18 février 2009 - 50 I 1 Faut-il, dans la crise, aplatir ou pentifier les courbes des taux d’intérêt ? Les gouvernements et les Banques Centrales peuvent hésiter sur l’attitude à adopter quant aux pentes des courbes des taux d’intérêt, dans les récessions ou les situations de crise : −ils peuvent être tentés d’aplatir les courbes des taux (ce qui a été évoqué récemment aux États-Unis) ; par des achats d’obligations à long terme ; afin de réduire les coûts de financement de l’économie, de favoriser (aux États-Unis) le refinancement des crédits immobiliers à des taux d’intérêt plus faibles ; −mais ils peuvent être tentés, au contraire, de pentifier les courbes des taux, en baissant fortement les taux courts, en accroissant le financement à long terme du déficit public, de manière à accroître la profitabilité des banques et leurincitation à distribuer du crédit (ce que la banque du Japon a essayé de faire dans la crise bancaire). Le choix entre ces deux pistes contradictoires dépend finalement de la cause du freinage du crédit : si c’est le recul de la demande de crédit, il vaut mieux aplatir les courbes des taux ; si c’est le recul de l’offre de crédit, il vaut mieux pentifier les courbes des taux. Aujourd’hui, le recul de la demande domine, et il faudrait donc aplatir les courbes des taux, ce qui est l’opposé du mouvement observé. 1 – Pourquoi aplatir les courbes des taux d’intérêt dans la crise ? Quelques pays (Espagne, Italie, Royaume-Uni) sont financés essentiellement à court terme, mais les autres pays une partie importante des financements des ménages (tableau 1) et des entreprises (graphiques 1 a – b) est réalisée à long terme. Tableau 1 Part des taux variables dans les prêts immobiliers (%, 2006) Taux variable Taux fixe Etats-Unis 35 65 Royaume-Uni 85 15 Allemagne 15 85 France 35 65 Italie 85 15 Espagne 95 5 Source : Banques Centrales nationales Graphique 1 a Etats-Unis : crédit aux entreprises (en % PIB) 10 15 20 25 30 35 02 03 04 05 06 07 08 09 10 15 20 25 30 35 Crédit CT Crédit LT Sources : Datastream, NA TIXIS18 février 2009 - N°50 Patrick ARTUS
This document is posted to help you gain knowledge. Please leave a comment to let me know what you think about it! Share it to your friends and learn new things together.
Transcript
8/3/2019 applatissement courbe taux
http://slidepdf.com/reader/full/applatissement-courbe-taux 1/518 février 2009 - 50 I 1
Faut-il, dans la crise, aplatir ou pentifier les courbes destaux d’intérêt ?Les gouvernements et les Banques Centrales peuvent hésiter sur l’attitude à adopter quant aux pentes des courbes des taux
d’intérêt, dans les récessions ou les situations de crise :
− ils peuvent être tentés d’aplatir les courbes des taux (ce qui a été évoqué récemment aux États-Unis) ; par des achatsd’obligations à long terme ; afin de réduire les coûts de financement de l’économie, de favoriser (aux États-Unis) lerefinancement des crédits immobiliers à des taux d’intérêt plus faibles ;
− mais ils peuvent être tentés, au contraire, de pentifier les courbes des taux, en baissant fortement les taux courts, enaccroissant le financement à long terme du déficit public, de manière à accroître la profitabilité des banques et leur incitation à distribuer du crédit (ce que la banque du Japon a essayé de faire dans la crise bancaire).
Le choix entre ces deux pistes contradictoires dépend finalement de la cause du freinage du crédit : si c’est le recul de la demandede crédit, il vaut mieux aplatir les courbes des taux ; si c’est le recul de l’offre de crédit, il vaut mieux pentifier les courbes des taux.Aujourd’hui, le recul de la demande domine, et il faudrait donc aplatir les courbes des taux, ce qui est l’opposé du mouvementobservé.
1 – Pourquoi aplatir les courbes des taux d’intérêt dans lacrise ?
Quelques pays (Espagne, Italie, Royaume-Uni) sont financésessentiellement à court terme, mais les autres pays une partieimportante des financements des ménages (tableau 1) et desentreprises (graphiques 1 a – b) est réalisée à long terme.
