoreiller.Jem’allongeai sur le côté etdécidaidenepluspenser à Jaxparceque çanemenait à
rien.Alors, jememisàpenseràl’héroïne,àdestonnesd’héroïne,d’unevaleurdecentainesdemilliersdedollars.Àquoiest-cequeçacorrespondait,aujuste?Surleterrain?Combiendevieest-cequeçapouvaitdétruire?Descentaines?Desmilliers?
Direquecettequantités’étaittrouvéeici,danslamaisondemamère.L’horreurde lachosemeserra l’estomac,s’insinuaenmoicommedesvolutesde fumée
toxique.Jefermailesyeux.Mamèreprenait-elledel’héroïne?Bon.OK.Réfléchiràtoutçan’étaitpasl’idéalnonplus.L’espaced’uninstant,jenepensai
à rien. C’était le paradis. Puis l’école me vint à l’esprit. La panique que j’avais d’abordressentie s’était dissipée parce que je savais que ma bourse allait être augmentée.Malheureusement, la sommenesuffirait sansdoutepasà toutcouvrir. Ilallait falloirque jeme trouve un boulot de serveuse, histoire de payer mes factures. Mais vu la difficulté desdernierssemestresd’infirmerie,ça tombaitvraimentmal.De toute façon, terminer la facnerégleraitpaslerestedemesproblèmes:dettes,mauvaishistoriquedecréditsettoutcequis’ensuivait.
Jenesavaispascequej’allaisfaireetjenevoulaisplusypenser.Jefaisaisdumieuxquejelepouvais.Aujourd’hui,j’avaisgagnécinquantedollars.C’étaitdéjàça.
Cinquantedollars.Putain.
Jeroulaisurledos.Cettepositionnemecontentaquecinqminutes.J’enavaismarre.Jebougeaiencore.Cettefois, jem’allongeaisur lecôté,endirectiondelasalledebainsetmefigeai.
Lesgondsrouillésdelaportedelachambregrincèrenttandisqu’onl’ouvraitdoucement.Jeretinsmarespiration.J’avaisledosverslaporte,maisjesavaisquec’étaitJax.Saprésenceaspiraitl’oxygènedelapièce.
Quefaisait-il ici?Lesgrincementsdulitl’avaient-ilsréveillé?Sûrement.Laportedelachambrenesefermaitplusàfond.Ilrestaittoujoursunespace.Quelquechoseclochaitaveclesgonds.Jen’avaispaslamoindreidéedecequec’étaitetçan’avaitpasd’importance.
Leplanchercraquasoussespieds.Oh,monDieu.—Calla?Savoixn’étaitpasforte,pourtantellerésonnacommeuncoupdetonnerre.Devais-jefairesemblantdedormir?Jefermai lesyeux,ensachanttrèsbienquec’était
stupide,maisqu’ilfallaitquej’essaie.—Jesaisquetunedorspas.Merde.Jeneprispas laparolepourautant.J’enétais incapable.Delachairdepouleseforma
surma peau et j’ouvris lentement les yeux. La triste vérité, c’était que je nem’étais jamaisretrouvéedansun litdans lamêmepiècequ’ungarçon.Enfin,non,cen’étaitpas toutà faitvrai.Jacob,uncamaradedeclasse,étaitvenudansmachambre,unefois,maiscen’étaitpaslamêmechose.
Leplanchernegrinçapas,maisjesentissoudainlematelass’enfoncersousunpoids.Plusla peine de faire semblant de dormir.De toute façon,mon corps en était incapable. Jemerelevai sur un coude et étirai le cou, les yeux grands ouverts. Dans le clair de lune, jedistinguai les pommettes saillantes de Jax et les contours de son corps. C’était largementsuffisant.
—Qu’est-cequetufais?Mavoixétaittellementaiguëqueçaenétaitembarrassant.Jaxétaitpenchéversmoi,lamainposéeàcôtédelamienne.—Tunedormaispas.—Si.Jementaistrèsmal.—Jet’entendstournerdanstonlitdepuisuneheure.Jenesavaispasquoirépondreàça.Moncœur,lui,s’étaitemballé.—Etjedoist’avouerquec’estassezénervant.Dansl’obscuritédelachambre,jelevisserapprocherdavantage.Jemecrispai.—Désolée,lâchai-je.
Sonrirefutgraveetrauque.—Paslapeinedet’excuser.Jedisaisçadanslebonsensduterme.Même après avoir repassé sa phrase dansma tête, je ne compris toujours pas ce qu’il
voulaitdireparlà.—Tuassouventdumalàdormircommeça?—Hein?—Dormir,répéta-t-il.Savoixreflétaitsonamusement.—Tuasdumal,parfois?La question, c’était plutôt : est-ce que, d’habitude, j’avais autant de mal à tenir une
conversation?Jememordisl’intérieurdeslèvresetsecouailatête.—Pasjusqu’àcequejerevienneici.Jaxneréponditpastoutdesuite.—Jecomprends,dit-ilenfin.—Ahoui?Unsentimentdesurprisem’envahit.—Oui.Lapremièrefoisquejesuisrentréchezmoi.Pasici.Chezmoi.J’aieubeaucoup
demalàtrouverlesommeiletàresterendormitoutelanuit.Ilsepassaittropdechoseslà-haut.
Illevalamainpourdésignersatête.Ma raisonmedisaitde le jeterhorsdemon lit ou, aumoins,demettrede ladistance
entrenous,maislacuriositéétaitlaplusforte.—Tuétaispartioù?Ilhésita encore.Cette fois, il s’allongea sur ledos, la tête sur les coussins à côtéde la
mienne.Non,maisqu’est-cequ’ilfoutaitallongéàcôtédemoidansunlit?Lalanguecolléecontremon palais, je sentismon cœur s’écraser contrema poitrine tandis qu’une sensationd’excitationserépandaitdansmonventre.
—J’étaisàl’étranger,dit-il.Ilmefallutunmomentpourmesouvenirdequoiilparlait.Quandmon cerveau retrouva le fil de la conversation, je fus incapable de dire plus de
deuxmots.—L’étranger?—Allonge-toi.Jevaisteraconter.M’allonger?Dansunlit?Aveclui?Pasquestion.Pasquestiondutout.J’étaisparalysée.
Non,non,non.—Allez,dit-ild’unevoixdoucequieutuneffetétrangesurmesneurones.Onauraitditqu’ilsavaientfonducommedubeurredecacahuèteaumicro-ondes.—Allonge-toi,Calla.Détends-toi.
Jene sais pas ce qui eut raisondemoi,mais soudain,monbras gaucheplia sousmonpoidsetjemeretrouvaiaveclajouedroiteplaquéecontrel’oreiller.
Savoixétaittoutsimplementmagique.—Àdix-huitans,jemesuisengagédansl’armée.Jevenaisàpeinedeterminerlelycée,
m’expliqua-t-il. C’était ça où travailler dans unemine de charbon commemonpère etmongrandfrère.
Uneminedecharbon?Allonsbon.—Tuviensd’où?Lelitsecreusadenouveau.Jesupposaiqu’ils’étaitmissurlecôtépourmefaireface.—Oceana,Virginie-Occidentale.—Oceana,murmurai-je en fixant lemur en face du lit. Pourquoi est-ce que çame dit
quelquechose?Jaxrit.—Tuassûrementvuledocumentairesurlaville,oùonl’arebaptiséeOxyana.Ilparlait
desproblèmesliésàl’analgésiqueOxyContin.Lamoitiédelavilleétaitaccroàcettemerde.Maintenantqu’illedisait…— Le travail demineur est difficile. Beaucoup pensent que la paie est bonne,mais ce
n’étaitpascequejevoulais.Iln’yavaitpasgrand-chosed’autredanslesenvironsetjevoulaism’échapperdecettefoutueville.
Lafroideursoudainedesontonmefitfrissonner.—M’engagerm’aparulameilleuresolution.—Quel…corps,est-cequetuaschoisi?—Lesmarines.Waouh. Tout lemonde savait que lesmarines étaient des durs à cuir. Ilsmettaient la
pâtéeàtouslesautres.Mononcleavaitétéunmarine.Jemesouviensdeshistoiresqu’ilmeracontait à propos de la difficulté des entraînements. Ça ne convenait pas à n’importe qui,mais visiblement, Jax n’était pas n’importe qui. Je comprenais mieux comment il avait pusauterpar-dessuslebarpourdiresesquatrevéritésàMack.
C’étaitplutôtsexy.Une vision de Jax en uniforme, le même que j’avais vu dans l’armoire de mon oncle
quandj’étaispetite,seformadansmatête.Bond’accord:carrémentsexy.— Je me suis engagé pour cinq ans. Deux en zone de combats. Trois dans le désert,
continua-t-il.Soudain,magorgesenoua.Lazonedecombats,cen’étaitpasdelarigolade.—Àlafindemonservice,jen’étaispascertaindevouloirmeréengager.Quandjesuis
rentréchezmoi,jemesuisretrouvéincapablededormir.Jen’avaispaslamoindreidéedecequej’allaisfaire.Iln’yavaitrienpourmoiàOceanaetl’arméen’étaitpasnonplusl’idéal,si
tuvoiscequejeveuxdire.Lavieestdifférente,endéploiement.Çatechange.Cequetuesobligédefaire…Leschosesquetuvois…Parfois,lanuit,jedormaisàpeinequelquesheures.Parfois, pas du tout. Mon esprit refusait de faire une pause. Du coup, j’ai fait beaucoupd’insomnie.
J’auraisvoulumeretournerpourvoirsonvisage,maisj’étaisincapabledebouger.—Tu…regrettesdet’êtreengagé?—Pas du tout, répondit-il d’un ton ferme.Çam’a fait du biendeme sentir utile pour
monpaysettoutescesconneries.Unedoucechaleurse répanditdansmapoitrine.Jemouraisd’enviede levoir,maisça
demandaitunedosedecouragequejenepossédaispas.Alors,jemecontentaidemesmots,parce que c’était tout ce que j’avais à lui offrir et parce que je voulais lui donner quelquechose.
—Jetrouveçaincroyable.—Quoi?Lerougememontaauxjoues.—Des’engagerdanslesmarines,desebattre.C’estnoble,courageux…incroyable.Trois choses que je n’étais pas. Trois adjectifs dont je ne pouvais pas me servir pour
décrirelesgensautourdemoi,mêmelesmembresdelaBrigadedesBeauxGosses.Bon,peut-êtreàl’exceptiondeBrandon.Ilétaitalléàl’étranger,luiaussi.
Jaxneréponditrienetlesilenceretombaentrenous.Jeserrailespoings.—Depuiscombiendetemps…es-turentré?demandai-je.—Hmm…çaferadeuxansauprintemps.Savoixparaissaitvenirdeplusprès.Je fis rapidement le calcul dans ma tête et trouvai enfin la réponse à l’une de mes
questions.—Donctuas…vingt-quatreans?—C’estça.Ettoi,tuenasvraimentvingtetunalorsquetuasl’aird’enavoirdix-sept.Jeréprimaiunsourire.—N’importequoi.—Situledis,murmura-t-il.C’estquand,tonanniversaire?—Enavril.Le15.—C’estpasvrai?Unrirerauqueluiéchappaetcettefois,jem’autorisaiàsourire.—Jesuisnéle17avril.Àsourirecarrément.—Avril,c’estlemoislepluscool.—Jesuisd’accord.Àmesurequemoncorpss’habituaitàsaproximité,jemedétendis.
—Commentest-cequetut’esretrouvéici?—TuasvuAnders,jecrois?Aubar?—Anders?Jefronçailessourcils.—Tudoisleconnaîtreparsonprénom:Reece.Oh.—Lejeuneflic?—Enfait,ilestshérifpourlecomtédePhiladelphie.Jel’airencontrédansl’armée.Ilest
rentréunanavantmoi,maisonestrestésencontact,medit-il.Ilsavaitquejedétestaismavillenatale.Ducoup,ilm’aproposédem’héberger.J’aiaccepté.Audébut,çaaétédugrandn’importequoi.
J’observail’obscuritéenmemordantleslèvres.—Commentça?—C’estallétrèsvite,répondit-ilsansvraimentrépondre.JesuisalléauMona’sunsoiret
j’ensuisressortiavecunboulot.Jemesuistrouvéunappartetmaintenant,jesuisdansunlitaveclajoliefilledeMona.Lavieestparfoisbizarre.
Jeprisunegrandeinspiration.Jolie?—Tu…Tudistoujoursdeschosesgentilles.C’étaitplutôtstupidededireça,maisj’étaisfatiguéeetmoncerveaunefonctionnaitpas
correctement.—Jedislavérité.Quelquesminutess’écoulèrent.—Tuastoujoursdumalàdormir?Ilnemeréponditpas.Tandisquelesilences’éternisait,jedécidaidenepasinsister.Àla
place,jemurmurai,inquiète:—Tucroisquequelqu’unvavenircherchercessacsdedrogue?Ilrespiraprofondément.—Jen’ensaisrien,Calla.Jenelecroyaispas.Aprèstout,iln’avaitpaseul’airconvaincuquelemecauxcheveux
grasfûtlepropriétairedelacame.Etpourêtrehonnête,jenel’étaispasnonplus:iln’avaitpaseulelook.
—Mamère…abeaucoupdeproblèmes,pasvrai?—Oui.Effectivement.Moncœurseretournalourdementdansmapoitrine.—Ce n’est pas le genre de problèmes desquels tu dois temêler, ajouta-t-il d’une voix
ferme.Nilegenrequetuvaspouvoirrésoudre.Ça me faisait mal, parce que je savais que c’était la vérité, mais je me demandais
comment il avait compris que j’avais passé beaucoup de temps dansma vie à résoudre les
problèmesdemamère.Çaavaitpresqueétéunboulotàmi-temps.—OK,murmurai-je,parcequejenesavaispasquoidired’autre.Allongée là,occupéeàréprimerunbâillementcolossal, jemerappelai soudainquelque
chosequ’ilm’avaitditlorsdenotrepremièrerencontre:lavieétaitcourte.C’étaitsansdouteses années de service qui le lui avaient enseigné. Ce genre de mentalité naissait del’expérience.Jelevoyais,àprésent.Jepouvaismêmelecomprendre.Contrairementàautrechose.
—Pourquoi?demandai-je.Saréponsemituncertaintempsàarriver.—Pourquoiquoi?Jax paraissait fatigué. J’aurais dûme taire ou lui dire que je voulais dormir pour qu’il
sortedemachambre,maisjen’enfisrien.—Pourquoies-tuici?Tunemeconnaispaset…Jem’interrompis.Vraiment,iln’yavaitriend’autreàajouter.Uneminute passa sans qu’il réponde à ma question. Puis une autre. Quelque part, ça
m’étaitégal:peut-êtrenelesavait-ilpaslui-même.Oupeut-êtrequ’ils’ennuyaitetquej’étaisunedistraction.
C’estalorsqu’ilbougea.Il se pressa contre mon dos. Ma respiration se bloqua dans ma gorge. Mes yeux
s’ouvrirentsous l’effetde lasurprise.Biensûr, ilyavait ledrapet lacouvertureentrenous,maisc’étaitcommes’iln’yavaitrien.
—Qu’est-cequetufais?demandai-je.—Jememetsàl’aise.Quandilposasonbrassurmahanche,moncorpstoutentiersecambra.—Jecroisqu’ilestgrandtempsdedormir.—Mais…—Tunepeuxpasdormirsituparles,mefit-ilremarquer.—Ettun’aspasbesoindemecoller,rétorquai-je.Lerirequimeréponditfitdanserlescheveuxlelongdemanuque.—Chérie,sijetecollaisvraiment,tulesentirais.Oh,maisjelesentais.Jetentaidemelibérer,maissapriseseresserrasurmatailleetil
memaintintenplace.—Tune vas nulle part,m’annonça-t-il sur un ton léger comme s’il neme retenait pas
prisonnièredanslelit.Bon, d’accord. Je me la jouais peut-être un peu trop mélodramatique, mais il
m’empêchaitdemeleveralorsquelui,ilétaitparfaitementàl’aisederrièremoi.Oh,monDieu.C’étaituncâlin.JefaisaisuncâlinàunmembrehonorairedelaBrigade
desBeauxGosses.Étais-jetombéedansununiversparallèle?
—Dors,m’ordonna-t-il,commesiprononcercemotsuffisait.Endors-toi,Calla.Cettefois,savoixsefitplusdouce,pluscalme.—Çanemarchepascommeça,Jax.Tuasunejolievoix,maispaslepouvoirdemefaire
m’endormirparmagie.Ilrit.Je levai les yeux au ciel. Le pire dans cette histoire, c’est que lorsque je fermai les
paupières quelquesminutes plus tard, elles restèrent ainsi. Jeme… détendismême contreJax.Avecsontorsecontremondos,seslonguesjambesentrelesmiennesetsonbrasautourde ma taille, je me sentais en sécurité. Je ressentais même une chose que je n’avais pasressentiedepuisdesannées.
J’avaisl’impressionqu’onprenaitsoindemoi…qu’onmechérissait.C’étaitstupidedemapartparcequejeleconnaissaisàpeine,maisgrâceàcettechaleur
etaubien-êtrequ’ilmecommuniquait,jeréussisenfinàm’endormir.
10
Àmonréveil, il faisaitbienchaud,presquetrop,et jen’avaisaucuneenviedesortirdulit. J’étais lovée dans un merveilleux cocon et j’aurais voulu m’emmitoufler davantage àl’intérieur,mepressercontre…
J’ouvris les yeux en grand. Tout à coup, toute trace de sommeil me quitta. J’étaisparfaitementréveillée.
Etjen’étaispasseule.Pas du tout, même. Je me rappelai avoir eu de la compagnie la veille, mais si mes
souvenirsétaientbons,jenem’étaispasendormielajouecontreletorsemuscléd’unhomme.Leplus étrangedans tout ça, c’était que j’étais le genredepersonnequinebougeait jamaisdanssonsommeil.Jerestaisdanslapositiondanslaquellej’étaistombée.Alors,jerefusaisdeprendrelamoindreresponsabilitépour…ça.
Enréalisantcommentj’étaisentraindedormir,jemecrispaidelatêteauxpieds.Ma joue n’était pas la seule chose qui touchait Jax. Mon épaule et mes seins étaient
presséscontresonflanc:iln’yavaitpasunmillimètrequinousséparait.Monbrasgaucheluibarraitl’estomacetchaquefoisqu’ilinspirait,jesentaislafermetédesesabdos.Dieumerci,il portait toujours son tee-shirt. Sinon, j’aurais sûrement pris feu. Une de ses jambes étaitcoincéeentrelesmiennes,toutcontreunezonequin’avaitjamaisrienconnudecegenre.Enfait,nosjambesétaientcarrémententremêlées.
LorsqueJaxbougeadanssonsommeil,ildéplaçalajambequiétaitentrelesmiennes.Jememordis les lèvres tandisque lebasdemonventre se serrait et quedespicotementsmeremontaientlelongdudos.Sarespirationn’avaitpaschangé.Elleétaittoujoursprofondeetrégulière.Pourtant,lamainposéesurmahanchesemitàdescendre.
Sacaresseengendrades frissonssursonpassage,etmapoitrinesesoulevaviolemmentcontresonflanc.Ilcontinuaplusbas.
Jusqu’àposerlamainsurmesfesses.Jaxmepelotait.Putaindemerde.
Je savais qu’il était toujours endormi, mais moi, j’étais loin de l’être. Une chaleurindolenteserépanditenmoi,s’infiltraauplusprofonddemesmusclesjusquedanslamoindrede mes cellules. Une légère douleur apparut dans certaines parties de mon corps. Marespiration se fit saccadée et mes hanches ondulèrent contre sa cuisse. Les sensations sedécuplèrent,sedéversèrentenmoicommedelalaveenfusion.Entremesjambes,lapressionsefitdeplusenplusforte.
C’étaitmal.C’étaitinjuste.Jen’avaisaucuneraisondem’exciterdecettefaçonalorsqueje savais très bien qu’il ne se passerait jamais rien. Il fallait que je me lève de ce lit. Lapanique se mit à tourbillonner en moi comme une tempête de sable, soulevant avec ellel’intensitédemondésircharnel.
Jemeredressaid’uncoupetessayaidem’enfuir,sansbeaucoupdesuccès.Lamainposéesurmes fesses remonta jusqu’àmonventrepourmemaintenirenplace tandisqu’unbras serefermaitsurmondos.
—Tuvasoù?demandaJaxd’unevoixrenduerocailleuseparlesommeil.Jebaissailesyeuxverslui.Sesyeuxétaientvoilés,etseslèvresentrouvertes.Unelégère
barbe était apparue sur samâchoire pour compléter son look « sortie du lit » terriblementsexy.
Il tourna la tête sur le côté pour jeter un coup d’œil au réveil sur la table de nuit. Ilgrogna.
—C’esttroptôt.Rendors-toi.Troptôt?Ilétaitpresque9heures!Pourunbarman,lesconceptsde«tôt»et«tard»
étaientunpeudifférents.Commejenebougeaispas,Jaxmefitcarrémenttombersurlui.—Jax…—Dors,marmonna-t-il.—Jenesuispas…—Dodo.Non,maismerde à la fin ! Je réussis àm’éloigner suffisamment pour placer unemain
entrenous,puisprisappuisurluietmeredressai.—Jenecomptepasmerendormiretjenecroispasquecesoitconvenable.Jedois…Jem’interrompistoutenledévisageant.Oh.Jaxavaitlatêterejetéeenarrièrecontrel’oreiller,cequidévoilaitsonlongcoubronzé.
La pointe de ses dents blanches s’enfonçait dans sa lèvre inférieure. Et son expression medéroutait.Onauraitditqu’ilseretenaitdefairequelquechosedontilavaittrèsenvieparcequ’ilsavaitquecen’étaitpasbien.
Jecomprisrapidementpourquoi.
J’avaisposélamainsursonbas-ventre,maisalorsvraimentbas,etàprésent,c’étaitmacuissequiétaitpresséeentresesjambes.
—Oh,monDieu,murmurai-je,lerougeauxjoues,enretirantvivementmamain.Jaxbougeaàlavitessedel’éclairetmesaisitparlepoignet.—Tuauraismieuxfaitdeterendormir.Moncœurvoletadansmapoitrine.Littéralement.Jaxéchangeanospositionsetenuninstant,jemeretrouvaiallongéesurledosetluiau-
dessusdemoi,unemainautourdemonpoignetetl’autreplantéesurlelitàcôtédematête,l’avant-brasposésurlesdraps.
—Qu’est-cequetufais?Ilnem’expliquapastoutdesuite.Ilsecontentadefaireglissersesyeuxmarronlelong
demonvisage(demonvisage!)avantdes’arrêtersurmabouche.—Tusaiscequ’onditsurleshommes,lematin?—Quoi?Envoyantseslèvresseretrousser,jecomprisoùilvoulaitenvenir.Aussitôt,monvisage
s’empourpra.Unrirelentetrauqueleparcourut.— En fait, je suis content que tu ne te sois pas rendormie. C’est bien plus intéressant
commeça.Jen’arrivaisplusàréfléchir.Lamainquim’entouraitlepoignetdescenditlelongdemonbrasets’arrêtaauniveaude
moncoudepressécontremonventre.—Tusaiscequ’ilyad’autrequejetrouveintéressant?—Quoi?Pourquoiest-cequejerentraisdanssonjeu?Pourquoiest-cequeçam’intéressait?Ilbaissalatêtejusqu’àcequejesentesonnezeffleurerlemien.Jemecrispai.—Lefaitquej’aimebeaucoupmeréveilleravecmamainsurtesfessesettajambeentre
lesmiennes.—Tuétaisréveillé!Ileutunsouriretaquin.—Peut-être.Jemeservisdemamainlibrepourlerepousser.—Vatefairefoutre.—J’aimeraisbien.Jeplissailesyeuxsouslecoupdel’agacement.—C’estpascequejevoulaisdire,abruti.Sans se démonter, il se mit à décrire de petits cercles à l’intérieur de mon coude. La
caresse légère,presque inconsciente, fitnaîtreunemyriadedesensationsenmoi.L’enviede
luimettreuncoupdepieddanslescouillesm’étaitpassée.Jemesurprenaisàconvoiterdesperspectivesbienplusagréablesaveclapartiedesoncorpsenquestion.
—Qu’est-cequetufais?répétai-je,lecœurbattantàcentàl’heure.Sapoitrinesesouleva,frôlalamienneetjeressentislecontactjusquedansmesorteils.—Untrucbeaucoupmieuxquedormir.Cen’étaitpasvraimentuneréponse.Jaxbaissalatêteetleboutdesonnezeffleuramajouedroite.—Tumeplais.Moncœurrataunbattement,maissemitàtourbillonner.—Pardon?—Tumeplais,dit-ilencore.Savoixn’étaitplusqu’unmurmurequiglissaitcontremapeau.—Tunemeconnaispas,luirappelai-jepourlaénièmefoisdepuislepeudetempsqueje
leconnaissais.—J’aimecequejevois.Laréponseparfaite.Vraiment.Jedéglutisavecpeine.—Mais…—Neréfléchispas trop,chérie.Lavieest tropcourtepourseprendre la tête,dit-ilen
faisantcourirseslèvrescontremapeau.Jemetendaisdelaplusdélicieusedesfaçonstandisquesonpoucecontinuaitdedessiner
unarc-en-cield’émotionsenmoi.—Tumeplais.C’esttout.—Maisnon,c’estimpossible.Lesmotsm’avaientéchappé.Ses lèvres se figèrent contre ma joue. Il leva la tête et nos regards se rencontrèrent.
J’auraisvoulumedétourner,maisj’enétaisincapable.—Biensûrquesi.Alors,Jaxs’allongeasurmoi,et toutàcoup,ce futcommesi tout l’airdumondeavait
étéaspiréhorsde lapièce.Sonpoids…Jen’avais jamais rien ressentide tel. Il était lourd,maisc’étaitagréable.Seshanchess’étaientnichéesentremesjambeset…
Dieutout-puissant.Iln’yavaitpasd’erreursurcequiétaitpressécontremoi.—Tucomprendsmaintenant?medemanda-t-ild’unevoixquiavaitsûrementmislefeu
àdescentainesdeculottes.Jenecomprenaistoujourspas.Jaxm’appréciait alors qu’ilme connaissait seulement depuis quelques jours. Ça n’avait
aucunsens.Encore,si j’avais ressembléàAveryouTeresa.Ellesétaient toutes lesdeuxtrèsbelles,chacuneàleurfaçon,etprésentaienttrèspeudedéfauts.C’estcequirendaitlégitimeleurrelationavecdesmembresdelaBrigadedesBeauxGosses.Moi, jen’étaisqueCalla.Et
mon maquillage s’était sans doute estompé pendant la nuit pour laisser apparaître macicatrice. Je n’étais pasMiss Sourire, toujours enthousiaste, non plus. Avec le peu que Jaxsavaitsurmoi,j’auraistrèsbienpuêtrebêtecommemespieds.
Ducoup,jenecomprenaispascequ’ilmetrouvaitetjeleluidis.—Tumeplais,Calla.D’accord, jene te connais quedepuis quelques jours,mais tu as
réussiàmefairerire,dit-ilsansdétournerlesyeux.Jepenseégalementquetuesgentilleetadorablequandtuenasenvie.Sansparlerdufaitquejetetrouvesupermignonneet…quetumefaisbander.
Euh,attendezuneminute.Ilétaitsérieux,là?—Tum’as faitbanderplusieurs foisen l’espacede soixante-dixheures.Çanepeutpas
êtreunecoïncidence,poursuivit-il.Tumeplais,j’aienviedetebaiser,cen’estpascompliqué.Double«euh».Aumoins,ilnepassaitpasparquatrechemins.Dansunsens,jetrouvaisçarafraîchissant
et…plutôtsexy.Quelquechoseclochaitsansdoutechezmoi.Çamontraitbienqu’aucunmecnem’avaitjamaisditqu’ilvoulaits’envoyerenl’airavecmoi.
Danstouslescas…Waouh.Commelechocm’empêchaitde lui répondre, ilpritmonsilencepourduconsentement
et,lorsqu’ilsepenchadenouveauversmoi,cettefois,jenepaniquaipas.Ilmedésirait.Trèssincèrement,jusqu’àcetinstant,jen’avaispassucequeçafaisait.Jen’arrivaispasàycroire.Une chaleur intense m’envahissait. J’en oubliai même que mon maquillage s’était évanouipendant la nuit. Mes paupières se fermèrent d’elles-mêmes. Mon ventre se serra. Il allaitm’embrasseretjen’allaispasl’enempêcher.Cettefois, ilseserviraitpeut-êtredesalangue.J’avaishâted’explorertouteslespossibilités.
MaisJaxnem’embrassapas.Pas sur les lèvres, en tout cas. À la dernière minute, sa bouche vira sur la gauche et
s’aventurasurmajoue.Ilembrassamacicatrice.Mafoutuecicatrice.Une émotion d’une violence et d’une puissance extrêmes s’empara de moi. C’était un
mélange d’un millier de pensées et de sentiments différents. Beauté. Peur. Panique. Désir.Froid. Chaud. Répulsion. Perplexité. Le tout s’enchevêtrait en moi et devenait rapidementinsupportable.
Jelerepoussaivivement.—Lève-toi!Ilsefigea.—Quoi?—S’ilteplaît!Jaxobéit.Mavoixavaitdûme trahir car ilm’avait libérée sur-le-champ.Jemerelevai
d’unbondetreculaijusqu’àcequemondosrencontrelecoindel’armoire.Unedouleurvive
m’élançaauniveaudelahanche.Ilseredressa,lesdeuxmainsposéessurlematelas.—Calla,bébé.Tuaspeurdemoi?—Non.Oui.Enfin,non.Jen’aipaspeurdetoi.Jefermaibrièvementlesyeux.—Cen’estpasça.—Qu’est-cequec’est,alors?Çan’arriverapas.Voilà. Je ne pouvais pas le dire à voix haute, mais c’était ça, le problème. Je ne me
mettraisjamaisnuedevantlui.Jeneseraisjamaiscapabled’êtreintimeaveclui.Jen’auraispasdûressentirunetelledéception.Pourtant,êtreaulitavecJax,collésl’un
contre l’autre, ressentir du désir me paraissait étrangement naturel. Mais ce genre denormalitém’était interdit. Dumoins, avec unmec comme Jax. Il avait peut-être accepté lacicatricesurmonvisage,maisiln’avaitpasvu,nitouchélerestedesdégâts.
Çan’avaitrienàvoiravecunmanquedeconfianceenmoioud’expérience,jen’étaispasnonplusnerveuseà l’idéedememontrernueparceque j’avaisdeskilosen trop.Non.Moncorpsétaitabîmé.Etiln’yavaitriendebeaulà-dedans.
Aprèsavoirprisplusieursgrandesinspirations, jeravalaimeslarmeset laboulequimenouaitlagorge.
—Jesuiscommeça,c’esttout.Alors,iln’yaurarienentrenous.Ilhaussalessourcils.Décidément,ilavaitdetrèsbeauxsourcils.Non.Pasquestiondemelaisserdistraire.—Ne teméprendspas.Tuesvraiment très sexy. Je suis sûreque tu le saisdéjà, jene
voispascommenttupourraisl’ignorer.Lecoindeseslèvrescommençaitdeserelever.MonDieu,ilfallaitvraimentquejelaferme.— Et je suis flattée que tu… euh, m’apprécies, mais il… n’y aura rien entre nous.
D’accord?C’estimpossible.Jenesuispastongenredefille.— Comment est-ce que tu connais mon type de fille ? demanda-t-il avec une réelle
curiosité.Jefaillisleverlesyeuxauciel.—Jelesais.Crois-moi.Etcen’estpasgrave.Tuestrèsgentiletjetesuisreconnaissante
pour tout ce que tu as fait pour moi, mais ça… ne va pas être possible. D’accord ? Tucomprends?
Ilmedévisageauninstant,commes’ilallaitmecontredire,maisilsecontentadehocherlatête.
—Compris,dit-il.
Puisileutunsourirejusqu’auxoreilles.Jedoutaisqu’ilaitvraimentcompris.
Jaxhabitait près dubar, àmoinsd’un kilomètre endehorsde la ville, aumilieud’une
rangée de jolies petites maisons accolées. Je l’avais déposé, puis étais partie sans attendremon reste. Aprèsm’être réveillée de cette façon et la crise de panique qui s’était ensuivie,j’avaisbesoindemeretrouverseule.
Ilme fallait du temps pour tenter de comprendre ce que Jax voulait et pourquoi il levoulait. Le sujet n’aurait pas dûmepréoccuper autant puisque, de toute façon, il n’y auraitjamais rienentrenous…Mais Jaxétaitd’unebeauté renversante. Les femmes faisaient sansdoute la queuepour sauter dans son lit. Toutefois, il y avait des tas de très bonnes raisonspourquejenefigurepasdanslalistedesfillesqu’ilvoulaitsetaper.
Àbienyréfléchir,touteunevienemesuffiraitsansdoutepaspourrésoudrecemystère.Après l’avoir déposé, je n’étais pas allée directement au bar. Comme je travaillais en
même tempsque lui, jen’avaispasàmeprésenteravant l’après-midi.Alors, j’allai fairedescoursesquiressemblaientàcellesd’unefilleaurégime,etretournaiàlamaison.Lajournée,jem’inquiétaisbeaucoupmoinsdes junkiesetdesdealeurs.C’étaitsansdoutestupidedemapartdelesconfondreavecdesvampiresquinesortaientquelanuit.
C’estjustequelanuit,toutprenaitunetournurepluseffrayanteetcevendredi-là,aprèsavoir empochédespourboiresdécents, j’aurais sansdoute craint de rentrer si je n’avais pasété aussi fatiguée. J’étais restée avec Jax pour qu’il me montre comment fermer le bar, ycomprisclôturerlescaisses.
Pendantleservice,ilavaitagicommes’ilnes’étaitjamaisrienpasséentrenous,commesi toutétaitnormal.Oudumoins,cequiétaitnormalpour lui. Ilcontinuaitde flirteretdeme faire son numéro de charme. Cette fois encore, il s’était fait un devoir d’attacher montablieretquandsesdoigtss’étaientattardéssurmeshanches,jen’avaispaspum’empêcherderougir.Maisriend’autre.
Àpeinearrivéeàmavoiture, je l’entendis appelermonnom. Jeme retournai vers lui.Moncœurfitunbonddansmapoitrine.
—Jetesuis,dit-ilens’arrêtantdevantsonpick-up.Jefronçailessourcils.—Pourquoifaire?Ilsortitsesclésdesapoche.—Pourallercheztoi,chérie.Jeledévisageai,persuadéequemesoreillesavaientmalentendu.—Tunevienspaschezmoi.Commençaalorsunedisputequiduraunedemi-heure.Au final, comme jebâillaisplus
quejeneparlais,j’acceptaiqu’ilm’accompagne.Jaxmesuivitjusqu’àlamaison.
Ilavaitmêmeapportédesvêtementsderechange.Desvêtementsderechange,quoi!Une fois arrivée, je me fis une tasse de thé tout en tentant de l’ignorer, mais ça me
paraissaitimpolidenepasluienproposeralorsqu’ilmeservaitd’agentdesécurité,assissurmoncanapé.
—Merci,dit-illorsquejeposaiunetassedevantlui,surlatablebasse.Fatiguéeetmalàl’aise,j’avaisdumalàleregarderdanslesyeux.Jeprismapropretasse
danslesmains.—Jenesavaispassituprenaisdusucreoudumiel,alorsjen’enaipasmisbeaucoup.Ducoindel’œil,jelevisattraperlatasseetprendreunegorgée.—Situenveuxplus,ilyenadanslacuisine.—C’estparfait.Ilmarquaunecourtepause.—Tuesalléeausupermarché.—Oui.Jemedandinaid’unpiedsurl’autre.—Pourquoiest-cequetunet’assoispasunpeuavecmoi?Unesensationdepicotementavaitélurésidenceaucreuxdemonventre.—Jesuisvraimentfatiguée.—Tun’aspasl’habitudedecegenred’horaires,pasvrai?En ledétaillant, jeremarquaisoudainqu’ilavaitun livreposésur lesgenoux. Il lisait?
Non?!Lesmecsquilisaientétaientunpeucommedeslicornes!Ilsn’existaientquedanslescontes de fées. Je voulais lui demander de quoi ça parlait, mais je n’en fis rien. Je mecontentaidehocherlatête.
Unepartiedemois’étaitattendueàcequ’ilmeretienne,àcequ’ilusedesescharmes,maisilétenditsimplementlesjambessurlecanapé.
—Àdemain,bébé.Jerestaiplantéeuninstant,étrangementdéçue,jusqu’àcequejemeforceàallerdansla
chambre,dont laportene fermaitpasentièrement.Aprèsm’être rafraîchieet changée, tropfatiguéepourprendreunedouche,jem’endormisenunriendetemps.Àmonréveil,Jaxétaitentraindecuisinerlesœufsetlebaconquej’avaisachetésausupermarché.
Le samedi soir fut la répliqueparfaiteduvendredi,à l’exceptionque je rencontraiNickpour la première fois.Ma théorie se confirmait : les beauxmecs se déplaçaient toujours enbande.Nickétaitungrandbrundont lesyeuxvertsauraient trèsbienpuapparaîtredans lecalendrier des barmen sexy qu’il fallait à tout prix que je crée. Imaginez l’argent que jepourraisrécolterrienqu’avecdesphotosdeJaxetlui…
Danstouslescas,NickétaitdifférentdeJax.Ilétaitpluscalme,beaucoupplusréservé.Lorsqu’on avait été présentés, ilm’avait regardée un longmoment, tellement longtemps enfaitquej’avaissentimesjouess’empourprer.Ilavaiteuuneexpressiontrèsparticulière,une
lueurdanssesyeuxquejen’avaissuidentifier.Jem’étaisdemandés’ilétaitdelarégion.Puisilm’avaitditbonjouretétaitpasséàautrechose.Onn’avaitpaséchangéplusdedeuxmotsdetoutleservice.Iln’étaitpasimpoli,simplementlegenredemecsquiparlaitseulements’ilavaitquelquechoseàdire.Avecunairuntantinetmélancolique.
Comme lanuitprécédente, je fis la fermetureetJaxmesuivit jusqu’à lamaison.L’idéequ’ilsesenteobligédem’accompagneraucasoùilsepasseraitquelquechoseétaittellementflippantequej’essayaisdenepastropypenser.
Cesoir-là,aprèsavoirfaitduthé,jenem’échappaipastoutdesuitedansmachambre.Jerestaidans le salonetm’assis sur l’accoudoirdu fauteuil.Le livreétaitdenouveauposé sursesgenoux.
—Qu’est-cequetulis?demandai-je,puisquejenel’avaispasfaitlaveille.—LeSurvivant.Jehaussailessourcils.—Ah…?Ileutunsourireencoin.—CesontlesmémoiresdeMarcusLuttrell,unancienmilitaire,quiparled’unemission
quiaéchoué.Cen’estpastrèsjoyeuxavantdesecoucher,maisc’estsuperintéressant.—Tunelisquedelanon-fiction?Lacuriositéétaitunvilaindéfaut,maisjen’avaispaspum’enempêcher.— Non. J’aime bien David Baldacci, John Grisham et même Dean Koontz et Stephen
King.Iltournalatêteetlaposacontreledossierducanapé.Demoncôté,jecommençaiàvoir
lelienentrelesdifférentsauteurs.—Jen’aipasbeaucoupluaulycée,maisenmission,àcertainsmoments,iln’yavaitpas
grand-choseàfaire.Alors,jem’ysuismis.Çam’aempêchédemourird’ennui.Et…—Etquoi?demandai-jeparcequ’ilavaitlaissésaphraseensuspens.Jax ne répondit pas. Heureusement, il ne fallait pas beaucoup d’imagination pour
comprendrepourquoilirel’avaitaidé,enplusdecombattrelasolitude.Jerepensaiàcequ’ilavaitvécu,àsonpassédesoldat.Çaexpliquaitsoncomportementprotecteurmais…ilavaitsans doute mieux à faire un samedi soir que de rester avec moi, en sachant qu’il ne memettraitpasdanssonlit.
J’aienviedetebaiser.Une chaleur quasi étouffante se diffusa sur ma peau tandis que je me remémorais ses
paroles.MonregardbalayalesalonàpeinemeubléavantdeseposerdenouveausurJax.Ilm’observait avec une expression que je n’arrivais pas à déchiffrer. La peur semit aussitôt àbouillonnerenmoi.Allait-ilenfinparlerdecequis’étaitpasséentrenouscematin-là?
Jen’hésitaipasuninstantetmelevai.—Tusais,tun’espasobligéderester…
—Nerecommencepas,rétorqua-t-ilenouvrantsonlivre.Ilenavaitterminéavecmoi.J’allaimecoucherpeudetempsaprès.Latêteposéesurl’oreiller,jegardailesyeuxrivés
surlaportedelachambre.Jem’étaisendormietrèsvite.Lelendemain,Jaxétaitdéjàpartietn’avaitpaspréparélepetitdéjeuner.
Ledimancheétaitmon jourde congé.Du coup, j’enprofitai pourdiscuter avecTeresa.Jase et elle me manquaient beaucoup. Surtout la façon dont ils se comportaient l’un avecl’autre. Il ne restait plus que quelques jours avant leur départ pour lamer et je savais queTeresa était aussi impatiente que nerveuse. Après tout, c’était leur premier voyage enamoureux. Je n’en avais jamais fait l’expérience, mais je me doutais que ça devait êtreéprouvantpourlesnerfs.
—Alors,turestesvraimentlà-bastoutl’été?medemandaTeresa.Lasurpriseavaitrendusavoixplusaiguë.Jehochailatête,commeuneidiote,puisqu’ellenepouvaitpasmevoir.—Ouais.—Tunem’asjamaisparlédetafamille…Elles’interrompit,maiscequ’ellenedisaitpasétaitévident.Jen’avaisjamaisabordécesujetpourdemultiplesraisons.Ducoup,masoudaineenvie
deleurrendrevisitedevaitluiparaîtrebienétrange.—Jemesuisditquej’allaisfairequelquechosededifférentcetété.—Maisd’habitude,tuenprofitespourprendredescours,mefit-elleremarquer.Derrièreelle,uneportesereferma,puisunevoixgrave,masculine,retentit.C’étaitJase.
JaseMcSexy.—Oui,jesais,maisj’aitrouvéunjobdebarmaidetjemefaisunpeud’argent…—Barmaid?J’ignoraisquetusavaistravaillerderrièreunbar.Jegrimaçai.—Ehbien…J’entendisdumouvementàl’autreboutdufil.—Attendscinqminutes,Jase.Quandunrirerauquerésonna,jesentismeslèvress’étirerenunsourire.—J’ail’impressionquetoutemavien’aétéqu’unmensonge,repritTeresa.—Quoi?Jeclignailesyeuxtoutenregardantparlafenêtredusalon.—Toi.Nous.Notrevieensemble.Ilyatantdechosesquej’ignoresurtoi.Jeris.—Iln’yapasgrand-choseàsavoir.—Tuesbarmaid.Jenelesavaispas.Ellemarquaunepause.
—Onpeutpassertevoir,Jaseetmoi,surlecheminduretour.J’écarquillailesyeux.Çan’avaitpasétéunequestion,maisplutôtuneaffirmation.Etune
trèsmauvaiseidée,maisjenepouvaispasvraimentrefuser.Çaauraitétéimpolidemapart.Alors, j’acceptaid’unepetitevoixetraccrochai.Jaseavaitvisiblementbesoind’avoiraccèsàsaboucheetàd’autrespartiesdesoncorps.
J’aienviedetebaiser.Putain,ilfallaitvraimentquej’arrêtedepenseràça.Pendantlescinqminutesquisuivirent, jepaniquaiàl’idéequemesamisdébarquentici
dansunfuturproche.PuisOncleClydepassamevoiràl’improviste.Jeluiouvrislaporte.— Qu’est-ce que tu as prévu aujourd’hui, ma poupée ? me demanda-t-il en entrant à
l’intérieur.Il portait unmaillot des Philadelphia Eagles quimême sur sa carrure impressionnante
paraissaitdeuxfoistropgrand.—Euh…Jejetaiuncoupd’œilautourdemoi.Jenesavaispasquej’étaiscenséeprévoirquoique
cesoit.Clydemesouritàpleinesdents.—Onvafaireleschosesdansl’ordre,mapetite.D’abord,ilfautqu’onfouillelamaison
defondencomblepours’assurerqu’iln’yapasd’autrecamecachéequelquepart.Oh.C’étaitunetrèsbonneidée.Clydeetmoi,onpassapratiquementtoutnotredimancheà
inspecter lamaison. Ce n’était pas une activité banale, mais j’aimais passer du temps avecClydeetons’amusabien.J’avaisl’impressionquel’histoireserépétaitet,commed’habitude,on se serrait les coudes pour prendre soin demamère. Clyde et moi nous étions occupésd’ellepresquetoutesavie.C’étaittriste,dansunsens,maislasituationétaitfamilière.Etçamerassurait.
Onn’avaitpastrouvéd’autressachetsdedrogue,Dieusoitloué.Aufinal,Clydeavaitfaitunsautausupermarchéetavaitramenédequoifairedestacos.
Destacos.PendantqueClydeposait laviande sur leplande travail et cherchaitunepoêleà frire
danslesplacards,jel’observaidepuislaportedelacuisine,leslèvrestremblantesetlesmainscolléescontremoncœur.
Autrefois, Clyde avait été marié. Je me souvenais à peine de Nettie, sa femme, parcequ’elle étaitmorte d’une rupture d’anévrisme quand j’avais six ans. Plus de quinze ans plustard, il n’avait jamais cherchéà refaire sa vie. Jen’étaismêmepas sûrequ’il soit sorti avecd’autresfemmes.IlavaitaiméNettiedetoutsoncœur.Parfois,lesoir,quandjevivaisencoreici,ilmeparlaitd’elle.
Jenepensaispasqu’ils’étaitremisdesamort.L’unedeschosesdontjemesouvenais,c’étaitdeleurpetitritueldudimanchesoir:faire
destacosaveclesrestes.Desuperbonstacos.Despoivronsrougesetvertsrevenusavecdesoignonsetrecouvertsdefromagefonduetdelaituecoupéeenmorceaux.
Aufildutemps,c’étaitaussidevenunotrerituel,àClydeetmoi.Parfois,quandmamèreétaitlàetqu’elleavaitlesidéesclaires,ellenousaccompagnait.
Je souris en le regardant défaire les sacs. Ça m’avait manqué d’être en présence dequelqu’unquifaisaitpartiedemafamille,mêmes’ilnepartageaitpasmonsang.
Àcemoment-là,quelquechosesedébloquadansmapoitrine.Jenecomprispastoutdesuite pourquoi,mais je ressentis une sensation étrange. Pas à cause de cette soirée,mais àcausedecequej’avaisvécupendantlesdeuxannéesquivenaientdes’écouler.
Deslarmesmebrûlaientlesyeux.Jenesavaispaspourquoi.C’étaitidiot.Toutcequejefaisaisétaitidiot,detoutefaçon.
Clydesortitunetêtedelaituedusac.—Tusaisquoifaire,mapoupée,alorsramènetesfessesicietcommenceàdécouperles
légumes.Jeme traînai jusqu’auplande travail en ravalantmes larmes.Jenepleureraipas. Jene
perdraipaslecontrôle.Mesjouesétaientdéjàhumides.— Je n’ai pas pris le mélange de fromages mexicain. On va faire ça avec… oh, ma
poupée.Ilposalesingrédientsettournasoncorpsimposantversmoi.—Pourquoiest-cequetupleures?medemanda-t-il.Jehaussailesépaulesetm’essuyailesjoues.—Jenesaispas,murmurai-je.—C’estàcausedetamère?Ses grandes mains, rendues calleuses par des années de labeur, se posèrent avec
délicatessesurmonvisageetchassèrentlesdernièreslarmes.—Àcausedesgarçons?KevinetTommy?Jeprisunegrandeinspiration.Jenepensaisjamaisàeux,niàcettenuitoùnotremonde
avaitdisparu sous les flammes orange et rouges. Sans vouloir paraître froide ou sans cœur,j’avaissimplementbeaucoupdemalàmesouvenird’eux.Jemerappelaiàpeineleurvisage.Enrevanche, l’imagede leurscercueilsétait restéegravéedansmonesprit.SurtoutceluideTommy. Alors, je refusais de penser ne serait-ce qu’à leur nom… jusqu’à aujourd’hui. Àprésent,ilsdéfilaientenboucledansmatête.
—Ouest-cequec’esttoutàlafois?s’enquit-ild’unevoixdouce.MonDieu.Clydemeconnaissaittropbien.Lesyeuxfermés,jehochailatête.—Toutàlafois.—Mapoupée,murmura-t-ilenposantlatêtesurlamienneaprèsm’avoirattiréeàlui.
Ilm’enveloppadansunedesesétreintesdontilavaitlesecret.—Lasituationpeutteparaîtreinsurmontable,maisellenel’estpas.Tuasvuetsurvécu
àbienpire,mapetite.—Jesais,acquiesçai-je.Jehoquetaietm’efforçaidecontrôlermesémotions.—C’estjusteque…toutestsifamilier.Onafaitçapendantdesannéesetjenepensais
pasqu’onlereferaitunjour.NiquejemetiendraislàetquejetravailleraisauMona’s.J’étaiscenséedevenirinfirmière.J’avaistoutprévu.
Etnullepartilnefaisaitmentiond’unmeccommeJaxoudestacosd’OncleClyde,maisjeneledispasàvoixhaute.
—Jenesaisplusdutoutoùj’ensuis.Clydeme tapa dans le dos comme un bébé qui a besoin de faire son rot,mais çame
rassurait.—MapetiteCalla,tuastellementdequalités,tellementdejolieschosespourtoi.Tues
forte.Tuaslatêtesurlesépaules.Ettuvasquandmêmedevenirinfirmière.Tunefiniraspasici.Tesplansnevontpaschanger.
Jehochai latête,maismalheureusement, il faisaitfausseroute.Monmomentd’hystérienevenaitpasdufaitquej’étaisdéçueparcequemavieavaitvirédebordouàcausedecettefameuse nuit cauchemardesque. Bien sûr, j’aurais préféré que certaines choses ne se soientjamais produites, comme la découverte de l’héroïne et les problèmes demamère.Mais cen’étaitpaslaraisonpourlaquellejepleurais.
Ce n’était pas de là que venaient mes larmes. Je pleurais parce que la situation étaitfamilière.Etlafamiliaritémerendaitheureuse.
11
Çafaisaitmaintenantunesemainequeletoxicoétaitentrédanslamaisondemamèreetenétait repartiavecunefortuned’héroïnesous lebras.Depuis, jen’avaisreçuaucuneautrevisite surprise. Sans doute parce qu’il y avait toujours un homme différent chez moi. Bon,d’accord,seulementdeux:ClydeouJax.
Pendantmes jours de congé, Clyde s’était fait un devoir deme tenir compagnie. Puis,quand j’avais repris le travail, lemercredi, Jax avait recommencé àme raccompagner chezmoi. J’étais unpeu surprise.Après tout, je n’avais eu aucunenouvelle de lui durant tout leweek-end.Jesavaisqu’ilavaitmonnuméro.J’avaisdûlenoterdanslebureaudubar,àcôtédeceuxdesautres,pourpouvoirêtrecontactéeencasd’urgence.
Biensûr, jen’avaispasessayéde l’appelernonplus, jem’étaisditquec’était stupideetqueçanemèneraitàrien.J’essayaisd’évitercequiétaitstupideencemoment…maisj’avaiseuhâtedeleretrouverauMona’setça,c’étaitcarrémentdébile.
Jen’avaisvisiblementaucunevolonté.Lesjoursoùjen’avaispastravaillé,Jaxs’étaitévaporédelasurfacedelaterre,maisle
mercredi,quandj’étaisarrivéeaubaretquej’étaisalléeposermonsacdanslebureau,ilavaitétélà,entraindejeterunœilauxcomptes.Alors,ilavaitrelevélatête,m’avaitfaitungrandsourireetm’avaitappelée«chérie».
Après, il s’était comporté comme le samedi précédent, à flirter, à me draguer etsurtout…àmetoucher.Pourtant, il faisaitcommes’ilnem’avait jamaisditqu’ilvoulaitmeconnaîtredanslesensbibliqueduterme.
Peut-êtrequ’ilavaitchangéd’avis.Peut-êtrequ’ilavaitjustevoulutentersachance.Etjen’avaisaucunproblèmeavecça.Absolumentaucun.Cen’étaitpaspourçaquej’avaisapportéunsointoutparticulieràmonmaquillageetà
macoiffure.Non,ça,c’étaitpourlespourboires.Jax était toujours là, dans le bureau. Dieu seul savait ce qu’il était en train de faire.
J’avaisl’impressionquec’étaitmoiquiauraisdûêtreàsaplace,parcequec’étaitlebardema
mère,maisavantquej’aiepufairequoiquecesoit,Reeces’approchaducomptoir.Parfois,ilme faisaitpenseràmon frèreKevin.Lespolicierset lespompiersavaientété seshéros.S’ilavaitsurvécu,ilyavaitdegrandeschancespourqu’ilfûtdevenul’unoul’autre.
Chaque fois que Reece venait au bar, c’est-à-dire dès qu’il ne travaillait pas, Roxy setransformaitenvéritablebouledenerfs.Çasevoyaitcommelenezaumilieudelafigure.
—Salut,medit-ilsansquitterRoxydesyeux.JepeuxavoirdeuxBud?—Toutdesuite.Je tournai la tête sur la gauche et attrapai deux bouteilles glacées. Après les avoir
décapsulées,jelesluitendis.—Jelemetssurtoncompte?Son regard se posa enfin sur moi. Il avait de jolis yeux bleus, pleins de vie et d’une
profondeurincroyable.—Alors,tuvasvraimentrester?Étant donné qu’il ne me regardait pas de la même façon que Roxy qui lui tournait
toujoursledos,saquestionnemedérangeapas.Enfin,pastoutàfait.J’avaisl’impressiondeparler avecCam, JaseouOllie.End’autres termes,desmecsquin’avaientd’yeuxquepourquelqu’und’autreetsemoquaientdesavoirsijeressemblaisàlafilleduJoker.
Çam’allaittrèsbien.—Oui,aumoinsjusqu’àlafindel’été.Lesmotssemblaientétrangesàmesoreilles,maisjen’étaispassûredesavoirpourquoi.—Super.Ilsepenchasur lebar, la tête inclinéesur lecôté. Ilavaitvraimentunebelle formede
visage.Etmoi,jemelaissaisfacilementdistraire.—Cebars’estmétamorphosédepuisl’arrivéedeJax.Jenepouvaisqu’acquiescer.—Quandj’habitaisici,mamèreavaitengagédes…euh,dessacrésvainqueurs.Reeces’esclaffa.Ilavaitunjolirire.—Jecroisqu’onadesdossierssurlaplupartdestêtesdenœudquitravaillaientici.Jeréprimaiunsourire.—Çanem’étonnepas.Ilsouritetunefossetteapparutsursajouegauche.—Àtoutàl’heure.Roxyattendit queReece retourneà sa table, à côtéde laquelle se tenaitunepartiede
billard endiablée, avant de revenir vers moi. Je l’observai en biais tandis qu’elle jetait lescapsulesdesbouteillesàlapoubelle.
—Dis,jepeuxteposerunequestion?—Biensûr.—Pourquoiest-cequetut’enfuischaquefoisqueReeces’approchedubar?
Pour la première fois depuis que je la connaissais, Roxy retira ses énormes lunettes etessuya lesverresavecsondébardeur.Commeça, jevis sonvisagesousunautre jour.Cettefilleétaitaussimignonnequedeschatonsquidormaient lesunssur lesautres.Elleavaitunpetitnezentrompette,deslèvresdepoupéeetdegrandsyeuxmarron.Ellefitlamoue.
—Jeneleserspas,c’esttout,répondit-elleenremettantseslunettes.Avant que je puisse l’interroger davantage, j’entendis une voix crier depuis l’entrée du
bar.—Non?!CallaFritz?!Alors,c’estvrai,tutravaillesici!Qu’est-ceque…?Jemeretournaivivementversl’originedeshurlements.Aupremierabord,jenecompris
pastrèsbienquisetenaitdevantmoi.OnauraitdituneBarbieàtaillehumaine.Enfin,plusoumoins.SiBarbieavaiteudepluspetitsseinsets’habillaitcommeunestripteaseuse.LafillequisedéhanchaitenavançantverslebarportaitunerobemoulanteenLycraqui
lacouvraitdesseinsauxfesses.Pasplus,pasmoins.Elleavaitaussi l’aird’êtretombéedansunepiscinedepaillettes.Ellebrillaitautantqu’uneboulediscolesoirdujourdel’An.
Seslongscheveuxblondsavaientsubiunbrushingetelleportaitdeschaussuresàtalonsvertigineuxettransparents;tandisqu’elleavançait,sescheveuxtressautaientenrythmeavecsespas.
Lorsqu’elle se rapprocha et que son sourire s’élargit, je commençai à distinguer lapersonnequisecachaitderrière le fardquirecouvraitsespommettesetsespaupières.Je lareconnusenfin.
—Katie?Surprise,jeposailesmainssurlecomptoir.—Tum’asreconnue!Elles’arrêtaetsemitàsautillerentapantdanssesmains.Sij’avaisfaitçaavecdestalons
decettetaille,jemeseraisbrisélanuque.—Personnenemereconnaîtjamais!Jecomprenaispourquoi.Au lycée,KatieBarbaraavait toujoursété trèscalme.Certains
auraientmêmeditqu’elleétaitdifférente.ElleavaitapportésondéjeunerdansuneboîteHelloKittyjusqu’enterminale.Elleavaittoujourseulenezfourrédansunlivreetelleportaittoutle tempsunecapelineque lesprofs l’obligeaientàenlever.Jemesouvenaisvaguementd’undiscoursqu’elleavaitprononcéencoursd’anglaisà latroisièmepersonne.Aufildesannées,sescheveuxavaientrevêtudescouleursdifférentes:blond,brun,noir,violetetmêmerougepétant.Maissapréféréeavaitétélerose,etàprésent,jevoyaisquec’étaittoujourslecas:lapointedesescheveuxétaitdecettecouleur,commesarobe.
—Tues…différente,luidis-je,incapabledetrouverautrechose.
—Biensûr!Jenefaisplusqu’unavecmoncorps,maintenant.Ellefitglissersesmainslelongducorpsenquestiontoutensedandinant.—Jemesuisoffertunrelooking.Quelquepartderrièremoi,Roxygloussa.—Çatevabien.Lesrobesfaçonbouledisco,cen’étaitpasvraimentmontruc,maisKatieétaittrèssexy.
À telpointque lesmecsdevaient s’entre-tuerpour l’approcher.Pas commeau lycée. Jemedemandaiscequenoscamaradesdeclassepensaientd’elleàprésent.
—Tun’aspaschangé.Tacicatrices’estbeaucoupeffacée.Onnelavoitpresqueplusaveclemaquillage,ditKatie.
RoxypritunegrandeinspirationtandisqueKaties’asseyaitsurletabouretdevantmoi.Enfait,ellen’avaitpaschangésurtout.Elleétaittoujoursaussicash.Ellenevoulaitpas
êtremalpolie,maisiln’yavaitaucunfiltreentresoncerveauetsescordesvocales.Puisquejesavaisquecen’étaitpasméchant,aulieudemelaisserdéstabiliser,jeluisouris.
—Oui.Elleposasescoudesbronzéssurlebaretpritsonvisagedanslesmains.—Jen’arrivepasàcroirequetusoisrentréeetquetutravaillesdanslebardetamère.
Jecroyaisquetuétaispartiefairedegrandeschoses.Ça, par contre, c’était embarrassant. Un peu comme les étudiants qui foiraient leurs
études parce qu’ils avaient trop fait la fête et qui rentraient chez eux la queue entre lesjambes.
—Jesuislàpourl’été.—TuesvenuevoirlaMèredel’Année?Roxyhoquetadesurpriseetmurmura:—Ehbien…Jen’avaispasmentiendisantqueKatieétaitsuperdirecte.—C’étaitlebut,maisellen’estpaslà.—C’estsansdoutemieuxcommeça,poulette.Ellelevalesyeuxauciel.—Maisc’estcooldetevoir.—Merci.Jememordisleslèvresetjetaiuncoupd’œilàRoxy.EllesouriaitàKatie.—Alors,qu’est-cequetudeviens?luidemandai-je.Elleselaissaallerenarrièresursonsiègeetdésignasatenued’ungestedelamain.—D’aprèstoi?Jenetravaillepasdansunbureau.J’avaisbienuneidée,maissijemetrompais,jenetenaispasàledireàvoixhaute.—Ellebossede l’autrecôtéde larue,expliquaRoxyens’appuyantcontre lecomptoir.
Auclub.
Oh.C’étaitvraimentunestripteaseuse.Katiegloussatoutenbattantseslongscils.—Etj’adoreça.Etre-oh.—Situveuxsavoir,c’estlecasdelaplupartdesfilles.Toutescesthéoriescommequoi
onauraitdesproblèmesavecnotrepère,cesontdes foutaises.(Ellebalaya laquestiond’ungestedelamain.)Non,moi, jefaisçaparcequecesidiotsmepaientunpaquetdefricpourvoirunboutdeseinalorsqu’ilspeuventavoirlamêmechosegratisàlamaison.
Sielleétaitheureuse,cen’étaitpasmonproblème.Jesouris.—Super,alors.—Ettoi?(Ellebattitencoredescils.)Tutravaillesdansunbar!Jenepensaispasque
tubuvais,fit-elleremarquer.Seslèvresrosess’arquèrentverslebassouslecoupdelaconfusion.—Tut’esdéjàprisunecuite?Cen’étaitpasmongenre.Àcausedemamère.JesentaisleregarddeRoxysurmoi.—Çam’arrivedeboireunebièreoudeux,maisjamaisassezpourêtrebourrée,non.—Quoi?!s’exclamaRoxy.Reeceetsesamissetournèrentversnous.Jesentismesjouess’empourpreretdécidaide
parlermoinsfort.—Detoutefaçon,sijetravailledansunbar,ilvautmieuxquejeneboivepas,non?Roxymedévisageait,bouchebée.—Tun’asjamaisconnulebonheurd’êtrecomplètementdécalquée?—Oui,c’estagréabledeboireunpeu…,ditKatie.Elles’interrompitlorsqu’untrèsbelhomme,danslatrentaine,approchadubar.—Unwhisky. Sansglaçon,me commanda-t-il enme regardantd’abordmoi, puisRoxy
quiavaitattrapéunverre.Katie, elle, le détailla des pieds à la tête : de ses bottes foncées, son jean, sa chemise
blanche,àsescheveuxblondsondulés.—Mince,çamediraitbiendeboirequelquesverresavecça.L’homme en question se tourna pour la regarder longuement. C’était un regard
typiquement masculin que j’avais eu l’occasion de voir plusieurs fois malgré ma minceexpérienceaubar.Ilsignifiaitclairementqueçanel’auraitpasdérangédelavoirnue.Il luisouritavantd’attrapersonverreetdesedirigerverslatabledeReece.
—Bref.Entoutcas,tavieestsurlepointdechanger,m’annonçaKatie.Ellesepritdenouveaulevisageentrelesmains.—Pourdebon.Jeclignailesyeuxunefois,puisdeux,etréussisàignorerRoxyquimedonnaitdescoups
decoude.
—Pardon?—Crois-moi.Tavieestsurlepointdechanger,répétaKatie.Cettefois,Roxymedonnauncoupdehanche.—L’étévaêtremémorable.Jen’avaispaslamoindreidéed’oùellevoulaitenvenir.—Ehbien,situveuxtoutsavoir,mavieadéjàchangé.—Oh,non.Jeneparlepasdecequis’estdéjàproduit.Jeveuxparlerdufutur.Katiesepenchasurlebaretpendantuninstant,jecrusquesesseinsallaients’échapper
desarobeàsequinspournettoyerlebaràmaplace.Avecsestétons.—Letruc,c’estquej’aiundon.Poursedéshabiller?—Euh…Quelgenrededon?—C’estparti,marmonnaRoxy.Katietapaundeseslongsonglesmanucuréscontresatempe.—J’aidesvisions.Jesuismédium…ouvoyante.Jenesaispastropcommentonappelle
çadenosjours.Jeressensleschoses.Jelesvoisavantqu’ellesseproduisent.Euh…Jenesavaispasquoirépondre.Jen’étaismêmepassûrequ’elleétaitsérieuse,maisKatie
avaittoujoursétéspéciale,alorsonallaitdirequeoui.Etpuis,Roxynem’aidaitpasdutout.Elleavaitlesyeuxrivésauplafondetleslèvrespincées.
—Tu,euh…avaisdéjàcedonaulycée?demandai-je.Katieéclataderire.—Non.J’aieuunaccident.Lelendemain,jemesuisréveilléeavec.—Quel…Quelgenred’accident?demandai-je,pastrèssûredevouloirsavoir.—Oh,c’estpasvrai,marmonnaRoxy.—Jesuistombéedecettefoutuebarre.MonDieu.—Unebarre?Ellehochalatêteetpassaundoigtlelongdesalèvreinférieure.—Ouais.Cesgarcessebadigeonnentd’huilecommesiellesallaientfairetrempettedans
unefriteuse.Ducoup,sionn’essuiepaslabarre,elleglisse.J’écarquillailesyeux.Dansmatête,jevoyaisunebarredestrip-teasehuileuse.Roxy laissa échapper un gloussement qui se termina en une quinte de toux artificielle.
Elleattrapaalorsunebouteilleettroisverresàshot.Oh,non.—Bref.Jemesuisaccrochéesur labarrepour leshow. Ilyavaitbeaucoupdemonde.
C’étaitunsamedi.Etjefaisaiscettefigureoùjedoismemettreàl’envers.
Katiereculaetlevalesbras.L’espaced’uneseconde,jecrusqu’elleallaitrejouerlascèneducrimeetj’avaislesentimentqu’ilyallaitavoirdesseins.
—J’étaiscommeça.Elle croisa les bras et une expression sulfureuse apparut sur son visage. Je devais
admettrequec’étaittrèsconvaincant.—Maisàl’envers,tuvois?—Oui,oui,murmurai-jependantqueRoxyversaitunliquidemarrondanslesverres.—Etd’uncoup,mesjambessesontmisesàglisseretj’aicrié:«Hommeàterre!»;ou
plutôt:«Stripteaseuseàterre!»Une nouvelle toux suspecte échappa à Roxy. Elle posa bruyamment la bouteille sur le
bar.Moi,jemeforçaiàrespirerplusieursfoisavantdemurmurer:—Oh,non…— Et si, dit-elle. Je me suis ouvert le crâne sur scène. J’étais dans les vapes et
maintenant, je suismédium,comme lananaà la télé.Mais jenevoispasdesgensqui sontmortsetjen’aipaslamêmecoupeultracool.
—C’estvrai?hoquetai-je.Ellehochalatête.—Tavieestsurlepointdechanger.Çanevapasêtrefacile,maisellevachanger.JemetournailentementversRoxy.—Unshot,çavousdit?nousproposa-t-elle.—Shot!Shot!Shot!scandaKatieenattrapantunverre.Elle recula en rejetant la tête en arrière et en un instant, le contenu du verre avait
disparu.—Impressionnant,dis-je.Katiesouritàpleinesdents.QuandRoxyl’imita,ellesmeregardèrenttouteslesdeux.Jesecouailatête.—Jenecroispas,non.—Jetel’avaisdit,fitKatie.Roxyfronçalessourcils.—Jeveuxassisteràtonpremierverred’alcoolfort.Enplus,jet’enaiservidubon.Monestomacseserra.L’idéedeboire,deperdre lecontrôle…jen’arrivaismêmepasà
l’imaginer.Avecunsoupir,Katiesesaisitdemonverre.—Trop tard, dit-elle en le buvant d’un trait. (Elle le reposa violemment sur la table.)
Non, je n’ai pas honte. Et, oui, il faut que j’aille gagner un peu d’argent ! À plus tard, lesnanas!
J’observai Katie tourner sur ses talons comme une danseuse étoile avant de s’éloignerverslaporte.Aumomentoùelleallaitsortir,deuxfemmesentrèrent.L’uned’elle,unerousse
àfortepoitrine,eutunsouriremoqueuretmurmuraquelquechoseàsonamiequigloussa.Jeplissailesyeux.Jedétestaiscegenredechoses.Katies’arrêta,regardalaroussedroitdanslesyeuxetdit:—Casse-toidemonchemin,salope.Roxyrestabouchebée.Moi,jereniflaisbruyamment.Unpeucommeungoret.Larousseblêmit.L’autrerougit.—Oh,etlesnanasderrièrelebarnevousservirontpas.Alors,vouspouvezallertoutde
suiteàl’Apple-Back,enbasdelarue.(Katiejetauncoupd’œilversnous.)Pasvrai?Puisque,quelquepart,lebarm’appartenait,jehochailatête.—Toutàfait.—Barrez-vous,salopes.Katielespoussacarrémentverslaporte,maiss’arrêtapournousfaireunesortedesigne
dereconnaissance,commesionfaisaitpartied’ungang.—Peace,messœurs!AvecRoxy,onrestasilencieusependantunebonneminuteavantque jemetournevers
elle.—Katieatoujoursétélégèrementdifférentedesautres,maisjel’aimebien.Ellehochalatêteetramassanosverresàshotensouriant.— Étonnamment, ses prédictions se vérifient parfois. Par exemple, une fois, elle m’a
dit…(Ellefronçasonpetitnezentrompette.)Untrucquej’auraisdûprendreausérieux.Jelaregardai,bouchebée.—Tuplaisantes,pasvrai?— Pas du tout, répondit-elle. Mais je l’adore. Il se passe toujours des trucs de dingue
quandelleestlà.Toutestunequestiondefeeling.—Defeeling?—Maisoui,tusaisbien.Feeeelings…Roxysemitsoudainàchanter,suffisammentfortpourquelatabledeReeceentende.D’ailleurs,commeparhasard,ilsetournaversnous.Un petit sourire en coin, il contemplait Roxy qui se trémoussait comme une gogo
danseuse avec un coup dans le nez tout en posant les verres dans l’évier pour les nettoyer.Puisellepointaundoigtversmoi.
—Nothingmorethan…—Feeee-lings,continuai-jeàsaplace,trèsfortettrèsfaux.(Surtouttrèsfaux.)Trying to
forgetmyfeee-lings…—Oooofloooove.Elleterminaenouvrantlesbrasengrandetenfaisantuneprofonderévérence.
DesapplaudissementsretentirentàlatabledeReeceetonéclatatouteslesdeuxderire.C’estcemomentquechoisitJaxpournousrejoindre.Ils’arrêtaàquelquesmètresdenousetsouritenmevoyant.
—Qu’est-cequisepasseici,aujuste?—Riendutout,ditRoxyd’unevoixchantante.Jesavaisque j’auraisdûdétourner leregard,mais j’enétais incapable. Ilétaitvraiment
trèsbeauavecsonjeanetsontee-shirtusé.Roxyreportasonattentionsurmoi.—Alors,commeça,tun’asjamaisétébourrée?—Onestrevenuesàça?Jecroisailesbrassurmapoitrine.J’auraispréférécontinuerdechanter.LesouriredeJaxdisparutetsemuaenincrédulité.—Quoi?Jelevailesyeuxauciel.—Qu’est-cequ’ilyademalàça?—Ellenes’estjamaisprisdecuite,ditRoxyàJaxquimefixaitcommesij’avaisenlevé
lehautetquejesecouaismesnichonsdevantlui.Genre,jamais.—Maistubois,parfois?demanda-t-ilens’approchant.Ilréussitàselogerdansl’espaceminusculequ’ilyavaitentreRoxyetmoi,cequivoulait
direquesonflancgaucheétaitpressécontremoi.Jetentaideréprimerunfrisson,envain.—Jeboisunebièreoudeux,detempsentemps.Lavérité,c’étaitquejen’avaisjamaisterminéuneseulebièredemavie.Aprèsavoirposéunemainsurlebar,ilsetournafaceàmoietjemeretrouvaiàfixerle
tee-shirtnoirmoulantquimettaitsontorseenvaleur.Jepouvaisvoirsespecautravers.Cemecavaitdespec!
—Tuasdéjàbudel’alcoolfort?Jesecouailatêtetoutencontinuantderegardersontorse.—Pasuneseulefois?—Non,murmurai-je.Saliverdevantletorsed’unmeccommesic’étaitdelamousseauchocolatétaitvraiment
stupide…maisc’étaitlegenredechosesstupidesquej’aimais.—Ellen’a jamais goûtéd’alcool fort, soupiraRoxy.Ellene s’est jamais pris de cuite…
M’estd’avisqu’elleestpasséeàcôtédepleinsdebêtises.—Onvachangerça.Du coin de l’œil, je vis Jax bouger son autre main. Je relevai vivement la tête en le
sentantreplacerunemèchedecheveuxderrièremonoreille.—Bientôt.
Ilavaitexposémajouegauche.Jereculaivivementetmeheurtaiaubacàglaçons.Roxynousobservait,toutsourire.MonDieu:pourquoin’yavait-ilpasplusdemondelejeudi?Aumoins,Jaxn’auraitpaseuletempsdemetorturer.
Et visiblement, il était d’humeur tortionnaire avec son charme et ses gestes délibérés.Quandilsepenchaversmoi,jesavaisqueRoxyn’étaitpaslaseuleànousregarder.
—Qu’est-cequetun’aspasfaitd’autre?Jecroisquetum’enasparlé,ladernièrefois.Monsoufflesebloquadansmagorgeuninstant.Ilétaitbeaucouptropprochedemoi.—Jenesuisjamaisalléeàlaplage.Roxysecoualatête.— Ni… à New York. Je n’ai jamais pris l’avion. Je ne suis jamais allée dans un parc
d’attractions,continuai-jeleventrenoué.Jen’aipasfaitgrand-chose.Jax soutintmon regard un longmoment avant de s’éloigner et de se diriger de l’autre
côtédubar.Jerestaiplantéelàetjetaiuncoupd’œilinterrogateuràRoxy.Ellehaussaunsourciletarticula,silencieusement:—Quoi?Lerougeauxjoues,jesecouailatête,pendantqu’ellesetournaitversJaxavecunsourire
deplusenplus flamboyant.Jenesavaispasàquoiellepensait,maisçanedevaitpasvolertrèshaut.Envoyantlapiledeverressales,jemedisquec’étaitlebonmomentpourfuirencuisine.
Derrière moi, la porte s’ouvrit. Je sentis l’atmosphère changer avant de voir qui étaitentré.La tensionétaitpalpable.Elle semblaitempliedecolère.Jememordis les lèvres.Enmeretournant,jevisqueJaxs’étaitcrispé.
Oh,non.Mackétaitde retour.Et cette fois, il n’était pas seul. Il avait emmenéun copain, aussi
baraquéetinquiétantquelui.TousdeuxobservèrentlatabledeReece,puislesyeuxdeMackseposèrentsurmoi.
Unsouriredefauxculétiraseslèvres.Monestomacsedécrocha.—Tun’espaslebienvenuici.C’était la voix de Jax. Je reportaimon attention sur lui. Il avait lamâchoire tellement
serréequ’elleavaitl’airbloqué.—Oh,putain,murmuraRoxy.L’acolytedeMackémitunricanementmalsainquimefitfrissonner.—Jenecomptaispasrester,réponditMacksansmequitterdesyeux.J’aiunmessageà
transmettre.Etjevaislefaireavecplaisir.Jaxseplaçaentrelebaretmoi.—J’enairienàfoutre,Mack.Casse-toid’iciavantquejetejettedehorsmoi-même.Houlà.
LesyeuxsombresdeMackressemblaientàdescristauxd’obsidienne.—Jetel’aidéjàditunefoisetjetelerépète:tunesaispasàquitut’attaques.—Jesaisexactementàquijem’attaque.Jax se pencha sur le comptoir, et parla d’une voix rauque et dangereusement calme,
commel’œild’uncyclone.—Personne.Mack eut l’air de vouloir dire quelque chose,mais son pote se déplaça de façon àme
voir,derrièrelecorpsenalertedeJax,alorsill’imita.—Isaiahdoitparleràtamère.Etplusvitequeça.QuiétaitcetIsaiah,aujuste?—Cen’estpassonproblème,rétorquaJax.—C’estlamiochedeMona.Etcommesamèren’estpaslà,c’estàelledefaireensorte
quelacommunicationsoitrétablie,ditMackàsontour.LamiochedeMona?Qu’est-ceque…?Latabledeflicscommençaitàs’intéresseràcequisepassaitetjedoutaisquecetIsaiah
soitdansleursbonspapiers.Ducoup,çaavaitétéstupidedelapartdeMacketdesonpotedecauserunescènedevanteux.
—Elleaunesemaine,ditMackenreculantverslaporte.Après,Isaiahperdrapatience.Ilssortirentdubaravantquejeretrouvel’usagedelaparole.Moncœurbattaittoujours
lachamadelorsqueJaxsetournaversmoi.Unmuscletressautaitauniveaudesamâchoire.—QuiestIsaiah?Ungenredemafieuxamish?Son visage se détendit un peu et il eut l’air de réprimer un sourire.Même son regard
marronseradoucit.—Pastoutàfait,maiscen’estpasloindelavérité.Oh,non.Jen’aimaispasbeaucoupça.—Qu’est-cequisepasse?demandaReecequis’étaitapprochédubar.IlavaitlesyeuxrivéssurJax.—IsaiahchercheMona,réponditcelui-ci.Je jetaiuncoupd’œilàRoxy,étonnéequ’ellenesesoitpasdépêchéedefairesemblant
d’êtreoccupée.—JenesaispasquiestIsaiah,nioùsetrouvemamère,dis-jesoudaincarjeressentais
lebesoindemejustifier.—Jesais.LavoixdeJaxnelaissaitrienparaître.—Reecelesaitaussi.Sonamiflicmeregarda.—Tuessûredevouloirresterici?J’ouvrislabouchepourluirépondre.
—C’estdéjàdécidé,déclaraJaxàmaplace.Ellereste.Jeme tournaivivementvers lui : sa réactionm’avaitétonnée.L’avantage,c’étaitque je
n’avaispasàtrouveruneexcusemoinsgênantequelavérité.L’inconvénient…non,enfait,jen’étaispassûrequ’ilyenavait.
Reecesoufflaetreportasonattentionsurmoi.—Si turencontres lemoindreproblèmeaveccette têtedenœud,ou lesautres, fais-le-
moisavoir.Jehochailatête.—Elleviendramevoird’abord,meditJaxetj’enrestaidenouveaubouchebée.Après,
elleteleferasavoir.Reecehaussaunsourcil.—Écoute,jenesaispascequisepasseici,fit-il.(Jemecrispai.)Maisilnefautpasque
tut’attiresdesemmerdesavecIsaiah.—J’aidéjàdesemmerdesaveclui.Àcausedecebar.Tulesaistrèsbien.(Jaxrelevale
menton.)Etcen’estpaspourmoiquejesuisinquiet.Oh,waouh.—Bon,OK.Quic’est, Isaiah?demandai-jeparcequec’étaitsansdouteledétail leplus
important.Etpourquoiest-cequesonnomestsouventassociéaumot«emmerdes»?LeslèvresdeReeceseretroussèrentàmoitié.— Il cause pas mal de problèmes dans les parages. D’habitude, il reste du côté de
Philadelphie,maissamerdevoyageloin.—Ladrogue,précisaJaxàvoixbasse.Jerepensaiàl’héroïne.Bonsang.—Jevaisdemanderàmesgarsdeluirendreunepetitevisite,ditReeceensetournant
versJax.HistoiredeluifairecomprendrequeMonan’estpasleproblèmedeCalla.—Jet’enseraisreconnaissant,répondit-ilensedétendantdavantage.Moiaussi.—Merci…jecrois.Reeceritdoucement.Jax,lui,passalamaindanssescheveuxenbataille.—Roxy,tuveuxbienfermer,cesoir?Ellehochalatête.—Pasdesouci.—Jeserailà,moiaussi,luifis-jeremarquer,maisilsecoualatête.Quoi?Monservice
neseterminepasavantplusieursheures.—Plusmaintenant.Ilmepritparlamainetsemitàavancer,ennemelaissantpasd’autrechoixquedele
suivre.Tandisqu’onpassaitderrièrelebar,ilattrapaunebouteilled’alcoolmarron.
—Onvabarrerunechosesurtalistedes«jen’aijamais»,cesoir.—Quoi?m’écriai-je.LesouriredeRoxys’élargit.—Amusez-vousbien!
12
On aurait pu croire que la visite des sbires d’Isaiah, le baron de la drogue, était leproblèmelepluspressantàrésoudre…mais,évidemment,commeriennesepassaitdefaçonnormaledansmavie,cen’étaitpaslecas.
Debout,danslacuisinedelamaison,jeregardaitouràtourlabouteilledetequilaetlesdeuxverresàshotqueJaxavaitrapportésdubar.Jemedemandaisvraimentcequejefoutaisici.
Sonlégersourireencoincomplimentaitlalueurdedésinvolturequibrillaitdesesyeuxmarron.Ils’étaitappuyécontreleplandetravail,sesbrasmuscléscroiséssursontorse.
Ilétaittrèsbeau,d’accord,maisjemedemandaisquandmêmecequejefoutaisici.—Non,répétais-jepouraumoinsladixièmefois.Cela faisait environ quarante minutes que nous étions rentrés à la maison. Depuis, il
n’avaitpasarrêtéd’essayerdemeconvaincredeboire,etmoideluiexpliquerpourquoijenepouvaispas.
Pasunefoisilneperditpatience.Pasunefoisilnesemitencolère.Pasunefoisilnesemoquademoiparcequejenevoulaispasboire.Etmoi,j’étaisàdeuxdoigtsdeluiavouerlavérité.Jecommençaiàêtreàcourtd’excuses.Lagorgenouée,jereportaimonattentionsurles
verres à shot. J’étais frustrée… extrêmement frustrée. Le problème, ce n’était pas que jen’avais jamais euenviedegoûter.Aucontraire, j’aurais voulumecomporter comme tout lemonde,commetousceuxquiavaientunemèrenormale.L’ivresseétaitunegrandeinconnuepourmoi.
Àl’instard’ungrandnombredechoses,d’ailleurs.J’auraisvoulumejeterparterreettaperdespiedscommeunenfantquifaituncaprice,
commemonfrèrelefaisait…Jerepoussaicettepenséeetsecouailatête.—Ilfautquetuessaies,chérie.Unshot,pasplus.
Jeleregardaidanslesyeux.J’aimaisqu’ilm’appelle«chérie»,c’étaitunpeulacerisesurlegâteau.MonDieu,cescils,cesyeux,cessourcils,cevisage…
Putain.Si me laisser distraire par un mec sexy avec un joli visage faisait de moi une fille
superficielle,tantpis.Jel’acceptais.—C’estàcausedeMona?demanda-t-il.Waouh. Le fait qu’il aitmis ledoigt sur leproblèmeme frappaavecune telle violence
quejefisunpasenarrière.Jeheurtaiunechaisequisemitàtanguer.—Quoi?murmurai-je.Ils’éloignaduplandetravailetlaissatombersesbraslelongdesoncorps.—C’estàcausedetamère?decequ’elleestdevenue?Les pieds rivés au sol, je le dévisageai. Je le connaissais depuis un peu plus d’une
semaine,pourtant, il avaitdéjà tout compris.En claquant lesdoigts.C’était sûrementparcequ’ilconnaissaitmamère,alorsquepersonne,surtoutpasTeresaouAvery,nel’avait jamaisvue.
J’avaisvumamèrefairedeschosesterriblesquandelleétaitivreoudroguée.J’avaisvud’autrespersonneslui fairesubirdeschoseshorribles,voirehumiliantes.Danscesmoments-là,ellenecontrôlaitplusrien.Nonpasqu’elleaitbeaucoupdecontrôleen tempsnormal…maisdu coup, à causede ça, je refusais certaines expériences. Je voulais être conscientedemesactes,parcequeje…
Jenevoulaispasluiressembler.Jen’étaispasmamère.Jeneseraisjamaiscommeelle.Mespieds avancèrent avantmêmequemon cerveau s’en rende compte. J’approchai du
plandetravail,dépassaiJaxetlesentissetournerversmoitandisquej’attrapaisleshotavecdesdoigtstremblants.
Unefoiscalmée,jemetournaiverslui.—Jenesuispasmère.Alors,j’approchaileverredemeslèvres.
«Unshot,pasplus.»Ilnefallaitjamaisdirecegenredechoses.Quatreverresplustard, j’étaisallongéeparterre,surlecôté,et jeserrais labouteilleà
moitiévidecontremapoitrine.J’avaislesyeuxfermés.Unechaleurartificielles’étaitinsinuéedansmonventreetd’agréablespicotementsserépandaientdansmesveines.J’avaisretirémeschaussuresdepuislongtempsetj’étaisentrainderéfléchiràretirermonchemisier.J’avaisundébardeurdessous.Maislaseuleidéedem’asseoiretdeleverlesbrasm’épuisait.
Jesentisunedoucecaresse,aussi légèrequ’uneplume,surmonfront.Alors, lachaleuraugmentaaucreuxdemonventreetmonsangsemitàbouillir.
