Apport de la méthode Feldenkrais dans la rééduction linguale€¦ · Pr. GARRONE Robert Vice-président CA Pr. ANNAT Guy Vice-président CEVU Pr. MORNEX Jean-François Vice-président
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Université CLAUDE-BERNARD. LYON1
INSTITUT DES SCIENCES et TECHNIQUES DE READAPTATION N° 1377
MEMOIRE présenté pour l’obtention du
CERTIFICAT DE CAPACITE D’ORTHOPHONISTE
LANGUE ET POSTURE :
Apport de la méthode Feldenkrais dans la rééduction
2 - Sa méthode................................................................................................. 27
3 - Principes de base ........................................................................................ 27
Approche diagnostique et rééducative de la dysfonction linguale : approche de M. Joly............................................................................................................ 29
1 - Le bilan : éléments particuliers ................................................................... 30
2 - La rééducation ............................................................................................ 31
PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES.................................................................. 32
Généralités sur le déroulement de la rééducation par l’orthophoniste................... 39
1 - Principes particuliers à cette approche........................................................ 39
2 - Objectifs et trame générale de la rééducation ............................................. 41
3 - Trame suivie à chaque séance. .................................................................... 42
PRESENTATION DES RESULTATS.................................................................... 45
Analyse transversale des patients suivis .......................................................... 46
1 - Exploration kinesthésique- ressenti du patient............................................ 46
2 - L’image de soi............................................................................................. 49
3 - Différencier, rompre les habitudes, aller lentement..................................... 51
4 - Le rôle du thérapeute.................................................................................. 52
5 - La (non) verbalisation et les images mentales............................................ 53
6 - Expression de la personnalité du patient ..................................................... 54
Etude de cas Mr P. ....................................................................................... 55
1 - Grille synthétique des 16 séances de Mr P................................................... 55
2 - Progression de la prise en charge ; suivi orthophonique ; éclairages ostéopathiques et podologiques......................................................................... 57
DISCUSSION DES RESULTATS ....................................................................... 92
SOMMAIRE
6
Conclusions de l’étude de cas......................................................................... 93
1 - Conclusion des contrôles orthophoniques.................................................... 93
2 - Conclusion des contrôles ostéopathiques .................................................... 94
3 - Conclusion des contrôles podologiques ....................................................... 95
Validation des hypothèses ............................................................................. 96
1 - Validation de la première hypothèse et réserves ......................................... 96
2 - Validation de la deuxième hypothèse et réserves ........................................ 97
Réflexions à partir des observations des séances des patients ............................ 98
1 - Personnalité des patients............................................................................ 98
2 - Intérêts de l’approche Feldenkrais dans une rééducation linguale............... 98
3 - Réserves sur l’approche Feldenkrais ......................................................... 101
Limites de l’expérimentation .........................................................................102
Annexe I : Résumé du bilan de Nicole Maurin (Maurin, 1988) ............................114
Annexe II : Tableaux récapitulatifs des principales caractéristiques des fonctions buccales physiologiques et pathologiques chez l’adulte (tiré de Maurin, 1988)......117
Annexe III : Structuration de la colonne vertébrale chez le bébé (Campignion, 2001)................................................................................................................121
Annexe IV : Maturation neurologique de la succion-déglutition (Senez, 2002) ......122
Annexe V : Interdépendance entre occlusion et posture (Perdrix, 1997)..............123
SOMMAIRE
7
Annexe VI : La glossoptose (tiré de Joly, 2002) ...............................................124
Annexe VII : Bilan orthophonique de Martine Joly ............................................125
Annexe VIII : Suivi de Mr P. : photos et empreintes podales .............................129
1 - Photos de profil......................................................................................... 129
2 - Photos de dos ........................................................................................... 130
L’élève expérimente une exploration kinesthésique : il se met à l’écoute de ses sensations
données par le mouvement. Il n’est jamais amené à forcer musculairement ; un mouvement,
très petit, peut apporter de grandes sensations. Ce qui compte est l’efficacité, c’est-à-dire que
le mouvement produit corresponde à l’intention recherchée.
Les mouvements proposés sont donc lents et variés, et l’utilisation d’un minimum d’effort est
essentielle pour favoriser un maximum de sensations kinesthésiques.
On cherche à abaisser le seuil de discrimination perceptive : « En réduisant au maximum nos
stimuli, (…) nous augmentons (…) au maximum notre sensibilité et sommes ainsi en mesure
de distinguer des détails subtils qui nous dépassaient ou échappaient à notre attention, même
quand nous essayons de les capter. » (Feldenkrais, cité dans le Bulletin de l’APMF, 1994)
L’image de soi
Nous utilisons notre corps en fonction de l’image que l’on a de soi. Plus cette image est claire
et plus le mouvement exécuté pourra l’être. La méthode permet de la préciser, la clarifier et
Chapitre I - PARTIE THEORIQUE
29
l’enrichir. Tous les praticiens mettant en œuvre sa méthode reprennent cet adage de M.
Feldenkrais: « Lorsque tu sais ce que tu fais, tu peux faire ce que tu veux ».
La différenciation
« Différencier permet de multiplier les choix disponibles pour tout ce que nous ne savons
faire que d’une seule manière (…) une grande diversité de choix nous permet d’agir
différemment et de façon plus pertinente dans des situations qui se ressemblent, tout en étant
différentes. » (Feldenkrais, 1997, p. 55).
Le nombre croissant de formations proposées sur le thème « Feldenkrais et orthophonie »
laisse penser que de plus en plus d’orthophonistes s‘intéressent aux principes de cette
méthode.
L’expérimentation s’étant déroulée chez Martine Joly, orthophoniste s’inspirant des principes
de cette méthode, nous allons maintenant exposer son approche diagnostique et rééducative.
APPROCHE DIAGNOSTIQUE ET REEDUCATIVE DE LA
DYSFONCTION LINGUALE : APPROCHE DE M. JOLY
Martine Joly est aussi membre de la consultation pluridisciplinaire lyonnaise précédemment
citée. Elle a une approche globale des troubles d’origine linguale, qui s’appuie sur son travail
pluridisciplinaire et sur ses formations avec François Combeau.
Orthophoniste de formation, ce dernier a créé l’association « Le Geste Vocal » et anime de
nombreux séminaires de « Développement somatique » et « Prise de Conscience par le
Mouvement ». Dans son itinéraire, il a croisé la danse, le chant, le mime, les arts martiaux et
la méthode Feldenkrais, dont il est devenu formateur.
Il s’intéresse particulièrement à l’utilisation de ses principes avec les thérapeutes du
mouvement et de la voix (psychomotriciens, enseignants, chanteurs, orthophonistes..).
Des groupes d’orthophonistes se sont ainsi créés auxquels F. Combeau assure des formations
régulières. Ces rencontres et formations ont amené M. Joly à construire une approche
personnelle de la rééducation, transmise dans des formations aux orthophonistes sur le thème
de Langue et Posture.
Chapitre I - PARTIE THEORIQUE
30
Ici, nous nous intéresserons plus particulièrement à la rééducation linguale, inspirée des
principes de la méthode Feldenkrais. Nous évoquerons le bilan et la mise en place de la
rééducation.
1 - Le bilan : éléments particuliers
La langue étant observée par rapport à la posture, quelques éléments du bilan vont différer de
celui que propose Maurin (1988) (Ann 1). Par exemple, M. Joly ne demande pas d’épreuve
praxique ni musculaire de la langue, des joues, des lèvres et des masséters car ces exercices ne
correspondent pas à une approche de type Feldenkrais.
De façon générale, le patient et l’orthophoniste vont observer ce qui est mobile et ce qui est
fixe, quelles parties et orientations sont connues, lesquelles sont utilisées, les restrictions
d’espace, de mouvements, les compensations induites par le manque de mobilité linguale ou
labiale (mise en mouvement de la tête, mandibule etc.).
M.Joly a construit une grille de bilan très précise. (Ann 7). Ce bilan n’est pas publié car selon
elle, il n’est pas figé mais au contraire sans cesse en cours d’élaboration. De même, le bilan
est adapté au patient et certains items ne sont pas proposés.
Le bilan se déroule en deux temps : anamnèse et examen. Nous le développons de façon plus
exhaustive dans le protocole expérimental.
De façon générale, l’évaluation cherche à isoler des signes cliniques révélateurs d’une
pathologie du comportement lingual.
La définition de la pathologie n’est pas la même selon l’approche que l’orthophoniste a du
trouble :
Alors que pour Maurin (1988), une posture de langue au repos est une « langue bombée dans
la cavité buccale, frôlant la voûte palatine, la pointe en regard des incisives inférieures » (p.
72), dans son approche posturale, Mme Joly observe qu’un dos de langue « tenu » (langue
bombée, piquée dans la mandibule) provoque des tensions au niveau de la tête et du cou
(mandibule, larynx, cervicales).
Dans cette optique, la position physiologique de la langue au repos est une langue étalée sur le
plancher de la bouche, apex posé sur la papille palatine rétro-incisive, et bords de langue
largement étalés sur le pourtour du palais.
Chapitre I - PARTIE THEORIQUE
31
De même, la posture linguale (au repos et en fonction) ne doit pas entraîner de problème
occlusal ou d’ATM, ni entraîner de tensions mandibulaires, laryngées, cervicales. La langue
doit avoir un fonctionnement différencié de celui de la mandibule, de la tête, du larynx, et être
capable de mobilité verticale (élévation de la langue du plancher de la bouche au palais).