Tableau 1Part des taux variables dans les prêts immobiliers (%, 2006)
L’aplatissement des courbes des taux sert alorssimplement à réduire le coût de financement, à taux fixe, del’économie.
Aux États-Unis, de plus, l’aplatissement des courbes permetaux ménages de refinancer leurs crédits hypothécaires(graphique 2), donc de réduire leurs charges d’intérêts etd’améliorer leur solvabilité.
Graphique 2Etats-Unis : indice de re financem ent e t taux
d'intérêt
0
100
200
300
400
500
600
02 03 04 05 06 07 08 094,5
5,0
5,5
6,0
6,5
7,0
7,5Indice de refinancement mo rtgages (100 en
2002:1, G)
Taux d'intérêt mo rtgage (D)
Sources : Datastream, NATIXIS
Pour aplatir les courbes des taux d’intérêt, la technique estsimple : les Banques Centrales achètent des obligations dematurité longue, contre création monétaire. S’il s’agit de titrespublics, il y a donc monétisation de la dette publique pour aplatir les courbes des taux, éventualité évoquée aux États-Unis.
2 – Pourquoi pentifier les courbes des taux d’intérêt dansles crises ?
Les profits des banques croissent avec la pente de la
courbe des taux en raison de leur position detransformation (graphiques 3 a – b) ; ressources à courttermes finançant des emplois à long terme.
Graphique 3 aEtats-Unis : profits du s ecteur financier et taux
d'intérêt
-1
0
1
2
3
4
88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 08
-1
0
1
2
3
4
Pro fits du secteur financier (en % du PIB)
Ecart t aux 10 ans et taux directeur FED
Sources : FoF, NATIXIS
Graphique 3 bZone euro : profits du se cteur financier et
taux d'intérêt
0
2
4
6
8
88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 08
0
2
4
6
8Pro fits du secteur financier (en % du PIB)
Ecart t aux 10 ans et t aux directeur B CE
Sources : Datastream, NATIXIS
La pentification de la courbe des taux d’intérêt :
− accroît la profitabilité des banques ;
− donc accroît l’incitation à prêter, accroît l’offre decrédit.
La pentification peut donc être utilisée lorsque les banquessont en difficulté et lorsque le freinage de l’offre de créditralentit la croissance économique. Pour obtenir unepentification, on peut combiner une politique de tauxd’intérêt à court terme extrêmement bas de la BanqueCentrale, et une politique budgétaire expansionniste où lesdéficits publics sont financés par l’émission d’obligations dematurité longue. C’est cette technique qui a été utilisée auJapon à partir du début de la crise bancaire, (1997,graphique 4).
3 – Quelle est la situation présente aux États-Unis et dansla zone euro ?
On peut examiner la pente de la courbe des taux d’intérêt àpartir des taux d’intérêt à long terme sur emprunts d’Etat(graphique 5 a) ou des taux des swaps à long terme(graphique 5 b), qui peuvent être plus proches des tauxd’intérêt des crédits. On sait, de plus, que dans la zone euro,les problèmes de liquidité ont fait apparaître des écartsimportants entre les taux d’intérêt sur les titres publics(graphiques 6 a – b).
Graphique 5 aEcart taux 10 ans, em prunts d'Etat et taux
d'intervention des banques centrales
-1
0
1
2
3
4
02 03 04 05 06 07 08 09
-1
0
1
2
3
4
Etats-Unis Allemagne
Sources : Datastream, FoF, NA TIXIS
Graphique 5 b
Ecart taux 10 ans sw aps et taux d'intervention
des banques centrales
-1
0
1
2
3
4
5
02 03 04 05 06 07 08 09
-1
0
1
2
3
4
5
Etats-Unis Zone euro
Sources : Datastream, NATIXIS
Graphique 6 aEcart de taux 10 ans GOV vis-à-vis Allemagne
(en pb)
-25
0
25
50
75
100
125
150
175
02 03 04 05 06 07 08 09
-25
0
25
50
75
100
125
150
175
France
Italie
Espagne
Sources : Datastream, NAT IXIS
Graphique 6 bEcart de taux 10 ans GOV vis-à-vis Allemagne
(en pb)
-50
0
50
100
150
200
250
300
02 03 04 05 06 07 08 09
-50
0
50
100
150
200
250
300Portugal
Irlande
Grèce
Sources : Datastream, NAT IXIS
On voit qu’il y a bien, depuis le début de 2008, nettepentification des courbes des taux aux Etats-Unis, depuisla fin de 2008 dans la zone euro.