—Latequila…Jax,latequila,c’est…Jenetrouvaispasmesmots.Jecommençaisàavoirdumalàrassemblermespenséeset
àlesformuler.—Génial?dit-ild’unevoixtraînanteenretirantsamain.J’ouvris les yeux, le sourire aux lèvres. Il était assis à côté demoi, dos au canapé, les
jambes tendues devant lui. Seulement quelques centimètres nous séparaient. Je ne mesouvenais plus comment je m’étais retrouvée par terre. Tout ce que je savais, c’était qu’iln’avaitpashésitéàmesuivre.
—Calla?—Hmm?Commemesyeuxs’étaientreferméstousseuls, je lesrouvris. Il tendit lamainversmoi
pourtapotermongenou.Jegloussai.—Jenetienspasdutoutl’alcool,hein?Sonsourires’élargit.—Étantdonnéquec’esttapremièrefois,jetrouvequequatreshots,c’estunbonscore.—Latequilamefaitpenseràuneamiequej’aiperduedepuislongtemps,quiestunpeu
agaçante,maisqu’onaimebien.Jeserrailabouteillecontremapoitrine.—J’aimebeaucouplatequila.—Onverracommenttutesensdemainmatin.Etsitumerendaislabouteille?Jefislamoue.—Maisjel’aimebien.Tunepeuxpasmelaprendre.Jaxsepenchaversmoienriant.—Jeneluiferaiaucunmal,Calla—Etsijeveuxencoreunshot?—Jenecroispasquecesoitunebonneidée.Je tentai de lui adresser un regard noir, mais je louchai plus qu’autre chose. Avec un
grandsoupir,jerelâchaimaprisedefersurlabouteille.Jaxs’ensaisitaussitôtetlaposasurlatablebasse,horsdemaportée.Mapetitesource
debonheurmemanquaitdéjà. J’aurais voulu la récupérer,mais encoreune fois, l’effortmeparaissait surhumain.Quand Jaxme sourit, je ressentis une sensation étrange au niveau ducœuretduventre.
J’eussoudainenviedeglousser.—Etsionreparlaitdecequetun’asjamaisfait?Ilselaissaallercontrelecanapé.Visiblement,ilnesesentaitpasaussibienquemoi.On
avait répertorié un grand nombre de choses que je n’avais pas faites en vingt et un ansd’existence. La liste était longue et embarrassante, mais je m’en moquais. J’aimais son air
amuséquandjeluidisaisquejen’avaispasfaituntruc,etsonexpressionlorsqu’ilfaisaitunenouvelleproposition.
—Tun’asjamaissentilesablesoustesorteils?demanda-t-il.Jesecouailatête.Enfin,jecrois.—J’aiunplan.Etçan’enfaitpaspartie.—Quelgenredeplan?—LestroisT.Ilhaussalessourcils.—LestroisT?—C’est ça !m’écriai-je avant d’ajouter d’une voix plus calme et sérieuse : Terminer la
fac.Trouverunboulotdans ledomainedes soins infirmiers.Tirerprofitdu faitd’êtreenfinallée aubout des choses. (Jem’interrompis et plissai la lèvre supérieure.) Ledernier, je nesuispastropsûre.Jevaistoujoursauboutdeschoses.Maisjenetrouvaispasgrand-choseenT,alors…
Ilmefitungrandsourire.—C’estça,tesgrandsprojets?Terminerlafacettrouverunboulot?—Tul’asdit,bouffi!Ilsecoualatête.—Chérie,cen’estpassuffisant.J’allaisluirépondrequesi,maisjem’arrêtais.Ilavaitraison.—Tum’asdonnémonpremierbaiser,débitai-jesoudain.C’étaitlatequilaquiparlait.—Ilfautqu’on…quoi?Sonsouriredésinvoltedisparut.—Pardon?Au départ, je ne compris pas tout de suite ce que je lui avais dit. Je ne saisissais pas
pourquoi ilme regardait comme si j’étais folle. Puis jeme souvins que je lui avais fait uneconfessionlégèrementembarrassante…etjem’enmoquai.
Latequila,c’étaitgénial.—Onnem’avaitjamaisembrassée,luidis-je.Ilhaussaunsourcilbrun.—Jamais.Jesecouailatête.Oumetrémoussaiparterre,jenesaisplustrèsbien.Sesyeuxmarrons’élargirent.—Tuasvingtetunansettun’asjamais…Sonexpressionétaitdésopilante.Illevalesyeuxauplafond,commes’ilpriait.Étantdonnéquejenemesentaisplustrèsàl’aiseenpositionallongée,jemeforçaiàme
redresserpourm’asseoir.Lapiècesemitàtanguerautourdemoietmonestomacsesouleva
dangereusement.Jen’aimaispascettesensation,cesvertiges,maistoutsecalmatrèsviteetjemeretrouvaiàobserverJax.
MonDieu.Ilétaittellement…beau.Plusjeleregardais,plusjemerendaiscomptequ’iln’était pas d’une beauté conventionnelle. Certains auraient sans doute dit que ses lèvresétaienttroppulpeusesousessourcilstropépais,maisjeletrouvaistrèsbiencommeça.Ilmedonnaitenviede…
Il fallait que j’arrête de penser à son physique parce que les muscles de mon ventrecommençaientàsetendreetmesseinsmeparaissaientlourds.
Jaxpenchalatêteversmoiavecuneexpressionindéchiffrablesurlevisage.—Tusais,chérie,cen’étaitmêmepasunvraibaiser.—Oh,murmurai-je.Oh.Jerentrailementonetdigérail’information.Mêmesilatequilam’empêchaitderéfléchir
clairement,mapoitrineseserra.Toutfaisaitsensàprésent.Biensûr.—Quoi?medemandaJax.Mince, j’avais dit ça à voix haute. Je relevai la tête et fixai son épaule. Jeme sentais
stupide d’avoir cru qu’il s’agissait d’un vrai baiser. Après tout, il me connaissait seulementdepuis quelques jours. Les mecs comme lui, qui lui ressemblaient, parlaient comme lui,marchaientcommelui…respiraientcommelui,n’embrassaientpasdesfillescommemoi.Paslesfillesavecmonvisagequiavaientgrandidansunefamilledecassociaux.
—Calla?Tutesensbien?L’inquiétudequejeperçusdanssavoixmefitunepointeaucœur.—Je…j’aimequandmêmelatequila.Ilyeutunepause,puisJaxs’esclaffa.—Attendsdegoûterlavodka.—VivelesRusses.Jaxsouritàpleinesdents.—Etilnefautpasoublierlewhisky.—Lewhisky?hoquetai-je,lesyeuxécarquillés.Jeplaquailesmainscontremoncou.Jecommençaisàmerendrecomptequejeversais
danslemélodramequandj’avaisbu.Àmoinsquejenefussedéjàentraindedécuver.—Non.Paslewhisky.Mamèreenbuvaitetça…çadégénéraittoutletemps.Jememisàgenouxetrepoussaimescheveuxderrièremesépaules.—Tunetrouvespasqu’ilfaitchaud?— Il fait bon, répondit-il enm’attrapant par le poignet pourme retenir.C’est vrai que
Monaaimelewhisky.Paspossible.Jaxconnaissaitbienmamère.Nosregardssecroisèrentet toutàcoup, je
susquejepouvaisluienparler.
—Je croyais que… je serais comme elle si je buvais, tu sais ?Que je ferais n’importequoi…J’aivudesgensluifairedeschosesquandelleétaitbourrée.
Jax parut soudain beaucoup plus éveillé. Plus tard, lorsqu’il n’y aurait plus autant detequiladansmonsystème,jecomprendraisqu’ilétaitloind’êtreaussibourréquemoi.
—Quelgenredechoses?Jeme laissai aller en arrière pourm’asseoir, les jambes repliées devantmoi. Je savais
qu’il ne fallait pas que je lui dise ce que j’avais vu. Personnene voulait en entendreparler.C’étaitaffreux.C’étaitrévoltant.Pirequelescicatriceslaisséessurmoncorps:plusprofond,plushonteuxencore.
Maislatequilamedéliaitlalangue.—Lapremière fois…Jedis lapremière,parcequec’estarrivéplusieurs fois,elleavait
organiséunefête.Elleorganisaittoujoursdesfêtes.Maiscesoir-là,ilétaittardetj’avaissoif.J’avaisunrhumeoupeut-êtrelagrippe.J’étaismalade,entoutcas.Etj’avaisbesoindeboirequelque chose. Il fallait que je descende au rez-de-chaussée. Ma mère m’avait interdit dedescendrequandellefaisaitlafête,maisj’étaisobligée.
—Jevois,dit-ilcalmement.Tuavaisquelâge?Jehaussailesépaulesetmeconcentraipourrassemblermessouvenirs.—Douzeans, jecrois?Jenesaisplus.C’étaitpeudetempsaprès…Enfinbref.Jesuis
descendue.Ilyavaitdesgensquidormaientpartoutparterre.Etj’aientendumamère.Ellefaisaitdesbruitsbizarres.Ellen’avaitpasl’aird’êtrecontente.Commelaportedesachambreétait ouverte, j’ai jeté un coupd’œil à l’intérieur. Elle était allongée par terre. Il y avait unhommeavecelle.Il…
Jesecouailentementlatêtepourchasserlesimagesflouesetconfusesdemonesprit.— Ma mère m’a vue. Le mec aussi. Alors, j’ai paniqué et je suis retournée dans ma
chambreencourant.Elleavaitvraimentbeaucoupbucesoir-là.Sontorsesesoulevaviolemment.—Est-cequ’undecestypesadéjàessayéde…s’enprendreàtoi?Je le dévisageai unmoment avant d’éclater de rire. Ce n’était pas drôle. C’étaitmême
loindel’être,maisàl’époque…mescicatricesavaientétéencorepiresquemaintenant.—Non.—Çan’excuserien.—Non.Jesupposequenon.—J’aivudesgens semettredansdes situations stupidesaprèsavoirbu,des situations
trèsdangereuses,dit-ilavecunelueursérieusedanssesyeuxmarron.Tun’aspasàt’inquiéterpourçacesoir.Tupeuxt’amuserentoutesécurité.
—Merci,répondis-jeparcequ’ilfallaitquejeledise.—Maisbonsang,Calla…
Sesdoigtsserefermèrentsurmonpoignetavecdouceur.Sonregard,lui,s’étaitfaitplusdur.
—Tun’auraisjamaisdûassisteràcegenredechoses.—Jesais,maisc’esttroptard.Jenepeuxpasrevenirenarrière.Jem’interrompistoutencontinuantdeleregarderdanslesyeux.Siseulementj’avaisété
plusjolieetquecebaiseravaitétéréel…—Maiscen’estpaspareil.Latequilan’arienàvoiraveclewhisky.Sonexpressionseradoucit.—Onenlèveralewhiskydelaliste,chérie.Jesouris.—Trèsbien.Çaneressemblepasdutoutàcequej’aivécuavecmamère.Pourquoiest-
cequej’avaisaussipeur?Sansluilaisserletempsderépondre,jemerelevaid’unbondetmelibéraidesapoigne.
La vitesse du mouvement me fit perdre l’équilibre. Je tendis les bras pour retrouver mastabilité.
—Houlà!Jaxsereleva,sansaucunproblème.—Calla,bébé,tudevraispeut-êtreterasseoir.Çaparaissaitplussage,eneffet.—Qu’est-cequejevoulaisfaire,déjà?Ilsouritdenouveau.—Jen’ensaisrien.Tudisaisquetuavaispeur.Jefronçailenez,avantdemesouvenirsoudain.—Ahoui!Restelà!Jem’éloignaisansluilaisserleloisirdem’arrêter.—Calla…Medirigeanttoutdroitdanslachambre,j’attrapailesbibelotsposéssurl’étagèrepuisles
rapportai dans le salon, pressés contrema poitrine. Jax se tenait debout à côté du canapé,l’airperplexe.
Jelerejoignisetplaçailetrophéequej’avaisgagnéauconcoursdebeauté«MissRayondeSoleil»ouuneconneriedanslegenre,surlatablebasse.
—C’estàmoi.Jaxs’assitaubordducanapé, lesyeuxrivéssurlarécompense.Lemétalet leplastique
brillaientdanslalumièredusalon.—Jeparticipaisàdesconcoursdebeauté,avant.Une part de moi-même, une toute petite part au fond de mon cerveau embrumé,
n’arrivaitpasàcroirequej’étaisentraindeluiraconterça,quej’enparletoutcourt.
— Depuis mes… depuis ma naissance, en fait. Sans rire. Ma mère a commencé àm’inscrirealorsquejen’arrivaispasencoreàm’asseoirtouteseule.J’auraispupasserdanscesémissionsdeMini-Miss,tuvois?C’étaitmonquotidien.Pendantdesannées.
Son regard seposadenouveausurmoiet sur laphotoque je tenais contremoncœur.Encoreunefois,jetrouvaiqu’ilyavaitquelquechosed’étrangedanssonexpression.
Alors,jesoulevailecadreetleretournaipourleluimontrer.— Je ressemblais à ça, avant. Bon, OK, j’ai huit ou neuf ans sur cette photo, mais je
ressemblaisàça.Avant.L’espaced’uneseconde,Jaxfermalesyeux.Moi,jen’arrivaisplusàm’arrêterdeparler.— J’ai gagné des trophées, des couronnes, des écharpes et de l’argent. Il y en avait
beaucoupplus:descentainesdecouronnesetdetrophées,maisunjour,j’aipiquéunecolère.J’avaisquatorzeouquinzeans,j’étaisaulycée.J’aitoutjetéparlafenêtre.Ilssesontcassés.Mamèreapétéuncâbleetadisparupendantplusieursjours.Jel’aimalvécu.Iln’yavaitplusrienàmangerdanslamaison,niaucunelessivepourlavermesvêtements.
Lessourcilsfroncés,ilmeregardamoietpasl’imagedemonpassé.—Ellefaisaitçasouvent?Je jetai un coup d’œil à la photo. Dessus, j’avais de grosses boucles blondes, un grand
sourire et de fausses dents blanches…des flippers.On appelait ça des flippers. C’était superdésagréableàporteretçaavaittrèsmauvaisgoût.MaisjelesavaisportésparcequeMamandisaitquej’étaisbelleavec.Lesjugesdisaienttousquej’étaisbelle.Jegagnaisdesprixgrâceàcesdentsstupides.Papa…secontentaitdesecouerlatêted’unairdépité.
—Quoi?—Est-ce qu’elle te laissait souvent sans nourriture ou sans le strict nécessaire pour te
débrouiller?Jehaussailesépaulesetsecouailatête.—Engénéral,Clydevenaits’occuperdemoi.Oualors,j’allaischezlui.Cen’étaitpastrès
grave.—Si,c’estgrave,chérie,rétorqua-t-ild’unevoixdouce.Mon regard rencontra le sien, et j’y lus de nouveau ce quelque chose que je ne
comprenaispas,maisquejemouraisd’enviededéchiffrer.Jesoulevailaphotoetlaluicollaipresqueenpleinvisage.
—J’étaistrèsjolie,avant,murmurai-jecommesic’étaitunsecret.Tuvois?J’étais…—Iln’yapasde«avant».Il m’arracha le cadre des mains et je le regardai, bouche bée, le jeter derrière lui. La
photorebonditsurlecoussinavantd’atterrir,saineetsauve,surlecanapé.—Tuestoujoursaussijolie,OK?J’éclataid’unrirefrancetreniflaipeut-êtremêmeunpeu.
—Tuestellement…—Quoi?Iln’avaitpasl’aircontent.— Tu es tellement… gentil, terminai-je en levant les bras au ciel. Tu es adorable.
Dommagequetusoisunmenteur.—Quoi?répéta-t-il.Soudainfatiguée,jemelaissaitombersurlecanapé.Matêtetournait.—Jenesuispasjolie.Ilmeregardadetoutesahauteur.—Sijedisquetuestoujoursaussijolie,tuestoujoursaussijolie.Findeladiscussion.J’allais luiexposer toutes les raisonspour lesquellescen’étaitpasvrai,mais jepréférai
hausserlesépaules.C’étaitgentildesapart.Jepouvaisaccepterlecompliment.—Tuesgentil,dis-jeencoreune fois.C’estadorablede tapart.Mercide faireçapour
moi.Jesuissûrequetuasdestasdechosesbeaucoupplusintéressantesàfairequedejouerlesbaby-sitterspourmapremièrecuite.
Ilpenchalatêtesurlecôté.—Paslapeinedemeremercier.—Merci,murmurai-je.Seslèvresseretroussèrent.—N’hésitepasàmefairesignequandtuasenviedeboire.Oh, c’était gentil aussi, ça. Sansprévenir,mapoitrine se serra. J’en eus les larmesaux
yeux.—C’estvrai?Ilhochalatête.—Commejetel’aidéjàdit,tuesensécuritéavecmoi.Alorsn’hésitepas.Jesuissérieux.
Peuimportecequetuasenviedetester.Tuserastoujoursensécuritéavecmoi.Cesmots…monDieu.Sesmotsmetouchaientauplusprofonddemonâme.Lamaison
dans laquelle j’avais vécu avec ma mère n’avait pas été un foyer chaleureux et les chosesavaientmaltournéplusd’unefois.
— En fait… je pensemême que je peux t’aider à cocher plusieurs choses sur ta liste,poursuivit-il.
Sonsourireencoinsetransformaenvraisourirecapabled’arrêterlecœurdesfilles.Je ne l’écoutais pas vraiment. J’étais trop occupée à le dévisager. La boule qui s’était
formée dans ma poitrine remonta dans ma gorge. Les larmes étaient toujours présentesderrièremespaupières. Jaxétaitbienplusqu’unbeaugosse. Ilétaitgentil,encoreplusqueJaseetpeut-êtremêmequeCametBrandon.
Ilm’avaitditquej’étaisensécurité.Etquej’étaistoujoursaussijolie.
Toutàcoup, jemerelevai,sansréfléchiràceque j’étaisentraindefaire.Unesecondeplustard,jemeretrouvailesbrasenroulésautourducoudeJax.
La rapidité demon attaque le prit par surprise. Il recula de quelques pas pour ne pasperdrel’équilibre.Unmomentpassa,puisilmerenditmonétreinte.
—Merci,dis-jed’unevoixétoufféecontresontorsemusclé.Jesaisquetuasditquecen’étaitpaslapeine,maisjeteremercie.
Ilneréponditpastoutdesuite.Aulieudeça,ilfitremonterunedesesmainslelongdemondosjusquedansmescheveux.Lacaresseréveilladesfrissonsquiserépandirentdansmesbras,jusqu’àlapointedemesdoigtsetdemesorteils,ettoutlerestedemoncorps.Surtoutlereste.
MonDieu.Ilétaitvraimenttrèsmusclé.Je relevai la tête et ouvris les yeux. Jaxme regardait, undoux sourire aux lèvres. Son
autremainvintseplacersurmahancheet,waouh,c’étaitagréable.Àtelpointquejenemesouciaisaucunementdecequ’ilpouvaitsentiràtraversmondébardeuretmonchemisier.
Latequila,c’étaittropcool.Sesyeuxcouleurchocolatbalayèrentmonvisagetandisquesamainserraitdavantagema
hanche.Mesmusclesavaientdeplusenplusdemalàmesoutenir.—Jesuiscontentquetusoisrevenue,Calla.Moncœurs’arrêta.Lemondetoutentiers’arrêta.—C’estvrai?m’entendis-jedire.—C’estvrai,répondit-il.Jememoquaisdesavoirsi latequilamefaisaitentendredeschoses,simoncœurallait
exploserousij’étaisidiotederéagircommeça.J’étaissurlepointdefairequelquechosequejen’avaisjamaisfait.Lapiècetournaitautourdemoicommeuncarrousel.
Hissée sur la pointe des pieds, je posai les mains sur ses épaules et visai sa bouche.J’allais l’embrasser. Jen’avais jamais essayéd’embrasserungarçon,mais je comptaisbienyremédiercesoir.Parcequ’ilavaitditque j’étaisensécuritéetqu’ilétaitcontentque jesoisrentréeetquej’étaistoujoursaussi…
Jax recula vivement. De tout son corps.Mes lèvres ne se posèrent pas sur les siennes,mais glissèrent de sonmenton à son cou. Et étant donné quema bouche était ouverte, jegoûtaisapeau.
Waouh.Ilavaitbongoût.Quil’auraitcru?Ilenjambalatablebassepourmettredel’espaceentrenous.Sansluipourmeretenir,je
tombailatêteenavant.Aussitôt,sesdoigtss’enroulèrentautourdemesbraspourévitermachuteet…megarderloindelui.
Perdue, je le dévisageai. Il avait les yeux grands ouverts et toute chaleur les avaitdésertés.Oups.Cen’étaitpasbonsigne.
—Calla,dit-ild’unevoixattentionnée.Tropattentionnée.Bientrop.Oh,non.Cen’étaitpasbonsigne.—Chérie,je…Moncœurbattaittellementfortquejen’entendaispascequemedisaitJax.J’avaistout
gâché. Je nem’en remettrais pas. J’avais essayé d’embrasser Jax, qui était tellement beau,tellementcharmant,tellementgentil…
Etmoi,j’avaisvoulul’embrasser?Sérieusement?MonDieu…latequila,c’étaittropnul.—Etj’aiditquetuétaisensécuritéavecmoi.Quand je revins à moi et retrouvai le fil de la conversation, sa voix s’était faite plus
rauque,plusbasse.—Jenementaispas.Quel rapportavec leprixdu théenChine?Ou la tequilaquivenaitdemepoignarder
dans le dos comme un toxico en manque avec une fourchette rouillée ? J’avais essayé del’embrasseretils’étaitéloigné.Ilavaitcarrémentévitémabouche.
Putaindemerde.La boule était de retour dansmon estomac et dansma poitrine, mais elle s’ajoutait à
quelquechosedeplusdangereux,quigrandissaitrapidementenmoi.Oh,non.Jereculaivivementetessayaidemelibérerdesaprise.—Oh,monDieu,m’exclamai-je.Jen’arrivepasàcroirequej’aiessayé…Jeravalaiunhoquet.Unmauvaishoquet.—Oh.Waouh.—Cen’estpasgrave.Etsions’asseyait?proposa-t-ilenavançantversmoi.Encoreunhoquet.—Latequila,c’estunefilledepute.Jaxfronçalessourcils.—Calla…Toutàcoup,jemeprécipitaiverslachambre.Jesentaisquelepireallaitseproduire.Je
fisletourdulitentitubant,puisglissaijusqu’àlaportedelasalledebainsquej’ouvrisenlapoussantàdeuxmains.Laporteclaquacontrelemur,craquelantsansdouteleplâtre.
Jeme laissai tomber à genouxdevant les toilettes.MonDieu, les toilettes étaient-ellesseulement propres ? Trop tard. J’attrapai le bord de la cuvette etmon estomac se soulevapourtoutfaireremonteràlasurface.
Latequila,c’étaittropnul.
13
Latequilaétaitlaboissondudiable.Jenecomptaisplusjamaisenboire.Lepire,c’étaitquelesgensdisaienttoutletempsqu’ilsnesesouvenaientpasdecequ’ils
avaient fait après avoir bu. Des conneries, oui !Moi, jeme souvenais de tout, absolumenttout,monDieu,jusquedanslesdétailslesplushumiliants.
J’avais raconté à Jax tout ce que je n’avais jamais fait, et certains points de cette listeétaient tout simplement ridicules. Il avait dû croire que j’avais grandi dans un abriantiatomiqueouuntrucdanslegenre.
Etpuis, j’avais serré labouteilledansmesbras.Contremapoitrine.Commesiçaavaitété un chiot. Ou un chat. Bref. Un truc avec des poils, quoi, pas une putain de bouteilled’alcool.
Je luiavaiségalementmontréun trophéeetunephotodemoipomponnéecommeunepoupéeBarbieetjeluiavaisditquej’avaisétéjolie,avant.Rienquepourça,j’avaisenviedememettrelatêtedanslefour.
Malheureusement,ilyavaitpire.Jeluiavaisaussiparlédecequis’étaitpasséavecmamère,alorsquelasimpleidéede
lerépéteràquelqu’unmedonnaitlanausée.J’avaisessayédel’embrasser.Eeet,pourfinir, j’avaisrendutripesetboyauxpendantqueJaxmetenaitlescheveuxet
me massait le dos. Attendez une minute, il m’avait vraiment massé. Waouh. Et je croyaismêmequ’ilm’avaitmurmuréàl’oreille.Jenemesouvenaisplusdecequ’ilm’avaitdit,maisjemerappelaissavoix,légèreetdouce,tandisquemonestomacseserraitetquesoncontenumeremontaitdanslagorge.
Il avait forcément senti mes cicatrices. Dans mon dos, ma peau n’était pas tout à faitlisse.Elle était calleuseetmêmeunpeu surélevéeà certainsendroits. Je savaisqu’il l’avaittouchéeàtraversmonchemisier.
Aprèsm’être débarrassée de la tequila et de ce qui restait demon honneur, jem’étaisallongéepar terredans la salledebains, parceque le carrelage était froid,doux,parfait. Il
m’avait laissée là et avaitmouillé une serviette pourm’essuyer le visage. BonDieu. C’étaitencore plus gênant. Et pour couronner le tout, une fois qu’il s’était assuré que je ne luivomiraisplusdessus, ilm’avait soulevéeetportée jusqu’au litoù ilm’avaitobligéeàavalerdeuxcomprimésd’ibuprofèneavecdel’eau.
Jem’étaisendormiesurlecôté,avecJaxassisprèsdemoi,sajambecolléeàmahanche.Àmonréveil,quelquepartdanslamatinée,j’eusl’impressionqu’uncamiondepompierspleindepompierssupersexym’avaitroulédessus.Jaxétaittoujourslà.
Il était couché derrièremoi, son torse contremon dos, et son bras était lourd surmahanche.Simatêten’avaitpasétéàdeuxdoigtsd’exploser, j’auraispeut-êtreappréciédemeréveillerainsi.Aulieudeça,jememisàpaniquer,commesionm’avaitsurpriseenpleinacteaveclamauvaisepersonne.
Jesautaihorsdulit,littéralement,etmanquaim’affalerfacecontreterre.Parmiracle,jeréussisàattraperdesvêtementspropresetàmeglissersous ladouchepourmedébarrasserduvomiàlatequilaquiavaitcommencéàmerentrerdanslapeau,sansmemettreàpleureràcausedeladouleuràl’intérieurdemoncrâneetdetoutesleschosesvraimentstupidesquej’avaisfaitesetditeslanuitprécédente.
Quandjesortisdelasalledebains,Jaxétaitréveillé.Lescheveuxenbatailleetlesyeuxencorebrillants, ilyentraàsontouretprit labrosseàdentsqu’ilavait laisséeicidepuis ladeuxièmenuitqu’ilavaitpasséeàlamaison.
Lorsqu’ilmerejoignit,ilavaitlescheveuxhumides,commes’ils’étaitmisdel’eausurlevisage. J’étaisassise sur le canapé. Jedétournaiaussitôt les yeuxet fixai l’endroitoù j’avaisprislabouteilledetequiladansmesbras.
D’ailleurs, la bouteille avait mystérieusement disparu. J’espérais qu’elle ne reviendraitjamais.
J’avaisessayédel’embrasseretilm’avaitévitée.Putain.Quequelqu’unm’achève.J’étaisincapabledeleregarder.Incapable.Mêmequandilprononçamonnom.—Commenttutesens?medemanda-t-il.Jehaussaiuneépauleetexaminailevernisàonglesvioletsurmespieds.—Merdique.—J’aiunremèdeàça.Quoi?Unsemi-automatique?—Onvas’offrirlepetitdéjofficieldeschampionspourlagueuledebois.Lessourcilsfroncés,jerelevailatête.Ilmesouriaitcommesijenem’étaispasdéfoncéla
têtelaveille,etn’avaispastentédel’agresser.—Hein?—ÀlaMaisondelaGaufre!
Jeledévisageai,avantdeclignerlentementlesyeux.Sousmonmaquillage,jesentismesjouess’empourprer.
—Jeneveuxpasmanger.Jeneveuxmêmepaspenseràlanourriture.—C’estcequetucroismaintenant,maisfais-moiconfiance,lafritureteferadubien.Je
lesais.J’ail’habitude.Jesecouailatêteetmelevaipourregarderparlafenêtre.— Je crois vraiment que je ferais mieux de dormir encore huit bonnes heures avant
d’allertravaillercesoir.Ettudevraispartir.Jeneveuxpasêtreméchante,mais…—Nefaispasça,mecoupa-t-il.Ilétaitjusteàcôtédemoialorsquejenel’avaispasentendubouger.—S’ilteplaît,Calla.Jeposailesyeuxsursontorse.Commentpouvait-ilêtreaussisexyavecuntee-shirtdans
lequelilavaitdormi?L’injusticedelachosemedonnaitenviedehurler.—Quoi?—N’aiepashonte,répondit-ild’unevoixdouce.Jefermailesyeuxetfronçailenez.—Facileàdirepourtoi.—Cen’estpasfacilepourmoinonplus.Maistun’asaucuneraisond’avoirhonte.Tuas
bu,hiersoir.Tut’esamusée…Dumoins,jusqu’àcequetuvomisses…—Mercidemelerappeler,marmonnai-je.—Çaarrivesouvent.Tusaislenombredefoisquejemesuisretrouvépliéendeuxdans
lestoilettesenjurantquejeneboiraisplusjamais?Crois-moi,tuneveuxpassavoir.Peut-être,mais j’étais prête à parier qu’aucune fille ne l’avait jamais repoussé quand il
avaitessayédel’embrasser.—Calla,regarde-moi.Plutôtmourir.—Jet’aiditquej’étaisfatiguée.Unesiestemeferadubien.Ouunelobotomie.—Alorssitupouvaismelaissertranquille,ceseraitcool.—Chérie,s’ilteplaît.Ilmesoulevalementonsansquejepuissel’enempêcheretjemeretrouvaiàleregarder
dans lesyeux.Jeprisunegrande inspiration.J’avais la têtequi tournait.Jemedemandaisij’avaisencoredelatequiladanslesveines.
—Situneveuxpasm’écouter,jevaisdevoirprendredesmesuresdrastiques.J’ouvris la bouche pour protester,mais Jax retira samain et recula. Une seconde plus
tard,ilsebaissaetavantquej’aiepucomprendrecequ’ilétaitentraindefaire,ilavaitdéjàpassé un bras derrière mes genoux et l’autre autour de mes hanches. Il me souleva et mepressacontresontorse.
—Hé!criai-jetandisqu’ilseretournait.Qu’est-cequetufabriques?Latêtebaisséeversmoi,ilrespiraprofondément.—Quand j’avais quatorze ans, j’ai bude la bière pour la première fois. J’étais chezun
poteetonn’apassus’arrêter.J’aipassélanuitpenchéau-dessusdestoilettes.J’observailapièceautourdenous.—D’accord…—Çam’est arrivé tellementde foisquand j’étais adoqu’onauraitpu croireque j’avais
retenulaleçon,poursuivit-ilsansmequitterdesyeux.Maislorsquejesuisrentrédel’armée,certains soirs, le whisky était la seule chose quime permettait de dormir plusieurs heuresd’affilée.
Jemecrispaidavantage.Duwhisky.Putain,jedétestaislewhisky,maisjenepensaispasvraimentàmamère.JenepouvaismêmepasimaginercequiempêchaitJaxdedormir.
—Mêmeàmonarrivéeici,c’étaittoujoursunwhiskyet…Bref.Cequejeveuxdire,c’estque j’ai passé des jours et des nuits à regretter ce que j’avais fait.Mais toi, tu n’as aucuneraisond’êtrehonteusedetoncomportement,mêmesitutesensmal.
Auplusprofonddemapoitrine,moncœurseserra.—Qu’est-cequetu…asfaitd’autre?Sonexpressionsemodifiasoudainetilsecoualatête.—Onyva.Lechangementabruptdesujetmefitfroncerlessourcils.—Oùça?—ÀlaMaisondelaGaufre,biensûr.—Tun’espasobligédemeporter!Ilmesourit.—Ettoi,tun’espasobligéedecrier.—Repose-moi!hurlai-je,àtelpointquemesproprestympansensouffrirent.Il se dirigea vers la porte sans m’accorder la moindre importance, puis s’arrêta et
retournaverslacuisine.—Prendstesclésetteslunettesdesoleil.Tuvasenavoirbesoin.Jeluilançaiunregardnoirauquelilréponditparunsouriremoqueur.—Allez,Jax.Ilbaissalatêteetparlad’unevoixgravequimedonnadesfrissons.— Tu peux râler autant que tu veux, chérie. Je vais te porter jusqu’à ma voiture,
t’attacher à l’intérieur et t’emmener à laMaison de la Gaufre où tumangeras desœufs, dubaconetuneputaindegaufre.
Jeplissailesyeux.Cemecseprenaitpourundictateur,ouquoi?Non,ilyavaitquelquechosedetaquindanssonregard.
—Et si tues sageet tuarrêtesdemecontredire, tuauraspeut-êtremêmedroitàunepartdetarteauxpommes.
—Jen’aijamaismangédetarteauxpommes,avouai-je.Deboutaumilieudelacuisine,meportantcommesijenepesaisrienalorsquejen’étais
définitivementpasunpoidsplume,ilrestabouchebée.—Tun’asjamaismangédetarteauxpommes?—Non.Ilavaitl’airperplexe.—Pourquoi?—Jenesaispas.Jen’aijamaisgoûté.—C’esttellement…antiaméricain,fit-ilremarquerpendantquejelevaislesyeuxauciel.
Tuesuneterroriste?—MonDieu,marmonnai-jeenmedébattant.Jaxresserrasaprisesurmoi.—Tume tues, chérie. Vraiment. Tu n’as jamais pris de cuite, tu n’es jamais allée à la
plage…Etmaintenant,tun’asjamaismangédetarteauxpommes?Bon.Onadéjàcochéuntrucdanslalisteetonvaencocherundeuxième.
Ce n’était sans doute pas le bonmoment pour lui dire que je n’étais jamais allée à laMaisondelaGaufrenonplus.
Dans tous les cas, son sourire était de retour et il avait quelque chose d’étrangementdésarmant.
—Avecmoi,bébé,tavievachanger.LesparolesdeKatiemerevinrentalorsàl’esprit.Tavieestsurlepointdechanger.Pourle
moment,jen’avaisplusenviederéfléchir,nidemebattre.J’attrapaimesclésetmeslunettesdesoleilquej’enfilai.
Ce que Jax ignorait, c’était qu’il avait déjà changéma vie, ne serait-ce qu’un tout petitpeu.Etcommepromis,ilmeportajusqu’àsavoiture,m’attachaetm’emmenaàlaMaisondelaGaufre.
—Alors,Jaxt’apristavirginité?Le verre àmargaritamanquame glisser des doigts. Jeme tournai vers Roxy. Derrière
elle, Nick nous observait. C’était sans doute la première fois depuis notre rencontre qu’ilmontrait le moindre intérêt pour nous. Quand on parle virginité, ça a tendance à attirerl’attention.
—Ça,c’estlegenredeconversationquimeplaît!Lesjouesenfeu,jemetournaiversKatiequiétaitassiseaubar.—Pasmoi!Sesyeuxlourdementfardéss’arrondirent.—Tuétaisvierge?Genre,c’estfini?
Lemecàcôtéd’elleseretournapourmeregarder.J’étaisàdeuxdoigtsdehurler.—Roxyparledel’alcool.Jen’avaisjamaisétébourrée.Hiersoir,c’étaitlapremièrefois.
Alors,Jaxaprisma…—Qu’est-cequej’aipris?demandaJaxquiétaitapparudenullepart.BonDieu.Katiesepenchaenavant.Sesseinsfaillirents’échapperdesontop.—LavirginitédeCalla.—Quoi?Ilclignalesyeuxavantdesetournerversmoi,latêtepenchéesurlecôté.—Ils’estpasséquelquechosehiersoiretjenem’ensouvienspas?Parcequesic’estle
cas,chérie,jeseraitrèsdéçu.Vraimenttrès…—Maisnon!m’écriai-je.Plusieurspersonnessetournèrentversmoi.—Elleparledemapremièrecuite.Pasdema…Tusais…—Virginité?fitRoxyenremontantseslunettessursonnez.Oh,monDieu…Jaxmedévisageaunmoment,lamâchoireserrée,puissetournaversNickpourluidire
quelquechoseàvoixbasse.J’espéraisqueçan’avaitaucunrapportavecmoi.Prendrelepetitdéjeuneravecluisansmesentirmalavaitétédifficile.Pourtant, iln’en
avaitplusreparléetlapartdetarteauxpommesavaitétéunrégal.—Oh.Katieavaitl’airdéçu.Sonvoisindebaraussi.—Bon,ehbien,tantpis.Fautquej’yretourne.Je la regardai descendre du tabouret. Elle nous fit un clin d’œil avant de se frayer un
cheminparmilesclients.—Cen’estpassaseulepremièrefoisavecmoi,annonçasoudainJax.Bonsang.Roxy tourna vivement la tête vers lui, une expression de curiosité intense sur son joli
visage.—Ahnon?Nickécoutaitaussi.UnsouriresexyettaquinétiraleslèvresdeJax.—Non.Ellen’avaitjamaismangédetarteauxpommes.J’aiarrangéçacematin.—Vraiment?s’exclama-t-elle.—C’estreparti,marmonnai-je.Malheureusement, Jax n’avait pas terminé. Loin de là. Ses yeux se plantèrent dans les
miensetcequej’ylusmefitfrissonner.—Jel’aiaussiemmenéàlaMaisondelaGaufrepourlapremièrefois.
Alorslà…—Commenttuassuquec’étaitmapremièrefois?—Jesenscegenredechoses,chérie.Niluinimoinenousdétournâmesetlefrissonsetransformaentremblement,parceque
je savais qu’il parlait de tout à fait autre chose que les gaufres, la tequila ou la tarte auxpommes.
Quelquechosequiavaitdavantageàvoiraveclavirginité.—Hiersoir,c’estlapremièrefoisquetut’esprisunecuite?medemandaNick.Jesursautai.Roxy confirma et se dirigea vers une fille qui secouait la tête comme si elle attendait
depuisdesheuresalorsqu’ellevenaitjusted’arriver.—Qu’est-cequetuasbu?demanda-t-il.—Delatequila,réponditJaxenmefaisantunclind’œil.Etelleaaiméça.Nickeutunemouedésapprobatrice.—C’estsuperfort.—Peuimporte,parcequejeneboiraiplusjamais,luidis-jeenallantchercheruntablier.Comme tous les barmen étaient là et que Gloria était toujoursmalade, je devais aller
aiderPearlensalle.Nickhochalatête.—Situledis.—Plusjamais.Seslèvresfrémirentlégèrement,commes’ilallaitsourire.—Bienreçu.Jel’observaiuninstant,plantéelà,derrièrelebar.—Latequila,c’esttropnul,luidis-je.Unrirerauqueluiéchappa.—J’aidéjàentenduçaquelquepart.Jeluisouris,puissentisJaxmeprendrelamain.—Viensavecmoi.Monregardseposasursonvisageavantdedescendreversnosmainsjointes.—Oùça?Il neme répondit pas. Il se contenta deme tirer derrière lui, devant l’endroit où l’on
rangeait les tabliers, jusqu’à la sortiedubar.Pluscurieusequ’agacée, je le laissaimeguiderjusqu’aubureau.Quandilrefermalaportederrièrenous,jemeremémorailadernièrefoisoùilavaitfaitça.Ilm’avaitembrassée,alors…maisçan’avaitpasétéunvraibaiser.
Sansmelâcherlamain,Jaxs’assitcontrelebureau.Ilneditrien.Jemedandinaid’unpiedsurl’autreettentaidemelibérer,envain.—Quoi?
—J’aimeraisqu’onsorteensemble,dimanche.—Quoi?Jenem’étaispasattendueàça.Pasdutout.Ungrandsourireapparutsurseslèvres.—Unrendez-vous.Toietmoi.Dimanchesoir.PasàlaMaisondelaGaufre.Mesoreillesmetrompaient.Ilnepouvaitpasêtreentraindedirecequej’entendais.— Il y a un nouveau grill, en ville. Il est ouvert depuis un ou deux ans, mais tout le
mondel’adore,poursuivit-ilenmeregardant.Jepeuxvenirtechercherà18heures.—Tu…Tuesvraimententraindem’inviteràsortir?—Vraiment,oui.À l’intérieur de moi, il se passait deux choses. D’un côté, une chaleur intense
m’envahissaitetmeconsumaitàpetitfeu.Del’autre,l’incrédulitémelaissaitdeglace.Jenecomprenaispaspourquoiilm’invitaitainsi.Saufsi,biensûr,ilavaitpitiédemoi.
Monventreseserra.Oh,monDieu.C’étaitça.Ilressentaitdelapitiépourmoi!—Non,répondis-jeenretirantmonbras.Ilrefusaittoujoursdemelâcher,maisjenecomptaispaslelaisserfairelongtemps.—Jenesortiraipasavectoi.Samainremontalelongdemonpoignet.—Etmoi,jepensequesi.—Pasquestion.—Tuvasadorer leurssteaks,continua-t-ilcommesi jen’avaispasparlé. Ilsontdetrès
bonsfilets.—Jen’aimepaslesteak,mentis-je.J’adorais la viande rouge.De n’importe quel type. J’étais une viandarde. Ilm’en fallait
toujoursplus.Ilhaussaunsourciltoutencaressantl’intérieurdemonpoignet.—S’ilteplaît,dis-moiquetuaimeslessteaks.Sinon,jenesaispassionpeutcontinuer
àêtreamis.Jefailliséclaterderire.C’étaitridicule.—J’aimelesteak,mais…— Parfait, murmura-t-il en rejetant la tête en arrière. Tu as apporté des robes ?
J’aimeraistevoirenrobe.J’avaiseffectivementapportédesrobesd’étéetdesgiletspourdissimulermescicatrices,
maiscen’étaitpasleproblème.—Pourquoiest-cequetuveuxsortiravecmoi,aujuste?—Parcequejet’aimebien.
Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. S’il avait eu des mains, il se serait mis àapplaudirjoyeusement.
—Cen’estpaspossible.—Jet’aidéjàditquejevoulaistebaiser.Çam’étonneraitquetuaiesoubliéça.Putaindemerde.—J’avaisocculté.Ilrit,visiblementtrèsamusé.—Jenecomprendspaspourquoiçatesurprendautant.—Lesexeetl’amoursontdeuxchosesbiendistinctes.—Oui.Etnon. (Ilme regardadans lesyeux.)Est-ceque tudisnonparceque tu crois
quetun’espasjolie?Putaindemerde.—Jesuisaucourant.Jetentaidemelibérerencoreunefois,enancrantmespiedsparterre,maissonbrasse
bandaet ilmeretint sansgrandsefforts.Lapaniqueenfonçait sesgriffesà l’intérieurdemachair.Mapoitrinesesoulevavivementet jemeforçaiàplisserlesyeuxpourlui lancermonregarddepétasseleplusintense,histoirededétournersonattentiondemoncomplexe.
—Jesuisaucourant,répéta-t-ilenm’attirantverslui.Jemeretrouvaientresescuisses,proche,bientropprochedelui.Commejenecomprenaispasoùilvoulaitenvenir,jecontinuaidel’assassinerduregard.—Lâche-moi.Ilpassaunbrasautourdematailletandisquesonautremaincontinuaitdedessinerdes
cercles surmonpoignet.Ses caresses, saproximité,avaientuneffetétrange surmoncorps.Mesgenouxtremblaient.Mesmusclessecrispaient.
—J’étais au courantpour les concoursdebeauté,dit-il sansdétourner les yeux.Avantquetumemontrestaphotoettontrophée.
Jenesavaispasquoidire.—Tamèreenparlaitbeaucoup.Ellen’arrêtaitpasdedireàquelpointsafilleétaitjolie.
Qu’ellel’étaittoujours.Qu’ellel’avaittoujoursété.J’allaistuermamère.—Clyde enparlait, lui aussi, poursuivit-il sans se douter que je venais d’ajouterOncle
Clydeàlalistedesgensquej’allaistuer.D’ailleurs,commej’avaisfaitlamêmechoselaveille,j’enfaisaiségalementpartie.— Il n’était pas fan de ce genre de concours, ni de la façon dont ta mère te faisait
parader.Tonpèrenonplus,jecrois.Clydeavaitdétestélesconcoursdebeauté.Monpère,lui…—Jenesaispas,m’entendis-jedire.Iln’ajamaisrienditàmamère.
—Jecroisqu’ilenparlaitavecClyde.(Jaxsouritlégèrement.)Tuterappellescequejet’aidithiersoir?Quetuétais jolie?Jenedisaispasçapourmefoutrede tagueule.C’estpourçaquejeveuxqu’onsorteensemble.
Ilm’attiraunpeuplusàluietjemeretrouvaicolléecontresontorse.Àsoncontact,uneondedechocsedéversaenmoi.Ilbaissalatête,seslèvresàquelquescentimètresdemoi,etjeposailamainsursontorse.
Jen’arrivaisplusàrespirer.Maisjem’enmoquais.—Tun’aspasvouluquejet’embrasse,hiersoir,luidis-je.Dèsquelesmotssortirentdemabouche,j’eusuneenviefolledemefrapper.Ilfronçalessourcils.—Biensûrquenon.Unedouleurseréveilladansmapoitrine.—Alorspourquoiest-cequetuveuxqu’onsorteensemble?Jax me dévisagea un instant, puis son expression se détendit et il retrouva cet air
incroyablementsexyquijouaitavecmesnerfs.—Chérie…Jene ferai jamais rienàune fillequiestbourrée.Surtoutpasà toi.Plutôt
mourir.Quandjet’aiditquetuétaisensécuritéavecmoi,jenementaispas.Jetel’airépétéhiersoir.
—Ahbon?La seule chose que je me rappelais, c’était la façon dont il avait reculé, mais il avait
continué de parler pendant que je faisais ma crise de panique et que je m’apprêtais àdégobiller.
—Oh.—Oh,murmura-t-ilavantde lâcherunebombe.Et jemesouviensque tum’asditque
j’avais été ton premier baiser. Cet essai pathétique dans le bureau ne compte pas. Je tedonneraitonvraipremierbaiser.Aprèsnotredîner,dimanchesoir.
Bouchebée,jerecommençaiàpaniquer.Ilétaitaucourantpourlesconcoursdebeauté.Unepartdemoivoulait s’enfuir loind’ici, l’autremouraitd’enviede lui sauterdessus. Je ledésirais. Je n’avais pas la moindre expérience, pour des raisons évidentes, mais jereconnaissais les symptômes. Et ce n’était pas bien du tout, parce que je ne comptais pasexplorer ce domaine avec lui. Je n’avais pas l’intention de rester dans les paragessuffisammentlongtempspourenavoirl’occasion.
—Enfait,dit-ilenbaissant la tête.(Sonmentoneffleurama jouedroite.)J’aienviedet’embrassermaintenant.
Jefrissonnai.Jaxlesentit.
—Et je croisque tuasenvieque je t’embrasse, toi aussi.Correction. Je sais que tu asenviequejet’embrasse.
Cette fois, je tremblai carrément. Mes seins étaient lourds et mon bas-ventre étaitparcourudesensationsquimerendaientdingue.Mamainseresserrasursontee-shirt. Ilnepouvaitpasm’embrasser.Jenepouvaispassortiraveclui.Jen’étaispasicipourça.
Pourquoiétais-jevenue,aujuste?Aucuneraison.C’étaitsansdouteidiot.Un son rauque s’échappa de sa gorge et résonna délicieusement à l’intérieur de mon
corps. Puis ses lèvres glissèrent le long de ma joue, suivirent la courbe de mon visage,jusqu’à…
Laportedubureaus’ouvritàlavolée.—Jax,tues…Waouh.Jenem’attendaispasàça.La voix d’Oncle Clyde me fit sursauter et j’essayai de me libérer. Jax me laissa me
retourner,maisilrefusademelâcher.Ilpassalesbrasautourdemataille.Clyde m’examina avant de regarder derrière mon épaule. Je sentais la chaleur de Jax
dansmondos.Clydereportasonattentionsurmoi.Alors,ilsouritàpleinesdents.Ilsouriait!—Jenem’attendaispasàça,répéta-t-ilenlissantsontablier.Pasdutout.Lechocl’avait-ilrendufou?—Cen’estpascequetu…—Onsortdimanche,annonçaJax,àmagrandesurprise.Lorsqu’ilmeserracontrelui,contresachaleur,jefaillismourird’uneattaque.Moncœur
s’étaittellementemballéquej’enétaispersuadée.—Jel’emmèneàL’Appolo’s.—ÀL’Appolo’s?—Bonchoix,mongarçon,trèsbonchoix.Clydeappuyasoncommentaireenhochantlatêted’unairapprobateur.Bonsang!Ilfallaitquejesorted’ici.Cettefois,quandjemedébattis,Jaxmelibéra.Jeluijetaiuncoupd’œilpar-dessusmon
épaule.Ilmefitunclind’œil.Unclind’œil!Jem’éloignaid’unpas lourd.Quand j’arrivaidevantClyde, ilmeregardadespiedsà la
têteavantdemefaireunclind’œilàsontour.—Bonchoix,mapoupée,trèsbonchoix.Jenesavaispasquoidire.Enretournantaubar,jem’efforçaiderespirerprofondément.Jenouaimontablieravec
desmainstremblantessansfaireattentionauxregardsquemelançaientRoxyetNick.Puisje
medépêchaid’allerservirlesnombreuxclientsavantqueJaxnerevienne.Ilvoulaitm’embrasser.Ilvoulaitm’emmenermangerunsteakàL’Appolo’s.OncleClydeluiavaitdonnésonapprobation.Dieuduciel.Commentm’étais-jeretrouvéedansunetellesituation?Danstouslescas,
j’avaisprislabonnedécisionensortantdelapièce.EtjecontinueraisderefuserdesortiravecJax.J’avaisdéjàbienassezàfaireavecmamèresans,enplus,termineravecuncœurbrisé.
Cettepenséemefittressailliretjefaillislaissertomberlepanierdefritessurlatêtedeceluiquil’avaitcommandé.
Uncœurbrisé?L’hommed’uncertainâgelevalatêteversmoi.Quandilsourit,desridesseformèrentau
coindesesyeux.—Toutvabien,petite?Jehochailatêteenlereconnaissant.Ilétaitprochedelasoixantaine.C’étaitunhabitué.
Il était là tous les soirs,mêmequand il y avaitplusdemondeetque la clientèle étaitplusjeune,commecejour-là.
—Jenesaispasoùdonnerdelatête,Melvin.—Jeconnaisça.Jeposailepaniersurlatableetluisouris.—Ilvousfautautrechose?Unebière?—Non,merci,moncœur.C’esttoutpourl’instant.Alorsquejem’éloignai,ilmeretintenposantlamainsurmonbras.—Çafaitdubiendetevoirici,àlaplacedetamère.J’ouvris labouche,mais,mêmesi cen’étaitpasunsecret, jenesavais jamaiscomment
réagir quand les gensm’avouaient qu’ilsme connaissaient. Ilme tapota le bras avant de setournerverssesfritessaupoudréesd’épices.
Bon…Lasoirées’annonçaitsurréaliste.Toutemaviel’était,detoutefaçon.Lorsquejefisdemi-tour,j’aperçusJaxquis’activaitderrièrelebar.Ilavaitl’airfierdelui.
Content.Sûrdesoncharme.Sesyeuxseposèrentsurmoi.Je les évitai etme dirigeai vers les premières tables pour vérifier que tout allait bien,
alorsqu’iln’yavaitrienàyfaire.Lebarétaitbondé.J’yretournaiuniquementpourremplacerNickpendantsapause.Puisjemangeaimondéjeuner.C’étaitbizarredemangersonrepasdemidilesoir.Jen’avaispasfaim.Notrepetitdéjeunerbiengrasmetenaitencoreaucorpsetjen’avaispasenviederesteraubaroudanslacuisine,étantdonnéqueClydeétaitsansdoutedéjàentraindeplanifiermonmariage.
Alors, jepréféraiallerdehors. Ilavaitplu,plus tôtdans la journée,et l’airétait chargéd’humidité.Jemarchaisansbutautourdubâtimentetrelevaimescheveux.J’auraistellementvoulupouvoirlesattacherparuntempspareil.
Jet’aimebien.Jet’aiditquejevoulaistebaiser.Mesgenouxtremblèrentet jemedemandaissiquelqu’unréagiraitsi jemedonnaisune
tapesurlefront.Jefisdeuxpasdeplusetsoudain,lesombresdevantlesbennesàorduredevinrentplus
compactes, plus denses, comme si elles prenaient vie. Mon cœur manqua un battement.Inquiète, je reculai. Jenem’étais pas attendueà voir lemoindremouvementpar ici.Aprèsavoir fait volte-face, je me dirigeai vers l’avant du bâtiment. C’était sûrement un mec quipissait ou un couple qui s’acoquinait… Pourtant je ne puism’empêcher demarcher un peuplusvite.J’avaisbesoind’unbonpanierdefrites.
J’étaispresquearrivéeaucoindubâtimentlorsque,sansprévenir, j’eussoudainlachairde poule. Des pas résonnaient juste derrièremoi.Ma respiration se bloqua dansma gorge.Moninstinctmecriadem’échapper.
Une seconde plus tard, on m’attrapa par-derrière et on me plaqua contre le mur debriquetandisqu’unemainchaudeetmoites’enroulaitautourdemagorge.
Macksetenaitdevantmoi.
14
—Unmot.Unmotque jeneveuxpasentendreet je te jureque tu le regretteras,memenaça-t-il.
Malgrélapénombre,j’aperçusunobjetbrillantettranchantsurmadroite.—Situparles,jetefaisl’autrejoue.La colèremontait enmoi,mais ses yeux sombresmeglaçaient le sang. Son expression
résolue et sa moue suffisante me signifiaient que ce n’étaient pas des menaces en l’air.J’arrivaisàpeineàrespirer.
—Tuascompris?Hochelatête.Jen’enavaispaslamoindreenvie,carjenevoulaispasperdreunœil,maisjeluiobéis
quandmême.Jehochailatête.Samouesetransformaensourirepincéetfroid.—C’estbien.Bon,maintenant…j’aiessayédetetransmettreunmessagehiersoir,mais
ila falluquececonnard intervienneet ilesthorsdequestionque jediseà Isaiahqu’il s’estfaitbaiser.Tumesuis?
Jenelesuivaispasdutoutsurcettedernièrepartie,maisjehochaiquandmêmelatête.Jen’avaisvraimentpasenvied’avoirunedeuxièmecicatrice.Reece,oul’undesespotesdelapolice,n’était-ilpascenséêtreallérendrevisiteàIsaiahpourluiexpliquerquejen’avaisrienàvoiraveclescombinesdemamère?Soitiln’avaitpaseuletemps,soitMacketIsaiahs’enmoquaient.
—Monaajusqu’àjeudi.Après,Isaiahs’impatienterapourdubon,continua-t-il.Soncouteausedéplaça.Jen’arrivaisplusàrespirer.—Si elle ne se pointe pas d’ici là, ça deviendra ton problème. Et celui de ce connard
aussi.Jesupposaisqu’ilparlaitdeJax.—Je…Jenesaispasoùelleest.—Cen’estpasmonproblème.Niceluid’Isaiah.
Mack bougea et tout à coup, il se retrouva pressé contremoi. J’étais à deux doigts devomir.
—C’estletien.Etn’essaiemêmepasdequitterlaville.Onsaitoùtetrouver.Tuneveuxquandmêmepasentraînertespetitscamaradesdeclasselà-dedans?Pasvrai?
Moncœurbattaitàtoutrompre.Jehochailatêtepourlatroisièmefois.— Crois-moi, tu ne veux pasmettre Isaiah en colère. Nimoi d’ailleurs. On ne fait de
cadeauàpersonne.Quand il s’approcha davantage, je retins le peu d’oxygène que j’avais encore dans les
poumons.Iln’yavaitplusaucunespaceentrenous.LasensationneressemblaitenrienàcellequejeressentaisquandJaxmeserraitcontrelui.Çamerendaitmalade.
—Siellenesepointepas,onluienverraunmessage.Etonseserviradetoipourlefairepasser.
Ahça,non,jenevoulaispasêtreunmessage.Sesyeuxglobuleuxparcoururentmonvisageets’attardèrentsurmajouegauche.— Tu sais, tu n’es pas si dégueulasse que ça, finalement. Je pourrais te prendre en
levrette.Teretournerettebaiserpar-derrière.J’écarquillai les yeux.Mapeaumedémangeait, comme si elle allait sedécoller et fuir,
fuir très loin d’ici. La paniqueme brûlait le ventre comme de l’acide. La peur et la colèreaussi.
Mamèreétaitlacausedetoutça.Elleavaitenvoyécetrouduculjusqu’àmoi.Sonsouriresefitencoreplusmauvais.—Oui, je commenceàvoirquelmessage jepourrais lui envoyer.Et çamarcheraaussi
pourl’autreconnard.Oh,monDieu.J’étaismal.Plaquéecontrelemur,j’étaishorrifiéeparcequ’ilimpliquait.
Jesavaistrèsbiencequeseraitsonmessage.Monestomacseretourna.—Tuasintérêtàtelafermer,ajouta-t-ilenreculant.Le couteau disparut un instant, puis je sentis sa pointe contre ma gorge. Mes doigts
s’enfoncèrentdanslemurderrièremoi.—Pigé?—Oui,murmurai-je.Jenepouvaispashocherlatête,cettefois.Mackeutunriresadique,puismerelâcha.Ils’éloignaalorsàtraversleparkingd’unpas
léger,commes’ilnem’avaitpasmenacéedechoseshorribles,nibrandituncouteausousmagorge.Ilmontadansson4x4etdémarra.
Cen’estqu’àcemoment-làquejem’autorisaiàbouger.Tremblotante, je mis une jambe devant l’autre et retournai à l’intérieur dans un état
second.Enpassantdevant lebar, jecrusentendrequelqu’unm’appeler,mais jenem’arrêtai
pas. Jeme dirigeai tout droit vers le bureau etm’assis dans le premier siège venu. Le cuircrissaquandjemelaissaitombersurlecanapé.Mesmainstremblaient.Jelesposaisurmonfrontmoiteetm’efforçaiderespirerprofondément.
Ilnemanquaitplusqueça.—Calla?medemandaRoxydepuislaporte.Commeuneidiote,jenel’avaispasfermée.—Toutvabien?Je ne voulais pas la regarder ni lui répondre car j’étais certaine que j’allais fondre en
larmes.Aulieudeça,jesecouailatête.Jenesavaispassiceseraitinterprétécommebonoumauvais.
Roxy ne dit rien d’autre. Je fermai les yeux.Qu’est-ce que j’allais faire, à présent ? Jen’avaispaslamoindreidéed’oùsecachaitmamère,nimêmeoùcommenceràlachercher…etj’avaislesentimentquej’allaisfinirenmessage.Jen’avaisjamaisréussiàlatrouverquandelleavaitdisparuparlepasséetiln’yavaitaucuneraisonpourqueçachange.
JeregrettaisdenepasêtrepartiequandJaxetClydemel’avaientdemandé.—Calla?Cette fois,c’était lavoixdeJaxet il se tenaitbienplusprochequeRoxy.Onauraitdit
qu’ilsetrouvaitdevantmoi,sonvisageprèsdumien.AvecsatailledeGodzilla,çasignifiaitqu’ils’étaitsûrementbaissé.
—Qu’est-cequisepasse?Jenerépondispastoutdesuiteparcequejenesavaispasparquoicommencer,maisje
le sentis saisir mes poignets et m’obliger à retirer les mains de devant mes yeux. J’avaisraison.Ilétaitaccroupidevantmoi.Sonbeauvisageétaitunmasqued’inquiétude.
Ils’agenouillaetposaunemainsurmajouedroite.—Parle-moi,chérie.Tucommencesàmefairepeur.C’était flagrant. Ses yeux s’étaient assombris et il avait lamâchoire crispée.Quandnos
regardsserencontrèrent,jesuscequejedevaisfaire.Pasquestiondemetaire.Qu’ilsaillentsefairefoutre.Me taire était la chose la plus stupide que je pouvais faire car seule je n’avais aucun
moyendem’ensortir.Jelesavais.C’étaitimpossible.—Mackétaitlà.Dehors.Jecroisqu’ilm’attendait.Jaxpritunegrandeinspirationetplissalesyeux.Sesépaulessetendirent.—Ilestvenutevoir.—Ouais,répondis-jeavecunriresansjoie.Sestraitssedurcirent.Visiblement,ilnetrouvaitpasçadrôle.Moinonplus.—Iladitquejedevaistrouvermamère.Quec’étaitmonproblème.Etquesiellenese
montraitpasavantjeudi,ilmeleprouverait.
Pendantque jeparlais, levisagedeJaxavaitperdutouteexpression.Ilnereflétaitplusaucuneémotion.Rien.Ilétaitaussifroidqu’unventarctique.
—Iladitquejedeviendraisunmessagepourmamère.Samaintremblalégèrement.Jaxlaretiraetselevad’unbond.Ilfitunpasenarrière.Un
muscletressautaitauniveaudesamâchoire.—Jeneveuxpasêtreunmessage,dis-jed’unepetitevoix.Jeneveuxpasêtrecegenre
demessage.Il me dévisagea un instant, jusqu’à ce qu’il comprenne où je voulais en venir. Alors,
l’atmosphèrede lapièce se transforma.La tensionétaitpalpable, comme lamoiteur induiteparlapluie,dehors.
—Jevaisretrouvercefilsdeputeetjevaislebuter.Waouh.Jemelevaietmismesmainsenl’air.—OK.Jenecroispasquecesoitlabonneréactionàavoir.—Ilt’amenacée?demanda-t-il.—Euh,oui,mais…—Ilt’amenacéedecequejepense?HeureusementquejeneluiavaispasditqueMackpensaitquec’étaitlemessageparfait
pourluiaussi…maisilcompritsansquejeleluiconfirme.—Etilt’amenacéesurmonfoututerrain?Jen’étaispassûredecomprendrepourquoic’étaitsonterrain,maispeuimportait.—Jax…—Ilt’atouchée?medemanda-t-il.Jerespiraiprofondément,puissecouailatête.—Non.Pasvraiment.—Pasvraiment?Savoixétaitextrêmementgraveetposée.C’étaitinquiétant.Nickapparutsoudainàlaporte.—Toutvabien?—Pasmaintenant.Jaxcrachacesdeuxmotsavectantdeveninques’ilsm’avaientétédestinés,j’auraispris
mes jambes à mon cou. Nick, lui, se contenta de nous regarder l’un après l’autre. Il avaitcomprisqu’ilyavaitunproblème.
—Calla.Peut-êtrequej’avaisfaituneerreurenenparlantàJax.J’auraispeut-êtredûmerendre
directement à la police. On aurait dit qu’il allait se faire justice lui-même. J’avais la gorgesèche.
—Mackavaituncouteau.
—Merde,juraNick.Jaxsecrispa.Ilétaitdroitcommeunpiquet.—Est-cequ’ilt’afaitmal?—Non,murmurai-je.Iln’afaitquememenacer.Iladitqu’il…Jejetaiuncoupd’œilàNick,maisilétaitcommeJax,enalerte,prêtpourlabagarre.Je
baissailavoix.—Iladitqu’ilallaitmerefairel’autrejoue.Ilyeutunmomentdesilence,puisJaxexplosa.Commeunegrenade.—Lefilsdepute!s’écria-t-il.Ilmefitfaireunbonddeplusieurscentimètres.—Jevaisletuer,l’enculé.— Jax… je te rappelle que la prison ne fait pas partie de tes projets pour les quatre
prochainesannées,ditNick.Bêtement,jemedemandaiquelsétaientlesprojetsdeJax.Puisjemerendiscompteque
c’étaitlapremièrefoisquej’entendaisNickalignerautantdemots.—Tusavaisqueçaallaitarriver.Jeme tournaivivementvers lui.C’était lavérité. Ils le savaient.Clydem’avaitmiseen
garde.Jaxaussi.Ilsm’avaientprévenuequemamèreétaitimpliquéedansdesaffaireslouchesquirisquaientdem’atteindre.Ilsnem’avaientpasmenti…maisjen’avaispascruquec’étaitaussi sérieux.Même après avoir trouvé l’héroïne. J’avais été trop occupée à récupérermonargent,àêtreencolèreaprèsmamèreetàpleurersurmonsort.
J’auraisdûrentreràShepherd.J’auraisdûappelerTeresaet luidemandersi jepouvaissquatterchezelle.J’auraisdûm’enfuird’ici.
J’auraisdû.J’auraispu.Jenel’avaispasfait.La vérité, c’était quemême si j’avais compris le sérieuxde la situationdès ledébut, je
n’étais pas certaine que j’aurais abandonné ma mère. J’aurais probablement tenté de laretrouver dès le premier jour. Je l’aurais trouvée et je lui aurais payé un aller simple pourn’importeoùsaufici.
Jaxsepassalamaindanslescheveux.— Savoir que ça allait arriver et le voir se dérouler sous mes yeux sont deux choses
complètementdifférentes,Nick.—Jesais,répondit-ild’unevoixcalme,tropcalme.Je croisai les bras surmonventre et frissonnai encore.Globalement, je trouvais que je
m’en sortais plutôt bien. J’aurais pum’auto-congratuler…mais quand je repris la parole, jesentismavoixtrembler.
—Qu’est-cequejevaisfaire?Jen’aiaucuneidéed’oùseplanquemamèreetilm’aditquesij’essayaisdepartir,ilsauraitoùmetrouver.Jevaisfiniren…
Tout à coup, Jax apparut devant moi et prit mon visage entre ses mains. Son poucetouchaitmacicatrice,maissonexpressionétaitpluseffrayantequetoutceque j’avaisvuenvingtetunansd’existence.Pourtant,j’enavaisvudesbelles.
— Tu ne seras pas un message. Tu ne seras rien du tout pour eux. Tu m’entends ?Personnenevatetoucher,dit-il.
IldisaittoutçadevantNick.IlmetouchaitdevantNick,iltouchaitmacicatrice.—Onvas’enoccuper.Cemerdiern’auraaucunerépercussionsurtoi.D’accord?Jelecroyais.Çaalors.Jelecroyaisvraiment.—D’accord,murmurai-je.Jaxsepenchaenavanteteffleuramonfrontdeseslèvres.Toutçadevanttémoin.Cette
penséemegonflaitlecœur.PuisilsetournaversNicktoutenpassantunbrasautourdemesépaulespourmeserrercontrelui.J’hésitaiuninstantavantdemelaisserfaire.Sachaleurmefaisaitdubien.J’enavaisbesoin.
—Ilfautappelerlapolice,ditNick.J’ouvrislabouchepourrépondre,maisilcontinua:—Ilvafalloirattendreunpeuavantd’agir.Nepaslefaireici.—Dansunendroitmoinspublic,continuaJaxenposantlamainsurmahanche.Jevais
appeler Reece pour lui expliquer ce qui se passe. Tu peux t’occuper du bar jusqu’à lafermeture?
Nicklevalementon,commeenguisededéfiance.—Jeterappellequej’étaislàavanttoi.Ilyeutunmomentdesilence,puisJaxacquiesça.—C’estvrai.
15
QuandJaxluiracontacequis’étaitpassé,Clydesemitdansuneragefolle.Jen’avaispasvoululeluidire,maisonnepouvaitpasleluicachernonplus.
—Jevaisletuer!criaClyde.BeaucoupdegensvoulaientlapeaudeMack.Clydem’enveloppadansuneétreintequimefitbeaucoupdebien. Ilmepromitque les
chosess’arrangeraient.Toutça,avecunespatuleàlamain.J’aimaiscethomme.On attendit une heure et même si mon esprit n’était pas vraiment là, je continuai de
travailler pour sauver les apparences. Jax m’avait prévenue, comme Clyde et Nick, quel’établissement pouvait être surveillé, qu’il y avait peut-êtremêmedes espions à l’intérieur.Pas des gens qui travaillaient pour Mack. Tout le monde s’entendait à dire que c’était ungangsterdebasétage.MaispasIsaiah.Commej’allais l’apprendreplustard, Isaiahétait loind’êtreungangsterdebasétage.
Il était presqueminuit quand je quittai leMona’s avec Jax. L’idée de partir plus tôt levendredi ne me plaisait pas : c’était le soir où je faisais le plus de pourboire. Maisétonnamment,l’argentétaitlecadetdemessoucis.
Unefoisàlamaison,Jaxmesuivitàl’intérieur.Iln’étaitpastrèsbavard.J’enfilaiunjeanetuntee-shirtquin’avaientpasl’odeurdubar.
«OnvaallervoirReece»futtoutcequ’ilm’avaitditavantquej’entredanslachambre.Je rafraîchismonmaquillage par habitude, puis onmonta dans le pick-up de Jax pour
retournerenville.Lorsquejereconnuslaroute,monventresenoua.—Onvacheztoi?luidemandai-je.Ilhochalatêtesansquitterlaroutedesyeux.—Reecevapasserlà-bas.Avecunpeudechance,situessuivie,ilspenserontqu’ilvient
justemerendrevisite.Toutlemondesaitqu’onestamis.Jeserrailespoings.—Tucroisqu’onmesurveille?
Sesmainsagrippèrentlevolantunpeuplusfort.—C’estpossible.—MonDieu,soufflai-jeensecouantdoucementlatête.Lasituationmeparaissaittellement…irréelle.Notre conversation s’arrêta là. Il se gara et sortit pour faire le tourde la voiture avant
mêmequej’aieouvertlaportière.Ilmepritalorslamainetmeguidajusqu’àlaporteoùlenuméro474étaitécritencouleurargentée.
En entrant à l’intérieur de la maison, je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. Jen’avais pas souvent été chez des garçons, et encore, ils avaient eu des copines. Du coup,j’imaginais une pagaille sans nom, avec des tonnes de cartons de pizza et des cannettes debière.
Cen’estpascequejevis.Dansl’entréeétaientposéesplusieurspairesdechaussuresdesportparfaitementalignées
lelongdumur.L’uned’ellesmerappelaitdeschaussuresdebasket.Aussitôt,lesouvenird’unpetit garçon blond en train de courir à travers lamaison, un ballon de basket-ball dans lesbras,merevintenmémoire.
Kevin.Repoussant cette pensée dans un recoin de mon esprit, je retirai mes tongs, mais Jax
entrasanssedéchausser.Ilsedirigeadirectementversdesescaliersquimontaientàl’étageetdescendaientversunsous-sol.
Jelesuivisdansunsalontrèsmasculin:canapéetfauteuilbrunfoncédevantunetélédela tailled’unepetitevoiture. Il yavaitquelquesplantesenpotdevant la fenêtre.Lesvoletsétaient fermés. La salle à manger, composée d’une petite table en bois sombre avec deschaisesassorties,donnait surunecuisineouvertequivenaitd’êtrenettoyée.Le toutdonnaituneimpressiond’espaceetdeclarté.
—J’aimebeaucouptamaison,luidis-jeavantderougir.C’étaitd’uncliché!Ilmesouritpar-dessussonépauletandisqu’ilposaitsesclés.—Çameconvientpourl’instant,maisàl’avenir,j’aimeraisunjardinetaucunvoisinau-
dessusdematête.Detempsentemps, j’entendslecoupled’à-côté.Parfois,c’est intéressant.Parfois,pastrop.
Jesentismonventreseserrer.Jaxn’avaitquequelquesannéesdeplusquemoi,pourtantilpossédaitdéjàcequ’ildésiraitetsavaitcommentilvoulaitévoluer.Moi,jenesavaispassijevoulaisvivredansunappartement,unemaisondevilleouàlacampagne.Jen’avaisjamaisréfléchiaussiloin.Jenesavaispaspourquoi.Pourêtrefranche,c’étaitlapremièrefoisquejem’enrendaiscompte.
MestroisTn’étaientpasvraimentunprojetd’avenir.—Çava?
Jeclignailentementlesyeux.Jaxmeregardaitdepuislacuisineaveccuriosité.—Oui.J’aijustebeaucoupdechosesentête.—C’estcompréhensible.Ilmerejoignitdanslapartiesalleàmanger.C’étaitàpeines’ilmarchait.Ilavançaitavec
lagrâced’undanseur.Ils’arrêtajustedevantmoietmepritlatêteentrelesmains,lespoucessousmonmenton.
—Toutirabien.Mon cœur se mit à tambouriner dans ma poitrine. Je n’avais aucun contrôle. J’aurais
voulu demander à Jax pourquoi il s’impliquait autant mais ses paroles ne cessaient de merevenirenmémoire.Tumeplais.Etilm’avaitembrasséesurlefrontdevantNick.
Cettefoisencore,ilsepenchaeteffleuramonfrontdeseslèvres.—Tuveuxboirequelquechose?J’aidusoda,del’eau,dujusdepomme…Jenem’étaispasrenducomptequej’avaisfermélesyeuxjusqu’àcequ’ilriedoucement.
Jelesrouvris.—Del’eau,dis-jeenmeraclantlagorge.C’esttrèsbien.Ileutunsourireencoin.—J’aivraimenthâted’êtreàdimanche.Pardon ? Simes souvenirs étaient bons, je n’avais pas accepté de sortir avec lui. Ilme
libéra, mais ses mains glissèrent le long de mon cou faisant naître une traînée de petitstremblementsdansleursillage.
MonDieu:ilm’avaitencoreembrasséesurlefront.Je ne savais pas comment l’interpréter, ni comment réagir. Mes mains avaient
recommencéàtremblerpouruneraisontotalementdifférente.Jemeprécipitaidanslesalonetm’assissurlecanapé.Jen’avaispasl’impressiond’avoirvingtetunans.Peut-êtrequatorze.Etencore.
—Enfait…,luidis-jeenmeretournant.Jenepouvaispaslevoiroùilavaitdisparudanslacuisine.—Est-cequejepeuxavoirdujusdepomme?Unricanementrauqueetsexymeparvint.—Pasdesouci.Jememordisleslèvresetmeretournai.Jaxmerejointavecunepetitebriquettedejusà
lamain.Lapailleétaitdéjàplantéededans.Monregardseposadessusavantderemonterversson visage. C’était plus fort que moi. Un éclat de rire remonta le long de ma gorge etm’échappa. Cemec trop canon avec un côté sombre super sexy avait des briquettes de jusdanssonfrigo.
Çameplaisait.Lesourireauxlèvres,j’acceptailejus.—Merci.
Jaxmedévisageait.Pasdedemi-mesurepourlui,cettefois,ilsouriaitàpleinesdentset,monDieu,qu’est-cequeça luiallaitbien.L’éclat rieur inondait jusqu’à sesyeuxquiavaientprisuneteintedechocolatfondu.
—Tuasuntrèsbeaurire,dit-il.Etunjolisourire.Tudevraislesutiliserplussouvent.Labriquefaillitmetomberdesmains.Ilavaitencoreréussiàmelaissersansvoix.Jene
savaispasquoidire.Laseulechosequejeréussisàarticulerfut:—Merci.L’avais-jevraimentremerciépourunetellechose?J’enavaisbienpeur.Malheureusement,mes lèvres n’avaient pas terminé. Elles continuaient de bouger sans
monaccord.—Maisc’esttoiquiasunjolisourire.Non,enfait,ilestàcouperlesouffle.Ettonrire?
Waouh.Jecroisquec’estàcausedeteslèvres.Tuasdetrèsbelleslèvres…Avais-jedittoutçaàvoixhaute?Sérieux?Le sourire de Jax s’était élargi. Il était tellement lumineux qu’il aurait pu être la seule
étoiledansleciel.Pasd’erreur:j’avaisbienparléàvoixhaute.MonDieu,j’étaisvraimentuneidiote.Heureusement, la sonnette retentit à ce moment-là et m’empêcha de me ridiculiser
davantage.Jaxtenditlamainversmoietcaressamalèvreinférieureavecsonpouce.Puisilmelaissalà,figée,etallaouvrirlaporte.
Jeprisunegrandegorgéedejusdepomme.Jem’étaisàpeineremisedemesémotionslorsqueReeceentraetJaxfermalaportederrièrelui.
Reeceétaitenuniforme.J’avaistellementl’habitudedelevoirenjeanquejeledévoraiduregard, lapailledemabriquettecolléeàmes lèvres.Sesépaulesparaissaientplus largesdanssoncostumebleufoncé,commes’ilavaitétéfaitsurmesurepourmettreenvaleursonventreplat,sataillefineetseslonguesjambes.
—Salut,Calla,fitReeceavecunsourire.Jerefermaimabouchebéante.—Salut,murmurai-jeentirantsurmapaille.Sonsourires’agranditquandilsetournaversJax.—Désoléd’avoirétéaussi long.J’aiéchangé le fourgoncontremavoiturepersoaucas
oùlarouteauraitdesyeux.L’idéequedesgenspuissentsurveillerlebar,lesroutesetmêmelamaisondeJaxmefit
frissonner.—Tuasbienfait,réponditJaxens’asseyantàcôtédemoisurlecanapé.Justeàcôté.Sacuissetouchaitlamienne.
—Cequej’aimeraissavoir,c’estpourquoilaverminequitravaillepourIsaiahs’amuseàmenacerCallaalorsquetuétaiscenséfairepeuràcesconnards.
Oh.Waouh.Reeceplissa lesyeux.Toutàcoup, iln’étaitplusunbeaugosseparmi tantd’autresqui
buvaientunverreaubar. Iln’étaitmêmeplus flic.Saposture toutentièreavaitchangé.Lesépaules droites, le regard acéré, il écarta légèrement les jambes devant le fauteuil où il setenait.
—Onn’apasréussiàmettrelamainsurcesalaud.Iln’estpasfacileàtrouver.Maisonyarrivera.
—Vousavezplutôtintérêt,rétorquaJaxd’unevoixgrave.—Jax,fitReececommepourlemettreengarde.Etmerde.—Ton job, c’estdeprotégeretde faire respecter la loi,non? crachaJax, lamâchoire
serrée.Alorsfais-le!L’espace d’un instant, l’atmosphère fut tellement tendue que je crus qu’ils allaient se
battreenpleinmilieudusalon.PuisReecerespiraprofondément.—Tuasdelachancedem’avoirsauvélaviedansledésert.Sinon,jet’auraisdéjàfoutu
uneraclée.Jaxluiavaitsauvélavie?Jevoulaisensavoirplus.Ileutunsouriresuffisant.—Tupeuxtoujoursessayer.Au lieu de monter au créneau, Reece s’assit sur l’accoudoir du fauteuil et porta son
attentionsurmoi.Jesustoutdesuitequejen’allaispasenapprendreplussurcequis’étaitpassédansledésert.
—Tudoistoutmeraconter,Calla.Pouruneraisonstupidequim’échappe, jemetournaiversJaxetattendisqu’ilhochela
tête.Puisjevoulusaspirerunpeudejusdepomme,maislabriqueétaitvide.Jesoupiraietracontai toute l’histoire àReece, en commençant par l’argent quemamèrem’avait volé, lavraieraisondemaprésenceicietpourquoijetravaillaisaubar.Pendantquejeparlais,Reeceadressa un regard étrange à Jax que je ne réussis pas à déchiffrer. Toutefois, il m’accordatoutesonattentionquandj’abordailesujetdumecauxcheveuxgras,del’héroïneetdecequeMackm’avaitditderrièrelebar.
—Merde,grommelaReeceaprèsmonexposé.Çarésumaitassezbienlasituation.—Tut’esfoutuedansunsacrémerdier.Ilnefautpasêtreungéniepourcomprendreque
l’héroïnequetuastrouvéecheztoin’appartenaitpasàtamère.Ilyadegrandeschancespourqu’elle la garde pour quelqu’un d’autre. Et vu la quantité, il s’agit sans doute d’Isaiah.Dieuseulsaitavecquoiill’afaitchanterpourqu’elleaccepte.C’estunesacréeresponsabilité.
Moncœurbattaitlachamade.Jen’aimaispasdutoutcequej’entendais.—QuiestcetIsaiah?— Il deale de la drogue, beaucoup, entre autres activités illégales. Le problème, c’est
qu’en levoyant,cequiestassezrare,onnediraitpasqu’il trempelà-dedans. Il ressembleàunhommed’affaires,dit Jax, les lèvres retroussées sous le coupdudégoût.Ladernière foisquejel’aiaperçu,ilportaitunputaindecostumeArmani.
—Ilaaussidesaffaireslégalesetilesttrèspuissant,ajoutaReece.Jen’aimaisvraimentpascequej’entendais.—Iladesyeuxetdesoreillespartoutetdestasdepersonnesdanssapoche,ycompris
quelquesflics.C’esttypiquementlegenredemecqu’ilnefautpassemettreàdos.Cequiestbizarre,c’estqued’habitude,ilsemoquedesgenscommetamère.Jenecomprendsvraimentpascommentelleapuseretrouverimpliquéelà-dedans.
—Çan’apas lamoindre importance, intervint Jax.Monadoit du fric à Isaiah et peut-être,avecnotrechance,unetonned’héroïne.
Il se laissa aller contre les coussins et posa le bras sur le dossier du canapé.Quand samainatterritsurmonépaule,jesursautai.
—Etmaintenant,Callaestmêléeàça.—J’aicompris,ditReece.Pendantquejelesécoutais,jerepensaisàladernièresoiréequej’avaispasséeavecmes
amis à Shepherd, avec Cam et Avery, Jase et Teresa, Brit et Ollie et même Brandon etMachin-Chose. On avait parlé de la fac, de la plage et de voyages à travers lemonde. Pasd’héroïne,nid’unmagnatde ladroguequi s’amusait sansdouteà faireplonger sesennemisdansunepiscinedeciment.
— Si vous savez qu’il deale de la drogue, pourquoi est-ce qu’il n’est pas en prison ?demandai-je.
Ilsmeregardèrentuninstant,puisJaxmurmura:—Elleestmignonne.Jeluiadressaiunregardquisignifiaitclairement:«Vatefairefoutre,connard!»—Quandjedisaisqu’Isaiahétaitpuissant,jeneplaisantaispas.Lesflicsquinesontpas
dans sa poche ont essayé de le faire tomber. Même les fédéraux le recherchent, mais lespreuvesàsonencontre…onttendanceàdisparaître,m’expliquapatiemmentReece.
Quelquechosemedisaitqu’ilnemeracontaitpastout.—Ilyatoutunmondelà-dehorsoùlesconceptsdebienetdemalnes’appliquentpas.
Toutcequ’onpeutfaire,c’estlimiterlesdommagescollatéraux.À cet instant, alors que je fixai mes doigts, je compris que c’était ce que j’étais. Un
dommage collatéral. Et cemonde que j’avais connu en grandissant était bien plus grand etterrifiantquejenel’avaiscru.
—Ilfautqu’onretrouvemamère,déclarai-jeenrelevantlatête.Jenesaispasoùelleseplanque,maisClydeapeut-êtreuneidée.Sinon,jepeuxpeut-êtreessayerdeparleràIsaiah,luidirequema…
—Net’approchepasd’Isaiah,mecoupaJaxenresserrantsaprisesurmonépaule.Ilyaplusieursendroitsoùtamèrepourraitsecacher,maiscesontdestrousàrats.Jeneveuxpasquetuyaillesnonplus.
—Pardon?m’exclamai-jeenmetournantverslui.Malgrélemouvementbrusque,samainrestasurmonépaule.—Ladernièrefoisquej’aivérifié,cen’étaitpastoiquicommandais,mec.Cen’étaitpaslarepartielaplusbrillantedemonrépertoire,certes.—C’estmonproblème,pasletien.—C’estaussimonproblème,rétorqua-t-ilenmeregardantdanslesyeux.Unfrissonremontalelongdemacolonnevertébrale.—Cen’estpastonproblème.—Biensûrquesi!J’écrasailabriqueencartonentremesdoigts.—Monaestpeut-êtretapatronne,maisc’estmamère.Alors,c’estmonproblème.—Tapatronne?soufflaReece.Jaxsepenchaenavant,levisageàquelquescentimètresdumien.—C’estmonproblèmeparcequec’estletien.—Jenecomprendsrienàcequeturacontes!Lafrustrationmedémangeaitdel’intérieur,semélangeaitàmaconfusion.—Tumeconnaisàpeine,Jax.Tun’asaucuneraisondetemêleràça.—Etvoilà,turecommencesaveccesconneriesde«tumeconnaisàpeine».Jen’aipas
besoind’êtretonBFFpourt’aider,répliqua-t-ilavecdesyeuxplussombresquejenelesavaisjamaisvus.Lavérité,c’estque jeteconnaisdepuisuncertaintempsmaintenant.Maistunesavaispasquij’étais.
Interloquée,jeclignailesyeux,maisrepristrèsvitemesesprits.—Cen’estpasparcequetuconnaisClydeetmamèrequetumeconnaisaussi,ouquetu
peuxmedictermaconduite.Reecesoupira.—Lesenfants…Ilparlaitdanslevent.Encoreunefois.—Cen’estpasqueça.Onadormiensemble.Ducoup,c’estmonproblème.—Waouh,murmuraReece.J’enrestaibouchebée.—Onn’apasdormiensemble!—Euh,si,fit-ilavecunsourireencoin.Etjesaistrèsbienquetunel’aspasoublié.
Bonsang…—Tun’aspasnonplusoubliécequeçafaisaitdeteréveilleràcôtédemoi,ajouta-t-il
avecunregarddeplusenplustaquin.Ah,voilà,tutesouviens.Putain.JemetournaiversReece.—Cen’estpascequetucrois.Lefliclevalesmainsenl’aircommepourm’empêcherdelemêleràcetteconversation.JereportaimonattentionsurJaxquisouriaitd’unairsatisfait.Avantquej’aiepufairele
moindre commentaire, je ne savais absolument pas quoi dire de plus, il passa les mainsderrièremanuqueetenfonçasesdoigtsdansmescheveux.