La pathologie se trouve dans la propulsion (langue / mandibule / tête).
2 - La rééducation
Dans cette vision, la rééducation de la langue se situe dans le cadre d’un équilibre postural.
Cette approche trouve ses références dans le développement psychomoteur de l’enfant et en
particulier sur l’évolution de son comportement lingual, qui évolue grâce à des
expérimentations sensorimotrices par nécessité d’adaptation aux contraintes
environnementales. Cette référence donne au thérapeute les « ingrédients » nécessaires à
l’évolution à mettre ou remettre en place. Le terme « ingrédient » est utilisé pour désigner les
éléments manquants à un comportement lingual physiologique que l’on va mettre en place
dans la rééducation, à savoir un espace de mobilité et des différenciations.
Des mises en situations inhabituelles vont amener le patient à s’organiser différemment et
développer de nouvelles possibilités de mouvements.
M. Joly (2001) reprend les principes de Feldenkrais et Combeau selon lesquels une fonction
ne se développe bien que sur un support physique clair et différencié. Elle construit ses
séances sur cette base et sur le postulat d’une évolution conjointe du comportement lingual et
de la posture.
La rééducation proposée vise donc un comportement plus différencié faisant en sorte que
chaque partie puisse fonctionner de façon indépendante (la mandibule par rapport à la tête, les
lèvres par rapport à la mandibule, la langue par rapport à la mandibule, à la tête, au larynx…).
Nous exposerons de façon plus détaillée la mise en place de la rééducation dans le protocole
expérimental.
Chapitre II
PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
Chapitre II – PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
33
PROBLEMATIQUE
Vérifier qu’une rééducation orthophonique de la langue par une méthode kinesthésique de
type Feldenkrais entraîne une modification de la posture.
HYPOTHESES
Nous chercherons à vérifier ces deux hypothèses :
• Une rééducation linguale fondée sur les principes de la méthode Feldenkrais
entraîne :
o L’acquisition d’un comportement lingual physiologique
o Des modifications posturales objectivables
o Une disparition ou diminution des douleurs ressenties par le patient
• Par ailleurs, l’utilisation de cette approche permet au patient de développer sa
sensibilité kinesthésique.
Chapitre III
EXPERIMENTATION
Chapitre III – EXPERIMENTATION
35
OBJECTIFS
Pour vérifier nos hypothèses, nous avons voulu rendre compte d’une prise en charge
orthophonique de patients souffrant d’une malposition linguale, chez une orthophoniste qui
utilise les principes de la méthode Feldenkrais.
LIEU DE L’EXPERIMENTATION
L’expérimentation s’est effectuée au cabinet libéral de l’orthophoniste Martine Joly, à St
Didier au Mont d’Or (69). Le suivi de patient a duré de septembre 2005 à avril 2006, à raison
d’une demie à une journée par semaine.
PROCEDURE EXPERIMENTALE
La procédure expérimentale se divise en deux parties :
La première est l’observation des séances de cinq patients qui a conduit à une analyse
transversale. Des mots-clefs ont été choisis, illustrés par des exemples d’observations des
patients.
La deuxième partie est l’étude de cas d’un patient, suivi du début à la fin de sa prise en
charge orthophonique, à travers laquelle nous avons voulu vérifier l’incidence de la
rééducation d’une malposition linguale sur la posture.
Pour montrer cette évolution, nous avons décidé de nous appuyer sur trois éclairages :
orthophonique, ostéopathique et podologique. (Les éclairages ostéopathiques et podologiques
nous ont été donnés par le Dr Joly, médecin-ostéopathe).
1 - Bilans et contrôles orthophoniques (début, fin
12ème et fin 16ème séance)
Nous avons recueilli les éléments-clefs du bilan orthophonique initial débouchant sur un
projet thérapeutique.
Les contrôles de suivi et fin auront pour finalité de vérifier l’évolution de la rééducation,
concernant les éléments pathologiques initiaux et le ressenti du patient.
Chapitre III – EXPERIMENTATION
36
Le bilan se déroule en deux temps : anamnèse et examen. (Ann 7)
L’anamnèse comporte des questions sur le mode de vie, les antécédents médicaux
(chirurgicaux, traumatiques, obstétricaux, dentaires, ORL, et les traitements en cours (ORL,
kinésithérapeutique, orthodontique, dentaire, podologique etc.). Des questions portent ensuite
sur l’aspect ORL, (type de respiration, essoufflement, tensions laryngées, problèmes de portée
vocale, otites etc.) Des questions sont aussi posées sur le sommeil (ronflements, douleurs au
réveil) et sur les « parafonctions » telles que les habitudes de succion.
L’ examen clinique se divise en plusieurs parties ; les grilles sont remplies en fonction de ce
qu’observent le patient et l’orthophoniste. L’orthophoniste n’utilise pas de tests permettant de
mesurer objectivement les troubles mais construit son examen et ses observations qualitatives
à partir de son expérience clinique. L’examen et l’observation permettent de relever la
présence ou l’absence de signes cliniques. Par ailleurs, elle complète son évaluation par les
observations relevées par l’ostéopathe, et ce plusieurs fois au cours de la prise en charge du
patient.
L’évaluation concerne la respiration, la phonation (voix, articulation, parole), la posture de
langue au repos (contacts, forme, volume), la déglutition (salive uniquement), où la
participation péribuccale est particulièrement observée (lèvres, tête), la cinétique
mandibulaire, l’occlusion et enfin la posture.
Le bilan est aussi la première occasion pour le patient de sentir la cohérence de son
organisation, de ses habitudes de fonctionnement. L’orthophoniste l’aide à établir des liens
entre ce qu’il observe en bouche et les déséquilibres musculo-articulaires observés par le
patient et souvent perçus douloureusement.
2 - Contrôles podologiques (début, fin 10ème et fin
16ème séance)
Le médecin a pris les photos des empreintes podales du patient.
Elles consistent en un cliché photographique des plantes de pieds sur un baro-podoscope.
Nous avons voulu observer l’importance de la répartition et points de pression des appuis au
sol, et leur évolution dans le temps.
Chapitre III – EXPERIMENTATION
37
3 - Contrôles ostéopathiques (début, fin 10ème et fin
16ème séance)
Dr Joly a pris deux photos du patient (une de face, une de profil), afin de visualiser sa posture.
• Pour les photos de dos, on observera l’horizontalité des épaules et du bassin,
• Pour les photos de profil, on regardera l’alignement de la tête, des épaules et du
bassin (en référence à la théorie de la « vrille en 3 plans »)
CRITERES D’EXCLUSION
Ce type de rééducation linguale étant basée sur le guidage verbal, il est difficile à effectuer
avec des patients souffrant de troubles intellectuels ou psychologiques massifs, car les
principes de la méthode Feldenkrais, du moins dans la façon dont ils sont appliqués ici,
nécessitent une certaine introspection.
Par ailleurs, le patient choisi pour l’étude de cas ne devait pas bénéficier d’un autre suivi
(kinésithérapie, orthodontie) car nous n’aurions alors pas su véritablement à quel traitement
auraient été dus les progrès.
POPULATION : PRESENTATION DES PATIENTS
Tous les patients ont été adressés par le Dr P. Joly qui suite à une consultation, suspecte un
trouble lingual à l’origine de leurs maux.
Tous présentent une malposition linguale pour laquelle ils consultent l’orthophoniste, et ont
commencé leur rééducation orthophonique en septembre 2005. Les éléments clefs de leurs
bilans sont exposés en annexe. (Ann 9)
Nous présenterons ici les éléments orthophoniques nécessaires à la compréhension de
l’expérimentation. Nous évoquerons certains aspects de leur personnalité et leur expression en
séance, afin de mieux comprendre les observations effectuées dans l’analyse transversale.
1 - Mlle G, 28 ans
Cette jeune femme consulte dans une période post-traumatique (grave accident de la
circulation). Très active et voyageant beaucoup avant son accident, les fortes douleurs qu’elle
Chapitre III – EXPERIMENTATION
38
ressent au niveau des ATM et de sa langue en bouche semblent être un problème de
décompensation, entrant dans le cadre plus large d’une souffrance psychologique. Son suivi
en orthophonie s’inscrit donc dans le cadre d’une prise en charge plus globale. En effet, elle
bénéficie en même temps d’un suivi kinésithérapeutique, ostéopathique, podologique,
psychothérapeutique…
La rééducation a dû être suspendue au bout de 3 mois, suite à son déménagement.
2 - Mme D, 41 ans
Cette femme, secrétaire comptable, est venue de façon très irrégulière en séance. De nature
dynamique, elle a eu au départ quelques difficultés à se « mettre à l’écoute de ses
sensations ». Le changement d’horaire de ses séances ne nous a pas permis de suivre sa
rééducation de façon régulière.
D’après l’orthophoniste, ce travail n’a pas forcément été évidemment pour cette femme au
début car il lui demandait une attention et une organisation correspondant peu à sa
personnalité. Mais au fur et à mesure, la rééducation s’est révélée favorable et est aujourd’hui
terminée.