La pentification plus forte de la courbe des taux aux États-Unisvient des causes normales citées plus haut :
− taux d’intérêt à court terme plus faibles (graphique7 a) ;
Quelle est la meilleure politique dans la situation présente :l’aplatissement ou la pentification de la courbe des tauxd’intérêt ?
Le choix dépend de la cause du freinage du crédit(graphiques 8 a – b).
Graphique 8 aCrédits bancaires aux entreprises (GA en %)
-10
-5
0
5
10
15
20
02 03 04 05 06 07 08 09
-10
-5
0
5
10
15
20Etats-Unis
Zone euro
Sources : Datast ream, NATIXIS
Graphique 8 bCrédits bancaires aux ménages (GA en %)
0
2
4
6
8
10
12
14
02 03 04 05 06 07 08 09
0
2
4
6
8
10
12
14Etats-Unis
Zone euro
Sources : FoF, BCE
S'il vient du recul de la demande de crédit, il fautaplatir la courbe des taux d’intérêt pour soutenir lademande de crédit.
S'il vient du recul de l’offre de crédit, il faut aucontraire pentifier la courbe des taux d’intérêt pour stimuler l’offre de crédit en accroissant la profitabilité dela distribution de crédit pour les banques.
Quelle est la situation aux États-Unis et dans la zone euro ?
Du côté du crédit aux ménages, il y a essentiellement reculde la demande, comme le montrent les enquêtes des BanquesCentrales (graphiques 9 a – b – c).
Graphique 9 a
États-Unis : conditions de l'offre e t de lademande pour les crédits aux ménages
-60
-40
-20
0
20
40
60
80
02 03 04 05 06 07 08 09-60
-40
-20
0
20
40
60
80Po urcentage des banques rapportant une hausse
de la demande pour le crédit à la conso mmation
Pourcentage des banques resserrant leurs
conditions d'accès au crédit
Sources : Datastream, Fed, NATIXIS
Graphique 9 bZone euro : évolution des conditions d'octroi
du crédit bancaire aux ménages au coursdes trois derniers m ois
Graphique 9 cZone euro : évolution de la demande de crédit
bancaire aux ménages au cours des troisderniers mois
-70
-60
-50-40
-30
-20
-10
0
10
20
30
40
50
03 04 05 06 07 08 09
-70
-60
-50-40
-30
-20
-10
0
1020
30
40
50Habitat
Consommation
Source : BCE
Hausse
Baisse
Du côté du crédit aux entreprises, il y a eu d’abord recul del’offre de crédit, puis, à la fin de 2008, passage à unesituation de fort recul de la demande de crédit (graphiques10 a – b – c).
Graphique 10 a
Etats-Unis: conditions de l'offre et et de la
demande pour les crédits aux entreprises
(grandes et m oyennes e ntreprises)
-75
-50
-25
0
25
50
75
100
02 03 04 05 06 07 08 09
-75
-50
-25
0
25
50
75
100Po urcentage des banques rapportant une
hausse de la demande pour le crédit
Po urcentage des banques resserrant leurs
conditions d'accès au crédit
Sources : Datastream, Fed, NATIXIS
Graphique 10 b
Zone euro : évolution des conditions d'octroi
du crédit bancaire au cours des trois derniers
mois pour les entreprises
-30
-20
-10
0
10
20
30
40
50
60
70
03 04 05 06 07 08 09
-30
-20
-10
0
10
20
30
40
50
60
70
Source : BCE
Assouplissement
Durcissement
Graphique 10 cZone euro : évolution de la demande de crédit
bancaire au cours des trois derniers mois pour les entreprises
-50
-40
-30
-20
-10
0
10
20
30
03 04 05 06 07 08 09
-50
-40
-30
-20
-10
0
10
20
30
Source : BCE
Hausse
Baisse
Au début de 2009, on se trouve donc dans une situation quiest surtout une situation de baisse de la demande decrédit. Il faudrait donc aplatir les courbes des taux, ce quiest l’inverse du mouvement observé aujourd’hui en raisonde l’importance des déficits publics.