—C’estnotreproblème,dit-ilàvoixbasse.D’accord?Si tuveuxretrouver tamère, jet’aiderai.Jeseraiàtescôtés.Ilesthorsdequestionquetulefassestouteseule.
J’ouvris la bouche pour lui dire que je n’avais pas besoin de son aide, que je m’étaistoujoursdébrouilléeseule,maisReecem’enempêcha.
— Tu as bien fait de le dire à Jax, Calla. Il y a tellement de personnes qui pensentpouvoir sedébrouiller seules…maismêmeungamin saurait que c’est impossible.Continued’avoir lesbonsréflexes.Laplupartdesgenssont inoffensifs,mais lasituationenelle-mêmeesttrèsdangereuse.Alors,réfléchisavantd’agir.Etsurveilletesarrières.
End’autrestermes:nefaispasl’idiote.SesparolesréussirentàpasserautraversdemonagacementcontreJax.Jenepouvaispasrisquerd’êtreblesséeoupire.
Alors,jehochailatête.Jaxresserralégèrementsaprisesurmanuqueavantdemelibérer.—C’estbien.Jelevailesyeuxauciel.— Je vais demander à mes hommes de chercher Mona, eux aussi. Et on va essayer
d’entrer en contact avec Isaiah.Enattendant, je te suggèrede rester avec JaxouClyde,ditReeceavantdeprendreunegrandeinspiration.EtjeveuxparleravecMack.
Jemecrispai.—Tunepeuxpasfaireça.— Jen’ai pas dit que j’allais lui parler de toi. Je n’aimepas le fait qu’il t’aitmenacée,
maisjeseraiplusmalinquelui.—Ilnefautpasqueçaluiretombedessus,ditJax.— Non, promit Reece avec un sourire forcé. Fais-moi confiance. Dans les prochaines
vingt-quatre heures, Mack fera quelque chose qui méritera que je lui rende visite. Et jedétourneraisonattention.Pendantuncertaintemps.
—Çamarche,ditJax.Personnellement,jenetrouvaispasçatrèsrassurant,maisquiétais-jepourjuger?Reece
selevapourpartirendisantqu’ilnoustiendraitaucourant.Jaxleraccompagna.Moi, jeme
laissai retombercontre lescoussins. J’étaisen traindebâilleràm’endécrocher lamâchoirelorsqueJaxréapparut.
—Toutvabien?Jeveuxdire:touts’estbienpassédehors?—Oui.Ilvoulaitmeparlerd’untoutautresujet.Undenosamissemarie.Jesuisundes
témoins.—Oh,c’estcool.Jel’aidéjàvuaubar?Ilhochalatête.—C’estDennis.Reecem’ademandésijepouvaisveniràl’enterrementdeviedegarçon.
C’estensemaine.Ilm’observauninstant.—Fatiguée?J’étais épuisée. La tequila de la veille et les aventures du jourm’avaient vidée. J’avais
enviedefermerlesyeuxetdetoutoublier.Jehochailatêteetmelevai.IlétaitgrandtempsqueJaxmeramèneàlamaison.
—Moiaussi,répondit-il.Maisaulieuderamasserlesclésqu’ilavaitposéessurlecomptoir,ilretirasesbottes.Je
necomprenaispascequ’ilétaitentraindefaire.Ilnepouvaitpasconduirepiedsnus.—Tunemeramènespas?Ilenlevaaussiseschaussettesqu’ilposaàcôtédeseschaussures.—Jetetienscompagniedepuisledébut.Clydeaussi.Onnevapasarrêtermaintenant.Quelquepart,çamerassuraitdenepasêtreseule.—Etpuis,ilesttard.Cen’estpaslapeinederessortir,poursuivit-il.Tupeuxdormirici.Moncœurfitunsaltoarrière.Jen’avaisjamaisdormichezungarçon.—Jenecroispasquecesoitunebonneidée.—Tupeuxavoiruneautrebriquedejusdefruits,situveux.Je jetaiuncoupd’œilà laported’entrée.Unnœudétaitentraindese formerdansma
gorgeetmesmainsétaientmoites.—Jeneveuxplusdejusdepomme.—J’aiunmélangedefruitsaussi.Etpasn’importelequel!DuJoker!Il avait touteune sélectiondebriquettesde jusde fruitsdans son frigo ? Je secouai la
tête.Çan’avaitpaslamoindreimportance.C’étaitmignon,maispasimportant.—Jen’aipasdevêtementsderechange.Toutsourire,Jaxfit letourducanapéetavançaversmoi.Jesentistous lesmusclesde
moncorpssetendre.—Jesuis sûrque jepeux te trouverquelquechoseàporter.Et j’aidesbrossesàdents
neuves.Aucunproblème.Etmerde.—Calla,c’estpareilquecheztoi.
Non,çan’avaitrienàvoir.Monpoulss’emballa.Jetentaidetrouverunebonneexcuse,àpartlefaitquej’étaisuneidiote,maisriennemevintàl’esprit.
—D’accord,soufflai-je.Ce satané sourire était de retour sur ses lèvres. Mon estomac faisait des montagnes
russes.—Je…Jevaisdormirsurlecanapé.—Pasquestion.—C’esttoiquidorsdessus?demandai-je,pleined’espoir.Ilrit.— Pas question. Il n’est pas confortable du tout. Je ne laisse personne que j’apprécie
dormirdessus.Etmerde.—Tuasunautrelit?—Unseul,maisilestgrand.Quandilmepritlamain,jegrimaçai.J’espéraisqu’ellen’étaitpasmoite.—Kingsize.Ilyadelaplacepournousdeuxetunsaint-bernard.—Tuasunsaint-bernard?Ilricana.—Non.C’étaitunequestionstupide.—Jenecroispasquecesoitunebonneidéededormirensemble.Jeveuxdire,cen’est
pas…Jenesaispas.Unebonneidée,c’esttout.Ilhaussaunsourcil.—Lesmeilleureschosesdanslaviesontrarementdebonnesidées.Je réprimai un sourire.Que pouvais-je répondre à ça ? Jaxme tira par lamain etme
guida jusqu’aux escaliers. Je le suivis sans un mot, le cœur battant à tout rompre. Je neprotestaimêmepaslorsqu’ilmefitmonterlesmarches.J’étaistropoccupéeàpaniquer.
Àl’étage,ilyavaitunesalledebainsetdeuxchambres.Lesdeuxportesétaientouvertes.Lapremièreavaitététransforméeenbureauetsalledesport.Deshaltèresétaientaccrochésaumur, alignés soigneusement,prèsd’unbancdemusculation.Onne rentrapasdans cettepièce.Ilm’emmenadirectementdansl’autrechambreoùilallumalalumière.
J’avaisdumalàrespirer.Jaxnesemblapass’enapercevoir.Ilcontournal’énormelitetsemitàfouillerdansune
armoireenchêne.Jerestaifigéesurplace.J’étaisdanslachambredeJax.Aubeaumilieudelanuit.Lorsqu’ilsereleva,sesmusclesroulèrentsousletissudesontee-shirt.Ah,sij’avaiséténormale!
Si j’avais été normale, je n’aurais pas ressenti de la peur et du désespoir. J’aurais étéimpatiente.Etcen’étaitpasl’amertumedel’appréhensionquej’auraisgoûtéesurmalangue,mais legoûtde l’excitation.Jemeserais inquiétéedessous-vêtementsque jeportaisetnonpasdemescicatrices.
J’auraissimplementétéunefilledanslachambredugarçonquiluiplaisait.EtmonDieu,Jaxmeplaisait.Jeneleconnaissaispasdepuistrèslongtemps,c’estvrai,maisj’aimaiscequej’avais vu de lui. Au fil des ans,mon besoin de normalité avait pris des formes diverses etvariées,maisjamaisiln’avaitétéaussifort.
—Cetee-shirtpeutteservirdechemisedenuit,dit-ilenmeletendant,pendantquejel’observais.Cette porte donne sur la salle de bains. Il y a des brosses à dents dans le tiroirsouslelavabo.
Jecontinuaideledévisager.—Jevaism’assurerquetoutestfermé.D’accord?Je ne répondis pas. Je ne bougeai même pas. Je me contentai de serrer son tee-shirt
contre ma poitrine. Avant de sortir, Jax s’arrêta et posa une main contre mes reins. Il sepenchapourmeparleràl’oreille.Sonsoufflechaudétaitagréablecontremapeau.
—Tuterappellescequejet’aidit?Ilm’avaitditbeaucoupdechoses.—Jemedoutequetun’aspaspassélanuitchezbeaucoupdegarçons.Jegrimaçai.Étais-jesitransparente?—Çameplaît,reprit-il.Personnellement,jetrouvaisçaétrangedesapart.—C’estmignon.Vraimenttrèsbizarre.Pourtant,jemesentisfondredel’intérieur.—Jet’aiditquetuétaisensécuritéavecmoi.Samainglissajusqu’àmahanchequ’ilserradoucement,commepournepasm’effrayer.—Çan’apaschangé,Calla.Jerespirai lentement. Ilme l’avaitditet je lui faisaisconfiance. Ilétaitgrandtempsde
meconduirecommeunegrande.J’allaisdormirici,danssonlit,sanscoucheraveclui.—Turestes,dit-il.Jesoupirai.—Jereste.—Tunedorspassurlecanapé.Etmoinonplus.Cettefois,moncœurfitunbonddansmapoitrine,maisjesoupiraietmeforçaiàhocher
latête.
16
QuandJaxsortitdelachambre,jemeprécipitaidanslasalledebainsetfermailaportederrièremoi.Àl’instardurestedelamaison,elleétaitpropreetbienrangée.Lestapisdesolbleus étaient assortis au rideau de douche. Il n’y avait pas d’autre décoration. Je medéshabillairapidementsansmeregarderdanslegrandmiroir.Jeretiraimêmemonsoutien-gorgeparceque j’étais incapablededormiravec.Jenesavaispassic’était liéauxcicatricesou si c’était pareil pour tout lemonde. En attendant, Jax avait eu raison : le tee-shirt étaittellementlongetlargequ’ilm’arrivaitàmi-cuisseetnemeserraitpas.Etpuis, j’avaisgardémondébardeur.Çafaisaitunecouchedeprotectionenplus.
Ma culotte étaitmignonne : rose vif avec un petit nœuddevant.Mais ça n’avait pas lamoindreimportance,puisqueJaxpouvaittoujourscourirpourmevoirensous-vêtements.
Je me lavai le visage et sortis une brosse à dents neuve en essayant de ne pas medemanderpourquoiilenavaitautantdanssasalledebains.
De retourdans lachambre, j’éteignis la lumière, soulevai lesdrapsducôtéopposéà laporte et m’allongeai dans le lit. Je roulai sur le côté et fixai l’armoire fermée pendant aumoinsvingtminutes.Toutàcoup,jen’étaisplusfatiguée.
Lelitsentaitbon.Ilsentaitcommelui,enfait:unmélangeentresonparfumetunsavonbienparticulier.Quandjemesurprisàinspirerunpeuplusfort, jefaillism’étouffer.Étais-jesérieusemententraindereniflersonlit?Pouvait-ontomberplusbas?
Puisjel’entendismonterlesescaliers.Jedusmefaireviolencepournepasmeretourneretmecouvrirderidicule,pournepas
bouger.Leslèvrespincées,jeserrailespoingsenécoutantsespassurlesoldelachambre.Ils’approcha de l’armoire et soudain, je regrettai de ne pas avoir pris une plus grandeinspirationavantd’arrêterderespirer.
Unefermetureéclairsiffla.Lebruitàpeineaudibleétaitunetorturepourmesnerfs.Desvêtementscrissèrent.Unpantalontombaparterre.
Jebaissailatête.Mêmesilapièceétaitplongéedanslenoiretsi jedistinguaisàpeinesa silhouette, je mourais d’envie d’en voir davantage. Ça faisait sans doute de moi unevoyeuse.Tantpis.Ilenfilaitquelquechose:unbasdepyjama.Quandilsetournaverslelit,ilnesemblaitpasporterdetee-shirt.
J’auraisdonnéunovairepourvoirsesabdosàlalumièredujour.Lematelas s’affaissa sous sonpoids,puis je le sentis remonter les couvertures.Pendant
qu’ils’installait,mêmes’iln’étaitpasproche,jepercevaissachaleur.Ilneditrien.Jerepensaialorsàcequ’ilm’avaitconfiéunpeuplustôt,qu’ilmeconnaissaitdepuispluslongtempsquejene lecroyais.Cen’étaitpas logique. Ilavaitétésurprisquand ils’était renducomptequeMonaétaitmamère.
Jen’avaispasenvied’yréfléchir,maismonespritfonctionnaitàcentàl’heure.Ilrefusaitde s’éteindre. D’habitude, j’adorais dormir sur le côté, mais cette fois, comme par hasard,j’avais envie deme coucher sur le dos et je n’osais pas bouger parce que j’étais déjà censéeêtreendormie.J’ajustaimaposition,enespérantqu’ils’endormiraitvite.C’étaitcequ’ilavaitfaitlapremièrenuitquel’onavaitpasséeensemble.
—Calla?Jefermailesyeuxetretinsmarespiration.—Jesaisquetuesréveillée.Etmerde.—Jedors.Jaxeutunrirerauque.—Etturépondsdanstonsommeil?C’estdingue!—Jeparleendormant.Ilritencoreetj’eneusdesfrissons.—Tun’esplusfatiguée,c’estça?—Si,mentis-je.Jesuisépuisée.—C’estpourçaquetugigotesdepuisquejesuisarrivé?Jerouvrislesyeuxetsoupiraidemanièreexagérée.—Tun’espasfatigué?—Plusmaintenant,répondit-il.Tuarrivesàgérer?Mince.Ilavaitencoreréussiàmefairefondre.C’étaitadorabledesapartdemeposerla
question.Ilétaittellementgentil.Jen’avaispasbudetequilapourtantj’avaisenviedeleluidire.
—Ouietnon.Enfin,çapourraitêtrepire.—Jesuppose,oui.Le lit ondula légèrement et je sus qu’il s’était rapproché. Je sentais sa chaleur sous les
couvertures.
— Je connais deux ou trois endroits où tamère pourrait se cacher. On peut y passerdemainavantd’alleraubar.
Jehochailatête.—Ce…ceseraitbien.— Et Reece va faire en sorte d’éloigner Mack pendant une semaine. Tu n’as pas à
t’inquiéteràproposdelui.—Maisjedoism’inquiéteràproposd’Isaiah?demandai-jed’unepetitevoix.Lelitbougeaencore.Jaxs’étaithissésuruncoude.Ilétaitprèsdemoi,torsenu,maisil
nemetouchaitpas.Enrevanche,malgrél’obscurité,jesentaissesyeuxsurmoi.—Onferaitmieuxdetrouvertamère.J’avaismaréponse.Lagorgenouée,jepressaimeslèvresensemble.Dansquois’était-elle
fourrée ? Comme j’avais besoin de penser à autre chose, jeme remémorai la conversationavecReece.
—TuassauvélaviedeReece?Plusieurssecondespassèrent.PuisJaxserallongeaderrièremoi,deplusenplusproche.
Cettefois,jepouvaispresquesentirsesjambescontremoi.—Cen’estpasunehistoireàraconteravantd’allersecoucher.Jem’endoutais.—J’aimeraissavoirquandmême.—Tuessûre?Quand je me posai la question, je me rendis compte que j’avais vraiment envie de le
savoir,d’ensavoirplussurlui.—Oui.Ilmarquauneautrepause.—OnétaitenAfghanistanensemble.Onfaisaitpartied’ungrouped’éclaireurs.Onétait
unevingtaineetunecertaineroutines’était installée,àtelpointque lapeurs’étaitenvolée.C’estleproblèmedeshabitudes.Ellespeuventêtrefatales.
Jememordisleslèvres,incapabled’imaginercemondedanslequelilavaitvécu.—Onétaitendehorsd’unpetitvillage.Ilressemblaitàtouslesautresquenousavions
inspectés,maisilnel’étaitpas.Enréalité,leshabitantsétaientlourdementarmésetcertainsn’étaientpasdansnotrecamp.Ilyavaitunebombe.
Jemefigeai.Oh,monDieu.Unebombe?Cesdixdernièresannées, lesmédiasavaientmalheureusementbeaucoupparlédecegenred’incidents.
—C’étaituneembuscade,ajouta-t-ild’unevoixcalme,commes’ilypensaitàpeine.Çaarrive souvent. Tout se passe bien et d’un coup « boom », lemonde autour de toi explose.Notregroupes’estdispersé.Reeceaététouchéauventre.Jel’aisortidelà.
Jeprisunegrandeinspiration,maisl’airrefusaitderentrerdansmespoumons.—Tul’assortidelà?
—Ouais.Iln’enditpasplus,maisjesavaisquecen’étaitpaslafindel’histoire.Onnesortaitpas
simplementquelqu’unduchampdebataillealorsquedesbombesexplosaientetqu’onvoustiraitdessus.
—Est-ceque…c’estlegenredechosesquit’aempêchédedormiraudébut?Ilneréponditpaspendantunlongmoment.—Parfois…jerêvaisquejen’atteignaispasReeceàtemps.Parfois,jerevivaistoutdans
lesmoindresdétails.C’estfoucommelecerveauretientbiencegenred’images.Mapoitrinecommençaitàmefairemal.—Etlewhiskyt’aaidéàsurmonterça?—Parfois,murmura-t-il.Çapermetd’atténuerleschoses…d’oublierlesdétails.J’aurais voulu lui en demander davantage, mais sa question suivante me prit au
dépourvu.—Tuaimaislesconcoursdebeauté?J’écarquillailesyeux.—Je…Je n’avais pas envie de répondre parce que je n’aimais pas repenser à tout ça.Mais je
doutais que Jax aime parler des bombes et des gens qui lui tiraient dessus.Du coup, je luidevaisbiença.
—Parfois.Bon,cen’étaitpasgrand-chose,maisc’étaitundébut.—Parfois?medemanda-t-ild’unevoixdouce.Jememordislalèvreinférieureavantdefermerlesyeux.— Parfois, c’était marrant. J’étais une petite fille qui adorait se déguiser. J’avais
l’impressiond’êtreuneprincesse,expliquai-jeavecunriresansjoie.C’étaitunpeucommesijechangeaisdedéguisementtouteslessemaines.Etpuis,mamèreétaitheureusequandj’étaissurscène,coifféeetmaquillée.Etencoreplusquandjegagnais,surtoutlesgrandsprix.
—Quelgenredeprix?demanda-t-ildansl’obscurité.—Reinedebeauté,parexemple.Derrièremes paupières closes, jeme revoyais sur scène, le visage entre lesmains, en
traind’envoyerdesbaisersaupublic.J’ouvrislesyeux.— Quand ma mère était heureuse, j’avais vraiment l’impression qu’elle m’aimait. Je
savaisqu’ellem’aimaittoutletemps,maisdanscesmoments-là,çasevoyaitdavantage.Jemetrémoussaidenouveaupourtrouverunepositionconfortablesansm’allongersur
ledos.—Mais parfois, j’avais juste envie d’être… je ne sais pas, une enfant ? J’aurais voulu
m’amuser,mais il fallaitque je répète. Jenevoyaispasbeaucoupmonpèrenonplusparcequ’iln’aimaitpascegenredechoses.Etsouvent,j’auraisvoulupasserplusdetempsavec…
Jem’interrompisetrefermailabouche.—Passerplusdetemps…?Parfois, j’aurais préféré rester à lamaison et courir aprèsKevin. Il avait été plus vieux
que moi, mon grand frère, et je l’avais suivi comme une ombre. J’aimais bien être avecTommyaussi.Ilavaitététoutpetitetmignon,commeunepoupée.
Mais je n’en parlai pas à Jax. Ça faisait des années que je n’avais pas prononcé leursprénomsàvoixhaute,ouquejelesavaisentendusd’ailleurs…jusqu’àcequeClydelesdiseleweek-endprécédent.
—Cen’étaitpassiterrible,continuai-je.Maissi j’aidesenfantsunjour, jeneleurferaipassubirça.
—Moinonplus.Jetrouvequeçadonneunemauvaiseimagedumondeauxpetitesfilles,queçalespousseàcroirequelephysiqueestleplusimportant.Onestd’accordlà-dessus.
—Oui,murmurai-jeensentantmonestomacseserrer.Parlerd’éleverdesenfantspendantquej’étaisaulitavecJaxmefaisaitundrôled’effet.—Qu’est-cequetuaimaisfaire,àpartça,quandtuétaispetite?demanda-t-il.Mon cœur se serra. Je ne pouvais pas lui dire la vérité. Ce que j’avais préféré, c’était
m’amuseravecKevin.Ducoup,jemerabattissurautrechose.—Joueraubasket.—Aubasket?Ilnecachapassasurprise.—Oui.Ettoi?Iln’hésitapasuneseuleseconde.—Fairesemblantquemapetitesœurm’énervaitalorsqu’enréalité j’adoraisqu’elleme
suivepartoutparcequ’avecelleilsepassaittoujoursuntrucintéressant.Saréponsemecoupalesouffle.Jenesavaispascequimetouchaitleplus:lefaitqu’il
aitunesœurouqueleurrelationressembleàcellequeKevinetmoiaurionspuavoir.—Tuasunesœur?demandai-jeauboutd’unmoment.—J’avais.Unpoidss’abattitsoudainsurmapoitrine.Cen’étaitpasagréable.—Tuavais?—J’avais,répéta-t-il.Oh,non.Jefermailesyeux.—Ellen’estplus…decemonde?—Non.Jem’allongeaisurledos.Jeneprismêmepasletempsderéfléchiràmongeste.Quand
jetournailatête,levisagedeJaxn’étaitqu’àquelquescentimètresdumien.—Qu’est-cequis’estpassé?Ilmeregardadanslesyeux.
—Quandelleavaitseizeans,elleaeuunaccidentdevoitureavecsoncopain. Ilallaittropvite.Sonpick-upa faituneembardée. Ilaété tuésur lecoup.Masœur,elle,aeuunejambeetlaclaviculecassées.Elleabeaucoupsouffertetpasseulementphysiquement.
Ohoh,j’avaisunmauvaispressentimentsurcequ’ilallaitmeconfier.Unsouriretristeapparutsurseslèvrespulpeuses.—Jena…elleavaittoujoursétésupercool.Elleenavaitplusdanslespantalonsquela
plupartdesmecsque jeconnaissais.Elle faisaitduski,dusautà l’élastique,duparachute…Mesparentsn’enpouvaientplus.Maisaprèsl’accident,elleachangé.
—Dansquel sens?murmurai-je,mais legoûtamerque je sentaisdansmabouchemedisaitquejen’avaispasvraimentenviedesavoir.
Comme je regardais son visage, je ne vis pas samain bouger dans l’espace sombre quinous séparait.Aussi, quand je sentis sonpouce caresserma lèvre inférieure, la sensation sediffusajusquedansmesorteils.
— Elle prenait beaucoup demédicaments pour la douleur. Au départ, c’était légitime,maiselleestdevenueaccro.Jecroisqueçal’aidaitàapaisersonchagrin,tuvois?
MonDieu.Évidemmentquejevoyais.Jeledévisageaisansclignerlesyeuxetmurmurai:—Oui.— Les toubibs ont fini par arrêter les prescriptions, mais il était déjà trop tard. Elle
n’avait pas lamoindre envie d’affronter la réalité. Alors, elle est passée à des drogues plusdures:l’héroïneetl’oxycodone.
Sonpoucetraçadenouveaumalèvre.Jefrissonnai.—Mes parents ont essayé de lui trouver de l’aide,mais en réalité, on ne pouvait rien
faire.J’étaisencampd’entraînementquandnotremèrel’atrouvéedanssachambre.Elleavaitfaituneoverdose.Elleestmortedanslanuit.
Ilpritunegrandeinspiration.—Pendantlongtemps,jem’ensuisvoulu.Jefronçailessourcils.—Pourquoi?—Jemedisaisque si j’avais étéà lamaison, j’auraispu l’enempêcher, répondit-il.En
fait,unepartdemoilepensetoujours.—Tunepeuxpasaiderlesgenss’ilsneveulentpasl’être,luidis-je.Crois-moi.Jelesais
mieuxquen’importequi.— Je sais que tu sais, répondit-il à voix basse. Mais ce sentiment de culpabilité me
hanterasûrementpendantlongtemps,peut-êtrejusqu’àlafindemesjours.Elleétait…C’étaitmapetitesœur.Laprotéger,c’étaitmonboulot.
—Oh,Jax,murmurai-je,lagorgenouée.Jesuissincèrementdésolée.C’étaitcliché,maisjenesavaispasquoidired’autre.Sonpoucebougeadenouveau,puisilretiracomplètementsamain.
—Tun’aspasàt’excuser.—Jesais.Unmomentpassa.Jeprisunegrandeinspirationetroulaidenouveausurlecôté,faceà
l’armoire. Mon cœur souffrait pour lui et sa famille. Pour cette sœur qui n’avait pas eu lachance de devenir adulte. Nous n’avions pas le même passé. Loin de là. Mais il y avaitquelques similitudes : ma mère était devenue celle qu’elle était aujourd’hui parce qu’ellen’avaitpasréussiàdépassersonchagrinetlaperted’êtreschers.
Toutàcoup,jemedemandaisiJaxétaitaucourantpourl’incendie,KevinetTommy.Ilavaitbiensupourlesconcoursdebeauté…
—Jesuisdésoléequetuaiesperdutasœur.Etpourcequetuasvécuentantquesoldat.Tu…tuestrèscourageux.
—C’étaitpluslapeurdemouriretdevoirmesamistomberqueducourage.C’était très modeste de sa part. Étant donné qu’il avait partagé ses secrets avec moi,
j’avaisenviedeluiraconterquelquechosequepersonnenesavait.Maisc’étaitdifficile.Jedusmefaireviolencepourouvrirlabouche.
—Jesuisunementeuse.Ilneréponditpastoutdesuite.—Quoi?Malgrél’obscurité,lerougememontaauxjoues.—Jesuisunementeuse.Mesamis…TeresaetJase,soncopain,AveryetCam…Camest
le grand frère de Teresa. Avery et lui forment le couple le plus mignon de la planète,expliquai-je,nerveuse.Camaunetortue.IlenaoffertuneàAvery.
Soncorpsfutsecouéd’unlégerrire.—Laisse-moideviner:leurstortuessontamoureusesaussi?— C’est ça. Ils dégagent un tel amour que personne n’y est insensible. Pas même les
tortues, continuai-je. Teresa et Jase, eux, forment le couple le plus sexy du monde.Sérieusement.Etaprès,ilyaBrandon.
Quelquessecondess’écoulèrent.—Brandon?Jen’auraissansdoutepasdûenparler.— C’est un autre ami. Il a une copine, ajoutai-je rapidement avant de passer à autre
chose.Bref.Ilssontgéniaux.Vraiment.Jelesadore.Mais jeleurmens.Ilsnesaventriendemoi.Toutcequejeleuraiditestunmensonge.
—Bébé…—Non.C’estvrai.Jeleurairacontéquemamèreétaitmorte.Confrontéàsonsilence,jenepusm’empêcherdegrimacer.— Tu vois ? C’est affreux, comme mensonge. Dans ma tête, ils ne la rencontreraient
jamais. Et dans un sens, elle est vraimentmorte. L’alcool et la drogue l’ont tuée il y a des
années.—Jevois,murmura-t-il.Jen’étaispascertainequ’ilcomprenne.—Etlà,ilscroientquejerendsvisiteàdelafamille.—Ça,cen’estpasunmensonge.Clydefaitpartiedetafamille.J’ouvrislabouchepourlecontredire,maisilavaitraison.—Lesemestredernier,j’aiditàTeresaquejerentraisàlamaisonpourlesvacances.Et
tusaiscequej’aifait,Jax?—Non?fit-ild’unevoixdouce.—Jesuisrestéeàl’hôteletj’aicommandéàmangeravecleroom-service.Commeilnerépondaitpas,j’ajoutai:—C’étaittrèsbon,soitditenpassant.—Tun’espasunementeuse,affirma-t-ilauboutd’unmoment.— Euh, qu’est-ce que tu n’as pas compris ? Je leur ai raconté des bobards. En toute
connaissancedecause.Etmaintenantquej’enparlaisàquelqu’un,jemesentaistrèsmal.—Tuavaistesraisons,Calla.Tun’aspasmentipourleurfairedumal.C’estjustequetu
n’aspaseuuneenfancegénialeetquetarelationavectamèreestquasimentinexistante.Jesuis sûr que tes amis comprendraient si tu leur disais la vérité. (Il s’interrompit.) Tout lemondeadessecrets,bébé.Personnen’estcentpourcenthonnêteàcentpourcentdutemps.Tesamisnonplus.
Jefermailesyeux.Sesparolesmefaisaientdubien,jenepouvaispaslenier.—Merci.Il ne dit rien pendant quelques instants, puis bougea encore. Cette fois, ses jambes
touchaientbeletbienlesmiennes.—Calla.Marespirationsebloquadansmagorge.—Oui?Aprèsunesecondedesilence,ilmedemanda:—Alorscommeça,tutrouvesquej’aidetrèsbelleslèvres?—Oh,monDieu,grognai-je.J’avaiscomplètementoubliécequej’avaisditàJaxunpeuplustôt.Sonriredansacontre
mapeauet,toutàcoup,l’atmosphères’allégea.—Jetedéteste.Ilritencore.—Cen’estpasvrai.Commel’obscuritémedissimulait,jem’autorisaiàsourire.Jesavaisqu’illesentirait.Et
ilavaitraison:jeneledétestaispas.
—Calla?—Jax?Jen’avaispaslamoindreidéedecequ’ilallaitdire.Ilmetouchalescheveux.Dumoins,j’eneusl’impression.Lacaresseavaitétésilégèreet
sibrèvequejenepouvaispasenêtrecertaine.—Tuestrèscourageuse,toiaussi.J’inspirailégèrement.—Pourquoi?Jaxneréponditpasetjen’insistaipas.Jenesavaispaspourquoi,maisj’avaispeurdece
qu’il pouvait me dire. Au bout d’un moment, sa respiration se fit plus profonde. Il s’étaitendormi.Allongéeà côtéde lui, je sentaisunegênedansmapoitrine et après tout cequ’ilavaitpartagéavecmoi,ilmefallutuncertaintempsavantdetrouverlesommeil.
Lepire,c’étaitsurtoutceque,moi,jeneluiavaispasdit.
17
LorsquejemeréveillaiprèsdeJaxJames,jemeretrouvaidanslamêmepositionquelapremièrefois.Visiblement,ilnepouvaitpass’empêcherdeserapprocherdesautresdanssonsommeil.
Quandj’avaisfiniparm’endormir,sescuissesavaientétéprochesdesmiennes,maispasàcepoint.Àprésent,sontorseétaitpressécontremondosetsonbrasautourdemataille.Nous partagions sans doute le même oreiller parce que son souffle chaud soulevait mescheveuxauniveaudemestempesetdansaitsurmajoue.
Ilmeserraitdanssesbras.Et c’était aussi bon que la première fois. Sa chaleur corporelle m’enveloppait dans un
coconquejenevoulaispasquitter.Pourtant,jenepouvaism’empêcherderepenseràcequis’étaitpassé,cepremiermatin…
Alors,aprèsavoirprisunegrandeinspiration,j’essayaidem’écarterdeJaxetdesortirdulit,maisj’enfusincapable.Dèsquejememisàbouger,sapriseseresserrasurmeshanchesetilmeforçaàroulersurledos.
Jaxplaçasesjambesentrelesmiennesets’installa,non,sepelotonnacontremoi.Quandilrepritlaparole,seslèvreseffleurèrentmoncou,medonnantlachairdepoule.
—Oùest-cequetucomptesaller?Oh,waouh.Savoixrenduerauqueetenrouéeparlesommeiletseslèvresquicaressaient
mapeauàchacundesesmotsmefaisaientuneffetincroyable.Moncœurs’emballa.—Je…jevoulaismelever.—Hmm,murmura-t-ilenglissantsamainsurmonventrepuisjusquesousmesseins.Jememordis les lèvres tandis que la sensationmebrûlaitde l’intérieur. Samain était
tellementprochedemapoitrineque, s’ilécartait lesdoigts, sonpouce toucherait forcémentunpointsensible.
—Tunecomprendspasleconceptdegrassematinée.Lesyeuxgrandsouverts,jefixaileplafond.Jesavaisquej’auraisdûretirersamain.Jene
pensaispasqu’ilpouvaitsentirmescicatricessousledébardeuretletee-shirtquejeluiavais
emprunté, pourtant, la nervosité me retournait l’estomac et se mélangeait à un autresentimentquejeconnaissaisbien.
Je n’avais jamais couché avec personne, baisé, ou ce que vous voulez. Ce n’était pasétonnant.Maiscommetoutlemonde,j’avaisvéculapubertéetj’avaisapprisàconnaîtremoncorps.Parcuriositéetpasseulement.Ducoup,jesavaiscequesignifiaitcepicotementquimeparcouraitlesveines.
—Tucomprends?demanda-t-il.—Je…Malangues’arrêtadefonctionner.Ilavaitlégèrementbougélamainetécartélesdoigts.
Sonpouceeffleuralapartieinférieuredemonseingauche.Jesursautai.Jenesavaispassiçaavaitunrapportaveclescicatrices,maismonseingaucheétaitparticulièrementsensible.
Aprèsça,samainresta immobile.Commes’ilattendait.MoninstinctmedisaitqueJaxsavait très bien ce que son pouce avait touché. Il attendait simplement de voir commentj’allaisréagir.Àmoinsqu’ilnesoittropendormipours’enrendrecompte…
Soudain, ses lèvres se posèrent en dessous demon oreille, à un endroit qui se révélaétonnammentérogène.J’eneuslesoufflecoupé.Bon,d’accord,iln’étaitpasendormi.Ilsavaittrèsbiencequ’ilfaisait.
Ilfallaitquejelerepousse.Ilfallaitquejesortedecelit.Jen’enfisrien.C’était sans doute la réponse qu’il attendait. Lorsque son pouce souligna la rondeur de
monsein,magorges’assécha.Bonsang.Qu’est-cequ’onétaitentraindefaire?—Oublielagrassemat’,dit-iltoutcontremagorge.Jecroisquej’aimebienlefaitque
tunecomprennespascequec’est.—Ahbon?Sondoigtremontalégèrementetjememordislalèvreinférieure.—Oui.J’aimequandtuteréveilles.Je n’avais pas la moindre idée de ce que je devais répondre à ça. Mes paupières
s’abaissaient lentement,maissûrement,etmoncœurbattait lachamade.Unedoucechaleurenvahissait mon corps, détendant mes muscles tout en créant une nouvelle tension biendifférente.
—Tusaiscequiestentraindesepasser.Sonaffirmationmefitécarquillerlesyeux.Ilneditrienpendantunmoment.—S’ilteplaît,dis-moiquetucomprendscequisepasse.—Oui,murmurai-je,avantd’ajouter:non.—Ouietnon?Savoixétaitdevenueplusgrave,plusrocailleuse.Depetitspicotementsdansaientdela
pointedemesseinsàmonventreetplusbas,beaucoupplusbas.
—Tuveuxbienm’expliquer?—Pourquoi?futtoutcequejeréussisàdire.Seslèvresdescendirentlelongdemoncou.—Commentça?Jecommençaisàavoirdumalàréfléchir.C’était lapremière foisqu’onmetouchaitde
cettemanière.Ilnefaisaitpratiquementrien,pourtantjeperdaisdéjàlatête.—Pourquoiest-cequetufaisça?—Parcequej’enaienvie.Sonpouceseremitàbouger.Cen’étaitpasuneréponse.—Oui,maispourquoi?—Jetel’aidéjàdit.Il pressa sabouche contremagorge et jehoquetaide surprise.Puis il releva la tête et
s’appuyasurunbras,posécontremonflanc.Sesyeuxreflétaientuneintensitérare.—Lamêmeraisonpourlaquellejet’emmènedînerdemainsoir.Je le regardai dans les yeux. Mon cœur résonnait à mes tempes comme s’il frappait
contre un tambour en métal. Le pouce de Jax continuait de me caresser et de me fairefrissonner.
—Tumeplais,Calla,dit-ild’unevoixquiétaitàpeineplusfortequ’unmurmure.Jemodifiaiunpeumaquestion.—Maiscommentçasefait?Jaxclignalesyeux.Cela semblait pathétique, même à mes propres oreilles, mais j’étais sérieuse : je ne
comprenaispas.Lamoitiédemonvisageétaitjolie.Pasl’autre.Etiln’avaitmêmepasvumoncorps…Alorsque lui, c’était legenredegarçonqu’onprésentaità sesparentsetà tout sonentourage. Je n’étais pas certaine qu’il me connaisse depuis suffisamment longtemps pourjuger ma personnalité ou si, je n’arrivais pas à croire que je pensais ça, j’étais belle del’intérieur.
—Quoi?fit-ild’unairperplexe.Unetoutautresortederougeurmemontaauxjoues.—Jesuisréaliste,OK?Jelesuisdepuislongtemps.Jen’aipaseulechoix.Etlefaitque
jeteplaise,quetuaiesenviedesortiravecmoietmefaire…—Deschosestrèsagréablesetintéressantes,termina-t-ilàmaplace.Jerougis.—Oui,voilà.—Destasdechosescoquinesquivonttefairebeaucoupdebien,continuaJax.Àsesmots,jeressentisundésirdontjen’avaisjamaisfaitl’expérience.—C’estçaquejeveuxtefaire.
—OK,soufflai-je.J’aicompris.Ileutunsourireencoin.—Bien.—Maiscen’estpaslogique,continuai-jeenserrantlescouvertures.Tuessexyet…—Toiaussi.Jenerelevaipas.J’essayaissurtoutdenepaspenseràsamainsurmonseingauche.Je
nevoulaissurtoutpasypenser,parceque jesavaisqu’ilne le feraitpass’ilvoyaitcommentj’étaissansmesvêtements.Jeprisunegrandeinspiration.
—Jenesuispassexy.Jenesuispas…Seslèvrescontrelesmiennesinterrompirentmesparoles.—Onadéjàeucetteconversation,medit-iltoutcontremabouche.Etjet’aidéjàditque
jen’embrassaispaslesfillesquejenetrouvaispasjolies.—Maistuasaussiditquecen’étaitpasunvraibaiser.—Non.Ça,c’estunvraibaiser.Alors,Jaxm’embrassa.Pourdevrai.Seslèvressepressèrentcontrelesmiennes,comme
s’il essayait demémoriser leurs contours. Je lâchai les couvertures et posai lamain sur sontorse,justesoussagorge,pourlerepousser.Sapeauétaitchaude,fermeetunpeucalleuse.C’était étrange comme sensation…mais avantque j’aie pu regarder pourquoi, Jax saisitmalèvre inférieure entre ses dents et la mordilla. La morsure inattendue me fit hoqueter desurprise et unemyriade de sensationsm’envahit. Il en profita pour approfondir le baiser etglisseràl’intérieurdemoi.Toutàcoup,jenepensaisplusdutoutàlerepousser.
Ce baiser… était intime, intense, sans fausse pudeur, ni faux-semblants. C’étaitincroyable,commedanslesromansd’amour.Jaxétaitentraindemegoûter.Iln’yavaitpasd’autremot pour décrire la façon dont ilm’embrassait. Il penchait la tête pour touchermalangueaveclasienne.Ilmecaressaitlepaletetmesoutiraitungémissementrauque.
Jaxs’écartapourmedire:—J’aimeceson.Putain,j’adoreceson.Jegardailesyeuxfermés.Meslèvresmepicotaient.—Je…jenesavaispasqu’onpouvaitembrassercommeça.—Tumetues,grogna-t-il.Ilm’embrassaencoreetc’étaitaussibienquelapremièrefois.Maisce…cebaiserévolua
différemment.Lamainsurmonseinlecaressaitàprésentfranchementetmoncorpssemitàbougerdelui-même.J’arquailedosetémisunnouveaugémissement.Jaxsemblaitaimerçacar un grognement rauque lui échappa. Ses doigts remontèrent légèrement et son poucetrouvamontétonavecuneprécisionagaçante.Jerejetailatêteenarrièrecontrelecoussinetsabouchemesuivit,mordillantetembrassantmeslèvres,toutenmaltraitantmonmamelondurcit.
Souslescouvertures,jelesentisbouger,alignersoncorpsaumien.Jehoquetaicontresabouchetandisqu’unepointedeplaisirmepiquaitsoudainenunendroitprécis.
Alors,moncerveaucessadefonctionner.Jenepensaisplusàrien.Etj’osai.Jerépondisàson baiser et fis remonter ma main sur son torse jusqu’à la base de sa nuque. Les doigtsenfouis dans ses cheveux, je l’imitai. J’avais envie de le goûter, et c’est ce que je fis. Ilmelaissa prendre autant qu’il prenait. Ilme laissamémoriser le contour de ses lèvres et de sabouche.Mes hanches ondulaient comme si elles possédaient une conscience propre. Je mepressaicontreluiparpurinstinctanimal.
—MonDieu,cequetuesbelle.Ilserelevalégèrementpourpouvoirglissersamainjusqu’àmonventre.—Tusaiscequej’aimerais?Terendreencoreplusjolie.Plus jolie ? Je respirais de plus en plus fort. Je haletais presque. J’avais les lèvres
gonflées;lesseinsaussi.Latensionquejeressentaisentrelesjambesmedonnaitlevertige.—Tuasdéjàeuunorgasme?medemanda-t-ilenjouantavecleborddemontee-shirt
quiétaitremontésurmeshanches.J’ouvrisvivementlesyeux.Quecomptait-ilfaire?Jenepouvaispaslelaisserglisserses
doigtssousmondébardeur.Lapaniquevintsemêlerauplaisir.Jeluiattrapailepoignet.Ilavait lesyeuxouverts, luiaussi. Ilsavaient lacouleurduchocolatnoir.Je frissonnai.
Cesyeuxmedonnaientenviedeluilaisserfairetoutesleschosesdontilm’avaitparlé.—Tuasdéjàeuunorgasme?répéta-t-il.Lerougememontaauxjouesetjebafouillai.—Ou…oui.Plusoumoins.—Plusoumoins?Iltirasurmonbraspourselibéreretcommeilétaitbeaucoupplusfortquemoi, jefus
incapabledel’enempêcher.Sesdoigtsretrouvèrentleurplacesurlesbordsdemontee-shirt.Ilsn’étaientpasencoredessous.
—Tuveuxdirequepersonnenet’ajamaisdonnéd’orgasme?Àparttoi-même?Mon Dieu. Je n’arrivais pas à croire qu’il me demande une chose pareille, que cette
conversationavaitvraiment lieu.Moncœurbattait tropviteet je souffrais.Moncorpsavaitbesoindequelquechose.
Ilbaissalégèrementlespaupièresettoutàcoup,sesyeuxsevoilèrent.—Alors,jevaisêtrelepremier.J’avaisdeplusenpluschaud.Iln’avaitpasditça.—Jax…L’instantd’après,saboucheavaitretrouvélamienneet ilavaitglissésamainsousmon
tee-shirt. Ses phalanges frôlèrent l’intérieur demes cuisses et jeme cambrai tellement quemon dos quitta lematelas. Samain remontait de plus en plus haut. La caresseme rendait
folle. J’essayai de fermer les jambes, mais la seule chose que je réussis à faire, c’étaitd’emprisonnersoncorpsaveclemien.
—Jevaistetoucher,medit-ilcontremabouche.Monventreseserra.Commed’autrespartiesdemoncorps.Toutàcoup,jemedemandai
s’ilétaitpossibled’avoirunorgasmerienqu’avecdesmots.—C’esttoutcequejevaisfaire,d’accord?C’était tout?Avantque jepuissedirequoiquecesoit, ilm’embrassadenouveauetsa
mainm’effleura, effleuramoncentre.Cette fois,mondos se souleva complètement. Jaxeutungémissement rauque.Visiblement,ma réaction luiplaisait.Mesmains se crispèrentdanssescheveuxetsursonpoignet.Puisillaissacourirleboutdesesdoigtssurmaculotte,etjecrusmourird’unecrisecardiaque.
—Calla,bébé…Ilm’embrassaaucoindeslèvres.—Laisse-moitetoucher.Jenepouvaispas.C’étaitimpossible.C’étaitcomplètementidiot.—S’ilteplaît.Savoixétaitcommedelasoiecontremapeau.Moncœurmanquaunbattement.Jerelâchaisonpoignetetremontailamainlelongde
sonbrasjusqu’àsonbiceps.J’étaiscomplètementidiote.—Oui,c’estça,machérie.Ma chérie ? Le pronom possessif me plaisait beaucoup, mais je n’eus pas le temps de
réfléchir à ma question car mon sang s’était mis à chanter dans mes veines. Ses doigtsdécrivaientdes cercles surmaculotte. Ils jouaientavec le feu, sansvraimentoserallerplusloin…jusqu’àcequejesoulèveleshanches.Alors,ilpressadeuxdoigtssurmonpetitboutondenerfsetlecaressa.
—Oh,monDieu,hoquetai-jecontresabouche.Jesentisseslèvresseretrousserenunsourirequis’élargitlorsquejebougeaileshanches
contresamain.—C’estça,m’encouragea-t-ilencontinuantd’opérersamagie.Laisse-moitevoirencore
plusbelle.Jerejetailatêteenarrière.Saboucheseposasurmajouetandisquejecriais.Jecroyais
avoirprononcésonnom,maisjen’enétaispassûre.J’étaisbientropconcentréesurlavaguedeplaisirquivenaitdedéferlerenmoi.
Tandisquelesondesdechocs’évanouissaientetquemanuqueseraidissait,jesentissonregard. J’aurais sans doute dûme sentirmal à l’aise. C’était la première fois que je faisaisl’expérience de ce genre de choses avec quelqu’un. Mais mes muscles étaient tellement
détendusquejenesavaispasquoifaired’autrequeresterallongée.Enrevanche,jeluilâchailepoignetetlaissaimonautremainglisserdesanuque.
—Encoreplusbellequejel’avaisimaginé,murmura-t-ilenm’embrassantdanslecou.Puis il roula sur le côté et retira sa main d’entre mes jambes pour la poser sur mon
bassin.—Tuestoujoursenvie?—Jenesuispassûre.Jenesensplusmesjambes.Ileutunlégerrire.—Dis-toiquecen’estriencomparéàcequeturessentirasquandjeseraientoi.J’ouvris vivement les yeux et fixai le plafond. Sesmotsm’avaient choquée,mais jeme
souvinssoudainquej’avaiseuunorgasmeetpaslui.Jetournailatêteversluipourleluifaireremarquer.C’étaitsansdoutelachoselaplusgênantequej’avaisjamaisdûdireàquelqu’un…Maisjemecontentaidel’observer.
Jaxétaitallongésur lecôté, latêteappuyéecontresamain.Ledraprecouvraitàpeineseshanches et sonbasdepyjamaavait unpeuglissé, dévoilant ledessin super sexyde sonbassinetlesmusclesdesesabdos.Oui,ilavaitunetablettedechocolat.Etoui,enmatantsespec,j’avaispeut-êtrebavéunpeu.Oubeaucoup.Danstouslescas,j’avaislaboucheouverte.Maispourunetoutautreraison.
Son corps était super bien proportionné et musclé, mais sa peau… c’était une autrehistoire. Il avaitdes cicatrices.Desdizaines etdesdizainesdemarques sur son torse et sesabdos.Àprésent,jecomprenaispourquoisapeaum’avaitparurêcheautoucher.
Je me redressai et le dévisageai (son sourire en coin, ses sourcils haussés) avant dereportermonattentionsurlerestedesoncorps.Certainesmarquesressemblaientàdepetitscratères.Lachairs’étaitaffaisséesurelle-mêmeouavaitétéretirée.D’autrescicatricesétaientenreliefetcicatrisées.
Sansréfléchir,jetendislamainverslui.Ilm’attrapaparlepoignetàlavitessedel’éclairpourm’arrêter.Lagorgenouée,jelevailesyeuxverslui.
—Qu’est-cequis’estpassé?m’entendis-jeluidemander.Jejuraietbaissailementon.Mescheveuxtombèrentdevantmesépaules,entrenous.—Jesuisdésolée.C’esttrèsmalpolicommequestion.Jedevraispourtantlesavoir.—Cen’estpasgrave.Ilpressamamaincontresontorseetleboutdemesdoigtsfrôlaunecicatrice.—Labombedontjet’aiparlé.Lepire,cesontleséclats.Oh,non…Jesavaisqu’ilnem’avaitpastoutditlaveille.Jelevailesyeuxverslui.—Donc,tuassauvéReece,maistuasétéblessépardeséclatsd’obus?—C’estça,répondit-ilcommesicen’étaitpastrèsgrave.
Pourtant, ça devait l’avoir été. Il y avait des tas demarques au niveau de son cœur etd’organes vitaux.Certaines étaient très profondes. Ça avait sûrement beaucoup saigné, sansparlerdeladouleur.Malgrétout,ilavaitréussiàéloignerReecedulieududrame.MonDieu.Àcestade,cen’étaitplusducourage!Nosregardssecroisèrentettoutàcoup,meslèvressemirentàbouger.
—Monvisage,c’estàcausedel’explosiond’unevitre.Jaxneréponditpas.Ilsecontentadeglisserlamainsurmonpoignetjusqu’àentrelacer
sesdoigtsetlesmiens.—Ilyaeuun…appeld’air,expliquai-je.Ilyavait lefeuet lapressions’estaccumulée
dansmachambre.Jedétournai lesyeuxet lesposai sur son torsepour relier lespointsde lacartede ses
cicatrices.Jen’enavaisjamaisparléàpersonne.Jamais.—Quandj’aiouvertlaporte,l’oxygènes’estengouffrédanslachambreouquelquechose
commeça.Lavitreaexplosé.—Tuasdelachance.Ilserelevapours’asseoiretsongenouheurtalemien.Ilbaissaensuitelatêtedefaçonà
cequel’onsoitfaceàface.—Tuauraispuperdreunœil.Ouuntéton,maisjenecomptaispasleluidire.—Tuaseudelachance,toiaussi.—Ça,c’estvrai.Aucun de nous ne parla pendant un long moment. Puis il se leva en l’espace d’une
nanoseconde.— Viens, on va aller prendre un petit déjeuner. Peut-être au IHOP, pour changer,
annonça-t-ilpendantquejeleregardaisavecdegrandsyeux.Etaprèsoniracherchertamère.Çateva?
Jeclignailesyeuxunefois,puisdeux.—D’accord.Unsouriretaquinapparutsurseslèvres.—Maispourça,ilfautquetutelèves.Ilavaitraison,biensûr,mais…—Attends,dis-jeendescendantdulitmaladroitement.Toutenprononçantcesmots,jesentismesjouess’empourprer.—Ettoi,alors?Ils’arrêtaaupieddulitetpenchalatêtesurlecôté.Sonbasdepyjamaétaittellement
basquejevoyaislanaissancedesespoilssursonbas-ventre.—Moi?—Tusaisbien…J’aieuunorgasmeet…
—Pasmoi?Sonsourires’élargit.—Ouais.Voilà.Latêterejetéeenarrière,iléclataderire.Jefislamoue.—Qu’est-cequ’ilyadedrôle?—Toi.Tuesdrôle.Tuesmignonne.Ils’avançaetseplantajustedevantmoi.—Ettuessuperjoliequandtuasunorgasme.Oh.Waouh.—Jeterappelle,chérie,quepersonnen’avaitjamaisposélamainentrecesjambesavant
moi.Sesyeuxseposèrentsurmesjambes.Jefrissonnai.—Alorsjevoulaisquecesoittonmoment.Paslemien.Oh.Re-«Waouh.»Bouchebée,jeleregardaitandisqu’ilseretournaitetsedirigeaitverslasalledebains.
Cemecmefaisaitfondre.Soudain,ils’arrêtaetfitvolte-face,leslèvresretrousséesenunsourirecoquin.—Jevaism’occuperdemonpetitproblèmesousladouche.Cettefois,mamâchoireétaitcarrémenttombéeparterre.Jaxsemorditlalèvreinférieure.—Etjepenseraiàtoienlefaisant.
18
Toutchangequandunmectedonneunorgasme.Jen’yavaisjamaisvraimentréfléchi,àcausedemonmanqued’expérienceenlamatière,maisj’apprenaisvite.
Pendantqu’ilprenaitsadouche, jem’étaisrecouchée.Apparemment,ons’étaitréveilléstrèstôt.Iln’étaitmêmepasencore8heures.Jefaisaisdemonmieuxpournepasl’imaginerentraindesemasturber,maismespenséesn’arrêtaientpasdedériverdanscettedirectionet,pour être franche, ça m’excitait beaucoup, ce qui était dingue étant donné que je n’avaistoujourspasrecouvrél’usagedemesjambes.Ilfallaitvraimentquej’arrêted’ypenser.
Ducoup,j’employaicetempspourfairelepointsurmavie.J’avaisenfingoûtéàunorgasmequin’étaitpasinduitparmoi-mêmeetj’avaisdumalày
croire.Dansunsens,j’étaiscontented’avoirsautélepas,mêmesiçaavaitétéaugrandâgedevingtetunans,maisdansunautre, jenesavaispasquoifairedecettenouvelleexpérience.Qu’est-cequeçasignifiaitpourmoi?pourJax?pournous?
Oh,monDieu.Est-cequ’ilyavaitun«nous»,àprésent?Le cœur battant la chamade, je me redressai en position assise avec le drap relevé
jusqu’aumentonetfixailaportedelasalledebains.Jepouvaisentendrel’eauet…Jax.Ilnegémissaitpas,nirien.Non,ilétaitentraindefredonneroudechanter.Aveclebruitdel’eau,c’étaitdifficileàdire.Lasituationmeparutsoudainsiintimequej’eusenviedesauterdulitenhurlantetdem’échapperdechezlui.
Qu’est-cequejefaisaisici?Ilnepouvaitpasyavoirde«nous»avecdesorgasmes,desdouches,deschansonsoudes
petitsdéjeuners.Jenecomptaispasrestericipourtoujours.J’avaisl’intentionderetourneràla fac en août dès que j’aurais reçu l’accord de la bourse. C’était ce que je voulais, non ?«Nous»n’avionsaucunfutur.
Jeclignaidoucementlesyeux.Le plus important pour lemoment était de retrouvermamère, histoire que je neme
fassepascouperlagorgeparungangsterdepacotilleou,pire,quejenemeretrouvepasfaceàIsaiah.
Etpuis,quelqu’uncommeJaxnepouvaitpasfairepartiedemavie.Lapeaudemondosavaitlaconsistancede…
Perduedansmespensées,jen’avaispasentendul’eaus’arrêter.Ducoup,quandlaportedelasalledebains’ouvritpourlaisserapparaîtreJax,jen’yétaispaspréparée.
Maislespectaclevalaitledétour.MonDieu.Qu’est-cequ’ilétaitbienfoutu!J’étaisàdeuxdoigtsdememettreàbaver.—Tuveuxprendreunedoucheavantdesortir?medemanda-t-ilens’approchantdulit
commes’ilneportaitpasqu’unesimpleserviette.—Hein?Ileutunsourireencoin.—Unedouche?Tuveuxprendreunedouche?J’étaisvraimentridicule.—Oui,couinai-jeenmelevantd’unbondetenattrapantmesvêtements.C’estunebonne
idée,continuai-jesansleregarder.Tun’espasbêtecommegarçon.Jaxsetournaversmoiquandjeledépassaietmedonnaunetapesurlesfesses.Je sursautai et émis un cri de surprise pendant qu’il ricanait. Jeme retournai pour lui
adresserunregardnoir.Alors,jemerendiscomptequ’ilnem’avaitpastouchéeavecsamain.Maisaveclaserviettequin’étaitplusautourdeseshanches.Désormais,jecontemplaisundosbienmusclé,quiétaitvraimenttrèsbeau,ainsiquedes
fessestoutesaussimusclées.—Oh,putain!m’exclamai-je.T’esàpoil!Sonricanementsetransformaenrirefranc.Jefisvolte-faceetmeprécipitaidanslasalle
debains,maisilétaittroptard.L’imageétaitdéjàgravéedansmamémoire.Ilétaitnu!Ilétaitàpoiletils’enmoquait.Iln’avaitabsolumentaucunepudeur,cequi
confirmait qu’il ne pouvait pas y avoir de « nous ». J’avais plus de pudeur qu’une égliserempliedenonnes.
Jemeservisdesonsavonetdesonshampooingdeuxenunquisentaientcommelui.Cen’est qu’en sortant de la douche, après avoir enfilé mes vêtements et attachémes cheveuxhumidesenchignon,quejemerendiscomptequejen’avaispasdemaquillage.
Riendutout.Lepeudefonddeteintqu’ilmerestaits’étaiteffacépourrévélermacicatrice.—Oh,monDieu.Mes yeux bleus m’observaient dans le miroir, grands ouverts. Leur couleur était
magnifiée par la lumière du soleil qui filtrait à travers la petite fenêtre carrée. Sansmaquillage, j’avais un teint de pêche que je n’avais jamais réussi à recréer avec. Quand jevoyais mon côté droit, je savais que j’étais beaucoup plus jolie comme ça. Mais je ne mebaladaispasaveclamoitiéd’unvisage.
Sansmaquillage,macicatriceétaitrosefoncéetcontrastaitviolemmentaveclacouleurdemapeau.Ducoindemonœilgaucheàceluidemeslèvres,onnevoyaitqueça.
—Calla?La voix de Jax me fit sursauter. J’agrippai le lavabo. Je ne pouvais pas sortir. C’était
ridicule,pourtant,jenevoulaispasqu’ilmevoieainsi.—Toutvabien?medemanda-t-il.Lesoufflecourt,jemetournaiverslaporte.Etsijememettaisuneserviettesurlatête?
Le remarquerait-il ? C’était idiot de ma part. J’en avais conscience… mais Jax m’avaitembrassée, il avait posé les mains sur moi, m’avait touchée et fait ressentir des chosesmagnifiques.Etça,c’étaitsimochequejenevoulaispasqu’il…
Unfrissonglacémeparcourut.Je fermai lesyeuxetprisplusieursgrandes inspirations.Jax savait que j’avais une cicatrice sur le visage. Il l’avait vue de très près. Il l’avaitmêmeembrassée.
Toutà coup, laportede la salledebains s’ouvrità lavoléeet rebondit contre lemur.J’ouvrislesyeux.Jaxentraàl’intérieur.
Jen’avaispasverrouilléderrièremoi.Soupir.Ilm’inspectadelatêteauxpiedscommepourvérifierquejen’étaispasblessée.—Bonsang,grommela-t-il.J’aicruquetuétaistombéeouquetut’étaisévanouie.Lasituationétaitembarrassante…maiscen’étaitpascequim’inquiétait leplus.Jeme
plaçaidefaçonàneluimontrerquemoncôtédroit.—Jenepeuxpasallerprendreunpetitdéjavectoi.—Quoi?—Jenepeuxpasallerprendrelepetitdéjavectoi.Ilfautquejerentreàlamaison.Jesavaisquec’étaitirrationneletstupide.—Est-cequetupeuxmeramener?Jaxs’approchademoietj’aperçuslesjambesdesonjean.Sespiedsnuss’échappaientdes
extrémitéseffilochées.—Pourquoi?—Ilfautquejerentre,c’esttout.SituveuxquandmêmeallerauIHOP, jeterejoindrai
là-basavecmavoiture.C’estpeut-êtremieuxen…—Pasquestion.Jerelevailementon.—Pardon?Delacolèresereflétaitdanssesyeux.—Onne va pas faire voiture à part alors que tout à l’heure j’avaismamain entre tes
jambesetquetuascriémonnomaumomentdel’orgasme.
J’ouvrislabouchepourrétorquer,maistrèssincèrement,jenesavaispasquoirépondreàça.
—Onvayallerensemble,mangerdestrucsbiengrasetaprèsoniracherchertamère,poursuivit-il.Etquandonaurafini,sionaletemps,onferaunesiesteavantd’allertravailler.
—Unesieste?Detoutcequ’ilavaitdit,c’étaitlaseulechosequej’avaisretenue?—Ensemble.—Unesiesteensemble?—Oui,fit-iletsavoixsefitsoudainplusrauque.Etsionaletemps, jeteferaiencore
criermonnom.Bonsang.Iln’avaitpasditunechosepareille?Il entraalorsdavantagedans la salledebains et sedirigeaversmoi. Je reculai jusqu’à
toucherlelavabo.Ilseplaçajustedevantmoi.Quandj’essayaidetournerlatêteàgauche,ilattrapamonvisageentresesmainsetmeforçaàmemettredroite.Cen’étaitpaslapremièrefoisqu’illefaisait.
—Jenesuispasidiot,dit-ilenfaisantglissersonpoucedansmoncou.Etjesuisplutôtobservateurquandjeleveux.
—Haoui?murmurai-je.Mercidemeprévenir.Ilréprimaunsourireetpenchaunpeuplusmatêteenarrièrepourmeregarderdansles
yeux.—Jesaispourquoitutecachesdanslasalledebains.Oh,non.—Parcequej’aipeurquetumefassesgoûteruneautretartequejen’aijamaismangée?—Ahah.Non.Ilbaissalatête.Jedéglutis.—Tusais,jenelavoismêmepas.Moncœurseserra,pourtant,jecontinuaiàjouerlesimbéciles.—Quoidonc?—Calla,bébé,tusaistrèsbiendequoijeveuxparler.Dececi.Toutàcoup, ilbaissa la têteet jesentisses lèvresaucoindemonœilgauche, justeen
dessous.Je pris une inspiration tellement vive que j’eus les poumons en feu. Ça aussi, il l’avait
déjàfaitetlamêmeavalanched’émotionsdéferlaenmoi…maiscettefois,ilallaencoreplusloin.Seslèvressuivirentmacicatricejusqu’àmajoueetàlacommissuredesmiennes.Puisilm’embrassa.C’étaitunbaiserdouxetléger.Ils’yattardauninstant.Jeposailesmainssursontorseetmelaissaiallercontrelui.
Lorsqu’il reculaunpeuetappuyason frontcontre lemien,des larmesmebrûlaient lesyeuxetj’avaislagorgenouée.
—Jem’enmoque,Calla.Jen’ypensepas,dit-il.Jenelavoismêmepas.Je fermai les paupières tandis que mon cœur fondait à l’intérieur de ma poitrine. Au
début, par réflexe, je m’interdis d’y croire, car comment une telle chose aurait-elle étépossible ? Puis, d’un coup d’un seul, tout ça n’eut plus lamoindre importance. J’arrêtai deprétendrequejesavaiscequisepassaitdanslatêtedeJax,cequ’ilvoulaitounevoulaitpas.La vérité, c’était que je n’en avais pas la moindre idée. Cicatrice ou pas, personne n’étaitdevin.J’arrêtaidemedirequeçaneservaitàrienparcequejefiniraisparpartir.Jepouvaisseulement me baser sur ce que Jax me disait et sur ce qu’il me montrait. Alors, je cessaitoutes ces bêtises et m’en défis complètement. C’était la même sensation que lorsque jeretiraismonfonddeteint,lesoir.Lasensationd’êtreenfinmoi-même.Jefaisaispeut-êtrelapire erreur de ma vie. Je le regretterais peut-être… mais tant pis. Pour une fois, j’allaisprendrelerisque.
Waouh.Les jambes tremblantes, je respirai par le nez. Quand je repris la parole, ma voix
chevrotaitetmesyeuxmebrûlaient,maisjetinsbon.—D’accord.Onn’aqu’à faireça.Maisona intérêtà sedépêcherparceque j’y tiens,à
cettesieste.Unsourireétiraseslèvres.—Tesdésirssontdesordres.
Jax tira sur lebasde son tee-shirt tout endescendant lespetits escaliers à la sortiede
chezlui.Ilportaitdeslunettesdesoleilstyleaviateur,commecellesdeJase,quiluiallaientcommeungant.
Le trajet jusqu’au IHOP se fit plus oumoins en silence et ce n’était pas plusmal.Mespenséesn’arrêtaientpasdedériververscequipourraitsepasseravantouaprèslasiestedontil avait parlé. D’autres orgasmes ? Pitié, oui ! Je comptais bien profiter de ma nouvelleinsoucianceetexplorerdenouveauxhorizonssansm’inquiéterdequoiquecesoit.
Commen’importequellefemmeausangchaud,jepensaisrégulièrementausexe,maisjen’yavaisjamaisautantpenséquependantl’heurequivenaitdes’écouler.Jecontinuaid’avoirl’espritmaltournéjusqu’àcequenosassiettesdebacon,decookiesetuntrucqueJaxavaitappelé«gruau»que,selonlui,jedevaisabsolumentgoûter,arrivent.
Bien sûr, à aucunmoment, jen’oubliaipasque jeme trouvaisdansun lieupublic sansmaquillage.Mais chaque fois que j’y songeais ou que j’avais l’impression que quelqu’unmedévisageait,lorsqu’unpetitgarçonmeregardapar-dessussonsiègeoulorsquelaserveusemesourit,parexemple,jem’obligeaiàpenseràautrechose.
Et cette autre chose était toujours lamême : ce qui se passait entre Jax etmoi. Parcequ’ilsepassaituntruc.Commeilmel’avaitditplustôt,ilavaiteusamainentremescuisseset j’avais crié son nom. Il y avait forcément un truc… mais je n’avais pas la moindreexpérience et je ne savais pas où ça nousmènerait. Si le bureau des bourses acceptaitma
demande,jefiniraisparretournervivreàtroisheuresd’ici.Quelfuturpourrions-nousespérersij’étudiaisàlafacpendantqu’ilreprenaitsonrôledeSexyBarman?
Etpourquoi est-ceque jemeprenais la tête, au juste ? J’avaisdéjàdécidéde tenter letoutpourletout,devoiroùcetrucallaitnousmener,sansmesoucierdequoiils’agissaitoudecequeçasignifiait.
Jepiquailabouillieblanchegluanteduboutdemafourchette.—C’estça,dugruau?—Goûte.—Ondiraitqueçasortd’unfilmd’horreur.Jedonnaiunautrecoupdefourchette.—J’aipeurqueçamesauteauvisage.Jaxritdoucementtoutenajoutantdespancakesàlarivièredesiropd’érablequicoulait
danssonassiette.— Ce n’est pas drôle. Je ne veux pas qu’un bébé gruau me sorte du ventre, moi,
marmonnai-je.Qu’est-cequ’onvafaire,après?Illevalesyeuxversmoi.Unpetitsourireamusédansaitsurseslèvres.—Goûte,jetedis.—Çaressembleàquoi?demandai-jepourgagnerdutemps.—Àdugruau.Jebaissaimafourchetteetluiadressaiunregardméfiant.—Maisencore?Ilcoupacequiressemblaitàunepilededixpancakesenriant.—Legruaunesedécritpas.Legruaus’apprécie.Je levai les yeux au ciel, mais en pris un petit morceau avec du fromage avant de le
porteràmabouche.Jaxm’observapatiemment.J’avalaisansm’êtrefaitd’opinion.J’engoûtaiunpeuplus.
—Alors?demanda-t-il.—Jenesaispas,répondis-jeenavalantunebouchée.Jen’aipasencoredécidé.Cen’est
pasmauvais,maisças’appelledugruau.Jenesaispassijemesensd’admettrequej’aimeuntrucavecunnompareil.Ilfautquej’yréfléchisse.
Jaxs’esclaffa.—C’estmignon.Toutsourire,jem’attaquaiaubacon.—Alors,onvaoùaprès?—Philadelphie,dit-ilentredeuxbouchées.Ilyaunemaisonoùelleallaitsouvent.Avec
unpeudechance,elleseralà-basoulesoccupantssaurontoùlatrouver.—D’accord…—Calla!Jax!s’exclamaunevoixquejeconnaissaisbien.
Je me retournai sur mon siège pour faire face à Katie qui s’approchait de nous entrottinant. Littéralement. En la regardant, je me demandai si on était retournés dans lesannées1980sansquejem’enrendecompte.
Katie portait des collants rose vif, des guêtres violettes en laine, des baskets et un tee-shirtnoirquidévoilaitunedesesépaules.Sansoublieruneécharpeàpoisrougesetbleus.Enjuin.
—Salut!luidis-jeenbrandissantmatranchedebacon.—Regarde-toi,mafille.Elles’arrêtadevantnotretable.Elleportaitunsacdenourritureàemporter.—Jet’avaisditquetavieallaitchanger.Hmm.Jaxfourraunénormeboutdepancakedanssabouche.Jesavaisqu’ilessayaitdenepas
sourire.—Qu’est-cequevousfaitesiciàcetteheure-ci?demanda-t-elleavantdecontinuer,sans
me laisser le temps de répondre.Moi, je faisais du yoga. Comme chaquematin. Après, engénéral,jevaisauIHOP,àlaMaisondelaGaufreouàDenny’s.C’estpourconserverl’équilibreuniversel,ouuneconneriedans legenre.Parcontre,pour lesbeauxgossescommevousquibossentdansunbar,c’estunpeutôtpourprendresonpetitdéjeuner.Ensemble,quiplusest.
JetournailesyeuxversJax.—Ons’estréveillésensemble,dit-il.Il n’ajouta riend’autre. Les yeuxdeKatie s’agrandirent commedes soucoupes. Je faillis
crier que ce n’était pas ce qu’elle croyait,mais jeme rendis compte qu’au contraire, c’étaitexactementcequ’ellecroyait.Alors,jemeforçaiàmetaire.
Unénormesourireilluminasonjolivisage.— Super combinaison. Sérieux. Si vous restez ensemble, que vous vousmariez et que
vousfaitesungosse,vousdevriezl’appelerKatie.Lerougememontaauxjoues.—Pardon?—Enfin…Techniquement,vousavez ledroitd’appelerungarçonKatie,maisonrisque
desemoquerdeluiàl’école.Vousn’avezsansdoutepasenviedeça.Oh…C’estdugruau?Ellechangeadesujetsansmêmereprendresarespiration.—Ilfautmettreplusdefromagedessus!Unjour,ilfaudraquevousveniezchezmoi.Je
vousprépareraiungruauàtomberparterre.—Avecplaisir,réponditJaxd’unevoixagréable.Souslalumièreartificielle,sesyeuxétincelaient.—Etpourleprénom,onvaréfléchir.Jeluijetaiuncoupd’œildugenre:«Qu’est-cequeturacontes?»Katiegloussa.
—Génial.Bon,ilfautquejerentreavecmesmuffinsetmesgaufres.Àplustard!Tandisquejelaregardaistournerlestalonsetsortirdurestaurant,jemerendiscompte
quejen’avaisriend’intéressantàdire.Alors,jedébitailapremièrechosequimepassaitparlatête.
—Tusavaisqu’elleétaittombéeenfaisantdelapoledance,qu’elles’étaittapélatêteetquemaintenantelleétaitmédium?
—Jel’aidéjàentendu,oui.Jememordislalèvreinférieure.—Roxym’aditqu’elleavaiteuraisonsurcertaineschoses.—Katie…,fitJaxd’unevoixpensive.Jeleregardai,del’autrecôtédelatable.Ilsouriait.—Çanemedérangeraitpasd’appelermafillecommeça.—Oh,monDieu,m’exclamai-je.Jaxrejetasatêteenarrièreetéclatad’unrirerauqueetsexy.Jenepusm’empêcherde
sourire.
Quarante minutes plus tard, quand on pénétra dans la partie de la ville où personnen’entrait de son plein gré, je ne souriais plus. Comme il n’est pas encore midi, les ruesn’étaientpastrèsanimées.
Jax trouva une place de parking devant une vieillemaison en pierresmarron, en faced’unparcmunicipalquisemblaitsortirtoutdroitd’unfilmpostapocalyptique.
Mes yeux glissèrent sur les fenêtres et les portes condamnées avec des planches decertainsbâtiments.
—Jenesuisplustrèssûredevouloiryaller.—Crois-moi,jenesautepasdejoieàl’idéedetefaireentrerdanscetrouàrats,maistu
asététrèsclaireladernièrefois,quandtum’asditquec’étaittonproblème.Ilarrêtalemoteuretsetournaversmoiavecunsouriresatisfait.—C’estpourçaqu’onestlà.Ilavaitraison,maisjenecomptaispasleluidire.—Situledis.Ilréprimaunsourire.—Resteprèsdemoi,d’accord?Et laisse-moiparler.Non,pas lapeinedemeregarder
commesituavaisavaléuntrucacide.Laisse-moiparler.Siturefuses,onreprendlavoitureetjevaist’enfermerquelquepartavecClydeetReecepourrevenirtoutseul.
Jefronçailessourcils.—Tun’espasobligéd’êtreaussiautoritaire.—Si.Il se pencha vers moi et déposa un baiser sur le bout de mon nez. C’était rapide,
pourtant,jesursautai.Quandilseredressa,ilsouriait.
—C’estd’accord?J’hésitai avant de soupirer. Ce n’était pas comme si je m’appelais Rambo et que je
pouvaisenfoncerlaporteenleurdemandantdemerendremamère,sinon…—Bon,d’accord.J’accepte.Jax hocha la tête et descendit de voiture. Je restai assise là un instant, fit une petite
prière,etlesuivis.Jerestaiderrièreluitandisqu’onavançaitdanslesrues,puismontaitlesmarchescasséesd’uneautremaisonmarron.Aupremierétage,lesfenêtresétaientbarréesdeplanchesenbois.
—Mamèrevenaitici?demandai-jeencroisantlesbrassurmataille.Ilhochalatêteavantdesetournerversmoi.—Oui.Jerefermailabouche.Jen’auraispasdûêtreaussisurprise.Cen’étaitpasquelquechose
denouveau.Pourtant,imaginermamèredanscetendroitnemeplaisaitpas.Peuimportaitlenombredecaravanesdontjel’avaistiréequandj’étaisado.
Jax tapaà laporte.Quelquesminutespassèrent.Commepersonnene répondait, j’étaispersuadéequec’étaitfoutu,maisJaxfrappaplusfort.
—Houlà,murmurai-jeenobservantlesalentours.Tuessûrquec’estunebonneidée?Sansmeprêterlamoindreintention,ilsepenchaenavant.— Ouvre la porte, Ritchey. Je sais que tu es là-dedans. Ton tas de ferraille est garé
devant.Lesyeuxécarquillés,jesentismonestomacsedécrocher.Lesilenceseprolongeauninstant,puislaportes’ouvritlégèrement.Jenevispersonne,
maisunevoixrâpeuseretentit.—Qu’est-cequetuveux,Jackson?Hmm.Jaxposalamainaucentredelaporterougedélavée.—Ilfautqu’onparle.—Alors,parle,futlaréponsequivint.—Passurlepasdelaportedetafoutuemaison,Ritchey.Laisse-nousentrer.Ilyeutunepause.—Nous?Laportes’ouvritalorsunpeuplusetlatêted’unhommeapparutdansl’interstice.Sansle
vouloir,jefisunpasenarrière.Iln’étaitpasrasé.Sesyeuxétaientinjectésdesang.Etsonnezbouffiétaitcouvertdeveineséclatées.
—Quit’es,toi?Mêmes’ilmedévisageaitcommes’ilnem’avait jamaisvue,jelereconnustoutdesuite.
Merde.Jen’avais jamaisoubliécenezetcesyeuxdélavés. Ilétaitsouventvenuà lamaisonpourfairelafêteavecmamère.
—Cenesontpas tesaffaires,Ritchey.Jenesuispas làpour faire lesprésentations, lecoupaJax.
Ilavaitprisunevoix…qui forçait lerespect.Jenepouvaism’empêcherde leregarder,unpeuchoquée.
—Ouvrelaporte.Ritcheynebougeapasd’unpouce.Jaxjuradanssabarbeavantdeprendrelesdevants.Ilglissaunpieddansl’ouverturede
laporte,puislapoussaavecsajambeetsamain.Laportes’ouvrit.Ritcheytombaenarrière.—Euh…Jaxmeprit lamainpourme faire entrer. L’odeur (etmonDieu, quelle odeur !) fut la
premièrechosequejeremarquaiquandilrefermaderrièrenous.Lapiècenecontenaitqu’unetélévisionquihurlaitetdeuxcanapésquiavaientvudesjoursmeilleurs.Çasentaitlapissedechatetl’alcool.
Pitié,faitesquemamèrenesoitpaslà.Je savais que ce n’était pas bien dema part de penser une telle chose. Plus vite je la
trouverais,plusvitemonproblèmeseraitrésolu.Pourtant,jenevoulaispasquecesoitdanscegenred’endroit.
—C’estpascool,monpote,ditRitcheyenreculant.Ilsegrattalagorgeavecdesonglessales.Sapeauétaitrouge.—Tuteprendspourunflicpourenfoncerlaportecommeça,ouquoi?—T’avaisqu’àouvrir,rétorquaJax.Toutàcoup,jemedemandais’ilavaitl’habitudedes’introduiredansdesmaisonsaux…
occupantsdouteux.Ilavaitl’airdanssonélément.Jefisunpassurlecôté.Ilyavaituntroudansleparquetdevantmoi.Monregardseposaalorsau-delàd’undesdeuxcanapés.
Mapoitrineseserra.Ilyavaitunenfant,âgédecinqousixans, rouléenboulesur lecanapé, sousune fine
couverture.Unchatétaitendormisursesgenoux.Enlevoyant,jemesentismal.—Qu’est-cequisepasse?demandaRitchey.Jaxnemontraaucunsigned’agressivité.—OnchercheMona.—MonaFritz?—CommesijepouvaischercheruneautreMona.Jeterappellequec’estpaslapremière
foisquejeviensici,ditJax.Sesparolesmesurprirent,maisjemesouvenaisqu’ilm’avaitditqueClydeetluiavaient
dûramenerplusieursfoismamèreàlamaison.—N’essaiepasdemefaireuncoupfourré.Jesaiscommentçamarche.Ahbon?Çamarchaitd’unecertainefaçon?Ritcheyn’arrêtaitpasdesegratterlagorgeetilyavaitunelueurétrangedanssesyeux.
—Jen’airienàvoiraveclemerdierdanslequels’estfourréeMona.Jaxfitunpasenavantetbaissalatête.—Jeneteledemanderaipasdeuxfois,Ritchey.—Jetelejure,monpote…—Unefois,pasdeux,lemitengardeJax.Ritcheyneréponditpas.Alors,Jaxs’élançaverslui,l’attrapaparletee-shirtetlesouleva
jusqu’àcequ’ilsoitsurlapointedespieds.Putain.Çaallaitpartirenvrille.Bouchebée,j’avançaiverseuxetdisàvoixbasse:—Jax.Ilyaunenfantsurlecanapé.—Merde, jura-t-il,sanslâcherl’hommepourautant.TuasemmenéShiadanscetrouà
rats?—Sasalopedemèreafoutulecamp.Jefaisdumieuxquejepeux.Lesmusclesdesesbrassecontractèrent.Puisillança,àl’attentiondeShia:—Onvaallerdanslacuisinetouslestroisettuvasêtresage,OK?Onsedéplaçadoncdans la cuisine,dumoins cequien faisaitoffice. Il yavaitun trou
béantàlaplacedel’évieretducoindel’œil,j’aperçusungrosinsectemarrondéguerpirsurlemurprèsdufrigo.
—Monan’estpaslà,ditRitchey.—Çatedérange,sijevérifie?—Fais-toiplaisir,réponditRitcheyens’appuyantcontreleplandetravail.Maisjenete
menspas.Ellen’estpaslàettun’espaslapremièrepersonneàvenirlachercher.Jemefigeai.—Commentça?—Quid’autreestvenuici?demandaJaxsansbouger.LesyeuxdélavésdeRitcheyseposèrentsurmoi.—Ilyaquelquechosecheztoi…—Regarde-moi,Ritchey.Il obéit,mais Jax ne se détendit pas pour autant.Mon ventre se serra sous le coupde
l’inquiétude.—QuiestvenuchercherMona?—Desmecs.Unebandede fripouilles, répondit-il en croisant sesbrasmaigres sur son
torsefrêle.Àmonavis,cen’étaitpas lameilleureconversationàavoiràcôtéd’unenfantendormi,
maisilcontinua.—DesmecsquitravaillentpourIsaiah.Oh.Mauvaisesnouvelles.—Onlesaitdéjà,réponditJaxcalmement.
—Ilyadesbruitsquicourent,dit-ilauboutd’unmoment.Monaseraitdanslamerde.—Onlesaitaussi.Ritcheygrimaça.—Mouais.Et tu savaisaussiqu’elle jouait les intermédiairespour Isaiah,pourpresque
troismillions de dollars d’héroïne ? Et qu’elle était censée lui apporter la came il y a unesemaine?
Je réprimai un grognement. Ma plus grosse peur venait d’être confirmée. La drogueappartenaitàunvraidealeur.Pasaumecauxcheveuxgrasdeladernièrefois.
—Ondit quequelqu’und’autre a récupéré la cameet que Isaiahveut l’entendrede sabouche,poursuivit-ilavecunriresans joie.Remarque,si j’avaissuqu’elleavait toutçachezelle,sanssurveillance,jeseraisallémeserviraussi.
Sympa.Malheureusement,onnel’arrêtaitplus.—Cettesalopeestmorte.Tulesais,Jax.Heureusementqu’elleaabandonné…—Çasuffit,lecoupasoudainJax.Monestomacétaittombéquelquepartsurlesoldégueulassedelamaison.—Tuasuneidéed’oùellepourraitsetrouver?ouLeCoq?—LeCoq?demandaRitcheyen riantencore.SansdouteaumêmeendroitqueMona.
Saufs’ilaunpeudejugeote.Danscecas-là,ilauraprissesjambesàsoncou.Jax,monpote,tu sais comment est Mona. Elle se shoote, elle se vante parce qu’elle joue les passeurs dedroguepourIsaiahetbim,toutlemondeestaucourant.Monan’estpasfutée.Elleauraitdûrendrecettecameaulieudes’asseoirdessus.
—Pourquoiest-cequ’ellenel’apasfait?demandai-je,mêmesijesentaislesyeuxdeJaxposéssurmoi.
Ilhochalatête.—Cet abruti de Coq racontait qu’il voulait doubler Isaiah. Au lieu de se contenter du
pourcentagequ’onleuradonnépourrécupérerladrogue,ilsontvoulusemettreunpeuplusdefricdanslapoche.Ducoup,ilsl’ontgardée.Çaamisl’autreenfoiré,Mack,danslamerdeparce que c’est à lui qu’ils étaient censés la donner. Isaiah ne veut surtout pas se salir lesmains.
MonDieu.Demieuxenmieux.Jenesavaispasquoidire.— ConnaissantMona et Le Coq, ils ont dû en goûter un peu, et paniquer parce qu’ils
savaientqu’ilsavaientmisIsaiahencolère.Çaseprésentemalpoureux.(Ils’arrêtaetouvritlesbras.)Etmaintenant,onest làet toutesten traindesecasser lagueule,pourMack,LeCoqetMona.
Jaxserralamâchoire.—Merde.
— Eh oui. Par contre, tu sais qui pourrait savoir où ils sont ? demanda Ritchey enpenchantlatêtesurlecôté.
Jaxrelevalatête.—TuconnaisIke?—Jel’aicroiséuneoudeuxfois.Ritcheyhochalatête.— Trouve-le. Il vit au nord de Plymouth, dans un camping qui s’appelle Les Voies du
Bonheur.Tunepeuxpaslerater.Ilaunpick-uptrafiqué.Ilsetournadenouveauversmoi.—Ons’estdéjàvus,non?C’estdingue,tumedisquelquechose,maisjen’arrivepasàte
situer. Attends une minute… (Ses yeux s’agrandirent comme des soucoupes.) Oh, merde !Alors,c’estvrai!
—Ritchey,l’avertitJaxd’unevoixgraveenglissantlamaindanssapoche.Nem’énervepas.
—Hé, cen’était pasmon intention,monpote. Je t’aimebien.Ona vudes champsdebataille,touslesdeux.
Quandillevalesmains,jevislestracesdepiqûresrougessursesbras.— Mais il faut que tu saches un autre truc. Le bruit court que la fille de Mona est
revenue.Moi-même,jenevoulaispasycroire.J’espèrequeIsaiahn’enapasentenduparler.C’étaitunpeutardpourça.—Arrêtedelaregarder,luiordonnaJax.RitcheydétournalatêtetandisqueJaxsortaituneliassedebilletsdesapocheetlajetait
surleplandetravail.—Sers-t’enpouracheteràmangeràtonfils.Sij’apprendsquetul’asdépenséencame,je
reviendraietceneserapasjoliàvoir.Lesoufflecourt,j’observail’argent.Lasommen’étaitpasimportante,maislatailledela
liasse était quandmême impressionnante. Je reportai mon attention sur Jax. Il donnait del’argentàRitcheypoursonenfant.Jecroisquec’estàcemomentquemonbéguinpourluisetransformaenquelquechosedebeaucoupplusfort.
Aprèsça,JaxfitpromettreàRitcheydegarderlesilenceàproposdenotrevisite,ilmepritlamainetonsortitdelamaison.Jemouraisd’envied’attraperlepetitgarçonaupassageet dem’enfuir avec,mais vuema situation actuelle, je doutais de pouvoir lui offrir une viemeilleure.
—Tunevoulaispasallervoiràl’étage?demandai-jequandlaporteserefermaderrièrenous.