3 - Mr Pr, 50 ans
Ce directeur commercial, habitué à diriger, est beaucoup dans le contrôle, a eu des difficultés
à « lâcher prise » ; cela a eu un effet sur sa prise en charge, et l’orthophoniste devait souvent
lui rappeler de se mettre « à l’écoute de ses sensations », et de ne pas chercher à tout prix à
aboutir au résultat.
Cet homme a arrêté la rééducation après 5 séances, suite à son déménagement.
4 - Mlle B, 26 ans
Cette jeune femme a un long passé orthophonique (elle a été prise en charge en orthophonie
par deux fois, en primaire et au collège pour des troubles d’articulation et déglutition, toujours
présents). Aujourd’hui, l’orthophoniste pense que son comportement lingual semblerait
répondre à un besoin ; mais serait-ce un besoin physique, lié à un problème organique
(problème d’occlusion ?), ou plutôt à un besoin d’ordre psycho-émotionnel ? La rééducation a
été suspendue au bout de 15 séances, dans l’attente d’un rendez-vous avec la consultation
Chapitre III – EXPERIMENTATION
39
pluridisciplinaire lyonnaise précédemment citée, afin de tenter d’établir un diagnostic
différentiel précis et donc proposer un traitement adapté.
5 - Mr P, 44 ans
Cet homme s’est montré tout au long de la rééducation demandeur, curieux de la méthode
utilisée. Disponible pour ce travail orthophonique, c’est le seul patient qui a pu être suivi du
début à la fin de sa prise en charge et que nous avons donc choisi pour l’étude de cas. Ce
patient a facilement accepté de « lâcher prise », d’entrer dans une exploration kinesthésique.
GENERALITES SUR LE DEROULEMENT DE LA
REEDUCATION PAR L’ORTHOPHONISTE
1 - Principes particuliers à cette approche
Avant de présenter les séances des patients suivis, il nous semble intéressant d’exposer les
généralités concernant cette approche, valables pour toutes les séances. Ces principes
particuliers à cette approche permettront de mieux comprendre le déroulement et le contenu
des séances, et les réactions des patients.
1.1. Guidage verbal du thérapeute :
L’orthophoniste guide le patient dans son exploration kinesthésique. Pour cela, elle le
questionne pour qu’il puisse focaliser son attention sur certains éléments, être attentif au
déroulement du mouvement.
Les questions sont ouvertes, neutres et ne demandent pas forcément de réponse. L’objectif de
ce questionnement est qu’il permette au patient de se poser des questions, qu’il soit curieux de
découvrir son fonctionnement, son organisation etc.
1.2. Le mouvement est utilisé non pour lui-même mais
comme un support pour le plan de l’acte.
Un mouvement se développera différemment selon l’attention qui lui est portée. Plus les
points de vue portés sur le mouvement seront variés et plus l’image de son développement
sera claire et différenciée.
Chapitre III – EXPERIMENTATION
40
Dans l’exploration, le mouvement sera produit entre 5 et 15 fois. De nombreuses variantes
sont apportées à un mouvement, développant chaque fois différents « mouvements de
pensée ».
L’attention sera tour à tour portée sur les contacts, les volumes, les espaces, les distances, les
mobilités, les trajectoires etc.
Le travail porte aussi sur la capacité à anticiper le mouvement en imagination puisque d’après
certaines études (Nyberg et coll, 2006) les mêmes aires cérébrales seraient activées lorsque le
mouvement est réellement effectué ou l’est en imagination. Ainsi, Bacry (1994) explique que
Moshe Feldenkrais proposait souvent à ses élèves d’effectuer des mouvements d’un seul côté,
et l’autre côté seulement en imagination.
1.3. Les mouvements sont toujours lents et de faible
amplitude
Cela permet de rompre les « schémas » de mouvements que l’on a pris l’habitude d’effectuer,
d’abaisser le seuil de discrimination perceptive, développer la sensibilité kinesthésique,
d’éviter la réaction musculaire à l’étirement, qui se produit quand l’étirement est rapide et
enfin de sentir où s’initie le mouvement.
1.4. Respecter une cohérence dans l’évolution des
séances :
Même s’il existe une trame immuable dans la rééducation, les séances sont construites en
fonction de ce que l’orthophoniste a pu observer en bilan et lors des séances précédentes.
L’organisation propre au patient est respectée, c’est-à-dire que l’orthophoniste ne se place pas
comme un modèle à calquer mais part des éléments que le patient a mis en place. Cela donne
les « ingrédients » à mettre en place lors des séances afin de parvenir à un fonctionnement
lingual correct.
Pour construire ses séances, M. Joly se réfère à l’évolution du développement sensorimoteur
et à la maturation du système nerveux. En effet, comme nous l’avons évoqué dans la partie
théorique, la langue ne peut acquérir un fonctionnement physiologique que si ses mouvements
peuvent se différencier de ceux de la tête, la mandibule, les lèvres… et si elle dispose d’un
espace vertical et postérieur.
Chapitre III – EXPERIMENTATION
41
Une trame est respectée pour la rééducation de la dysfonction linguale : le travail porte
d’abord sur la libération de la mâchoire et de la mandibule, puis les lèvres, et enfin la langue.
2 - Objectifs et trame générale de la rééducation
Dans le cadre de ce mémoire, nous avons découvert la pratique personnelle d’une
orthophoniste dont nous allons maintenant décrire la trame. Cependant précisons que cette
pratique ne se veut aucunement être généralisable, ce n’est pas une « recette » puisque chaque
thérapeute construit ses rééducations en fonction de ses formations, sa personnalité …La
progression de la rééducation se construit selon une logique propre, en fonction des objectifs
fixés par l’orthophoniste.
Dans cette approche, comme dans la méthode Feldenkrais, l’orthophoniste guide le patient
dans son exploration.
Les séances vont permettre au patient de découvrir ou redécouvrir des espaces, des mobilités,
qui n’ont peut être jamais été expérimentées ou qui ont été entravées pour diverses raisons
(ex : sucette ou problèmes respiratoires favorisant une bouche ouverte et une langue basse…).
Chez le jeune enfant, l’évolution se fait vers toujours plus de différenciation ; de même
dans les séances, on suit la logique de l’évolution, et les mises en situations permettront
d’explorer des mouvements de plus en plus différenciés. En ce qui concerne l’évolution du
comportement lingual, des mobilités verticales et postérieures, ainsi que des différenciations
entre langue, mandibule, tête et lèvres sont nécessaires.
« Ingrédients » à mettre en place
Dans cette rééducation, on va libérer le support physique avant de développer les
fonctions. Le support physique comprend les mobilités, l’espace, les différenciations.
Ce travail débouche sur une application dans les fonctions (position linguale de repos,
articulation, phonation, déglutition, posture statique et dynamique, développement
respiratoire).
Les « ingrédients » à mettre en place pour permettre une évolution sont donc, en référence à
l’évolution du comportement lingual du jeune enfant, des espaces, des mobilités et des
différenciations.
Chapitre III – EXPERIMENTATION
42
Les espaces sont l’espace buccal, pharyngé, narinaire, pulmonaire, et abdominal. Tous ces
espaces sont modulables (ils peuvent s’ouvrir ou se fermer). La rééducation vise à le faire
prendre conscience au patient et le lui faire expérimenter.
Les mobilités développées sont celles de la mandibule, de la tête, du larynx, des lèvres, de la
langue, du voile. En séance, elles sont explorées dans leurs différentes orientations et leurs
implications sur le confort respiratoire, la posture statique et dynamique…
Les différenciations concernent la mandibule par rapport à la tête, les lèvres par rapport à la
mandibule, la langue par rapport à la mandibule ainsi que celles des différentes parties de la
langue (apex, dos, parties postérieures, bords). Les différenciations de différentes parties ont
pour but d’ensuite mieux les réunir et les coordonner dans un geste.
Pour différencier, on peut utiliser plusieurs « outils », comme différencier les parties d’un tout
(par exemple voir qu’une seule partie peut être engagée dans un mouvement), l’orientation
d’un mouvement (par exemple sentir que deux mouvements peuvent être faits dans le même
sens ou en sens inverse) ; on peut aussi utiliser les yeux (voir comment ils peuvent être
indépendants d’un mouvement de tête, être aidants dans ce mouvement…), les changements
par rapport à la pesanteur…
3 - Trame suivie à chaque séance.
3.1. Intention
A chaque séance correspond une intention, c’est-à-dire un objectif. Celui-ci est défini par
l’orthophoniste en fonction des observations effectuées lors du bilan et des séances
précédentes, et par rapport à l’organisation du patient.
3.2. Constat initial
A chaque début de séance, l’orthophoniste propose au patient d’effectuer un « constat
initial » . Dans le constat initial, elle propose au patient d’observer un certain nombre
d’éléments. Cela peut être par exemple de sentir comment la langue se positionne
spontanément en bouche, quels contacts elle a…
Chapitre III – EXPERIMENTATION
43
3.3. Mouvement de référence
En fonction des observations de l’orthophoniste et du patient lors de ce constat (qui peut être
verbalisé ou non), l’orthophoniste propose un « mouvement de référence », comme par
exemple effectuer un petit mouvement du bout de la langue du plancher de la bouche jusqu’au
palais. Le patient est amené à sentir, à constater le déroulement de ce mouvement.
3.4. Exploration
Puis commence l’exploration. Les explorations sont des mises en situation visant à apporter
les ingrédients manquants, c’est-à-dire tous les éléments dont on a besoin pour bouger : de
l’espace, des mobilités, des différenciations.
