1 HMA 1951891 Entre 1782 et 1783, la vie de Mozart fut un véritable tourbillon. Les deux symphonies qu’il composa alors témoignent non seulement d’une créativité plus extraordinaire que jamais, mais elles inaugurent aussi, avec quel brio, la série des chefs-d’œuvre de la maturité de Mozart symphoniste... Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) Symphonies no.35 Haffner & no.36 Linz “Aussi vite qu’il est possible” En 1782, la vie de Wolfgang Amadeus Mozart continuait de se dérouler comme un véri- table tourbillon, aussi bien sur le plan privé que sur le plan professionnel. Le jour de l’An avait été marqué par la mort à Londres de celui qu’il révérait particulièrement : Jean- Chrétien Bach. Son mariage avec Constance Weber, fixé au 4 août en la cathédrale Saint-Étienne de Vienne, lui avait valu d’être constamment sur les nerfs durant les semaines précédentes : “Mon cœur est sans repos, mes idées confuses”, avouait-il à son père dans une lettre datée du 27 juillet. Car depuis que Mozart était enfin parvenu à inculquer à Constance les bonnes manières auxquelles une épouse honnête et soumise était censée se conformer, il attendait impatiemment un courrier de Salzbourg. Mais la bénédiction de son père ne lui parvint qu’avec un jour de retard, le 5 août, alors que Mozart et Constance avaient déjà échangé leur consentement. Toutefois, ce genre de circonstances n’a jamais interrompu l’activité créatrice de Mozart. Au contraire. Les carnets de commande et le compte en banque étaient alors bien garnis : L’Enlèvement au sérail n’était-il pas dans toutes les bouches et dans toutes les oreilles ? On ne sera donc point surpris que Mozart n’ait pas manifesté grand enthou- siasme quand Léopold le pria de composer une nouvelle musique solennelle pour le négociant Siegmund Haffner, fils homonyme du dernier bourgmestre de Salzbourg. En 1776, il avait déjà livré, à l’occasion d’un mariage, la célèbre sérénade “Haffner”. Et voilà que Siegmund Haffner Jr allait être anobli – juste au moment où Mozart se livrait à une occupation lucrative, un arrangement de L’Enlèvement pour ensemble à vent. Il n’en accepta pas moins la commande en ces termes : “Je vais travailler le plus rapidement possible, et, autant que me le permettra l’urgence, bien écrire.” Surchargé de travail, il ne put composer que par étapes les six mouvements de cette seconde sérénade pour les envoyer un par un à Salzbourg. Toutefois, lorsqu’il redemanda la partition au début de l’année 1783 pour en tirer une symphonie destinée à un concert viennois, il fut lui-même surpris de sa qualité musicale. Celle-ci justifie d’ailleurs les applaudissements particu- lièrement chaleureux qui saluèrent, le 23 mars 1783, la création de la symphonie “Haf- fner” en Ré majeur K.385, applaudissements initiés par sa majesté l’empereur en per- sonne. Voici donc le premier des six chefs-d’œuvre symphoniques de la maturité, rendu in fine à quatre mouvements : Mozart a supprimé la marche d’introduction et l’un des deux menuets qui figuraient dans la sérénade originale. De plus, les flûtes et les clarinettes qui, dans les mouvements extrêmes, s’associent aux cors, aux timbales et aux trom- pettes, soulignent un enjouement que ne vient à nul endroit perturber un battement de cœur dramatique, éventuel sismogramme d’une secousse biographique. Certes, l’ombre de Haydn hante ici et là ce banquet musical – notamment dans l’Andante, dont l’aimable cantilène en Sol majeur représente l’archétype de la musique de nuit. En revanche, Mozart est immédiatement identifiable dans l’impétuosité qui propulse vers l’avant le mouvement initial. Rien de moins qu’un saut de deux octaves le précipite au cœur de l’action, construite autour d’un thème unique au lieu des deux traditionnels. Au cours du déroulement ultérieur et sans jamais se départir d’une grande rigueur rythmique, Mozart développe ce thème en un contrepoint subtil, où arabesques et brefs passages piano