Jaxsecoualatête.—Ritcheyn’apasmenti.Monan’estpasici.OnvaallervoirIke.Ilsaitpeut-êtrequelque
chose.
Pendant que je descendais les escaliers, mon esprit marchait à cent à l’heure. J’étaisrentrée à lamaison en espérant récupérer l’argent quemamèrem’avait volé ou aumoinsdéverser ma colère sur elle, mais je comprenais à présent que ni l’un ni l’autre ne seproduirait.Etmêmesij’essayaisdegagnerdel’argententravaillantaubar,j’étaisimpliquéedanslevoldeplusieursmillionsdedollarsdedrogue.
Maman…Soupir.—Çava?medemandaJaxd’unevoixdouceenserrantmamainunpeuplusfortdansla
sienne.En me tournant vers lui, je me rendis compte d’autre chose, de la chose la plus
inattenduedetoute:danstoutcebazar,j’avaistrouvéJax.Jehochailatête.—Non.Çafaitlongtempsquejen’aipasétéimpliquéedanscegenred’histoires.J’avais
oubliécequeçafaisait.Jaxmerapprochadelui,jusqu’àcequenosflancssetouchent.Puisilmelâchalamainet
passalebrasautourdemesépaules.C’étaitagréable.Brandonl’avaitdéjàfait,maisjen’avaisjamaisressentilamêmechose.
— Désolé de t’avoir rappelé des mauvais souvenirs, dit-il. J’aimerais que tu puissesoublier.Jenevoulaispas…
Toutàcoup,despneuscrissèrentetuneodeurdecaoutchoucbrûléemplitl’air.Lebruitmedonnalachairdepoule.LebrasdeJaxsecrispasurmesépaules.Ilseretournavivementsansme lâcher. De l’autre côté de la rue, un énorme 4 x 4 noir fonça entre deux voituresgaréesetemboutitl’uned’elle.Latôlesefroissaetexplosaaupassage,puisle4x4montasurletrottoir.
Moncœurs’arrêtaavantdes’emballer.Levéhiculefonçaitdroitsurnous.
19
Ilnemanquaitplusqueça!OnallaitsefairerenverserdanslequartierlepluspourridePhiladelphiependantqu’oncherchaitmamèreindigne!
Le 4 x 4 était tellement proche que je pouvais sentir ses gaz d’échappement. Marespirationsebloquadansmagorge.
Jaxpritlescommandesdel’opération.Il retira son bras demes épaules etme souleva. Puis tout alla tellement vite que j’eus
l’impressionqu’onvolait.Onsautadansunbuissonsec.Detoutespetitesbranchesépineusesmelacérèrentlesbras
etseprirentdansmescheveuxauniveaudemanuqueetdemonchignon.Jaxseretournaàladernièreminuteetaumomentoùontouchaitlesol,j’atterrissurlui.L’impactmesecouaetmecoupalesouffle.J’écarquillailesyeux.
Jax inversa nos positions et jeme retrouvai sur le dos. Il passa unemain derrière lui.Quandilseredressa,placédemanièreàmecacher, il tendit lebrasdroit. Il tenaitunobjetnoiretfin.
Le4x4quittaletrottoiretredescenditsurlarouteoùilaccéléraàfond,produisantdesvolutesdefuméeblancheetémettantuncrissementdepneus.Jaxselevaavecgrâce,lebrastenduverslavoiturequidisparaissaitauloin.
Abasourdie, je restai allongée là, à moitié sous le buisson, à moitié sur l’herbe jaunebrûlée.ÀpartsilaconduitedeshabitantsdePhiladelphieétaitdevenueexécrable,quelqu’unavaitessayédenousrenverser.EtJaxtenaitunpistolet.Ets’iltenaitunpistolet,çasignifiaitqu’ill’avaiteuavecluidepuisledébut.Toutàcoup,jemesouvinsl’avoirvutirersursontee-shirt,ensortantdechezlui.Etsicen’étaitpassuffisantpourmeperturber, ilavaitsautéets’étaitrattrapécommeunproetilmanipulaitsonarmecommes’ilsavaitcequ’ilfaisait.
Jax se tourna vers moi et s’agenouilla. Il posa ses mains sur mes épaules. Ellestremblaient.
—Tuvasbien?—Oui.
Ilavaitlevisageblême,tendu.—Tuessûre?Jehochai la tête.Mon cœur s’était emballépourune tout autre raison.Sonexpression
reflétaitunepanique,unepeurintense.—Jevaisbien,jet’assure.Ilfermalesyeuxuninstant.— Quand j’ai vu cette voiture foncer sur nous, j’ai bien cru… (Il secoua la tête.) La
bombedontjet’aiparlé.Onnel’apasvuearriver.—Oh,monDieu,murmurai-je.Quandsespaupièressesoulevèrent,sesyeuxs’étaientassombris.—Pendantuneseconde,j’aiperdulecontrôle.—C’estcompréhensible.Tuvasmieux?Ilhochalatête.Ilavaitreprisdescouleurs.Puisilseretournaetjuradanssabarbe.Dans
la rue, quelqu’un avait ouvert sa porte et crié quelque chose à propos des délinquants quivenaientl’emmerderjusquedevantchezlui,maismonattentionétaitconcentréesurJax.
Ilmeregardait.—Est-cequejeteconnaisvraiment?luidemandai-je.Il haussaun sourcil et passa sesbrasderrière sondos.Quand il les ramenadevant lui,
sonpistoletavaitdisparu.—Tumeconnais.Jem’assisenclignantlesyeux.—C’était…plutôtimpressionnant.Tusais.Cequetuasfait.—J’aibeaucoupd’entraînementpouréviterlesballes,chérie.Ahoui.L’armée.Évidemment.—Etlerevolver?—En travaillantauMona’s, je suisplus rassuréavecun flingue surmoiquand jeparle
aveccertainespersonnes.Ilm’attrapaparlesmainsetm’aidaàmerelever.—Etpuis,tenirunearmeàfeu,m’enservir…j’ail’habitude.Encoreunefois:évidemment,l’armée.—D’aprèstoi,c’étaitquoi?Uneporte,sûrementcelledeRitchey,claqua.—Pasunebonnenouvelle,ça,c’estsûr.Ilpritmonvisageentresesmainspourmefairereleverlatête.—Tuessûrequeçava?répéta-t-il.Je pris une grande inspiration avant de hocher la tête. J’avais mal partout et j’étais
terrifiée,maisçaallait.—Onaessayédenousrenverser.
—Essayé.Ilsn’ontpasréussi,mefit-ilremarquer.—Maisilsontessayé!La gravité de la chose me frappa en plein visage. On avait essayé de nous tuer. Jax
portait un pistolet parce qu’il travaillait au Mona’s ou parce qu’il connaissait Mona, toutsimplement.Quelqu’unavaitessayédenousrenverserpourdevrai.
Mesjambessemirentàtrembler.Jenevoulaispasparaîtrefaible,maisdetoutemavie,mêmedanslesmomentslesplusterriblesoulesplusfous,onnem’avaitjamaismenacéeavecuncouteauetfoncédessusavecunevoitureenmoinsdevingt-quatreheures.
—Merde,fitJaxenm’attirantcontrelui.Jemelaissaitombercontresontorse,lesmainsposéessursataille.—Chérie…Jefermailesyeuxpourm’imprégnerdesachaleuretdesaforce,etleserraiàmontour.
Aprèsl’incident,iln’yeutnisiesteniorgasme.C’étaitnul.Pourplusieursraisons.J’aurais
bienaimé réitérer l’expériencede l’orgasme,maisaprès lamatinéeet l’après-midiquenousavionsvécus,j’auraissurtoutvouludormir.
JaxavaitappeléReecedèsqu’onétaitmontésdanssonpick-upetqu’ons’étaitbarrésleplusvitepossibledecetendroit.Onavaitfiniaupostepourfaireunedépositionàunflicquejen’avaisjamaisvu:unhommeassezâgéaveclapeauhâlée,desyeuxfatiguésetunsourirechaleureux.Ils’appelaitDornellJacksonetilsemblaitconnaîtrelasituationparcequ’ilavaitposédestasdequestionssurmamère,MacketmêmeIsaiah.PuisonavaitretrouvéReece,etJaxluiavaitracontécequis’étaitpassé.Reecen’avaitpaseul’aircontent,surtoutquandonretournachezJaxetqu’ils remarquèrent tous lesdeux lesminuscules (etparminuscules, jeveuxdireridicules)égratignuresquej’avaissurlebras.
Aprèscettedécouverte,onmetraînadanslasalledebainsdurez-de-chausséeetonmetapota lebrasavecdescotons imbibésd’alcoolcommesi lesplaiesallaient s’infecteretquej’allaisdevoirmefaireamputer.
LamaisondeRitcheydevaitêtresoussurveillance.SansdoutepourtraquerMona.C’estpourçaqu’onavaitessayédenousrenverser.Pourtant,àmesyeux,çanefaisaitaucunsens.Si jereprésentaisunmoyendepressionsurmamère,ouuneraisondelafairesortirdesontrou,pourquoiavoirvoulunousaplatir,Jaxetmoi?
Personnen’avaitsumerépondre.Avantd’allertravailler,Jaxm’avaitramenéechezmoipourquejepuissemepréparer.Au
lieudemelaisserseule,ilétaitrestéjusqu’aumomentdepartir.Ilavaitdécidéquedésormaisilm’emmèneraitaubaretmeraccompagneraitaprèsmonservice.
—Jenepensepasquecesoitnécessaire,luidis-je.Jaxs’affalasurlecanapéenhaussantlessourcils.—Jeveuxteprotéger,Calla.Onsaittouslesdeuxquetuesdanslamerde.Alors,jevais
toutfairepourquetusoisensécurité.Detoutefaçon,onfaitexactementlesmêmeshoraires.
Etcommeça,tuvaspouvoiréconomiserl’essence.Jenepouvaispaslecontredire.—Oh,etprendstesaffairesavectoi.Tudorschezmoicesoir,continua-t-ilpendantque
j’ouvrais la bouchepour protester.Calla.C’est pour ton bien. Et sans vouloir t’offenser,mamaisonestbeaucoupmieux:jen’aipasquedespâtesdansmonplacardetj’ailecâble.
OK.Delavraienourritureetlatéléétaientdebonsarguments.—C’esttrop,Jax.Sijem’installecheztoi,ceserait…—Bien,finit-ilàmaplace,toutsourire.Sympa.Mieuxquederesterici?Leslèvrespincées,jeplissailesyeux.Ilsepenchaenavant,lesmainsposéessursescuissesetsoupira.—Calla, je veux justem’assurer que tu es en sécurité tant qu’on n’aura pas résolu ces
conneries. Chérie, tu sais très bien que cettemaison n’est pas sûre. Personne ne viendra techercherchezmoi.Ici,ilpeutt’arrivern’importequoi.
Jemefigeaidevantlaportedelachambre.Jedevaisadmettrequ’ilmarquaitunpointetqu’ilavaitraison,toutsimplement.Jeseraisdavantageensécuritéchezlui.Maisc’étaitchezluietdormirlà-basn’étaitpasanodin…
Merde.Non, çan’avait riend’anodin.Encoreune révélation. Jaxvoulait que je vienne chez lui
parcequec’étaitimportantpourlui,pournous…pourcequisepassaitentrenous.—Jevoisquetucommencesàcomprendre,dit-ild’unairsatisfait.Jemeretournaivivement.—Laferme.Ils’esclaffapendantquejemeprécipitaidanslapièce.Aprèsavoirpasséunjeanfoncéun
peutropserréàmongoût,j’enfilaidestongs,undébardeurblancbasiqueetuntee-shirtlargequiavait tendanceà tomber suruneépaule sans jamaisdévoilermondos. Jedétachaiaussimescheveux.Ilsavaientfriséenséchant.Puisj’attrapaimatroussedemaquillageviolette.
Soudain,jemeregardaidanslemiroir.Jem’étaisnettoyélevisageavantdemechanger.Ilétaitpropreetnet.Jemesentaislégèrecommechaquefoisquejen’avaispasunecouchedefonddeteintsurlapeau.
Leslèvrespincées, j’observailetubeenquestion.J’avaispassélamatinéeetunegrandepartie de l’après-midi sans maquillage, et personne, même pas les jeunes enfants les plusimpressionnables ne s’étaient enfuis en me voyant arriver. Personne ne m’avait non plusdévisagée. Et pour être franche, je n’y avais pas vraiment pensé. Rencontrer Ritchey etmanquermefairerenverseryétaitpourquelquechose.
Monestomacseserra.Pourmoi, remettre ce tubede fondde teintdansma trousse sans l’appliquer étaitune
décisionradicale.Lemaquillageétaitmonbouclier,unvéritablemasque.
Lagorgenouée,j’attrapaiunautretypedefonddeteintavecdesmainstremblantes,unesorte de BB crème qui flattaitma peau sans cacher quoi que ce soit et l’appliquai bien au-dessusdemacicatriceavantdem’occuperdemesyeuxetdemefairedessmokyeyes,parfaitpourtravaillerderrièrelebar.Puisjemisunpeudeglossetj’étaisprête.
Jereculailentementpourmeregarderdanslemiroir.Aprèsavoirprisunegrandeinspiration,jesortisdelasalledebainsetattrapaimonsac
sur le lit.Enm’entendantentrerdans lesalon,Jaxseredressaetpencha la têtesur lecôté.Sesyeuxvoilésprirentunéclatparticuliertandisqu’ilsexaminaientmonvisage.
Ilsourit.Moncœurs’emballa.Etpasqu’unpeu.
L’histoire du 4 x 4 tueur et de l’attaque de Mack s’était répandue à la vitesse de la
lumière.À l’instant où j’avais mis le pied dans la cuisine pour lui dire bonjour, Clyde m’avait
enveloppéedanssesbras.—Ma poupée. Jax m’a dit que vous alliez chercher ta maman tous les deux, mais je
n’aimepasçadutout.Moinonplus,mais la date butoir approchait à grandspas et il fallait qu’on trouvema
mère.—C’étaitpeut-êtreunecoïncidence,dis-jecontresonlargetorse.—Çan’existepas,lescoïncidences.Ilmeserraencoreplusfortcontrelui.Sij’avaisétéunjouet,j’auraiscouiné.—Toutirabien.Jetelepromets.Clydereculaetsepassaunemainsurlatête.—Jesuiscontentdet’avoiravecmoi,mapoupée,detevoirsouriredenouveau…De nouveau ?Quand avais-je cessé de sourire ? Bon, d’accord. Avant de partir d’ici la
premièrefois,jen’avaispaseubeaucoupderaisonsdelefaire.—Maissipourtasécurité,ilvautmieuxqueturetournesàl’école,alorsvas-y.—Jenepeuxpas,luidis-jeavecunsourirerienquepourlui.Tulesais.JeneluiparlaipasdelamenacedeMack.—Toutvabiensepasser.L’inquiétude se lisait sur son visage. Je savais qu’il ne me croyait pas. Il attrapa une
spatule et se gratta le torse de son autre main. Je restai un instant immobile devant lesdoublesportes,enregrettantdenepasêtrecapabled’apaisersesdoutes,maislaseulechosequejepouvaisfaire,c’étaitresterenvie.
Deretourdanslasalle,ilnefallutpaslongtempspourqued’autrespersonnesexprimentleur inquiétude.QuandNick arriva, par exemple, ilme proposa deme servir de chauffeur.J’enrestaibouchebée.Malheureusementpourlui,unseulregarddelapartdeJaxbalayasonoffre.Toutefois,jeremarquaiquequandJaxs’éloignait,Nickétaittoujoursdanslesparages.
Jenesavaispasquoienpenser.JeconnaissaisàpeineNick.Ducoup,c’était trèsgentildesapartetunpeudéstabilisant.
Roxy, elle, me proposa de venir dormir chez elle. Encore une fois, Jax s’interposa enannonçantqueje«squattais»déjàchezlui,puisdisparutdanslaréserve.
— Tu vis chez Jax ? me demanda-t-elle lorsqu’on se retrouva toutes les deux dans lecouloirétroit.
—Euh,jesuppose.Pourcettenuit,entoutcas.(Jem’interrompisetfronçailessourcils.)Lanuitdernièreaussi.
Sesyeuxs’arrondirentderrièreseslunettes.—Tuaspassélanuitavecluihier?Et il t’afaitboiredel’alcoolpourlapremièrefois
avant-hier?—Euh,oui…Unsourireétiraseslèvres.—Vousêtesensemble,c’estça?JenerépondispascarJaxétaitsortidelaréserveàalcoolavecplusieursbouteillesdans
les bras. Il nous adressa un regard interrogateur en nous dépassant, mais il avait un légersourireauxlèvres.Ilmefitmêmeunclind’œil.
Moncœursegonfla.Quelidiot!— Tu sais, c’est vraiment un gars bien, dit-elle comme si je ne m’en étais pas rendu
compte.C’estlegenredemecsquiesttoujourslàpourtoi.L’annéedernière,Reece…Lafaçondontelles’interrompitaprèsavoirprononcésonnommefithausserlessourcils.— Il a tiré surquelqu’unpendantune intervention. Il étaitdans sonbondroit,mais je
penseque,dansn’importequelle situation,descendrequelqu’undoit te faireperdre la tête.Heureusement,Jaxl’asoutenu.
Cettefois,messourcilsétaienttellementhautsqu’ilsseconfondaientavecmescheveux.Ehbien,jenesavaispasquoirépondreàça.
Ellem’attrapaparlamainetm’attiradanslebureau.—Donc,vousêtesensemble?—Non.Enfin…j’ensaisrien.Jefermailesyeuxetprisunegrandeinspiration.—Peut-être.Plusoumoins.—Plusoumoins ? (Derrière ses lunettes, son regard se fit sceptique.)Soit vousn’êtes
pasensemble,soitvousl’êtes,selonlesrègles.—Quellesrègles?—Vousnevoyezpersonned’autre,jeveuxdire.Oh.Quatrièmerévélationdelajournée.—Onn’enapasparlé.—Alors,c’estunplancul?medemanda-t-elleenplissantlesyeux.
Lerougememontaauxjoues.—Jenecroispasnonplus.Pas vrai ? Après tout, on n’avait pasmis demot sur ce qui nous liait et on n’en avait
mêmepasdiscuté.—OK.Roxymetapotalebrasetjesortisdemespensées.—Jevoisbienquecegenrederelationsn’estpasfaitpourtoi.Ducoup,jesupposeque
vousêtesensemble,oudumoinsquevousallezsortirensembleetvoircequeçadonne?—Çayressembleplus,oui.OnvaàL’Appolo’sdemainsoir.Elletapadanssesmains.—Oh!C’estsupercommeendroit!Ilsontdetrèsbonssteaks.—C’estcequ’onm’adit,murmurai-je.—Onn’emmènepas sesplans cul àL’Appolo’s, dit-elle en grimaçant. Pour ça, il y a le
Mona’s.Fais-moiconfiance,jelesais.Jemedemandaiscequeçavoulaitdire,maisellerepritlaparoleavantquejepuissela
questionner.—L’Appolo’s,c’estpourlescouplessérieux.Legenrederelationoùlemecsaitquelgenre
decafétuboislematinetcommentteleprépareràlaperfection.C’estassezimpressionnantcommeresto.Etjet’aiditqu’ilsavaientdetrèsbonssteaks?
Toutàcoup,j’avaisenviedeparleravecTeresa.Jevoulaisluiracontercequisepassaitparcequej’avaislasensationquelasituationm’échappait.MaisilétaittardetTeresaétaitàlaplageavecJase.JebaissailatêteversRoxyenmemordantleslèvres.Jenesavaispassi…Oh,etpuismerde!
—Jen’aijamaiseudepetitami.Roxyclignalentementlesyeuxavantdefaireunpasenarrière.Puisellelevaledoigten
l’air,commepourm’arrêter,etfermalaporte.Ellesetournaversmoi.—Pasunseul?Jesecouailatête.—Unplancul?Jesecouaidenouveaulatête.Elles’appuyacontrelaporte.—Du coup, toutes ces blagues sur ta virginitén’étaient pas vraimentdes blaguespour
toi?—Euh, non. (Jem’assis sur le bord du bureau et croisai les jambes au niveau demes
chevilles.)Jesuisencorevierge.—Waouh,murmura-t-elle.Jefronçailessourcils.—Quoi?
—Jenesaispas.Uneviergedevingtetunans,c’estunpeucommeleyéti.Mesépauless’affaissèrent.—Super.Merci.Jecommençaisàregretterdem’êtreconfiéeàelle.—Pourquoi?medemanda-t-elle,etjeluiadressaiunregardinterrogateur.Pourquoitu
n’asjamaiseudecopain?Latêtepenchéesurlecôté,jel’examinai.—Sérieusement?—Sérieusement.Jecroisailesbrassurmapoitrine.—Tuvoisbienavecteslunettes,pasvrai?Elleplissalesyeuxetfronçalenez.—Oui, jevois trèsbien.Et tues très jolie.Tuessympa.Commetu faisdesétudes, tu
doisêtreintelligente…alorsc’estquoi,leproblème?—Jolie?murmurai-je.Elleclignaalorslesyeuxets’éloignadelaportepours’approcherdemoi.—Jecomprends…maiscen’estpasparcequetuasunecicatricequetun’espasbelle.Je
suiscertainequetuenasconscience.Jevoulaist’enparlerplustôt,maisjenevoulaispastegêner,continua-t-elle.Maiscesoir,tuesvraimenttrèsjolie.Çasevoitquetuportesmoinsdemaquillage.Tuesbeaucoupmieuxsans.
Monfonddeteintn’étaitpasdelarigolade,ilétaittrèsépaisetcouvrant.J’avaistoujourssuqueçasevoyait.Jepensaissimplementquej’étaismieuxavec.
—Jetueraispouravoirteslèvres,ditRoxy.Du coup, elle attira mon attention sur les siennes. Elles étaient plutôt jolies, un peu
arquées.—Etpouravoir tesseins, jene t’enparlemêmepas !Tu lescaches,mais je saisqu’ils
sontlàetilssontbeaux.—Non,pasdutout,lâchai-je,incapabledemeretenir.Sonexpressionsefitperplexe.—Qu’est-cequetuveuxdire?Tuporteslemeilleursoutifdel’histoiredessoutifs,c’est
ça?Danscecas-là,ilfautquetumedisesoùtul’asacheté!fit-elleenposantlesmainssursapetitepoitrine.Parcequecesbébésauraientbienbesoind’unpeud’aide.
Jesourislégèrement.—Non.Cen’estpasça.Désolée.—Mince.(Ellefitlamoue.)Alorsquoi?Je n’avais jamais parlé à personne de ce qu’il y avait sousmes vêtements. Trouver les
motsjustesserévélaitdifficile.
—La cicatrice surmon visage n’est rien comparée au reste demon corps. C’est assezmocheàvoir.Etjeneplaisantepas.
Roxy ouvrit la bouche, mais il était clair qu’elle ne savait pas quoi dire, alors jecontinuai.
—Donc,jen’aipasbeaucoupd’expérienceaveclesmecs.Jecroisqu’onsortensembleetjecroisque…çameplaît.
—C’estluiquiteplaît,mecorrigea-t-elled’unevoixdouce.Jehochailatêteensoupirant.—Oui.Ilmeplaîtbeaucoup.Jesaisquec’eststupide.—Cen’estpasstupide.Jepoursuiviscommesiellen’avaitpasparlé.— Je veux dire… Il est sexy. Super sexy,même. Et gentil. C’est l’association parfaite.
Mais avec tout ce qui se passe avecmamère, ce n’est pas forcément très intelligent demapartdem’engageravecquelqu’un.
—Oui,c’estsûrquecettehistoireavectamèrecraint.Ellesedandinad’unpiedsurl’autre.—Çafaitpeur,même.Maisçan’arienàvoiravecJax,tusais?Cesontdeuxchosesbien
distinctes.J’enavaisconscience.—Jeretourneàlafacenaoût.—Etalors?dit-elle.Shepherdn’estqu’à troisheuresderoute.Cen’estpassi terrible.
Vous pouvez continuer à vous voir. Et vous n’êtes pas obligés de conduire, il y a des trucsvachementbienquis’appellentdestrains.
Jeris.—Onm’enaparléuneoudeuxfois.— Il t’aime beaucoup, tu sais, me dit Roxy avant de hocher la tête pour appuyer ses
propos.Fais-moiconfiance.Jelesais.—Tucrois?Elle hocha de nouveau la tête,mais avant qu’elle puisse continuer, la porte s’ouvrit et
Nickpassalatêteàl’intérieur.—Sivousavezterminécequevousêtesentraindefaire,onauraitbienbesoindevotre
aide.Jejetaiuncoupd’œilàRoxyquilevalesyeuxauciel.—Lesmecs!s’exclama-t-elleenseretournant.Qu’est-cequ’ilsferaientsansnous?Je ne répondis pas, mais le regard que lui adressa Nick me donna envie de glousser.
Ensemble,onretournaaubarquiétaitbondé.Jaxm’arrêta,mepassauntablieretm’envoyaensalleavecunetapesurlesfessespastrèsdiscrète.
—Jenesaispascequisepassecesoir,mafille,maisc’estlafolie!meditPearllorsquej’attrapaiuncalepinpournoterlescommandes.
Etellenementaitpas.Ilyavaitautantdejeunesqued’anciens.DèsqueMelvinm’aperçut,ilmeproposadele
rejoindre d’un signe de lamain. Il n’était pas seul. Ce soir, un homme aussi vieux que luil’accompagnait.
—Qu’est-cequej’aientendu?Jacksonettoiavezfaillivousfairerenverseraujourd’hui?medemanda-t-il.
Encoreunefois,jemerappelaiquelesnouvellesallaienttrèsvite.Jejetaiuncoupd’œilàl’autrehomme,sanssavoirquoidire.—JeteprésenteArthur,meditMelvinendésignantsonami.C’estlafilledeMona.Levisagefripéd’Arthurseplissadavantageetdesyeuxsombresseposèrentsurmoi.—Ravideterencontrer,majolie.Aprèsluiavoirfaitunlégersignedelamain,unpeugauche,jeconfirmaiavoirfaillime
faire renverser. Comme je ne voulais pas les inquiéter, jemis l’accident sur le compte d’untrèsmauvaisconducteur.Melvinn’eutpasl’airconvaincu,maisilmetapotalebrasetmepriadememontrerprudente.
Les heures passèrent sans que la foule se dissipe. Quand je remplaçai Nick pour qu’ilprennesapause,jefuscontentedemeretrouverderrièrelebaretd’arrêterdecouriràdroiteàgauchecommeunefolle.
J’étais en train de préparer deux Jägerbombs lorsque je les aperçus. Enfin… Je leremarquailuienpremieretmanquairaterlegrosverreenfaisanttomberlepluspetit.
Lemecétaitbaraqué. Ilétaitencoreplus largeetcarréqueJax.Etplusgrand,aussi. Ilportait un tee-shirt noir quimoulait son torse et ses bras bien dessinés. Ses cheveux brunsétaient rasés sur le côté etunpeuplus long sur ledessus, coiffés enpiques,plus longsqueceuxdeJaxetonpouvaitdistinguer ledébutdeboucles.Sonvisageanguleux trahissaitdesorigines espagnoles. Sa peau était hâlée et ses yeux foncés étaient bordés de grands cilsmarron.Ilavaitunecicatriceendemi-lunesousl’œilgaucheetuneautrequiscindaitsalèvreinférieureendeuxpuisdescendaitplusbas.
Ilavaitl’airdangereux.Danslebonsensduterme.La fille qui le suivait aurait pu passer pour Britney Spears dans sa période uniforme
d’école catholique. Ses cheveux blonds étaient ondulés et leur coupe correspondaitparfaitement à la forme, en cœur, de son visage. Elle avait des lèvres pulpeuses, de grandsyeuxmarronetun jolicorps.Commentpouvais-je lesavoir?Parcequ’elle lemontrait,biensûr.
Elleportaituntopàfinesbretellesquidévoilaitsonventreplatetuneminijupeenjeanquimettaitenvaleursesmagnifiquesjambesbronzées.Elleavaitaussiunepoitrineàtomberparterreetelleétaitsupersexy.
Toutefois,ellenefaisaitpasattentionaugrandetbeaugosseàcôtéd’elle.Non,elleavaitlesyeuxrivésverslebar.Passurmoi.PassurRoxy.Sonregardmarronétaitdirigédel’autrecôtéparrapportànous.
SurJax.Etcen’étaitpasunregardanodin.—Tusaisquisait?demandaRoxyenramassantdesglaçonsaveclapelle.Lemecsuper
sexylà-bas?Jereportaimonattentionsurlui.—Évidemmentquejel’airemarqué.JetendislesJägerbombsauxclientsavecunsourireetencaissail’argent.—C’estqui?demandai-je.Enfait,jevoulaissavoirquielleétait,elle,etpourquoielledévoraitJaxduregard.—Brock,réponditRoxyens’éventant.LeBrock.—Euh?Qui?demandai-jeenmetournantversunétudiant.Qu’est-cequejetesers?—C’est Brock « la bête »Mitchell !me répondit le garçon au lieude commander. (Je
clignailesyeux.)Tuneleconnaispas?Jejetaiuncoupd’œilà«labête»avantdesecouerlatête.—Jedevrais?Ilsecoualatêted’unairincrédule.— C’est une star du free fight. Ou du moins, il est à deux doigts de le devenir,
m’expliqua-t-ilenleregardantavecadmiration.Jen’aimeraispaslemettreencolère…Jenesavaispasqu’ilétaitenville.Bref.JevaisprendreuneBud.
J’attrapaisabièreenobservantBrock.Jesavaiscequ’étaitlefreefightets’ilétaitconnu,jesupposaisqu’ilsebattaitdefaçonprofessionnelledansl’unedescompétitionsdontCametJaseétaient fans.En tout cas, iln’étaitpasoriginairede laville. Jeme serais souvenud’unvisagecommelesienaulycée,mêmes’ilavaitétéplusmaigre.
—Cool,murmurai-jeenluitendantsaboisson.L’étudiantoubliaaussitôtmonexistence. Il s’élança toutdesuiteendirectiondeBrock.
Onauraitditqu’ilétaitattirécommeunaimant.—Oh,merde!s’exclamaRoxy.Elle se redressa vivement et je me rendis compte qu’elle observait la fille de tout à
l’heure.Ellesuivitsonregardjusqu’àJax.—Oh,merde!—Quoi?Moncœurfitunbonddansmapoitrine.Roxy se tourna vers moi en grimaçant, comme si elle avait mangé quelque chose de
mauvais.—C’estAimee.Aimeeavecdeux«e»etun«i».
—OK…C’étaitofficiel.J’étaislarguée.—Jenesaispascequ’ellefabriqueavecBrock.Bon,d’accord,j’aimapetiteidée,maisje
nesaispascequ’ellefaiticiaveclui.Maintenant, je commençais à avoir unmauvais pressentiment. Plusieurs types s’étaient
rapprochésdeBrocketAimeeneluiportaitpaslamoindreattention.Elles’étaitmêmemiseàavancer.
On aurait dit queRoxy s’était emmêlée dans une toile d’araignée et n’arrivait pas à sedégager.Desclientsdemandaientàêtreservis,pourtant,jenepouvaism’empêcherdesuivrelesmouvementsd’Aimee.Quandellefutàmi-chemindubar,jejetaiuncoupd’œilàJax.
Penché au-dessus du comptoir, il était en train de tendre des cocktails à un groupe defillesquigloussaient.Enseredressant,illevabrièvementlesyeuxversAimeeavecdeux«e».Ilclignalesyeuxetsecrispacommesiquelqu’unl’avaittouchésanssonaccord.Jesentismonestomacseserrer.
Oh,non.—Oh,non,ditRoxyàvoixhaute.Aimeeavecdeux«e»se faufilaparmi legroupede fillesquicontinuaientdecaqueter,
plantalesmainssurlebaretsehissa,defaçonàmettreenavantsonénormepairedeseinsmouléeparsontop.
Alors,d’unevoixincroyablementrauqueetsexy,elles’exclama:—Jax,moncœur.Tum’asmanqué.
20
Jax,soncœur,ladévisageauninstantavantdeluisourire:paslesourireencoindontilavait l’habitude,maisunsourireaguicheurquimerenditmalade. Il luiditquelquechoseetellerejetalatêteenarrièreavecunrirevulgaire.
Jemedétournaietmeconcentraisurlesclientsquiattendaientquejelesserve.Auboutd’un certain temps, je ne pus m’empêcher de reporter mon attention sur eux. Ils étaienttoujoursentraindeparler.
Riendegrave.Je cherchai alors Brock du regard, lemec avec qui elle était arrivée,mais je ne le vis
nulle part. En revanche, un groupe plutôt conséquent s’était formé au niveau des tables debillard.Ilsetrouvaitsansdouteaucentre.
Jeme sentaismal, comme si j’avais avalé toute une boîte de vitamines. Je servais lesgensavecungrandsourireetenayantl’aird’êtretropheureusepourêtrehonnête…jusqu’àcequeNickviennereprendresaplace.Jelalui laissaiavecjoie.Pendantquejem’éloignais,Roxyme lançaun regard qui signifiait : « Il faut qu’onparle. » Je répondis avecun : « Pasbesoin.»
Alors que je me dépêchais de partir, les yeux rivés sur Pearl dont les cheveux blondss’échappaient de son élastique, on m’attrapa soudain par la taille. Je réprimai un cri desurpriseetmeretrouvaientreJaxetl’extrémitédubar,enfaced’Aimee.
Euh…Aimeeavaitl’airaussiperplexequemoi.SesyeuxallèrentdeJaxàmoiavantdeseposer
sursonbras,autourdemataille.—Aimee, jenecroispasque tuaieseu lachancederencontrerCalla,dit-il. (Sonbras
mebrûlait à traversmes vêtements.) Elle est d’ici,mais elle est partie pour la fac. Elle estrevenuepour…
—Jesaisquielleest,répondit-elle.Sontonn’étaitnifroidniarrogant.
Jehaussailessourcils.Jeneconnaissaispascettefille.J’étaissûrequejen’auraispaspul’oubliersijel’avaisdéjàrencontrée.
Aimeesouritetrecoiffasescheveuxderrièreunedesesépaules.—Visiblement,tunetesouvienspasdemoi.Maisc’estnormal,c’étaitilyalongtemps.Jaxserapprochademoi,jusqu’àcequesonflanctoutentiersoitpressécontrelemien.—Commentpourrais-tulaconnaître?Tuasgrandidanslecomtévoisin.Jememoquais complètement de savoir comment il savait que Aimee avec deux « e »
avaitgrandidanslecomtévoisin.—C’était il ya longtemps, répéta-t-elle enélevant la voixquanddesapplaudissements
éclatèrentauniveaudestablesdebillard.Onaparticipéauxmêmesconcoursdebeauté.Putaindemerde.Jemecrispaietladévisageai.Aimee…?Aimee…?—AimeeGrant?Son sourire s’élargit. Mince, elle était vraiment canon. Ses dents étaient absolument
parfaites,ellesaussi,commesielleportaittoujoursundentier.—Oui!Tut’ensouviens!Oh,monDieu,Jax!Sonregardsetournadenouveauversluietelleposalamainsursonautrebrascomme
siellel’avaitfaitdescentainesdefois.—Callaetmoi,onapratiquementgrandiensemble.Euh. Je ne serais pas allée jusque-là non plus. On s’était sans doute croisées dans des
concoursdebeautédetempsentemps.Onn’étaitpasamies.Simessouvenirsétaientbons,nos mères s’étaient même détestées avec une passion propre à ce genre de concours. Onregardaitmamèrede traversparcequ’elle tenaitunbar,alorsquecelled’Aimeeétaitmèreaufoyer,femmededocteuroupeut-être,vusadentitionparfaite,dedentiste.
—Ahoui?Jaxglissasamain jusqu’aubasdemondos.Jegardai les lèvresscellées. Ilavait tourné
soncorpsverslemienetreculédefaçonàcequelamaind’Aimeetombe.Mêmesijen’avaisaucune expérience en relation amoureuse, je savais ce qu’il tentait de lui faire comprendre.J’avaisvuJaselefaire.Camaussi.
Unsentimentdejoiemeparcourut.Leproblème,c’étaitqu’Aimeefaisaitcommesiellenesaisissaitpaslemessage.—Oui, lemondeestpetit,hein?Jenet’avaispasvuedepuisdesannées.(Sesyeuxne
mequittaientplusàprésent.)Pasdepuisquetuasarrêtélesconcours,entoutcas.Uneboule se formaaucreuxdemonestomac, lourdecommeduplomb.Par réflexe, je
tentaidefaireunpasenarrière,maisJaxmetenaittellementfortcontreluiquejenepouvaispasbouger.
—Ellemebattaitchaquefois,continuaAimee.(Dansmonventre,laboulesetransformaenstalactite.)Chaque fois !Jegagnais legrandprix,maisCalla,elle,décrochait toujours le
supergrandprix.Un sourire empli de fierté étira les lèvres de Jax tandis qu’il me dévisageait, mais je
n’avaisqu’uneenvie:m’échapperloind’ici,decebaretsurtoutloind’Aimee.Latêtepenchéesurlecôté,elles’appuyacontrelebar.—Jenet’aiplusvuedepuisl’incendie.Monsoufflesebloquadansmagorge.Delachairdepouleapparutdansmondos.—Destasd’associationsontorganisédescollectesdefonds.Jem’ensouviens,poursuivit-
ellesanssedouterdel’effetdesesparolessurmoi.Pendantsixmois,lesfillesquiavaientdespetitsboulotst’onttoutreversé.
Oh,monDieu.Jem’en souvenais aussi.Mon pèrem’en avait parlé quand j’étais à l’hôpital.Mamère,
elle,s’étaittrouvéedansunétatdedeuilsiprofondqu’ellenevenaitmêmepasmevoir.—C’est vraimentune tragédie, ditAimee en clignant ses grands yeux.Ce qui vous est
arrivé,àtoiettafamille.Combiendetempses-turestéeàl’hôpital?Quiposaitcegenredequestions?Non,paslapeinederépondre:jelesavaistrèsbien.
Toutema vie, des inconnus s’étaient permis de fourrer leur nezdansmes affaires et demedemander des choses complètement à côté de la plaque ou malpolies. Soit ils neréfléchissaientpasavantdeparler.Soitilss’enmoquaient.
—Desmois,m’entendis-jerépondre.Lamainde Jax se tendit contre lebasdemondoset je sentis son corps tout entier se
raidir.J’avaislachairdepoule.— Excusez-moi, dis-je soudain d’une voix rauque enme libérant de Jax. Il faut que je
retournetravailler.Jem’échappaisansécoutercequ’Aimeeavaitàdire,puisattrapaiunplateaurondetme
dirigeai vers la salle pour récupérer les verres et les bouteilles vides. Tant de penséestraversaientmonespritquej’avaisdumalàmeconcentrersuruneseuleàlafois.
Aimee était un rappel inattendu et indésirable de mon passé. Elle faisait partie desouvenirsavec lesquels,malgré lepassagedesannées, jen’avais jamais fait lapaix,etpeut-êtrequejeneleferaisjamais…Maisellereprésentaitsurtoutcellequej’auraisdûdevenir.
Lagorgenouée,jeramassailesbouteillesvidesetlesposaisurmonplateausansprêterattentionàlaforteodeurdebièrequiremontaitversmoi.Onm’auraittoutapprispourqu’unjourjepuissegérerlebar.Àl’époque,ilavaitbienmarché.Mesparentsl’avaientouvertpourpouvoirnousléguerquelquechose.Kevinauraitsansdoutereprisleflambeau.Tommyseraitlà,luiaussi.EtMamanetPapa.
Quant àmoi, jeme serais trouvée exactement aumêmeendroit. Je ne savais pas quoipenser de cette révélation. Mes pensées me coupaient comme des lames. Ma peau medémangeait.
—Calla.
Moncœurseserra.Jemeredressaisansmeretournerpourautant.—J’aidestablesànettoyer,luidis-je.Beaucoupdetables.Jaxposa lamain surmonépauleetme forçaà lui faire face.On se regardaun instant
danslesyeux,puisilsepenchapourmemurmurerquelquechoseàl’oreille.Etalors,jesuscequ’ilvoulaitdireetçameterrifia:
—Jesais.
Sur le chemin du retour, je n’étais pas d’humeur à parler. Je passai tout le trajet àobserver lesmagasinset lesmaisonsplongéesdans lenoirà travers lavitre.J’étais fatiguéephysiquementetémotionnellement.Laseulechosedontjerêvais,c’étaitdem’effondrerdansunlit,deremonterlescouverturessurmonvisageetdedirebonnenuit.
Aimeeétaitrestéejusqu’àlafermetureetn’étaitpasalléeretrouverBrockuneseulefois.Aufinal,ilétaitpartibeaucoupplustôtqu’elle,etavecuneautrefille,selonRoxy.Ducoup,jenesavaispasdutoutcequ’ilyavaitentrecesdeux-là.Aimeen’avaitpaseul’airperturbéetdetoutefaçon,laraisondesaprésenceétaitclaire.ElleauraitvoulurentreravecJax.
Cen’étaitpasarrivé.Quand on avait annoncé la dernière tournée, Aimee avait regardé Jax avec insistance.
Gentil et prévenant, il lui avait demandé comment elle comptait rentrer chez elle. Avantqu’ellepuisseluirépondre,illuiavaitproposédeluiappeleruntaxi.
Jolicoup.Selon Roxy, Aimee avait été tellement surprise qu’on aurait dit qu’elle avait vu un
fantôme.Etmêmesilasituationétaitamusante,jenepouvaism’empêcherdemedemandersi Jax serait parti avec elle si je n’avais pas été là. Ça n’aurait pas dû avoir la moindreimportance, pourtant, ça en avait. Parce que j’étais une fille. Et parce que je me sentaisparticulièrementidiotecesoir.
Jesais.LesouvenirmecoupalesouffletandisqueJaxtournaitsurlaroutequimenaitchezlui.Il
avaitvouluparlerdel’incendie.Étantdonnéqu’iltravaillaitavecmamèreetqu’elleluiavaitparlédesconcoursdebeauté,ilnefallaitpasêtreungéniepourcomprendrequ’elleluiavaitaussi parlé de l’incendie.Mais jusqu’à quel point ?Qu’avait-il su, au juste, la première foisqu’ilavaitposélesyeuxsurmoiauMona’s?
Une fois à lamaison, j’emportaimon sac à l’étage pendant que Jax se dirigeait vers lacuisine.Ilretiraseschaussuresetposasescléssurleplandetravail.
Je me déshabillai. Cette fois, j’enfilai un débardeur sous un tee-shirt fin à mancheslongues et un short. Après m’être nettoyé le visage, j’attachai mes cheveux en queue-de-cheval.Alorsquej’allaissortirdelachambre,j’attrapaimonportableetallumaiunelampedechevet.Unedoucelumièreserépanditdanslapièceallongée.
Teresam’avaitenvoyéunmessageavecunephotodeJaseetelleàlaplage.Pelotonnéedans ses bras, elle faisait un signe de cornes avec ses doigts pendant qu’il souriait
joyeusement. Malheureusement, ses yeux gris absolument magnifiques étaient dissimulésderrièrelemêmegenredelunettesdesoleilqueJaxportait.
Desbruitsdepas attirèrentmonattention. Je rangeaimon téléphonedansmon sac aumomentoùJaxentraitdanslachambre.Ilavaitperdusontee-shirtquelquepartentrelerez-de-chausséeetl’étage,maisjenem’enplaignaispas.Sesmusclesetsapeauimparfaiteétaientagréablesàregarder,surtoutquandilportaitdesjeansavecunetailleaussibasse.
Iltenaitunebièredansunemainetunebriquettedejusdansl’autre.Monsourires’élargit.—C’estpourmoi?—Jemesuisditquetuavaisbesoind’unremontant.—Merci.J’acceptai la briquette et m’assis en tailleur sur le lit. La paille était déjà plantée à
l’intérieur.Parfait.Enrelevantlesyeuxverslui,jelevisprendreunegorgéedebière,puissepasserunemaindanslescheveux.Tandisquejeregardaissontorsesesouleversouslecoupd’unegrandeinspiration,jemesentissoudainnerveuse.
—Çava?Laquestionétaitplutôtidiote.Ses yeux seposèrent sur lesmiens et il porta encore labouteille à ses lèvres. Il nedit
rienpendantunmoment,maissagorgebougeaittandisqu’ilbuvait.Mince.Ilavaitdéjàfinisabièrealorsquej’avaisàpeinetouchéàmonjus.
Mon sentiment de malaise se mit à grandir en moi comme des herbes folles. Avait-ildécidé qu’il ne voulait plus que je dorme ici ? Il n’avait pas l’air très content. Peut-êtreregrettait-ildenepasavoirchoisiAimeeavecdeux«e»?Vusapeauetsonsourireparfaits,etvuquesamèren’étaitpasrecherchéepardesdealeurs,jepouvaistoutàfaitcomprendre.Après tout, il avait failli être renversé alors qu’il n’avait absolument rien à voir avec cettehistoire.
Jenedevraispasêtreici.Encoremoinssursonlit.Cen’estpasmaplace.Toutàcoup, jemouraisd’envied’êtrederetouràShepherd,avecTeresa,où jepouvais
admirer la Brigade des Beaux Gosses à une certaine distance. Là-bas, j’étais en sécurité.Personneneconnaissaitmonsecretetj’avaismestroisT.C’étaitlaviequejem’étaiscréée,laseulechosequejeconnaissais.
Mes doigts s’étaient tellement resserrés sur la briquette qu’elle était sur le pointd’explosercommeunvolcan.Jemelaissaiglisserdulit.Monestomacs’étaitnouédelaplusterribledesfaçons.
—Jepeuxdormirenbascesoir.Demain,je…—Quoi?Mespiedstouchaientpresqueleparquet.—J’aiditquejepouvaisdormirenbasetdemain…
—Jet’aientendue.Ilposalabouteillevidesurlacommodeetsetournaversmoi.Jeregardaiautourdenous.—Jenecomprendspas.Situasentendu,pourquoiest-cequetum’asfaitrépéter?—OK.J’auraispeut-êtredûêtreplusexplicite,répondit-ilensepenchantversmoi.J’écarquillai les yeux tandis qu’il m’attrapait par les hanches. Un puissant frisson
descenditlelongdemescuisses.Waouh.Décidément,cemecsavaitoùposersesmains.—Tupeuxm’expliquerpourquoituveuxdormirenbas,aujuste?Jesoulevailentementmabriquetteetbusunegrossegorgéedejus.—J’aicruqu’après…euhtoutça…Jem’interrompis. Ilme souleva etme fit reculer sur le lit jusqu’à cequemespiedsne
touchentpluslesol.—Qu’est-cequetuascru?Quejenetevoulaisplusici,avecmoi?Ilseplaçaau-dessusdemoi,commeunprédateur.Ilavaitposéunejambedechaquecôté
demoncorpsetmetenaittoujoursparleshanches.—Quejen’aipasremarquécommetuétaisbelleaujourd’hui?Quejen’aipasremarqué
quetun’aspascachétajouegauche?Oh,monDieu.Jenepensaismêmeplusaujusdefruits.—Tuascruquejenevoulaisplusdormiravectoi?Sic’estlecas,tuastoutfaux.Sesdoigtss’enfoncèrentdansmachair,allumantunfeudansmesveines.—J’aiadorém’endormiretmeréveillerprèsdetoi.C’estnouveaupourmoi.D’habitude,
jen’aimepasça.Maisavectoi…oui,c’estdifférent.C’étaitlapremièrefoisquej’étaiscontented’êtredifférente.Sesmainsremontèrentlelongdemesflancs.— Ou peut-être que tu as cru que je n’avais pas remarqué à quel point tu gérais la
situationmalgrécequinousestarrivécematin?Onestallésdansuntrouàrats,onafaillisefaireécraser,pourtant,tuascontinuéàsourire.Tuasprissurtoi, tuesalléetravailler…PuisAimeeestarrivée.
Seslèvresfrôlèrentlesmiennes.—Aimeeetmoi,onn’estjamaissortisensemble.Jemecrispai.Moncerveaumecriaitqu’ilmeracontaitn’importequoi.—Jenepensepasquecesontmesaffaires.Ileutunsondésapprobateur.—Tuesdansmonlit,pasvrai?—Euh,oui.—Etjeviensdet’embrasser,non?Jehochailatête.
—J’aidéjàglissémamainentretesjambes?Oh.Lachaleurquejeressentaisvenaitdeprendreplusieursdegrésetdeseconcentrerà
l’endroitdontilvenaitdeparler.Ilappuyasonfrontcontrelemien.—Et jet’emmènedînercesoir.Alorsdis-moi,enquoicettefillequim’atournéautour
toutelasoiréeetquiainsinuéqu’onavaitunpassécommunn’estpastesaffaires.—Bon,d’accord,murmurai-je.Ditcommeça,jepensequeçal’est.—Tupenses?Il recula légèrementet secoua la tête.Puis il s’assitau-dessusdemoi, lesmainsposées
surmataille.—Jesaisquetun’aspasd’expérienceàcesujet.Jesoulevaimabriquettedejusetprisunegorgéepourcalmerlessoubresautsquefaisait
monestomac.—Mais il fautquetucomprennescequisepasseentrenous.Jet’aidéjàditquetume
plaisais. Je crois te l’avoirmontré de façon explicite et je compte bien recommencer aprèscetteconversation.
Jenevaispasmentir.Sesparolesavaientbeaucoupd’effetsurcertainespartiesdemoncorps.
—Aimeeetmoi,onacouchéensembledeuxoutroisfois,continua-t-il.Mêmesijel’avaisdeviné,unevaguedenauséem’envahit.—Elleaunpied-à-terreàPhiladelphie.Jecroisqu’elleestàlafacdanslenord,maisje
n’en sais rien, etpourêtre toutà fait franc, jem’enmoque.Çan’a jamais été sérieuxentrenous.Elle est venue ici,mais ellen’est jamais restée toute lanuit.Pasune seule fois.Et tupeuxêtresûrequ’ellen’ajamaisbudejusdefruitsdansmonlit.
—Jesuiscontentedel’apprendre,admis-je.Ilsourit.—Aimeeesttrèsbelle.Ellesaits’amuser,maisellen’estpasfaitepourmoi.Ellenel’a
jamaisété.Moncœursegonfla.Sesmainsglissèrentdenouveausurmonpyjamaetilpenchalatêtesurlecôté.—Jesaisquecequisepassedans ta têten’apasseulementàvoiravecunenanaavec
quij’aicouché.C’estàcausedecequ’elleadit.Jemecrispai.—Jax…Il posa son index surmes lèvres. En temps normal, je n’aurais pas hésité à lemordre,
maislesujetétaitbientropgravepourcegenredechoses.—Jesais,dit-ild’unevoixdouce.Jesuisaucourantpourl’incendie.
Mon souffle se bloqua dans ma gorge. Je m’appuyai sur le matelas pour tenter dem’éloigner,maissapriseseresserrasurmataille.Mafuitefutdecourtedurée.Jenevoulaispasavoircetteconversation.Jesentaisdéjàlesrênesdemonself-controlm’échapper.
—Monam’enaparléplusieurs foisetClydeacomplété,poursuivit-il surcemêmetonpatientettendre.Jesaiscommentc’estarrivé.
Moncœursemitàmartelermapoitrine.Quandj’ouvrislabouche,mavoixétaitrauque.—Jeneveuxpasenparler.—Jesais.Jax réussit à se rapprocher davantage, le bassin au-dessus dumien, tout en supportant
sonpoidsavecsesjambes.Ilétaitproche,tropproche.—Lebarmarchaittrèsbien.Ilyavaittoujoursdumonde.L’argentcoulaitàflots.Alors,
tesparentsontdécidédeconstruirelamaisondeleursrêves.Jedétournailesyeuxdessiens,marron,etrefermailespoingssurledessus-de-lit.—Jeneveuxpasenparler,répétai-jedansunmurmure.Ildéposaunlégerbaiseraumilieudemajouegauche.J’eneuslesoufflecoupé.—C’étaitlegenredemaisondonttesparentsavaientrêvépouréleverdesenfants,avec
delaplacepourvoustous,surtoutKevinetTommy.MonDieu.Unevagued’airfroidserépanditdansmapoitrine.Jesecouailatête.—Jenepeuxpasenparler.MaisJaxsemontraintransigeant.— Ce que tes parents ne savaient pas, c’était qu’ils avaient engagé un électricien qui
n’était pas très sérieux. Qui bâclait les chantiers pour gagner plus d’argent. Il faisait l’objetd’une enquête à cause d’un boulot mal fait sur une autre maison. Ce que tes parents nesavaientpasquandvousavezemménagégaiement,quandvousavezfaitlafête,c’étaitquecetélectricienavaitmal installé levariateurde lumièredans lecouloirdupremierétage,oùsetrouvaientleschambresdesenfants.
Jebaissailementonetfermailesyeux.Mauvaiseidée.Derrièremespaupièrescloses,jerevoyais clairement la scène. Jusqu’au jourdemamort, cettenuit resterait gravéedansmamémoire.Jem’étaisréveilléedansmachambreflambantneuve,avecsesmursrosesetmonnom écrit en grosses lettres, et il y avait de la fumée partout. Je n’oublierais jamais lapremière inspiration que j’avais prise et qui m’avait brûlé la gorge et la poitrine. Prise depanique, jem’étaisdépêchéedesortirdemon lit.Lapeinturerosecommençaità fondre.Etquandj’avaisouvertlaporte,toutavaitexplosé.Lafuméeétaitdevenuejauneetmarronjusteavantqueça seproduise, jem’en souvenais trèsbien.Deséclatsdeverreavaientvolédanstouslessens.Onauraitditqu’ilsrampaientsurlesoletqu’ilssecollaientauplafondetauxmurs. C’était commeun grand flash. Puis il y avait eu des cris.Des cris d’horreur qu’aucunfilmnepourraitjamaisreproduire.Certainsétaientlesmiens.CertainsappartenaientàKevin.
—Ilfaisaittellementchaudquelapeinturecloquait.Iln’yavaitplusd’oxygène…Secouée,jem’efforçaiderespirer.Jenem’étaispasrenducomptequej’avaisparléàvoix
hauteavantqu’ilnedéposeunbaisercontrematempe.—Je saisque tuaseude lachancede t’en sortir,dit-il en faisantglisser sespouces le
longdemataille.Tonpèrearéussiàt’emmenerdehors.Après,tamèreetluiontessayéderetournerà l’intérieur,mais l’étageétaitdéjà sous les flammes. Ilsnepouvaientpasmonterlesescaliers…ilétaittroptardpourtesfrères.
Jemedébattis,maisJaxtintbon.Lasensationglacialequejeressentaisàl’intérieurdelapoitrines’étendait,devenaitunedouleurtangible.
—Tommynes’estjamaisréveillé.Jemesouvenaisquemamèremel’avaitditunjour.D’aprèsl’autopsie,ilétaitmortdans
sonsommeileninhalantlafumée.Quelquepart,c’étaitunmalpourunbiencar,quandlefeuavaitétémaîtrisé,sachambren’avaitplusétéqu’unamasdecendresetdeboiscarbonisé.
—Kevin,lui,étaitconscient.—Jesais,dit-ildecettemêmevoixdouce.J’ouvrislentementlesyeux.Mescilsparaissaienthumides.— Leurs cercueils, murmurai-je en refermant les yeux pour les revoir. Ils étaient
tellementpetits.Onnes’imaginepasqu’ilenexistedecettetaille-là.Etpourtant,ilyenadesminuscules.MonDieu…ilsétaienttellementpetits.
Ses lèvres se posèrent au coin demonœil droit et je sus (ma poitrineme faisaitmal)qu’ilavaitessuyéune larme.Àcettepensée, le froidquim’envahissait jusqu’aux tréfondsdemonâmereculaunpeu.
— Ils n’avaient aucune chance de s’en sortir, continuai-je après avoir pris une grandeinspiration.L’incendies’estdéclarédevantleurschambres,dansleplafondetlesmurs.Ils’estpropagéàunevitessefolle.
Jaxdemeurasilencieux.Plusieursminutess’écoulèrentavantquejereprennelaparole.—Notre famille a reçu une grosse somme lorsque l’enquête a prouvé que l’incendie…
avait été causéparune installationélectriquedéfectueuse.Monpèreenamisde côtépourmes études. C’est… c’est l’argent que ma mère m’a volé. Pourtant, elle avait beaucoupd’argent, elle aussi. Des centaines de milliers de dollars. Elle l’a sûrement dilapidé. (Jedesserrai les poings.)Monpèrenous a quittésmoins d’un an après. Il ne supportait plus lasituation.
—Connard,marmonnaJax.J’écarquillai les yeux, prête à défendre mon père, mais je m’en empêchai. Il s’était
réellement comporté commeunconnard. Je l’avaisacceptédepuisdesannées.Àprésent, jerespiraisplusfacilement.
— Je n’en ai jamais parlé à personne. Pasmême àmes amis. Ce n’est pas que je n’aipas… faitmondeuil,mais j’étais très jeune quand l’incident s’est produit, etmes frèresme
manquenténormément.Jesuistoujourstrèstriste.—Quineleseraitpas.Nos regards se rencontrèrent et je sentismon cœur faireunbonddansmapoitrine. Je
savaisqu’iln’enavaitpasterminé.—Jesaisqu’iln’yapasqueça.Illevalamainettraçamacicatriceduboutdesdoigts.—Jesaisquetuasd’autrescicatrices.J’étais incapable deme détourner. Pourtant, j’enmourais d’envie, mais son regardme
retenaitprisonnière.Sesyeuxétaientchaleureux,etimplacablesàlafois.—Jesaisquetuasétébrûlée,Calla.Àsesmots,jeressentisunmélangedegêneetdesoulagement.—Jesaisquetuassubidesopérationsetqu’ellessesontarrêtéesavantladateprévue.—Maman,elle…—Elleafaitbeaucoupdeconneries.Ducoup,elleaoublié…oualors,ellenevoulaitpas
ypenser,termina-t-ilàmaplace.Ellenem’ajamaisexpliquécequis’étaitpasséetjesaisbienqueçanerésoudrajamaisrien,maiselles’enveuténormément.C’estévident.
Il avait raison. Ça ne changeait rien. Ça ne changerait jamais rien. Jememoquais desavoir si ça donnait l’impression que je n’avais pas de cœur.Certaines choses étaientmoinspardonnablesqued’autres.Ellesn’étaientpasfaitespourça.
—Jen’aijamais…Personnen’ajamaisvumesautrescicatrices,luiavouai-jed’unevoixàpeineaudible.Ellesnesontpastrèsbelles.
—Ellesfontpartiedetoi.Je hochai lentement la tête.Mon cerveaumarchait de nouveau à cent à l’heure. Je le
regardai dans les yeux. Depuis le premier jour, il avait su que je cachais de nombreusescicatricessousmesvêtements.Ill’avaitsuavantdemerencontrer.Jenesavaispascequejeressentaisà l’idéequemamèreetClydeaientconfiécegenredechosesàun inconnu,maisdanstouslescas,j’étaisincapabledeleurenvouloir.J’étaisarrivéeàunecertainesaturationémotionnelle.
—Jeteplaisvraiment.Ilréprimaunsourire.—Cen’estpasnouveau,chérie.Tumeplais,avecousanscicatrice.—Maispourquoi?Cen’étaitpaslapremièrefoisquejeluiposaislaquestion.—Jetel’aidéjàdit.Sesmainsseposèrentsurmataille.J’eneuslesoufflecoupé.—Jecroisqu’ilestgrandtempsquejetelemontre.Jehaussailessourcils.—Quetumelemontres?
—Ouiquejetelemontre.Sesdoigtsremontèrentjusquesousmesaissellesetilmesouleva.Jeserraimabriquette
un peu plus fort. Il me déplaça de façon à me rapprocher de la tête de lit, au milieu dumatelas.Puisilattrapalejusdefruitsetleposasurlatabledenuit.
Alors,ilentrepritdememontreràquelpointjeluiplaisais.
21
Les rayons de soleilmatinal filtraient à travers la grande fenêtre carrée. Je clignai lesyeux.Deslèvresdéposaientdesbaisersardentslelongdemagorge.
Oh,waouh.JesourisavantdehoqueterdeplaisirlorsqueJaxlaissacourirsalangueàunendroit sensible juste sousmonoreille. J’arquai ledos tandisque samainmecaressaitpar-dessusmesvêtements,duventrejusqu’àlacourbedemahanche.
J’aimaiscegenrederéveil.La nuit précédente avait été… orgasmique. Littéralement. Et même si on n’avait pas
beaucoup dormi, je m’étais réveillée en étant très reposée. Je doutais que l’orgasme qu’ilm’avaitdonnéavecsesmainshabilesyétaitpourquoiquecesoit.Non.Lanuitprécédente,ils’était passéquelque chosede spécial.Unpoids s’était envolédemes épaules.Unebarrièrequinousséparaitétaittombée.
J’avaisdumalàycroire.Le plus drôle dans l’histoire, c’était que de son côté, elle n’avait jamais existé. Il avait
toujours su pour l’incendie,mes frères, l’argent, les cicatrices et l’horreur de la situation. Ill’avait su avant deme rencontrer. Et il s’enmoquait. Il ne comprenait pas tout et il ne lecomprendrait sansdoute jamais,maisquand ilavait tentédememontrer cequ’il ressentaitpourmoi à travers ses baisers et ses caresses, j’avais réalisé que ça n’avait pas lamoindreimportance.
MonshortavaitdisparuquelquepartsurlesoldelachambredeJax.Samains’insinuasous le fin élastique de ma culotte pour toucher ma peau nue. Je me mordis la lèvreinférieure.Sonautremaindescenditlelongdemacuissejusqu’àmongenou.Illevamajambeetmeserradavantagecontrelui.
La sensation d’être dos à lui ainsi attisa un feu bien particulier entremes cuisses.Messeinsétaientlourds.Ilnefallutqu’unbaisersensueldesapartdansmoncoupourmerendrehumide.Jedusmefaireviolencepournepasbougerleshanches.
La nuit précédente, Jax n’avait pas… pris de plaisir. Aprèsm’avoir caressée, ilm’avaitserréedans sesbraset çaavait été terminé. Jem’étaisdemandécomment ilpouvait autant
donnersansriendemanderenretour,mais j’avaisété tropperturbéepourposer lamoindrequestion,et jen’avaispaseulecouragedeprendreleschosesenmain.Enthéorie, jesavaisquoifaire,maisj’avaisquandmêmebesoindedirections.
Danstouslescas,aujourd’huiétaitunautrejouretj’allaiscommenceràm’affirmer.Sur-le-champ.Quandjem’allongeaisurledos,Jaxmeregardad’unairendormisupersexy.Sansmelaisser letempsdedireoufairequoiquecesoit, ilm’embrassadoucement,tendrement.Sa légère barbeme chatouilla lorsque je posai lamain sur sa joue. Il se plaça au-dessus demoi,unejambeentrelesmiennes,lacuissepresséecontremoietjesentissonérectioncontremonbas-ventre.Jeprisunegrandeinspiration.
—Bonjour,marmonna-t-ilcontremeslèvresentrouvertes.—Salut.Ileutunsourireencoin.Mon cœur s’emballa pour diverses raisons. D’une part, ses lèvres s’étaient de nouveau
poséessur lesmiennesetcebaiserétaitbeaucoupplusprofondque leprécédent.Sa langueglissait contre la mienne. D’autre part, sa main droite parcourait mon corps et j’avais lasensation que sa destination serait la même que la veille : mes seins. Je me crispai. Maiscontrairementàd’habitude, jemeforçaiàlelaisserfaireetànepasluiattraperlamain.Jesavaisqueçaneserviraitàrien.S’ilvoulaitmetoucher,ilmetoucherait.
Etc’étaitcequ’ilétaitentraindefaire.Ses longs doigts se refermèrent surmon sein gauche. Il pouvait sans doute sentirmes
cicatrices,maislafaçondontilmecaressaitnelaissaitriensoupçonner.Ilseconcentrasurlapointe qui était tellement dure qu’elleme faisaitmal. Jax était doué… tellement doué quemalgrémontee-shirtetmondébardeurilréussissaitàmalaxermontétonentresonpouceetson index d’une délicieuse façon qui créait de petites décharges se répercutant directementplusbas.Jehoquetaicontreses lèvres,arquaiunpeu ledosetne fuspasdéçue lorsqu’il seconcentrasurmonautresein.
— Putain, j’adore tes gémissements, grogna-t-il contre ma bouche. (Il m’embrassaencore.)J’enveuxencore.
Ilentrepritdemefairegémirencoreunefois.Désormais,jen’étaisplusaussigênée,maisj’avais envie de le toucher. Je savais qu’il fallait que j’agisse vite, sinon, sa main allaitdescendreplusausudetjenerépondraisplusderien.
Mesdoigtsquittèrentsanuquepourglissersurlapeaurugueusedesontorse.Pendantuninstant,j’oubliaitout.J’imaginailasensationdenosdeuxcorpscollésl’uncontrel’autresansaucunvêtement.Malheureusement,c’était impossible.Alors, je tâchaidemeconcentrer.Mamaindescenditlelongdesonflancavantdes’attardersursonventreplat.
—Qu’est-cequetufais?medemanda-t-ild’unevoixvoiléeparledésir.—Rien…
Jax se souleva de façon à mettre de l’espace entre nous. La façon dont ses abdos secontractèrentmemitl’eauàlabouche.Ilhaussaunsourcil.
—Rien?Jesecouai latêteetmemordis la lèvrependantque jetraçaissonnombrilduboutdes
doigts,puis jouaisavec l’élastiquedesonboxer. Jeprisunegrande inspirationetglissaimamaindessous.
Ilm’attrapaparlepoignet.—Tuveuxmetoucher?Lerougememontaauxjouesetunechaleurdifférentes’insinuadansmesveines.—Oui.(Jem’obligeaià leregarderdans lesyeux.)Jeveuxtedonner…cequetum’as
donné.Ledésirquejelusdanssonregardmefitfrissonnerd’anticipation.—J’enaienvie,moiaussi.(Ilbaissalatêtepourm’embrasserbrièvement.)Onvapasser
unmarché.—Unmarché?Seslèvresdéposèrentdesbaiserslelongdemamâchoire.—Oui.Unmarché.Tupeuxmetoucher…Ilbougealégèrementmamainetjesentisdespoilscourtsetrêchessousmapaume.—Maistudoisd’abordretirertontee-shirt.—Montee-shirt?Ilm’embrassasurlatempe.—Oui.Tontee-shirt.Ilfautquetul’enlèves.Moncœurs’emballaetjemecrispai.Sij’enlevaismontee-shirt,jenemeretrouveraispas
nue.J’avaisundébardeurendessous.MaisJaxpourraitvoir lescicatricessur lehautdemapoitrineetdansmondos,etmêmesij’étaisallongéesurledos…
—Jeveuxquetumetouches,medit-il.(Jefrissonnaiencore.)J’enmeursd’envie.Ettoiaussi.(Sesdentseffleurèrentlelobedemonoreille.)Justeletee-shirt.
J’ignoraissij’enétaiscapable,maisjehochaitoutdemêmelatêteavantdemurmurer:—D’accord.Jaxréagitvite.Ilmerepoussalégèrementetattrapalebasdemontee-shirtd’unemain.
L’autresefaufilasousmoipourmesouleverjusteassezpourmeretirerlevêtement.Enmoinsd’uneseconde,ilavaitdisparu.
Les yeux écarquillés, le cœur battant, je restai allongée là. Il croisamon regard tandisqu’ilfaisaittomberlevêtementparterre,puissesyeuxexaminèrentmonvisage,magorgeetle reste. Il observaunpeuplus longtempsmapoitrine, à tel point qu’une certainepeurmenoualeventre.Jefisminedemecacherderrièremesbras.
—Tun’aspasintérêt,meprévint-ild’unevoixdouce.Tun’asrienàcacher.
Il passa lamain surmes seins etmon cœur se serra. Je compris alors ce qu’il était entrainderegarder.Cen’étaitpas l’étenduedepeauentremesseins,ni l’entailleau-dessusdemonseingauche.
C’étaitautrechose.La pointe demes seins avait durci. On ne voyait que ça à travers le tissu fin demon
débardeur.Jenesavaispassijedevaisenrireouenpleurer.Ilmeregardadenouveaudanslesyeuxetbaissalatête.
Saboucheseposad’abordentremesseins,oùildéposaunbaiser,avantdes’attaqueràmesmamelons.Illesembrassaégalement,àtraversletissu,avantdesemettreàmesucer.Lamyriadedesensationmefitarquerledos.
MonDieu.Jen’avaisjamaisrienressentidetel.—Tuaimesça?medemanda-t-il.—Oui,soufflai-jeenhaletant.Ilrépétal’opérationsurmonautreseinetcefuttoutaussiincroyable.Lorsquesesmains
vinrentrejoindreses lèvres, j’eusdumalà respirer. J’enavaispresqueoublié la raisonpourlaquellej’avaisretirémontee-shirt.Jen’auraisjamaiscruquej’étaisaussisensible.
Puisilrelevalatêteetremplitsapartdumarchéavecefficacité.Ilpassalesdoigtssousl’élastiquedesonboxeretlefitglissersurseshanches.
C’étaitlapremièrefoisquejelevoyaisnud’aussiprès.Waouh.Çaaussi,c’étaitgénial.Jaxétait…Jel’observaidanstoutesalongueuretsonépaisseur.Etjenesavaispasquoi
dire.—Çanemedérangepasquetumeregardes,maissitucontinues,tun’aurasmêmepas
besoindemetoucher.—Non?Jerelevailesyeuxverslui.Ilsourit.—Si.—L’idéemeplaît,avouai-je.Ilyeutunepause,puisils’esclaffa,latêterejetéeenarrière.—Çanem’étonnepas.Avantdemedégonfler,jetendislamainversluietleprisentremesdoigts.Sonrirese
transformaengémissementetseshanchessesoulevèrentenréponseàmacaresse.Jen’euspasàdevinercequ’ilaimaitcarilposalamainsurlamienneetmeguidadans
lerythmeetlapressionàappliquer.Ilpassamêmemonpouceau-dessusdesonglandetvuela façondont ilm’embrassaaprès,profondément, jecomprisqu’ilaimaitça.Alors,aprèsunnouveauva-et-vient,jerecommençai.
—Putain,grogna-t-il,levisageenfouidansmoncou.L’embrasser,lelécher,letoucherfaisaitmontermonpropredésir.Aussi,quandilglissa
unemainentrenous,j’écartailesjambestoutencontinuantcequej’étaisentraindefaire.—MonDieu.Ilbaissa légèrementmaculotteettoutàcoupsesdoigtsmepénétrèrent.Aucontactde
sapeaucontrelamienne,jenepusm’empêcherdecrier.Enm’entendantprononcersonnom,illaissaéchapperunautre«putain.»
Il retira samain etme souleva les hanches pour retirermon sous-vêtement. Le soufflecourt,jeresserraimaprisesurlui.J’ouvrislesyeux.Ledésirenflammaitmonventre.
Cequejevisalorsmefitl’effetd’unebombe.Mamainl’entourait.Ilétaitrose,épaisetdur.Mais,surtout,maculotteétaitbaisséesurmescuisses,presqueauniveaudemesgenoux,etsamainétaitpositionnéeentremesjambes.
Il glissa un doigt en moi et la réaction de mon corps fut immédiate. Mes hanches sesoulevèrent,pendantquejerejetailatêteenarrière.
—Calla,bébé,tuestellementétroite,marmonna-t-il.Étant donné qu’il avait du mal à parler, je supposais que c’était une bonne chose. Il
bougeaitlentement,beaucouppluslentementquemoietavecplusd’application.Toutàcoup,jemeretrouvaiincapabledefairequoiquecesoit.Laraisonétaitsimple:sondoigtallaitetvenaitdeplusenplusvite.
—Jecroisquetuaimesça.—Je…Jenesavaispasquoidire,maisj’avaisenviedeplus.J’avaisenviedelui.Sondoigtétait
trèsbien,maisj’avaisbesoind’autrechose.Jeneprismêmepaslapeinederéfléchiràcequej’étaisentraindedire.
—J’aienviedetoi.—Jesais.Jeplissai les yeuxet il rit tandisquemaprise se refermaitunpeuplus fort sur lui. Je
pouvaissentirsonpoulscontremapaume.—Jeveuxça,luidis-jedansunmurmurerauque.Jeveuxçaenmoi.Seshanchessesoulevèrentetlesongravequis’échappadesagorgemefitfrissonner.Il
posa alors son front contre le mien et le baiser que l’on partagea fut différent de tous lesautres : tendre, bouleversant. Lorsqu’il se fit plus sensuel, Jax ajouta un deuxième doigt aupremier.
—Oh,monDieu,hoquetai-jecontresabouche.—Crois-moi, je feraisn’importequoipourêtreen toi. Le simple faitd’ypenser…(Ses
mouvementsétaientlents,commepourapprécierchaquenuance.)Maisilfautd’abordquetuenlèvesça.
Àcesmots,monesprits’éclaircit.
—Mondébardeur?—Oui,bébé.Ilfautquetul’enlèves.Salanguetraçalecontourdemeslèvres.—Tuesprêteàlefaire?OK. Certaines choses avaient changé, mais il ne fallait pas exagérer. D’autres ne
changeraientjamais.Mêmesij’avaisacceptéderetirermontee-shirt,ilétaithorsdequestionquejeretireaussimondébardeur.
—Non,murmurai-je.—C’estcequejepensais.(Ildéposaunbaisersurleboutdemonnez.)Maisilfautque
tucomprennesunechose,chérie.Jenepénétreraispasentoitantquel’onneserapaspeaucontrepeau.
Les battements de mon cœur s’emballèrent. Je lui adressai un regard qui voulaitclairement dire : « Ça, on verra ! » Il se contenta de rire et de capturermes lèvres en unbaiserfiévreux.Samainglissadenouveauentremesjambesetsonpoucecaressalapartiedemon corps la plus sensible. En un rien de temps, jememis à bouger les hanches selon lerythmequ’ilm’imposait,puis lemien.Ilmedonnatoutleplaisirqu’ilpouvaitavecsesdeuxdoigtsquiallaientetvenaientenmoietsonpoucesurmonclitoris.
— C’est ça, dit-il contre ma bouche. (Il m’embrassa intensément tandis que le plaisirgrandissaitenmoi.)Baisemamain.
Dansunetoutautresituation,sesparolesm’auraientprobablementfaitmourirdehonte.Ceseraitd’ailleurssansdoutelecasplustard,maisàcemoment-là,jen’enavaisrienàfaire.J’ondulai des hanches contre samain, tout en continuant de le caresser. Je ne reçus qu’unfaibleavertissement,unelégèrepalpitation,avantd’êtresecouéeparl’orgasme,etjecriaisonnom. Il ne s’arrêta pas pour autant, prolongeant la sensation jusqu’à rendre mes jambestremblantes.
Puis il retiradoucement sesdoigtsdemon sexeet lesposa sur lesmiens. Je l’observaialors,jenousobservai,avecdesyeuxvoilés.Ilyavaitquelquechosed’incroyablementintimedanscegeste,quelquechosequimetouchaitauplusprofonddemonêtre.Soncorpsbougeaitavecunegrâcemagnifiqueetmasculine.Lesmusclesdeseshanchesondulaienttandisqu’illessoulevaitenrythme.
Quandl’orgasmelefrappa,ilposaleslèvressurlesmiennesetc’estsansdoutelapartieque je préférai : sentir les frissons qui le parcouraient, avaler son gémissement de plaisir,sentir ses mouvements ralentir. Mais, le plus exceptionnel fut les quelques minutes quisuivirent.
Jaxrestaallongésurmoipendantunlongmoment.Sesbaisersretrouvèrentunecertainedouceur,unetendressepleinedesens,etcesentimentquigrandissaitenmois’installapourdebondansmoncœur.Lorsqu’ilseredressa,ilsedirigea,nu,danslasalledebainsetrevint
avecunganthumide.Ilessuyalamoindretracedenotrejouissance,puisremontamaculotteàsaplace.Saufque,apparemment,iln’enavaitpasterminéavecmoi.
Ilmesaisitpar lespoignetsetme forçaàm’asseoir. Jemerappelai trop tardquedanscetteposition,mondosétaitdécouvertetqueJaxpouvaitvoir toutceque ledébardeurnecachaitpas.
Un sentiment de panique me prit soudain au ventre. Je voulus m’enfouir sous lescouvertures,maisJaxfutplusrapide.Ilétaitmalin,cepetitcon.Ilsepositionnaderrièremoiet s’adossa à la tête de lit. Puis il passa les bras autour dema taille etme plaça entre sesjambesécartées.Mondosétaitcarrémentcolléàsontorse.
Jesavaisqu’ilpouvaitsentir lapeauabîméedemescicatricessurmesomoplatesparcequeledébardeurétaitéchancréàl’arrière.Jesavaisaussiqu’ilslesavaientvuesavantdemeserrercontrelui.Peut-êtrepaslongtemps,maisc’étaitbienassez.
Crispée, jeme concentrai sur la fenêtre de l’autre côté de la pièce. Il arrangea un peumieuxsesbrasautourdemoietposalementonsurmonépaule.
—Jet’airacontémarencontreavecClyde?medemanda-t-il.Jesecouailatête.—Non,murmurai-je.— C’était un dimanche. Au bar. Il m’a préparé des tacos. (Il s’interrompit et son rire
résonnaàmesoreilles.)Ilm’aditquesijecomptaisfairepartiedelafamille,ilfallaitquejemeplieauxtraditions.
Jeprisunegrandeinspirationetsentisunnouveaupoidsquittermesépaules.
Plus tarddans la journée, Jaxétait sous ladouche. Il allaitme ramener chezmoipourquejepuissemepréparerpournotrerendez-vous.
Notrerendez-vous.Waouh.Çamefaisaitbizarredesortiravectoutcequisepassaitautourdemoi,maisJaxtenait
absolumentàprofiterdumomentprésent,alorscen’étaitpassurprenantdesapart.Etpuis,malgrélafoliedelasituationetmescomplexes,j’avaisunbonpressentimentàproposdecerendez-vous.Àproposdelajournée.Àproposdenous.
Commeilétaitoccupé,j’essayaid’appelerTeresa.Elleréponditàlatroisièmesonnerieetçamefitsuperplaisir.
—Salut!s’écria-t-elledanslecombiné.Justement,jepensaisàtoi!Jem’assisaubordducanapédeJax.—Ahoui?—Ouais!Jemedemandaissitutravaillaistoujoursaubaretsitucomptaisêtrenotre
barmaidpersoàtonretouràShepherdstown.Jeris.—Jenesuispassûrequecesoitunebonneidée.Laplupartdesgenscommandentune
pression,unebouteilleoudesshots. Ilvautmieux,d’ailleurs.Jenesuispastrèsdouéepourlescocktails.
—Jen’arrivetoujourspasàcroirequetutravaillesdansunbar.Il y avait beaucoup de choses qu’elle n’arriverait pas à croire à mon sujet si elle les
apprenait.—Etlaplage,alors?demandai-je.Jel’entendissoupirer.—C’estgénial.J’aiunsuperbronzageetJacks’amusecommeunfou.C’est lapremière
foisqu’ilvoitlamer.JackétaitlepetitfrèredeJase.Ilsétaienttrèsproches,touslesdeux.— Si tu les voyais s’amuser dans le sable ! Il n’y a rien de tel qu’un beau gosse qui
s’occuped’unenfantpourréveillertesovaires,dit-elle.Je souris en imaginant Jax avec un enfant. Effectivement, à cette pensée, je sentis un
frissonaubasdemonventre.— Bref, continua-t-elle. On rentre dans deux jours. Mais si ça ne tenait qu’à moi, je
pourraistrèsbienrestervivreici.Ilallaitfalloirquejemebougelesfessesetquej’ailleàlaplage,moiaussi.—Alors,raconte-moi.CommentçasepassedanslegrandÉtatdePennsylvanie?Toutva
bien?—Euh,oui,toutva…Toutvapourlemieux,luirépondis-jeenjetantuncoupd’œilvers
lesescaliers.Je,euh…J’airencontréunmec.Ilyeutunblanc.Quiduratrèslongtemps.Jefronçailessourcils.—Tuestoujourslà?—Oui.Oui!Jesuisétonnée,c’esttout.Tuespasséedu«toutvapourlemieux»à«j’ai
rencontréunmec»,etducoup,j’attendaisdesdétails.(Ellecriapresquelederniermot.)Jeveuxtoutsavoir!
Après avoir vérifié encore une fois que j’étais seule, je lui parlai de Jax et de notrerendez-vousdecesoir.Jeterminaimaconfessionimpromptueavecun:
—Alors,oui,jesuisquasimentsûrequejeluiplais.—Bien sûr que tu lui plais. C’est une évidence. Le resto s’appelleL’Appolo’s, c’est ça ?
Attends une minute, me dit-elle avant de s’éloigner du combiné. Jase ! Tu peux chercherL’Appolo’s,prèsdePhiladelphie?Allez,s’ilteplaît!
Oh,monDieu.—Bref.Qu’est-cequ’ondisait?Ahoui.Pourquoiçat’étonnequetuluiplaises?Brandon
s’intéressaitàtoi,luiaussi,maistu…—Quoi?lacoupai-je.Pasdutout!
—Mais si ! C’était trop mignon. Quand il a commencé à traîner avec nous, tu étaistoujourssupertimideetlui,iln’arrêtaitpasdeteregarder.Maisaprès,tun’asplusvraimentfaitattentionàlui,alorsj’aicruquejem’étaistrompéeetqu’ilneteplaisaitpastantqueça.
Qu’est-cequ’elleavaitfumé?—Tuasenviedesortiraveclui?medemanda-t-ellesoudain.ParcequeJaseacherchéle
restoet…Jaseteditbonjour,aufait.—Bonjour,marmonnai-jeàmontour.— Elle te dit bonjour aussi ! cria-t-elle, avant de reprendre. Bref, d’après lui, c’est un
restoplutôtclasse.Qu’est-cequeturessenspourlui,Calla?Jefermailesyeux.—Jel’aimebeaucoup.Vraimentbeaucoup.— Génial. J’ai hâte de le rencontrer. Et de te voir, bien sûr… Mais je suis vraiment
curieuse de le connaître. (Elle gloussa tandis que je riais aussi.) Je suis heureuse pour toi.Sincèrement.
Jesoupiraiavantdeluiadmettrequelquechosequimefaisaitpeur.—Jesuisheureuse,moiaussi.Je raccrochai après lui avoir promis de lui raconter les détails plus tard. Ce n’est que
lorsque je recoiffai mes cheveux derrière mon oreille que je la sentis. La sensation que jen’étaispasseule.
Oh,non.Jememordislalèvreinférieureetmeretournai.Jaxsetenaitaubasdel’escalier,habillé
pournotrerendez-vous:jeanfoncéetchemiseblanche.Ilétaittrèsbeau.Ilavaitaussiunpetitsouriresatisfaitauxlèvres.—Alorscommeça,tum’aimesbeaucoup?Vraimentbeaucoup?Lerougeauxjoues,jegrognai.—Laferme.Jaxs’esclaffa,latêterejetéeenarrière.Ilavaitdelachanced’avoirunaussijolirire.
Un peu de gloss sur les lèvres et j’étais presque prête. Heureusement, parce quemon
ventregargouillait.J’espéraisqueJaxaimaitlesfillesavecunbonappétitparcequej’avaislesentimentquej’allaismegoinfrer.
Mes cheveux étaient coiffés sur le côté, légèrement ondulés. J’avais de nouveau faitl’impassesurlefonddeteintetmisésurunmaquillagesmoky.
Laroben’avaitpasétédifficileàtrouverpuisquej’avaisdûemportertoutesmesaffairesavecmoi. Celle-ci était mignonne et parfaite pour un rendez-vous. Elle était bleu foncé etresserréeauniveaudelapoitrineetdelataille.Ellememoulaitégalementleshanches,maisla jupe légère et fluide m’arrivait au-dessus des genoux. Je l’avais accessoirisée avec dessandalesàtalonsbaset,pourlatouchefinale,uncardiganbleulayetteàmanchesbouffantes,prèsducorps,quidescendaitjusquesousmesseins.
Enmeregardantdanslemiroir,jedevaisadmettrequej’étaisplutôtpasmal.Jeme fis un signede la tête commeunedébile, puisme rendisdans le salond’unpas
décidé.Pendantquejem’étaispréparée,Jaxavaiterrédanslamaisonavantdesedécideràs’installersurlecanapéavecsonlivre.
Jene levoyaisquedeprofil.Lementonbaissé, l’airconcentré, ilétaitvraimentsexy…Maisillefutencorepluslorsqu’ilrelevalatêteversmoi.
—Jesuisprête,luidis-je,avantd’ajouter:pourallermanger.Cettefois,c’étaitofficiel.J’étaisvraimentdébile.Sesyeuxs’obscurcirent.Unecertaineintensités’endégagea.Enl’espaced’uneseconde,il
selevaetseretrouvadevantmoi.Ilposaunemainsurmanuque,l’autresurmajoue.Quandsonpoucecaressamalèvreinférieure,monestomacfitunsaltoarrière.
—Tuesmagnifique,medit-il.Enentendantsesmots,j’avaisvraimentl’impressiondel’être.—Merci.Tuesmagnifiqueaussi.Ilhaussaunsourcilbrun.Argh.—Magnifique,danslesensmasculinduterme,corrigeai-je,maisçameparaissaitencore
plusstupide.Bon,d’accord,mauvaischoixdemot.Tuestrèssexy.Avecunlégerrire, ilserapprochadavantageeteffleura lecontourdemapommettede
seslèvres.Puisilembrassadenouveaumacicatrice.Jemecrispai,maispluspourlesmêmesraisons.Sabouches’étaitposéejustesousmonoreille.