L’orthophoniste introduit des variantes par rapport au mouvement de référence ; c’est-à-dire
que l’on va faire varier le point de vue porté au mouvement : il sera observé tantôt en terme de
contacts, tantôt de volumes, de distances, de trajectoires…
Les contraintes mises en place amènent la personne à réagir et à s’y adapter, c’est ce qui
lui permet d’évoluer.
Par ailleurs, les variantes enrichissent l’image que l’on a du mouvement, comme si on le
« regardait » sous plusieurs facettes.
Le mouvement est produit entre 5 et 15 fois, avec une attention portée sur un point particulier,
mais non de façon automatique ce qui entraînerait un risque de rester en « pilotage
automatique ».
Pendant l’exploration, on laisse des temps de pause pour intégrer les informations reçues, se
mettre à l’écoute des traces laissées, sensations locales et à distance.
Par ailleurs, le mouvement ne doit jamais provoquer de douleurs ou résistances.
3.5. Constat final
En fin de séance, l’orthophoniste propose un « constat final ». Elle demande au patient de
refaire le mouvement de référence afin de pouvoir le comparer à celui du début, en terme de
facilité, de souplesse, légèreté, clarification…
Chapitre III – EXPERIMENTATION
44
De façon générale, que ce soit à l’intérieur d’une même séance ou au fil des séances,
l’orthophoniste veille toujours à ce que ce qui a été proposé précédemment soit effectivement
« intégré », appliqué. D’où l’importance de l’œil attentif du thérapeute qui évalue l’efficacité
de la rééducation en observant le patient dans son expression spontanée.
Chapitre IV
PRESENTATION DES RESULTATS
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
46
ANALYSE TRANSVERSALE DES PATIENTS SUIVIS
Nous avons choisi quelques mots-clefs issus des principes de l’approche Feldenkrais, illustrés
d’observations personnelles effectuées lors des séances.
1 - Exploration kinesthésique- ressenti du patient
1.1. Installation du patient
Une installation confortable pour le patient est toujours recherchée, afin que le système
musculaire soit libre et disponible.
Parfois, nous prenons certaines positions, même si elles nous sont inconfortables ; il nous
arrive de prendre conscience que nos mains sont crispées, que nous sommes assis « sur une
fesse », jambes et bras croisés. Nous avons l’habitude d’adopter certaines positions, mêmes si
elles nous sont inconfortables.
Exemple d’observation : En début de séance, Mr Pr. arrive et s’assied, pose ses mains
jointes sur le bureau, buste vers l’avant. L’orthophoniste lui propose de délier les mains et les
déposer sur ses cuisses afin de percevoir ce que cela changerait, au niveau de ses muscles, de
ses tensions, de sa respiration…
Le thérapeute peut être amené à aménager l’installation du patient.
Par exemple durant les séances où ils sont allongés, les patients reposent sur une fine
couverture, un coussinet sous la tête. De même, dans les séances d’ « Intégration
Fonctionnelle » en Feldenkrais, le praticien dispose des coussins sous les genoux, sous les
bras…pour que le corps puisse se laisser déposer et qu’il ressente le moins de tensions
possibles.
Exemple d’observation: Dans la séance « Différenciation tête/mandibule », l’orthophoniste
dépose un rouleau au niveau de la courbure lombaire du patient pour limiter les mouvements
du bassin et que les mouvements de l’exercice puissent se concentrer sur le haut du corps.
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
47
1.2. Changement de position : effet de la pesanteur
Dans la plupart des séances observées, le patient est assis. Parfois, l’orthophoniste lui propose
de changer de position. En position allongée (dos, ventre, côté), le changement de pesanteur
permet de ressentir différemment les contacts.
Exemples d’observations : Mr P (séance n° 8) ne sent pas bien l’arrière de sa langue ; il le
verbalise ainsi : « le fond de la langue ne sert pas du tout, il est très obscur ; ça s’arrête au
milieu ».
Cependant, à la séance n° 9, la position allongée lui permet de mieux sentir l’arrière de sa
langue : il dit « quand on est sur le dos la langue part vers le fond ».
Le patient peut aussi être amené à se mettre debout (« posture statique », voire à se déplacer
(« posture dynamique »), par exemple pour sentir les effets d’un exercice sur ses appuis au
sol, sur le développement de sa respiration…
1.3. Sensibilité kinesthésique
La méthode Feldenkrais est fondée sur le mouvement. La sensibilité kinesthésique développée
par la « prise de conscience par le mouvement » permet d’enrichir l’image que l’on a du
mouvement, et donc enrichir la « palette » des mouvements possibles. Un mouvement peut
apporter des sensations en terme de volume, de contacts, d’espace libéré ou occupé… Mais
cette sensibilité n’est pas toujours facile à ressentir… La capacité à avoir une sensibilité
kinesthésique demande une attention particulière, une « concentration ». Celle-ci semble
beaucoup dépendre de la personnalité du patient, mais aussi d’un ensemble de facteurs
dépendants du moment présent (humeur, « état d’esprit », motivation, fatigue…).
Exemple contacts : Mlle B (séance 6), concernant les contacts de ses lèvres avec ses
gencives, exprime les sentir « plus plaquées en haut qu’en bas ».
Exemple volume : Mlle B (séance 5), après un travail sur les lèvres, les sent « plus
dégonflées ».
Exemples orientation : Mlle G, suite à une séance allongée dit avoir des difficultés à
ressentir les orientations (de ses pieds, de son bassin, de ses courbures) : « Je n’ai pas du tout
le sens de l’orientation, là c’est pareil quand c’est un espace dans la bouche, ou des
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
48
courbures, j’ai du mal à sentir, c’est plus facile quand je tâtonne avec la langue mais sinon je
manque de repères. »
Lors d’une séance de différenciation entre la pointe et le dos de langue, elle dit : « j’ai du mal
à sentir, je ne sais pas trop si le bout de langue est en haut ou en bas ».
En revanche, on note une évolution au fil des séances : à la séance 11, elle trouve que la
différenciation entre l’avant et l’arrière de langue se fait « plus facilement. »
Pendant certaines séances, cette même patiente nous a semblé plus réceptive, et on comprend
que lorsque le corps est moins douloureux, un travail corporel est plus facile, comme à la
séance 11 (allongée). La patiente est plus calme, ses mouvements plus lents, elle semble bien
attentive à ses sensations.
A la fin de cette même séance elle dit qu’elle sent sa langue « plus agile » ; « J’ai moins
l’impression d’une grosse masse. ».
Séance 12, elle a paru bien « à l’intérieur d’elle-même », fermant les yeux, semblant
concentrée.
A la fin de la dernière séance, un point est fait sur l’évolution qu’elle a constatée au fil des
séances : « Là mes dents ne sont pas au contact ; j’ai plus pris conscience des mobilités ; j’ai
des problèmes de conception de l’espace mais je ressens mieux les mouvements ».
Concernant les contacts pris par la langue, « elle est tranquille, elle touche toutes les dents du
bas », et sa forme : « un peu rabougrie sur les dents, un peu bombée sur les dents ».
1.4. Absence de modèle
Dans l‘approche Feldenkrais, le thérapeute ne donne pas de modèle, car l’important repose sur
les sensations kinesthésiques. Certains patients sont perturbés par ce principe. Plusieurs
demandent si ce qu’ils font est « bien », « normal » ; comme s’ils avaient besoin de se référer
à une norme.
1.5. « Etat des lieux », avant et après exploration
Les séances des praticiens Feldenkrais commencent toujours par une prise de conscience des
points d’appuis au sol (dans différentes positions), ce qui permettra de les comparer entre le
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
49
début et la fin de la séance. (Le praticien demande alors si la personne sent des appuis plus
présents, ou si au contraire s’il se sent plus léger…)
De même ici, dans les séances observées, dès le bilan, un « état des lieux » est proposé,
comme une sorte de « mémorisation » des appuis, contacts, volumes….
Cet état des lieux se retrouve à chaque début et fin de séance, avec le « constat initial » et le
« constat final ».
La constatation des changements entre le début et la fin de la séance peut se faire en terme de
changements d’appuis ou de présence/absence de signes.
Exemples d’observations en terme de changements d’appuis :
Mlle G. (séance 11, allongée) exprime qu’elle sent plus d’appuis qu’en début de séance
(« mes jambes sont plus écrasées, mon bassin plus appuyé »).
Exemples d’observations en terme de présence/absence de signes :
Mme D (séance 4) le constat initial étant de tourner la tête tranquillement de droite à gauche,
elle constate alors une « tension à droite ».
En constat final, elle observe ne plus ressentir de craquements quand la mâchoire se déplace
en diduction (de droite à gauche).
2 - L’image de soi
2.1. Comprendre la cohérence de l’organisation du
patient et partir de ce qu’il fait
Les mouvements proposés permettent d’avoir une image de soi plus claire et différenciée. Il
nous semble que pour avoir une image de soi plus claire, il faut d’abord comprendre la
cohérence de ce que l’on fait. Pourquoi effectue-t-on un mouvement ainsi, comment le
ressent-on… ?
*Cohérence de son organisation : L’idée est que son organisation est cohérente et que s’il agit
d’une façon c’est qu’il ne peut pas faire autrement. Le thérapeute cherche à l’en rendre
conscient.
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
50
Exemple d’observations : Mlle G juge son comportement lingual de façon très négative ; elle
parle souvent se da langue comme une « grosse masse », « grosse fainéante » ; et en parlant
d’elle-même : « je suis bête de faire comme ça ». Dans ces moments-là, le thérapeute a pour
rôle de lui faire comprendre sa cohérence, l’aider à ne pas être dans un jugement négatif de
lui-même et de ce qu’il fait.
Les praticiens Feldenkrais répètent souvent qu’il faut être bienveillant envers soi-même, « ne
pas être jugeant »
* Partir de ce qui est déjà mis en place
L’idée n’est pas de juger si le patient « fait bien » ou non mais de comprendre son
fonctionnement avant de lui proposer d’autres façons de faire. Le thérapeute ne cherche pas à
le mettre dans un modèle extérieur, mais se base sur ce que la personne connaît déjà d’elle-
même, a développé en terme de sensibilité kinesthésique…
Exemple d’observations :
Mme D (séance 3) dans un mouvement d’ouverture de bouche, a une ouverture « déviée », un
peu asymétrique. L’orthophoniste lui demande donc de le faire de façon asymétrique pour
aller dans son sens avant de rompre l’habitude en le faisant autrement.
2.2. Faire des liens entre les séances et le vécu quotidien
Clarifier l’image que l’on a de soi-même et de ses mouvements passe aussi par la capacité à
faire des liens entre les séances et ce qui peut être ressenti au quotidien.
Exemples d’observations
- Mlle G (séance 4) après les exercices myotensifs, exprime sentir des traces derrière la tête ;
cela lui rappelle des douleurs : elle raconte avoir eu très mal aux mâchoires la veille (« ma
langue poussait à mort contre mes dents…ça a été très douloureux pour la mâchoire ».).
Par ailleurs, quand elle expérimente les différentes postures en déplaçant son poids vers
l’avant ou l’arrière, elle fait le lien avec la « gym du RER parisien » qu’elle connaît bien
- A la séance sur la différenciation mandibule/tête de droite à gauche, les patients
expérimentent la différenciation entre un mouvement de tête et des yeux : dans des situations
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
51
quotidiennes, les yeux peuvent s’orienter, indépendamment de la tête (ex : quand on lit le
journal du voisin dans le métro).
3 - Différencier, rompre les habitudes, aller lentement
Rompre les habitudes : C’est le principe même de la « différenciation » ; les différenciations
sont mises en place dans de nombreuses mises en situation. L’objectif est de ne pas rester
dans des habitudes mais au contraire de proposer des mouvements inhabituels. Rompre les
habitudes peut être dérangeant.
Exemples d’observations :
- Mr P (séance 5) : pour la consigne de « bouger la tête mais pas la mâchoire », exprime le fait
que « ce n’est pas naturel ! ».
- Mme D (séance 4), quand il s’agit de différencier la direction des yeux de celle de la tête,
semble très gênée, mais amusée, de ce mouvement inhabituel.
- De façon générale, une consigne qui étonne beaucoup de patients est celle d’ « ouvrir la
bouche par le haut ». Beaucoup ont une mimique étonnée. En effet, ouvrir la bouche est
souvent vécu comme un abaissement de la mandibule, la mâchoire supérieure restant fixe.
Cependant, une rotation sur l’articulation cervico-crânienne permet aussi que la bouche
s’ouvre, tant en gardant la mandibule fixe.
Laisser du temps :
La consigne de lenteur est omniprésente dans la méthode Feldenkrais. Du temps est
nécessaire pour les explorations ainsi que pour des pauses entre les différentes explorations,
pour avoir le temps de programmer le geste, ce qui permet d’avoir une action efficace et une
action qui corresponde à l’intention désirée.
Cette consigne n’est pas toujours facile à appliquer, certains patients ont tendance à être plutôt
dans un état d’esprit de « gymnastique »
Exemples d’observations : Mr Pr et Mme D. vont souvent vite ; l’orthophoniste doit souvent
leur rappeler la consigne de lenteur, douceur.
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
52
4 - Le rôle du thérapeute
* Le thérapeute est un guide qui va permettre au patient de focaliser son attention sur un
certain nombre d’éléments, à partir des questions ouvertes.
L’orthophoniste peut aussi donner un retour de ce que le patient fait, lui rappeler les principes
(de lenteur, douceur…).
Exemple : (à Mme D séance 4 :« attention vous allez un peu trop loin/ trop vite »)
* Il s’adapte aux possibilités du patient, à son organisation…
* Il dispose de nombreuses formulations pour la même consigne dans le but de faire varier les
points de vue, et de s’adapter au mieux à ce qui va « parler » au patient.
Exemple pour la consigne d’ouverture de bouche « par le haut » :
- « est-ce possible d’imaginer que les dents du haut s’éloignent des dents du bas ? »
- « est-ce possible d’imaginer que le nez s’éloigne du menton sans que le menton ne soit
embarqué ? »
- « pensez-vous pouvoir ouvrir la bouche par le haut ? »
- « comment faire décrire à votre nez une courbe dans l’espace ? »
* Le thérapeute s’appuie sur ses connaissances en anatomie et physiologie afin d’apporter des
éclairages théoriques qui peuvent aider le patient à mieux se représenter certaines parties de
son corps.
Exemples d’observations :
Dans l’exercice des « masséters », l’orthophoniste explique le trajet des ces muscles, pour que
le patient puisse se le visualiser, elle peut aussi être amenée à décrire l’articulation temporo
mandibulaire entre les 2 mâchoires qui permet d’ouvrir la bouche non seulement « par le
bas » mais aussi « par le haut ». « Il y a une articulation permettant que tête et mâchoire aient
des mouvements différenciés. » On peut faire un parallèle avec les séances Feldenkrais, dans
lesquelles certains praticiens commencent par montrer un squelette ou des schémas pour
clarifier la partie travaillée.
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
53
* Dans ce genre de rééducation, le thérapeute ne touche pas le patient. Contrairement par
exemple aux thérapies manuelles ou à l’ostéopathie, il n’y a pas de manipulation du patient en
« Prise de conscience par le mouvement » de la Méthode Feldenkrais. Par contre si
l’orthophoniste s’inspire de la branche « Intégration Fonctionnelle » de cette méthode, elle
peut être amenée à toucher le patient, lui faire exécuter passivement certains mouvements.
* Pour pouvoir utiliser les principes de Feldenkrais, le thérapeute doit avoir une longue
pratique sur lui-même, et être suffisamment à l’aise pour le mettre en place avec des patients
5 - La (non) verbalisation et les images mentales
Certains patients utilisent des images :
- Mr Pr séance 3 en parlant de sa papille rétro palatine : « Il y a une zone intermédiaire entre
la fin des dents et le creux du palais, c’est plus en relief, un peu comme du sable dans l’eau ».
- Mme D : parle de « langue en forme de cuillère » ou de « siège » selon si elle est bombée ou
creusée.
Des patients veulent décrire leurs sensations mais éprouvent des difficultés à le faire :
Exemple : Mme D (Séance 7) quand elle doit faire « rouler une bulle imaginaire » entre sa
langue son palais, exprime : « ça fait des petits mouvements mais j’ai du mal à décrire ».
Rappelons que la consigne n’est pas qu’ils verbalisent mais bien qu’ils restent dans leurs
sensations.
Donner des images mentales peut permettre au patient de mieux « visualiser » certaines
parties du corps que l’on n’a pas l’habitude d’explorer ; parfois celui-ci trouve des images lui-
même ; il faut alors les utiliser puisque ce sont celles qui lui « parlent ».
Exemples : Dans la première séance, l’orthophoniste propose un « état des lieux » en bouche.
Concernant plus particulièrement le palais, on peut lui demander s’il le sent plutôt comme une
« voûte romane ou gothique », de sentir les « mamelons, creux, bosses » de la face cachée des
dents… .Pour la papille, on peut donner l’image d’une sorte de « tapis antidérapant » ;
concernant l’ouverture de bouche « par le haut », utiliser l’image d’une « boîte qui peut
s’ouvrir par le couvercle »…
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
54
Mlle G compare le point neutre de la mâchoire comme le « jeu » en mécanique.
Les termes utilisés par les patients sont intéressants ; les comparaisons qu’ils peuvent faire
nous montre leur vision personnelle même s’il est souvent difficile de verbaliser des
sensations.
6 - Expression de la personnalité du patient
Elle se révèle souvent dans la réponse à la consigne, ou dans la réaction (verbale ou non
verbale).
Par exemple, une patiente vue une seule fois parle beaucoup pendant les séances, demande
souvent si ce qu’elle ressent est normal, pose beaucoup de questions sur la méthode et se rend
compte que « c’est une façon d’intellectualiser », elle avoue : « j’ai l’impression que ça va à
l’encontre de mon tempérament », en effet elle se décrit comme très « speed », à « faire tout
le temps des mouvements rapides », et elle a des difficultés à entrer dans la consigne de
lenteur.
Mr Pr semble lui aussi avoir des difficultés à entrer dans la consigne de la lenteur et de la
sensation kinesthésique. Ce directeur commercial habitué à diriger, ne semble pas très réceptif
quand il s’agit de faire des mouvements lents et « petits ». Cette réaction peut manifester une
réaction défensive, correspondant à sa personnalité.