—Jesuissexyettum’aimesbeaucoup,murmura-t-il.C’estmonjourdechance.—Laferme.Il eut un rire rauque, et ses lèvres capturèrent lesmiennes. J’aimais, non, j’adorais les
baisersdeJax.Ilscommençaientdoucement,puissetransformaientenquelquechosedetrèsdifférent… plus profond, plus fougueux. Sans que je me rende compte, mes mainsremontèrentlelongdesontorsejusqu’àsesépaules.
—Leresto.Ilm’embrassaencoreunefois,seslèvress’attardantsurlesmiennesdelaplustendredes
façons.—Onvaêtreenretard.J’enfonçai les doigts dans sa chemise, comme pour le retenir, et il neme laissa pas le
tempsde lui répondre. Il continuadem’embrasser. J’avais l’impression qu’il essayait demedévorer.
—Leresto,répéta-t-iltoutcontremoi.J’airéservé.Mesmainsredescendirentverssontorse.Jerelevailatêteetouvrislesyeux.—Oui.Allonsmanger.—Dusteak,dit-ilenmeserrantunpeuplusfort.Dutrèsbonsteak.
Monventregargouillaetiléclataderire.Jemelibéraidesonétreinte.—Laferme,luidis-je.—C’estmignon.Ilposalesmainssurmeshanchespourm’empêcherdem’éloigner.Jelevailesyeuxauciel.—J’aifaim,c’esttout.Iln’yariendemignonlà-dedans.Alors,sionne…Ungrand fracasm’interrompit.Quelque choseavait frappé laported’entrée. Je ravalai
uncrideterreuretmeretournaivivement.—Qu’est-cequec’était?Jaxsedirigeaitdéjàverslaportelorsqu’onentenditunevoituredémarrerentrombe.Le
cœurauborddeslèvres,jelesuivis.—Restelà,m’ordonna-t-ilenarrivantàl’entrée.Jenel’écoutaipas.Lesépaulestendues,ildéverrouillalaporteetl’ouvritàlavolée.Horrifiéeparlespectaclequis’offraitàmoi,jeplaquaiunemaincontremaboucheetfis
un pas en arrière. Jax jura et se retourna demanière à cacher le cadeau qu’on nous avaitlaissésurleperron,maisilétaittroptard.L’imagedececorpssansvie,blanccommelamort,avecunpetittrourougeaumilieudufrontétaitgravéeàjamaisdansmonesprit.
22
OnannulaledîneràL’Appolo’s.Trouveruncadavresurlepasdesaporte,littéralement,n’étaitpastrèsromantique.Ily
était toujours, d’ailleurs, pile à l’endroit où il avait été balancé, pendant que la policerassemblaitdesindices.
Lecorpsavaitunnom.Unnomquimefaisaitfrissonnerdepeuretd’horreur.Ils’agissaitdeRonaldR.Miller,aussiconnusouslenomdeLeCoq.Ilétaitcenséêtrele
petitamidemamère.Autantdirequeçanemeplaisaitpasdutout.Le Coq avait pris une balle dans la tête. J’avais entendu Reece parler avec un autre
policier.Apparemment,LeCoqavaitdestachesd’herbesurlesgenoux.IlnefallaitpasavoirfaitSciencespopourcomprendrequ’ilavaitétéàgenouxlorsquesonmeurtrieravaitappuyésurladétente.
Ungrandclassique.Où étaitmamère ? Je ne cessais deme poser la question. Tout lemondem’avait dit
qu’elles’étaitenfuieavecLeCoq.Lemêmehommequiavaitdésormaisuneballedanslatête.Je frissonnai et me tournai vers Jax. Il se tenait près de la porte, le dos tendu et la
mâchoireserrée.Iln’avaitpasditgrand-chosedepuisqu’onavaitdécouvertlecorps.Onavaitdéjàdonnénotredéposition,maiselleavaitétébienmaigre.
Clydes’approchademoietmepritlamain.—Çava,mapoupée?Jehochailatête.Ilétaitarrivéenvironuneheureaprèslapolice.J’ignoraiscommentil
avaitdécouvertcequis’étaitpassé,maisilavaitdébarquéavecsavieillecamionnetteetavaitexigéd’entrerdanslamaisonpouraidersa«poupée»àsurmonterce«traumatisme»,quecen’était«pasnormal»etpleind’autresexcusesrempliesdegrosmots.Lespoliciersn’avaientpas voulu le laisser passer et c’était compréhensible, mais ils en avaient eu marre de
l’entendre crier et il avait réussi à se faufiler par la porte de derrière, qui donnait sur lacuisine.
—D’après toi, combiende tempsest-cequeçavaprendrepour…? (Jem’interrompis,l’estomacnoué.)Pourl’emmener?
—Paslongtemps,réponditClyded’unevoixrauque.Ceserabientôtfini.Quandjemetournaiverslui,jeremarquaiquesoncrânechauvebrillaitdesueur.Jax se détourna de la fenêtre et vint nous rejoindre. Il ne dit rien. Il se contenta de
s’appuyer contre l’accoudoir du canapé sur lequel nous étions assis. Une seconde plus tard,j’entendis laported’entrées’ouvriretReeceentraavecun inspecteur. Ilportaitunpantalondroit couleur sable,unechemiseblanchecommecelledeJaxetunecravateenaccordavecsonpantalon.
Jene saispaspourquoi,mais je repensaià cequeRoxym’avait racontéàproposde lafusillade dans laquelle Reece avait été impliqué. Je n’avais vraiment pas envie d’y penser,mais jeme demandai si ça le perturbait de voir Le Coq… comme ça. Ou pas, d’ailleurs. Ilassistaitsansdoutesouventàcegenredespectacle.
J’enavaispresqueoublié lenomde l’inspecteur. Il n’étaitpasbeaucoupplus vieuxquenous,findelavingtaine,débuttrentaine.Etavecsescheveuxbrunsbiencoupésetsesyeuxbleuclair,ilétaitcharmant,trèscharmantmême.
—Onembarqueletout,dit-ilennousobservanttouslestrois.Onaplusieurssuspects.Ontrouveralecoupable.
Jehochailatête.—D’accord.Euh.Merci?Ilréprimaunsourire.—Aufait,l’agentAndersm’aditquevousétiezàlarecherchedeMmeFritz…L’agentAnders?Jerestaiperplexeuninstantavantdecomprendrequ’ilparlaitdeReece.
Jeleregardaiavantderevenirversl’inspecteurAnders.Attendezuneminute…—Vousêtesdelamêmefamille?—Ilssontfrères,réponditJax.—Jesuisleplusbeaudesdeux,ajoutaReece,toutsourire.L’inspecteurregardasonpetitfrère(c’étaitflagrantmaintenantquejelesavais)dehaut.—Maispasleplusintelligent.Desfrèresflics.C’étaitsexy.Soupir.J’avaisvraimentbesoind’allervoirunpsy.—Bref,repritl’inspecteur.Ilm’aditquevousessayiezderetrouvertamèreetquevous
avezrencontréquelquesproblèmeshier,enville.Jesuisaucourantdecequisepasse.Jaxplissalesyeuxetjemesentismal.Silapoliceétaitaufaitdelasituation,mamère
allaitavoirdesennuis.Etdesgros.
Reecesoutintsonregardd’unairquivoulaitclairementdire:«désolé,monpote.J’étaisobligé.»
—IlestaucourantpourMack.Cetteraclureestenhautdenotrelistedesuspects.—Detouteévidence,c’étaitunavertissementdestinéàCalla,ditJaxd’untonsec.Mais
cen’estpaslogique.SiMackatrouvéLeCoq,pourquoin’a-t-ilpastrouvéMona?—LeCoq apeut-êtredécidéde s’éloignerde toutes ces histoires, répondit l’inspecteur
Andersencroisantlesbrassursontorse.Peut-êtrequ’ilestrevenuetsivos…sourcesdisentlavérité,s’ilestrevenusansladrogue,nilasommeéquivalente,l’accueiln’apasdûêtretrèschaleureux.
Ils’étaitprisuneballedanslatête.Mamèren’avaitpasladrogue.Etellen’avaitpasnonplusl’argent.
C’était sûrement l’œuvredeMack.CommeRitcheynous l’avaitdit, toutescesconneriesl’avaientmisdanslamerde.
—Onestaussiàlarecherchedel’hommequetuasdécrit.Celuiquis’estintroduiticietquiapris ladrogue.Onleretrouvera,dit l’inspecteur.Enattendant,arrêtezdemenervotreenquête de votre côté. Laissez-nous faire notre travail. On ne veut plus que vous soyezconfrontésàcegenredepersonnes.
Jen’enavaispaslamoindreenvienonplus,maisilnemerestaitquequelquesjourspourretrouvermamère. Je ne répondis pas car je n’avais pas envie de les entendreme faire lamoralealorsquejenepouvaispasfaireautrement.
Nousavionsunepiste.Ike.Etàmaconnaissance,Jaxn’avaitpasencoreparlédeluiàlapolice,niàReece.Unautre
agentpassalatêteparlaporteetannonçaqueleperronavaitéténettoyé.Jelaissaiéchapperun soupirde soulagement. Jax suivitReece et songrand frère à l’extérieur. La conversationétaitclose.
Clydesepassaunemainsurletorse.—Quelmerdier!Jesoupirai.—Jesais.Maman…Tucroisqu’elleaconsciencedelasituation?Clydehochalatête.—Jecroisqueoui.Etsielleaunpeudejugeote,elleestsansdouteauMexiquedepuis
longtemps.J’avaisdumalàaccepterqu’ellepuissedéménageraussiloinsansmelaisserlachancede
la revoir, mais Clyde avait raison : c’était sans doute mieux ainsi. Elle ne pourrait jamaisrevenirhabiterici.
—Siellenerevientpas…queva-t-ilarriveraubar?demandai-je.
Me concentrer sur des choses triviales me permettait d’oublier un instant la folieambiante.Jesavaisquelebarmereviendraitsi…elledécédait,maisj’ignoraiscommentcelafonctionnaitsielledisparaissait.
— Ne t’inquiète pas pour ça, ma poupée. (Il se leva tant bien que mal. Son torse sesoulevaitaurythmedesarespirationhaletante.)Lebarirabien.
Jefronçailessourcils.—Çava?—Maisoui.Paslapeinedet’inquiéterpourmoi.Jen’enétaispassisûre,maisleretourdeJax,sanslescharmantsfrèresflics,m’empêcha
decontinuer.Ilsedirigeadroitsurmoi,mepritlamainetm’aidaàmelever.—Ons’enva?medemanda-t-il.Jehochailatête.Jen’avaispaslamoindreenviederesterdanscettemaison.Clyde s’approcha de moi et m’enveloppa dans une énorme étreinte alors que Jax me
tenaittoujourslamain.—Jepréfèrequetunerestespasici.C’estmieux.Vraiment.Ilmelibéra.Jen’avaispasenviedelequitter.—Toutvabiensepasser,luidis-jeparcequej’avaisbesoindel’entendreàvoixhaute.IlmesouritàpleinesdentsavantderegarderJax.—Oui,mapoupée,toutvabiensepasser.Après le départ deClyde, je récupérai des vêtements et des affaires pour les emmener
chez Jax. J’eus beaucoup de mal à passer la porte sans imaginer le cadavre qui avait étéallongésurleperron.
Unefoisdanslavoiture,Jaxsetournaversmoi.—Çava?J’yréfléchisuninstant.—Autantquefairesepeut.Un léger sourire étira ses lèvres et il tendit la main vers moi pour caresser ma lèvre
inférieureavecsonpouce.—CequisepasseavecLeCoqetMack,etavectamèreestterrible.Tuasledroitd’être
encolère.—Jesais,murmurai-je.Ileutunsourireencoin.—Jetel’aidéjàdit,mais…tuasbeaucoupdecourage.Unedoucechaleurs’insinuadansmapoitrineetaulieuderefuser lecompliment, je lui
rendissonsourire.—Onpeuts’arrêterencheminpouracheteruntrucàmanger?—Toutcequetuvoudras,bébé.J’aimaisbeaucoupcetteidée.Vraimentbeaucoup.
Comme il était trop tardpourdînerdansunvrai restaurant, on se rabattit surun fast-food. De toute façon, au point où j’en étais, j’aurais pumanger un cheval. Alors, je nemeplaignis pas quand il s’arrêta dans un établissement qui ne servait que des hamburgers. Cen’étaientpaslesmeilleurssteaksdel’État,maisçaferaitl’affaire.
Lerestedu trajet jusqu’àchez lui se fitensilence.Le repas,unpeuprécipité,aussi.Cen’estqu’aprèsavoirnettoyé,pendantque j’étaisen trainde jetermongobeletà lapoubelle,quejemerendiscomptequ’ilfallaitqu’onenparle.
Oudumoins,quej’enavaisbesoin.—Tucroisquemamèreestensécurité?demandai-je.Jaxétaitassisàlatabledevantlaportequimenaitàunepetiteterrasseetàunjardinde
latailled’untimbre-poste.Iltournalatêteversmoi,lementonrentré.—Jenesaispas.Jefermailesyeux,envahieparl’émotion.—Çaneme faitpasplaisirde tedirecegenredechoses,mais jepréfèreêtrehonnête
avectoi.—Etj’apprécietafranchise.—Jelesais,dit-il.(Jesentaisqu’ils’étaitrapproché.Quandj’ouvrislesyeux,ilsetenait
devantmoi.) Si Le Coq a pris ses jambes à son cou, c’est qu’il a compris que ça sentait leroussi.Çaveutaussidirequetamèreesttoujoursquelquepart,là-dehors.
Parcequ’ellen’avaitpasreçuuneballedanslatête,commelui.—Maisçan’annonceriendebon,termina-t-il.Clydem’avaitplusoumoinsditlamêmechose.—Elle ne pourra jamais arranger les choses.Même siMack est arrêté pour ce qui est
arrivéauCoq,ilresteratoujoursIsaiah.Ungrospaquetdedrogueetdefricestenjeu.Iln’yapasdesolution.
—Non.Iln’yenaaucune.Unebouleseformadansmagorge.—Elleavraimenttouchélefond,cettefois.Onnepeutrienyfaire.Onnepourrajamais
rienfaire.Ellem’aimpliquéedanscettehistoirecontremongréettoiavec.Jesuisvraimentdésolée.Tun’auraispasdûsubirça.
—Chérie,dit-ild’unevoixdouceenprenantmonvisageentresesmains.(Ilmerelevalatête.)Cen’estpastafaute.Sache-le.Tun’aspasbesoindet’excuser.Tun’asriendemandé,nimanigancépourenarriverlà.
Il disait la vérité, pourtant je ne pouvaism’empêcher deme sentir responsable. Aprèstout, ils’agissaitdemamère.Jeposai lesmainssurseshancheset fisquelquechoseque jen’avaisjamaisfait:jemeblottiscontrelui,latêteposéesursontorse.
—Qu’est-cequ’onvafaire?
C’étaitunequestionimportanteetdifficileàformulerparceque,pourlapremièrefois,jen’avaispasl’intentiond’agirseule.Pourlapremièrefois,ilyavaitun«nous.»Lepasenavantétaiténorme.Terrifiant,même.
Jaxrefermasesbrassurmoi.—Ilfautqu’onailleparleràIke.Sionarriveàtrouvertamère…—Qu’est-cequ’onfera?demandai-je.Onnepeutpaslaleurlivrer.Onavucequ’ilsont
faitauCoq.—Jen’étaispasentraindesuggérerdelaleurlivrer,chérie.Ilfautd’abordlaretrouver,
s’assurer qu’elle comprend bien dans quelmerdier elle s’est fourrée et après… eh bien, onavisera.
Engros, il fallait lui fairecomprendrequeleschancespourqu’elleremette lespiedsenPennsylvaniesanssefairetireràvueétaientfaibles.
—EtMack,danstoutça?—Ilnet’approcherapas.(Jaxreculapourmeregarderdanslesyeux.)Tupeuxmefaire
confiance.Isaiahnonplus.J’avais envie de le croire, et c’était presque le cas, parce que le ton de sa voix laissait
sous-entendrequ’ilavaitlecontrôlesurcegenredechoses.Ilposasonfrontcontrelemien.—C’estnul,pourleresto.Jeréprimaiunsourire.—Ouais,répondis-jed’unevoixunpeucassée.J’avaisvraimenthâtedegoûteràcesteak.—Onpeuttoujoursyallerdemain.Oudimancheprochain.Je fermai les yeux. J’aimais l’idée de faire des projets lointains. Ce n’était peut-être
qu’unesemaine,maispourmoi,unesemaine,c’étaitlong.Laphrasesuivantem’échappasansquejecomprennepourquoi.—C’estladeuxièmefoisquejevoisuncadavre.—Bébé…—Jeneparlepasdemesfrères.Leurscercueilsétaientfermésetjen’aipas…Jen’étais
pas là quand ils les ont sortis de lamaison.Mais j’ai déjà vu un cadavre. (Jemarquai unepauseetprisuneinspirationtremblante.)Plusieurspersonnesétaientvenuesfairelafêtechezmamère.L’hommeenquestionafaituneoverdose,ouuntrucdanslegenre,maislesautresétaient trop défoncés pour s’en rendre compte. Quand je suis entrée dans le salon, il étaitallongésurleventre.Ilnebougeaitplus.Ilnerespiraitplusnonplus.
JesentislapoitrinedeJaxsegonflercontrelamienne.—Merde.Jenesaispasquoitedire,bébé.Tun’auraisjamaisdûvoircegenredechoses.—Jen’aipasenviedevoird’autrescadavres.Lesilenceretomba.
—Onnes’yhabituejamais,admit-il.J’enaivuénormémentdanslebacàsable.Dansledésert. Il s’agissait parfois d’ennemis. Parfois, des civils innocents pris entre deux feux. Etparfois…
—Etparfois,c’étaienttesamis?demandai-jeavecdouceur.—Oui,répondit-il.Jen’aioubliéaucundeleursvisages.Jememordis violemment la lèvre. Je comprenais tout à fait cequ’ilmedisait. Il était
impossibled’oubliercertaineschoses.Monespritfonctionnaitàpleinrégime.Mack.Mamère.Descadavresavecuntroudans lecrâne.Clydequise frottait le torse,
visiblement inquiet et stressé par la situation. Un superbe repas qui n’avait jamais eu lieu.Monretour.Mondépart.LafaçondontJaxm’avaitserréecontreluilematinmême,letorsepressécontremondos.
Jenevoulaisplusréfléchiràtoutça.Jerelevailatêteetleregardaidanslesyeux.—Jeneveuxplusréfléchir.Jaxnemeposapaslamoindrequestionetnefitaucuncommentaire.Unelueurchaude
et enivrante s’alluma dans son regard et il capturames lèvres en un baiser très tendre, legenre de baisers qui transcendait la passion, qui était lourd de signification. Je me laissaiemporterparcesentiment.Jeleressentaisvraiment.J’ycroyais.
C’étaitincroyable.Quandnosgestes se firent fougueux, j’ouvris labouchesous la sienneetnos languesse
touchèrent.Aussitôt,sesmainsglissèrentjusqu’àmeshancheset ilmeserracontrelui.Jelesentais contre mon ventre. Le souvenir de ma main qui l’entourait, de son corps puissanttremblant de plaisir me revint alors en mémoire, me rendit fiévreuse. Mais ce n’était riencomparéauxbaisersqu’ildéposait le longdemamâchoire,demonoreilleàmagorge.Lesdoigtsenfoncésdanssescheveux,jerejetailatêteenarrière.
—Net’inquiètepas, tunevaspasréfléchir,medit-ilentredeuxbaiserstroublants.Pasuneseuleseconde.
—Parfait,répondis-je.Il rit contremon cou, tandis que ses mains s’insinuaient avec dextérité sousma robe.
J’aimais beaucoup la tournure que prenaient les événements, surtout quand ses doigts seglissèrentsousl’élastiquedemaculotte.
Elleseretrouvaparterreenunenanoseconde.—Prête?medemanda-t-il.J’ouvrislesyeuxenhochantlatête.Il sourit,m’embrassa rapidement,puism’attrapapar leshanches. Ilme soulevaensuite
pourm’asseoirsurleplandetravaildelacuisine.Hmm.
J’étaisassise,culnu,surleplandetravail.Çan’auraitpasdûêtreaussiexcitant,etpourtantçal’était.Jax fit courir ses mains le long de mes cuisses. Quand il atteignit mes genoux, il les
écartadoucement.Soudain,j’avaisdumalàrespireretmonpremierinstinctfutderefermerlesjambes.Maisilrelevalesyeuxversmoietsonregarddebraiserencontralemien.
—Nelesrefermepas,bébé.Savoixrauquemefitfrissonner.Jeluiobéis.Désormais, je pouvais sentir l’air frais contremoi. Le rougememonta aux joues, puis
s’étendit à ma gorge et ma poitrine. Mon cœur battait la chamade. Il se pencha pourm’embrasser.Sesmainsremontèrentlelongdemescuissesetattrapèrentlebasdemarobepourlaremonter.Quandelleseretrouvaauniveaudemataille,jenepusm’empêcherdememordreleslèvres.Jem’accrochaiauxbordsduplandetravail.
—Magnifique,murmura-t-il.Mon Dieu. Je n’avais pas la moindre idée de ce que je devais dire ou faire. J’étais
complètementexposéeàsesyeux,offerteàlui,etilregardaitlapartielaplusintimedemonanatomieavecuneintensité incroyable.Jesavaisquecequ’il,cequ’on,étaitsur lepointdefairen’avaitriend’anormal.Pourtant,c’étaitnouveauetimpressionnantpourmoi.
Jaxposadenouveaulesmainssurmesgenouxetremontalentement,commeunedoucetorture,lelongdemescuisses.
—Tuestrèsbelle,Calla.N’endoutejamais.Jenevoismêmepascommenttupourraisendouter.
Moncœurétait soudain tropgrandpourmapoitrine. Lorsqu’il reculaunpeu,mapeauétaittellementréactivequ’ellemepicotait.
—Tumefaisconfiance?medemanda-t-il.MonDieu.Moncœursegonflaitdeplusenplus.—Oui.Ungrandsourireapparutsurseslèvresetilm’attrapaparleshanchespourm’attirervers
lui, jusqu’àcequejesoisenéquilibreaubordduplandetravail…unplandetravailque jen’allaisplusjamaisvoirdelamêmefaçon.
Ilnemetouchapasavecsesmainsetilneperditpasdetemps.Toutsourire,ilsepenchasans prévenir et posa ses lèvres contremoi. Le baiser intimeme fit sursauter et la chaleurinondamesveines.
Sacaresseétaithumide,chaudeetmefaisaitperdrelatête.Jaxsavaitcequ’ilfaisait.Sabouchesemouvaitd’unecertainefaçon.Salanguemetourmentaitautantqu’ellemegoûtait.Letoutmeprocuraituntelplaisirquejerejetailatêteenarrièrecontrelesplacardsetquejerelevai les hanches à la rencontre de ses lèvres. Les sensations quime parcouraient étaientprimitives,pures,magnifiques.
Ilmedonnaitceque jedésirais. Jenepensaisplusà l’horreurdemasituation.Plusdutout. Mon esprit était parti en vacances et mon corps avait pris le relais. Je haletai et delégers gémissements s’échappaient de ma bouche. Jamais je n’aurais cru être capabled’émettre de tels sons. Quand ses mouvements se firent plus rapides et plus profonds,j’agrippailecomptoiravecunetelleforcequejecrusquemesdoigtsallaienttomber.
—Jax,soufflai-je.J’étaisdeplusenplustendue.J’ouvris lesyeux.Jenepouvaispas lesgarderfermer.Je
voulaisgraverchaqueinstantdansmamémoire.Quandjebaissailatête,laseulechosequejevisfutsatêtebruneentremescuisses.
Jeprisunegrandeinspiration…quin’arrivajamaisàdestination.Levoirainsimefitperdrelecontrôle.Je criai et je le sentis grogner contremoi. L’orgasmeme secoua. J’eus l’impressionque
mesosseliquéfiaienttandisqu’untourbillondesensationsm’emportait.Jaxrestaàsaplacejusqu’àcequemondossedétendeetquemarespirationredevienne
régulière.Alors,ilserelevaetdéposaunbaiserdansmoncou.—Si tusavaisàquelpoint j’aime lessonsqui sortentde tabouche,chérie.Et la façon
donttuprononcesmonnom…J’aiadoré.Jebaissailatêtedefaçonàpressermajouecontrelasienne.—C’était…c’étaitincroyable.—C’esttoiquiesincroyable.Cesmotsétaienttellementsimplesettendresqu’ilsmetouchèrentenpleincœur.J’avais
l’impressiondesentirlesoleilsurmapeauaprèsdesmoisdepluiediluvienne.Maisilyavaitplusqueça.
Jerelevailatêteetposailesmainssursesépaules.Commeilétaitprisaudépourvu,jeréussisà le faire reculer.Alors, jedescendisduplande travailetmarobe retombasurmescuisses.
C’étaitbienplusqueça.Pendant des semaines, j’avais appris à le connaître. Je m’étais confié à lui et il s’était
confiéàmoi.Ilmevoyaitpourcellequej’étaisvraiment.Ilvoyaitau-delàdemapeau.Ilmeconnaissaitdel’intérieuretdel’extérieur.Passeulementphysiquement.
—Calla?dit-ild’unevoixdouce,latêtepenchéesurlecôté.MonDieu.Ses lèvresbrillaientàcausedemoi.Cetterévélationmeserra lecœurde la
plusdélicieusedesfaçons.M’attacheràquelqu’undansunesituationaussi folleet incertainen’étaitpasintelligent.C’étaitmêmefou.
Unefoliedouce.Enregardantsesyeuxmarronquimefaisaient fondrede l’intérieur, je jetaimestroisT
par la fenêtre,puis saisis legiletque jeportaiset le fisglisserdemesépaules. Je le laissaitomberparterre.
Jaxsuivitlevêtementduregardavantdereportersonattentionsurmonvisage.Jerepoussaimagênedansunrecoindemoncerveauetbaissailafermetureéclairdema
robe.L’expression qui apparut alors sur son beau visage, la tension que j’y lus, me serra le
cœur.—Calla…Ildisaitmonprénomdifféremmentàprésent.Tandisquejefaisaisglisserlesfinesbretelleslelongdemesbras,ilfallutquejeregarde
lavéritéenface.Larobes’enroulaautourdemeshancheset,enmetortillant,jelafistomberàterre.Jedevaismerendreàl’évidence:j’avaisdessentimentspourlui.
Je me tenais devant lui, dans la cuisine, en pleine lumière, avec seulement meschaussuresauxpieds,et j’étais terrifiée.Jen’avais jamaisaussipeurdemavie.Etcen’étaitpas parce que c’était la première fois que je me retrouvais pratiquement nue devantquelqu’un.Non.C’étaitparcequej’étaisamoureusedelui.
J’étaisamoureusedeJax.
23
Debout faceà Jax, jenepouvaism’empêcherde trembler.Mesdoigts tressaillaienteuxaussi contre mes flancs. Je l’aimais. J’étais amoureuse de lui. J’ignorais quand cela s’étaitproduit,mais c’était le cas…C’était un sentiment incroyable et terrifiant à la fois, et pleind’espoir aussi. Parce quemême si des garçonsm’avaient plu par le passé et que j’en avaisdésirécertains, jen’avais jamaisétéamoureuse.Jen’avaismêmepaspenséqu’unjour jemerapprocheraissuffisammentd’ungarçonpourtomberamoureusedelui.
Pourtant,c’étaitlecas.Jaxme dévisageait. Quelque chose dansmon expression le frappa car, tout à coup, il
émitungémissementrauquequirésonnaauplusprofonddemonêtre.Puisilsejetasurmoi.Ilpritmonvisageentresesmainsetfitbasculermatêteenarrièreavantdem’embrasser.
Lebaiserétaitprofondetenivrant.Jesentais songoûtbienà luiainsiqu’unparfumunpeusalé qui, je le savais,m’appartenait. Ce détail ne fit qu’attisermondésir. Sa languedansaitcontrelamienne,effleuraitmonpalet,s’enfonçaitprofondémentdansmabouche.Toutcequejeressentaisétaitcontenudanscebaiser.
—Tuessûre?medemanda-t-il.Jeprisunegrandeinspiration,maiselleabreuvaàpeinemespoumons.—Jesuisnue,jetesignale.Alorsoui,jesuissûre.Jaxritdoucementetlesondansasurmapeau.—Jel’espère,chérie.Jevoulaisjustem’assurerquetuétaisavecmoiàcentpourcent.Unétauserefermasurmapoitrine,etjehochailatête.—J’ensuissûre,Jax.Lemêmesons’échappadesagorgeetilm’embrassa.—Situsavaisàquelpointjesuiscontentdetel’entendredire!Ilmepritlamainetlaposacontresontorse,sursoncœur.—Tupeuxavoirconfianceenmoi.J’avaisconfianceenlui.
Sansmelâcherlamain,ilm’entraînahorsdelacuisine,loindelalumièrevive,àtraverslesalonplongédansl’obscurité,jusqu’auxescaliers.Lecœurbattantlachamade,jelesuivisàl’étage.Ons’arrêtadanssachambre,devantsonlit.
Ilme libéra et je l’observai se diriger vers la table de chevet. Il ouvrit un tiroir et ensortit une poignée de petits sachets. Je haussai les sourcils. Euh… Combien comptait-il enutiliser, au juste ? Lorsqu’il croisa mon regard, il eut un sourire taquin et en fit tomberquelques-unssurlelit.Puisilsetournaversmoi.
Lesyeuxdans lesmiens, ildéboutonnasachemiseet la retiraavantde s’occuperde saceinture.Aprèsl’avoirouverte,ildéfitleboutonetlafermetureéclairdesonjeanquitombabientôtparterreavecsonboxernoir.
Àprésent,ilétaitaussinuquemoi.Il était magnifique. Tout était beau chez lui : ses cheveux bruns en bataille, ses
pommetteshautesetses lèvrespulpeuses,soncou,sespectorauxmusclés,sonventreplat…etplusbas, c’étaitencoremieux.Lesmusclesdechaquecôtéde seshanchesattirèrentmonattention,puismon regardglissa surune traînéedepoils fins jusqu’à l’endroit où il était leplusdur.
Dieutout-puissant.Jememordisleslèvres.Undouxbourdonnementparcouraitmesveines.Jaxn’avaitpasà
rougirdanscedépartement.Ileutunsourireencoin.—Viensici.Lecœurbattantàcentàl’heure,jem’approchaidel’endroitoùilsetenait,àcôtédulit.
Ilposasesmainssurmesépaulesetmefitasseoir.Puis il s’agenouillaetglissa lesdoigts lelong de mes jambes, de mes cuisses à mes chevilles. Quand il atteignit mes sandales, ilentrepritdemelesretirer.
— La prochaine fois, je veux que tu les gardes aux pieds,me dit-il enme regardant àtraversseslongscils.Compris?
Oh,monDieu…Jehochailatête.—C’estbien,murmura-t-ilenm’ôtantlasecondechaussure.Unefoisqu’ileutterminé,ilremontalelongdemoncorpsetsereleva.Ilnes’arrêtapas
àmesjambes.Ilmecaressaleventre,lesseinsjusqu’àatteindremesjoues.Alors, ses lèvres se posèrent de nouveau sur les miennes, bougeant avec lenteur, me
goûtant,metaquinant, jusqu’àcequesalanguedessinelecontourdemabouche.Jel’ouvrispour lui et me laissai envahir par les mêmes émotions que précédemment, une chaleurentêtante.Pendantqu’ilm’embrassait,sesmainsdescendirentlelongdemesbras,avantdeseplacersousmesaisselles.Ilmesoulevaetm’installaaumilieudulit,puismontaàsontour,unejambedechaquecôtédemoncorps.
Le souffle court, je le laissaim’allonger sur ledoseton se retrouva faceà face.Toutàcoup, la nervositéme rongeait l’estomac. Et si j’étais nulle ? Et si je n’aimais pas ça ? Lesfemmesn’appréciaientpastouteslesexe.Jelesavais.Alors…
—Onpeuts’arrêterquandtuveux.D’accord?medit-il.(Savoixrauquemefitfrissonnerdespiedsàlatête.)Dis-moisituasmal.Ousitun’aimespascequejefais.OK?
—OK.Jeprisunegrandeinspirationpourtenterdemecalmer.Il sourit doucement, puis m’embrassa. Ce baiser était différent, plus profond,
déstabilisant.Seslèvrescaressèrentlesmiennesjusqu’àmecouperlesouffle,jusqu’àcequejeposemesmainssursesépaules.Toutegênemequittalorsquesabouchequittalamienneetdescendit le longdemagorgeversmaclaviculeenydéposantdesbaisersbrûlantssuivisdepetitscoupsdelangue.
MonDieu.Ilsavaitvraimentseservirdesabouche.Je fermai les yeux en sentant ses lèvres sur mes seins, sur mes cicatrices. Elles se
refermèrentsurunmamelonetlesucèrent.Jemecambrai.Lecriquis’échappademeslèvressouslecoupdelasurprisefutsifortqu’ilcontinuaderésonnerlongtempsdansmesoreilles.Samainserefermasurmonautreseinetiljouaavecmontéton.Chaquecaressedeseslèvresoudesesdoigtsfaisaitnaîtreunfrissondeplaisirauplusprofonddemonêtre,alimentantlefeuquiavaitrecommencéàgrandirenmoi.
Sabouche seposaensuite surmonautre seinet il répéta lesmêmesactes sensuels. Jesentais à présentmon pouls à des endroits très intéressants.Mon bassin ondulait contre lesiendefaçonfrénétique,pourmerapprocherauplusprèsdeluiquiétaitsiduretsibon.Lasensationmefaisaithoqueterdesurprise.
Il continua de lécher, d’embrasser, de triturer tout en glissant une main entre mescuisses.Jelesentismetoucherdoucementàcetendroit.Alors,jeréagisparinstinctetlevaileshanchespourl’inciteràcontinuer.
Ilrelevalatêtedemapoitrineaumomentoùilinsinuaitundoigtenmoi.Jemecambraietprisunegrandeinspiration.Ilenprofitapourenajouterundeuxième.
—C’estbon?medemanda-t-il.—Oui,soufflai-jeavantdehocheraucasoùilnem’auraitpasentendue.Son sourire se fit malicieux et il enfouit le visage entre mes cuisses pour sucer mon
clitorisenrythmeaveclemouvementdesesdoigts.Ladoublesensationétaitincroyable.Monsang s’enflamma dans mes veines. J’enfonçai les doigts dans ses épaules. Des palpitationsapparurentsoudainautourdesesdoigts.Iltournalamaindefaçonàpressersapaumecontremoietjemefrottaiàellesanshonte.Leplaisirmontaitenmoideplusenplusviteetquandl’orgasmem’emportaenfin, jerejetai la têteenarrièreencriantpour ladeuxièmefoisde lasoirée.
Jax sedétacha rapidement et attrapaunpetit sachet sur le lit.Depetites secousses deplaisir continuaient demeparcourir quand il se positionna au-dessus demoi. En le sentantcontremapeauhumide,j’ouvrissoudainlesyeuxengrandpourledévisager.
J’avaisdumalàrespirer.—Tuessûre?medemanda-t-ilencoreunefois.(Sesbrastremblaient,dechaquecôtéde
matête.)Dis-le-moi,chérie.—Jesuissûre.Ilfermabrièvementlespaupièresavantdemeregarderdenouveau.—Merci.J’aitellementenviedetoiquejesuisentraindedevenirfou.J’aurais éclatéde rire s’il ne s’étaitpasappuyé surunbraspourpasserunemainentre
nous.Ilguidasonsexeenmoi.Lapremièrepressionmecoupalesouffle.Je frissonnai. Ilnedevait pas m’avoir pénétrée de plus d’un centimètre, pourtant je le sentais qui m’étirait.Jen’étaispassûred’apprécierlasensationdebrûlure.Jememordisleslèvres.
Lesyeuxrivésauxmiens,ilposaunemainsurmajoue.—Tuestoujourslà?Je hochai la tête car je n’étais pas certainede pouvoir parler. Sonpouce glissa surma
lèvre inférieure pour la libérer de mes dents. Il bougea légèrement les hanches et les fitondulerde façonàentrerunpeuplusenmoi. Je refermaimes jambes sur lui tandisque labrûlures’intensifiaitet se répandaitenmoi,mêléeàautrechosequi faisaitbeaucoupmoinsmal,unesortedepression.
Àcôtédematête,sonbrastremblaitàcausedelatension.—MonDieu.Tuestellementétroite,Calla.Tumetues.J’avais une excuse sur les bouts des lèvres, mais il bougea encore et les mots se
transformèrentengémissement.Ils’arrêta.Sesdoigtsétaienttenduscontremonvisage.—J’aibesoind’entendrequetuesprête,chérie.J’aibesoinquetumeledises.J’avaislabouchesèche,maisjeréussisàarticuler:—Jesuisprête.Jax soutint mon regard un instant avant de m’embrasser. Mes lèvres étaient scellées,
pourtant,ilréussitàlesouvriretàapprofondirlebaiser.Aumêmemoment,ildonnauncoupdereinspuissantetseretrouvacomplètementenmoi.Ilavalalecricauséparladouleurquiavaitsoudainexploséentremesjambes,suivieparunebrûlureintense.Ilétaitenmoi.Ilnebougeaitplus.Àcetinstant,jecomprisquejen’étaisplusvierge.Non.Plusdutout.
—Çava?Savoixétaitrocailleuse.Jedéglutis.—Oui.Et c’était vrai. La douleur s’était estompée. La brûlure était encore présente,mais elle
n’étaitplussiterrible.Ellerestaitsimplementlà,enfond.
—Çavaallerencoremieux,tuverras,dit-ilcontremeslèvres.J’endoutaisunpeu,maisenm’embrassant, il recommençaàbouger. Il reculaàmoitié,
puisavançadenouveau.Lafaçondontilm’emplissaitétaitunesensationétrange.Ellen’étaitpasdouloureuse,mais jen’auraispaspuladécrire.Jelaressentaissimplementàchaqueva-et-vient.
Jaxconservalamêmeallurelenteetrégulièrejusqu’àcequelabrûluresetransformeenquelquechosedecomplètementdifférent,lesprémicesd’unplaisirquim’envahissaitàmesurequ’ilallaitetvenaitenmoi.
Commejemesentaisunpeuplusàl’aise,jeplaçailesmainssurseshanchesetmemisàondulerlesmiennesenrythme.
—Merde,grogna-t-il.Jedécouvrisrapidementquebougerentandemavecluiétaitunetrès,trèsbonnechose,
alorsjerecommençai.Encore.Etencore.Sibienque,lorsqu’ilrepritlaparole,savoixn’étaitplusqu’unsoufflerauque:
—Putain.Ilmelaissainstaurerlerythmequejevoulais,etbientôt,labouledesensationsaucreux
de mon ventre réapparut. Je nouai mes jambes autour de lui, l’enfonçant encore plusprofondémentenmoi.Sesbaisersse firentdeplusenplus fougueux.Lesmouvementsdesalangueimitèrentceuxdesesreins.Mesongless’enfoncèrentdanssapeau.
—Plusfort,m’entendis-jemurmurer,sanssavoird’oùvenaientcesmots.Maisilyrépondit.Ils’exécuta.Encoreetencore.Bougeantdeplusenplusvite, ilenfouit levisageentremoncouetmonépaule.J’étais
incapabledepenseràautrechosequ’àlapressionquigrandissaitaufonddemoi.Lesderniersvestiges de douleur avaient disparu depuis longtemps. Nos gestes se firent frénétiques. Lerythme ne comptait plus. Jax grogna àmon oreille tandis que jeme cambrais. Je le serraicontremoi.
— Oh, Calla, si tu savais à quel point j’aime être en toi, murmura-t-il. Je te sens tecontracterautourdemoi.C’estmagnifique.
J’avaisdumalàrespirer.J’étaisauborddequelquechosedeplusfort,quelquechosedebeau et de puissant qui se produisait à l’intérieur de mon corps. Jax sembla s’en rendrecomptecarilsemitàondulerdeshanchescontremoi.Lasensationinduiteparlefrottementdenos corpsétait intense,dévorante. Je soufflai sonnomen le serrantunpeuplus fort.Latension s’amplifia, puis le plaisir explosa dansma veine. Ça n’avait rien à voir avec ce quej’avaisdéjàressenti.C’étaitplusprofond,plusconcentré.
Seshanchesclaquaientàprésentcontrelesmiennes.Saretenues’étaitenvolée.Levisageposécontremonépaule, ilallaitetvenaitavecdesmouvementsamples…jusqu’àcequ’ilse
figeet tremblecontremoi.Aumomentde l’orgasme, ilmurmuramonnomcontremapeaudansungémissementrauque.Bouleversée,jeresserraimaprisesurluietfermailesyeux.Jen’auraisjamaiscruquelesexeauraitpum’émouvoirautant.Ilrespiraitfort.
Uneéternitépassaavantqu’ilsedécideàbouger.Alors,ilrelevalatêtejusteassezpourdéposerunbaiserdansmoncou,sousmonpoulsapathique.
—Toutvabien?—Oui,murmurai-je.C’était…Iln’yavaitaucunmotpourdécrirecequej’avaisressenti.Aucun.Ils’appuyasursesavant-braspoursereleverunpeuetcapturameslèvresenunbaiser.Il
étaittoujoursenmoi.Ilm’embrassalentement.—C’était…absolumentparfait.J’ouvrislesyeux.—Oui.Jene…—Quoi?medemanda-t-ilquandjeneterminaipasmaphrase.—Jenesavaispasqueçapouvaitsepassercommeça,admis-jeenmesentantidiote.Je
n’imaginaisvraimentpasqueçapouvaitsepassercommeça.Un sourire satisfait apparut sur ses lèvres et ilm’embrassa encoreune fois avant de se
retirer. Je ressentis une légère gêne et une étrange sensation à l’idée de me retrouver denouveauvide.
Incapabledebouger, jeleregardairoulerhorsdulitetsedirigerverslasalledebains.Quandilrevint,ils’étaitdébarrassédupréservatifetportaitunlingehumide.Ils’assitàcôtéde moi et essuya les preuves de ce qui venait de se passer. L’intimité de ses gestes mebouleversa.Ilsl’étaientpeut-êtredavantageencorequecequenousvenionsdefaire.Lagorgeserrée,jel’observairapporterlelingedanslasalledebains.
Jenedis rienquand il s’allongeadenouveauàcôtédemoiet remonta les couverturessurnous.Ilmepositionnadefaçonàcequejesoisenfacedelui, lebrassurmataille.Nosgenouxpliéssetouchaient.Iljouaavecmescheveux,lestortillantentresesdoigts.Lesilences’éternisa.Àtelpointquejecommençaisàmedemanders’iln’avaitpasautantappréciéquemoi,s’iln’étaitpasaussiémuquemoi.
—Merci,dit-il.Jeclignailesyeux.—Pourquoi?Unpetitsouriremalicieuxétiraseslèvres.—Mercidem’avoirfaitconfiance.Jeledévisageai,bouchebée.—C’était important. (Il releva les yeux versmoi.) Ce qu’on a fait. C’était ta première
fois.Jesuisvraimenthonoré.Commentunhommeaussiparfaitpouvait-ilexister?
—Alorsmerci.Jax franchit la distance qui nous séparait et captura mes lèvres en un baiser d’une
douceur incomparable. Alors, je sus que c’était bien réel. L’orgasme ne me donnait pasd’hallucinations.Jecomprenaispourquoij’étaistombéeamoureusedelui.
LesdoigtsenfoncésdansletorsedeJax,jerejetailatêteenarrièreetcriaideplaisir.Sesmainsmecaressaientlesseins,pendantqueseshanchessesoulevaientdeplusenplusvite.Jemelaissaitombersurluietilm’entouradesesbras.Ilatteignitl’orgasmepeudetempsaprès.Jemeconcentraisurmarespiration,unevraiecorvée,enlesentanttremblercontremoi.
J’étaisbien. J’avais l’impressionde flotter. Jaxposaunemain surma têtepourpresserma jouecontresontorse.J’entendaissoncœurquibattaitaussi fortque lemien.Lesourireauxlèvres,jefermailesyeux.
J’ignorais comment il avait réussi à me convaincre d’essayer cette position : moi au-dessus.Çaavaitsansdoutecommencélelundimatin,quandilm’avaitréveilléeenmordillantet en léchant mes seins. Une chose en entraînant une autre, il s’était retrouvé en moi etm’avait fait l’amour encore plus lentement que la nuit précédente, si un tel exploit étaitpossible.Oule lundisoir,quandjem’étaisretrouvéenue,endessousdelaceinture,danslacuisine.Onavaitrejouélascènedudimanche,maisavecsonsexeàlaplacedesalangue.
Décidément,jeneverraisplusjamaisleplandetravaildelamêmefaçon.Oulemardisoir.Ons’étaitrendusaucampingoùIkeétaitcenséhabiter.Çaavaitétéun
floptotal.Iln’yétaitpas.Personnenel’avaitvudepuisdesjours.Ilavaitdisparu,commedescendresdansunetornade.Ladéceptionavaitétégrandecarj’avaisespéréqu’ilnousmettraitsurlavoie,maispendantletrajetderetour,jel’avaiscomplètementoublié.
Jaxpouvaitfairedeuxchosesàlafoissansproblème:conduireavecunemainetglisserl’autredansmonpantalon,parexemple.Unefoischezlui,jeluiavaisrendulamonnaiedesapièceavecplaisir,àgenoux,danslesalon.Ilyavaitquelquechosed’incroyablementérotiquelà-dedans.
Oui, c’était sans doute lemardi soir qui avait fini parme convaincre. Car, après cettesoirée,j’avaisenfincompriscequesignifiaitl’expression«baisercommedeslapins».
Etc’étaitgénial.Mais en y réfléchissant, j’avais peut-être accepté cettepositionà causede cequi s’était
passélematinmême,toutsimplement.Jaxs’étaitréveillétôtetonavaitprisnotretemps.Lamatinées’était transforméeenlonguepartiede jambesen l’air.Et lorsque j’avaisvouluallerprendreunedouche,ilm’enavaitempêchéetjem’étaisretrouvéeàlechevaucher.
J’avaiséténerveuse.Quandilétaitau-dessusdemoi,jenepensaispasàl’aspectdemoncorps.Là, il avaiteuunevuedégagéesurmescicatrices,maisétonnamment, ça s’étaitbienpassé. Très bien, même. Cette position était sans doute devenue ma préférée de tous lestemps.
—Ilfautqu’onsepréparepourletravail,dit-il.
—Jen’aipasenviedebouger.Ilrit.—Moinonplus,mais…Jesoupirai.—Jenepeuxpasrestercommeçapourtoujours?Maquestionlefitrireencoreunefoisetilmedonnaunetapesurlesfesses.Jeroulaisur
lecôtéengrommelantetmelaissaitombersurlelit,sanslamoindreénergie.—Vatedoucherenpremier.Jevaisfairelasieste.Ils’allongeasurlecôtéetfitglissersesdoigtslelongdemahanche.—Onpeutsedoucherensemble.Jereniflai.—Onn’yarriveraitpas.—Pourquoipas?medemanda-t-ild’unevoixmoqueuseendéposantunbaisersurmon
épaule.— On finirait forcément par le refaire et je ne crois pas que mes neurones le
supporteraient.Ilritcontremapeau.—Tuasraison.(Ilreculaetm’embrassa.)Jefaisvite.—Oui,oui.Jaxrestaitpluslongtempssousladouchequetouteslesfillesquej’avaisjamaisconnues.
Quand il en sortait, j’étais toujours étonnée qu’il reste de l’eau chaude. Peu importait. Unedouchefroidenenousauraitsansdoutepasfaitdemal.
Jerestaiallongée là,dansundemi-sommeil,dansunétatagréable,unpeu irréel,où jem’autorisais à admettre que j’étais follement, désespérément et sûrement bêtementamoureuse de lui. Pendant les minutes de bonheur qui suivaient l’orgasme, je ne pensaisjamaisàmoncœurquipouvaitsebriser,medétruireetprovoquerlafindumonde.
QuandJaxsortitenfindeladouche,jeprisplusdetempsqued’habitudeàmepréparer.J’avais la vitesse d’une tortue. En me séchant les cheveux, qui étaient raides parce que jen’avais pas lamoindremotivation pour les coiffer autrement, jeme demandai comment çaallait se passer au travailmaintenant qu’on l’avait fait. Des tonnes de fois. Partout dans lamaison.
Danslavoiture,surlecheminduMona’s,j’étaisunpeunerveuse.Jefaisaistoutpournepasypenserquandj’entendismontéléphonebiper.Ravied’avoirunedistraction, je lesortisdemonsac.C’étaitune-maildubureaudesboursesdeShepherd.
Moncœurmanquaunbattement.—Oh,monDieu!—Quoi?medemandaJaxenjetantuncoupd’œildansmadirection.Onvenaitd’atteindrelarouteprincipale.
— J’ai reçu un e-mail de Shepherd. C’est sans doute pour ma bourse… Enfin, si j’aidéposémademandeàtemps,luidis-je.
Ilreportasonattentionsurlaroute.—Alors?—J’aipeurdel’ouvrir.—Tuveuxquejelefasseàtaplace?meproposa-t-il.J’auraispuleprendredansmesbrasetl’embrasser.—J’aimeraisbien,maistuesentraindeconduire.Bonneoumauvaisenouvelle, jen’ai
pasenviedemourirdansunaccidentdevoiture.Ilricana.Je pris une grande inspiration et ouvris l’e-mail, puis attendis que le satané message
apparaisse.Biensûr,letéléchargementdurauneéternité.J’étaisàdeuxdoigtsdemetaperlatêtecontreletableaudebordquandilapparutenfin.Jelelusendiagonale,àlarecherchedemotsclés.Quandmesyeuxseposèrentsurlesmots«Félicitations»ouencore«montantdelabourse», je laissaiéchapperunpetit crid’excitationetme tournaiversJaxsiviteque jemanquaim’étrangleraveclaceinturedesécurité.
Seslèvrespulpeusess’étirèrentenungrandsourire.—J’endéduisquecesontdebonnesnouvelles?—Super bonnes,même !Ma demande a été acceptée. Je vais avoir assez d’argent. Ils
vontm’inscrireauxcoursquej’aidemandés,luidis-jeenmetrémoussantsurmonsiège.Ilposalamainsurmongenouetleserradoucement.—C’estsuper,chérie.Çal’étaitvraiment.— Ça me fait un énorme poids en moins sur les épaules. Maintenant, je sais que je
pourraiterminerlafac.C’estimportant.—Oui,c’estvrai.Jesuisheureuxpourtoi.Au ton de sa voix et à son sourire, je compris qu’il était sincère. Une douce chaleur
m’envahit.Puis jemerendiscompteque,dès lemoisd’août, jerepartiraiàShepherdetqueJaxresteraitici.
Merde.Commentavais-jepuoublier?Un fragment de ma bonne humeur me quitta soudain. Il n’était pas très gros, mais
suffisammentpourm’envouloirderessentircegenredechosesetpourmefrustrerparcequej’avais soudain envie de mettre des mots sur notre relation et besoin de savoir ce qu’iladviendraitdenousquandjeretourneraisàlafac.
UnefoisauMona’s,derrièrelebar,entraindecouperdesrondellesdecitronvertetdelamenthe, je réussisà trouverun justemilieu.Jecomptaisprofiterde l’instantprésentsans
m’inquiéterdecequemeréservaitlefutur.Lavérité,c’étaitquelefuturétaitincertain.Etjen’avaisplusqu’unejournéepourretrouvermamère.
Ças’annonçaitmal.Le fait que Jax m’ait embrassée avant de disparaître dans son bureau, devant Nick et
Clyde, m’avait un peu aidée à arrêter de stresser pour des choses dont je n’avais pas lecontrôle.
—Ça,c’estmongarçon,avaitditClydeavantdebattreenretraitedanslacuisine.Le sourire aux lèvres, je secouai la tête et rangeai la planche à découper. Dans
l’ensemble,mavien’étaitpassimal.Jen’étaisplusvierge.J’étaisamoureusedumecavecquij’avais couché et j’étais quasiment sûre qu’il avait des sentiments pour moi, lui aussi. Mademandedebourseavaitétéacceptée…
Et trois jours s’étaient écoulés sans qu’on essaie de nous renverser, qu’on balance descorpsdevantnotreporte,etsansquejeremettedufonddeteint.
C’étaitplutôtpasmal.Le bar était calme. J’étais seule derrière le comptoir avecNick quand un jeune couple
passa la porte. Depuis le temps que je travaillais ici, je savais que ce n’étaient pas deshabitués.Jelesregardais’asseoirsurdestabourets.
Ilsfaisaientuncoupleadorable.Lafilleétaitpetite,environdelamêmetaillequeRoxyet avait de très beaux yeux bleus qui contrastaient violemment avec ses cheveux foncés. Legarçonétaittrèsgrand,avecdescheveuxmarronenbataille.
—Qu’est-cequejevoussers?leurdemandai-je.Ellepassalamainsursontee-shirtdel’universitéduMaryland.—UnCoca,s’ilvousplaît.— Et unmenu, ajouta le garçon en posant les coudes sur le comptoir. Avec un autre
Coca.—Toutdesuite.Aprèsêtrealléechercherleursboissons,jeleurtendisunmenuplastifiéàpartager.—Lesfritessontbonnes.Lesailesdepouletaussi,sivousaimezlesépices.Unelueurd’intérêts’allumadanslesyeuxdelafille.—J’adoreça!Jecroismêmequec’estobligatoiresionveutétudierdansleMaryland.L’universitéduMarylandn’étaitpastrèsloindeShepherd.—Vousêtesenvacancesparici?Ilhochalatête.—OnapassélajournéeàPhiladelphie.Sydn’yétaitjamaisallée.—Etçavousaplu?Sydhochalatête.—Ilm’aemmenévoirunmatch,maisjen’airienmangé.Ducoup,jemeursdefaim.Legarçonétudialemenu.
—Onvaprendrelesfritesetlesailesdepoulet,alors.Seize.Aveclesos.Jem’éloignai pour transmettre leur commande en cuisine.Quand je revins en salle, le
vieuxMelvinétaitassisaubaretm’attendait.Oh,non.Je savais qu’il allait me poser des questions. J’allais quand même lui sourire par
politesse,maisquandlaportes’ouvrit, j’enperdis touteenvie.Aimeeavecdeux«e»venaitd’entrer. Son regard balaya la pièce. Comme Jax n’était pas là, elle se dirigea vers Nick,visiblementagacée,leplusloinpossibledemoi.
JeposaiunebièresuruneserviettedevantMelvinavantqu’ilnecommandeenespérantqueçal’empêcheraitdeparler.
Pasdechance.—C’estquoi,cettehistoirequej’aientendue?OnabalancélecadavreduCoqdevantta
porte?medemanda-t-ilenattrapantlabouteille.Legarçonsefigeatandisquelafilleécarquillaitlesyeux.—C’est vraimentun scandale ceque les camés font à cette ville, continuaMelvin sans
remarquerlesregardsposéssurlui.(Ilpritunegrandegorgéedebière.)C’étaitunevillesûreavant.Unevilleagréable.Maintenant,oncroulesouslescadavresavecuneballedanslatête.Unehonte,jetedis!
—Kyle,murmuralafilleenluiparlantlentement.Euh…?Legarçonneditrien,maissesyeuxseposèrentsurmoi.Avantquej’aiepudirequoique
cesoit,Melvinrepritlaparole.—Parcontre,jeneregrettepasLeCoq.Toutlemondesedoutaitqu’ilfiniraitcommeça.
C’étaitunmoinsquerien,un…—Vousvoulezdesfritesoudesailesdepouletaujourd’hui?luidemandai-jeenespérant
ledistraireavantqu’ilfasses’enfuirlepauvrecoupleencourant.Pris au dépourvu, il commanda des ailes de poulet en grommelant. Quand j’allai en
cuisine, lesplatsducoupleétaientprêts.Àmonretour,Dieumerci,unamideMelvinétaitarrivéetilsavaientprisunetableloindubar.
— Désolée que vous ayez entendu ça, dis-je en posant les paniers sur le comptoir.D’habitude,onn’apascegenredeproblèmes.
Legarçonsepenchaenavant.—Vousavezvraimenttrouvéuncorpsdevantchezvous?Jegrimaçai.—Oui.C’estunelonguehistoire.—Waouh,souffla-t-ilenserasseyant.Laportes’ouvritdenouveau.JerelevailatêteetaperçusKatie.Lafillelavit,elleaussi,
etsesyeuxs’agrandirentdavantage.C’étaitsûrementdûaufaitqueKatieportaitunerobeen
crochetrosevifsurcequiressemblaitàunbikini.Oudessous-vêtementsenbonbons?Jenevoulaispassavoir.
Lesourireauxlèvres,elles’approchademoid’unpasléger.—Tuesresplendissanteaujourd’hui!Onnediraitpasquedescadavrestepleuventsur
latête!Oh,monDieu.—Tu ressemblesplutôtàquelqu’unquiapris sonpied, continua-t-elle. (Je la regardai
bouchebée.)Oui,c’estça.C’estça!Jecommençaisàmedemandersiellen’avaitpasréellementdessuperpouvoirs.Maisje
necomptaispasdiscuterdeçadevantdesinconnus.—Tuesenpause,Katie?—Non. Je commencedanspas longtemps. Je suispasséepourm’assurerque tun’étais
pasrouléeenbouledansuncoin,tusaisentraindeteparleràtoi-mêmeàcauseduchoc,ouuntrucdanslegenre.
—Jevaisbien,larassurai-je.Maismercid’êtrevenuemevoir.Jelepensaissincèrement.Elleouvrit labouchepourdirequelque chose,mais aumêmemoment, Jaxapparut au
bout du couloir quimenait au bureau. Il tourna la tête versmoi etme fit un clin d’œil. Jesentisunsourirestupideétirermeslèvres.
—Toi,tuasfinidanssonlit,fit-ellesemblantdemurmurer.Legarçons’étouffasuruneailedepoulet.Jax s’éloigna et avant que j’aie pu répondre à Katie, Aimee se tourna vers nous avec
élégance.—Ilestsexy,pasvrai?dit-elleenbattantdescilsàmonattention.Jax,jeveuxdire.Nicklevalesyeuxaucieletluitournaledospourattraperdesbouteillesderrièrelebar.J’ouvrislabouche,maisKatiemedevança.—Qu’est-cequetuasfumé,salope?Situn’aspasremarqué,c’estàCallaqueJaxafait
unclind’œil.Iln’amêmepasremarquéquet’étaislà.Alors,vatefairevoir.Je serrai les lèvres tellement fort pour ne pas sourire que j’eus l’impression qu’elles
allaient se déchirer. Rouge de colère, Aimee fusilla Katie du regard, puis s’éloigna d’un pasrageurendirectiondeJaxquidébarrassaitlestables.
Jesoupirai.Katiesetournaversmoi.—Unjour,jevaisluibotterleculàcettegarce.Yippie-ki-yay,saleconne!Promis,juré
ettoutletralala.Pourquoiest-cequej’avaisdesvisionsdeBruceWillis,toutàcoup?Cettefois,Aimeeseprécipitaverslaporte.
Mon regard se posa sur le jeune couple qui observait la scène avec de grands yeux,bouchebée.Ilssetournèrentversmoicommeunseulhomme.
—BienvenueauMona’s,leurdis-jed’unairpince-sans-rire.
24
Lesamedisoirsuivant,Roxysetenaitderrièrelebar,sesbrasfinscroiséssursapoitrineetlesjambesécartées.Seslunettesàmonturenoireétaientremontéessursonfront,justeendessousd’unchignonfaussementnégligé.
Ses yeux plissés n’étaient plus que des fentes étroites et la façon hautaine dont ellerelevait lementon était adorable. Je le lui avais dit quelquesminutesplus tôt quand j’étaispasséeprendredesbièresaubarpourungroupedemecsensalleetellen’avaitpastrouvéçadrôle.Çal’avaitrenduencoreplusfollederage.
Etencoreplusadorable.Celle à qui elle adressait son regardmeurtrier était Aimee avec deux « e ». C’était le
quatrièmesoird’affiléequ’ellevenaits’asseoiraubaravecuneamiequiavaitlapeauorange.Roxyl’avaitsurnomméeOompanuméroun.
Çame faisait sourire parce qu’elle se comportait de cette façon pourmoi. Aimee étaitgentille avec Roxy etmême avecmoi,mais elle ne cachait pas la raison pour laquelle elleétaitici.EtçaneplaisaitpasàRoxy.
ChaquefoisqueJaxvenaitderrièrelebar,Aimeemonopolisaitsonattention.Commelasoirée précédente, il devait semontrer incroyablement hilarant car il ne se passait pas uneminutesansqu’Aimeerieàgorgedéployée.Ourecoiffesescheveuxderrièresesépaules.OusepencheexagérémentenavantpourdonneràJaxetRoxyunevueparfaitesursesnichons.
De temps en temps, depuis les quatre derniers jours, Jax se tournait vers moi et meregardait.Alors,j’oubliaisqu’Aimeesetrouvaitdanslebaretfaisaitsonpossiblepourattirersonattention.
Le seulproblème, c’estque j’étaispersuadéeque Jaxaurait trèsbienpumettre finauxtentatives d’Aimee en lui expliquant qu’il n’était pas libre. On n’avait pas mis de nom surnotrerelation,maisonétaitensemble,danstouslessensduterme.
Et…jel’aimais.Alors,oui,onétaitensemble.Il ne me l’avait jamais dit et moi non plus. Mais je ne comptais pas y réfléchir
maintenant,ni en faire toutunplat.Malgré tout ça, j’étais quandmêmeheureuse.Onétait
samedietMackn’étaittoujourspasréapparu.Jenevoulaispastoutgâcher.Toutsourire,jeposailacommanded’ailesdepouletépicéessurlatabledeMelvinetde
sonami.—Etvoilà.Autrechose?—Paspourl’instant.(Ilsouritetlesridesautourdesesyeuxsecreusèrent.)Àpartpeut-
êtreundetessourires.Jeris.—Espècedecharmeur!Ilattrapauneailedepouletenriant.—Si j’avaisvingtansdemoins,toietmoi,onferaituntrèsbeaucouplesurcettepiste
dedanse.Jehaussaiunsourcil.Vingtans?J’enaurais rajoutévingtdeplus,mais sesparolesme
firentsourire.—Oh,voussavez,sivousvoulezdanser,n’hésitezpas!Jen’arrivaispasàcroirequej’avaisditça.Sesyeuxeffacésparl’âgeétincelèrent.—Jem’ensouviendrai.Aprèsluiavoiradresséunautresourirequ’ilaimaittant, jemeretournaietmedirigeai
vers une table dont les verres semblaient vides. Sansm’en rendre compte, je jetai un coupd’œilverslebar.
Roxy étaitmaintenant un croisement entre un dragon et une barmaid. Elle secouait leshakertellementfortqu’onauraitditquelecocktailallaitvoleràtravers lebar.JereportaialorsmonattentionsurAimee.Mesyeuxs’agrandirentcommedessoucoupes.
Qu’est-ceque…?AimeeétaitquasimentassisesurlebaretelleavaitlesmainssurlesjouesdeJax.Surses
joues. Elle lui avait pris le visage entre les mains. La colère me chatouilla la peau et unsentimentpernicieux, froidetdérangeant, se formaaucreuxdemonventre.Mapoitrine seserraégalement,etpasdelameilleuredesfaçons.Pourquoi,pourquoibordel,sepermettait-elledeletoucherainsi.Etpourquoi,pourquoiàlafin,lalaissait-ilfaire?
Sans réfléchir, jememis à avancer vers eux. Je n’avais pas lamoindre idée de ce quej’allaisfaire,maisçan’allaitpasêtrejoliàvoir.Jerisquaismêmedeleregretter,maisqu’elleaillesefaire…
—Salut,mabelle!Lavoixfamilièremecoupadansmonélan.Aussitôt, l’incrédulitém’envahit.Non,c’était
impossible. Prise au dépourvu, je m’arrachai à la contemplation d’Aimee et Jax et meretournai.J’enrestaibouchebée.
JaseWinsteadmefitunclind’œil.Merde.JaseWinsteadsetrouvaitlà,devantmoi.
Jase,membredelaBrigadedesBeauxGosses,étaitdanslebar.—Surprise!Teresabonditderrièrelui,bronzéeetaussibellequed’habitude.Mon regard se posa sur elle et sur Jase avant de s’aventurer derrière eux. Je faillis
tomber à la renverse. Ils n’étaient pas venus seuls. Cameron Hamilton, le président de laBrigadeétaitaveceux.Averyaussi.Ilavaitunbrasposésursesépaulesetillaserraitcontreluidecettefaçonadorablequilescaractérisait.
Jaseritdoucement.—Lechocl’arenduemuette.—Oh,monDieu!m’exclamai-jeenclignantlesyeuxplusieursfois.C’esttoutàfaitça.Je
nemedoutaisderien.—C’estpourçaqueças’appelleunesurprise.(Teresajetauncoupd’œilderrièreelleoù
setenaientsongrandfrèreetsapetiteamie.)Ons’estdécidésàladernièreminute.Tum’asmanqué!
Ellesejetaalorssurmoipourmeprendredanssesbras.Ellem’avaitmanqué,elleaussietj’étaisheureusedelesvoir,maisquandonsesépara,TeresaditàJasequ’elleignoraitquejepouvaisservirdelabièreetencoremoinsprépareruncocktailetjemerendiscomptequ’ilsnesavaientriendemoi.Entoutcas,riendevrai.
Putaindemerde.Monchâteaudecartesétaitentraindes’effondreretdemefrapperenpleinvisage.LaseulechosequiallaitpouvoirmesauverétaitlefaitqueJaxétaitaucourantdemesmensonges.Ilavaitassezdebonsenspournepasmetrahir.
Maisçafaisaitquandmêmedemoiunevilainementeuse.Les battements de mon cœur s’emballèrent. Mis à part le fait qu’ils pensaient quema
mère étaitmorte, si des cadavres continuaient de pleuvoir surmon sillage ou si quelqu’undisaitquelquechosedevanteux, lasituationpourraitvitedevenirdésastreuse.Jerepensaiàcecoupledeclientsadorablequiétaitvenulemercrediprécédentetquiavaitentendutoutel’histoireduCoqsanslevouloir.
Toutàcoup,j’eusenviedem’enfuirencriantàpleinspoumons.—Teresanousaditquetusortaisavecungarçon?medemandaAvery.—Quoi?Monespritétaitailleurs.J’imaginaisdescadavresquitombaientduplafondaccompagnés
desacsd’héroïne.Unepluiedecorpsetdecame.—Un garçon, dit Teresa en passant un bras sur les hanches de Jase. Tum’as dit qu’il
s’appelaitJax.Vousêtesallésdînerensemble?Iltravailleici?Çaterappellequelquechose?—Oh.Oui.J’avais l’aird’uneidioteàmespropresoreilles.Jemepassaiunemaindanslescheveux
pourlesrecoifferenarrière.LegesteparutétonnerTeresa.—Ilestlà.Il…euh…
Jemetournaiverslebar.Oh,non.Roxy était passée de dragon à arme de destructionmassive cracheuse de feu. Jax, lui,
était toujoursderrière lebar.EtAimeeavecun « i » etdeux « e »n’étaitplusassise sur lecomptoir,maiselleavaitlesmainssursontorse.Onauraitditqu’ellepalpaitsespectoraux.
—Lemecquisefaitfaireunemammo,tuveuxdire?demandaJase.Jedéglutis,maismagorgeétaitaussisèchequ’undésertàl’heureduzénith.Cams’avança,emportantAveryaveclui.—Cen’estpaslui,pasvrai?Mon Dieu. Mes amis étaient venus rencontrer Jax et il fallait que la petite reine de
beautéAimeeGrantchoisissecemomentpourlepeloter.Teresa cherchait visiblement un autre garçon des yeux, mais il n’y avait que Roxy
derrièrelebaretelleneressemblaitpasàunmec,alors…Sous nos yeux, Jax recula, hors de sa portée, et lui dit quelque chose qui la fit rire
commes’ilétaitlenouveauJimCarrey.—C’estJax,dis-jed’unevoixquin’étaitpaslamienne.Jasemeregarda,penchalatêtesurlecôté,puisreportasonattentionsurJax.—Ahoui?Oh,non.Jen’aimaispaslesondesavoix.Çavoulaitdirequ’ilallaitfaireensortedechangerça.Jemedemandaivaguementsiçachoqueraitquelqu’unsijemeroulaisenboulesousune
tablepourpleurer.Aumêmemoment,Jaxrelevalatêteversnous.Ilsouritenmevoyant…maissabonne
humeur fut de courte durée. Jase avait posé lamain surmon épaule et, quand je regardaiderrière lui, jeme rendis compte que Teresa n’était plus accrochée à lui comme la pieuvresexyqu’elleétait.
Ilfronçalessourcils.Leschosesétaientsurlepointdesegâter.Jaxsortitdederrière lebar.Aimeeetsonamiese tournèrentpour lesuivre,commesi
ellesétaientaimantées,maisillesdépassacommesiellesn’existaientpas.Unautrejour,j’auraistrouvéçahilarant.Jaxvintseposterdevantmoi,sansquitterJasedesyeux.—Toutvabien,Calla?JenevoyaispasJase,maisj’imaginaistrèsbienlesourirefauxculqu’ildevaitarborer.—Oui.C’estJase.(Jemetournaiunpeuverslui.)Etça,c’estTeresa.EtCametAvery.
Cesont…—Tes amis de la fac, termina-t-il àmaplace, prouvant ainsi qu’ilm’écoutait vraiment
quandjeparlais.(Soulagé,iltenditlamainversJase.)Ravidevousrencontrer.
JasemelâchaetserralamaindeJax.—Demême.Letondesavoixindiquaitlecontraire.Plusgênant,tumeurs.—Euh,ilssontvenusmefaireunesurprise.— C’est super, fit-il, la tête penchée sur le côté. (Il s’adressa à Teresa.) Vous lui avez
beaucoupmanqué.— C’est parce qu’on est géniaux, rétorqua-t-elle. On l’aime. Pour de vrai. Nous tous.
Beaucoup.Etonesttrèsprotecteursenverselle.Jaxladévisagea.Étonnamment,àcet instantprécis,çanem’auraitpasdérangéqu’uncadavremetombe
surlatête.JemedemandaisquigardaitRaphaeletMichelangelo,leurstortues,puisqueCametAveryétaientlàtouslesdeux.
Camsefigeatoutàcoup.—Maisc’est…?Jedevinaiqui ilsavaientvulaminuteoùCametJasesetransformèrentengaminesde
douzeans.—Oh,merde!soufflaJase.—Tupeuxledire!Brockse tenaitàquelquesmètresderrièreJax,unequeuedebillardà lamain.Camet
Jase ledévisageaientd’unairébahi,pourtant il la jouacoolet leur fitunsimplegestede latête.
—C’estqui?murmuraTeresa.— C’est qui ? (Jase la regarda avec de grands yeux.) Je ne crois pas que je puisse
continueràsortiravectoi.Ellelevalesyeuxaucieletluidonnaunetapesurlebras.—N’importequoi.—Vousvoulezquejevousprésente?proposaJaxenmefaisantunclind’œil.Ma poitrine fit une petite gigue dans ma poitrine. Il avait vraiment un clin d’œil du
tonnerre.JaseetCamoublièrentaussitôtlaprésencedeleurspetitesamiesetsuivirentJaxcomme
s’ilétaitunputaindejoueurdeflûte.—Maissinon,fitTeresaencroisantlesbras.C’estqui?—Unninjaspécialisteenartsmartiauxouuntrucdanslegenre.Ilfaitdescombatsàla
télé,expliquai-je.Ils’entraîneàPhiladelphie.—Oh!(Averyhochalatête.)Camadorecegenredechoses.Teresan’avaittoujourspasl’airimpressionné.—Vousvoulezquelquechoseàboire?—Jeprendraisbienunsoda,réponditAvery.
JemesouvinssoudainqueTeresan’avaitpasl’âgelégalpourentrerdansunbar,maisaupointoùonenétait…Jelesaccompagnaiaubaretpassaiderrièrelecomptoirpourattraperdeuxsodas.
—Cesonttesamies?medemandaNick.Jehochailatête.—Prendstontempsalors.Ons’occupedubar.—Cen’estpas…—Resteavecelles,Calla,insista-t-il.Net’inquiètepas.Roxyetmoi,onvasedébrouiller.Jeluisourisenhochantlatête.—D’accord.Merci.J’attrapailesboissonsderrièrelebaretlesapportaiàTeresaetAveryquim’attendaient
derrière les tabourets occupés. Roxy était occupée avec des clients. Il fallait que je mesouviennedelaleurprésenter.
Aprèsavoirtenduleursverresauxfilles,jem’adossaiaumur,àcôtédelaphotod’unmecquiavait l’airde fairepartied’ungangdemotards.Averyme regardaitbizarrement.Quandellerelevalesyeuxversmoi,ellemesouritd’unairhésitant.
—Tuesvraimentjolie,cesoir,Calla.—Merci.C’est…euh,lemaquillage.Jerougis.Jemesentaisstupidededireunechosepareille.—Je…n’enportepasautantqued’habitude.—Çatevabien.Ellesecouasonpoignetpourremettreenplacesonbraceletenargent.—C’estvraique tues jolie,ditTeresaen semordant la lèvre. (Elleallaalorsdroitau
but.)C’estqui,cettefille?J’avaisenviedepleurer.Non,enfait,j’avaisenviedemetaperlatêtecontrelebar,puis
depleurer.—C’estunefillequ’ilfréquentait,avant.—Avant?TeresaobservaitJaxquiétaittoujoursaveclesgarçons.Ilnousfaisaitface.L’incrédulité
quecharriaitsavoixmedonnaitenviedemejetersousuncamion.—Oui,murmurai-je.Jeprisunegrande inspiration.Jaxregardadansnotredirectionetsonsouriredisparut.
Jedétournailesyeuxpourmeconcentrersurmesamies.Jesourisquandmêmeparcequeçamefaisaitplaisirdelesvoir.
—Bref.Jesuiscontentequevoussoyezlà.Vousrestezcombiendetemps?—Ondortàl’hôtel,pastrèsloind’ici,réponditAveryenrecoiffantsescheveuxderrière
sonépaule. (Elleétait vraiment trèsbelleavec ses cheveux rouxet ses tachesde rousseur.)Onvoulaitvisiterlavilledemain.
—C’esttonjourdecongé,pasvrai?demandaTeresa.Jehochailatête.—Oui,jepeuxveniravecvous.Onvabiens’amuser.Dumoins,jel’espérais.Parcequ’avectoutcequisepassait,cen’étaitpasgagné.—Génial.Averyn’estjamaisvenueàPhiladelphie,m’expliqua-t-elle.Averyrit.—Jenesuisalléenullepart.Avery et moi… on se ressemblait beaucoup à ce niveau-là. Dommage qu’on ne se
connaissepasdavantage.Jeluisouris.—Moinonplus,doncçava,net’enfaispas.Sonsourires’agrandit.Sesyeuxpétillaientdemalice.EllesetournaversCamaumême
momentqu’ilsetournaitverselle.Illuisourit.Décidément,ilsétaienttropchoux.J’allais dire quelque chose, quand la porte s’ouvrit pour laisser entrer Katie. Elle
scintillaitcommeunefée,desescheveuxblonds jusqu’auxonglesrosebonbondesesorteilsquidépassaientdeseschaussuresàplateformedorées.Saroberessemblaitàuntee-shirtouun débardeur trop long. Elle moulait sa poitrine et ses hanches, mais était plus large auniveaudelataille,etluiarrivaitmi-cuisse.Çaluiallaitcommeungant.
Elleavaitmêmedesailes.Desailesrosestranslucides.Pasdesailesd’ange.Desailesdeféeaccrochéesdansledos.
Çaaussi,çaluiallait.Teresaouvrit labouche,puis la refermaaussitôt.Envoyantsonexpression, je réprimai
unéclatderire.Katiebalaya lasalleduregardetplissa lesyeuxenapercevantAimeeetsonamie.Puis
ellesetournaversmoietunénormesourireilluminasonjolivisage.Elletrottinaversnous.—Jesuisenpause,majolie.Ettoiaussi,visiblement!s’écria-t-elle.C’estledestin!—Carrément,répondis-je,toutsourire.Katie,j’aimeraisteprésenter…—Tesamiesdefac?Elleposalesmainssurseshanches.J’ignoraiscommentelleavaitdevinéquec’étaientmesamiesdefac,maisjenecomptais
pas luiposer laquestion.J’avais troppeurqu’elledisequec’étaitparcequ’elleétait tombéedelabarredepoledance.Ducoup,jenerelevaipas.
—C’estça.JeteprésenteTeresaetAvery.Averyluifitunsigneunpeutimidedelamain.—Bonsoir!—Sacrebleu!Tuasdescheveuxmagnifiques!s’exclamaKatieentendantlamainpour
attraper unemèche rousse. J’ai essayé deme teindre en rousse, une fois. Je suis ressortiecarotte.
Sacrebleu ? Mon Dieu… Je pris une grande inspiration, mais ne pus m’empêcher deglousserdefaçonpeusexy.
—Etdansmonboulot,avoir l’aird’unecarottenepaiepas les factures,continua-t-elle.(Ellearrêtade joueravec lescheveuxd’Averyet se tournaversTeresa.)Waouh,ceque t’escanon!Jecroisquejemeferaislesbiennerienquepourtoi.
Ehbien…Teresasourit.—Jeprendsçacommeuncompliment.Katiepenchalatêtesurlecôté.—Tuteferaisbeaucoupd’argent,situdansais.—Oh,jedansais,avant.Averyaussi.Oh,non…Katiejetauncoupd’œilàAveryavantderevenirversTeresaquisirotaitsonsoda.—Jemesuisblesséeaugenou,ajouta-t-elle.Maisj’aidansépendantdesannées.—Jenecroispasqu’onparledumêmegenrededanse,rétorquaKatiesanslamoindre
gêne.(C’estpourçaquejel’appréciais.)Jetravailledel’autrecôtédelarue.Avery fronça les sourcils. Je savaisqu’elle réfléchissait à cequ’elleavait vudans la rue
avantd’entrer.Quandellecompritenfin,elleécarquillalesyeux.—Tu…—J’enlèvemesvêtements?demandaKatieenriant.Jemontrelamarchandisedetemps
en temps, c’est vrai, mais c’est un peu plus classe que de secouer ta foufoune devant unvicelardquivientcollersonvisagejustedevant.
J’éclataiderire.Jenepouvaispasm’enempêcher.Teresa,elle,gardasonsérieux.—Çanedoitpasêtredrôlequandçaarrive.—Non,surtoutquandc’estunpénisàlaplace,rétorquaKatie.Je me retenais tellement de rire que ma mâchoire me faisait souffrir. Avery gloussait
derrièresonverre.—Tu sais, j’ai toujours voulu essayer. De faire du strip-tease, annonça Teresa d’un air
songeur.(Mesyeuxfaillirentmesortirdelatête.)Çaal’airamusant.LevisagedeKaties’illuminasouslecoupdel’excitation.—Jepeuxt’aider,situveux!Euh. Je doutais que Jase apprécie beaucoup. Son frère non plus, d’ailleurs. En fait,
j’auraisvouluêtreprésentequandelleleurannonceraitqu’ellecomptaitbarrer«strip-tease»desalistedeschosesàfaire.
Pearlcommençaitàêtredébordée.Jemesentaismalàl’aisedelalaissersedébrouiller.—Bon,lesfilles,ilfautquej’ailletravailler.Jesuisdésolée,mais…—Pasdesouci,meditTeresaenmefaisantunsignedelamain.(EllesouritàKatie.)Ne
t’inquiètepas.Onvarestericiunboutdetemps,detoutefaçon.
—D’accord.(Jel’embrassaisurlajoue,puisjefislamêmechoseàAvery.)Soyezsages.TeresagloussapendantquejeserraisKatiedansmesbras.Puisjem’éloignaienespérant
queTeresaneseraitpasdel’autrecôtédelarueentraindefairedelapoledancequandjereviendrais. Je contournai les garçons, mais j’avais à peine fait quelques pas que Jax merejoignit. Il posa le bras surmes épaules etm’emmena dans le couloir vers le bureau et laréserveavantquej’aiepuréagir.
Ils’arrêtaderrièrelaporteetsepostadevantmoi.Ilpenchalatêteversmoietmeparlaàvoixbasse.
—Qu’est-cequisepasse?—Rien.Ilfronçalesyeux.—Quelquechosenevapas.Jelevoisbien.Beaucoupdechosesn’allaientpas,maisjenecomptaispasleluidire.—Maisnon.Parcontre,jevaissûrementallerfairelatouristeaveceux,demain.Unmuscletressautaauniveaudesamâchoire.—Arrêtedemeraconterdesconneries.Jesaisqueçanevapas.Jecroisailesbrassurmapoitrine.—Commentça?—Quandtudiscutaisavectescopinestoutàl’heure,tuavaisunairdechienbattu.—N’importequoi,jen’avaispasl’air…Jeprisunegrandeinspiration.Oh,etpuismerde.Pourquoiest-cequejemeretenais,au
juste?Jeleregardaidroitdanslesyeux.—Tusaisquoi?Tuasraison.Çanevapas.Etc’estsansdouteparcequej’aiparlédetoi
àTeresa.—Ahoui?Lafrustrationdisparutdesonvisageetfutremplacéeparunsourire.—Super.J’avaisenviedelefrapper.—Non,c’estpassuper,non.Parcequ’elleenaparléàJase,quienaparléàCam,quien
aparléàAvery,avecqui,situnelesavaispas,ilformelecoupleleplusmignondumonde.Et s’ils m’ont fait la surprise de venir me rendre visite, c’est aussi pour voir à quoi turessemblais.
Sonsourires’élargit.—Cesontdesbonsamis.Çamefaitplaisir.Putain,j’avaisenviedeletuer.—Content que ça te plaise. En attendant, la première fois qu’ils t’ont vu, tu te faisais
tripoterparuneautrefille.Jaxseredressaetrecula.
—Ouais.Voilà,continuai-je.(Maintenantquej’avaisarrêtédementir,jenepouvaisplusm’arrêter.)Ilst’ontvuavecAimeeavantmêmequejepuissetelesprésenter…Autanttedirequemoi,jen’aipastrouvéçadrôle.
—Bébé…—Iln’yapasdebébéquitienne,rétorquai-jeenfaisantunpasenarrière.Jesaisqu’on
n’a jamaismisdemot surnotre relation et qu’onne se connaît pasdepuis longtemps.Maismême si c’estunepassade, j’aurais aiméque tu évitesde te fairepalper le torseparAimeelorsdetapremièrerencontreavecmesamis.
—Unepassade?répéta-t-il.Avait-il entendu tout ce que je venais de dire ? Était-ce la seule chose qu’il avait
retenue?—Pourtoi,c’estunepassade?J’aurais voulu répondre par l’affirmative… parce que je me sentais mal et que j’avais
envie de lui rendre la monnaie de sa pièce. J’avais été blessée, gênée même. Mais je meravisai.Jenesavaispasjouer.
—Non.Loindelà.Sonexpressionseradoucitetils’approchademoi.— Ce n’est pas une passade pour moi non plus, bébé. Je n’arrive pas à croire que tu
puisseslepenser.—Ahbon?— Chérie… Les signaux que je t’ai envoyés, tout ce que je fais depuis le début, tout
prouvequecen’estpaslecas,dit-ilenposantsahanchecontrelemur.Jesaisquetun’aspasbeaucoupd’expérienceenmatièrederelationsamoureusesetçanemedérangepas,mais jenevoispascequejepourraisfaired’autrepourterassurer.Etcettehistoiredemotsqu’onn’apasposéssurnotrerelation?poursuivit-ilenpassantundoigtsousmonmenton.Jecroisquetusaistrèsbiencequ’onest.
Leproblème,c’estquejen’enavaispaslamoindreidée, justement.Lasituationm’avaitparuclaireledimanchesoirquandilm’avaitdéshabilléeettraitéecommeunereine,ettoutesles foisoù l’onavait fait l’amourdepuis,maisaprès l’avoirvuavecAimee…Jen’avaispeut-êtrepasd’expérience,maisjen’étaispasstupide.
Il ne l’avait pas embrassée et il n’avait même pas su que mes amis seraient là, maischaquefoisqu’iltravaillait,Aimeelecollait.Etàpartsic’étaitlananalamoinsperspicacedumonde,ilnefaisaitpasgrand-chosepourlaremettreàsaplace.
Illalaissaitletoucher.Toutletemps.Cen’étaitpasnormal.Les larmesmemontèrent aux yeux.Cen’était pas la findumonde,mais cen’était pas
excusablenonplus. Lepire, c’est que tout ça se passait sousmes yeux. J’étais tellement en
colèrequejenesavaispasquoidire,maisdanstouslescas,çanemeplaisaitpas.Jeprisunegrandeinspiration.—Bon,jedoisretournertravailler.Ilyadumonde.—Onn’apasterminé.—Si.Pourl’instant,d’accord?Onenreparleraplustard.Jemetournaietsamainglissademonmenton.—Jen’auraisjamaiscruquetuseraisjalouse.Jemefigeaietleregardaidespiedsàlatête.Iln’auraitjamaisdûdireça.—Jenesuispasjalouse.Ilhaussaunsourcil.Jeplissailesyeux.—Bon,d’accord.Peut-êtreunpeu.C’estsiétonnantqueça?Jeviensdetedirequeça…
(Je nous désignai tous les deux d’un geste vigoureux de la main, comme si j’avais desspasmes.)Cen’étaitpasunepassade.Alors,non, jen’appréciepasdevoiruneautrenanatetripotertouslessoirs.Surtoutunefilleavecquituasdéjàcouché.
Lamâchoireserrée,ilpenchalatêtesurlecôté.—Tun’asaucuneraisond’êtrejalouse,Calla.Unriresansjoiem’échappa.—Sérieux?Tun’aspastrouvémieux?—Jesuissérieux,oui.Toutcequetudoisfaire,c’estavoirconfianceenmoi.Pasenelle.
Enmoi.Situmefaisaisconfiance,tuneseraispasjalouse.Jeleregardai,bouchebée.Cequ’ildisaitn’étaitpastotalementfaux.Ilfallaitêtredeux
pourcegenredechoses,maisquandmême…— Si tu veux que ça marche entre nous, il va falloir que tu me fasses confiance,
poursuivit-il.Lafaçondontilavaitditcettephrasemedonnalanausée.—Parcequ’une foisque tuauras tabourse, tu retournerasà la fac etdes centainesde
kilomètres nous sépareront. La confiance sera la seule chose qui nous permettra de tenir ladistance.Tucomprendscequejeveuxdire?
Jemefoutaisdecequ’ilracontait.Unepartiedemoisautillaitcommeunegamineparcequ’ilmeparlaitd’aveniretc’étaitgénial.L’autresesentaitmal.Biensûrquelaconfianceétaitimportante,maisça…cen’étaitpasnormal.Lui faireconfiancenevoulaitpasdireaccepterqu’ilsefassetripoterpard’autresfilles.Cen’étaitpasdelajalousie.
Ilfallaitquejeréfléchisse.Ilsoupira.—Calla…Jereculaiensecouantlatête.—Ilfautvraimentquejeretournetravailler.
Cette fois, Jax ne m’arrêta pas. Je retournai en salle et me fis violence pour ne pasarracherlescheveuxblondsbrillantsd’Aimeecommeunefurie.
Oui,j’étaisjalouse.J’étaishumaine,aprèstout.Jase et Cam avaient rejoint les filles. Brock était avec eux. Katie avait disparu. Jeme
demandaisiTeresaavaitl’intentiondechangerd’orientationprofessionnelle.J’avaisenviedeleurparler,maisPearlavaitvraimentl’airdenepass’ensortir.
Jeluiadressaiunregardd’excusesavantderetournerprendrelescommandes.Trèsvite,jenepensaiplusqu’auxboissonsetauxplatsquej’apportais.Tantmieux.Ilallaitfalloirquejeréfléchisseàcequis’étaitpassé.Maispastoutdesuite.
Je venais d’apporter des frites couvertes de fromage et de chair de crabes (que jecomptaismanger,moiaussi,pendantmapause)àunetableprèsdelaportequandjetournaila têtevers les tables rondesautourdesbillards. Je sentis alorsquelqu’unm’attraperpar lebras,justeau-dessusducoude,etunevoixquejeneconnaissaispasmemurmuraàl’oreille.
—Situcries,jefouslefeuaubar.Jemefigeaidelatêteauxpieds.Laseulechosequibougeaitencoreétaitmoncœurqui
battaitlachamade.— C’est bien, dit l’homme en resserrant sa prise. On va sortir. Si tum’obéis, tout ira
bien.Pigé?Jesursautaiensentantquelquechosesepressercontremesreins.Unflingue?Lechoc
me secoua. Je commençais à comprendre ce qui se passait. L’homme me guida jusqu’à laporte.J’imagineque,pourlesgensautourdenous,onavaitl’airdeseconnaître.Enfin,àpartpourmonexpressionhorrifiée.Maispersonnen’eutletempsdes’enrendrecompte.
Il y avait du monde autour du bar. Roxy, Nick et Jax étaient débordés. Je ne voyaismêmeplusAimee,nimesamis.
L’hommeouvritlaporte.Personnenetournalatêteversnous.Personnenenousarrêta.
25
Enlevée!Putain,onétaitentraindem’enlever!Çan’arrivaitjamais,danslavraievie.Danslesromansetlesfilms,peut-être,maispasà
desvraiesgens.Malheureusement, àpart si j’avaisdeshallucinations, c’était exactement cequi était en
trainde seproduire.Aubordde lacrisecardiaque, je fuspousséeparmonagresseur sur lecôtédubâtimentduMona’s,versleparkingarrièrequidonnaitsurdesarbresetdesentrepôtsabandonnés…l’endroitidéalpourtuerquelqu’un.
Lamainquimeretenaitétaitferme,s’enfonçaitdanslachairdemonbras.Enrevanche,jene sentaisplus ceque j’avais cruêtreun revolverdansmondos.Mes jambes tremblaienttellementfortquej’avaisdumalàcroirequejepouvaisencoremarcher,ouneserait-cequetenirdebout.
C’estalorsquej’aperçusun4x4noirquiattendait,lemoteurallumé,àcôtédesbennesàordure.
Lavitreducôtépassagersebaissaetdepuisl’obscuritéquirégnaitàl’intérieur,unevoixgraverésonna.
—Dépêche-toi,putain,Mo.Oh,monDieu. C’était deux hommes. Il y avait de grandes chances pour que je finisse
commeLeCoq.Toutefillebienrenseignéesaitqu’encasdetentatived’enlèvementilfautempêcherson
agresseurdequitterl’endroitoùl’onétaitàlabase.Ilvautmieuxsedébattreetrisquerdesefairetirerdessusplutôtqued’êtreemmenéejenesaisoù.
Cetteprisedeconsciencemefitreprendredupoildelabête.Jemepenchaivivementenavantpourdéstabilisermonkidnappeur.Iltrébucha,maissa
prise se resserra surmon bras jusqu’à ce que je crie. Jeme tournai vers lui. Son visage nem’étaitpasfamilier.J’ouvrislabouchepourcrierleplusfortpossible,maisj’enfusincapable.
L’hommejuraetmetiraviolemmentparlebras.Soudain,jemeretrouvaipresséecontrelui,samaincontremabouche.
Ilsentaitletabacetlegeldésinfectant.Prisedepanique,j’essayaiderespirerparlenez,mais,alors,jecomprisquelquechosed’essentiel.S’ilavaitunemainsurmaboucheetl’autreautourdemataille, ilnepouvaitpastenirunrevolver,niuneautrearme…àparts’ilavaituntroisièmebras.
Alors,jeluimordislamain,jusqu’àsentirsapeausebrisersousmesdents.J’avaisenviedevomir,maisjenem’arrêtaipas.
—Merde!s’écriaMoensedégageantvivement.L’espaced’uneseconde,jefuslibre.Jereculaid’unpasetmeretournaipourluifaireface.
Illevalamainetcefutleseulavertissementquejereçus.Je reculai sous le coup de la douleur. Ilm’avait frappée au niveau de lamâchoire. De
petitesétoilesbrillaientdevantmesyeuxtandisquelapeinedescendaitlelongdemoncou.—Qu’est-ce que tu fous ? demanda lemecdans le 4 x 4 avant de laisser échapper un
chapeletdejurons.—Ellem’amordu,cettesalope!rétorquaMo.Jesaigne!—T’esvraimentunetapette,putain.Fais-laentrerdanslavoiture.On…Jen’entendispas lereste.Moncœurbattaitàmestempes,effaçait tous lesautressons.
Jeprislesjambesàmoncou.Les chaussuresque jeportaisn’étaientpas faitespour ça. J’essayaidenepaspenserau
gravier qui s’enfonçait dans leurs semelles ultrafines. Je courus vers l’avant du bâtiment encriant à m’en percer les tympans jusqu’à ce que Mo m’attrape par-derrière. Je tombai enavant,m’éraflantlesgenouxcontrelebitume.
Unbraspassaautourdemataillepourmerelever.C’étaitmauvaissigne.Trèsmauvaissigne.Mo se retourna etme porta carrément jusqu’au 4 x 4 dont la porte côté conducteurétaitàprésentouverte.
Jemedébattiscommeunchatau-dessusd’unebaignoire.JerelevailesjambesetbougeailesbrascommeunmoulinàventpendantqueMoessayaitdemecontenir.Mesgesticulationsleralentissaient.Pasuneseulefois,jenem’arrêtaidecrier.
—Qu’est-cequisepasseici?s’exclamaunevoixderrièrenous.Lesondecettevoixmeredonnadel’espoir.—Clyde!criai-jeenprenantappuisurletrottoirpourmejetersurlecôté.Clyde!La porte du4 x 4 claqua et l’hommequime tenait jura dansmonoreille avant deme
lâcher. Il me laissa carrément tomber par terre. Je ne me plaignais pas, mais je tombai àquatrepattes.
— Merde, hoquetai-je en essayant de respirer normalement. (Je me redressai. Clydearrivaitversmoiencourant.)Merde!
Lesmainstremblantes,jerepoussailescheveuxquiétaienttombésdevantmonvisage.Jemerendiscomptequ’unattroupements’étaitforméaucoinduMona’s.
QuandClydeme rejoignit enfin, le 4 x 4 démarra en trombe, soulevant du gravier quiallafrapperungroupedepersonnes.Descriss’élevèrent.Quelqu’unlançaunprojectilesurlavoiture.Duverresebrisa.
—Calla,haletaClyde.Tuvasbien?J’étais quasiment sûre que j’étais à deux doigts de la crise de nerfs, mais à part une
douleuràlamâchoireetquelqueségratignurescauséesparmachute,j’étaisenvie.—Çava.—Tuessûre?medemanda-t-ilenrespirantbruyamment.L’entendrerespirercommeçamefitoubliercequivenaitdesepasser.Cen’étaitpasun
sonnormal.Pasdelapartd’unêtrehumain,entoutcas.Jem’accroupispourmeprépareràmelever.—Toutvabien,Clyde?Ilhochalatêtefrénétiquement.Jen’enétaispassisûrequeça.—Je t’ai vue…sortir. Jen’ai pas… reconnu ce type. Je…Jen’en étais pas certain.Et
avectoutcequis’estpassé…Desmainsseposèrentsoudainsurmesépaules.Jaxétaitagenouilléprèsdemoi.Ilavait
levisageblêmeetlestraitstiréscommelafoisoùonavaitfaillisefairerenverser.—Qu’est-cequisepasse?J’aientendudirequequelqu’unavaitessayédet’enlever.—C’estvrai.Mesmotsmeparaissaientétrangestandisquej’observaisClyde.Jaxresserrasaprisesur
mesépaules.—Qu’est-cequetufoutaisdehors?—Jene suispas sortieparplaisir.Le typeétaità l’intérieur. Ilm’aditque si jene lui
obéissaispas,ilmettraitlefeuaubar,expliquai-je.Clyde avait l’air d’allermieux. Il était toujours un peu pâle,mais sa respiration s’était
calmée.—Jecroisqu’ilavaitunflingue.—Seigneur.Merde,marmonnaJax.Ilpassaunemainsurmanuqueetmeforçaàreleverlatête.L’inquiétudeetlacolèrese
battaientenduelsursonvisage.Lafureurl’emporta.—Ilt’afrappée.Cen’étaitpasunequestionetjenepouvaispaslenier.—Jel’aimordu.—Etilt’afrappée?Putain,bébé.Jax se pencha en avant pour déposer un baiser surmon front. Puis il recula pourme
regarder.
—Ilfautqu’onappellelapolice,grommelaClyde.Jax serra les dents. Une lueur terrifiante s’était allumée dans ses yeux, le reflet d’une
colèrenoireetexplosivequisemblaitbouillirsouslasurface.—Jesaisàquoitupenses,mongarçon,repritClyde.MaisilfautquetuappellesReece.
Tunepeuxpasterendrejusticetoutseul.Pardon?CommentJaxaurait-ilpuréglercettehistoiretoutseul?Lavérité,c’étaitque
jen’arrêtaispasd’oublierqu’iln’étaitpas commeCamouJase. Iln’yavait rienqui clochaitchezeux,maisJaxétaitdifférent.Ilétaitplusendurci.IlavaitvudeschosesqueCametJasene comprendraient sûrement jamais. Il n’était pas comme eux ; du coup, il pouvaitpotentiellementréglercettehistoiresanslapolice.
Sapriseseresserrasurmanuqueetilm’aidaàmerelever,desamainlibre.Unefoisquejefusdebout,ilmeserracontrelui.Unfrissonmeparcourut.
—JevaisappelerReece.Par-dessus l’épauledeJax, jemerendiscomptequebeaucoupdegensétaientsortis.La
moitiédubar.Ycomprismesamis.Teresameregardaitbouchebée.JaseetCamavaientl’airénervéetlapauvreAverynesemblaitpascomprendrecequisepassait.
Même Brock était là. Et à son expression, il était clair qu’il aurait bien mis saconnaissancedesartsmartiauxenpratique.
Toutàcoup,Teresaseprécipitaversmoi,lesbrascroiséssursapoitrine.—Qu’est-cequisepasseici,Calla?Jefermailesyeux.Jenepouvaisplusleurcacherlavérité.
Il était tard quand je me retrouvai dans la chambre de Jax. Je ne savais même pas
comment j’étais arrivée là. Ce n’était pas comme si je pouvaisme coucher. Lamaison étaitpleineetce,depuisquel’inspecteurAndersetseshommesavaientdébarquéauMona’spourprendremadépositionettoutletralala.Çacommençaitàdevenirunpeutropfamilieràmongoût.
Le pire, c’était que «Mo » n’était pas un nom que l’inspecteur Anders connaissait. Çaavaitforcémentunrapportavecmamère,maisMackétaittoujoursterréaufonddesontrouetrien,pasunseulindice,nepermettaitderemonterjusqu’aumystérieuxIsaiah.
Teresa, Jase, Cam et Avery se trouvaient au rez-de-chaussée avec Brock. Mes amisavaientétémisaucourant.Enpartieparmoi.EnpartieparReeceetsongrandfrère.
Cequimeramenaitàlaraisondemaprésenceici.Enfait,jesavaispourquoij’étaisdanslachambredeJaxalorsquetoutlemondeétaitenbas.
Le château de carte de mes mensonges s’était effondré plus vite que prévu. Après lesexplications de Reece et son frère et ce que j’avais été obligée de leur avouer, mes amissavaient quemamère était bien vivante et qu’elle étaitmêlée à des affaires pas nettes quiavaientdesconséquencessurmaproprevie.Laseulechosedont jen’avaispasvouluparler,c’étaitl’incendie.Mais,trèsfranchement,cen’étaitpasleplusimportant.
Alorsoui,jesavaisparfaitementpourquoij’étaisassiseauborddulitdeJax,incapablededescendreetde faire faceàmesamis. Jepréférais rester ici, enveloppéedans leparfumdeJax,rassuréeparlesouvenirdetoutcequ’onavaitfaitici,surlelit,surlesol…danslasalledebains.
Oui.J’allaisrestericipourtoujours.Çameparaissaittoutàfaitsensé,commeplan.Peut-êtremêmequejepouvaisconvaincreJaxdem’apporteràmangeraumoinsdeuxfoisparjour.L’idéemeplaisaitdeplusenplus.
—Calla?Jerelevailatêteetmetournaiverslaporteouverte.Jemecrispai.Teresasetenaitdans
l’entrée.Etellen’étaitpasseule.Averyl’accompagnait.—Jaxnousaautoriséesàmonter,expliquaAverytandisqueTeresaouvraitlaporteen
grandd’uncoupdehanche.Onnes’estpasfaufiléesendouce.Çanem’étonnaitpasdelapartdeJax.Jemeterraisicidepuispasmaldetemps,après
tout.—Désolée,leurdis-jeenfixantmesyeux.Jen’aipasvuletempspasser.—C’estcompréhensible.Tuaseuunenuitdedingue,ditAveryd’unevoixdouce.Teresaentraetselaissatombersurlelitàcôtédemoi.—Apparemment,c’esttavietoutentièrequiestdingue.Jegrimaçai.Averyluiadressaunregardquiluipassaau-dessusdelatête.—Tuesvenueicipourtecacher,continuaTeresa.Quand jebougeai les lèvres, lemouvementme fit souffrir. Jem’étais regardéedansun
miroirunpeuplustôt.Unhématomeétaitentraind’apparaîtresurmamâchoireetmalèvreinférieureétaitdéchiréeprèsducoindroit.
—C’estsiévidentqueça?Ellehaussalesépaules.—Unpeu.Jeprisunegrandeinspiration.Étantdonnéquejenepouvaisplusmeplanquer,ilfallait
quejeprennemoncourageàdeuxmains…mêmesijen’enavaispaslamoindreenvie.—Je suisdésolée, les filles. Je saisque jevousaimenti et jen’aimêmepasdebonne
raison.Teresapenchalatêtesurlecôtépendantqu’Averyserapprochaitdulit.Ellejouaitavec
lebraceletàsonpoignetgauche.—Alors…Tun’espasoriginairedelarégiondeShepherdstown?Honteuse,jesecouailatête.Jen’avaispasressenticesentimentdepuisquej’avaisjetéun
chewing-gum dans les cheveux d’une petite fille qui était montée sur scène avant moi. Çan’avait pas été prémédité dema part.Mamère s’était tenue devant la scène et quand elle
avaitvuquej’avaistoujoursmonchewing-gumàlabouche,elleavaitpriscetairfurieuxquim’avaitfaitpaniquer.
—JesuisàShepherddepuismesdix-huitans.C’estunpeumonchez-moi,répondis-jeenjetantuncoupd’œilàTeresa.(Ellem’observaitattentivement.)Jesaisqueçane justifiepasmesmensonges,mais je…jenemesuis jamais sentieà lamaison ici.Dumoins,pasdepuistrèslongtemps.
Teresahochadoucementlatête.— Une fois, tu m’as dit que tu allais dans ta famille pour les vacances… Alors que,
d’aprèscequej’aicompris,tun’étaispasrevenueicidepuisdesannées.—Jenesuispasrentrée,répondis-je,lerougeauxjoues.Jesuisalléeàl’hôtel.Ellefronçalessourcils.Avery,elle,écarquillalesyeuxd’unaircompatissant.—Oh,Calla…—Jesaisquec’étaitstupide.Jel’aifaitparcequej’avaisbesoindevacancesetc’étaitma
seuleoption.Pourêtrefranche,c’étaitplutôtsympa.Jesaisquecequejevousaiditàproposdemamèreestaffreux.Vouspensezsûrementquejenesuispasquelqu’undebien.
—Euh,enfait,non.Teresa se tourna versmoi et tendit sa jambeblessée, depuis que le copainde sa coloc
l’avaitpoussée,détruisantainsisonrêved’entrerdansunegrandeécoledeballet.—Calla, jene connaispas tes raisonspouravoirmenti sur tamèreou tavie ici,mais
aprèscequ’onaappriscesdeuxdernièresheures,jecomprendspourquoitun’avaispasenvied’enparler.
—Oui,oncomprend,acquiesçaAvery.Jesentisunmaigreespoirnaîtreenmoi.Teresatapamongenouaveclesien.— J’espère que tu sais que ça n’a pas lamoindre importance.On ne te jugera pas. Tu
peuxêtretoi-mêmeavecnous.—Fais-nousconfiance,ajoutaAvery.Onseralesdernièresàtejuger.Je lesregardai l’uneaprès l’autre.Elleséchangeaientdesregardsdont jenecomprenais
pastoutàfaitlasignification.PuisAverys’assitdemonautrecôté.Visiblementnerveuse,ellereplaçaunemèchedesescheveuxderrièresonoreille.
Elle prit une grande inspiration et jeta un dernier coup d’œil à Teresa avant de seconcentrersurmoi.Lesmusclesdemonventresecontractèrent.Jesavaisqu’elleétaitsurlepointdemerévélerquelquechosed’important.C’étaitécritsursonvisageblême.
—Quandj’étaisplusjeune, jesuisalléeàunefêtequ’unmecplusvieuxavaitorganiséechezlui. Ilétaitmignon.J’ai flirtéaveclui…mais leschosesontdégénéré.Ças’esttrèsmalpassé.
Oh,monDieu,non.Unepartiedemoicomprenaitoùellevoulaitenvenir.Jeluiprislamainetlaserraifort.
Elle avait les lèvres pincées. Il était évident que cette confession lui coûtait. Elle étaitbienpluscourageusequemoi.
—Ilm’aviolée,murmuraAvery,d’unevoixsifaiblequejel’entendisàpeine.(Moncœurseserra.)J’aieulabonneréaction.Audépart.J’enaiparléàmesparentsetàlapolice,maisses parents et les miens étaient des amis du country club. Du coup, ils leur ont offert del’argentpourqu’ilssetaisent.Ilyavaitunephotodemoiassisesurlesgenouxdugarçon,unpeu plus tôt dans la soirée. J’avais bu… Mes parents s’inquiétaient davantage de leurréputation que de ce qu’onm’avait fait. Alors, j’ai accepté. J’ai pris l’argent…mais çam’arongéedel’intérieur,Calla.Jemesentaismoinsquerien.
Leslarmesmebrûlaientlesyeux.Ellemelâchalamainetretiralentementsonbracelet.Quand elle leva sonpoignet versmoi, je pris une grande inspiration. La cicatrice était bienvisible.Jesavaiscequ’ellesignifiait.
Averyeutunsouriretriste.—Cen’estpaslepire.Commejen’aipasportéplainte,legarçonarécidivé.—Mon Dieu, soufflai-je. (J’avais envie de la prendre dans mes bras.) Ce n’est pas ta
faute,machérie.Tunel’aspasobligéàtefaireça,niàpersonned’autre.— Je sais. (Son sourire se fit plus grand.) Je sais.Mais jeme suis quandmême sentie
responsable. Si je t’enparlemaintenant, c’est parceque jeme suis tuependantdes années.Quandj’airencontréCam,ilm’afallutravaillersurmoi-mêmepourluidirelavérité.J’aifaillileperdreparceque j’enétais incapable. (Elle respiraprofondément.)Ceque je veuxdire…c’est que j’ai honte d’avoir tenté de me suicider, honte d’avoir laissé mes parents memanipuler.Mais à présent, grâce à la thérapie que je suis, j’ai compris pourquoi j’avais agiainsietçanefaitpasdemoiunemauvaisepersonne,niunemauvaiseamiepourceuxàquijenemeconfiepas.
—Non,murmurai-jeenrepoussantmeslarmes.Tun’espasunemauvaisepersonne.Teresaseraclalagorge.Quandellepritlaparole,savoixétaitenrouée.Jelaregardaiet
mecrispaidenouveau.—Quandj’étaisaulycée,monpetitamim’afrappée.Plusd’unefois.Destonnesdefois,
enfait.Seigneur.Jen’arrivaispasàycroire.Teresanesemblaitpasêtredugenreàs’enfermerdansune
relationabusive…Cependant,jemerendiscomptequec’étaituneidéepréconçuedemapart.—J’étais jeune,maiscen’estpasuneexcusepourm’être laissé faire,dit-ellecommesi
elle avait lu dansmes pensées. Je n’en ai parlé à personne. Je l’ai caché. Quand les bleusétaienttropvisibles,j’inventaisdeshistoires.Unjour,justeavantThanksgiving,mamèrem’avue.Jen’aipaspunier.Lepiredanstoutça,cen’étaitpaslefaitd’êtrebattue…cesontles
conséquencesqueçaaeusurmonfrère.Ilaperdulatête,Calla.Ilestalléchezmoncopainpourleremettreàsaplaceet…etilssesontbattus.Caml’afrappésifortqu’ils’estretrouvéàl’hôpital.Monfrère…aétéarrêté.
—Merde,hoquetai-je,lesyeuxécarquillés.Teresahochalatête.—Ilaeubeaucoupd’ennuis.Pendant longtemps, jem’ensuisvoulu.Jen’auraispasdû
rester avec ce mec. J’aurais dû en parler à quelqu’un. Cam n’aurait pas tout perdu… Unsemestre d’école, sa place dans l’équipe de foot… J’ai ressenti énormément de culpabilité.Mêmeaujourd’hui,j’aitoujoursdesregrets.
—JesuissûrequeCamnet’enveutpas,luidis-je.—Non,intervintAvery.Ilnet’ajamaistenuepourresponsable.LesouriredeTeresaétaittremblant.—C’estparcequemonfrèreestgénial.Jeluiprislamain.Àprésent,j’avaisvraimentleslarmesauxyeux.Averysecolladavantageàmoi.—N’oubliepasJase,dit-elle.Ilestgénial,luiaussi.Unlégerriremesecoua.—Etcommenous, il ades secrets,ajoutaTeresa.Deschosesénormesdont jenepeux
pasparlerparcequecesontsesaffairesetpas lesmiennes,maispendant longtemps, jesuisrestéedanslenoir.Quandils’estconfiéàmoi,j’aicomprispourquoiillescachait.(L’émotionétaitpalpable.)Ceque jeveuxdire,Calla,c’estqu’ona tousmentiparcequ’onavaithonte,alorsqu’onauraitaiméenparlerbeaucoupplustôt.
—Maisenparler,voirleschosesenface…,fitAvery.Jetournailatêteverselleetellesourit.Quandelleserramamaindanslasienne,jeme
rendiscomptequ’onétaittouteslestroisconnectées.—Jesaisqueçapeutparaîtrecliché,maisçachangetout.—Surtoutquandonenparleàdesamis,ajoutaTeresad’unevoixdouce.Leslèvrespincées,jehochaiplusieursfoislatête.Envérité,jenesavaispastrèsbience
que j’étais en traind’accepter. Tout, sans doute.De longuesminutes passèrent avant que jetrouve la forcedemeconfieràelles,une forceque jusqu’àprésent, j’avaisseulementpuiséedanslatequila.
Je leurparlaidemamère.Pourdevrai,cettefois.Decellequ’elleavaitétéetdecellequ’elleétaitdevenue.Decequiavaitcausécechangement.L’incendie.JeleurparlaideKevinet de Tommy. De mon père qui nous avait abandonnées. Et je leur dis aussi pour mescicatrices,toutes.Toutçaenchialantcommeunbébéquiauraitperdusondoudou.Àlafin,onétaittouteslestroisenpleurs.Ilyavaitquelquechosederafraîchissantdanslefaitdemeconfieràellesaprèsavoirentenduleurshistoirespleinesd’émotions.Commesileslarmesmepurifiaient.
Quandj’eusterminé,ontombadanslesbraslesuneslesautres.Àcetinstant, jemeviscomme Jax me percevait : courageuse. Parce que j’avais dû faire preuve de beaucoup decourage pour leur parler. Jax était au courant et ces filles comprenaient que le tempsn’arrangeaitpasforcémentleschoses:c’esttoujoursaussidifficiled’enparler.
Toutàcoup, jecomprisquelquechosed’important. Ilm’avait falluvingtetunanspourm’enrendrecompte,etjeledéplorais,maislafamilleneselimitaitpasauxliensdusangetàl’ADN.C’étaitbienplusqueça.C’étaitClyde,TeresaetAvery.
Et malgré mes yeux gonflés et mon visage humide, je ressentais la même chose quelorsquejem’étaisdéshabilléedevantJax.
Jemesentaisforte.Teresareculaenreniflantets’essuyalesyeux.— Bon, ça, c’est fait. Maintenant, qui est-ce qu’on doit frapper pour que tu restes en
dehorsdesproblèmesdetamère?
26
ToutlemondepartitdechezJaxenvironuneheureavantleleverdusoleil.Teresaetlesautresavaienttoujours l’intentiondevisiterPhiladelphiedans la journée.Jemouraisd’enviedepasserdutempsaveceux,maislesaccompagnern’auraitpasétéprudent.
Ça m’embêtait plus qu’autre chose. Mes amis me manquaient et je ne pouvaism’empêcher de me demander si ce serait ça, ma vie, dorénavant : m’habituer à l’épée deDamoclèsau-dessusdematête.
Il fallait trouver une solution. Je ne savais pas laquelle, mais je n’étais pas sûre depouvoirtenirencorelongtempscommeça.
Cependant,Jaxavaiteuunetrèsbonneidée:unbrunchchezluiavantqu’ilsaillentjouerles touristes, puis qu’ils repartent en Virginie-Occidentale. J’allais quand même les voir…entrequatremurs.
C’étaitmieuxquerien.Je venais d’enfiler mon pyjama habituel. Et j’étais enfin seule avec Jax. Il se tenait à
l’intérieurdelachambre,devantlaporte.Sonvisageétaitfermé,ilavait lamâchoireserréeetleslèvrespincées.
Une soudaine tensionm’envahit,mêlée à une légère nervosité. Avec tout ce qui s’étaitpassé, j’avais oublié qu’on s’était disputés et qu’on n’avait pas trouvé de solution à notredifférend.Çan’avaitpasétémapriorité.
Àprésent,jenepensaisplusqu’àça.PeuimportaitlefaitqueleproblèmeavecAimeenesoitpasaussigravequelereste.
L’intensitéquisedégageaitduregarddeJaxmepétrifiait.Ilavançad’unpasdécidéetsepostadevantmoi.Nosregardsserencontrèrent.Jedéglutistandisqu’illevaitlamain,maisaulieu de toucher ma joue gauche, comme il en avait pris l’habitude, le bout de ses doigtseffleuralecôtédroitdemonvisageetlecoindemalèvrecoupée.
—Çafaitmal?medemanda-t-il.Jesecouailégèrementlatête.—Non.Pasvraiment.
Sesiriss’obscurcirentetilbaissalamain.—Çan’auraitjamaisdûseproduire.Jen’allaispaslecontredireàcesujet.Ilsepassaunemaindanslescheveux.—Jenemesuispasrenducompteque tuétaispartie.Tuavaisun flinguedans ledos,
j’étaislà,justeàcôté,etjen’airienvu.J’auraisdûsentirquelquechose.—Hou là.Attendsune seconde.Riende tout çan’est ta faute, Jax.Tuétaisoccupéau
bar.Etpour tout tedire, je suis contenteque tun’aies rienvu, luidis-je.Tuauraispuêtreblessé.
Sonexpressionsefitincrédule.—J’auraispuêtreblessé?C’esttoiquiasétéblessée,Calla.Ceconnardt’afrappéeettu
t’inquiètespourmoi?—Euh,oui…etpourtouslesgensquiétaientdanslebaretqu’ilamenacés.Toutenprononçantcesmots,jecomprisqueçan’avaitpaslamoindreimportance.Çane
feraitquel’énerverencoreplus.Jereculaietmelaissaitombersurlelit.—Jevaisbien,Jax.Jetelepromets.— Tu asmordu quelqu’un. Tu as posé ta bouche sur la peau de ce connard et tu l’as
mordupourtedéfendre.Commentest-cequetupeuxdirequeçava?—Ditcommeça,jenesaispastrop.Ils’approchademoi,lamâchoireserrée,ets’agenouillaàmespieds.—Jet’avaispromisqu’ilnet’arriveraitrien.—Jax…—Etilt’estarrivéquelquechose.Ilposalesmainssurmesgenouxpourlesécarteretseglisserentremesjambes.Sesyeux
étaientposéssurmonbras.Jesuivissonregard.J’avaisunhématome,làaussi.—J’aidumalàlesupporter.Çamerenddingue.Jen’arrêtepasdemedemandercequi
seseraitpassési…jesuisdéjàpasséparlà.Jenecomprispastoutdesuitecequ’ilvoulaitdire,puisjesecouailatête.—Çan’arienàvoiraveccequiestarrivéàtasœur.Jaxneréponditpas.—Tuenasconscience,j’espère?Jenesuispastaresponsabilité.Pasdecettemanière,
insistai-je.Jenanel’étaitpasnonplus…Lamâchoireserrée,ildétournalatête.—Calla,mecoupa-t-il.Jel’ignorai.—Mêmesituavaisétécheztoi,Jax,çan’auraitrienchangé.—Arrête…Arrête.
—Non. (Je ne comptais pas le laisser se défiler.) Elle aurait fait son overdose dans lachambreàcôtédelatienne.Lerésultatauraitétélemême.D’unefaçonoud’uneautre,elleauraittrouvéunesolution.
Ilmeregardadenouveaudanslesyeux.—Commenttupeuxlesavoir?—Parcequejesuisdéjàpasséeparlà,moiaussi.(Jesoutinssonregard.)Jen’aijamais
réussiàremettremamèresurledroitchemin.Pourtant,Dieusaitquej’aiessayé.Desmilliersdefois.Aufonddetoi,tusaisquec’estlamêmechosepourtasœur.
Plusieursminutess’écoulèrentensilence.Puisilsoupiraviolemment.—Jenesaispas,Calla.C’est…oui,c’esttrèsduràencaisser.—Jesais.Je le savais plus que n’importe qui,mais j’avais aussi conscience que rien de ce que je
pourraisdirenesoulageraitJax.C’étaitunprocessusquiprenaitbeaucoupdetemps.Ilfallaitqu’iltrouvelaforceenluipourselibérerdelaculpabilité.
—Jecroisquetuferaismieuxderestericipendantquelquesjours,medit-ilauboutd’unmoment.
Jefronçailessourcils.—C’estdéjàlecas,non?—Cen’estpascequejeveuxdire,bébé.(Ilcaressalestracesdedoigtsau-dessusdemon
coude.)Évited’alleraubarjusqu’àceque…ças’arrange.—Quoi?(Jereculaimonbraset il releva la têtepourmeregarderenface.)Jeneme
cacherai pas ici, ni nulle part, d’ailleurs. Je comprends le sérieux de la situation, mais j’aibesoind’argent.
Sesmainsseposèrentdenouveausurmesgenoux.—Calla…—J’aibesoind’argent.Jeneplaisantepas.Madettes’élèveàplusdecentmilledollars,
Jax.Jenegagnepasbeaucoup,maisc’estdéjàundébut.JenepeuxpasmepermettredemelacoulerdouceaucentrederelogementdeJax.
Ilréprimaunsourire.—LecentrederelogementdeJax?Jeplissailesyeux.Ilritetunepartiedesacolères’envola.—J’aimebienl’idée.— Ça nem’étonne pas, rétorquai-je sèchement. Il faut juste… que je sois un peu plus
prudente,quejefasseattentionàcequisepasseautourdemoi.Cequejeveuxdire,c’estqueMonedevaitpasavoirl’aird’uncriminel.Ilfautquejesoisplusattentive.
—Moiaussi,acquiesça-t-ilavecconviction.
J’allaislecontredire,maisjemerendiscomptequeçaneserviraitàrien.Sonexpressionavaitconservéunecertainesévérité.Jemesouvinsalorsduregardassassinqu’ilavaiteuaubar.
Pendantque je ledévisageais, quelque chose changeadans ses yeux. Leur couleur étaittoujoursaussifoncée,maisilsbrillaientd’unelueurunpeupluschaleureuse.Ilétaittard.Outôt. Selon le point de vue. On avait encore beaucoup de choses à discuter, comme, parexemple, le cas d’Aimee avec un « i » et deux « e » et son excuse du « il faut que tu aiesconfianceenmoi»pourlalaisserletripotercommes’ilétaitunmorceaudeviande.
Oui.Ilfallaitabsolumentqu’onenparle.Maistandisqu’ilmecontemplait,jepouvaisdevineràquoiilpensait.Jelesentais.Après
monkidnappingratéetavoirenfinavouélavéritéàTeresaetAvery,jen’avaisvraimentpasenvie de parler d’Aimee, de ses mains baladeuses et de l’envie qui me démangeait de metransformerenlionneenragéeetdeluiarracherlatête.
Ilfallaitqu’onparle.C’étaitimportantcarilavaitraison:àlarentrée,descentainesdekilomètresnoussépareraient.Jedevraisluifaireconfiance.
C’étaitdéjàlecas.Plusoumoins.Jesoupiraiintérieurement.LesmainsdeJaxremontèrentlelongdemescuisses,jusqu’àmonshort.Moncorpsreprit
alorslescommandes.Ileutunsourirecoquin.Bon,d’accord.Onparleraitplustard.Jene laissaipas le tempsàmoncerveaudeme soufflerque c’étaitunemauvaise idée,
que je trahissais toutes les valeursdu féminismeen faveurd’unepartiede jambesen l’air…J’attrapaisontee-shirtetlesoulevai.Jaxreculalégèrementetlevalesbrassansunmot.Ilseretrouvatorsenuetjepuslaissercourirmesdoigtssursapeaufermeetaccidentée.Unefoisencore, je me demandai comment j’avais pu vivre sans connaître la sensation d’un torsed’homme,deJax,sousmesdoigts.
JebaissailatêteetJaxmerejoignitàmi-chemin.Notrebaiserfuttendre,vraimenttrèsdoux.Lacaressedeseslèvresmetouchaenpleincœur.
Seigneur.J’étaisraidedingueamoureusedecetype.Sesmains remontèrent le long demes flancs. Il attrapamon tee-shirt etme le retira.
Dessous,j’étaisnue.L’airfraissoufflasurmapeaubrûlante.Jaxselevaetposalesmainssurmes épaules. Il m’embrassa au coin des lèvres, puis sa bouche descendit sur ma mâchoireendolorie.Ilmeforçaàm’allongersurledos.Lespoilsdesontorseeffleuraientmapoitrinetandisqueses lèvresdéposaientdesbaisers le longdemoncou.Jesentis lesmusclesdesesbrassecontractersousmesmains.
Quandsaboucheserefermasurlapointedemesseins,moncorpss’enflamma.J’arquailedosetlaissaiéchapperunlégergémissement.
—Tuestellementsensible,dit-ilcontremapoitrine,quec’est trèsfaciledet’exciteretdetepréparer.
Ilavaitraison.—Désolée?Jaxrit.—Iln’yaquetoipourt’excuserdecegenredechoses.Quandilléchamonmamelondurci,j’enfonçaimesonglesdanssapeau.Ils’appuyasurun
bras pour pouvoir poser unemain surmon autre sein. J’étais au paradis. Je pouvaismêmesentirsonérectioncontremacuisse.
Ledésirmontadansmesveineslorsquesesdoigtsquittèrentmapoitrinepourdescendrejusqu’àmonventre.Ilposalamainàplatcontremonventrepuislaglissasousmonshort.Jecriai de plaisir. Il semit alors à sucermon sein plus fort, comme s’il essayait d’aspirermaforcevitale.
Etàcetinstant,j’étaispersuadéequ’ilenétaitcapable.Ilcontinuademalmenermapeausensibleavantdes’asseoirpourmeretirermonshort
etmaculotte.Ilssevolatilisèrent.Sesvêtementsaussi.Ils’éclipsauninstantavantdereveniravec un petit sachet.Une fois le préservatif en place, il s’allongea de nouveau au-dessus demoietrecommençadepuisledébut.Ilm’embrassaaucoindeslèvres,laissacourirsabouchesurmamâchoireendolorie,puissurmonseingaucheetmondroit.
Ungémissementm’échappaetjemecambrai.—Jax…—Merde.Savoixétaitgraveetrauque.Seshanchesondulèrentcontre lesmienneset j’écartai les
cuissespourlerecevoir.J’avaisenviedelui.Quand il s’écarta légèrement, je compris qu’il voulait prendre son temps. Prendre son
tempspourmerendredingue.Ilenétaithorsdequestion.—Non,haletai-je.Jeteveuxenmoi.Toutdesuite.Ilhaussaunsourcil.—Lapatienceestunevertu,bébé.—Vatefairevoiravectapatience.Ils’esclaffa,maissonriresetransformarapidementengrognementlorsquej’enroulaimes
doigtsàlabasedesonsexe.—Putain,bébé,tuesvraimentimpatientecesoir.Jebougeai légèrement lamainetseshanchesdécrivirentunmouvementdeva-et-vient.
Jepusadmireràloisirsesmusclesquisecontractaient.—Peut-êtreunpeu.
Une de ses mains glissa le long de mes hanches jusqu’à ma cuisse et je le guidaiexactement où je le voulais.Quand je le sentis pressé contremoi, j’oubliai tout le reste. Jeretiraimamainpourlaplacerderrièresanuque.
Plusfortquemoi,Jaxseretint.Ileutunsouriresuffisant.—Jax,murmurai-je.Il me pénétra un peu plus, puis se pencha de façon à ce que ses lèvres effleurent les
miennes.—C’estçaquetuveux?—Questionbête.—Ahbon?Tucrois?Sonpoucecaressaundemesseinsetjouaavecmonmamelon.Lasensationexquiseme
fitcrierdeplaisir.Jehaletai.—Cen’estpasjuste.—Tun’avaisqu’àpasdirequemaquestionétaitbête.Ilbaissalatêtepourdéposerunenuéedebaiserssurmonépauletoutencontinuantde
joueravecmonmamelon.Messeinsétaientlourdsetgonflés.Ilmemordillalapeau.—Alors,elleesttoujoursaussibête,cettequestion?—Oui,réussis-jeàarticuler.Je nouaimes jambes autour de ses hanches et relevaimon bassin pour le faire entrer
entièrementenmoi.Ilsoupiratandisqu’ils’enfonçaitauplusprofonddemoncorps.Cettesensationresterait
àjamaisgravéedansmamémoire.—Bébé,grogna-t-il.Jecroisquetumeveuxplusquetout.C’étaitlavérité.Pourtant, ilnebougeaitpas.Non.Cemecavaituneretenuedemalade. Ilétait figé,en
moi,etmapatiencecommençaitàatteindreseslimites.Quandj’ondulaileshanches,ongémittouslesdeux.
—MonDieu.Tuenmeursd’envie.(Ilm’embrassadanslecou.)Tuenveuxplus.Lerougeauxjoues,j’acquiesçai:—Oui.Il fit glisser sa langue le long demes lèvres jusqu’à ce que je les ouvre. Ilm’embrassa
alorspassionnément,toutenfaisantattentionàmacoupure.Puisilrelevalatête.—Tuestoujourslà?Jemesouvinsqu’ilm’avaitposélaquestionlorsdenotrepremièrefois.Jehochailatête.—Oui,murmurai-je.Ilm’embrassaencore.—Alors,resteavecmoi.
Avantque jepuisse répondre, il sedégageade la cageque formaientmes jambeset seretira. Mon gémissement de protestation mourut sur mes lèvres lorsqu’il m’attrapa par leshanchesetmefitmeretournersurleventre.
Jemefigeai.Mescheveuxavaientglissépar-dessusmesépaulesetmondosétaitentièrementexposéà
sa vue.C’était la partiedemon corps la plus abîmée. Il l’avait déjà vue,mais cette fois, çan’avaitrienàvoir.Riendutout.Jevoulusmeredresser,meretourner,maisilm’attrapaparla taille etm’aida àmemettre à genoux. Son torse était collé àmon dos. La panique vintempoisonnerlamyriaded’émotionsquejeressentais.
—Resteavecmoi,bébé,dit-ilcontremanuque.—Jax…Quand il me pénétra par-derrière, je perdis l’usage de la parole. Ainsi, les sensations
étaientdifférentes.Ilparaissaitpluslong.Pluslarge.Etilétaitcolléàmoi.Jen’arrivaisplusàrespirer.C’étaitintense,puissant…déstabilisant.
—Tuestoujoursavecmoi?medemanda-t-il.Oui.Jen’arrivaispasàycroire,maisjel’étais.J’étaisavecluisurtoutelaligne.Ilpassaunemainsurmonépaule.—Calla?—Oui,soufflai-je.Jesuisavectoi.—Parfait,murmura-t-il.C’étaitlaréponsequ’ilattendaitpourcesserdeseretenir.Ilsemitàalleretvenirenmoideplusenplusvite,deplusenplusfort,ralentissantde
temps en temps pour savourer la friction.Denouvelles sensations s’éveillaient enmoi.Mesdoigts s’enfonçaient dans le matelas et mes hanches se soulevaient naturellement pour serapprocherdessiennes.
—Oh,monDieu,murmurai-je.Jeneconnaissaispasgrand-choseausexe,etchaquefoisquejefaisaisl’amouravecJax,
j’étaissurprise.Pourtant,jen’auraisjamaispenséressentircegenredechoses.Un grognement approbateur lui échappa et il entoura ma taille d’un bras pour me
rapprocherdavantage.Samains’insinuaentremesjambes.Sonpoucetrouvalapartielaplussensibledemon corps.Alors, ce fut troppourmoi.Mon corps trembladeplaisir, avecuneintensitéquime fit tourner la tête. Je restai àquatrepattespendantqu’il continuaitdemepénétrer par-derrière et bougeai les hanches en rythme.Mes propresmouvements se firentfrénétiques.
—Jen’aijamaisressentiça,murmura-t-ilcontremanuque.Avecpersonne.Sesparolesmecoupèrentlesouffleetjemeperdiseneux.Jemeperdisdanslasensation
desoncorpsquibougeaitderrièrelemien,rapideetbeau.Lebruitdenoschairsenchevêtréesetnosgémissementsrésonnaientdanslapièce.Iln’yavaitplusaucunrythme,aucuneretenue.
Latensionétaitpalpable.Lafaçondontiltremblaitetsecrispaitmedisaitqu’ilallaitbientôtjouir.
—Jen’aijamaisressentiça,grogna-t-ilàmonoreille.Àcesmots,leplaisirm’envahit.Moncorpssecontractaautourdeluietjerejetailatête
enarrièrepourcrier.Lapressionquiavaitgrandienmoiexplosa, tandisqueJaxcontinuaitsesmouvementsdeva-et-vient.Mesbras cédèrentet jeme retrouvai la jouecontre le lit. Ilm’accompagnadansmachute.Sonpoidsétaitincroyablecontremoi.Ilmepritencore,maiscettefoisensoulevantunedemesjambespours’enfoncerplusprofondément.
La sensation, ses gémissements, les sons que produisaient nos deux corps me fit jouirencore une fois. Cette fois, je criai son nom. Puis il s’enfonça encore plus et grognasensuellementcontremonoreilleenatteignantl’orgasme.
Ce n’est qu’à ce moment qu’il ralentit, comme si son corps ondulait tout seul. Dedélicieusesdéchargescontinuaientdemesurprendre.
Jenesaispascombiendetempspassaainsiavantqu’ilneseretireetsortede lapiècepour jeter le préservatif, mais je ne bougeai pas. J’en étais incapable. Mes muscles nem’obéissaientplus.Quandilrevintaulit,j’étaistoujoursàl’endroitoùilm’avaitlaisséeetjenelevaipaslepetitdoigtpourl’aideràrabattrelescouverturessurnousouàmeroulersurlecôtépourmecollercontrelui.
—Çava?medemanda-t-il.—Hmmmmm,murmurai-je,endormie.Ilmarquaunepause.—Jet’aifaitmal?—Non.C’étaitmagique.Ildéposaunbaisersurmonépaule.—Çat’aplu.Ce n’était pas une question, pas de la façon dont il avait prononcé la phrase, mais je
répondisquandmême:—Hmmmmm.Son rire caressama nuque et il me serra contre lui jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun
espaceentrenous.—Tuestoujoursavecmoi?—Jesuistoujoursavectoi.
27
Allongéesur leventre,unbrassous l’oreillersur lequelétaitposéematête, l’autrepliécontremonflanc,unelégèrecaressesurmahancheetlacourbedemesfessesmeréveilla.
Je sursautai et ouvris vivement les yeux. La lumière qui filtrait à travers la fenêtrem’aveugla. Je grognai et refermai les paupières en essayant de me rendormir. J’avaisl’impressionquemesosn’étaientplusattachésàmesmuscleset,étonnamment,cen’étaitpasunesensationdésagréable.Lesdoigtsquidessinaientdesformessurmapeaunonplus.
Jen’avais jamaisdormi sur le ventre. Jeneme souvenaismêmeplusm’être endormie.SûremententrelemomentoùJaxm’avaitprisedanssesbrasetmarespirationsuivante.
Moncorpsétaitépuisé,delaplusdélicieusedesmanières,àtelpointque…Jerouvrislesyeux.Quandmavision s’ajusta à la lumière, j’aperçus l’armoirede Jax.C’était sansdoute lui
quimedessinaitunhuitsurlafessedroite.Saufsi,biensûr,unartisteavaitprissaplacedanslelit.
Mondosétaitdécouvert.Merde.Lesdrapsetlescouverturesavaientétérejetéspendantlanuitauniveaudemes
cuisses. Jax voyait forcémentma peau abîmée, comme lorsqu’ilm’avait retournée pourmeprendrepar-derrière.Mondosavaitétédécouverthiersoir,mais…jen’yavaispasvraimentprêtéattention.
Jemecrispaietprisuneinspirationtremblante.Si jemeretournais,c’étaientmesseinsqu’ilverrait.Etmêmesij’avaismoinshontedececôté-là,étantdonnéquej’avaisdormitoutelanuitsurleventre,j’auraislesempreintesdesdrapsfroissés.Pourlecôtésexy,onreviendra.
—Arrête.Les yeux rivés sur l’armoire, j’hésitai un instant à faire semblant de dormir.Mais non.
C’étaitidiot.Ducoup,jepréféraijouerlesidiotes.—Arrêtequoi?Jaxposalamainsurmahanchenue.—Netecachepas.Tuallaisteretourner.Nefaispasça.
Je fermai les yeux et m’obligeai à rester immobile. Au bout de quelques secondes, ilrecommença à tracer des smileys surmes fesses. Je ne sais pas trop ce qu’il faisait en fait.J’avais l’impression que son regard brûlaitma peau rugueuse et décolorée comme s’il avaitunevisionàrayonsX.
—Tuasunjolipetitcul.D’accord…—Jesuissérieux.Tonpetitculestvraimentjoli,bébé,continua-t-il.(Jerouvrislesyeux
et fronçai les sourcils.) Tu fais partie de ces femmes qui sont nées avec un beau cul. Lamusculationnepourrajamaisrecréerunetelleperfection.
—C’est vrai, répondis-je aprèsquelques secondes.Mais l’excèsdeBigMacetde tacos,oui.
LerirerauquedeJaxmefitsourire.Sesjambesglissèrentsurlesmiennesetjesentissonérection,chaudeetdure,contremesfesses.
—Alorsn’arrêtejamaisd’enmanger.Soudain,j’étaisextrêmementmouillée.Jenesavaispassic’étaitàcausedelasensation
desonsexecontremoioudufaitqu’ilm’avaitdemandédenejamaisarrêterdemangerdesBigMacetdestacos.Danstouslescas,j’étaisprêteàl’accueillir.
—C’estdansmescordes,luidis-jed’unevoixrocailleuse.Ildéposaunbaisersurmonépauletoutenécartantmescuissesavecsongenou.Ilglissa
samainentrenous.—Ilfautqu’onselèvebientôt.J’avaisdûgrognermonmécontentementcarilritdoucementcontremonépaule.—Ilestpresque10heures.Jenesaispasàquelleheurearriventtesamis.—Onaletemps,luirépondis-jesanssavoirsic’étaitvrai.LamaindeJaxsefaufilaentremesjambesetmonbassinonduladelui-mêmelorsqueses
doigtseffleurèrentmonsexehumide.—Putain.Tuesinsatiable,chérie.J’aimeça.Mêmesiçanevoulaitriendire,aumot«aimer»,moncœursemitàfaireladansedela
joie.Samaindisparut et jem’attendais à ce qu’il se lèvepour aller chercherunpréservatif,
maisilnebougeapas.Auboutdequelquessecondes,unsentimentdemalaisem’envahit.Jemerelevaisurmescoudesettournailatêtepourleregarder.
MonDieu.Commentest-cequ’ilpouvait avoir l’air aussi sexyaprèsavoir eu seulementquelquesheuresdesommeil,avecsescheveuxenbatailleetundébutdebarbe?L’espaced’uninstant, je me perdis dans ma contemplation. Jusqu’à ce que je me rende compte qu’ilobservaitmondos.Unecertainetensionenvahitmesépaulesetaprèscequimesemblaêtreuneéternité,sonregardcroisalemien.
Jeluidisalorscequejepensaisvraiment.
—Çanemeplaîtpas.Ilfronçalessourcils.—Pourquoi,bébé?Àlafaçondontilmel’avaitdemandé,jecomprisquesaquestionétaitsincère.Pourune
raison qui m’était inconnue, une boule se forma dans ma gorge. Je me laissai de nouveautomberenavant,latêtesurl’oreiller.
—C’estmoche,murmurai-je.Jaxrepoussaplusieursmèchesdemescheveuxensilence.—Tusaiscequejevoisquandjeregardetondos?—Lacartedel’Himalaya?Mablaguetombaàplat.—Non, chérie. (Je pris une grande inspiration.) Je vais être franc, d’accord ? Jene te
diraipasquec’estfacileàregarder.Oh,monDieu.Moncœurseserra.J’avaisenviedevomir.—Maispaspourlesraisonsauxquellestupenses,poursuivit-il.Jesentisalors samaincaresser lapartie laplusmeurtriedemondos.Mon instinctme
criaitdemerepliersurmoi-même,maisjenepouvaisallernullepart.Jaxétaitpratiquementallongésurmoi.
—Quandjevoistondos,jepenseàladouleurquetuasressentie.Jenesaispascequeçafait,maisj’aireçudeséclatsd’obusbrûlants.Àcôtédecequetuassubi,çadoitêtredelarigolade… mais j’ai déjà vu des militaires, des amis, prendre feu quand des bombesexplosaient.
Je fermai les yeux. Ses paroles faisaient remonter des souvenirs que j’aurais préféréoublier.
—Jesaisqu’iln’existeaucunmédicamentassez fortpourapaisercegenrededouleurs.Pourtant,tuassurvécu.C’estàçaquejepensequandjeregardetescicatrices.Àlafaçondontellesontchangétavie,alorsquetuestoujoursaussibelle.Iln’yariendecomparableàtonsourire,tesyeuxbleusoutonjolipetitcul.
Oh,monDieu.Iln’avaitpasfini.—Tusaiscequejevoisd’autre?Lapreuvephysiquedetaforce,Calla.Detoncourage.
Voilà ceque je vois quand je regarde tondos. La cartede ton courage,de ta force etde tabravoure.
Oh,monDieu.Deslarmesmepiquaientlesyeux.Uneboules’était logéedansmagorge.J’étaisàdeux
doigtsd’inonderlesdraps.—Cen’estpasmoche.
Sa voix n’était plus qu’unmurmure. Jeme redressai surmes coudes et tournai la têtepourleregarderdenouveau.Sonvisageétaitflouderrièremeslarmes.
—Jax…—D’unecertainefaçon,c’estmagnifique.Deslarmescoulèrentlelongdemesjouesetjesavaisquej’allaismemettreàsangloter.
C’étaientlesmotsquej’avaistoujoursvouluentendre.Àcôtédeça,maréponsemeparutbienfade:
—Merci.Ileutunsourireencoin.J’aurais voulu en dire davantage, mais mes pleurs redoublèrent. Heureusement que la
sonneriedutéléphoneretentitparcequej’étaisàdeuxdoigtsdeluidirequejel’aimaisetquejevoulaisporter sesenfants.Pasmaintenant,biensûr,maisplus tard.C’était sansdouteunpeutroptôtpourleluiannoncer…mais,oui,jel’aimais.
Sanssesoucierdutéléphone,Jaxmefitroulersurledos.—Jecroisquetuasenfincompris.(Appuyésurunbras,àcôtédemonoreiller,ilessuya
meslarmesdesonautremain.)Ilétaittemps.Jecommençaisàcomprendre,c’estvrai,maislesentimentétaitencorefragile,plantéau
creux de mon ventre, comme une graine prête à germer. Elle avait simplement besoind’amouretd’attention:toutcequeJaxmedonnait.
—Oui,fit-ilensouriant.Puisilbaissalatêteetdéposaunbaisersurmajouegauche.Letéléphonerecommençaà
sonner.Ilreculaetjetauncoupd’œilfurieuxendirectiondelatabledechevet.—Tudevraisrépondre,luidis-jed’unevoixrauque.Jaxn’avaitpasl’aird’avoirenviedelefaire,maisilsedégageaenjurantettenditlebras
verssontéléphone.Ilréponditun:—Quoi?Jevenaisjustedem’installerplusconfortablementcontrelecoussinetdemerepasserses
parolesdemanièreunpeuobsessivedansmonespritquandJaxseredressavivement.—Quoi?!répéta-t-il.Letondesavoixmedéstabilisaetjeréagisauquartdetour.Jem’assisetremontailes
drapssurmapoitrine.—Oui,jesuisJacksonJames.Qu’est-cequisepasse?Il y eutunmomentde silence,puis il se leva,medonnantune jolievue sur ses fesses.
Quandiltournalatêteversmoi,ilavaitlamâchoireserrée.—Oui.Merci.Oui.—Qu’est-cequisepasse?luidemandai-jedèsqu’ilraccrocha.Ilramassasonjeanetsonboxerparterre.—Ilfautquetutelèvesetquetut’habilles,chérie.
Sa voix ne laissait pas de place à l’hésitation. Comme je savais que la situation étaitsérieuse, je lui obéis. Je rejetai les couvertures et sortis du lit. Jax avait déjà enfilé sonpantalonquandilsepostadevantmoi.
Lafaçondontilmeregardadanslesyeuxmecoupalesouffle.Oh,non.Moncœursemitàbattrelachamade.
—C’estmamère,c’estça?Ilsonttrouvésonco…—Non,chérie,cen’estpastamère.(Ilpritmonvisageentresesmainssansdétournerle
regard.)C’estClydeetc’estgrave.Ilaeuunecrisecardiaque.
Les hôpitaux sont une des raisons pour lesquelles je voulais devenir infirmière. Je lesdétestais.Àmesyeux, ils renfermaient toujoursmadouleur,monchagrinetmondésespoir.Dansunsens,devenirinfirmièreétaitunemanièrededépasserlahaineetlapeurquejeleurassociais.Maispourdesraisonsévidentes,aujourd’hui,jenepensaispasdutoutàmonchoixdecarrièreet je lesdétestaisplusqueje lesavaisdétestésdepuis longtempscarunsouvenirterribleétaitsurlepointdes’ajouterauxautres.
Cela faisait une demi-heure que nous étions assis dans la salle d’attente du service dessoinsintensifs.Àl’accueil,onnousavaitditquelemédecinquis’occupaitdeClydeviendraitnousparler,maispourl’instant,personnenenousavaitapprochés.
Çan’annonçaitriendebon.Lapièce était vide, à l’exceptionde Jax etmoi, et c’étaitmieux commeça. J’arrivais à
peineàretenirmeslarmes.QuandTeresam’avaitappeléepourmedirequ’ilsallaientbientôtarriver chez Jax, je lui avais expliqué la situation. La vérité, c’était que je les avaiscomplètementoubliés.Elleavait vouluvenirà l’hôpitaldeMontgomery,mais j’avais refusé.Je lui avais simplement promis de les tenir au courant. Je voulais qu’ils profitent de leurjournéeàPhiladelphieetjenepensaispasêtrecapablederesterfortesijelesvoyais.
Malheureusement,j’allaissansdoutem’effondrerquandmême.Je me levai et fis les cent pas dans la pièce blanche stérile avec des canapés et des
fauteuilstaupe.Toutcequejesavais,c’étaitqueClydeavaiteuuneattaque,quec’étaitgraveetqu’ilavaitétéemmenéaublocopératoire.Riend’autre.
—Tudevraist’asseoir,chérie,mesuggéraJax.—Jenepeuxpas.(Jepassaidevant larangéedefauteuils.)Tucroisqueçavaprendre
encorecombiendetemps?Ilsepenchaenavantetposalesavant-brassursescuisses.—Jenesaispas.Cegenredechosespeutdurerdesheures.Sansm’arrêter,jehochailatêted’unairabsentetcroisailesbrassurmapoitrine.—Jesavaisqueçan’allaitpas.Hiersoir,enparticulier.Ilsefrottaitbeaucoupletorse,il
avaitlevisagerougeoutrèspâle.Ilrespirait…—Calla,tunepouvaispasdeviner.Aucundenousnelepouvait.Net’enveuxpas.Il avait raison, mais je me souvenais de l’état de Clyde après qu’il avait fait fuir mon
agresseur.Jesecouai latête.Lacolèredescendaitsurmoicommeuneombredanslanuit laplusobscure.
—Non,c’estsafauteàelle!crachai-je.Jaxseredressa.Jeledévisageaiuninstantavantdedétournerlesyeux.—Ladisparitiondemamèreetlefaitdedevoirs’occuperdubarluiontcausébeaucoup
destress.Etàtoiaussi!Tugèreslebaràsaplace,etpourquoi?Leminimumsyndicaletdespourboires?
Uneexpression étrangepassa sur ses traits tandis qu’il frottait samain contre sabarbenaissante.
—J’aifailliêtreenlevéeàcaused’elle,hiersoir.HeureusementqueClydeétaitlà,maisiln’apasbesoindeça.Regardelerésultat!
Jem’arrêtai,décroisailesbrasetserrailespoings.Lacolères’étaittransforméeenpoisondansmesveines.
—Jeladéteste.Jaxclignalesyeux.—Bébé…J’avaisdumalàrespirer.—Jesaisquejenedevraispasdireça,maisc’estplusfortquemoi.Regardecequ’ellea
faitàtoutlemonde.Etpourquoi?Jesaisquesavieaétédifficile.J’aivécuexactementlesmêmeschoses!J’étaisavecelle,Jax!Jesaiscequec’est,mais,moi…
—Sans elle, onne se serait sans doute jamais rencontrés, dit-il d’une voix douce. Ellenousaaumoinsdonnéça.
Ellenousaaumoinsdonnéça.Les épaules raides, je fermai la bouche. Je le regardai dans les yeux, puis détournai la
tête.Labrûlureàl’intérieurdemapoitrinemefaisaitsouffrir.Pourtant,toutàcoup,leveninquiavaitempoisonnémesveinesdisparut.
—Oui,ellenousadonnéça,murmurai-je.—Tuneladétestespas.Jefermailesyeuxsurmeslarmesdefrustration.—Jesais.La vérité, c’était que parfois j’avais envie de la haïr. De cette manière, je me serais
moquéede son sort etde la façondontelle régissait savie. Jeneme seraispas souciéedel’effetdesdroguessursasanté,nidesavoirsielleavaituntoitsurlatêteoudesvêtementssurledos.Jen’enauraisrienàfaire…parceque,merde,s’inquiéterpourquelqu’un,c’étaitsidouloureux!
Lesémotionsnégativesquej’avaisaccumuléesdanslajournée,danslasemaineetmêmedansl’annéequivenaitdes’écoulerseréveillèrentsoudainenmoi.Pourpenseràautrechose,
jemeremisàfairelescentpas.—Pourquoiest-cequ’ilst’ontappelé,toi?—Jesupposequejesuissoncontactd’urgence.Cequi signifiaitque cen’étaitpasmoi. Jen’étaispas le contactd’urgenced’unhomme
qui m’avait pratiquement élevée. C’était ridicule de ma part de ressentir de la culpabilité,mais je savais que si j’étais revenueplus souvent, j’aurais figuré sur la listedespersonnes àcontacter.Si jen’avaispasétélà,m’aurait-onseulementavertiequ’il luiétaitarrivéquelquechose?Cetteidéememortifiait.
Toutàcoup,lavéritémefrappaenpleinvisage,commeuncamionlancéàtoutevitesse.J’avaistoutfaitdetravers.Toutemavie.Çaavaitétémonchoixdequitterlaville,mon
choix de couper les ponts avec un homme qui avait été le seul adulte responsable demonputain d’entourage. J’aurais très bien pu prendre de ses nouvelles. Ou revenir de temps entemps.Merde. Si je l’avais fait,mamère aurait peut-être eu plus de scrupules à vidermescomptes.Quisait?Maisjem’étaisenfuieàlapremièreoccasion.JesavaisqueClydenem’envoulaitpas,maisquandmême.J’avaisfiniparmeconvaincrequejedétestaislebaralorsquej’yavaismesmeilleurssouvenirs.Jemementaisàmoi-même.Sanscesse.
J’avaispeut-êtreune cartedemon courage,dema force etdemabravoure sur ledos,maisellenereflétaitpasmoncomportementrécent.Pasdepuisquemamèrem’avaitruinéeetquej’avaisrencontréJax,entoutcas.
Mesjambestremblaient.Jemedemandaiscommentjepouvaisencoretenirdebout.—Oh,monDieu.Jaxsetournaversmoi.—Toutvabiensepasser,chérie.— Si je n’étais pas revenue cet été et qu’il avait eu une crise cardiaque, je ne l’aurais
jamaissu.(Jemeplaçaidevantlui.)Jenel’auraispassu,Jax.Ets’ilmourait?Etsiçaavaitétémadernièrechancedelevoir?
Ses traits se tendirent et il passa un bras autour de ma taille pour m’asseoir sur sesgenoux.Sonautremainseposasurmajoue.
—S’ilétaitarrivéquoiquecesoitàClyde,jet’auraiscontactée,chérie.Denouvelleslarmess’échappèrentdemesyeux.— Comment ? Tu ne me connaissais pas et tu n’avais pas la moindre idée d’où me
trouver.Tusavaisjustequej’existais.C’estdifférent.Ilme regarda encore une fois de cet air étrange, puis pressa lamain contremanuque
pourposermajouecontresontorse.—Jet’auraisretrouvée,chérie.Maistuétaislà.Etc’esttoutcequicompte.Jepassai les bras autourde lui etm’installaiunpeuplus confortablement.Alors, je fis
quelquechoseque jen’avaisplus faitdepuisdesannées. JepriaipourqueClyde s’en sorte.J’avaisunpeul’impressiond’êtreridicule,maisjelefisquandmême.
Jerestaidanscettepositionjusqu’àcequej’entendelaportes’ouvrir.Jemedégageaienespérantvoirledocteur,maisc’étaitReece.Ilportaitsonuniforme,cequisignifiaitqu’ilétaitenservice.Ildutserendrecomptequejem’étaiscrispée,parcequ’ilsepressademerassurer.
—J’aientendupourClyde.Jesuisjustevenum’assurerquetoutallaitbien.—Ilestaublocopératoire,l’informai-je.Jen’ensaispasplus.—Jeleconnaisdepuisdesannées,ditReeceens’asseyantprèsdenous.Ilestfort.Ils’en
sortira.JeprisunerespirationmalassuréeetJaxmepassalamaindansledos.—Merci.Reece n’ajouta rien de plus. Visiblement, il comptait rester un certain temps. Ça me
faisaitchaudaucœur.Lorsquelaportes’ouvritdixminutesplustard,cefutautourdeTeresadenousrejoindre,suiviedemesautresamis.Mapoitrineseserra.
Jelesobservais’approcherdenous.—Qu’est-cequevousfaitesici?—Ilfallaitqu’onvienne,dit-elleens’asseyantàcôtédenous.(Elleposalamainsurmon
bras.)Onvoulaits’assurerquetoutallaitbien.Cam et Avery s’installèrent en face de nous et imitèrent notre position, elle sur ses
genoux,latêtecontresontorse.—Onsesentaitmal.—Onvoulaitêtreavectoi,ajoutaJaseens’asseyantàcôtédeTeresa.J’ouvrislabouchepourarticulerun«merci»larmoyantavantd’enfouirmonvisagedans
lecoudeJax.Sesbrasseresserrèrentautourdemoietj’essayaidenepaspleurer,parcequeça ne servait à rien,mais j’étais à fleur de peau. Je restai ainsi jusqu’à ce quemes larmessèchent, puis je les remerciai encore une fois. Quand je me repris enfin, je fus capable desuivrelaconversationetd’yprendrepart.
Durantlesdeuxheuresquisuivirent,RoxyetNickpassèrentséparémentjusqu’àcequ’ilsdurentretourneraubar.RoxyévitaReece,maisquandellepartit,étrangement, ilselevaetsortitàsontour.Jemedemandaiscequisepassaitentreeux.Lesemployésdubarvinrentlesunsaprèslesautres.Çamefitplaisirdevoirautantdepersonness’inquiéterpourClyde.
QuandjelefisremarqueràJax,ilmurmura:—Ilss’inquiètentaussipourtoi.Etilavaitraison.Commed’habitude.Çacommençaitàdeveniragaçant.Peudetempsaprès,laportes’ouvritdenouveauetmonestomacseserraenvoyantune
doctoresse.Jefisminedemelibérerdel’étreintedeJax,maisilmeserraunpeuplusfort.Ilm’autorisasimplementàfairefaceàlanouvellevenue.
—Commentva-t-il?demandai-jelecœurbattantàcentàl’heure.Lemédecin était une femme d’un certain âge vêtue d’une blouse bleue. Elle avait l’air
épuisé.Ellepassaunepetitemaindélicatedanssescheveuxpoivreetsel.
—Vousêtesdelafamille?—Oui,répondis-jesanshésiter.Liensdusangounon,Clydefaisaitpartiedemafamille.Sesyeuxnoisettebalayèrentla
pièce.—Vousêtestousdelafamille?—C’estça,réponditJaxenposantlamainsurmonventre.Commentva-t-il?Elle se dirigea vers un fauteuil vide, dans l’angle, s’assit et glissa les mains entre ses
genoux.—Ilasurvécuàl’intervention.—Oh,Dieumerci,murmurai-jeenmelaissantallercontreJax.— Mais il n’est pas encore hors de danger, continua-t-elle. (Et d’après ce que j’avais
appris,jesavaisquecequ’elleallaitdireétaitsérieux.)Ilafaitunecrisecardiaqueàcausedeplusieursobstructionsartérielles.Nousluiavonsposédesstents,parcequed’habitude…
Parcequ’ilyavaitplusdechancesdeguérisonavecdesstentsqu’avecunbypasscardio-pulmonaire.Pendantqueledocteurcontinuaitd’expliquerlasituation,monespritsedivisaendeux : le côté clinique et le côté personnel. Clyde avait survécu à l’opération. C’était uneinterventionlourdeetleschosespouvaientencoremaltourner,maisilavaitsurvécu.C’étaitdéjàbeaucoup.Deslarmesdesoulagementmemontèrentauxyeux.
— Il ne se réveillera sans doute pas avant plusieurs heures. Pour l’instant, il lui fautsurtout du repos. (La doctoresse se leva et nous sourit doucement.) Si son état se stabilisedemain,l’undevouspourraallerluirendrevisite.
Quandjemelevai,cettefoisJaxnem’enempêchapas.—Merci.Merciénormément.Elleconservasonsourire.—Vousdevriezrentrerchezvouspourvousreposer.S’ilyalemoindrechangement, je
voustiendraiaucourant.D’accord?Quandellepartit,jemeretournaiversTeresa.Ellemeserradanssesbras.Jeluirendis
sonétreinte.—C’estunebonnenouvelle,dit-elle.C’estunetrèsbonnenouvelle.Ravalantmeslarmes,jehochailatête.—Jesais.Clydeestfort.Ils’ensortira.Je reculai en reniflant et lui souris. Jax s’était postéprèsdemoi. Ilmeprit lamainet
entrelaçanosdoigts.—Merci,luidis-je.(Lecœurauborddeslèvres,jemetournaiversmesamis.)Merci.Averysourit,elleaussi,etpouruneraisonquej’ignore,jebaissailesyeuxverssataille.
Cametelleremplissaient leurrôledecouple leplusmignonà laperfection;sapetitemainétaitdanscelledeCam,leurspaumespresséesl’unecontrel’autre,etleursdoigtsentrelacés.
CommeJaxetmoi.
28
Ce n’est que le lundi après-midi suivant que Clyde fut suffisamment en forme pourrecevoirunecourtevisite.Jaxrestadanslasalled’attentependantqu’unejeuneinfirmièremeguidaitàsachambre.
Le voir allongé dans un lit étroit, couvert de tubes et de fils, si frêle alors qu’il étaitd’habitudesigrandetfort,mesecoua.
Lesjambestremblantes,jeclignaidoucementlesyeuxetravalailabouled’émotionsquis’étaitforméedansmagorge.Jem’assissurunechaiseàcôtédesonlit,puisposailamainsurlasienne.
—Salut.Unsourirefatiguéétiraseslèvres.Sonvisageétaitterriblementpâle.—Mapoupée…J’avaisdumalàrespirer.—Commenttutesens?—Prêtà…courirunmarathon.Je ris, mais mon sourire vacilla légèrement. On se regarda dans les yeux pendant de
longuessecondes.J’avaisdenouveaulagorgeserrée.—Jeveuxquetuterétablisses.Sonmaigresouriredisparutuninstant.—J’ytravaille.— Je veux que tu te rétablisses, comme ça quand je retournerai à la fac et que je
reviendraiàlamaisonleweek-end,tupourrasmefairedestacos,luidis-je.D’accord?Ilhaussalégèrementlessourcilsavantdemurmurer:—Àlamaison?Medemandantsil’attaqueavaiteudeseffetsailleursquesursoncœur,jehochailatête.—Oui.Quandjereviendraiàlamaison,jeveuxquetu…Jem’interrompis.Toutàcoup,jecomprisoùilvoulaitenvenir.Lamaison.
J’avaisappelécetendroitlamaison.Çanem’étaitpasarrivédepuisdesannées.Pourmoi,çan’avaitplusétélecasdepuisla
descente aux enfers de ma mère et le départ de mon père. J’ouvris la bouche pour direquelquechose,maisaucunmotn’ensortit.Leplusbizarredansl’histoire,c’estquejen’avaispaslamoindreenviedemereprendre…parcequ’ici,c’étaitdenouveauchezmoi.
Waouh.Jenesavaispasdutoutquoifairedecetterévélation.Sonsourirefatigués’élargitetj’aperçussesdents.—Mapoupée…Jen’auraisjamaiscru…t’entendredireçaànouveau.—Jenepensaisplusjamaisledire.Merde. J’avais les larmes aux yeux. Je me demandai si j’allais devoir commencer le
Prozac.—Maisc’est…—C’estvrai.(Ilpritunegrandeinspirationetgrimaça.)C’estbien,mapoupée.C’esttrès
bien.Je serrai sa main dans la mienne avec précaution et me penchai en avant pour
murmurer:—Oui,jetrouveaussi.Et jenementaispas.Je lepensais réellement.Lecœurbattant lachamade, jepassai le
dosdemonautremainsurmajoue.—Tulesens?medemanda-t-ilàvoixbasse.—Quoi?croassai-je.—Lepoidsquis’envole…detesépaules,dit-il.Tulesens?Leslèvrestremblantes,jehochailatête.—Oui,OncleClyde.Jelesens.Auprixdegrands efforts, il réussit à tourner lamain. Il serramesdoigts avec la force
d’unenfant.Lespectacleétaitdifficileàsupporter.—Tamaman…Elle t’aaimée,mapoupée.Elle t’aimetoujours.Tu…enasconscience,
pasvrai?Les lèvres pincées, je hochai la tête. Je le savais. Malgré les choses horribles qu’elle
m’avait fait subir, ellem’aimait toujours.Leproblème, c’étaitqu’elleavaitdavantagebesoindedroguequed’amouroude…moi.C’étaitlatristevéritédesjunkies.
Saprisesedétenditetilfermalesyeux.Jerestaiassiselàunpeupluslongtemps.—Ilfautquetutereposes.Jereviendraiplustard.Ilhochalatête,maisaumomentoùj’allaismelever,sesyeuxs’ouvrirentetilm’attrapa
denouveauparlamain.—Cegarçon…Iltientàtoidepuislon…Ils’interrompitetjemefigeaiàmoitiédebout.Puisilrepritlaparole.
—C’estunbongarçon,mapoupée.Jacksonatoujoursétéparfaitpourtoi.—Toujours?demandai-je.Il ne me répondit pas. Oncle Clyde s’était endormi. Ses paroles m’avaient troublée. Il
parlait de Jax comme s’il faisait partie dema vie depuis longtemps. Bon, enmême temps,Clyde prenait des antidouleurs super forts… Je restai là encore quelques minutes, à leregarder respirer pourm’assurer qu’il était bien vivant et qu’il allait se rétablir. Je déposaiensuiteunbaisersursajoueetquittailapièce.
Dans le couloir, je dépassai le bureau des infirmières avant deme diriger vers la salled’attente.
L’inspecteur Anders était adossé au mur. Il m’attendait. En le voyant, je ne pusm’empêcherderessentirunecertaineappréhension.
—Bonjour,lesaluai-jeenralentissant.Jejetaiuncoupd’œilparlavitrequidonnaitsurlasalled’attente.Elleétaitvide.—Jaxestdescenduàl’étageendessouspourallerchercheràboiredansundistributeur,
m’expliqua Anders. Il devrait bientôt être de retour. Je lui ai dit que je t’attendrais. Je t’aiappeléesurtonportable,maisçanerépondaitpas.Alors,j’aiappeléJax.
—Oh.Jecroisailesbrassanslequitterduregard.Aumoins,cettefois,jen’avaispasperdude
tempsàlereluquer.Merde.Voilà,maintenant,jenepouvaispasm’enempêcher.Lecostumeluiallaitcommeungant.Jedétournailatête.J’avaisenviedemedonnerdesbaffes.
—J’aioubliémontéléphonedanssavoiture.—CommentvaClyde?medemanda-t-il.Jeprisunegrandeinspirationpourmerecentrer.— Il s’est réveillé. J’ai pu lui parler. Malheureusement, il est très faible et il souffre,
mais…ils’ensortira.Sesparolesétaienttrèsdifficilesàprononcerpourmoi.—Ilestfort.Ils’enremettra.Jen’aiaucundoutelà-dessus.Jehochailatêteetcroisailesbrassurmapoitrinepourmeprotégerdelafraîcheurqui
régnaitdansl’hôpital.—InspecteurAnders…—Appelez-moiColton.Colton?C’étaitlapremièrefoisquejerencontraisquelqu’unquis’appelaitcommeça.Ce
prénom,brutetsexy,luiallaitcommeungant.—Colton.VousêtesvenuprendredesnouvellesdeClydeou…—Enpartie.Jevoulaisaussivousdirequ’oncontinuedetravaillerdursurl’enquêtequi
vousconcerne.—Pasdemauvaisesnouvelles?Ileutl’aircompatissant.
—Non,Calla.Iln’yariendenouveau,pourl’instant.Nousn’avonstrouvépersonnequicorrespondàladescriptionquevousnousavezfaitedanslesfichiersdelapoliceetMackesttoujoursplanquéquelquepart.C’estunebonnechose.PourMack,jeveuxdire.
Jefronçailessourcils.—Commentça?Il jetauncoupd’œilautourdenousavantdedésigner lasalled’attented’ungestedela
tête.—Onferaitmieuxd’enparleràl’intérieur.Allonsbon.Il m’ouvrit la porte. J’entrai et m’assis sur le premier fauteuil disponible. Après avoir
déboutonnésaveste,ils’installafaceàmoi.—Nous avons rendudenombreuses visites à Isaiah.Nousn’avons aucunepreuve pour
l’incriminer,cen’estpastrèssurprenant,mais,mêmes’ilnesesalitpaslesmains,ilestclairqu’ellessontpleinesdemerde.Vousmesuivez?
LemystérieuxIsaiahavaitencorefrappé.—Oui.—Iln’aimepas lescafouillages,ni lesbonsà rien.Aujourd’hui,Mack faitpartiedeces
deux catégories. Sans parler du fait qu’il a placé Isaiah sur le devant de la scène et que legrand boss n’est sûrement pas très content d’avoir perdu de la drogue, expliqua-t-il enmeregardant.Macksaitqu’ilvasubirdesreprésailles.Ilestdanslemêmebateauque…
—Quemamère?Ilneflanchapas.—Oui.Çanem’amusepasdevousdireça,maisoui.Jemepassailesmainssurmonjeanensoupirant.Commentaurais-jepurépondreàça?— Si votremère vous contacte, tenez-nous au courant, poursuivit-il. Je sais que votre
situation est difficile,mais elle est en danger et, croyez-moi, nous ne sommes pas son plusgrosproblème.Vouscomprenez?
Commej’ignoraissij’étaiscapabledelivrermamèreàlapolice,jedétournailesyeux.Jesavaisquec’étaitlameilleurechoseàfairesiellerevenaitdansmavie.Malheureusement,jen’avaisaucunmoyendesavoircommentj’allaisréagir.
Soudain,l’inspecteurseleva.Laconversationétaitsansdouteterminée.Unefoisdevantlaporte,ils’arrêtaettournalatêteversmoi.
—Vousaveztrouvéunecertainestabilitédansvotrevie,pasvrai?C’étaitplutôtétrangedel’entendredireça,jemecontentaidehocherlatête.—Alors, réfléchissezàceque j’aiditàproposdevotremère,Calla. Je saisqu’elle fait
partiedevotrefamille.Jesaisquevousl’aimez.Etjesaisquec’estdifficile.Maisnelalaissezpasdétruirelebonheurquevousvenezderetrouver.
Lesparolesde l’inspecteurme suivirent toute l’après-midi jusquedans la soirée. J’avais
essayédenepastropyréfléchirtandisqueJaxetmoidéjeunionstardivementdansunpetitdiner en ville ou pendant qu’on regardait la télé, dans son salon. Ça faisait beaucoup àencaisser.C’étaitépuisant.
Il était pratiquement 20heures. Je venais d’avaler unpaquet entier de bonbons.Aprèsêtrealléejeterl’emballagedanslacuisine, jepassaiunemaindansmescheveuxemmêlésetretournaisurlecanapé.
Quandjepassaidevantluipourmerasseoir,Jaxm’attrapaparleshanches.Raté.—Jecroisquejenevaispasalleràl’enterrementdeviedegarçondeDennis.Mince.J’avaiscomplètementoubliéquec’étaitlelendemainsoir.—Pourquoi?Ilhaussalesépaulestoutenmecaressantlesflancs.—Avectoutcequis’estpassé,avecClydeettoi, jenecroispasquemaplacesoitdans
unclubdestrip-tease.—Au contraire, une petite coupure te ferait du bien. Évite juste d’aller dans les salles
privées,plaisantai-je.—Ilyadumondeaubar,lejeudisoir,chérie,etjen’aipastrès…—Ons’occupedubaretdelacuisine.Jeteprometsquejenemeferaipasenlever,ni
rien.Ilhaussaunsourcil.—Tumelepromets?—Promisjurécraché.Ileutunsouriremoqueur.—Jenecroispasquetuaiestonmotàdiresurlaquestion.—Sijerestederrièrelebar,toutirabien.Etpuis,Nickseralà.Ons’ensortira.Ilselaissaallercontrelescoussins.—Mais…etsij’avaisenviederamenerunefillechezmoi?— Oh, je ne sais pas. Si ce que dit Katie est vrai, les filles qui bossent là-bas se
badigeonnentd’huile.Tuaurassansdoutedumalàenattraperune.Jaxrejetalatêteenarrièreenriant.—Joli.Toutàcoup,unepenséemevintàl’esprit.—EtsiKatiedanse?Ilsecoualatête.—J’iraifaireuntourauxtoilettes.—Elleestvraimentsexy.Il écarta les jambes pour que je puissem’approcher davantage de lui et passa les bras
autourdemeshanches.—Cen’estpasleproblème.C’estjusteque…jen’aipasenviedelavoircommeça.
Jesouris.Avecunpeudechance,elleseraitencoredéguiséeenfée.—Donc,tuyvas?Une de sesmains remonta le long dema colonne vertébrale pour se perdre dansmes
cheveux.Ilbaissamonvisageverslesien.—J’yvais.—Bien.Ilmemordillalalèvreinférieure.—Tudoisêtrelaseulefilleaumondequiestd’accordaveclefaitquesonmecailledans
unclubdestrip-tease.Monmec ? Cette notionm’interpella tellement que je ne soulignai pas que des tas de
filless’enmoquaient.Puisilm’embrassadoucement,tendrement,etj’oubliaitout.Sabouchequittaensuitelamiennepourdescendrelelongdemamâchoire.L’hématome
quem’avait valumon enlèvement avorté avait déjà commencé à disparaître. Jax déposa unbaisersurlebleu.Moncœurs’emballa.
Blottiedans sesbras, pendantqu’il zappait sansbut, je sentis bientôtmespaupières sefermer toutes seules. La caresse de ses doigts dansmon dosme berçait doucement. C’étaitétrange.Jen’avais jamaiscruautoriserun jourquelqu’unàmetoucheràcetendroit,mêmehabillée.Pourtant,Jaxréussissaitàmecalmeravecdesgestesquipeude tempsauparavantm’auraientfaitfuir.
Tellementdechosesavaientchangé.Son choix s’arrêta sur un match de baseball. Il laissa tomber la télécommande sur le
canapéetmepassalamaindanslescheveux.—J’aiappeléReecetoutàl’heure.J’ouvris les yeux, mais ne bougeai pas pour autant. J’étais bien trop fatiguée pour ce
genred’effort.—Qu’est-cequ’ilvoulait?—SimplementnousteniraucourantparrapportàMack.ReeceetColtonpensentqu’il
se terredans les réseauxsouterrains.Étantdonnéqu’ilsharcèlent Isaiah,Mackestdansunemauvaiseposture,dit-ilenjouantavecmescheveux.
—Oui,l’inspecteurAndersm’aditquelquechosecommeça,quandilestvenumevoiràl’hôpital.
J’avaislamainsursontorse.Jememisàdessinerdescerclesavecmondoigt.—C’estdingue.ToutlemondesaitqueIsaiahestuneordure,maispersonnenefaitrien.—Ilsnepeuventpas,chérie.Isaiahn’estpasidiot.Ileffacesestraces.Onnepeutjamais
remonterjusqu’àlui.C’estpourçaqu’ilenveutàMack.IlamerdéavectamèreetilaaussiliquidéLeCoq…
—ÇanepourraitpasêtreIsaiah?demandai-je.Ilfitpassermescheveuxderrièremesépaules.