Par ailleurs, il ne semble pas faire de lien entre la prise en charge proposée et sa plainte
(tendinite à l’épaule). En effet, après 5 séances, il exprime qu’il n’a «aucune amélioration au
niveau de l’épaule ».
Il a besoin d’être rassuré, de comprendre en quoi un travail sur son comportement lingual
(pathologique) entraînera un relâchement de ses tensions induites par la langue, et aura un
effet sur ses douleurs à distance. Il est dans une demande de résultats rapides.
Mlle G quant à elle nous révèle une personnalité complexe ; fragilisée par un grave accident
de la voie publique, ses douleurs semblent être une décompensation d’autres troubles (elle a
eu beaucoup d’antécédents médicaux). Elle est dans une période post-traumatique difficile, et
est en demande de nombreux soins (suivi kinésithérapeutique, ostéopathique,
podologique…) ; elle verbalise beaucoup, essentiellement en termes de douleurs (que ce soit
des douleurs ressenties en séance ou en dehors des séances) ; (« ma langue vient se ratatiner
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
55
contre mes dents, vient en butée sur mes dents (…) avaler me fait mal, comme si j’avais tiré
sur un fer à cheval toute la journée ! »)
ETUDE DE CAS MR P.
1 - Grille synthétique des 16 séances de Mr P.
Cette grille synthétique reflète la trame de la rééducation de Martine Joly, mais le contenu
n’est évidemment pas figé, il est adapté en fonction de la progression de Mr P.
N° et intitulé de la séance
Intention de la séance
Exemples de mises en situations
1 « Etat des lieux »
Etat des lieux de l’espace et des mobilités en bouche ; repérage de la papille palatine.
Exploration de l’espace buccal de mobilité (orientations, parties mobilisées), configuration des lieux, sensation de volume…
2 « Les élastiques »
Sentir l’ouverture de bouche par le fond (niveau molaires), clarifier la trajectoire d’ouverture.
Imaginer des élastiques créant une résistance en ouverture ou fermeture de bouche. Des repères internes (dents) ou externes (nez-menton-sternum) permettent d’intégrer tous les éléments entrant en jeu dans ce mouvement.
3 « Les masséters »
Détente musculaire de la mâchoire ; liberté de mouvement de la mâchoire.
Etirement lent et passif des masséters par les doigts du patient ; possibilité de sentir l’ouverture donnée et la détente musculaire.
4 « Exercices myotensifs de Mitchell »
Travailler en synergie les muscles agonistes et antagonistes de la mâchoire
Mise en tension et relâchement très progressifs des muscles de la mâchoire, contre une résistance (les doigts du patient), dans diverses orientations ; possibilité de sentir l’ouverture et les orientations de mouvement possibles de la mâchoire à partir du « point neutre »
5 Différenciation mandibule/ Tête Haut/Bas puis Droite/Gauche
Retrouver une liberté de mouvement de la mâchoire en différenciant les mouvements de la tête et ceux de la mandibule ;
Ht/Bs : ouverture de la bouche « par le couvercle » ; grâce à l’articulation cervicale de la mâchoire et à l’ATM. D/G : trajets où tête et mandibule vont dans le même sens puis en sens inverse…grâce à l’ATM ; aide des yeux qui peuvent être tantôt conducteurs tantôt suivre le mouvement ;
6 Différenciation mandibule
Prendre conscience de l’influence de la
Mouvements avant/arrière de la tête ; on donne des repères par rapport aux épaules, au tronc, à la posture, le
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
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/ Tête (Avt / Arr)
position de la mandibule par rapport à la tête, au tronc, à la posture statique et dynamique
« personnage » que cela donne
7 « Lèvres »
Développer la mobilité labiale pour pouvoir mettre la mandibule au repos
Développer la mobilité labiale en fermeture et en propulsion, indépendamment de la mobilité de la mandibule
8 « Les parties de la langue »
Clarifier les différentes parties de la langue : (apex, dos, partie postérieure, bords) ; bien se les représenter avant de les mobiliser
Le patient se représente mentalement l’image statique (au repos) et dynamique (en action) qu’il a de chaque partie de sa langue (contours, rapports, distances…) ; prise de conscience de leur utilisation au repos et en fonction ; puis début d’exploration des mobilités
Meilleure prise de conscience des différentes parties de la langue
« Cartographie » des points d’appuis au sol pris par le corps « des pieds à la tête », prise de conscience des orientations de la langue dans l’espace buccal, des contacts pris, du volume dégagé…selon la position du patient
10 « La bulle »
Clarifier le dos de langue, permettre de relâcher un dos de langue « tenu » au repos
Passer par une bulle imaginaire qui s’expand ; sentir quelle partie de la langue est activée pour venir comprimer l’avant, le milieu, l’arrière de la bulle ; observation des phonèmes (/i/, /é/, /è/)
11 « Pointe de langue retournée-glissante »
Sentir comment les différentes parties de la langue sont reliées (en particulier le dos et les bords de langue) ce qui trouvera son application dans la posture linguale au repos et en déglutition
Plusieurs mises en situations où le dos de langue et bords de langue sont tour à tour accompagnateurs puis initiateurs d’un mouvement de retournement de l’apex
12 «Déglutition»
Vérifier que les pré-requis à la déglutition physiologique sont en place.
- « Piston » (M. Fournier) : pression de l’apex et bords de langue sur le pourtour du palais, - déglutition bouche ouverte, - déglutition (salive).
13 « Ventilation
Prise de conscience des mouvements
Prise de conscience du trajet de l’air, et de son actualisation dans le corps entier
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
57
narinaire » respiratoires et de leur influence sur la posture et influence du comportement lingual sur le développement respiratoire.
14 Relâchement du dos de langue
Relâcher le dos de langue, différencier son activité de celle de l’apex.
Prise de conscience de la réalisation des phonèmes /t/, /d/, /n/, /l/ selon si c’est l’apex ou le dos de langue qui est actif au palais
15 Bords de langue
Stabiliser latéralement les bords de langue ; obtenir un contact plus large à l’avant
Travail d’abord d’un seul côté (« travail décentré ») : la langue est stabilisée d’un côté ; ouverture/fermeture de bouche sans déstabiliser la langue et inversement.
2 - Progression de la prise en charge ; suivi
orthophonique ; éclairages ostéopathiques et
podologiques.
2.1. Bilans initiaux et objectifs du traitement
A - Bilan orthophonique
Le bilan orthophonique de Mr P. est présenté en annexe 10.
Nous en rappellerons ici quelques éléments.
ANAMNÈSE
Mr P., 44 ans, commercial, sportif.
A l’origine, sa plainte s’adresse à son médecin-ostéopathe (Dr Joly) pour des dorsalgies et
lombalgies. Ce dernier suspectant une origine linguale à ses douleurs, il est adressé à
l’orthophoniste qui effectue un bilan.
Le patient rapporte :
• Sensation d’encombrement par la langue au repos et en phonation
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
58
• Problèmes vocaux avec des antécédents asthmatiques
• Respiration buccale (jour, nuit et effort)
EXAMEN
L’examen montre :
• Malposition linguale au repos et en fonction:
o Contact « apical addental inférieur et dorsal-palatin » ; point d’articulation
dorsal palatin sur les /t, /d/, /n/ ; « langue bombée ».
o Dents en contact et propulsion linguale entraînant une compression méniscale.
o Langue « bombée »
• Déglutition atypique avec pression linguale antérieure dans la mandibule
• Trouble occlusal dans le sens sagittal (dents en bout-à-bout)
• Dysfonction de l’articulation mandibulaire : craquement de l’Articulation Temporo-
mandibulaire (ATM) gauche en ouverture et diduction* ; mastication unilatérale
gauche exclusive
B - Eclairage ostéopathique
Dr Joly diagnostique un trouble postural de type « vrille en 3 plans ».
Sur les photos (annexe 8), on peut voir :
Sur la photo de profil (annexe 8 a)
On peut voir ici le décalage des plans entre tête, omoplates et fesses.
Sur la photo de dos (annexe 8 b)
On note que l’épaule gauche est plus haute que la droite.
C - Eclairage podologique
Les empreintes podales (annexe 8 c) révèlent que les points d’appui ne sont pas répartis
uniformément : les pieds sont spasmés, ce qui peut se voir par les appuis plus marqués au
niveau des talons et au niveau avant droit. (Zone plus claire)
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
59
2.2. Présentation et analyse des séances de Mr P.
SÉANCE N°1 – « ÉTAT DES LIEUX » - (05/09/2005)
PRÉSENTATION DE LA SÉANCE
INTENTION DE LA SÉANCE : Etat des lieux de l’espace et des mobilités en bouche ; du
volume de la langue, des mobilités…
CONSTAT INITIAL : Prise de conscience de l’espace, le volume, les mobilités de la langue
etc.
EXEMPLES DE MISES EN SITUATION :
Les questionnements du thérapeute permettent au patient de porter son attention sur :
• le volume (occupé/libre…),
• l’espace (espace disponible/modulable),
• les mobilités (ex : orientations de langue possibles sans prendre aucun contact et
organisation que cela demande (reculer la langue ?, ouvrir la bouche ?, monter la
langue ?...)
Toutes les orientations de la langue sont testées (avant/ arrière, haut/bas, droite/gauche), le
patient observe lesquelles laissent le plus de place ; On propose de sentir l’action des points
d’attaches laryngés quand la langue est dans un mouvement de propulsion*/ rétropulsion*
• les parties de la langue : pour chaque orientation, quelles parties sont mobilisées,
impliquées ? (toute la langue ou juste une partie ?)
• la configuration des lieux : par une exploration par la langue du palais (sa forme, sa
texture), des dents (leur face tranchante, leur face interne…)
• Repérage de la papille palatine : est-ce un espace connu ? (au repos, en phonation, en
déglutition), la langue s’y pose parfois, y a-t-il de la place pour la langue ?
• Si la langue monte vers la papille, quelle trajectoire faudrait-il suivre?
CONSTAT FINAL ET OBSERVATIONS
Espace en bouche : le patient découvre que ses dents serrées ne permettent pas à sa mâchoire
de se relâcher et qu’il manque de place. En desserrant les dents, il a moins de tensions dans la
mandibule et il crée un espace de mobilité pour la langue.
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
60
Pour les orientations, l’orientation verticale de la langue lui donne le plus de place, mais à
condition que le mouvement soit local (avec la pointe de la langue seule).
L’orientation droite/ gauche est plus contraignante et il remarque que ce mouvement entraîne
aussi celui de la mandibule.
La papille palatine est repérée, le patient découvre que c’est son dos de langue qui y repose
au repos et en fonction, et non l’apex.
Il a sentis les liens entre langue et larynx lors du recul de la langue qui entraîne les points
d’attaches laryngés.
ANALYSE DE L’INTÉRÊT DE CETTE SÉANCE POUR CE PATIEN T
Dans le bilan, le patient parlait d’une langue « volumineuse, encombrante », en butée sur les
dents de devant. Le bilan avait aussi été l’occasion de prendre conscience que la motricité
linguale était indifférenciée de celle du larynx (il le remarque quand il est dans un
mouvement de propulsion), ce qui crée des tensions laryngées.
Cette séance a permis au patient de clarifier les espaces de mobilité, et de prendre conscience
de la cohérence de son organisation.
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
61
SÉANCE N°2 – « LES ÉLASTIQUES » - (12/09/2005)
PRÉSENTATION DE LA SÉANCE
INTENTION DE LA SÉANCE : Sentir l’ouverture de bouche par le fond, au niveau des
molaires. Clarifier la trajectoire d’ouverture en donnant des repères internes (entre les dents)
et externes (entre le nez et le menton ; entre le menton et le sternum).
Sentir le « scénario » qui se met en route quand on a l’intention d’ouvrir la bouche.
MOUVEMENT DE RÉFÉRENCE ET CONSTAT INITIAL :
Mouvement de référence : Ouvrir/ fermer la bouche
Constat initial : Porter son attention sur le développement du mouvement d’ouverture : est-il
symétrique ? Dévié ? Fluide ? Y a-t-il des résistances ?...
EXEMPLES DE MISES EN SITUATIONS :
Ouvrir et fermer la bouche très lentement contre la résistance d’un élastique imaginaire. On
rappelle au patient qu’on ne fait pas le mouvement pour le mouvement mais que c’est
l’attention portée au mouvement qui est importante.
L’élastique est installé à différents endroits :
• Entre les incisives centrales : observer l’ouverture de bouche, la transformation de
l’espace en bouche, le développement de la respiration etc.
• Entre les molaires : il choisit le côté qu’il se sent le mieux pour étirer et se laisser
ramener par l’élastique.
• Sentir l’asymétrie entre côté travaillé/ non travaillé ; voir la réaction de la langue, la
transformation du visage etc.
• L’autre côté est fait en imagination, puis réellement
Les repères donnés sont :
• Internes : entre les incisives et les molaires
• Externes : la ligne nez/menton et la ligne menton/sternum
CONSTAT FINAL
Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS
62
Au fur et à mesure on demande au patient de porter son attention sur les éventuelles
résistances, d’observer si l’ouverture de bouche se développe de la même manière selon si
l’attention est portée sur la trajectoire d’ouverture, l’espace développé…
En constat final, le patient reprend le mouvement ouverture/fermeture de bouche et observe
comment l’espace s’est développé, voire transformé, par rapport au mouvement de référence.
Remarques
Au cours de cette séance, Mr P a constaté une difficulté à « étirer les élastiques »du côté
gauche. L’orthophoniste lui rappelle que c’est aussi de ce côté qu’il mastique de façon
privilégiée.
A la fin de cette séance, Mr P. prend conscience que tout le côté gauche de son corps travaille
plus.
ANALYSE DE L’INTÉRÊT DE CETTE SÉANCE POUR CE PATIEN T
INTÉRÊT PAR RAPPORT A CE PATIENT :
Cette séance est particulièrement importante pour ce patient qui souffre d’un trouble de
appui à la jonction, bi-rétro-incisif bi-proalvéolie
� interposition plus ou moins importante (fréquent)
Comportement lingual Conséquences éventuelles sur a rticulé
dentaire
limitée à la pointe de la langue infraclusion incisive
de toute la partie antérieure de la langue infraclusion antérieure
Les bords latéraux de la langue
- ils s’interposent généralement entre les arcades, l’occlusion molaire ne peut se faire ;
cette interposition latérale peut être la cause d’infraclusion latérale
- ils exercent une force importante contre les segments latéraux au lieu d’exercer leur
force au palais, sans forcément être entre les arcades
- appui ou interposition latérale très limités au niveau des prémolaires
ANNEXE II
119
Partie postérieure de la langue
- difficultés à s’élever ; le mouvement puissant d’élévation postérieure lots de la phase
pharyngée de la déglutition ne se déclenche pas facilement
- souvent insensibilité au fond de la gorge : le réflexe nauséeux peut être inexistant ou
très postérieur
Les lèvres
A la déglutition, elles se contractent fortement pour assurer une fermeture
II- Articulation
« Nous ne considérons comme normale que l’articulation ne changeant pas l’équilibre
musculaire aboutissant à la formation d’arcades dentaires normales tout en produiantt un
son « juste » sur le plan auditif. » (1988, p 70).
Une articulation sera considérée comme pathologique lorsqu’il y aura présence des mêmes
forces pathologiques que lors de la déglutition.
III- Position de repos
Position de repos physiologique
Langue Bombée dans la cavité buccale , frôlant la voûte palatine
Pointe de langue En regard des incisives inférieures, sans appui incisif
maxillaires Espace libre vertical interarcades de 2 à 3 mm
lèvres Fermées mais souples ; fente labiale à 2 mm au-dessus du bord
occlusal des incisives inférieures
Position de repos pathologique
Langue En position interdentale ou addentale
maxillaires Espace libre vertical interarcades supérieur à 3 mm ; mandibule en
position basse
lèvres Pas fermées, « tombent »
IV- Respiration
La respiration physiologique est naso-nasale ; la cavité buccale peut donc être fermée.
Différentes causes à une respiration perturbée : obstruction des fosses nasales, asthme,
amygdales hypertrophiées…
ANNEXE II
120
On parle respiration perturbée quand elle est buccale ou mixte ; ce qui entraîne une position
de repos pathologique par l’ouverture de bouche et modification du tonus général.
ANNEXE III
121
ANNEXE III : STRUCTURATION DE LA COLONNE
VERTEBRALE CHEZ LE BEBE (CAMPIGNION, 2001)
ANNEXE IV
122
ANNEXE IV : MATURATION NEUROLOGIQUE DE LA
SUCCION-DEGLUTITION (SENEZ, 2002)
ANNEXE V
123
ANNEXE V : INTERDEPENDANCE ENTRE OCCLUSION ET
POSTURE (PERDRIX, 1997)
Réaction en chaîne sur les
muscles sous-jacents
Occlusion dentaire
Position podale équilibrée ou
modifiée
Position de la mandibule
Position des ATM
(Articulations-Temporo-
Mandibulaires)
Contraction équilibrée ou
déséquilibrée de la
musculature mandibulaire
Position de l’os hyoïde dans
les 3 positions de l’espace
PROBLÈ
ME D
ESCENDANT PR
OBLÈ
ME A
SCENDANT
Ce schéma montre l’interdépendance entre occlusion et posture podale. Il est nécessaire de faire un diagnostic différentiel entre problème ascendant et descendant.
ANNEXE VI
124
ANNEXE VI : LA GLOSSOPTOSE (TIRE DE JOLY, 2002)
ANNEXE VII
125
ANNEXE VII : BILAN ORTHOPHONIQUE DE MARTINE JOLY
ANNEXE VII
126
ANNEXE VII
127
ANNEXE VII
128
ANNEXE VIII
129
ANNEXE VIII : SUIVI DE MR P. : PHOTOS ET EMPREINTES PODALES
1 - Photos de profil
Après 12 séances Après 16 séances Début de prise en charge
ANNEXE VIII
130
2 - Photos de dos
Début de prise en charge Après 12 séances Après 16 séances
ANNEXE VIII
131
3 - Empreintes podales
Après 12 séances
Après 16 séances
Début de prise en charge
ANNEXE IX
132
ANNEXE IX : RESUMES DES BILANS ORTHOPHONIQUES
INITIAUX DES CINQ PATIENTS SUIVIS
Abréviations utilisées / définitions:
ATCD : antécédents
ATM : Articulation Temporo-Mandibulaire
Diduction : mouvement de gauche à droite et inversement
Propulsion : mouvement vers l’avant
Rétropulsion : mouvement vers l’arrière
Après avoir présenté le patient et son médical, nous n’avons choisi de ne garder que
certains éléments du bilan, à savoir les troubles au niveau de l’ATM, la posture de langue et
la respiration.