—Jenecroispas.Ilestplusméticuleuxqueça.Etiln’estpasidiot.Ilnejetteraitjamaisuncorpsdevantuneporteenpleinjour.Sontruc,c’estplutôtdelesrecouvrirdeciment.
Jefrissonnai.—Tuleconnaisbien,Isaiah?—Lemoins possible, répondit-il en posant lamain à la naissancedemes fesses. Il est
venuplusieursfoischezMona.Pourfaireunereconnaissancedeslieux,jesuppose.—Çafaitunpeupeur.—C’estIsaiahtoutcraché.(Ilmetapotalesfesses.)Bref.SiMackseterrecommeunrat,
ilyadegrandeschancespourquetusoishorsdedanger.C’était ce que l’inspecteur Anders m’avait dit, lui aussi, mais je me voyais mal aller
fanfaronnersurlarueprincipale,quandmême.—IlsonttrouvéIke?—Non.—Tupenses…qu’illuiestarrivéquelquechose?—Jen’ensais rien. Iln’estpas rarequecegenredepersonnedisparaisse.Çan’apeut-
êtrerienàvoiraveclasituation.Je l’espérais. Je ne savais pas qui était cet Ike,mais j’espérais qu’il n’avait pas subi un
mauvaissort.Jene leconnaissaispas.Jene l’avais jamaisvu.Maistoutes lesvieshumainesavaientlamêmevaleur.
—J’ai réfléchi…medit-ilendétachantdélicatement lesdoigtsdemescheveux.QuandturetournerasàShepherd,tudormirasdansunerésidenceétudiante,c’estça?
Jehochailatête.—JeseraiauPrintz,cetteannée.Enfin,c’estcequiavaitétédécidé.Jecroisqueçatient
toujours.LePrintzestunerésidenceavecdesappartementsdedeuxoutroischambres.—Tuaurastonintimité?—Oui.C’estcommeunimmeublenormal…enmieux,dis-jeenriant.—Parfait.Parcequ’onvaenavoirbesoin.Jememordisleslèvres,maismonsourirecontinuades’élargir.—Ahoui?—Chérie…jeneveuxpasêtrenudansunlitavectoi,avecunefillequidortàquelques
mètres.—Pasfaux,gloussai-je.Depuisquandest-cequejegloussais?J’étaisvraimentpathétique.—Si jegarde lemêmeemploidu temps, jepourraivenir tevoir ledimancheet rester
quelquesjoursavectoi.(Ilattrapaunemèchedecheveuxetlaplaçaderrièremonoreille.)Etquandtun’auraspastropdedevoirs,tupourrasaussivenirleweek-end.
Jelevailatêtepourleregarderdanslesyeux.—Pourtravailler,biensûr.
J’éclataiderireetilsourit.—C’est faisable. (Son sourire s’adoucit.) Je crois que vousm’aimez beaucoup, Jackson
James.Ilhaussaunsourcil.—Ehbien…C’estmaintenantquetut’enrendscompte?Jelepoussaisurletorse.Ilrit.—Non.Maisjepensequetum’aimesvraimentbeaucoup.—C’estcequejedis.C’estmaintenantquetut’enrendscompte?—N’importequoi.Ildéposaunbaiseraucoindemeslèvres.—Heureusementquetuasunjolipetitcul.Jelefrappaisurletorse,maisilm’attrapaparlepoignetetportamamainàseslèvres.Il
m’embrassasurlapaume.—Oui,bébé,jet’aimevraimentbeaucoup.Jeleregardaidanslesyeux.—Etjet’aimevraimentbeaucoupaussi.—Jesais,murmura-t-ild’unairsatisfait.—Crâneur.—Sûrdemoi.—Arrogant,murmurai-je.Je l’embrassai rapidement avant deme blottir de nouveau contre lui. Je n’avais pas la
moindre envie qu’il se rende compte quemon « je t’aime vraiment beaucoup » signifiait enfait:«Jesuisraidedingueamoureusedetoi.»
Laconversations’évanouitet ilreportasonattentionsur lematchdebaseball.Danssesbras, je me détendis complètement. Je n’aurais jamais pensé avoir une telle relation avecquelqu’un,surtoutquelqu’und’aussimerveilleuxqueJax.
Et,étrangement,c’étaitmamèrequejedevaisremercierpourça.Ilnemefallutpaslongtempspourm’endormir.Quandilfutprêtpourallersecoucher,il
éteignitlatélévisionetselevaenmesoulevant.—Jepeuxmarcher,marmonnai-je.Sesbrasseresserrèrentautourdemoi.—Net’enfaispas.C’étaitadorabledesapart.Jepassailesbrasautourdesoncouetfermailesyeux.Pour
unefois,jem’autorisaiàmecomportercommeunehéroïnederomansàl’eauderose,carilmefaisaitfondredel’intérieur.
Malgrétoutcequisepassait,j’avaisdelachance.Beaucoupdechance.Ilmeportajusqu’àsachambre,puism’aidaàmedéshabiller.Jemeretrouvaiavecunde
ses tee-shirtssur ledos.Puis ilmebordaetredescenditpour toutverrouiller.Peudetemps
après,jelesentiss’allongerderrièremoi,collécontremondos,unejambeentrelesmiennesetunbrassurmataille.
Ses lèvres effleurèrentma nuque et avant que je sombre dans les bras deMorphée, jel’entendismurmurer,sansaucuneraison:
—Tuesmagnifique,bébé.
À mon réveil, je sus tout de suite que quelque chose clochait. Jax n’était pas couchécontre moi, à essayer de se rapprocher le plus possible. Je roulai de son côté du lit. Sonparfumsedégageaitlégèrementdesdraps.Jeclignailesyeuxpourm’habitueràl’obscurité.
Leréveilindiquaitqu’ilétait3heuresdumatin.Jeme redressai et jetaiun coupd’œildans lapièce. Il n’y avait pasde lumière sous la
porte fermée de la salle de bains mais celle de la chambre était ouverte. Mon cerveauendormi trouva cedétail étrange.C’était lapremière foisdepuisqu’onpartageaitun lit queJax se levait en pleine nuit. Bien sûr, ça ne faisait pas longtemps qu’on dormait ensemble,maisquandmême…
Jerestaiassiseainsiuncertain temps,histoiredemeréveillercomplètement.Jesavaisquelesgensquiavaientconnulaguerrerencontraientdesdifficultésàdormir.Jaxlui-mêmem’avaitditqu’aprèssonretour ilavaiteupasmaldeproblèmesàceniveau-là.L’inquiétudem’éclaircitdavantagel’esprit.Passait-ilunemauvaisenuit?Étantdonnéqu’onnedormaitpasensembledepuislongtemps,ilétaitpossiblequ’ilcontinued’avoirdescauchemarssansquejelesache.
Je rejetai les couvertures etme levai. Son tee-shirtme descendit sur les cuisses tandisquejemedirigeaisverslaportegrandeouverte.C’estalorsquej’entendissavoix.
—Pasmaintenant.Lessourcilsfroncés,j’avançaijusqu’auhautdesescaliers.Depuiscetteposition,jevoyais
lacaged’escalieretlaported’entrée.Elleétaitouverte,maisiln’yavaitpersonnedevant.Uneautrevoixs’éleva.—Jesaisquej’auraisdût’appeler.Moncœurs’arrêtasoudain.Commes’ilétaitentréencollisionavecunmur.Lavoixétait
celled’unefemme.Ici.À3heuresdumatin.SiJaxrépondit,jenel’entendispas.Lafillerepritlaparole.—Jesuissortie,cesoir,ettumemanquais,bébé.Tum’astellementmanqué.Oh.Mon.Dieu.J’attrapai la rambarde en bois pour ne pas m’effondrer. C’était sûrement un rêve. Il
n’était pas3heuresdumatin. Il n’y avait pasde filledont la voixmeparaissait vaguementfamilière chez Jax en train de lui dire qu’il lui avaitmanqué en l’appelant « bébé ». C’étaitimpossible.
Cettefois,j’entendislavoixdeJax,maiscen’étaitquedesbribesdecequ’ildisait.—Paslebonmoment…pasletemps…appelerd’abord,mais…
Monsangseglaçadansmesveines.D’aprèscequimeparvenaitauxoreilles,lasituationétaitplutôtclaire.Appelleavantde
venirparcequ’il risqued’yavoirquelqu’und’autre ici.Unesecondeplus tard,mathéorieseconfirma.
—Ilyaquelqu’un?demandalavoix.Oh,putain…—Neparlepastropfort,Aimee,rétorquaJax,clairetnet.Pasétonnantquelavoixm’aitparufamilière.Aimée?L’anciennereinedebeautéavecquiilavaitdéjàcouchéetquin’arrêtaitpasde
letripoter?Finalement,ellen’étaitpeut-êtrepasdel’histoireancienne.J’avaisbesoindem’asseoir.— C’est un sac de fille que je vois ? s’exclama Aimee. À quoi tu joues, Jax ? Il y a
quelqu’un ici.Elle est où?Elle sait que ladernière fois que je suis venueenville, onétaitensemble?Etqueçanefaitmêmepasunmois?
Monestomacsetordit.Unmois?Jecalculairapidementcombiendetempss’étaitécoulédepuismonretouretlerésultatnemefitpastrèsplaisir.Monventreentoutcasrestanoué.
—Putain,Aimee…C’étaitilyaplusd’unmoisettulesaistrèsbien,ditJaxd’unevoixplusforte.Écoute,tusaisquejetiensàtoi…
—Ahouais?rétorqua-t-elle.Tusaisquejetiensàtoi.Jefermailesyeux.Ilyaquelquesheures,onavaitétéaulitensembleetilm’avaitserrée
contre lui en me disant que j’étais magnifique. Il y a quelques heures, il m’avait dit qu’ilm’aimaitvraimentbeaucoupetonavait faitdesprojetspourmonretourà lafac.Àprésent,Aimeeavecdeux«e»étaitlà,etilsavaientétéensembleunmoisplustôtetiltenaitàelle.Jerouvraislesyeux.Ilsétaienthumides.Laported’entréeétaittoujoursouverte.
Toutçaétaitréel.Toutçaétaitbienréel.Unedouleurseréveilladansmapoitrine.Unedouleurphysique.Jelâchailarambardeet
pressailapaumedemamainentremesseins.PuisAimeeapparutenbasdesescaliers.—Put…(Sesyeuxs’arrondirent.)Non.Cen’estpaspossible.Pourunefois,Aimeeetmoiétionssurlamêmelongueurd’onde.Jepensaisexactement
lamêmechose.—Tuesavecelle?Savoixmontadanslesaigusetelletournalatêtedel’autrecôté.Jemedemandaisielle
pouvaitfairetoutletour,commelananadeL’Exorciste.—Tuplaisantes,j’espère?CallaFritz?Jereculaid’unpas.Merde.Saremarquem’avaittouchéeenpleincœur.
Jesavaistoutàfaitpourquoielleétaitaussisurpriseetdécontenancée.J’avaisl’habitude.Jaxétaitcanon.Presquetrop,même.Ilfaisaittomberlesculottesdesfillesavecunsourireetun signede lamain.Moi, j’avaisuneénorme cicatrice sur le visageet tout lemonde savaitquemamèreétaitunejunkie.Jen’étaispaslegenredefillequ’onimaginaitavecJax.Alors,oui, jecomprenaissaréaction.Engénéral, lesgenssansdéfautss’associaientàdesgenssansdéfauts.
Jax entradansmon champde vision.Torsenu.Tousmusclesdehors.Quelquepart, cedétail me déprima encore plus. Le fait qu’il soit à moitié nu devant Aimee prouvait qu’ilspartageaient une certaine intimité. Et c’était évident, étant donné qu’il n’y avait pas silongtemps,ilsbaisaientencorecommedeslapins.
—Ilfautquetupartes,ditJaxsansmeregarder.Toutdesuite.Aimeel’ignora.Ellelevaunbrasfinetbronzéversmoi.—Turigoles,j’espère?Elle?Jesaisquelesmecsaimentbiensetaperdeslaideronsde
tempsentemps,maislà,ilyadeslimites.Encore un coup en plein cœur… mais cette fois, sa remarque assassine m’enflamma
commeuneallumettedansuneflaqued’essence.Jeneréfléchismêmepas.J’explosai.
29
—Pardon?Les mots fusèrent de ma bouche comme des feux d’artifice. En un clin d’œil, je me
retrouvaidevantAimee.—Premièrement,pluspersonnen’utiliselemot«laideron»depuisdixans.Tulesaurais
situnet’étaispasbousillélesneuronesàcoupd’eauoxygénée.Quand je repoussaiunemèchedesescheveux,elle fitunpasenarrière.Furieuse, je la
suivis.—Ouais.Moi,c’estmacouleurnaturelle.Deuxièmement : j’ai rienà fairedecequetu
peuxpenserdemoi.Ellepâlitunpeumalgrésonbronzage,puislerougeluimontaauxjoues.—Oh,désolée.Tuauraispeut-êtrepréféré«traînée»?SaréponsesemblafairesortirJaxdesatorpeurcarducoindel’œiljeleviss’avancer.—Çasuffit.Aimee,tu…—Traînée?lecoupai-je,lespoingsserrés.(Jaxavaittort.Onn’enavaitpasfini.)Quiest-
cequetutraitesdetraînée?Sonregardremontajusqu’àmescheveuxenbatailleetredescenditversmesjambesnues.
Ellepritunairmoqueur.—Lasalopequisetientdevantmoientee-shirt,peut-être?Jaxseprécipitaversnous.Ilpassaunbrasautourdematailleetm’éloignad’Aimeeavant
demonterlui-mêmeaucréneau.—Tuasintérêtàt’excuser.Tum’entends?—M’excuserdequoi?cria-t-elle.Jaxserralamâchoire.Sondossetendit.—Excuse-toi,Aimee.Etjenerigolepas.Aimeedut sentir qu’il était sérieux car elle s’affaissa légèrement, commeunemauvaise
herbeétoufféeparunmassifderoses.—Jax,murmura-t-elle.
L’entendre prononcer son nom ainsi, comme si elle n’arrivait pas à croire qu’il mechoisisse plutôt qu’elle,me fit denouveaupartir au quart de tour. Il était hors de questionqu’onm’évince.JemejetaisurAimeeenl’attaquantparl’autrecôté.
—Tusaisquoi?Cen’estpas lapeinequetut’excuses.Jesaistrèsbienqu’envéritétumeursd’envied’êtrecellequiportesontee-shirtetquidortdanssonlit.Tupueslajalousie!
Elle me jeta un regard assassin mais il n’eut aucun effet sur moi. J’étais en modepimbêche.
—J’aiétécettefille,chérie,etbienpluslongtempsquetoi.Aïe.Bon, d’accord, cette fois, ça faisait mal. Ma colère grandit davantage, attisée par la
douleurbrutequim’avaitlacérélapoitrine.—Tusaisquoi,Aimee?Insulte-moi.Jem’enfous.Cen’estpasmoiquivaisdansunbar
touslessoirspourmejeterauxpiedsd’unmecquisortdéjàavecquelqu’und’autre.Moi,jenecherche pas à tout prix àme trouver unmari. Je vais à la fac. Pour devenir infirmière. Jeprendsmavieenmain.Alorssiça faitdemoiune traînéeouunesalope, tantpis.J’ensuisfière.
Elleeutunriresansjoie.—Quoi?Tucroisquetuesspécialeàsesyeux,c’estça?(Ellenemelaissapasletemps
derépondre.)Quetueslaseuleetl’unique?—Aimee,fitJaxd’unevoixrauque.—Tune l’es pas, poursuivit-elle.Dans son lit, il y a autantdepassagequ’à la garede
Philadelphie.Surtoutencemoment.Moncœurseserra.Jene…Jenel’avaispassu.Jejetaiuncoupd’œilàJax.Ilnefitrien
pourlenier.Jeprisunegrandeinspiration.—Alors,tun’esqu’uneparmitantd’autres,toiaussi,rétorquai-je.Unelueurmauvaises’allumadanssesyeux.Jenesavaispassijel’avaisblessée,nisiça
faisaitlamoindredifférencepourelle.—Aumoins,jen’aipastonvisage,connasse.Ahsi.Çal’avaittouchée.Mespiedssemirentàbougerethonnêtement,jenesavaispascequejecomptaisfaire:
luimettreuneclaquemémorableoudonneruncoupdegenoudans lesbijouxdefamilledeJax.Mais,toutàcoup,ilm’attrapaparlatailleetmesouleva.IlsetournaalorsdefaçonàcequejesoisfaceaumuretluiàAimee.Jedusétirerlecoupourlavoir.
Ilpointaitundoigtverselle.—Casse-toi.Ellepâlit.—Mais…—Casse-toi,bordel!
Ellepritunegrandeinspirationetsesyeuxseremplirentdelarmes.J’étaissansdoutelapiredesimbécilesparcequ’unepetitepartdemoiavaitpitiéd’elle.Jeneconnaissaisquetropbienlapeinequ’elleressentait.
Jel’avaisenduréequelquesminutesplustôt.Aimeeclignalesyeux,ravalaseslarmesetdéglutitbruyamment.—J’aicompris.Jenesaispascequisepasse.Maisj’aicompris.Jemedemandaisbiendequoielleparlait.EllesemitàsourirecommesiJaxneluiavaitpasordonnédesecasser.—Onenreparleplustard,moncœur!s’exclama-t-elleavantdesortirdelamaisond’un
pasléger.Euh…Quoi?Jax ferma la porte d’un coup de pied, puis me reposa à terre. Quand je tentai deme
dégager,ilraffermitsaprisesurmatailleetmeserracontrelui,doscontretorse.—Lâche-moi,luidis-jeenl’attrapantparlebras.— Bon,memurmura-t-il à l’oreille. J’avoue : te voir te disputer avec elle, c’était très
sexy.Macolèresedécuplaetranimamadouleurprofondeetlancinante.—Lâche-moi,Jax.—Surtoutavecmontee-shirtsurledos…C’étaitvraimentsupersexy.Cettefois,j’étaisplusfurieusequeblessée.Samainglissadematailleàmonbas-ventreetilmepoussaunpeuenarrièredefaçonà
collermesfessescontrelui.Ah,ça,pourtrouverçasexy…Lapreuveétaitjustelà.Etcommemon corps était un crétin fini, il réagit. Mon ventre se tendit et mon entrejambe semit àpalpiter.
Çamemitencoreplusenrogne.—Situnemelâchespas,Jax,çavamalfinir,l’avertis-jeenagrippantsesbras.Ilsecontentadeposerlementonsurmonépaule.—C’estmaldetrouverçasexyaussi?Parcequej’adore.Àboutdepatience,jecriai,suffisammentfortpourréveillerlesvoisins.—Lâche-moiàlafin!Jax me laissa tomber comme si je l’avais brûlé. Je me tournai aussitôt vers lui, en
respirantfort.Quandjeleregardaidanslesyeux,jevisqu’ilavaitperdutouteenviederire.Ilmedévisageait.Jel’imitai.Alors,lesparolesquej’avaisentendueslorsquejem’étaistenueenhautde l’escaliermerevinrentenmémoire.Et je ressentisexactement lamêmechosequ’aumomentoùAimeem’avaitvueetoùsonexpressionm’avaitclouéesurplace.
—Calla…,ditJax,lestraitstendus.Jefisunpasenarrière.J’avaisbesoind’espace. Il fallaitque jeréfléchisseàtoutcequi
venaitdesepasser.
Quandilavançaversmoi,jereculaijusqu’àentrerencontactavecl’accoudoirducanapé.Jaxs’arrêtaàunmètredemoi.
—Jenesaispasàquoitupenses,maisjem’endouteunpeuetcen’estabsolumentpascequetucrois.
Moncœurmartelamacagethoracique.—Ahnon?— Je n’avais pas la moindre idée qu’elle viendrait ce soir. Elle n’est pas venue ici
depuis…—Unmois?terminai-jeàsaplace.Latensionautourdesabouches’accentua.—Çafaitplusqueça,Calla.Jenemerappelleplusladate,maisellen’estpasvenueici
depuistonarrivée.J’aipassépratiquementtoutesmesnuitsavectoi,jeterappelle.—Pratiquement.—Toutesdepuisqu’elleestrevenueenville,dit-il,etjedevaisadmettrequec’étaitvrai.
Onn’estpasensemblevingt-quatreheuressurvingt-quatre,toietmoi,maisquandmême:cen’estpascommesij’avaisletempsdelaretrouverensecret.
Encoreunbonargument.—Maisilyaunmois,tulavoyaisencore.—Avanttonarrivée,Calla.Était-ceimportant?Sansdoute.Jenepouvaispasêtrejalousedesfillesavecquiilavait
couché avant notre rencontre… et pourtant, je l’étais. J’étais suffisamment adulte pourmerendrecomptedel’irrationalitédemaréaction.Pourtant,ilyavaitautrechose.
—Pourquelqu’unavecquicen’étaitpassérieux,ellen’avaitpasl’aird’êtrecontentedevoirune fille ici. Sansparlerdu fait qu’elle aitdébarquéenpleinenuit comme si elle avaittouslesdroitsdelefaire.
—Calla…—Etellevientaubartous lessoirs,elle tecolleet toi tu la laisses faire.(Jeserrai les
poings.)Lapremièrefoisquetuasrencontrémesamis,elleétaitentraindetepeloter.Uneexpressiondefrustrationpassasursonvisage.—Onenrevientencoreàça?—Oui!criai-je.Onenrevientencoreàça,bébé.Tusais,tonhistoirede«ilfautquetu
mefassesconfiance»,alorsqu’unenanatetripotedevantmesamisetmoi.—Jenet’aijamaisditquec’étaitnormal,Calla.—Ahbon?(J’eusunriresansjoie.)Cen’estpascommeçaquejemesouviensdelafin
delaconversation.Jaxpritunegrandeinspirationetunmuscletressautaauniveaudesamâchoire.—Jeterappellequelaconversations’estterminéeparcequetut’esenfuie.Tunem’as
paslaisséletempsdedirequoiquecesoit,nidem’expliquer.
—Qu’est-cequetuveuxm’expliquer?Elles’estfrottéeàtoi.Plusieursfois.Ettoi,tuasfaitquoi?Tu luiassouri !(J’avais l’impressionquematêteallaitexploser.)Etmoi, jesuiscenséeaccepterça?Mêmequandelledébarquecheztoià3heuresdumatincommesielleenavaittouslesdroitsetqu’elleignorequetusorsavecquelqu’und’autre?
—Correction,grogna-t-il.Ellelesait.Elles’enmoque,c’esttout.Jecontinuaidem’emporter:—Etquandelleestpartie,elleainsinuéquevousalliezvousrevoir!—Calla…—Tuasditquetutenaisàelle!À l’instant où ces mots franchirent mes lèvres, je me rendis compte à quel point ils
étaient ridicules. Je me retournai et me dirigeai vers le coin salle à manger. Sans meretourner,jesusqueJaxm’avaitsuivie.
—Tuluiasditquetutenaisàelle.Jet’aientendu.Jet’aiaussientenduluidirequecen’étaitpaslebonmomentetqu’ilfallaitqu’elleappelleavantdevenir.
—Attendsuneminute.(Savoixétaitgraveetbientropcalme.)Jenesaispascequetupensesavoirentendu,ni lesconclusionsàlaconquetuenastirées,maisc’est labase,non,Calla?Avantdevenirchezquelqu’un,onappelle.Et3heuresdumat’,cen’estjamaislebonmoment.
Lecœurbattantlachamade,jefisvolte-face.—Etsiellet’avaitappeléquandjen’étaispaslà,çaauraitétélebonmoment?Lesépaulestendues,ilrecula.—Tuessérieuse,là?— Et toi ? rétorquai-je, lesmains tremblantes. Je ne sais pas si tu t’en rends compte,
mais ce n’est pasmoi qui ai desmecs qui viennentme voir à 3 heures dumat’ ou quimetripotent.Tunem’aspasnonplusentendudireàunautregarçonquejetenaisàluialorsqu’ilessayaitdecoucheravecmoi.
Jaxdétournalatêteetsepassalamaindanslescheveux.—Bon,d’accord.J’aitoujourspenséqu’Aimeeétaitquelqu’undebien,maisjen’aijamais
étésérieuxavecelleetpourêtrefranc,jenepensaispasqu’ellel’étaitnonplus.Jetiensàelleet jeneveuxpasqu’il luiarrivedumal…mêmesi je commenceàmedemander si elleestvraimentsigentillequeça.(Ilbaissalamainetmeregardadanslesyeux.)Teniràelle,çaneveutriendire,Calla.Etjesuisdésolé…
—C’estpourçaquetuasautantdebrossesàdents?lâchai-jesoudain.—Quoi?—Lesbrossesàdents,répétai-jeentendantlamainversl’escalier,derrièrelui.Tuasdes
tonnes de brosses à dents neuves dans ta salle de bains. C’est pour les filles avec qui tucouches?Unepourmoi.UnepourAimee.Etainsidesuite?
Il y eut un moment de silence tandis qu’il me dévisageait, bouche bée. On aurait puentendreunemouchevoler.
— J’arrive pas à y croire, putain, jura-t-il et ça ne fit rien pour me calmer. Alors,d’abord:j’aiautantdebrossesàdentsparcequemamèrem’enoffreuneàchaquefête.Ellel’atoujoursfait.C’estcommeunetradition,situveux.Etjelesgarde.
Oh.Çasemblaitcrédible.— Ensuite, aucune fille, absolument aucune à part toi, n’a jamais utilisé l’une de ces
brosses. Pas même Aimee. Quand j’étais avec elle et les autres, on baisait et puis basta…certainessontrestées lanuit,maisaupetitmatin,ellesétaienttoutespartieset ilétaithorsdequestionqu’ellesseserventdemesaffaires.Pasmêmedeladouche.
Jen’avaisvraimentpasenviedel’entendreparlerdesfillesavecquiilavaitcouché.—Jeneveuxpaspasserpourunconnard.Jevoisbiendequoiçaa l’airpour toiet je
suisdésolé.C’estvraimentladernièrechosedonttuasbesoinencemoment.Jesaisaussiquetun’aspasbeaucoupd’expérience,poursuivit-iletjesentismesjouess’empourprerparcequ’ilavaitraison.Alors,jecomprendsetj’essaiesincèrementdenepasm’énerverquandturefusesdevoirladifférenceentrelesfillesquej’aibaiséesettoi.
— Je n’ai vraiment pas envie d’en entendre parler, rétorquai-je. Mais puisque tu ascommencé…C’estquoi,cettehistoiredelitquiressembleàunhalldegare?
Quelque chose passa sur son visage tandis qu’il reculait et j’ignorais pourquoi çaressemblaitàdelapeinealorsquedenousdeux,cen’étaitpasluilemoinsbienloti.
—Bon,d’accord.Jenesuispasfierdesconneriesquej’aifaites:d’avoirbuetcouchéàdroite et à gauche. J’ai pris lesmauvaises décisions.Mais toute cettemerde, c’est derrièremoi.
Oh,monDieu.Toutàcoup,jecompris.Ilm’avaitparlédecequ’ilavaitfaitenrentrantauxÉtats-Unis.
Quand il avait emménagé ici et que son cerveau refusait toujours de se mettre en veille.L’alcooletlesexeallaientsouventdepair.Unepointedeculpabilités’éveillaenmoi.
—Jeneveuxpaslesavoir.—Ehbien,tuvaslesavoirquandmême,Calla.Parcequ’àcausedeçaons’engueuleen
pleinmilieude lanuit. (Savoixétait calme,pourtant ses irisétaient tellement foncésqu’ilsparaissaientpresquenoirs.) Jene lediraiqu’une fois. J’aiétéavec suffisammentde femmespourvoirladifférenceentreellesettoi.Tun’espascommeelles.Tun’espasAimee.Vousnejouezpasdanslamêmecour.
Jegrimaçaietmecrispai.— Ah non, ne fais pas comme si je t’avais insultée. Avec toi, je suis sérieux. Tu
comprends?Cequej’aivécuavecelles,ouplutôtcequejen’aipasvécu,n’arienàvoiraveccequejevisavectoi.D’accord?(Ilcontinuasansmelaisserrépondre.)Jevoulaisteparlerde
cequis’étaitpasséaubarquandtesamissontarrivés,maisaprès,tuasfaillitefaireenlever,Clydeafaitunecrisecardiaqueetjen’aipastrouvélebonmomentpouraborderlesujet.
Encoreune fois, jedevaisadmettrequ’ilavait raisonet çaneme faisaitpasplaisir.Dutout.
—Maismaintenant,onvaenparler.Onva terminercetteconversationque l’onauraitdéjàterminéesitunet’étaispasenfuie.(Ils’avançaversmoietilavaitvraimentl’airénervé.Jemeforçaiàresterdemarbre.)Tuavaisraison.
Jeclignailesyeux.—J’auraisdûm’assurerqu’Aimeecomprennequejen’étaispasintéresséetquejen’avais
pasdesentimentspourelle.Chaquefoisqu’ellemetouchaitouqu’ellemecollait,jereculais.Jenelalaissaispasfaire.Mais,oui, ilestclairquejen’enaipasassezfait.Jenem’enétaispasrenducomptejusqu’àcequ’elledébarqueici.Etquandj’aivuàquelpointtuétaisblesséeet humiliée, jeme suis sentimoins que rien. Jeme sens toujours aussimal. Je n’ai pas eubeaucoup de temps pour te le dire, ni te lemontrer,mais j’ai essayé. (Il s’arrêta. Ses yeuxintensesavaientcapturélesmiens.)Jen’aijamaisvoulutefairehonte,maisjel’aifaitetpourça,jem’excuseplatementetsincèrement.Çanesereproduiraplusjamais.
Unepartiedemacolèreessayades’envoler.Jetentaidelaretenir,delagarderprèsdemoi,parcequelacolèrem’aidaitàêtreforte,maisJaxavaitchoisi lesmots justes.Onavaitessuyébeaucoupdecoupsdursdepuissamedi.Àtelpointquejen’avaispluspenséàAimeeetàsoncomportementjusqu’àcesoir.
—Tuasquelquechoseàajouter?demanda-t-il.Oui. Des tonnes. À cet instant, Jaxme donnait l’opportunité d’arranger cemerdier, de
rationaliserleschoses.Pourtant,jenedisrien.Unepartdemoiluienvoulaittoujours.J’étaisblesséeethumiliéepartoutcequis’étaitpassé.Etpuis,j’avaisenviedejouerlespimbêches.Alors,jeledévisageaiensilence.
—OK…,fit-il.De la chairdepouleapparut surmanuque. Il fallaitque j’ouvre labouche,que jedise
quelquechose,n’importequoi.Ilfitunpasenavantetsepostajustedevantmoi.— Je vais te dire autre chose, Calla. Ta vie jusqu’ici n’a pas été normale. Tu n’as pas
vraimenteudevie,enfait.Cettefois,jeretrouvail’usagedelaparole.—J’aiunevie!—Ahbon?Oùça?contra-t-il.Parcequetun’enaspasfaitgrand-chose.Toutcequetu
as,cesonttestroisT.Etc’estn’importequoi.Lasurprisemefrappaenpleinvisage.—Commentest-cequetuesaucourant?—Grâceàlatequila,bébé.Çadélieleslangues.
Merde!Jem’ensouvenaisàprésent,etmonhumiliationétaittotale.JeluiavaisparlédemestroisTquiétaientlatristesseincarnée.Ilavaitraison,maisçanemefaisaitpasplaisirdel’entendrepourautant.
—Jesuislepremiermecquetuasembrassé,jetesignale,medit-il.—Merci,jesais,répondis-jeavecduvenindanslavoix.Jem’étaisraccrochéeàmacolère.Ilsecoualatête.—Tunecomprendspasoùjeveuxenvenir.Ilnefautpasquetuenaieshonte.Toutce
que je veuxdire, c’est que tun’as jamais laissé quelqu’un t’approcher autant quemoi, alorsquejesuissûrquecertainsmecsn’attendaientqueça,maistunelesaspasvus.Commejeledisaistoutàl’heure,tun’aspasbeaucoupd’expérience.
—Ouais,jecroisquej’aicompris.Tul’asassezrépété.Soitilchoisitd’ignorermoncommentaire,soitils’enmoquaitcomplètementparcequ’il
poursuivit,commes’iln’yavaitjamaiseud’interruption.—Mais au bout d’unmoment, ce genre de comportement va finir parme taper sur le
système.Lesoufflecoupé,jesentistouslesmusclesdemoncorpssecrisper.—Oùveux-tuenvenir?—Tu neme fais pas confiance, Calla, c’est flagrant,mais ce n’est pas le pire. Le pire,
c’estquetupuissesmecroirecapablededonnerrendez-vousàunenanaalorsquetueschezmoi,dansmonlitavecmontee-shirtsurledos.Visiblement,tunemeconnaispas.
Cettefois,jegrimaçaipourunetoutautreraison.—Etçamefaitmal,putain,dit-il.Jaxmeregardadans lesyeux tandisque jeprenaisunegrande inspirationdouloureuse.
Puis il se retourna et s’éloigna. Je l’observai se diriger vers les escaliers, puis l’entendis lesgravir.Àl’étage,uneporteclaqua.
Jenesaispascombiendetempsjerestai làavantdecroiserlesbrassurmapoitrineetdefermer lesyeux.Jen’étaisplusénervée.Jenesavaisplusquoipenser.Commentétait-onpassédu«j’airaison,ilatort»au«derage,ilmelaissetouteseule»?Jen’avaisrienfaitdemal.
Pasvrai?Avais-jetirédesconclusionshâtives?Jen’avaispasentendusaconversationavecAimee
dans son intégralité. J’avais simplement capté des bribes çà et là. Il s’était excusé pour lesamedi soir et m’avait promis que ça ne se reproduirait plus. Mais était-ce suffisant ? Jel’ignorais.Etc’étaitbienleproblème.Jen’enavaispaslamoindreidée.
Dieuseul saitcombiende temps jedemeuraiainsiavantderassemblermoncourageetdegravirlentementlesescaliers.Quandj’arrivaiaupalier,jem’attendaisàtrouverlaportedelachambrefermée,maiselleétaitouverte.
C’étaitcelledelachambred’amisquiétait fermée.Jemepostaidevantetm’apprêtaiàfrapperquandjem’arrêtai,enproieàl’indécision.Jerestaidevantlaporte,lesmainscontremapoitrine. La vérité, c’était que si je frappais et qu’ilmedisait d’entrer, je ne saurais pasquoi dire. Des étincelles de colère rougeoyantes continuaient de crépiter en moi, semélangeaientaveclahonteetlaconfusion.
Je tendis l’oreille pour percevoir les mouvements à l’intérieur de la pièce. Je crusentendre des pas s’approcher de la porte et jeme crispai en pensant qu’elle allait s’ouvrir,maisauboutd’unmoment,jecomprisqueceneseraitpaslecas.
Jememordis les lèvreset fermai les yeuxetaprèsquelquesminutes, jemedétournai.Comme jene savaispasquoi faired’autre, j’allaidans la chambreprincipaleetmecouchai.Allongéeàmaplace,jejetaiuncoupd’œilauréveilposésurlatabledenuitetattendis.Lessecondess’écoulèrentlentement.Jenequittaispaslaporteouvertedesyeux.Lasituationneme plaisait pas. Je ne supportais pas d’être dans son lit sans lui, alors que nous étions encolèrel’uncontrel’autre.
Jedéglutis,maislabouledansmagorgerefusaitdedisparaître.Toutàcoup,mesyeuxseremplirentdelarmesetbientôt,ellessemirentàcoulersurmesjoues.J’attrapaisoncoussinet le pressai contre ma poitrine tout en fermant les yeux. Je me sentais tellement vide.Commentenétions-nousarrivéslà?Commentétais-jecenséearrangerleschoses?
Au bout d’un moment, mes pensées se rassemblèrent et je dus m’endormir car je meretrouvai dans un rêve où je courais après Jax en l’appelant, mais il ne m’entendait pas.Lorsque le rêve se dissipa, j’imaginai qu’il passait une main dans mes cheveux, replaçantdélicatementunemèchederrièremonoreille,avantdedéposerunbaisersurmajoue.
Lacaressem’avaitparu si réellequ’enme réveillant, toujoursaussi fatiguéeet lesyeuxgonflés,j’étaispersuadéequ’ilsetrouvaitprèsdemoi.Quesaplaceneseraitpasfroide.Maisellel’était.Soncoussinétaittoujourspressécontremoi.Jaxn’étaitpaslà.
Jenevoulaispasmelever.J’avais l’impression d’avoir dormi quelques minutes seulement. Mes yeux me faisaient
mal:magorgeetmaboucheétaientsèches.Lesévénementsdelaveillemerevinrentaussitôtenmémoire.Àlalumièredujour,jepouvaisadmettresansproblèmequeJaxavaitraison.Jen’avaispasbeaucoupd’expérience.Jeneconnaissaispaslesdifférentstypesderelationsqu’ilexistait.Lesseulsexemplesquejepossédais,c’étaientceuxdemesamis.
Etiln’yavaitpasqueça.J’avais eu raison dememettre en colère le samedi précédent,mais je ne lui avais pas
laissél’occasiondes’expliqueretils’étaitexcusé.IlnepouvaitpascontrôlerAimee.Cen’étaitpascommes’ill’avaitinvitéeici.
Jeserrailecoussinunpeuplusfortcontremoi.Maintenant quema colère s’était apaisée, je pouvais également admettre que jen’avais
pas entendu tout ce qu’il avait dit la veille. À part ne pas avoir repoussé clairement les
avancesd’Aimee,Jaxn’avaitrienfaitdemal.Ilavaitmêmeprismadéfense.Ils’étaitexcuséetm’avaitditqu’ilsesentaitcoupable.Etiln’avaitpashésitéàcommuniqueravecmoi.Il fallait que je lui parle sans crier, sans dramatiser. Il fallait que je lui parle tout en
l’écoutant.Après avoir lâché le coussin, je descendis du lit et sortis dans le couloir pieds nus. La
chambred’amisétaitouverte. Iln’étaitpasdedans. Jedévalai l’escalier et traversai le salonsilencieuxpourmerendredanslacuisine.
Iln’étaitpaslànonplus.Mon cœur s’emballa et une sensation de malaise s’empara de moi. Je me tournai
lentement.Oùétait-il?Lamaisonétaitpetite.Iln’auraitpaspusecacherailleurs.Mesyeuxse posèrent sur les fenêtres qui donnaient sur la rue. Jemeprécipitai vers elles et tirai lesrideaux fins blanc cassé pour jeter un coupd’œil à l’extérieur. Le souffle court, je passai enrevueleparking,unefois,puisdeux.Savoituren’étaitpaslà.
Elleavaitdisparu.Jaxétaitparti.
30
Jenesavaispasquoifaireniquoipenser.Jaxétaitpartisansriendire.Ilnem’avaitpaslaissélemoindremot,SMSoumessage.Il
avaitquittélamaisonsansmeréveiller.Cen’auraitpasétégravesi,laveille,iln’avaitpasétéaussicontrarié.
Enm’asseyantaubordducanapé,jemerappelaisesparoles.Iln’arrivaitpasàcroirequejepenseçadelui,quejepuissemalleconnaîtreàcepoint.
Mes ongles mordirent la chair de ma paume. Il était allé se coucher alors qu’il étaitencoreencolère,oudumoins,ils’étaitenfermédanslachambred’amis,etilavaitaussiditdestrucsstupides.Jesavaisquebonnombred’entreeuxnepourraientêtreeffacés,nioubliés.
Enétait-ilarrivélà?Était-cesamanièredeterminerleschoses?Seigneur…Ets’ils’attendaitàceque jesoispartieàsonretour?Etmoi,pendantcetemps, j’étais
assise sur soncanapé,avec son tee-shirt sur ledos,commeune imbécile.C’étaitpossible. Ilétaiténervéparcequej’avaissous-entenduqu’ilcontinuaitdecoucheravecAimee.
Lesmains tremblantes, jeme relevaid’unbondet repoussai lesmèchesdecheveuxquimetombaientsur levisage. Jaxétaitquelqu’undegentil.Devraimentgentil. Ilnevoudraitpas causer de scène. Après tout, il avait aussi été sympa avec Aimee jusqu’à ce qu’ellem’insulte.Alors,ilnevoulaitsûrementplusmevoir.
MonDieu.Ilm’avaitdéfendueetmoi,jem’étaismontrée…stupide.Jemeprécipitaiàl’étage,retiraisontee-shirtetlelaissaitombersurlelit.Puisj’enfilai
mes propres vêtements, rassemblaimes cheveux en un chignon lâche et fourrai toutesmesaffairesdansungrandsaccabas.
Pendant que je refermai la fermeture Éclair du sac plein à craquer, je m’arrêtai uninstant.Unepetitevoixà l’intérieurdematêtemedisaitderalentir,deréfléchirparcequej’allaisunpeuviteenbesogne,maislapeurqu’ilrevienneetqu’ilneveuillepasmevoirétaittropforte.
J’étais en train de partir, quand soudain, je me retournai et attrapai le tee-shirt quej’avais porté pour dormir. Je ne savais pas pourquoi, mais je l’embarquai avec moi, puisquittailamaison.
Tropdepensées contradictoiresvirevoltaientdansmonesprit.Ducoup, jene reconnuspastoutdesuitel’endroitoùm’emmenaitmonsubconscient.
Chezmamère.Je ne savaismême pas comment j’étais arrivée là. En fait, jeme souvenais à peine du
trajetenvoiture.Lamaisonétaitcalmeetilyfaisaitpluschaudqued’habitudeparcequel’airconditionnén’avaitpasfonctionnédepuislongtemps.Jelaissaitombermonsacsurlecanapéetsortismontéléphone.
Pasdemessages,nid’appelsenmonabsence.J’ignoraispourquoij’avaisprislapeinedevérifier.Mon cœur battait à cent à l’heure,mon estomac était noué. J’avais envie d’appelerTeresa,parcequej’avaisbesoindeparleràquelqu’un,maiselleneconnaissaitpasJax.
Je fis plusieurs tours du canapé avant d’appuyer sur le nom de Roxy dansma liste decontacts.Elledécrochaàlatroisièmesonnerie.
—Salut,dit-elled’unevoixenrouéeparlesommeil.Jegrimaçai.—Jesuisdésolée.Ilesttôt.Jeterappelleraiplustard.—Cen’estpasgrave.(Elles’éclaircitlavoix.)Toutvabien?Jefaillisdireoui.—Non.—C’esttamère?Clyde?Toutàcoup,iln’yavaitplusaucunetracedesommeildanssavoix.—Non, cen’estpas ça.C’est…(Jem’humectai les lèvres.) Je croisque Jaxetmoi,on
s’estséparés.Ilyeutunepause,puiselles’écria:—Quoi?Jem’affalaisurlecanapé.—Onétaitensemble.Enfin,jecrois.Onn’enajamaisvraimentparlé,quoi.—Jenepensepasquelesgensparlentdecegenredechoses.Çaarrivenaturellement.
Etjet’assurequevousêtesensemble.—Iladitqu’il étaitmonmec, c’estvrai.Maishier soir…(Jem’interrompis. J’avaisde
nouveaumalauventre.)Jenesaispas.Ilestparti.—Commentça,ilestparti?Lesentimentdemalaiseremontajusqu’àmapoitrine.—Quandjemesuisréveillée,iln’étaitpluslàetiln’apasdormiavecmoi.—Oùes-tu?medemanda-t-ellesoudain.—Àlamaison.
—ChezJax?—Non.Chezmamère.Jenepouvaispasresterchezlui.Jenesaismêmepass’ilaenvie
que je reste et dans le doute, je ne voulais pas qu’il me trouve là-bas à son retour. (Jeresserraimaprisesurmontéléphone.)Ducoup,jesuis…jesuischezmamère.
—Tupensesquec’estunebonneidée?medemanda-t-elle.(Savoixavaitchangécommesielleétaitentraindebouger.)Avectoutcequisepasse?
Moncœurseserra.Merde.—Jesuisvraimentdébile.Encoreplusqued’habitude,jeveuxdire.Non,maisqu’est-ce
quejesuisconne!Jen’avaispasréfléchi.Putain. Jen’yavaispas réfléchidu tout. Jeme levaid’unbondetmeprécipitai vers la
portepourm’assurerqu’elleétaitferméeàclé.—Jesuistropstupidepoursurvivre.—Maisnon…Tuesstressée.Tunepensesplusclairement.Cen’estpaspourçaquetu
es trop stupide pour survivre. Bon, OK, peut-être un peu, plaisanta-t-elle, et je l’entendissoudainde loin. Je t’aimise surhaut-parleur. Je suisen traindem’habiller.Resteoù tues.J’arrive.Envoie-moil’adressepartexto.
J’écarquillailesyeux.—Tun’espasobligée.—Si. Je suis tonamie.C’est le rôled’uneamiedevenir te voir.Alors, resteoù tu es,
enferme-toietprépare-toi.J’arrive.Jegloussai.—Tunefaispasleschosesàmoitié,toi.—Peut-être,fit-elled’unevoixtraînante.Jeserailàdansquinzeminutesmaximum,OK?
Ilfautjustequejemebrosselesdentsetpeut-êtrelescheveux.—D’accord.Jet’attends.Enréalité,ils’écoulaunevingtainedeminutesavantqu’ellearrive.Jemedemandaialors
oùellehabitaitetàquellevitesseelleconduisait.Elleportaitunshortenjean,undébardeurtropgrandquicouvraitàpeinesonsoutien-gorgedesportetsescheveuxétaientencoreplusemmêlésquelesmiens.Elleétaitvraimenttropmignonne,cequin’auraitpasétémoncassijem’étaishabilléecommeça.
Danssesmainssetrouvaituneboîteencartonblanchequ’elleposasurlatablebasse.—J’aiapportédesdonuts.Ilnousfautdugraspourcetteconversation.Jenepensaispasêtrecapabledemanger,maisc’étaitadorabledesapart.Elles’assitsur
le canapé et se pencha pour ouvrir la boîte. À l’intérieur, il y avait tout un assortiment debonnes choses. J’attrapai des serviettes en papier posées sur le comptoir de la cuisine et larejoignis.
Enuninstant,elleengloutitlamoitiéd’undonutnappédechocolat.—Raconte-moitout.
Relâchantlarespirationquej’avaisretenuejusqu’àprésent,jem’assisàcôtéd’elleetluiracontai toute l’histoire,encommençantparAimee,qu’elle connaissaitbien,pour finiraveccematin. Je luiparlaimêmedesprojetsque j’avais faitsavecJaxpourmonretourà la fac.Quandj’eusterminé,jemesurprisenchoisissantundonutausucre.
—OK…Elles’emparad’unquatrièmedonutetjemedemandaioùelleavaitmislestroisautres.—CommençonsparAimee.Cettenana est incapablede concevoir qu’unmecpuisse la
rejeter.Jesuiscertainequ’ellesaitquetucomptespourlui.Toutlemondelesait.Çasevoitcommelenezaumilieudelafigure.
—Ahbon?Roxysouritenprenantunebouchéedebeignet.— Dès l’instant où tu es arrivée, Jax n’a eu d’yeux que pour toi. Littéralement et
figurativementparlant.C’estévident.À cette pensée, une douce chaleur m’envahit. J’aimais l’idée que les gens aient cette
visiondenous.Puisjemesentisunpeubêteparcequejen’étaispaslecentredumonde.—Tusais, j’aivuàquelpointAimees’accrocheàJax,continua-t-elle.Jem’entraîneau
regarddelamortquituedepuisqu’ellearecommencéàveniraubar.Malheureusement,çanefonctionnepas.
Jeluisouristoutenfourrantunpetitmorceaudedonutdansmabouche.SonregarddelamortquituenemarchaitpassurReecenonplus.
—Jaxsemoquecomplètementd’elle.D’accord,ilpourraitprotesterunpeuplus,maisilne va pas non plus dans son sens. C’est quelqu’un de gentil. (Elle attrapa une serviette ets’essuya les doigts.) Il en faut beaucoup pour l’énerver. Tu t’en es rendu compte. Et il estencoreplustolérantaveclesfilles.Ensomme,ilaétébienélevé.
—Oui,c’estvrai,murmurai-je.—Maistuasledroitd’êtreencolère.—Ah!N’est-cepas?Ellehochalatête.Dieumerci,jen’étaispascomplètementàcôtédelaplaque.—Siunefilledébarquaitchezmonmecaubeaumilieudelanuit,jelatuerais.Sij’avais
unmec,biensûr.J’auraissûrementenviedeletuer,luiaussi,etjemettraisuncertaintempsàm’enremettre,mais…
Jem’adossaiaucanapéetremontailesgenouxcontremapoitrine.—Onenarriveàlapartieoùtumedisquej’aimerdé?—Oui.Etnon.(Roxysouritetsetournaversmoi.)C’esttapremièrerelationamoureuse
ettapremièredispute.Avecunpeudechance,ceserataseulerelation,maisentoutcas,ceneseracertainementpastadernièredispute.Çavaarriverdestasdefois.
Jelesavais.Jel’avaissimplementoubliéparcequej’étaisidiote.
—Leproblème,c’estquetuasplusoumoinsaccuséJaxdecontinueràsetapertoutcequibougealorsqu’ilestencoupleavectoi.C’estnormalqu’ilsoitencolère,maiscen’estpaspourçaqu’ilvaarrêterd’avoirdessentimentspourtoi.Detoutefaçon,sic’estlecas,iln’envautpas lapeine…Mais jesaisqueJaxn’estpascommeça. Ilvasecalmerettoutrentreradansl’ordre.
Jememordis la lèvre inférieuretoutenressassantsesparoles.Toutcequ’elleavaitditfaisaitsens.L’espoircommençaitàrenaîtreenmoi.
—Tucroisquejedevraisl’appeler?—Tudevraissurtoutluidonnerunpeudetemps,mesuggéra-t-elle.C’estsouventmieux
delelaisserrevenirverstoi.Vousavezeutort,touslesdeux.Tudoisgarderàl’espritquetun’espaslaseuleàavoirdéconné.
—Tuasraison.(Jesoupiraietappuyai la têtecontre lecanapé.)Tucroisque j’aibienfaitdepartir?
—Hmm…(Elleajustases lunettes.)Ehbien, si la situationn’étaitpasaussidingue,çan’aurait sûrementpas étéunproblème,maisdans l’état actueldes choses, jepenseque Jaxn’estpastrèscontent.Tulevoiscesoir,detoutefaçon.
—Non. Il va à un enterrement de vie de garçon.Nick et toi, vous le remplacez, tu tesouviens?
—Merde, grogna-t-elle en se laissant tomber contre l’accoudoir. J’avais complètementoublié.
—Tuasprévuquelquechose?Onpeutsedébrouillersinon.Roxyéclataderire.— Pour prévoir quelque chose, il faudrait déjà que j’aie une vie. Non, je pensais juste
mangerdestasdecochonneriesetlireunbonbouquinjusqu’auboutdelanuit,commetouteslescélibatairesdevingt-deuxansnormalementconstituées.
Jeris.Sonsourires’élargit,puisellemeregardadanslesyeuxetmetapotalebras.—Toutirabien.Je luirendissonsourire.J’avaisétéaubordde lacrisedenerfscematin.Àprésent, je
mesentaisbeaucoupmieux,commesijesavaisqu’aufinaltouts’arrangerait.—Merci— Sinon, je suis sûre que ta mère a une liste noire quelque part avec le numéro de
quelqu’unqu’onpeutengagerpourluimettreuneraclée.—N’importequoi!m’exclamai-jeenriant.Ellegloussaaussietseroulaenbouledesoncôtéducanapé.Elleétaittellementpetite
qu’elleprenaitàpeinelamoitiéd’uncoussin.—Onvadirequec’estleplanB.—C’estquoi,leplanA?
—Tudébarqueschezluinuesousuntrench-coatnoiretdèsqu’ilouvre laporte, tu luisautesdessus.
Riantdenouveau,jesecouailatête.—J’aimebienleplanA—Jetepariequ’ill’aimeraaussi.
Le soirmême, j’étais sur les nerfs. J’avais l’estomac noué et j’avais dumal à empêcher
mon déjeuner de remonter… alors que je n’avais mangé que la moitié d’un sandwich aupoulet.
Pendant que Roxy m’attendait, j’avais pris mon temps pour me préparer pour allertravailler.J’avaisondulémescheveux,maquillémesyeuxavecsoinetmisdurougesurmeslèvres. Je savais que la troupe de l’enterrement de vie de garçon passerait au bar à unmomentdonnéetJaxlesaccompagneraitforcément.
Jen’avaispasessayédelejoindrejusqu’àcequejemeretrouvedansmaproprevoitureetRoxydanslasienne.Jeluiavaisenvoyéunpetitmessageluidisantquej’espéraislevoircesoir.Puis,étantdonnéque j’étaisaussipeureusequ’unepetite filledevant lemonstrequisecachedanssonplacard,j’avaisjetémontéléphonedansmonsacetavaismontélevolumedelamusique.Jen’avaispasvérifiés’ilm’avaitréponduavantd’arriveraubar.
Quedalle.—Cen’est pas très grave,medis-je endescendantde voiture et en entrant,maismon
cœur,lui,battaittrèsfort.Pasderéponseà18heures.Nià21heures.Pour envenimer les choses, Aimee n’était pas là, elle non plus. C’était louche. Bon,
d’accord, elle avait peut-être enfin compris le message, mais les battements de mon cœurn’avaientpasralentiet jecommençaisàcroirequeRoxys’était trompée.Jaxavaitpeut-êtrechangéd’avis.
—Çava?medemandaRoxyquandjeluitendisunmartiniàlapommequejen’étaispassûred’avoirmélangécorrectement.
Jemesentaislégèrementparano.—Oui…Ellemedévisageaavecattention.—Tun’astoujourspasdenouvelles,c’estça?Lamâchoireserrée,jesecouailatête.—Calla,jene…Laportes’ouvritetjemetournaivivementdanssadirection.Commechaquefoisdepuis
ledébutdelasoirée,moncœurbonditdansmapoitrine.Maiscen’étaitpasJax.C’étaitKatie.Elleportaitdes talonsquiauraientpupasserpourdeséchasses,pourtant,
elle ne tremblait pas enmarchant. Au contraire. Elle avança gracieusement jusqu’au bar et
tapasurl’épauled’unefemme.—Vousêtesàmaplace.Jesoupirai.Roxyritdoucement.Lafemmeenquestiondevaitavoirl’habitudedeKatieparcequ’elleluicédasonsiègeen
marmonnant quelque chose dans sa barbe. Katie s’y laissa tomber et remonta son bustier àpaillettessursapoitrine.
—Unwhisky.Pur.Jehaussailessourcils.—Lasoiréesepassemal?Ellelevalesyeuxauciel.— June, l’une des filles, teste une nouvelle choré. De la danse du ventre. En sachant
qu’ellen’arrivemêmepasà sedéhancher surduhip-hop sans faire fuir les clientsaussi viteques’ilsavaientvuleursfemmes…
—Pourquoiest-cequ’ilsl’ontembauchée?demandaRoxy.Même Nick semblait nous écouter à quelques mètres de là, de l’autre côté du bac à
glaçons.— Qui sait ? Sans doute parce qu’elle a de beaux seins et un joli cul, mais je ne la
supportepas.Jesourisenluiservantsonwhisky,puisglissaileverredanssadirection.Jen’avaispas
faittomberlamoindregoutteàcôté.—Oh,regarde!Tuesunevraiebarmaid,maintenant!fitremarquerRoxy.Nickricana.J’étais en train de les fusiller du regard lorsque la porte s’ouvrit. Je tournai la tête
tellementviteque je fus surprisedenepasm’être fait le coupdu lapin. Le souffle court, jefaillisfairetomberlabouteilledewhisky.
Reeceentraenpremier.Ilportaitunjeandélavéetunechemise.Çaluiallaitbien.— Etmerde, grogna Roxy. Sérieux. Je pensais que ce soir, aumoins, je ne serais pas
obligéedelevoir.Jeluijetaiuncoupd’œilencoin.Katiericanaetlevasonverre.—Moi,çanemedérangeraitpasdepasserlanuitensacompagnie.(Elleavalalewhisky
d’untrait.)Waouh,c’estfort!hoqueta-t-elle.J’étaisentraind’hyperventiler.Plusieurshommesentrèrent.Songrandfrère,Colton,étaitparmieux.J’étaissurprisede
le voir ici, mais ça semblait logique, puisque le futur marié était flic. Mon cœur faisaitlittéralementdesclaquettes.Jaxétaitforcémentaveceux.
Katiejetauncoupd’œilpar-dessussonépaule.
—Vous voyez ? June les a fait fuir, eux aussi ! s’exclama-t-elle en levant lesmains enl’air.
La porte se referma et le joyeux petit groupe s’installa à une table près des tables debillard.Moncœurdescenditdansmonestomac.
Jaxn’étaitpasaveceux.—Ilsétaientauclub?m’entendis-jedemander.—Ouais.Maisçan’apasdégénéré,jeterassure.Katieexaminasesonglesunlongmomentavantdereleverlatête.Sesyeuxbleusétaient
emplisdecompassion.Oh,non.Quand je fis un pas en arrière, jeme heurtai à Sherwood qui était apparu comme par
magiederrièrelebarettrifouillaitlesverres.Roxysetournaversmoi,lessourcilsfroncés.—Calla…Je doutais fortement que Katie soit tombée de la barre de pole dance et se soit
transforméeenSuperStripteaseuse,maisellemeregardaitcommesiellesavaitparfaitementcequimeperturbait.
—Jaxétaitaveceux,medit-elle.Cen’étaitpassurprenant.Jesavaisqueceseraitlecas.Roxys’approchadenouveauenscannantlebarduregard.Ellelançauncoupd’œilàNick
quisedépêchad’allerservirunclient.—OK,murmurai-je,sanssavoirsiellem’avaitentendupar-dessustoutcebruit.Katiemorditseslèvrescouvertesdeglossrose.—Legroupes’estbienamusé,maisJax,lui,n’étaitpasdansl’ambiance.Ilyaunedemi-
heure,plusoumoins,Aimeeadébarqué.Unesensationterribleexplosasoudaindansmapoitrine.—C’étaitvraimentbizarre,parcequ’Aimeen’ajamaismislespiedsdansnotreclub.Biensûrquenon.AimeeyétaitseulementalléeàcausedeJax.—Dixminutesaprèssonarrivée,Jaxestparti.(Katiemeregardadanslesyeux.)Aimee
aussi.Justeaprèslui.Jenedispasqu’ilssontpartisensemble,maiselleestsortiejusteaprèslui.
Oh,monDieu.—Calla,fitRoxyenposantlamainsurmonbras.Aimeeestcapabledeleharcelerettu
lesais.Iln’apasdemandéàcequ’elleleretrouvelà-bas.Jelaregardaisansvraimentlavoir.Levidequej’avaisressentiplustôtétaitderetour.— Il n’a pas répondu aumessage que je lui ai envoyé avant d’aller travailler. Je lui ai
envoyéunmessage.Iln’apasrépondu.—Peut-être,maisçaneveutriendire,contrarapidementRoxy.
Ahnon?Aimeeétaitvenuechezluilaveille.Ill’avaitfaitpartir,maisleurconversationn’avaitpasétéclaire.Onavaiteuunegrossedispute.Iln’avaitpasdormiàcôtédemoi,étaitpartiavantmonréveiletn’avaitpasessayédemecontacterdelajournée,niréponduàmonmessage.Çaneprésageaitriendebon.
Magorgemebrûlait.Unpeudemaforcevitalemequitta.J’avaisl’impressiondesouffrirdessuitesd’uncoup
decouteaumalplacéquimetuaitàpetitfeu.—Vousêtesplusquedesamis,touslesdeux.Vousnemel’avezpasdit,maisjelesais,
ditKatieentapantundoigtcontresatête.Jelesais.—Katie,soufflaRoxy.—Jet’aiditquetavieétaitsurlepointdechanger,poursuivit-elle.Tuterappelles?Je
t’aiprévenue.Maisjenet’aijamaisditqueceseraitfacile.Jeladévisageai.Par chance, un groupe de clients prit soudain le bar d’assaut et je n’eus pas à lui
répondre. Jeme jetai à corpsperdudans la prisede commande,d’unemanière qui virait àl’obsession,àtelpointquejeneremarquaimêmepasledépartdeKatie.
Roxy essaya de me prendre à part plusieurs fois, mais je l’évitai parce que je savaisqu’ellevoulaitmeparlerdeJaxetque j’enétais incapable.Jenepouvaissimplementpas lefaire.
Je préparai trois Long Island en souriant. Je ris. J’encaissai l’argent. J’acceptai lespourboires.JefismêmedesJägerbombspourlatabledeReecepuisqueRoxyétaitalléeaiderGloria.
IlnementionnapasJax.Moinonplus.Le petit groupe quitta le bar une heure avant la fermeture. Tout ce dont j’avais envie,
c’étaitderentrerchezmoietdemeglisserdansmonlit.Cen’étaitsansdoutepaslameilleurechose à faire. Roxy m’avait proposé de venir chez elle, mais j’avais besoin d’être seule. Jevoulais prendre ce risque. La force vitale qui avait commencé àme quitter un peu plus tôtcontinuaitdes’écoulerlentementhorsdemoncorps.
Je jetai encore une fois un œil en direction de la porte et mes lèvres se mirent àtrembler. Un froid glacialme brûlait de l’intérieur. Je sentais le videm’envahir de plus enplus.J’allaiscraquer,jelesavaisetceseraitlepompon.
JemetournaisoudainversRoxyetNicketprisunegrandeinspiration.—Çavousdérangesijem’envaismaintenant?Roxysecoualatête.—Non,onpeutsedébrouiller,mais…—Super,merci.
Jelaprisrapidementdansmesbras,puislescontournaipoursortir.Aprèsavoirrécupérémonsacdanslebureau,jemedépêchaidepartir.Nickavançaversmoi.
—Jepeuxteramener,situveux,mesuggéra-t-il.—Non,luirépondis-jeentournantlatêtesurlagauche.J’aimavoiture.Cen’estpasla
peine.NicksetournaversRoxy.C’étaitlemomentquej’avaisattendupourm’éclipseravantque
l’undesdeuxinsistedavantage.Jen’avaispasl’intentiondem’effondrerdevanteux.Alors,jesortisrapidement.Dehors,l’odeurdelapluieétaitentêtante.
Jem’arrêtai et cherchaimon téléphone dansmon sac. J’appuyai sur le bouton. L’écrans’alluma.Rien.Niappel.Nimessage.
Je laissai échapper un rire rauque, sans joie, et relevai la tête.Mon portable retombadansmon sac.Mesdoigtsmedémangeaient avec l’enviede l’appeler. J’examinai leparking,maisbiensûr, sonpick-upn’étaitpas là. Ilétaitpartiduclub justeavantAimeeet iln’étaitpas venu au Mona’s. Il n’avait pas non plus essayé de me contacter, ni répondu à monmessage.
Jen’auraisjamaisdûlaisserJaxentrerdansmavie.Jen’auraisjamaisdûtomberamoureusedelui.Non.Jenelepensaispasvraiment.Jem’essuyai les yeux tout en traversant le parking. LeWalmart au bas de la rue était
encoreouvert.J’allaisdépenserunepartiedel’argentquej’avaiséconomisépourm’acheterunpanier plein de glaces et de chips. Puis j’allais rentrer à la maison et manger jusqu’àécœurement.Ensuite…jenesavaispasencore.
J’étaispresquearrivéeàmavoiture,lorsquej’entendisquelqu’unappelermonnom.—Calla?Les yeux écarquillés, je resserrai ma prise sur l’anse de mon sac et me retournai
vivement,dosàlaroute.Sanstropycroire,jecherchaifrénétiquementl’originedelavoix.Jefinisparlatrouver.
Lapersonnesetenaitsousunlampadairedontl’ampouleclignotait.Malgrélemanquedelumière, jevoyaisbienqu’elleavait le teintgrisâtre,descheveuxdécolorésavecdesracinestrèsfoncéesetunvisageetunesilhouetteanémiques.Sesvêtementsétaientfroissés.Sontee-shirtétaitbeaucouptropgrandpoursesépaulesfinesetsonjeanmoulantbâillaitàpartirdugenou.
Quandellefitunpasversmoi,j’enfisunenarrière.Sonsourireétaitpincé,hésitant.—Monbébé…Jen’arrivaispasàycroire.Mamère se tenait devant moi, abîmée par la drogue, et elle m’appelait son bébé. Je
restaisfigéesurplace,incapabledebouger.Jenesavaismêmepasquoiluidire.Ilyavaitdes
tasdechosesquej’auraisvoululuicracherauvisage,maisriendetoutçan’arrivaitàfranchirmeslèvres.
—Tuvasbien?futtoutcequejeluidis.Elle ouvrit la bouche, mais ce qu’elle s’apprêtait à dire fut interrompu par un
rugissement, comme le bruit d’un moteur. Je relevai vivement la tête et regardai derrièremoi. Une cinq portes avec des vitres teintées déboula dans le parking et s’arrêta devantl’enseignedubar.Unevitresebaissacôtépassager.
Depetitesétincellesapparurent.Uneexplosionretentit.Ma mère cria. Il me sembla entendre mon nom. Mais d’autres explosions retentirent,
comme si on débouchait des dizaines de bouteille de champagne successivement et il y eutplusd’étincelles.Jecomprisqu’ils’agissaitdecoupsdefeulorsqueduverreéclataautourdemoi.Lemétaltintaprèsdemoi,tropprès,etmonsacmetombadesdoigtspendantqu’uncriremontaitlelongdemagorge.
Il n’en sortit jamais. Une sensation étrange me brûla l’estomac, aussi intense quesoudaine,etmecoupalesouffle.
Jebaissailatêtetoutenreculantjusqu’àmeretrouvercontreuneJeep.Jecrusentendrequelqu’uncrier,maisj’avaislatêtequitournait.Mesmainstremblaientcontremesflancs.Ilyavaitquelquechosedechaudetd’humidesurmesdoigts.
—Maman,croassai-jetandisquemesjambespliaientsousmonpoids.Jenem’étaispasrenducomptequej’étaistombée,maisl’arrièredemoncrânemefaisait
souffrir. Pas autant, toutefois, que mon ventre. Au-dessus de moi, les étoiles vacillaient,commes’ilpleuvait.
—Maman?Jenereçusaucuneréponse.
31
Quand jerouvris lesyeux, iln’yavaitplusd’étoilesau-dessusdematête,nide lumièrevive,seulementunplafond.Unplafondblancavecdeslampesdefaibleintensité.Lerestedelapièceétaitplongédansl’ombre.Monregardseposasurlemurd’enfaceetjevisunrideaubleupâle.Moncerveaufonctionnaitlentement.Jemesentaisbizarre,commesijeflottais.Mamaindroiteétaitunpeuengourdieetquandjebaissailatêteversl’endroitoùelleétaitposée,surlelit,jevisquej’avaisuneperfusion.
Pasdedoute,j’étaisàl’hôpital.Ahoui!Jemesouvenaismaintenant.Onm’avaittirédessus.Avecunvraipistolet.Jen’avaisvraimentpasdechance.J’essayai de me redresser, mais la douleur lancinante se fit soudain plus forte. Elle
explosadansmonventreet lechocqu’elleproduisitmecoupalesouffle.Autourdemoi, lesmurssemirentàtournercommesijefaisaisuntripsousacide.
Dumouvement à gauche du lit attiramon attention. Puis unemain douce se posa surmonépaule.Jeclignai lesyeuxpouréclaircirmavuetandisqu’onm’aidaitàreposer la têtecontrelescoussinsétonnammentnombreux.
—Àpeineréveillée,tuessaiesdéjàdet’asseoir…Lemoniteurenregistral’accélérationsoudainedesbattementsdemoncœur.Jetournaila
têteverslagauche.Jaxétaitassissurunechaiseàcôtédu lit. Ilavait l’air…crevé.D’énormescernesnoirs
soulignaientsesyeuxquid’habitudeavaientlacouleurduwhiskyetjeneluiavaisjamaisvuunebarbeaussiépaisse.
Pourtant,quandmonregardcroisalesien,ilmesouritetditd’unevoixrâpeuse:—Tevoilà.—Jet’aipristontee-shirt.Ilfronçalessourcils.—Quoi?
J’ignorais pourquoi j’avais dit ça. Visiblement, les gentils petits médicaments faisaientleureffet.
—Quandjesuispartiedecheztoi,j’aiemportétontee-shirt.Jevoulaisgarderunpeudetoiavecmoiaucasoùtunevoudraisplusjamaismevoir.
Ilseredressaet,pendantqu’ilm’observait,seslèvress’entrouvrirent.—Jemesensbizarre,admis-je.Jecroisqu’onm’atirédessus.Sonexpressionsedurcit.—Ont’atirédessus,chérie.Dansleventre.Jem’humectaileslèvres.—Çaal’airgrave…J’avaisconsciencequeçal’était.Onavaiteudescourssurlesblessuresparballependant
plusd’unesemaine,àlafac.—Tuaseudelachance.Ledocteuraditquelaballen’avaittouchéaucunorganevital,
expliqua-t-ild’unevoixgrave.Parcontre,tuaseuunehémorragieinterne.—Oh,ça,c’estgrave.Ilpenchalatêtesurlecôtéetfermalesyeux.—Oui,chérie.C’estgrave.Jaxparaissait inquiet.Ducoup…jenesaispas, j’avais l’impressionqu’il fallaitqueje le
rassure.—Çanefaitpastrèsmal.— Je sais,murmura-t-il. Ilsm’ont dit qu’il t’avait donné des antidouleurs. Je…Putain,
Calla.Ilsepenchaenavant,tantetsibienquejesentisledouxparfumdesoneaudetoilette.—Oh,chérie…Ilsecoualatête.L’obscuritédesesirispritsoudainuneintensitétorturée.Ilposalamain
surmajouegaucheetjesentisunfrissonleparcourir.—Jesaisque tuassansdoutedesquestionsàmeposer,mais il fautd’abordque je te
disequelquechose.D’accord?—D’accord.—Quandtut’esréveilléehieretquej’étaisdéjàparti,cen’étaitpascequetuascru.Lesdernièresvingt-quatreheuresmerevinrentenmémoire,commeunfilmauralenti.Quellejournéedemerde!—Jedevaisalleràunessayagepourlemariage.Ilfallaitquejepartetôt.J’auraisdûte
laisserunmot,maisj’étaisencoreencolère.Etpuis,jepensaisquetuseraislààmonretouretqu’onpourraitparler…MaisRoxym’aappelé.
Jefronçailessourcils.—Elle…Ellet’aappelé?—Oui.
Sonregardcaressamonvisageavantdedescendreunpeu.J’auraisjuréqu’ilregardaitmapoitrinesesoulever,commepourserassurerquejerespiraisbien.
—Ellem’aappelépendantqu’elleallaitcheztoiparcequ’elleavaitpeurquetunesoispasensécurité.Jesavaisquetuétaispartieetçam’a foutuenrogne.Jecroyaisqu’onétaitsurlamêmelongueurd’onde.(Ileutunrirerauque,sansjoie.)J’aiappeléReecepourluidireoùtuétais.Ilafaitposterunevoituredevantlamaison.
Jenem’enétaispasrenducompte.Apparemment,jen’étaispaslafillelaplusperspicacedumonde…Peut-êtrequ’aufinalleboulotd’infirmièren’étaitpasfaitpourmoi.
Sonpouceglissalelongdemamâchoire,puisJaxmeregardadanslesyeux.—J’aipassétoutelajournéed’hierencolèrecontretoi,contrenous,contremoi-même.Pourêtrefranche,cen’étaitpasdutoutcequej’avaisenvied’entendrepourlemoment,
mais je sentais qu’il avait besoin d’en parler, de l’exorciser. Alors, je ne dis rien et mecontentaideledévisager.
Unmuscletressautaaucoindesonœil.—Toutelajournée,répéta-t-ilensecouantlatête.J’aigâchéunejournéeentièreàcause
d’uneconneriepareille,alorsquejesuisbienplacépoursavoirqueçanesertàrien.J’aidéjàvécuçaavecmasœur, tusais. J’aipassébeaucoupde tempsencolèreaprèsJenaet,quandelleestmorte,j’airegrettécenombreincalculabled’heuresoùjen’avaispasétélàpourelle.
—Jax,murmurai-je,lecœurserré.Il s’appuya sur son autre bras pour ne pas m’incommoder ni déranger le lit. En toute
franchise,jenesavaispascommentjemesentais.—Ceque je veuxdire, c’est quemême si j’étais énervé,mes sentimentspour toi, eux,
n’ontpaschangé.Nicequej’attendsdecetterelation.Jenesuispasparfait,loindelà.Jemesuis comporté comme un connard. J’aurais dû t’appeler etm’assurer que tu le comprenais.J’aurais pu répondre à tonmessage. Je ne l’ai pas fait. J’ai pensé qu’on avait besoin de seretrouver un peu seuls, chacun de notre côté, et qu’on discuterait dès qu’on en auraitl’occasion.Etpuisonestallésauclubdestrip-teaseetAimeeadébarqué.
Maintenant, ça me revenait en mémoire. Le malaise que j’avais ressenti la veillem’envahitdenouveau,maisavecuneintensitémoindre.Dieumerci.
—Çam’aencoreplusénervé.Jesuisparti.Ellem’asuivi.Ons’estengueulésaumilieuduparking.Etjetejure:àcôtédeça,mespiresrupturesontétédelarigolade.Ellenenouscauserapluslemoindreproblème,maislàaussi,putain,c’étaitunepertedetemps.Après,jesuisrentréchezmoi.J’avaisprévudevenir techercherà la fermeturedubar.Jen’aimêmepaspenséquetupouvaispartirplustôt.J’avaisvraimentl’intentiondevenirtevoir…maisjen’enaijamaiseul’occasion.
Lorsqu’ilrepritlaparole,savoixétaittellementenrouée,tellementdouloureusequej’eneusdesfrissons.
—J’étaisàdeuxdoigtsdesortir.J’avaislesclésàlamain,putain.J’étaispresquedevantla porte. J’étais en train de me demander s’il fallait que je t’envoie un message quand letéléphone a sonné. C’était Colton. J’ai failli ne pas répondre parce qu’ils étaient sûrementencoreentraindefairelafêteetquejen’avaispaslatêteàça,maisj’aifinipardécrocher.Ilm’a dit qu’un agent venait de l’appeler parce qu’il y avait eu des coups de feu au bar.Quelqu’un avait été blessé. Il n’en savait pas plus. Et si tu savais, bébé, mon cœur… J’airessenti exactement la même chose que lorsque mes parents m’ont appelé. Un énormemalaise,commesijem’étaiseffondréalorsquej’étaistoujoursdebout.J’aiessayédet’appeleretquandtun’aspasrépondu, j’ai su.J’ai suparcequesi tuavaispu, tuaurais toutdesuiterépondu.
—Jevaisbien,murmurai-jeavecconvictionparcequej’avais l’impressionqu’ilenavaitbesoin.
Ilm’ignora.—Quandjesuisarrivéaubar,j’aivutavoiturecomplètementbousilléeettoi,tun’étais
paslà.Roxynonplus…(Samaintremblaitcontremajoue.Onauraitditqu’ilessayaitdesecontrôler.)C’estNickquim’a annoncéque c’était toi. Il était dehors. Ilm’a approché avantquelapolicelefasse.Toutcequ’ilsavait,c’étaitqu’ont’avaittirédessusetquetun’étaispasconscientequandl’ambulancet’aembarquée.Calla, je…Jenepeuxpasmettredesmotssurcequej’airessentiàcemoment-là,nipendanttoutletrajetversl’hôpital.Laseulechosedontj’avais conscience, c’était que j’avais fait une grosse erreur. (Il prit une grande inspiration.)J’auraisputeperdre.J’aifailliteperdre.Sijen’avaisjamaiseulachancedeteparlerencoreunefois,commejelefaismaintenant,jeseraispasséàcôtédemachanced’êtreavectoietdet’aimerunedernièrefois.Etjenemeleseraisjamaispardonné.Alors,tusaisquoi,Calla?Jenevaisplusmementir.J’espèrequ’onestsurlamêmelongueurd’onde,maissitunel’espas,tantpis:jevaisledire.Commeça,jen’auraiaucunregret.
Ma respiration était deplus enplus lourde.Cen’était pas à causedema condition. Jesavaisquequelquechosed’importantétaitsur lepointdeseproduire.Magorgemebrûlait,pourtantellen’étaitpas sèche.Mesyeuxnonplus.Aucontraire, ils commençaientàbriller,parce que parmi toutes ses paroles, deux mots m’avaient particulièrement marquée.«T’aimer.»
—Ilfautquejetedisequejet’aime,Calla,medit-il.Moncœurmanquaunbattement.Étonnamment,lemoniteurnelerelevapas.—Je suis sérieux. Je t’aime. J’aime ta façondepenser…mêmesi cen’estpas toujours
évidentde tesuivre.Tuesadorable.J’aime le faitqu’ilyaitdes tasdechosesque tun’aiesjamaisfaites,commeça,onlesferaensemble.C’estunhonneurpourmoi.J’aimetaforceettout ce à quoi tu as survécu. J’aime ton courage. J’aime le fait que personne ne se plaintquandtufaisdescocktailsdégueulassesparcequetuesgentilleaveceux.
Unéclatderirem’échappa.D’unevoixrenduetremblanteparl’émotion,jerétorquai:
—C’estvraiquemescocktailssontdégueulasses.— Ah, ça, tu peux le dire. Je suis quasiment sûr que ton Long Island pourrait tuer
quelqu’un,mais ce n’est pas grave. (Ilme regardait droit dans les yeux avec un sourire encoin.)J’aimetonsensdel’humouretlefaitquetun’avaisjamaismangédegruauavantmoi.J’aime tellement de choses chez toi que je sais que je suis amoureux de toi. Alors, chérie,prendsautantdetee-shirtquetuvoudras.Ilssontàtoi.
Le souffle coupé, j’ouvris labouchepour lui répondre,mais aucunmotne franchitmeslèvres. Ilyavait tellementdechosesque jevoulais luidire.J’auraisaiméfaire la listedecequej’aimaischezlui,àmontour.Maisaufinal,jemurmuraiseulementun:
—Moiaussi,jesuisamoureusedetoi.Jax prit une grande inspiration et écarquilla les yeux. Je compris qu’il ne s’y attendait
pas.C’étaitvraimentun idiot.Mais je l’aimais.Alors, je le répétaietcette fois, il sepenchapour m’embrasser. Et ce baiser…Mon Dieu. Je le connaissais bien. Je n’avais simplementjamaisréaliséàquelpointilétaitremplid’amour.
Alors,peut-êtreparcequeJaxétaitamoureuxdemoi,etmoidelui,oupeut-êtreparcequ’onm’avait tiré dessus et que lesmédicaments qu’onm’avait donnés étaient costauds, jefondisenlarmes.
Jaxmurmuraquelquechosecontremeslèvresavantd’essuyermesjouesavecsonpouce.Commeilnepouvaitpass’allongersurlelitavecmoi,ilchoisitlasolutionlaplussimple:ilrapprocha la chaise au maximum et vint poser sa tête sur l’oreiller à côté de la mienne.Plusieursminutespassèrentavantquemespleursnes’arrêtent.Puisjeluisouris.Jeréussisàbougermonbrasdroitetposailamainderrièresanuque.Pendantqu’ilm’expliquaitendétailcomment ilallaitmemontrerqu’ilm’aimaitune foisque je serais rétablie, je jouaiavec sescheveux. J’étais certaine que j’étais rouge comme une tomate. En tout cas, ça me donnaitenviedemerétablirrapidement.
Lesminutescontinuèrentdes’égrainer.Àtelpointquejemedemandaicommentilavaitréussiàamadouerlesinfirmièrespourresterdansmachambre,maisjem’enmoquais.Ilétaitlàetc’esttoutcequicomptait.Onétaittouslesdeuxfatigués,quandilmedit:
— Il faut qu’on discute de certaines choses, mais ça peut attendre que tu sortes d’ici,d’accord?
Étantdonnéqu’ilm’avaitdéjàdittoutcequejevoulaisentendre, jehochai latête.Mespaupièresétaientlourdes…c’estàcemoment-là,alorsquej’étaisréveilléedepuispasmaldetemps,qu’undétailmerevintenmémoire.
—Mince!J’essayai deme redresser,mais Jaxme força à rester allongée en posant lesmains sur
mesépaules.—Qu’est-cequ’ilya?medemanda-t-il,visiblementinquiet.Qu’est-cequinevapas?Jeluiattrapailepoignet.
—Maman.Mamèreétaitlà,Jax.Elleétaitsurleparking.Elleaétéblessée?Ilmedévisageauninstant,puissecoualatêteenfronçantlessourcils.—TuasvuMona?—Oui ! Ellem’attendait dehors,mais une voiture est arrivée et quelqu’un s’estmis à
tirer.Elleaététouchée?— Calme-toi. (Il posa de nouveau une main contre ma joue.) Personne d’autre n’a
mentionnétamère,chérie.Perplexe,jeleregardaidanslesyeux.—Jax.Elleétaitlà.Jeluiaiparlé.Ellem’aappelée«monbébé».Jen’aipasrêvé.Ilneréponditpas.Àprésent,moncerveaufonctionnaitàcentàl’heure.— Elle était là quand les coups de feu ont commencé. Puis j’ai entendu la voiture
s’éloigner…—Lapolice l’a trouvéeabandonnéeàplusieurskilomètresdubar,mecoupa-t-il. Jene
saispasàquielleappartientmaiselleasansdouteétévolée.Jesuiscertainqu’ilsensaurontbientôtplus.
—Mais…cen’estpaslogique.Sesyeuxrencontrèrentlesmiensetilm’embrassasurlajoue.—Chérie,je…jesuisdésolé.J’allaisluidemanderpourquoiils’excusaitquandsoudain,jecompris.Ils’excusaitparce
que ma mère était venue me voir. Elle m’avait vue, je l’avais vue. Des gens qui lui envoulaientavaientouvertlefeu,j’avaisététouchéeet…mamèrelesavait.
Jeclignailesyeuxavantdesecouerlatête.—Ellesaitforcémentquej’aiétéblessée.Ilpassasonpoucesurmalèvrependantquel’incrédulitém’envahissait.Jemesouvenais
l’avoirappeléeetn’avoirreçuaucuneréponse.—Ellem’aabandonnéelà-bas,Jax.Surleparking.Alorsquejemevidaisdemonsangà
caused’uneballequiluiétaitdestinée.Ellem’aabandonnée.—Chérie,dit-ild’unevoixdouce.Jenesaispasquoidire.Qu’aurait-ilpudire,aujuste?Mapropremèrem’avaitlaisséemeviderdemonsangau
beaumilieud’unparking.BonDieu.Sefaisait-elleseulementdusoucipourmoi?Meslèvressemirentàtrembler.Jaxmeforçaàtournerlatêteverslui.
Ilm’embrassaetmedit:—Jet’aime.Lesyeux fermés, jehochaivaguement la tête.Alors, ilposason frontcontre lemienet
me serra contre lui autant qu’il le pouvait dansnotreposition, jusqu’à ce que la fatiguemerattrape,mefaisantoublierlemeilleurcommelepire.
Les deux jours suivants, je restai à l’hôpital en observation et ma chambre devint le
dernierendroitàlamode.L’inspecteurAndersétaitvenuplusd’unefois.Reeceaussi.RoxyetNick étaient passés, eux aussi. Roxy avait fait entrer des donuts en douce. Je n’avaismalheureusementpasledroitd’enmanger,maisjen’avaispaseulecœurdeleluidire.Nick,lui, s’était montré plus stoïque que jamais. J’avais l’impression que c’était ma faute. Aprèstout, il m’avait proposé de me ramener. Si j’avais accepté, ma mère n’aurait pas tenté dem’approcher et je n’aurais pas été allongée dans un lit d’hôpital, à deux doigts de péter uncâbleparcequej’avaisenviedebouger.
Lesjournauxavaientparlédelafusillade.JesupposequeCamenavaiteuvent.ÀmoinsqueTeresanem’aittellementappeléequeJaxaitfiniparrépondre.Peut-êtrelesdeux.Danstouslescas,mesamis,quej’aimaisàlafolie,étaientderetourenville.Ilsavaientsautédansleur voiture dès qu’ils avaient appris qu’on m’avait tiré dessus. Ils dormaient à l’hôtel àquelquescentainesdemètresdel’hôpitaletfaisaientensortedemeremonterlemoral.Jasem’avaitmême remerciée de pimenter leurs vacances.Mais je savais qu’en réalité ils étaienttrès inquiets.Teresam’avaitdemandéderentreràShepherd leplusvitepossible.Jen’avaispaseulecœuràluidirequeçanerésoudraitrien.
Du coup, j’étais à l’hôpital enmême temps queClyde et comme il s’était suffisammentrétabli pour se lever, il passait souventme voir. En général, il s’énervait tellement qu’il sedépêchaitderetournerdanssachambreavantd’avoirunenouvellecrisecardiaque.