Mr P., 44 ans, commercial
PLAINTE : ATCD : troubles respiratoires (asthme)
SUIVI (PARA)MEDICAL
Résumé des troubles :
ATM : craquement de l’ATM gauche en ouverture et diduction ; mastication unilatérale à
gauche.
POSTURE DE LANGUE
- Malposition linguale au repos et en fonction : Au repos « Contact apical addental
inférieur et dorsal-palatin » ; En fonction : « point d’articulation dorsal palatin sur les
/t, /d/, /n/ » ; « déglutition atypique avec pression antérieure dans la mandibule »
- Problèmes vocaux (tensions laryngées, problèmes de portée vocale, fatigabilité)
RESPIRATION
- Respiration buccale (jour, nuit et effort)
Mme D, 41 ans, secrétaire comptable
ANNEXE IX
133
PLAINTE : blocage cervical
ATCD : traumatiques (accident circulation, plusieurs entorses cervicales…)
SUIVI (PARA)MEDICAL : kinésithérapie
Résumé des troubles :
ATM : dysfonction de l’ATM dans ses 3 orientations de mouvement (claquements en
ouverture et diduction, propulsion/rétropulsion) ; indifférenciation des mouvements de
mandibule de ceux de la tête et des lèvres (en diduction)
POSTURE DE LANGUE : malposition linguale au repos (contacts antérieurs et latéraux
addentaux supérieurs) et en fonction (troubles d’articulation sur les palatales antérieures :
Langue et posture ........................................................................................ 15
1 - La posture................................................................................................... 15
1.1. Définition de la posture.............................................................................15 1.2. Les chaînes musculaires............................................................................17
2 - Les liens entre bouche et posture................................................................ 18
2.1. Eléments de phylogenèse et ontogenèse .....................................................18 2.2. Liens entre occlusion et posture .................................................................20
3 - Les troubles du comportement lingual cause de troubles posturaux ............ 20
3.1. Introduction sur l’ostéopathie ....................................................................20 3.2. Premières observations : P. Robin ..............................................................22 3.3. Les chaînes musculaires déséquilibrées : Denys-Struyf, Campignion................22 3.4. Approche pluridisciplinaire des troubles posturaux et description de la « vrille en 3 plans » (P. Joly) ..............................................................................................24
La méthode Feldenkrais ................................................................................ 26
2 - Sa méthode................................................................................................. 27
3 - Principes de base ........................................................................................ 27
Approche diagnostique et rééducative de la dysfonction linguale : approche de M. Joly............................................................................................................ 29
1 - Le bilan : éléments particuliers ................................................................... 30
TABLE DES MATIERES
140
2 - La rééducation ............................................................................................ 31
PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES.................................................................. 32
Généralités sur le déroulement de la rééducation par l’orthophoniste................... 39
1 - Principes particuliers à cette approche........................................................ 39
1.1. Guidage verbal du thérapeute :..................................................................39 1.2. Le mouvement est utilisé non pour lui-même mais comme un support pour le plan de l’acte. ....................................................................................................39 1.3. Les mouvements sont toujours lents et de faible amplitude ............................40 1.4. Respecter une cohérence dans l’évolution des séances : ................................40
2 - Objectifs et trame générale de la rééducation ............................................. 41
3 - Trame suivie à chaque séance. .................................................................... 42
3.1. Intention ................................................................................................42 3.2. Constat initial ..........................................................................................42 3.3. Mouvement de référence...........................................................................43 3.4. Exploration .............................................................................................43 3.5. Constat final............................................................................................43
PRESENTATION DES RESULTATS.................................................................... 45
TABLE DES MATIERES
141
Analyse transversale des patients suivis .......................................................... 46
1 - Exploration kinesthésique- ressenti du patient............................................ 46
1.1. Installation du patient...............................................................................46 1.2. Changement de position : effet de la pesanteur............................................47 1.3. Sensibilité kinesthésique ...........................................................................47 1.4. Absence de modèle ..................................................................................48 1.5. « Etat des lieux », avant et après exploration...............................................48
2 - L’image de soi............................................................................................. 49
2.1. Comprendre la cohérence de l’organisation du patient et partir de ce qu’il fait...49 2.2. Faire des liens entre les séances et le vécu quotidien ....................................50
3 - Différencier, rompre les habitudes, aller lentement..................................... 51
4 - Le rôle du thérapeute.................................................................................. 52
5 - La (non) verbalisation et les images mentales............................................ 53
6 - Expression de la personnalité du patient ..................................................... 54
Etude de cas Mr P. ....................................................................................... 55
1 - Grille synthétique des 16 séances de Mr P................................................... 55
2 - Progression de la prise en charge ; suivi orthophonique ; éclairages ostéopathiques et podologiques......................................................................... 57
2.1. Bilans initiaux et objectifs du traitement ......................................................57 2.2. Présentation et analyse des séances de Mr P. ...............................................59 2.3. Contrôles en fin de 12ème séance ..............................................................82 2.4. Contrôles finaux.......................................................................................89
DISCUSSION DES RESULTATS ....................................................................... 92
Conclusions de l’étude de cas......................................................................... 93
1 - Conclusion des contrôles orthophoniques.................................................... 93
2 - Conclusion des contrôles ostéopathiques .................................................... 94
3 - Conclusion des contrôles podologiques ....................................................... 95
Validation des hypothèses ............................................................................. 96
1 - Validation de la première hypothèse et réserves ......................................... 96
2 - Validation de la deuxième hypothèse et réserves ........................................ 97
Réflexions à partir des observations des séances des patients ............................ 98
1 - Personnalité des patients............................................................................ 98
2 - Intérêts de l’approche Feldenkrais dans une rééducation linguale............... 98
3 - Réserves sur l’approche Feldenkrais ......................................................... 101
TABLE DES MATIERES
142
Limites de l’expérimentation .........................................................................102
2.1. Réflexion sur le travail pluridisciplinaire .....................................................106 2.2. Pistes de recherches...............................................................................107
Annexe I : Résumé du bilan de Nicole Maurin (Maurin, 1988) ............................114
Annexe II : Tableaux récapitulatifs des principales caractéristiques des fonctions buccales physiologiques et pathologiques chez l’adulte (tiré de Maurin, 1988)......117
Annexe III : Structuration de la colonne vertébrale chez le bébé (Campignion, 2001)................................................................................................................121
Annexe IV : Maturation neurologique de la succion-déglutition (Senez, 2002) ......122
Annexe V : Interdépendance entre occlusion et posture (Perdrix, 1997)..............123
Annexe VI : La glossoptose (tiré de Joly, 2002) ...............................................124
Annexe VII : Bilan orthophonique de Martine Joly ............................................125
Annexe VIII : Suivi de Mr P. : photos et empreintes podales .............................129
1 - Photos de profil......................................................................................... 129
2 - Photos de dos ........................................................................................... 130
Annexe IX : Résumés des bilans orthophoniques initiaux des cinq patients suivis .132
Annexe X : Eléments du bilan orthophonique initial de Mr P...............................136
Table des Illustrations..................................................................................138
TABLE DES MATIERES
143
1 - Liste des Schémas..................................................................................... 138
Table des Matières ......................................................................................139
Mathilde DU PONTAVICE
LANGUE ET POSTURE : Apport de la méthode Féldenkrais dans la réeduction linguale
138 Pages
Mémoire d'orthophonie -UCBL-ISTR - Lyon 2006
RESUME
La langue est le maillon d’une chaîne et son comportement est intimement lié à la posture. Quand la langue dysfonctionne, c’est donc tout le corps qui peut s’en trouver affecté. Pour le thérapeute en charge de rééduquer la dysfonction linguale, ce regard global modifie la démarche diagnostique et rééducative.
Ici, nous nous intéressons à une approche fondée sur la kinesthésie, la méthode Feldenkrais, dont certains orthophonistes peuvent s’inspirer.
Nous avons voulu vérifier l’incidence d’une rééducation de la langue sur la posture, en posant comme hypothèses que cette rééducation permettrait à la langue d’avoir un comportement plus physiologique et entraînerait une diminution des douleurs du patient ainsi que des modifications posturales.
L’expérimentation s’est déroulée chez une orthophoniste utilisant les principes de la méthode Feldenkrais. Les résultats comportent deux parties. D’une part, une analyse transversale dans laquelle nous illustrons l’application des principes de la méthode Feldenkrais par des observations issues des séances de cinq patients suivis.
D’autre part, l’étude de cas d’un patient, à travers le déroulement de sa prise en charge. Nous nous sommes appuyés sur des contrôles orthophoniques, ostéopathiques et podologiques pour vérifier la progression de la rééducation.
Au final, les hypothèses sont validées car la rééducation de la langue a permis au patient étudié d’acquérir un comportement lingual physiologique. Par ailleurs, un rééquilibrage postural a aussi pu être mis en évidence.
MOTS-CLES
LANGUE – POSTURE - KINESTHESIE – METHODE FELDENKRAIS- OSTEOPATHIE