Pendanttoutcetemps,Jaxquitta trèspeumonchevet. Ilavaitposédes joursdecongéau bar et Nick et Roxy s’étaient portés volontaires pour le remplacer. Il devait égalementavoirune sacrée influence sur les infirmièresparcequ’il restait avecmoi toute lanuit alorsquejesavaisquec’étaitinterdit.Toutefois,jenefisaucuneremarque.Parcequependantleslonguesheuresoù jenepouvaispasdormiretoùmaseuleenvieétaitdemesauverd’ici, ilétait là,avecmoi.Onparladechoses importantes,commenosdisputes,maiségalementdebêtises comme ce qu’on ferait en cas d’invasion zombie ou de nos séries préférées. Je luiavouai que je continuaisde regarder les émissionsdeBabyMiss et que je craquaispour lesprésentateursdeNotremaisonde rêve. Luiétait fandeCauchemar en cuisine etBar rescue etavaitungrosbéguinpourRobbieWelshdeShippingwars: livraisonimpossible.Cen’estquelorsqu’ilsemitàparlerdesonéquipedefootpréféréequejememisàm’endormir.Quandjeme réveillai,unpeuplus tard, il dormaitdans cequi était sûrement lapireposition jamaisconnueparl’homme.
Il s’était assoupi assis sur sa chaise, la tête posée sur ses bras croisés surmon lit. Sonvisageétaittournéversmoi.Jenesaispascombiendetempss’écoulatandisquejeregardaislafaçondontsescilspapillonnaient,tandisquejegravaissonvisagedansmamémoire,etjememoquaisdesavoirsic’étaituncomportementétrangeounon.
Le même schéma se reproduisit deux soirs de suite. Le matin du troisième jour, onm’autorisa à rentrer à la maison, du moment que je promettais de ne faire aucun effort.
Pendant que Jax faisait un saut chezmoi pourme chercher des vêtements de rechange, lesinfirmièresmelaissèrentmelaverlescheveux.
Lesépongespourlebainn’étaientpastrèsefficaces,maisjenepouvaispastropfrotter.Les petites cicatrices rouges qui étaient apparues par-dessus les anciennes, ainsi que ladouleur qui me prenait aux tripes chaque fois que je bougeais trop vite ou respirais tropprofondémentm’incitaientàfaireattention.
Jen’arrivaistoujourspasàcroirequ’onm’avaittirédessus.Mes amis étaient encore en ville, mais j’ignorais combien de temps ils allaient rester.
Danstouslescas,étantdonnéquejen’étaispascenséeleverlepetitdoigtdelajournée,ilsnemerendraientpasvisiteavantlelendemain.Ilsallaientpouvoirjouerauxtouristes.
Pendant que le docteurm’examinait une dernière fois, Jax, qui était revenu, attendaitprèsdelaporte.Despenséesquej’avaisrepousséesdepuislapremièrenuiticimerevenaientsoudainàl’esprit.
Maman.Jefermailesyeuxtandisqueledocteurprenaitmatension.Ma propre mère m’avait laissée baigner dans mon sang. J’avais l’impression qu’on
m’enfonçaitunclourouillédanslecœur.Encoreetencore.Jememoquaisdesesexcusesoudelapeurqu’elleressentait.Riennepouvaitjustifieruntelacte.Çam’avaitfaitl’effetd’unedouchefroide.Jusqu’àprésent,aufonddemoi,j’avaistoujoursnourril’espoirqu’unjourelleredeviendraitcellequ’elleavaitétéavantl’incendie,lamortdesgarçonsetladrogue.
Désormais,jen’avaispluslamoindreillusion.J’avaisprislabonnedécisionenparlantàl’inspecteurAnders.Jeluiavaisditquej’avais
vumamère.Iln’avaitpaseul’airtrèscontentdel’apprendreetmoi, jen’avaispasnonplussautédejoieàl’idéedemeconfieràlui.
Danstous lescas, jenevoulaisplusypenser.Êtreblessée,cen’étaitpas l’éclatetotale.Meretrouvercribléededettesnonplus.Maisj’étaisvivanteetj’avaisdestasderaisonsd’êtrereconnaissante.
Jejetaiuncoupd’œilàJaxpendantqueledocteurmeretiraitletensiomètre.Ilmefitunclind’œil.Jeluisouris.
Frôlerlamortm’avaitpermisderevoirmespriorités.Avant de partir, on s’arrêta dans la chambre de Clyde. D’après les informations qu’on
avaitpuglaner,ilsortiraitàlafindelasemaine,peut-êtremêmedèslelendemain.UnefoischezJax,jemetraînaijusqu’aucanapésurlequeljem’affalai.Lavoiturem’avait
épuisée.—Çava?medemandaJaxens’agenouillantdevantmoi.Jehochailatête.—Oui,jesuisfatiguée,c’esttout.Maisjen’aipasenviededormir.Iln’avaitpasl’airconvaincu.
—Tonventretefaitmal?Jesouris.—Seulementquandjefaisl’imbécile.Sesyeuxsondèrentlesmiens,puisilseleva.Ilposaunemainsurlecanapéetsepencha
pourm’embrasser.— Tu te sens capable de manger quelque chose ? Ils ont parlé de nourriture facile à
digérer,ducoup…dubouillondepoule,çatedit?—C’esttrèsbien.Alorsqu’ils’éloignait,jesortislebrasdesouslacouverturepourleretenir.—Merci.Ilhaussaunsourcil.—Pourquoi?—Pourtout.Ilréprimaunsourireavantdesepencherdenouveauversmoipourm’embrasser.—Pasbesoindemeremercier,chérie.Enfait,c’estplutôtmoiquidevraislefaire.Perplexe,jefronçailessourcils.—Commentça?Avantde répondre, il s’assurad’effacermonexpressionavecses lèvres.Undoux frisson
meparcourut.—Tuesassisesurmoncanapé.Jenevoispascequipourraitm’arriverdemieux.Waouh.Moncœursegonfla.J’avaisencoreenviedeleremercier.Quandils’éloignapour
me préparer de la soupe, je m’emmitouflai davantage dans la couverture. Puis on mangeadevantunmarathondeNotremaisonderêvequimedonnaenvied’acheterunevieillebicoquepourquelesdeuxprésentateurspuissentlarénoveraveclaclassequilescaractérisait.Lefaitquecesoientdesjumeauxsupersexyyétaitpeut-êtrepourquelquechose.
Tôtdanslasoirée,onfrappaàlaporte.J’étaisallongéesurlecanapé,contreletorsedeJax,àdeuxdoigtsdem’endormir.Entournantlatête,jevisqu’ilétaitsoucieux.
—Tun’attendspersonne?demandai-je.Ilsecoualatêteavantdesedégageravecprécaution.—Resteici,d’accord?Jehochai la tête,pendantqu’ilpassaitplusoumoinsau-dessusdemoi. Il fit le tourdu
canapéetsedirigeaverslaporteoùiljetaunœilàtraverslejudas.—C’estquoi,cebordel?L’inquiétude explosa dans mes entrailles et je me redressai d’un bond, tirant sur ma
blessureencorefraîche.Jeposailamaindessus.—Qu’est-cequisepasse?Il avait la tête penchée sur le côté. J’entendis une voix étouffée de l’autre côté de la
porte,mais je ne comprenais pas ce qu’elle disait. Les secondes s’écoulèrent, puis, soudain,
Jax fit volte-face. Bouche bée, je le regardai s’approcher d’unmeuble de la salle àmanger,l’ouvriretensortirunrevolver.Moninquiétudegranditdavantage.
Mêmesijesavaisqu’ilpossédaitunearmeetquejel’avaisdéjàvuavec,lasurpriseétaittoujoursaurendez-vous.
—Jax…—Net’enfaispas,dit-ilens’arrêtantprèsdemoi.Samainlibreseposasurmanuqueetilfitbasculermatêteenarrièrepourm’embrasser
rapidement.—Jeprendsjustemesprécautions.Àmesyeux,unrevolvern’était jamaisunesimpleprécaution.Quandilretournavers la
porteetqu’il ladéverrouilla,moncœurs’emballa.Tenduedespiedsà la tête, je le regardaiouvrir,l’armebienenévidence.
—Jemefousdesavoirquivousêtes.Sivouslevezneserait-cequelepetitdoigt,vousne ressortirez jamais de cettemaison vivant, dit Jax d’une voix rauque en se plaçant sur lecôté.
Ilyeutuninstantdesilence,puisunhommeluirépondit:—J’aimeàpenserquejesuisassezintelligentpournepast’obligeràtirer.—Etmoi, j’aimeàpenserque je suisassez intelligentpour savoirquevousavezplacé
deshommestoutautourdechezmoietque,sijenevousavaispaslaisséentrer,vousaurieztrouvéunautremoyen.
Qu’est-cequisepassaitici,àlafin?L’hommeeutunricanementtypiquementmasculin.—Peut-être,maisjenesuispasicipourvousattirerdesennuis,Jackson.Aucontraire.Je
suisicipourréglervospetitsproblèmes.Enentendant sesmots, j’eus l’impressionquede laglacecoulait le longdemacolonne
vertébrale.Jaxrestaplantélàquelquessecondes,avantdehocherbrièvementlatête.L’homme entra. Il ne marchait pas. Il glissait sur le sol. Son costume gris foncé était
visiblementtaillésurmesurecarilfaisaitressortirseshanchesétroitesetseslargesépaules.Ses cheveux noirs avaient été coiffés en arrière, révélant un large front et des pommetteshautes.Etilempestaitl’argentetlepouvoir.
Il s’arrêta dans l’entrée et posa aussitôt les yeux sur moi. Son regard était tellementintenseetacéréquejenepusm’empêcherdefrissonner.
Jurant,Jaxrefermalaporteetsetintfaceànous.Ilfourrasonrevolveràl’arrièredesonjeanensoupirant.Moi,j’étaispétrifiée.J’osaisàpeinerespirer.Jaxrevintàmescôtésetpassaunbrasautourdemataillepourmeprotégeretmerassurer.
L’hommes’approchadenous.Àenvironunmètredenous,ilmetenditlamain.—CallaFritz.C’estunplaisirdevousrencontrerenfin.
Monregardquittasonbeauvisagepourseposersursamain.—Bonsoir.Euh…Vousêtes?Ilmesourit.Sesdentsétaientparfaitesetd’unblancéclatant.—Certainsm’appellentM.Vakhrov.Monsieurquoi?Jen’auraispassul’épeleretencoremoinslerépéter.—Maislamajoritédesgensmeconnaissentsouslenomd’Isaiah.
32
J’écarquillailesyeux.Putaindemerde.CetypeétaitIsaiah?Etilétaitdevantmoi,danslamaisondeJax?Jaxl’avaitlaisséentrer?
Lapaniqueenfonçasesdoigtsglacésdansmes flancset je tournaivivement la têteversJax.Ilmeserraunpeuplusfortcontrelui.
—Toutvabien,m’assura-t-il.Isaiahnefaitjamaislesaleboulot.Monregardseposadenouveausurlui.Lesouriredel’intéressés’élargit.Commeça,jeletrouvaiencoreplusflippant.—Jefaisparfoisdesexceptions.C’estrare,maisçaarrive.Euh…çanemerassuraitpasdesmasses.—Jepeux?Isaiahdésignalefauteuiluséd’ungestedelatête.QuandJaxhochalatête,ils’assit.Jefailliséclaterderire.Iln’étaittellementpasàsaplacesurcevieuxfauteuilavecson
costumequi coûtait sûrement davantage que tous lesmeubles de ce salon réunis.Mais rireauraitétélapreuvequejedevenaisfolle…carj’étaisàdeuxdoigtsdeperdrelatête.L’hommeà qui ma mère devait, potentiellement, des millions de dollars et qui était sans douteresponsabledutrouquej’avaisdansleventreétaitassisenfacedemoi.
Jaxmeguidajusqu’aucanapésansmelâcher.Puisilalladroitaubut.—Qu’est-cequevousvoulez,Isaiah?L’hommepenchalatêtesurlecôté.Ilsouriaittoujours,maissesyeux,eux,n’avaientrien
de rieur. Pour un baron de la drogue, etDieu sait quoi d’autre, le fameux Isaiah était plusjeunequejenel’avaisimaginé.Entretrente-cinqetquaranteans,peut-être.
—Toutd’abord,dit-ilendéboutonnantsaveste.(JesentisJaxsecrisperàcôtédemoi,maisIsaiahsecontentad’entrelacersesdoigts.)J’aimeraism’excuserpourMo.
Mo?Quiétait…?—Celuiquiaessayédem’enlever?—Jen’aimepasbeaucoupcemot,machère.Ahbon?Ilappelaitçacomment,lui?
—Monassociéétaitcensévousameneràmoi, sans faireusagede laviolence. Il fallaitquejevousparle.Malheureusement,ilafaitunpeudezèle.
—Unpeudezèle?répétai-je,incrédule.—Ill’afrappée,ditJaxd’unevoixsèche.Jen’appellepasçadu«zèle».Isaiahhochalatêtepouracquiescer.—Nousavonsprislesmesuresnécessaires.J’aienhorreurlaviolenceenverslesfemmes
innocentes.Jehaussailessourcils.Etcontrelesfemmesquin’étaientpas«innocentes»…?—Il fallaitquejevousparledelasituation.Moétaitseulementcensévousemmenerà
moi.C’esttout.Jem’excusedoncpoursesactions,meditIsaiah.Commejevousl’aiexpliqué,nousnoussommesoccupésdesoncas.Unautredevosproblèmesaégalementété…réglé…oudumoins,leserabientôt.
Lesmusclesdemondossetendirentetjemurmurai:—Quelproblème?Isaiahmedévisageaunmomentavantdeselaisserallerenarrièrecontreledossieretde
croiserlesjambes.Ilposalesbrassurlesaccoudoirs.— Je suis à la tête de plusieurs business, mademoiselle Fritz. Vous en connaissez
certains. Pour les autres, il vous faudra les deviner. Cela me confère de nombreusesresponsabilités.Deplus, j’ai une imageàmaintenir et quand cette image estmenacée…Ehbien,disonsquejeprendslasituationtrèsausérieux.
Jemesurprisàhocher la têtealorsque jene savaispasvraimentdequoi ilparlait. Jecomprenaisl’essentiel,entoutcas: iltrempaitdansdesaffaireslégaleset illégales.Maisça,cen’étaitpasnouveau.
—Un demes associés était en charge d’une transaction importante. Il a délégué cetteresponsabilitéàdespersonnesàqui iln’aurait jamaisdû faireconfiance,expliqua-t-ilenmeregardantdanslesyeux.
Je voyais très bien de qui il parlait : Mack, Le Coq, ma mère… et je savais aussi cequ’étaitlatransactionenquestion.
—Quand,bienévidemment,latransactionaéchoué…Encorecesmots.Toutavaitfoiréparcequ’unmecauxcheveuxgrasavaitvolél’héroïne.—J’en ai tenumonassociépour responsable et il sait à quel point jedéteste quemes
projetsnesoientpasmenésàbien.Jefrissonnaienespérantnejamaisavoiràledécevoir.—Nonseulementmonassocién’avaitpassécurisélatransaction,maisenplus,celaaeu
unimpactsurmonimage.Ilnesepasseplusquarante-huitheuressansqu’unagentdenotrebien-aiméeforcedel’ordreviennemeposerdesquestions.
Sonsourireforcé,unpeufroid,disparutetsonexpressionsefitglaciale.
—Quandmonassociés’enestrenducompte,ilacoupétoutecommunicationavecmoi,etd’aprèscequ’onm’arapporté,ilacruquelameilleurefaçondecorrigersonerreurétaitdevousmenacer, vous, une innocente, et de reprendre la situation enmain. Apparemment, ilpensait que le fait d’éliminer les personnes à qui il avait délégué sa tâcheme satisferait. Ilavaittort.
Oh.Waouh.—Vousêtesentraindedirequevousn’avezrienàvoiraveccequeMackafaitàCalla
ouaveclafusilladequiaeulieuilyaquelquesjours?demandaJax.— Comme je l’ai déjà dit, Jackson. J’ai en horreur la violence envers les femmes
innocentes. Mon associé était désespéré. Il a paniqué. Et il a fait erreur sur erreur,m’empêchantdemenermesaffairessansinterférence,ettoutcelaaégalementeuunimpactsurvotrevie,mademoiselleFritz.Jesuisheureuxdevousvoiriciaujourd’hui.J’aiconsciencequecetincidentauraitpuconnaîtreunefinautrementplustragique.
Encore une fois, je hochai la tête en me demandant où il voulait en venir. J’ignoraispourquoi Isaiah se souciait demon sort. En toute franchise, je doutaismêmeque ce soit lecas.IlétaitsansdouteplusconcernéparlefaitquelesactionsdeMackternissentsonnom.
—Ceciétantdit,continuaIsaiahavecunsourireinquiétant.Monassociéneseraplusunproblème.
—Pardon?demandai-jeenclignantlesyeux.Jaxretirasonbrasdemesépaulesetmepritlamain.—Est-cequevousêtesentraindirecequejepense?Isaiahpenchalatêteenavant.—Jesuisentraindedirequ’ilneposeraplusjamaisaucunproblème.Vousn’aurezplus
à vous inquiéter d’intrus s’introduisant dans le bar ou chez vous, ni de voitures aux vitresteintées.
Jel’observaiintensément.Jaxmeserralamainunpeuplusfort.Je comprenais ce qu’il voulait dire sans vraiment le dire. Mack ne me causerait plus
d’ennuis. Isaiahn’avait jamais cherché à s’en prendre àmoi.Du coup, les conséquences desactes de ma mère ne me retomberaient plus dessus et je pourrais continuer à vivrenormalement.
Maisilfallaitquejesache…—Est-cequeçaveutdirequeMack…?—Nousavonscompris,m’interrompitJaxenmeserrantencoreunefoislamain.(Jelui
adressaiunregardinterrogateur,maisilétaitconcentrésurIsaiah.)Ceseratout?Isaiahtournalentementlatêteverslui.—Oui.—Alors,jeneveuxpasêtremalpoli,mais…
Ileutunlégersourire.—J’aitoujoursappréciétafranchise,Jax.—Jeconsidèrequec’estunebonnechose.Lesourireauxlèvres,Isaiahselevaetreboutonnasaveste.— Je vous souhaite bonne chance pour l’avenir. Je trouverai la sortie tout seul. (Alors
qu’il s’éloignait, il s’arrêtadevant laporteetse tournadenouveauversnous.)Unedernièrechose,mademoiselleFritz.
Moncœurcognacontremapoitrine.—Oui?—Sivouscroisezvotremèreousivousentendezparlerd’elle,dites-luiqu’ellen’estplus
labienvenuedanscecomté,nidanscetÉtat,annonça-t-ild’unevoixposée.Commejel’aidéjàdit,jen’aimepasledésordre.
Puisilpartit.—Oh,monDieu,murmurai-je.Jax se levaavecgrâce, sepenchapourm’embrasser sur le front,puis sedirigeavers la
porte d’un pas leste. Il jeta un coup d’œil à l’extérieur avant de fermer à clé. Quand il setournadenouveauversmoi,ilfitcraquersoncouetsoupira.
—Bon,ça,c’estfait.Jesecouaidoucementlatête.—Jenesaispasquoipenser.Engros, ilm’aditquetout iraitbienpourmoi,mais ila
menacémamère,c’estça?C’estbiencequis’estpassé?—Oui, c’est tout à fait ça. (Jaxme rejoignit et s’accroupit en face demoi.) Je nem’y
attendaispas.Unéclatderirem’échappa.Ladouleurmelefitregretteraussitôt.—Moi non plus. C’est incroyable ! J’ai l’impression d’avoir vécu une scène sortie tout
droitd’unfilmdegangsters.Tu…?Sonportablesonnadanssapoche.Ilseredressaetl’attrapapourregarderl’écran.Iljura
avantderépondre.—Quoi?Jeleregardaiseretourneretmarcherverslafenêtredusalon.—Vraiment? (Il sepassa lamaindans les cheveux,puis laissa retomber sonbras.)Eh
bien,jenepeuxpasdirequeçamefassegrand-chose.Je fronçai les sourcils. Qu’est-ce qui se passait encore ? Je soulevai la couverture, la
roulaienbouleetlaserraicontremoi.— OK. Ouais. Il faut qu’on parle. Demain, c’est parfait. Il faudra que je retourne
travailler, de toute façon. (Il se tourna versmoi.)Oui,Calla vabien.Elle va s’en remettre.(Encoreunepause.)D’accord,àplustard,monpote.
Jaxraccrochaet jemefisviolencepournepaslebombarderdequestionspendantqu’ilrevenaitversmoi.
—Bon.C’étaitrapide.Superrapide,même.—Quoidonc?Ils’assit,passalesbrasautourdemoi,etmeserradélicatementcontresontorseavecla
couverturerouléeenbouleentrenous.Quandilbaissalatête,nosregardsserencontrèrent.—C’étaitReece.Tuvassûrementrecevoirlavisitedesonfrèredemainmatin.L’inquiétude,àprésentfamilière,mebrûlaitlesveines.—Pourquoi?Ilmedévisageauninstant.—IlsonttrouvélecorpsdeMacksurunedépartementale.Uneballedanslatête.—Put…,soufflai-je.MonDieu.Sansunmot,ilrecoiffamescheveuxenarrièreetonrestasilencieuxunlongmoment.Il
me fallait du temps pour assimiler ce qu’il venait de m’apprendre. Je ne savais pas quoiressentir.Mackm’avaittirédessus…ettouchée.Ilm’avaitmenacée.Ils’étaitmoquédemonexistence,toutcequil’avaitintéressé,c’étaitdesefairebienvoird’Isaiah.Mais,àprésent,ilétaitmortetjen’arrivaispasàm’enréjouir.Non,jenesavaispasquoiressentir.
—C’étaitrapide,luidis-jesansconviction.—Ouais…—Alors,Isaiahavraiment…—Ne termine pas cette phrase. (Il pressa un doigt contremes lèvres.) On se portera
beaucoupmieuxsionnelesaitpas.Net’embarquepaslà-dedans,Calla.Personnenesaitcequis’estpassé.Et jet’interdisderessentir lamoindreculpabilité,OK?Çanenousconcernepas.
Jebaissailesyeux.—Jelesaisbien.LesortdeMackn’arienàvoiravecmoi.Maisaprèscequ’ilafait…Je
nesaispascommentjedoisréagir.Seslèvreseffleurèrentmonfront.—Chérie,laseulechosequetudevraisressentir,c’estdusoulagement.Tuesensécurité.
Etc’esttoutcequicompte.Jehochailatêtetandisquelaréalitém’apparaissaitenfin.—C’estterminé,murmurai-je.Sonétreinteseresserraunpeuplusetildéposaunbaisersurmajoue.—Oui,machérie,c’estterminé.Laplusagréabledessensationsmeréveilla.C’étaittellementbonqu’audépartjecrusque
je rêvais encore.Mais en fait,pasdu tout.Oualors, c’étaitun rêveéveilléque l’onvivait àfondetquel’onressentaittoutaufonddesoi.
Ouvrantdoucementlespaupières,jememordisleslèvresetbaissailatêtepourregarderlebasdemoncorps.
Desyeuxdelacouleurduchocolatchaud,pétillantdemalice,croisèrentlesmiens.—Bonjour,ditJaxd’unevoixrocailleuse.Sonsoufflecaressadespartiestrèssensiblesdemonanatomie.C’était sansdoute lemilieude lanuitou lematin très tôt, car il faisait encore sombre
dehors.Lalampedechevetétaitallumée,lescouverturesavaientétérejetéessurlecôtéetletee-shirt que je lui avais emprunté était remonté jusqu’à ma taille. Ma culotte, elle, étaitbaisséesurmescuisses,justeassezpourqu’ilpuisseposerseslèvressurmoi.
—Bonjour,répondis-jeenhaletant.Avantquej’aiepuajouterquoiquecesoit, ilremontapourm’embrasser,avecunetelle
douceuretune telle tendresseque je sentisuneboule se formerdansmagorge. Il releva latêteetm’embrassaencore,maiscettefoissurleboutdunez.Ilredescenditensuitelelongdemoncorps.
Jaxpassa lesdoigts sous l’élastiquedemaculotteetme l’enlevacomplètementpour lajeterderrièrelui.Deretourentremesjambes,ilrelevalatêteetmeregardaàtraverssescilsépais.
—Tuprometsd’êtresage?—C’estàmoiquetudemandesça?Ilsemordillalalèvreinférieureavantdes’expliquer.—Ilfautquetubougeslemoinspossible,bébé.Jeneveuxpasquetutefassesmal.Sesyeuxseposèrent surmonsexeet il se lécha les lèvres.Seigneur. Je faillisavoirun
orgasmerienqu’enleregardant.— Je devrais attendre que tu sois rétablie à cent pour cent, mais j’avais envie de te
goûter.Jen’aipaspum’enempêcher.Deviolentsfrissonsmeparcoururent.Ilrelevalatête.—Tunebougeraspastrop?Jenepouvaispasvraimentleluipromettre,maisjehochaiquandmêmelatête.Sesyeux
restèrentrivésaumienencoreuninstant,puisiltenditlecoupourdéposerunbaisersurmonnombril,surmescicatrices.
Çanemeperturbaitplus.Le souffle court, je regardai sa bouche décrire un cercle autour demon nombril et sa
langueglisserà l’intérieur.Jehoquetaidesurprisependantqu’ilcontinuaitàembrasseretàlécher les pleins et les déliés de mon corps. Il prit son temps pour apprécier mon ventre,avant de descendre petit à petit vers mon entrejambe. Alors, ma tête retomba en arrièrecontremonoreiller.
Il me toucha d’abord avec un doigt qui m’effleura doucement. Je m’efforçai de resterimmobile, mais mes hanches se relevèrent sans mon autorisation. Heureusement, je neressentisaucunedouleur.Sondoigtpoursuivitsonexploration,ets’insinuaenmoi.
Je gémis et m’accrochai aux draps sous moi, mais il n’avait pas terminé : il se mit àdécrire des mouvements de va-et-vient. Ma respiration s’emballa quand je sentis ses lèvrescontrel’intérieurdemescuisses,puissalangue.Ilprogressaitlentement,tellementlentementque j’avais l’impressionqu’avecchaquecaresse,chaquecontactdesa langue, ilmefaisaitunpeuplussienne.
Uncriétranglém’échappalorsqu’ilmegoûtaenfin,remplaçantsondoigtparsabouche,etmesreinsondulèrentencoreunefois.AvantderencontrerJax,jen’auraisjamaiscrufairece genre de choses un jour. À mes yeux, c’était un acte étrange, un peu trop intime…Aujourd’hui, je réalisais à quel point jem’étais trompée. C’était incroyable. Peut-être parceque c’était Jax. Ou peut-être que tous les hommes possédaient une langue de séductionmassive. Dans tous les cas, il me fit gémir, supplier, grogner, jusqu’à me rendre muette,incapable,même,derespirer.
Toutàcoup,ilbougeaetposaunbrascontremeshanchespourmemaintenirenplace.Ilavaitdûsentirquej’étaisproche.Unetensionetunechaleurcertainess’étaientaccumuléesenmoi.Elleséclatèrentsanscriergare,enuneexplosiondesensationscontradictoiresquiemplitla moindre cellule de mon corps d’une vague de plaisir ardente. Après, des soubresautscontinuèrent de me secouer, tandis que Jax ralentissait ses caresses et relevait la tête. Ildéposa un baiser sur ma cuisse, puis un autre sous mon nombril. Quand il se redressa, jetendislamainverslevieuxshortqu’ilportait.Mesdoigtseffleurèrentsonérectionàtraversletissu.Ilpritunegrandeinspiration.
—Calla…,fit-ilsurletondel’avertissement.Jem’humectaileslèvres.—Jepeuxterendrelapareille.—Cen’estpaspourçaquejel’aifait.—Jesais.Je roulai sur le côtédemoncorpsquin’étaitpasblessé et l’observai. Il était allongéà
côtédemoi,appuyésurunbras.Seslèvresétaientsiprochesdesmiennesquejen’hésitaipasàlesembrasser.Songoûtmélangéaumienm’enivra.
Jax embrassait très bien. Je m’en étais rendu compte dès le début. Pendant qu’il seperdait dans notre baiser, je glissai de nouveau la main entre nous. Par prudence, le sexen’était pas au programme pendant quelques jours, mais ça ne voulait pas dire que je nepouvaispasmeservirdemesdoigts,nidemabouche.
Alorsque j’essayaisdebaisser l’élastiquedesonshort, ilm’attrapa lepoignetetgrognacontremeslèvres:
—Calla,chérie…
—Jenesuispasinvalide,Jax.Etj’enaienvie.Ilnebougeapaspendantcequimeparutêtreuneéternité,puisilmepritlamainetla
glissadanssonshort.Bon,aumoins,onétaitsurlamêmelongueurd’onde.Lorsque j’enroulai les doigts autour de son pénis, un tremblement le parcourut. Il me
lâchaetattrapal’élastiquedesonshortpourlefaireglisserjusqu’àsescuissespendantquejel’embrassaisdanslecou.
Jemeredressaid’unemainet,del’autre,leforçaiàs’allongersurledos.Jememisalorsàeffectuerdesmouvementsdeva-et-vient,toutenleregardant.MonDieu.Ilétaittellementbeau !Sapeaucouvertedecicatrices, la façondont sesmusclesbougeaient, chacunede sesimperfections…toutétaitmagnifique.
Seshanches se soulevèrent lorsque je passai le pouce sur songland et je souris. Jemeremémorailafoisoùilm’avaitmontrécommentfaire.
—MonDieu,Calla,gémit-ilenpassantlamaindansmescheveux.Tumerendsdingue.Monsourires’élargit.—Jen’aiencorerienfait.—Oh,crois-moi,tuenasdéjàsuffisammentfait.Tu…Sesparolessemuèrentengrognementrauque.Jel’avaisprisdansmabouche.—Putain,Calla…J’avais ressenti une légère gêne, mais rien de très grave. En tout cas, ça n’allait pas
m’empêcherdefairecequej’avaisenviedeluifaire.Meslèvressemirentàalleretveniretsamain vint se placer sur ma nuque. Son pouce décrivit des cercles à la base de mon crânetandis que je relevai un peu la tête pour le lécher et le sucer jusqu’à ce que ses hanchesdécrivent de petitsmouvements à peine contrôlés. Sa prise se resserra surma nuque et jecommençaiàsentirlabasedesonsexepalpiter,commes’ilfrémissaitlégèrement.Sonsoufflesefitdeplusenpluschaotique.Jeleprisalorsleplusprofondémentpossibledansmaboucheetillaissaéchapperuncri.
Auderniermoment, ilmerepoussadélicatementetm’aidaàmeredresser.Mablessureme tiraunpeu.Comme j’avais toujours lamainautourde sonérection, je le sentiséjaculertandisqu’ilarquaitledosetquesesdoigtsserefermaientsurmonbras.J’observaisesmusclessebanderetsedétendre,lesveinesressortirdanssoncou,puislatensionlequitteràmesurequelemouvementdesesreinsralentissaitetquesarespirationsecalmait.
—Putain,Calla.Ilm’attira à lui et pressa ses lèvres contre lesmiennes. Ilm’embrassa si profondément
quejesentislachaleurs’éveillerentremesjambesetdansmesveines.Lebaiserralentitetilposalefrontcontrelemien.
—Tuesparfaite,tulesais?—Non,pasdutout.Maisjesourisparcequelefaitqu’illepensemeplaisait.
—Sijeledis,c’estquec’estvrai.(Jerisdoucementtandisqu’ilsedégageait.)Jerevienstoutdesuite,dit-ilens’éloignant.
Ilrevintpresqueaussitôtavecunlingehumide.Ilnousnettoyatouslesdeuxetquandileutterminé,ilselovadenouveaucontremoi.
—Ondort?demandai-je.Sonriremesecoua.—Oui,oui.Jesourisdansl’obscurité.—Quelleheureilest,aufait?—Aucuneidée,répondit-ilendéposantunbaisersurmonépaule.Jem’enfous.—Tum’asréveilléeaubeaumilieudelanuitjustepour…?—Pasdutout…Jem’esclaffaietmeblottisunpeupluscontrelui.—Jet’aime.Sapoitrinesesoulevavivementcontremondoset ilm’embrassa le longde lagorgeet
surlajoue.—Jet’aimeaussi.
—Tues sûrequeçavaaller?medemandaTeresaenme libérantdesonétreinte.On
peutresterencoreunpeu.Jaseestd’accord.Je jetai un coupd’œil à l’intéressé qui était adossé à unmur. Il avait passé l’heure qui
venaitdes’écouleràregarderTeresacommes’ilvoulait ladévorer.Ducoup, jedoutaisqu’ilsoitvraimentd’accord.Jeluisouris.
— Tout ira bien. Je vais me faire une soirée télé. Je ne pense pas que Jax fasse lafermeture.Ilserasansdoutederetourautourdeminuit.
—Situasbesoindequoiquecesoit,appelle-nous,intervintJase.Onvasecouchertard.—Jen’endoutepas,rétorquai-jepourplaisanter.Toutsourire,ils’éloignadumuretpassalesbrasautourdeTeresapar-derrière.Ilmefit
unclind’œiletbaissalatêtepourl’embrassersurlatempe.—Allez,viens,moncœur,onyva.Teresas’accrochaàluitandisqu’ilreculaitverslaporte.— N’oublie pas pour demain ! Si Jax et toi en avez envie, on peut aller manger un
morceauavantqu’onparte.D’accord?—Jen’oublieraipas.JesuivisunJaseplutôtexaspéré jusqu’à laporte.CametAveryétaientpartisplusieurs
heuresplustôt,pourfaire…cequelescouplesadorablesfontdansleurtempslibre.—Toutirabien.Profitez.LesourirequemelançaJaseétaitcarrémentindécent.—Oh,net’inquiètepaspourça.
Teresa leva les yeux au ciel,mais le laissa la tirer dehors. Auderniermoment, elle selibéra,seprécipitadenouveauversmoietmepritdanssesbras.
—Jesuistellementcontentequetoutfinissebien,murmura-t-elle.Elleseretournaenévitantdes’appuyersursongenoublessé.Puisellesemitàcouriret
sautaduhautdesmarchesenciment. Jase,quiétait enbas, juraet la réceptionnadans sesbras.Ilfitunpasenarrièresouslechoc.
—BonDieu.Unjour,tumeferasfaireunecrisecardiaque.Ellenouales jambesautourdesatailleengloussant.Lorsqu’ilsetournapoursediriger
vers leurvoiture,ellemefitsignede lamainpar-dessussonépaule.Je luirendissongeste.S’ilscontinuaientcommeça,ilsallaientconcurrencerCametAvery.
Après avoir refermé la porte, je m’installai de nouveau sur le canapé. Comme j’étaisfatiguéedemajournéepasséeavecJaxetmesamis,jetirailacouverturesurmoietmeroulaienbouledansuncoinducanapé.Jesaisqueçapeutparaîtrecucul,maisj’étaissurmonpetitnuage.Ilnemefallutpastrèslongtempspourm’endormir.
La journée avait été très sympa. Super, même. Elle avait été normale (selon mesnouveaux critères), rempliede rires,de sourires,de conversations etdebaisers. J’auraispum’yhabituer.JesavaisquemonretouràShepherdallaitêtredifficile,maisnoustrouverionsunmoyenpourque ça fonctionne,pouralimentermonpetitnuagedebonheurmoelleuxetmagique.
J’ignorecombiendetempsj’avaisdormi,maislasensationdedoigtsfroidsm’effleurantlajouemeréveilla.J’ouvris lentement lesyeux.Jem’attendaisàvoirJaxàcôtédemoi,car jem’étaissansdouteassoupiepluslongtempsquejenelepensais.
Maiscen’étaitpasJax.Lecœurauborddeslèvres, jemeredressaisivitequ’unedouleurs’éveillaauniveaude
mespointsdesuture.Jegrimaçai.—Cen’estpasvrai!Mamèrem’avaitretrouvée.
33
Jelafixailonguementavantderetrouverl’usagedelaparole.—Commentes-tuentrée?demandai-jeenétirantlecoupourvoirsiJaxétaitlà.Apparemment, onn’était que toutes lesdeux.Cen’était probablementpas lameilleure
entrée en matière, mais elle m’avait prise au dépourvu. J’avais du mal à croire qu’elle setenaitdevantmoi.
Elle recula et se leva. À cemoment-là, jeme rendis compte qu’elle portait lesmêmesvêtementsqueladernièrefoisquejel’avaisvue.Jeprisunegrandeinspirationet…Oh,monDieu. J’avais l’impression qu’une poigne de fer s’était refermée sur mon cœur. Elle avaitl’odeurdequelqu’unquines’étaitpaslavédepuisdesjours.
Seigneur.Ellefrottasonbrasdroitavecsamaingaucheetjetauncoupd’œilautourd’elle.—Jemesuispermisd’entrer.—Comment?— Par la porte de derrière. La serrure est ancienne et il n’y a pas de verrou
supplémentaire.Jel’aicrochetée.—Tu…Tuascrochetélaserrure?(Quandellehochalatête, jerestaibouchebée.)Tu
saiscrocheteruneserrure,toi?Elleacquiesçaencoreunefoisetarrêtadesefrotterlebras.Toutefois,ellegardalamain
poséeaucreuxducoude.—Monbébé,jen’aipas…—Tum’asabandonnée.Me réveillant soudain de ma catatonie, je me levai d’un bond. Ses yeux se posèrent
aussitôtsurmoi.Elleclignarapidementlesyeux.—Ilfautquejetedise…— Jememoque de ce que tu as àme dire. (Et c’était la vérité. C’était terrible,mais
c’étaitlavérité.)Onm’atirédessus.Tut’enesrenducompte,aumoins?
—Monbébé…— Arrête de m’appeler comme ça ! m’écriai-je en serrant les poings. Réponds à ma
question,Maman.Est-cequetut’esrenducomptequej’avaisététouchée?Elle entrouvrit les lèvres, mais aucun son n’en sortit. Alors, elle baissa la tête et
recommençaàsegratterlebras.Ladéceptionmeserralagorge.Lapiluleétaitdifficileàavaler.Jelaregardais,elle,ma
mère,etj’avaisl’impressiond’avoirunfantômeenfacedemoi.—Tusavaisquej’étaisblessée,maistum’asquandmêmelaisséemeviderdemonsang.
Jesuisrestéedeux joursà l’hôpitalavecunehémorragie interne.Tun’enasvraimentrienàfaire?
Relevant le menton, elle croisa mon regard une fraction de seconde avant de sedétournerànouveau.
—Jetiensàtoi,Calla.Jet’aime.Tuesmapetitefille.C’estjusteque…je…—Quetupréfèresladrogueàmoi?(Unrirebrisém’échappa.)C’estl’histoiredemavie.
Etdelatienne.Ladrogueesttoujourspasséeenpremier.Elleneréponditpastoutdesuite,maisquandelleouvrit labouche,aufonddemoi, je
suscequ’elles’apprêtaitàdire.—Mesbébéssontpartis,Calla.KevinetTommy,ils…—Ilssontmorts!hurlai-je,leslarmesauxyeux.Mes poumons tremblaient sous le coup dema respiration haletante et alors, j’expulsai
tout.Toutcequejegardaisenmoidepuisdesannées.—Ilssontmorts,Maman.Ilssontpartisdepuisdesannées.Ettusaisquoi?Papaaussi.
Tun’espaslaseuleàlesavoirperdus.Cen’estpaslamerdeaveclaquelletutepiquesquilesramènera.
Ellerecula,commepouréchapperàmesparoles.Sicen’étaitpaslapremièrefoisquejetenaiscediscours,c’étaitsansaucundouteladernière.
J’étais incapabledem’arrêter.Des annéesde frustration, dedéception et de souffranceaccumuléesexplosaientsoudainenmoicommeunebouteilledesodatropsecouée.
—Tum’as voléde l’argent,Maman.Tu te rappelles ?Tuas vidémoncompteet tuascrééplusdecentmilledollarsdedettesenmonnom.J’aiétéobligéededemanderdel’aidepourterminerlafac!
Mamèretressaillit.—Etpourcouronnerletout,tuasfaillimefairetuer.Jesuispasséeàdeuxdoigtsdela
mort.(Ellereculadenouveau,pourtant,elleavaitbiendûs’enrendrecompte.)Clydeafaitune crise cardiaque parce que les gens que tu t’esmis à dos s’en sont pris àmoi. Il a faillimourir,luiaussi.
Seslèvresbougeaientmaisjen’entendaispascequ’elledisait.—Mavietoutentièreaétémisesensdessusdessous.Encoreunefois.
Elle secoua la tête en évitant mon regard. Ses mèches de cheveux filandreux et salesfouettaientsesjouescreusées.
—J’aicru…J’aicruquejepourraisterembourser.—Ouais,envolant l’héroïned’Isaiah.Etçaaétéunvrai succès,pasvrai? (Je respirai
fort.Moncœurbattaitfrénétiquement,gonfléparlatristesse.)Ilestvenuici,tusais.Ilm’aditqu’ilnevoulaitpasdetoidanslesparages.Tucomprendscequeçasignifie,Maman?
—Jem’envais,fit-elled’unevoixrâpeuse.Sonregardallaitd’unmuràunautre.Elleétaitaussinerveusequ’unesourisacculéepar
unchat.—J’aidesamisauNouveau-Mexiquequiont acceptédem’héberger. Je voulais te voir
unedernièrefoisavantdepartir.Cettefois,ellepartaitpourdebon.OK.Cetteidéemeblessaitbeaucoupplusqu’ellenel’auraitdû.C’étaitstupide.J’avaissuqueçafiniraitpararriver.Siellerestait,elleseraitexécutée,commeMack.Je
laregardaifairelescentpasdevantmoi,enchancelantunpeuetengrattantsonbrasavecsesonglescrasseux.Leslèvrespincées,jeravalaiunsanglot.
—Tuasprisquelquechoseavantdevenir?Ellemarchaunpeuplusvite.—Non,monbébé,maisj’enauraisbienbesoin.Lasituationmestresse.Je fermai les yeux et pris une grande inspiration. Une colère immense faisait rage à
l’intérieurdemoi.Ellemedévoraitcommeuncancer.Cepoisonmetuaitàpetit feudepuismaplustendreenfance.Cen’étaitriendenouveau,mais,alorsquej’ouvrislesyeuxetquejelavis segratter lebrasendécrivantdescerclessur lesol, jecompris soudainque jen’avaispluslaforcedemerattacheràautrechosequ’àdesbribesdecettecolère.C’étaitladernièrefois que je voyais ma mère. Dès ce soir, elle partirait. J’avais passé deux années à laconsidérer comme morte. Pourtant, cette fois, ce serait bien réel. Jusqu’à présent, j’avaistoujours suqu’elle se trouvait ici,oudumoins,dans la région.Aprèsce soir, jenepourraisplus jamais la retrouver.Sielle seblessait,voirepire, JaxetClydeneseraientplus làpourm’appeler.Jenelesauraisjamais.Ellepartaitpourdebon.
Jem’assissurlecanapéensoufflantpourmecalmer.—Jesuisdésolée,dit-elle.Je relevai la tête et vis qu’elle se tenait plus proche à présent,mais elle continuait de
fairelescentpasetdegrattercequiétaitsansdoutedestracesdepiqûres.Jemecrispai.—Jesais.Elles’arrêta,meregardacommeunebichequiserendcomptequ’elleasautédevantun
semi-remorque enmouvement, puis s’éloigna. Perplexe, jeme retournai et l’observai tandisqu’ellesedirigeaitverslatableàmangerquejen’avaisjamaisvuJaxutiliser.
Desfeuillesdepapierétaientposéesdessus.Lesmains tremblantes,mamère les ramassa, puis se tourna versmoi. Elle revint dans
madirection,maiss’arrêtaàquelquespasducanapé.—C’est…c’estpourtoi.Lessourcilsfroncés,jemelevaipourlarejoindre.—Qu’est-cequec’est?Elleessuyasonfrontdégoulinantdesueuravecledosdesamaindécharnée,alorsquela
climatisationétaitrégléesurlemode«congélation.»—Jeterendstavie.Je la dévisageai sans comprendre ce qu’elle voulait dire. Elleme tendit les papiers. Je
m’attendaisàtout,maisjelesacceptaitoutdemêmeetlesparcourusrapidementduregard.Unephraseattiramonattention.Jelusleresteavecintérêt.Ilyavaittroispages.L’uned’elleétaitpluslongueetpliée.Quandjel’ouvris,j’eneusle
soufflecoupé.—Maman…—Elleestàtoi.Lamaison,dit-elle.(Jerelevailatête.Ellesefrottaitlesjouesdesdeux
mains.)Jenel’aijamaishypothéquée.Jamais.Je…Jenel’aipastouchée.Jen’enavaisriensu.Aucontraire,j’avaiscruqu’ellel’avaitfaitdepuislongtempsetque
les huissiers pouvaient débarquer à toutmoment. Le fait qu’elle n’ait pas utilisé lamaisonpour se procurer des fonds en plus me dépassait. Je regardai de nouveau les papiers pourm’assurerquelesmotsn’avaientpaschangé.Non.C’étaittoujourslemêmecontrat.Viséparmamèreetunhommedontjenereconnaissaispaslenom.
—Tun’asplusqu’àsigner.(Elles’éloignadelatable,puiss’arrêta.)Lamaisonestàtoi.Vends-la.Tuentirerascentmilledollars.
Mes mains tremblaient et j’avais l’impression que le sol se dérobait sous mes pieds.J’avaisdumalà comprendrecequiétait en trainde sepasser.Lamaisonétaitàmoi.Si lecontrat était légal, bien sûr.Mais lamaisonm’appartenait. Jepouvais la vendre. La sommeobtenueme permettrait de combler une grandemajorité demes dettes, peut-êtremême latotalité.Mavieredeviendraitcommeavant,enmieux.
Quand je posai de nouveau les yeux sur mamère, l’émotionme frappa. Cette fois, labouledenerfssetrouvaitauniveaudemapoitrineetelleavaitlatailled’unballondebasket.
—Jenesaispasquoidire,Maman.— Ne me remercie pas. Quoi que tu fasses, ne me remercie pas. (Elle déglutit
bruyamment.)Toietmoi,onsaitquejeneleméritepas.Malèvreinférieuresemitàtrembler.—Maman…—Jet’aime,monbébé.(Elles’approchademoi,commepourmeprendredanssesbras,
puis recula vivement.) Je sais qu’on ne dirait pas parfois, mais je t’aime. Je t’ai toujours
aimée.Etjet’aimeraistoujours.Jefermailesyeuxetprisuneinspirationmalassurée.—Jesuistellementfièredetoi,murmura-t-elle.Un frissonmeparcourutet je rouvrisvivement lespaupières.Elle s’étaitmiseà reculer
sansmequitterdesyeux.J’auraispulaprendredansmesbras.C’étaitsansdouteladernièrefoisque je lavoyaisdetoutemavie.J’auraisdû laserrercontremoi.Elleétaitmamèreetmêmesiparfoisjeladétestais,jel’aimaisquandmême.Jel’aimeraistoujours.
Malheureusement,ellenem’enlaissapasl’occasion.Ellereculajusqu’àlaportedederrièreetjesavaisquec’étaitsafaçondemedirequ’elle
nevoulaitpasquejelatouche.Ellepartait.Lecœurauborddeslèvres,jelaregardaiouvrirlaporte.Cellequ’elleavaitcrochetéepourentrer.
Puis,soudain,jepensaiauMona’s.—Attends,larappelai-jeenserrantlespapierscontremoi.Aufonddemoi,j’avaisconsciencequecen’étaitpasmoninquiétudeausujetdubarqui
m’avaitpousséeàl’interpeller.Jereculaisimplementl’inévitable.—EtleMona’s?Lebar?Ellefronçalessourcils.—Lebar?Bon.Ellenepouvaitquandmêmepasl’avoiroublié.—Lebar,Maman.Qu’est-cequetuvasenfaire?Tum’aslaissélamaison.Est-cequetu
asaussiléguélebaràquelqu’un?Siellemourait,j’enhériterais,maisjenetenaispasàparlerdeça,niàypenser.Mamansecoualatête.—Lebarnem’appartientplus,monbébé.Depuis…environunan.Lesolsedérobadenouveausousmespieds.—Quoi?—Jel’aivendupour…(Ellelaissaéchapperunriresansjoie.)Aucuneimportance.Jel’ai
venduetilestentredebonnesmains.Lescheveuxsedressèrentsurmanuqueetdelachairdepouleapparutsoudainsurma
peau.Ilfallaitquejem’assoie.—Desmains qui s’occupent aussi de toi… J’ai toujours su que… Jackson et toi seriez
parfaitsl’unpourl’autre.C’estungarçonbien.Unhommebien.Ilaimesansretenueet ilestd’une aide précieuse, me dit-elle tandis que je posai la main sur une chaise de la salle àmangerpourmestabiliser.Iltientbienlebaretilcontinueradelefaireprospérer.
Jerespiraiprofondément.—Jaxestlepropriétairedubar?Mamèrehochalatêteetsamainsecrispasurlapoignéedelaporte.
—Jenevoulaispasquetugâchestavieavecça.Tuveuxêtre infirmière,c’estça?Tuvaschangerlaviedesgens.C’estbien.C’est…lavoiequiestfaitepourtoi.
Jeclignailesyeux.Attendezuneminute.Quoi?—Commenttulesais?Elleouvritlaboucheetsescheveuxeffiléstombèrentdenouveausursesgenoux.—Ilfautquej’yaille,monbébé.Prendssoindetoi.Jesaisquetuleferas,maisprends
soindetoiet…soisheureuse.Tulemérites.Sur ces paroles, elle sortit, disparaissant commeun spectre à travers la porte, pendant
que je restais plantée là, trop secouée pour bouger.Mamère était partie. Elle était partiepourdebon.Etavantdes’enaller,ellem’avaitdonnélemonde.
Malheureusement, elle avait aussi ébranlémes certitudes,mis endoutedes choses quej’avaisconsidéréesacquises.
Jemetrouvaistellementstupide.Aprèsavoir rassemblé lespapiersquem’avaitdonnésmamère, je retournaim’installer
surlecanapéetattrapaimontéléphonesurlatablebasse.Siseulementj’avaiseumavoitureavecmoi…LorsduOKCorralversionPennsylvanie,lavitrearrièredemaFordavaitexploséet la carrosserie avait été cribléedeballes.Du coup,pour ladeuxième foisde l’été, elle seretrouvaitchezlegaragisteetjedoutaisquecesoitgratuit.Detoutefaçon,pourlemoment,ça importait peu. J’avais juste envie de partir d’ici. Il fallait que je m’occupe. Mon espritmarchaitàcentàl’heureetunpoidsm’oppressaitlapoitrine.
Ilétaitpresque23heures.Jaxn’allaitpastarderàrentrer.Jerelâchaimaprisesurmontéléphoneenmedemandantsijedevaisl’appelerouluienvoyerunmessage,maisaulieudefairequoiquecesoit,jelelaissaitombersurlatable.
J’étaisvraimentaveugle,etstupide.Touts’expliquait,àprésent.J’auraisdûcomprendrequemamèren’avaitplusaucunlien
avec le bar. Son apparence, la gestion, la paperasse en règle… tout portait à croire quequelqu’un d’autre était aux commandes. Clyde lui-même m’avait dit que je n’avais pas àm’inquiéterpourlebar.Visiblement,ilavaiteuraison.
Mamèrel’avaitvenduàJax,maisilnem’enavaitjamaisparlé.Clydenonplus,maisjene couchais pas avec Clyde et je n’étais pas amoureuse de lui. Sous cet angle, les petitescachotteriesdeJaxmeparaissaientbeaucoupplusgraves.
Je ne savais pas quoi penser. Je ne comprenais pas pourquoi il ne m’avait rien dit,surtoutaprèsm’avoirtrouvéedanssonbureauàfouillerlesdifférentspapierscommesij’avaistouslesdroitsdelefaire.
Jemepassai lesmainssur levisage,puisobservai letitredepropriétédelamaisondemamère.Non,demamaison.Lasolutionauxdettesquemamèreavaitcrééesàmaplace.Çaréglait leplusgrosproblèmeau-dessusdematête,celuique j’avaismisdecôtépournepasdevenirfollesanspourautantl’oublier,maismaintenant…ilyenavaitunautre.
Jaxm’avaitmenti.Je ne savais pas comment réagir. Le fait d’avoir vumamèrem’avait laissée à fleur de
peau.Elleétaitpartiepourdebon.EtJaxm’avaitcachéquelquechosedetrèsimportant.Maconfiance en lui s’en trouvait éprouvée. Elle s’était brisée et j’avais du mal à recoller lesmorceaux.
S’ilm’avaitmentiàcesujet,s’ilmel’avaitcaché,quem’avait-ildissimuléd’autre?Àmesyeux, mes doutes étaient légitimes. L’expérience m’avait appris qu’un mensonge en cachaitsouventunautre.
J’enétaislapreuvevivante.Mes yeux seposèrent surmon téléphone. Jemepenchai enavantpour l’attraper et fis
quelquechosequejen’avaisjamaisoséfaire.
Jeculpabilisaisunpeud’avoirappeléTeresa.Ilétaittardetj’étaisquasimentsûred’avoirinterrompuquelquechoseavecJase,sil’étatdeleursvêtementsetdeleurscheveuxétaituneindication.
Mais comme toute amie qui se respecte, elle avait décroché. Puis Jase et elle étaientvenus me chercher chez Jax et m’avaient ramenée à leur hôtel, dans la suite qu’ilspartageaientavecCametAvery.
Il étaitminuit passé. La porte de la suite était ouverte et j’étais assise avec eux. Lovéedansunfauteuilàfleurstrèspeuconfortable,jeleurracontaicequis’étaitpassé.
Averyavaitl’airatterré.Cam,quiétaitassisderrièreellesur lesol,unbrasautourdesa tailleetune jambede
chaque côtéde son corps,ne semblait pas vraiment appréciermes révélationsnonplus : lefaitqueJaxpossédaitlebardontj’avaiscruhériterunjour.
Teresa,elle,paraissaitpensive.Jaseétaitassiscontrelatêtedelit,avecuneexpressionindéchiffrablesurlevisage.Ilfut
lepremieràdireautrechoseque«tuplaisantes?»ou«Putaindemerde!»—Tusais, lesgensontsouventdebonnesraisonsdedissimulercertaineschoses,dit-il.
Jenedispasque çaexcusequoique ce soit,mais avantde tirerdes conclusionshâtives, ilfautquetuluilaissesletempsdes’expliquer.
Camlevalesyeuxauciel.—Cen’estpasquelquechosequ’ongardepoursoi,monpote.—Ouais,jesuisbienplacépourlesavoir.Leregardquelesdeuxgarçonséchangèrentétaithautementsuspicieux.Ilétaitclairqu’ils
cachaientuntruc,euxaussi.—Ilyatoujoursuneraisonderrièreunsecret.Jaxal’airplutôtcoolcommemec.Jene
pensepasqu’illuicachedeschosesjustepours’amuser.—Jasearaison,intervintTeresaavantqueCampuisserépondre.Jeveuxdire…ilaurait
dû t’en parler, parce que c’est important, mais il a forcément une bonne raison de ne pas
l’avoirfait.Je hochai la tête et jetai un coup d’œil à mon téléphone, posé surmes genoux. Vingt
minutes plus tôt, Jax m’avait appelée. Je n’avais pas répondu, mais je lui avais envoyé unmessagepourluidirequej’étaisavecTeresa.Ilm’avaitécritàsontour,maisjen’avaispaseule courage de lire ce qu’ilme disait.Quand il avait réessayé dem’appeler, j’avaismismonportable sur silencieux.Cen’étaitpas trèsadultedemapart,mais jene savaispasquoi luidire,etencoremoinsquoipenser.
Dans tous lescas,JaseetTeresan’avaientpas tort.Nousavions tousnospetits secrets.Moi-même, j’avaisprismoncourageàdeuxmainspouravoueràmesamisque je leuravaismenti,etilsm’avaientpardonné.
Il fallait justeque je fassedu tridansma tête. Il s’étaitpassé tropdechosesenpeudetempsetjeremettaistoutencause.
—Iltientvraimentàtoi,ditAvery.Je tournai la tête. Je me demandais si en plus d’être une jolie rousse, elle était aussi
médium.—Quandtuasétéadmiseàl’hôpital,ilarefusédequittertonchevet.—Jesais,murmurai-je.—Non,fit-elle.Quandtuétais inconsciente, jeveuxdire.C’esttonamieRoxyquinous
en a parlé. Jax a pété un câble parce que, ne faisant pas partie de ta famille, le personnelsoignantrefusaitdeleteniraucourantdetonétatdesanté.
Moncœurseserra.—Quoi?Ellehochalatête.—Ilafaillisefairemettreàlaporte.Undesesamispoliciersaréussiàlecalmeretest
allédiscuteraveclesmédecins.Iltientvraimentàtoi,Calla.Alors,ilaforcémentunebonneraisonpour…
Uncoupsur laportede lachambre l’interrompit. Jemeredressaivivement.Vu l’heuretardive,c’étaitplutôtétrange.
—Vousattendezquelqu’un?Camsedétachad’Averyetseleva.—Non,maisjeveuxbienparierunbaisersurquiils’agit.Teresa écarquilla les yeux. Mon pouls s’emballa. Je dépliai les jambes et agrippai les
accoudoirsdufauteuilunpeuplusfort.Camjetauncoupd’œilàtraverslejudas.—Quandonparleduloup…Oh,merde.Jemeredressaienregrettantdenepasavoirréponduautéléphone…Jecommençaisà
comprendrequisetrouvaitdanslecouloir.
Camouvritlaporteetsepoussapourrévélernotrevisiteur.Jaxsetenait là,etàsonexpression,àses lèvrespincéesetauxcernessoussesyeux, je
comprisqu’ilsavaitquejesavais.Quejesavaistout.Quandildébouladanslapièce,Camrefermalaporteenmarmonnant:—Maisentre,voyons!Jaxl’ignora.Iln’avaitd’yeuxquepourmoi.—Ilfautqu’onparle.Lecœurbattantlachamade,jemerelevaitoutenserrantmonportabledansmamain.—Oui,ilfautqu’onparle.— Je suis le seul à me demander comment il a su qu’elle était ici, dans cet hôtel en
particulier?demandaCamenretournantauprèsd’Avery.— Il n’y a pas beaucoup d’hôtels autour de l’hôpital, répondit Jax sans me lâcher du
regard.Etj’aidesamisquipeuventtrouvercegenredechosespourmoitrèsvite.—Ehbien,çafaitunpeupeur,murmuraCamdanssabarbeentendantlamainàAvery
pourl’aideràserelever.Jaxsetenaittrèsdroit,lesépaulestendues.—Jesais.Jeclignailesyeux.—Ondevrait…—Je suis certain qu’ils sont déjà au courant…puisque tu es venue les voir avant d’en
parleravecmoi.Ducoup,ilsvontaussientendrecetteconversation.Etmerde…Cam et Avery se figèrent devant la porte quimenait à leur partie de la suite, pris en
flagrantdélitdefuite.En jetantuncoupd’œilàJaseetTeresa, jemerendiscomptequ’eux,parcontre,regrettaientdenepasavoirapportédepop-corn.
—Onpeutsortir,Jax.—Jesuisrentréàlamaisonettun’étaispluslà,medit-il.Aprèstoutcequis’estpassé,
jenesavaispasquoipenser.Tuauraisquandmêmepum’envoyeroumelaisserunmessagepourm’avertir.
—Attendsuneminute,rétorquai-je.Jet’aiditquej’étaisavecmesamis.—Aprèsque jesuisrentréetque j’aivu lespapierssur la tablebasse,mecorrigea-t-il,
lesyeuxpresquenoirs.(Commeilavaitraison,putain,jenerépondispas.Ilreprit:)Tuasvutamère. J’ai toutde suite comprisque ça t’avaitdéstabilisée. J’ai vuqu’elle t’avait laissé lamaison.Jesuiscontentpourtoi.
Lerougeauxjoues,jejetaiuncoupd’œildanslapièce.Mesamissuivaientnotreéchangeavecintérêt,CametAveryycompris.
—Maisjesaisquecen’estpaspourçaquetuesdanscettechambred’hôtelaulieud’êtredansmonlit.
Oh,monDieu.Àprésent,j’étaisrougecommeunetomate.LesyeuxdeTeresas’éclairèrentetellepinçaleslèvres.Ilétaitgrand tempsde tuercetteconversationdans l’œuf.S’ilvoulait joueràçadevant
mesamis,iln’allaitpasêtredéçu.—Tues lepropriétaireduMona’sdepuisplusd’unanet tun’as jamais crubondeme
mettreaucourant?Ilpritunegrandeinspiration.—Jecomptaisteledire.— C’est de ça que tu parlais à l’hôpital ? Tu as eu des tonnes d’occasions de le faire.
Depuisledébut.Lafoisoùtum’astrouvéeentraindefouillerdanslebureauparexemple!JasetournalatêteversJax.Laballeétaitdanssoncamp.Ilneréponditpastoutdesuite.Cen’étaitpasgraveparcequeçamelaissaitletempsde
préparerma salve de questions suivante, dans lesquelles j’allais sans doute glisser quelquesinsultes… Mais quand il reprit la parole, pour la seconde fois en une soirée, mon mondeexplosadenouveauenéclats.
—Jeteconnaisdepuisplusd’unan,medit-il.Latensions’envoladesesépaules,commesiunpoidsl’avaitsoudainquitté.— Je ne parle pas de ce que Clyde ou ta mère m’ont raconté sur toi. Non, je te
connaissaisdéjà.Jet’aivueavantmêmequetuaiesconsciencedemonexistence.Envahieparunsentimentdeperplexité,jeleregardai,bouchebée.—Quoi?—Lapremière foisque je t’ai vue, c’était auprintemps, il y aunpeuplusd’unan.Tu
étaisendehorsdelacitéuniversitaireettuallaisencours,révéla-t-il.Ilfallaitquejem’assoie.Lesautresn’existaientplus.Iln’yavaitplusqueluietmoi.— J’étais avec ta mère. Et ce n’est pas arrivé qu’une seule fois. Tous les deux mois
environ, quand ta mère était clean pendant un jour ou deux, l’envie de te voir la prenait.Alors,jel’emmenaisterendrevisiteparcequejesais…Jesaiscequeçafaitdenepasavoirdedeuxièmechance.Jet’enaiparlé.C’estpourçaquejel’emmenaisàShepherd.Unefois,tuétais devant un bâtiment avec elle. (Il désigna Teresa d’un geste dumenton.) Il y avait unautregarçon.Etaprès,Jaseestarrivé.
Oh, Seigneur. J’avais les jambes flageolantes. En y réfléchissant, il y avait de grandeschancespourqu’ilparledeBrandon.
— La dernière fois, c’était au printemps dernier. Tu étais assise sur un banc devant labibliothèque, je crois. Tu étais en train de lire. Quand j’accompagnais tamère, elle n’allaitjamais au bout de ses intentions. Elle n’avait jamais le courage d’essayer de réparer ce quis’était brisé entre vous,mais elle en avait envie. Si ellene le faisait pas, c’est parce que tu
avais l’aird’êtreheureuse.(Ilexhala lentement.)Tuavais l’aird’être tellementheureuse.Tusouriais.Turiais.Tamèrenevoulaitpasentachertonbonheur.
Jereculaid’unpas.J’avaisdumalàresterenplace.—Pendantletrajet,ellemeparlaitsansarrêtdetoi.J’avaisvraimentl’impressiondete
connaître. Dans cesmoments-là, elle n’était ni bourrée ni shootée. C’est comme ça que j’aiappristoutcequejesaissurtoi.Cen’estpasClydequimel’adit,niMonaquandelleavaittrop bu,même si ça lui arrivait parfois… elle parlait surtout de toi quand elle était sobre.Lorsqu’elleadécouvertcequetuvoulaisdevenir,ellen’apasétésurprise.Unefois,ellem’aditquetut’étaisliéed’amitiéaveclesinfirmièrespendanttonséjouràl’hôpital.
Je fermai les yeux sous le coupdes émotions quim’envahissaient.Désormais, je savaiscommentelleavaitsupourmesétudes.ElleétaitvenuemevoiràShepherd.AvecJax.
— Chaque fois qu’elle est venue, c’était pour me parler ? demandai-je d’une voixincroyablementfaible.
—Oui. Elle avait conscience des erreurs qu’elle avait commises bien plus qu’on ne lepense,répondit-il.(Quandjerouvrislesyeux,ilmeregardaittoujours.)Ellen’ajamaisvouluque tu reprennes lebaretelle savaitaussiqu’ellene resteraitpas très longtemps ici.Alors,quandelleacomprisquejepouvaisracheterl’établissementetlefaireprospérer,ellemel’avendu.Ellenevoulaitpastelaisserlechoixàcesujet.
Ilfallaitvraimentquejem’assoie.Malheureusement,iln’enavaitpasterminé.—Jenet’enaipasparlé,parcequejenesavaispascommentturéagiraisenapprenant
que tamèreétait venue tevoirà la fac.Vousn’étiezpasenbons termeset çam’aurait faitpasserpourunmeclouche.
—Paslouchedutout,murmuraTeresaavecdesétoilespleinlesyeux.Jaxréprimaunsourireavantdeseconcentrerdenouveausurmoi.— Chaque fois que je te voyais, j’avais l’impression de… J’avais l’impression de te
connaîtredavantage.Jenet’avaisjamaisparlé,maisquandtusouriais,quandturiais…quandtuétaistoi-même,toutsimplement…(Ilsecoualatêteetmoncœurmanquaunbattement.)Jemesentaisinexorablementattirépartoi,Calla.Jesuistombéamoureuxdetoiavantmêmequetuconnaissesmonnom.
Oh,monDieu.Leslarmesmemontèrentauxyeux.Jenevoyaispresqueplussonvisage.—Jesaisquej’auraisdûteparlerduMona’s.Et j’enavais l’intentionce jour-là,dans le
bureau,maisquand tuasditque tuvoulais levendre, j’ai cruque tu t’enmoquais.Cen’estqueplustardquej’aicomprisquecebaravaitdel’importancepourtoi.(Ilfitunpasenavant.Touslesyeuxétaientbraquéssurlui.)Jenesavaispascommenttel’avouer.Lavérité,c’étaitquej’hésitaisà levendre.Ilm’apermisderetrouverunestabilitéaprèsmonretouraupays,mais ça ne me paraissait pas correct de le garder. Pas avec toi ici. Pas alors que je teconnaissaispourdevrai.
Jedéglutis.Uneboulem’obstruaitlagorge.Sesyeuxsondèrentlesmiens.—Je t’aime,Calla.Le faitque je sois lepropriétairedubarn’y change rien.Si c’est le
cas,jeneveuxplusrienàvoiràfaireavec.Laseulechosequejeveux,c’esttoi.Les mots refusaient de franchir mes lèvres. Ses paroles virevoltaient dans mon esprit.
J’étaisensurchauffeémotionnelle.—Calla,murmura-t-il.Jesecouailatête.Jenesavaispasquoidire.—Disquelquechose,chérie.Jen’aipasenviedetireruntraitsurnotrerelation…mais
situneveuxpasquejepassecetteporte,ilvafalloirquetudisesquelquechose.Toutcequej’avaisenvieoubesoindediresebloquadansmagorge.J’avaisl’impression
de faire une crise de panique. J’étais figée sur place et la pièce était tellement silencieusequ’onentendaitsansdoutelesbattementsfousdemoncœur.
Jaxsoupiraenmeregardantdanslesyeux,puisseretournaets’éloigna.Quandilsortit,je n’avais toujours pas bougé. Je suivis sesmouvements jusqu’à ce que la porte se refermederrièrelui.
Jenedisrien.Jerestaifigée.Sansrienfairepourl’empêcherdepartir.
34
—Oh,monDieu ! s’exclamaAvery en s’asseyant auborddu lit. (Elle leva la tête versmoi.)Ilesttombéamoureuxdetoiavantquetuconnaissessonnom?
Teresameregardaitaussiavecdegrandsyeuxpleinsdelarmes.—Calla…J’étaistoujoursincapablederespirer,oudedirequoiquecesoit.J’étaisunevraiestatue.Jasesetournaversmoienhaussantlessourcils.—Sij’aimaislesmecs,jeluiauraissautédessus,aprèsundiscourscommeça.Jeclignailesyeux.Euh…—Etmoi,jeluiauraispassélabagueaudoigt,ajoutaCamens’approchantd’Avery.Jeclignaidenouveaulesyeux.Euh…Teresaricana.—C’étaitsuperbeau,mafille. Il t’aouvertsoncœur.Çam’afaitde lapeinede levoir
partirsansquetuleretiennes.Parcequec’étaitcequej’avaisfait.Jel’avaislaissépartir.—Calla,fitTeresad’unevoixdouce.Jesecouailatêteavantdemetournerverselle.—Qu’est-cequejedoisfaire?—Jecroisquetulesais,répondit-elle.Bonsang.Elleavaitraison.Jesavaistrèsbiencequejedevaisfaire.Lebar,lessecrets,
riendetoutçan’avaitd’importance.—Putain,qu’est-cequejesuisconne!m’exclamai-je.Camhaussalessourcils.Jemelevaid’unbondetserraimontéléphonedansmamaincommesiçamedonnaitle
pouvoirdecouriraussivitequesiunT-rexmepourchassait.J’ouvrislaporteàlavoléesansregarder en arrière et me précipitai dans le couloir, puis dépassai l’ascenseur pour
m’élancer dans les escaliers. La chambre se trouvait au deuxième étage. Je n’avais jamaiscouruaussivitesanstomber.
Quand j’arrivai au niveaude la réception, je passai devant un employé quime regardaavecdegrandsyeux.Mespointsdesuturemefaisaientmal.Ladouleurs’étaitrépanduedansmonventre.Jedéfonçailaporteetprisunegrandeboufféed’oxygène.
—Jax!criai-jedemaposition,sousleporchedel’hôtel.Jescannaileparkingmaisjenevispassonpick-up.Ilyavaittropdevoitures.—Jax!Ni le sol ni les étoiles ne me répondirent. Je ralentis en m’approchant du parking, le
souffle court, puis m’engouffrai dans une allée en examinant chaque voiture. Était-il déjàparti ? Le cœur en berne, je m’arrêtai encore une fois et me penchai en avant, une mainpresséecontremablessure.Lamainquitenaitmontéléphone.
J’aurais pu l’appeler ! Seigneur, j’étais vraiment stupide. J’aurais pu l’appeler. Meredressant,jetapaisurl’écranquandsoudain,moncœurs’arrêta.
—Calla.Jemeretournaivivement.EnvoyantJaxàquelquesmètresdemoi,jefaillisfairetomber
mon téléphone. Je neme laissai pas le temps de faire quelque chose de stupide, ni demefiger.
Jememisàcourirvers lui, sansm’arrêter,sansralentir, tellementviteque jemanquaiperdremes chaussures. Je lui sautai dessus et passai les bras autour de ses épaules pour leserrerfortcontremoi.
L’espaced’uneseconde,Jaxneréagitpas.Puisilmerenditmonétreinte.—Jet’aime,luidis-je.GardeleMona’s.Ilestàtoi.Tuauraisdûm’enparler,c’estvrai,
maisjet’aimequandmême.Jet’aime.Il recula jusqu’à ce que je voie son visage, qui jusqu’à présent avait été plongé dans
l’ombre.Commeilrestaitsilencieux,jemesentisobligéed’extrapoler.—Jesuisbête,d’accord?Fairedestrucsdébiles,c’estmaspécialité.C’estpourçaqueje
suis restée plantée là. Pourma défense, ilm’est arrivé beaucoup demerdes en très peu detemps, et tes révélationsm’ont achevée. Tum’as dit que tu étais tombé amoureux demoiavantdemerencontrer.Maintenant,toutestpluslogique.Jenecomprenaispascommenttupouvaism’acceptertotalementalorsquetumeconnaissaisàpeine,ettu…
Il interrompitmon flot de paroles avec ses lèvres. Son baiser n’avait rien de tendre. Ilétaitprofond,puissant,enivrant.L’heuren’étaitplusà laséduction.J’avais l’impressionqu’ilme marquait, qu’il me faisait sienne et quand sa langue caressa la mienne, je ne pusm’empêcherdegémirdanssabouche.
Entredeuxbaisers,ilparlacontremeslèvres:—Laseulechosequejevoulaisentendre,c’étaitquetum’aimais.Jemanquaim’étoufferenriant.
—Jet’aime,JacksonJames.Jet’aime.Jet’…Sonétreinteseresserradavantageetungrognementsourdmeréduisitausilence.Ilme
regardadanslesyeux.—J’aibesoind’êtreentoi.Toutdesuite.J’écarquillailesyeux.—Pasletempsderentrer.Ilmepritparlamainetmeramenaversl’entréedel’hôtel.—Jax?Lorsqu’ilbaissalatêteversmoi,sesyeuxétincelaientdedésir.—Pasletemps.J’enfrissonnaisd’avance.Onretournaàl’intérieurdel’hôteloùl’employénousregardaavecdegrandsyeux.— Ilme faut une chambre, dit Jax en jetant son portefeuille sur le comptoir. Tout de
suite.L’employénousexamina l’unaprès l’autreavantdebaisser lesyeuxvers lebrasde Jax
qui était autour de ma taille. Je savais que j’allais me sentir gênée le lendemain, maisl’homme,unpeuplusâgéquenous,secontentadesourireetdehocherlatêteetnousdonnaunechambre.
Aurez-de-chaussée.Quandlaporteserefermaderrièrenous,Jaxneperditpasuneseuleseconde.Ilpritmon
visageentre sesmainsetbasculama têteenarrièrepourm’embrasser. Je reculaiunpeuetvoulusluiôtersontee-shirt,maisilmesaisitparlespoignets.
—Avantd’allerplusloin,ilfautqu’onsemetted’accordsurcertainspoints.Jehochailatête.—OK.Lesquels?—Jesuisdésolédenepast’avoirparlédubar.J’aimerdé.Tuasledroitdem’envouloir.Ilmel’avaitdéjàdit.J’avaiseuletempsd’yréfléchir.—C’estvrai,maisj’aifaitcroireàunmensongebeaucoupplusgraveàmesamispendant
longtemps.Onestaussifautifsl’unquel’autre.J’auraispréféréquetumeledisesplustôtetleMona’s est importantpourmoi, tuas raison,bienplusque jene l’aurais imaginé,mais ilt’appartient, Jax. Iln’estpasàmoi. Ilne l’a jamaisété.Pourtant,grâceà toi, il l’estunpeuaujourd’hui.
Sonexpressionsedétendit.—Tulepensesvraiment?Parcequesinon…—Jelepensevraiment.J’avais envie de le toucher, de me déshabiller pour lui montrer à quel point j’étais
sérieuse.—Ilestàtoi.
Ilfermabrièvementlesyeuxavantdedire:—Encoreun truc.Je t’aime,maissi tuveuxqueçamarche, il fautque tuymettesdu
tien. Il faut que tu t’impliques dans notre relation, Calla. Quand il y a un problème, tu nepeuxpas terefermersur toi-mêmecommeça. Il fautquetuviennesmevoir.Pourqu’onenparle.D’accord?
Leslèvrespincées,jehochailatête.—D’accord.—C’est…—Maisçaneveutpasdireque jen’auraiplus jamaisderéactionsstupides.Jenepeux
pas savoir comment je vais réagir,ni combiende temps ilme faudrapourdigérer certaineschoses, poursuivis-je. Et comme je te l’ai dit, les trucs stupides, c’est ma spécialité. Parexemple…
—Chérie,murmura-t-il,toutsourire.Jecroisquej’aisaisi.Jeluisourisàmontour.—Toutvabien,alors?Aulieudemerépondreverbalement,ilchoisitdemelemontrer.Nosvêtementsvolèrent
enuntempsrecordetilavaitunpréservatifdanssonportefeuille.Jehaussaiunsourcil.—Jeneparsjamaisdechezmoisans,plaisanta-t-il.Jesecouailatête.—Tais-toietembrasse-moi.Nus sur le lit, on parcourut le corps de l’autre avec nos lèvres et nosmains. Il fit très
attention à ma nouvelle cicatrice. Quand il baissa la tête entre mes jambes, j’enfouis mesdoigtsdanssescheveuxsoyeux.Justeavantlepointdenon-retour,ilremontaversmoietsepositionnaentremescuisses.
—Jevaisfaireattention,dit-ilenmemordillantleslèvres.—Jeneveuxpasquetufassesattention.Ileutunsourireencoin.—Tuvois,ça,parexemple,c’eststupide.—Laferme,rétorquai-jeenpassantunejambesurlessiennespourlerapprocher.Ilritavantdemepénétrerlentement.Alors,niluinimoin’eûmesplusenviederire.Ses
gestes étaient tendres et prudents, comme lors de notre première fois. J’en oubliai mablessure.Ledosarqué,j’ondulaileshanchesàlarencontredessiennes.
Sesdoigtsseposèrentsurmapoitrineet jouèrentavecunmamelondurci. Il supportaitson poids avec son autre bras, appuyé près de ma tête. À présent, j’avais les deux jambesnouéesautourdesatailleetmestalonss’enfonçaientdanssondospourl’inciteràbougerplusvite.
—Tun’asaucunepatience.Ilm’embrassaaucoindeslèvres,avantd’approfondirlebaiser.
Cen’estqu’àcemoment-làqu’ilaccéléralacadence.Samainquittamonseingauchepourtrouverlamienneetilentrelaçanosdoigtspendant
qu’il allait et venait, comme pour se fondre un peu plus en moi. Alors, la façon dont ilmurmuramonnomàmonoreillemefitl’effetd’unélectrochoc.Unedoucechaleurm’envahitetj’eusl’impressiondeflotterdansunocéandesensationsfortes.Mapoitrineétaittellementsoudéeàsontorsequejesentaisbattresoncœur.
Quand il releva la tête, jecroisai sonregardet leplaisirmontaunpeuplusenmoi.Jemesentismeresserrerautourdelui.
—C’estça,fit-ild’unevoixrauque.Meslégersgémissementssemêlèrentàsesgrognements.Notrerythmedevintdeplusen
plus chaotique. Jememis à bouger plus vite, à pressermes hanches contre les siennes. Jen’arrivaisplusàréfléchir.Soudain,desvaguesdeplaisirmesubmergèrentetjecriaisonnom.Ilmerejoignitquelquessecondesplustard,latêteenfouiecontremonépaule.
—Jecroisque tum’aimesbien, luidis-jed’unevoix rocailleuse tandisquedes frissonsmeparcouraientencore.
Jaxritdansmoncou,puismefitroulersurlecôtédefaçonàcequ’onsoitfaceàface.—Tuesnulle.—Peut-être.(Jeposailamainsursajoue.)Maistum’aimesquandmême.Il me saisit par le poignet et porta ma main à sa bouche pour embrasser ma paume.
—Oui.Jet’aime.
Jaxetmoi,onétaitrestéséveillésunebonnepartiedelanuitàdiscuteretàs’embrasser.Onavaitregrettétouslesdeuxqu’iln’aitpasplusdepréservatifsdanssonportefeuille.Danstous les cas, on s’était endormis quelques heures avant l’aube. Aussi, quand je le sentism’embrassersurlajoue,lelendemain,j’avaisl’impressionden’avoireuquequelquesminutesdesommeil.
—C’estl’heuredeselever,belleendormie,medit-il.Je me roulai en boule et marmonnai quelque chose sur le sommeil que je devais
rattraper.Malheureusement,ilinsistaettiradoucementsurmescheveux.—Onadeschosesprévues,aujourd’hui.J’ouvrisunœil…PuisledeuxièmeenmerendantcomptequeJaxétaitdéjàhabillé.—Pourquoitut’eshabillé?— Parce que si je m’écoutais, je jetterais mes principes par la fenêtre et je te ferais
l’amoursansrienentrenous.Bon.Ditcommeça.—Ilfautquejeprennelapilule,déclarai-jeenfermantlesyeux.Jaxs’esclaffa.—J’approuvetotalement,maisilfautquandmêmequetubougestonjolipetitcul.
—Mais…—Iln’yapasdemaisqui tienne,chérie. Il fautqu’onrende lesclésetqu’onrentrese
doucher.Situtedépêches,onaurapeut-êtremêmeletempsdebaisercommedeslapins.J’ouvrisdenouveaulesyeux.Sonplanmeplaisaitdeplusenplus.—Qu’est-cequetuasprévu,aujuste?—Untructropcool.J’aiprismajournée.Toietmoi,onvas’amuserunpeu.Alorslève-
toi. (Comme jenebougeais toujourspas, ilmedonnaune fessée.)Tesamis t’attendent,euxaussi.
—Ahbon?Bêtement,jeregardaiautourdemoi.Heureusement,ilsn’étaientpasdanslachambre.—Onvas’occuperd’uneautredetespremièresfois.Jemeredressaisuruncoudeetrelevailedrapsurmoi.—Mespremièresfois?Ilsouritetsesyeuxprirentunetrèsbelleteintechaude,semblableàcelleduwhisky.—Oui, tu sais, tousces trucsque tun’as jamais faits?Si jeveux réussiràarrangerça
avantqueturetournesàShepherd,j’aiintérêtàcommenceraujourd’hui.Oh,waouh.Moncœursemitàfairedesclaquettesdansmapoitrine.Jaxmefitlâcherle
drapqui tomba surmeshanches. J’étais tropoccupéeà le regarderpourme soucierdu faitquej’avaislapoitrinedécouverte.Distrait,ilcaressaundemesmamelons.
—Quellepremièrefois?demandai-je.Ilbaissalatêtepourremplacersonpouceparseslèvres.—OnvaàHersheyPark.—HersheyPark?Ilseredressaetpassasamainbaladeusederrièremanuque.—C’estunparcd’attractions,chérie.Tun’yesjamaisallée.J’aicroiséJasedanslehallet
jeluiaiditquejevoulaist’yemmener.Ilssonttousd’accordpourveniravecnous.Jeprisunegrandeinspiration.Ellemeparutbizarreàmespropresoreilles.—Tum’emmènesdansunparcd’attractions?Lesourireauxlèvres,ilhochalatête.—Regarde-toi,tuesàdeuxdoigtsdefondreenlarmes.— La ferme,murmurai-je en clignant les yeux. C’est juste que… tu es incroyable, Jax.
Vraiment.—Maisnon,dit-il.—Tut’essouvenudecettelisteridicule.Jem’assiscorrectement.Ilm’imita.Alors,jepressaimonfrontcontrelesien.—Çafaitdetoiquelqu’und’incroyable.Ilpassasonautrebrasautourdematailleetm’attirasursesgenoux.Jemeblottiscontre
lui, lesyeux fermés.Toutàcoup,quelquechosemerevintenmémoire.Quelquechoseque
Jaxm’avaitdit.Etilavaiteuraison.Malgrétout,jepouvaisremerciermamère,parcequ’ellem’avaitmenéeàJax.Notrerelationavaitétélerayondesoleildansuncielorageux.
—Tuestoujourslà?medemanda-t-ilcontremabouche.Un sourire étira mes lèvres et j’enfouis les doigts dans ses cheveux, au niveau de sa
nuque.Moncœursegonfla,deslarmesmemontèrentauxyeux,maisellesnecoulèrentpas.C’étaient des larmes de joie… Car peu importait où mes pas me porteraient, ici ou àShepherd, Jax resterait prèsdemoi. Je le savais, comme je savais que la respirationque jevenaisdeprendresuccédaitàuneautre.
—Jesuislà.Jaxsouritàpleinesdentsetsonbrasmuscléseresserraunpeupluscontremoi.—Ça,c’estmachérie.
Remerciements
Les remerciements n’ont jamais été mon fort. J’ai toujours l’impression d’oublierquelqu’un. Pourtant, je devrais avoir l’habitude, ce sont à peu près les vingt-septième quej’écris!Maiscen’estpaslecas.Alors,aujourd’hui,jevaistenteruneapprochedifférente:jevaisannoncerlesgenslesunsaprèslesautres,unpeucommesijefaisaisl’appel.
Toutd’abord,unénormemerciàceuxquis’occupentducôté«business»:KevanLyon,Taryn Fagerness, Brandy Rivers, Tessa Woodward, Molly Birkhead, Jessie Edwards, KPSimmons, Caroline Perry, Shawn Mitchell, Pam Spengler-Jaffee ainsi que les merveilleuseséquipesdeHarperCollins,WilliamMorrowetAvon.
MercitoutparticulièrementàKatie(katiebabs!)d’avoiracceptéquejedonnesonnomàune stripteaseuse qui a développé des pouvoirs psychiques en se cognant la tête pendantqu’ellefaisaitdelapoledance.J’espèreque…çat’aplu?
UntrèsgrandmerciégalementàlapersonnequiadédiéunTumblrauxsourcilsdeTheoJamesavecpourdescriptiondublog:«Lui,ilsaitseservirdesessourcils.»Jesuisd’accordà100 %. D’ailleurs, j’en profite pour le remercier aussi, parce que je me suis servi de sescaractéristiquesphysiquespourcréerJax.Cen’estpastropbizarre,j’espère?
Sinon,danslacatégorie«jemeseraisrouléeenbouledansuncoins’ilsn’avaientpasétélà », j’ai nommé : LauraKaye, Sophie Jordan,TiffanyKing, JenFisher,Vi (VEE !),DamarisCardinali,TriniContreras(Ilostmyshoe,ba-dub-ba-duh!),HannahMcBride,LesaRodrigues,StaceyMorgan,DawnRanson,monmarietmafamille,TiffanySnow,ValerieFink,etc’estlàquejesaisquej’oubliedesgens…
Enfin, j’aimerais remercier personnellement les blogueurs, les critiques et les lecteursd’avoir choisi ce livre.Riende tout çane seraitpossible sansvous.Si je lepouvais, jevousprendraisdansmesbras.