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Hermel Jaworski 663595 Anthropologie de la religion Premier travail de session Première société : Tupi-Guarani. Deuxième société : Nuer
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Antropologie - Ethnographie des sociétés Nuer et Tupi-Guarani

Jan 11, 2023

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Page 1: Antropologie - Ethnographie des sociétés Nuer et Tupi-Guarani

Hermel Jaworski

663595

Anthropologie de la religion

Premier travail de session

Première société : Tupi-Guarani.

Deuxième société : Nuer

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Hermel Jaworski – 6635956 anthropologie de la religion – 1er

travail de session

Les Tupi-Guarani

Les Tupi-Guarani désignent plusieurs groupes répartis le long du littoral brésilien,

mais qui au XVIème siècle formaient un groupe culturel et linguistique homogène. Comme

l’indique Hélène Clastres, « Tupi méridionaux et Guarani étaient à tous égards semblables -

même langue, même organisation sociale et politique, mêmes rites, même religion »1. Dès

lors, il est possible de s’intéresser aux Tupi-Guarani dans leur ensemble.

Leur organisation sociale et leur mode de vie ont été bouleversés avec l’arrivée des européens,

notamment portugais. Néanmoins, les premiers européens entrés en contact avec ces

populations ont rapporté des témoignages très complets sur les Tupi-Guarani (notamment le

groupe des Tupinamba) : André Thevet2 et Jean de Léry

3, français faisant partie de l’éphémère

colonie de la France Antarctique, ainsi que le marin allemand Hans Staden4, capturé par les

indiens et ayant vécu plusieurs années au milieu d’eux. Les Tupi-Guarani ont tout autant

suscité l’étonnement que le dégoût des européens, de part leur nudité, leur situation de guerre

perpétuelle et leur cannibalisme. Néanmoins, Thevet, Staden et de Léry offrent une

description très détaillée de leur société, d’une valeur quasi ethnographique.

Ces sources ont été compilées et analysées par Bernard Champion5, offrant un regard critique

et une analyse véritablement anthropologique sur ces témoignages datant du XVIème siècle.

I – organisation sociale

Les Tupi-Guarani sont une société de chasseurs-cueilleurs, organisés en villages

comportant quelques centaines de personnes. Ils chassent, pêchent et se nourrissent beaucoup

de poisson. Ils pratiquent l’agriculture sur brûlis cultivant notamment du manioc ou de

l’ananas. Cela les conduit à changer fréquemment l’emplacement du village, environ tous les

cinq ou six ans.

Néanmoins, l’agriculture et l’activité consacrée à la recherche de nourriture

n’occupent qu’une petite partie de l’activité des Tupi-Guarani : la guerre occupe une place

prépondérante au sein de leur société, c’est même l’activité principale.

1 H. Clastres, Comment vivent les mythes. Réflexions sur la mythologie guarani, Amerindia n° 15, 1990 2 André Thevet, Les Singularitez de la France Antarctique, 1557 (éd de 1878) et Cosmographie universelle

(1575) cité par B. Champion (2005) 3 Jean de Léry, Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil, 1578, cité par B. Champion (2005)

4 Hans Staden, Nus féroces et anthropophages, 1557 cité par B. Champion (2005)

5 Bernard Champion, Eléments d’anthropologie du droit, chapitre 8.11 et8.13, 2005 (disponible en ligne :

http://www.anthropologieenligne.com/pages/08/8.13.html)

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travail de session

Les différentes tribus se trouvent en état de guerre les unes contre les autres, dans un

cycle de vengeance volontairement perpétué de génération en générations.

Les différentes tribus se font continuellement la guerre, sans jamais rechercher la moindre

trêve. Thevet décrit notamment des expéditions pouvant durer plusieurs mois, auxquelles

hommes et femmes prennent part. Cependant, la guerre ne revêt pas ou peu d’intérêt

stratégique ou économique, étant donné qu’ils disposent de toutes les ressources nécessaires et

que de nouvelles terres sont toujours disponibles6. Cela est d’autant plus marqué que la guerre

sert essentiellement à se procurer des prisonniers, qui sont intégrés à la société Tupi-Guarani,

participant aux activités quotidiennes, recevant même une épouse, avant d’être mangés au

cours d’un rituel rigoureusement établi.

En fait, la guerre s’inscrit dans la vision du monde tupi-guarani, sur laquelle nous reviendrons.

La société Tupi-Guarani du XVIème siècle peut se caractériser comme égalitaire,

c’est-à-dire sans autorité politique centralisée. Thevet évoque bien l’existence de rois ou de

guerriers ayant gagné du prestige à la guerre, mais dit-il « vu qu’ils ne sont guère plus grands

seigneurs les uns que autres »7, ils ne détiennent pas de véritable pouvoir. Dans son ouvrage

La société contre l’Etat8, Pierre Clastres cite d’ailleurs les Tupi-Guarani comme une société

contre l’Etat, c’est-à-dire une société égalitaire refusant (plus ou moins consciemment)

l’apparition d’une autorité supérieure comme un chef. Thevet relate que des assemblées se

rassemblent pour délibérer et prendre de grandes décisions : « ils parleront l’un après l’autre

et celui qui parle sera diligemment écouté ; puis ayant fait sa harangue, quitte sa place à un

autre et ainsi consécutivement ».9 Ainsi, dans ces assemblées, la prise de parole ne donne pas

de pouvoir à proprement parler. Il n’y a donc pas de véritable hiérarchie sociale.

Néanmoins, on observe une différenciation très poussée entre les hommes et les

femmes, caractérisée par un partage des tâches entre hommes et femmes, et basée sur la

domination masculine. Aux hommes est dévolue la guerre et la chasse, tandis que les femmes

s’occupent de les ravitailler et de porter leurs hamacs lors des expéditions10

. Thevet relate

également que la préparation du cahouin, boisson très prisée des Tupi-guarani, est

exclusivement féminine. La mixture doit être mâchée par une jeune fille vierge ou une

femme ; dans ce cas, elle devra s’abstenir de tout rapport sexuel durant 9 jours, « autrement ce

6 Thevet, Singularitez de la France Antarctique, 1557, p.191

7 Ibid, p.191

8 Pierre Clastres, la société contre l’Etat, 1974

9 Thevet, Singularitez de la France Antarctique, 1557, p184

10Ibid., p188

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breuvage ne pourroit obtenir perfection »11

. Seuls les hommes peuvent fumer du tabac. Ce

sont également les femmes qui habillent les hommes et peignent leurs enfants.

En outre, si dans son ensemble la société Tupi-Guarani est égalitaire, certains

jouissent d'un statut particulier et font l'objet d'une "idolâtrie" (selon les mots de Thevet) : les

prophètes, également appelés Pagès ou Charaïbes. Ils sont chargé d’interpréter les rêves, et les

Tupis leur demandent de leur donner la victoire, de rester en bonne santé, etc. Les Prophètes

habitent à l’écart du village ; il y en a un voire deux par village, entretenus par le reste du

groupe. Ils jouissent d’un statut de "demi-dieu" selon Thevet ; néanmoins, lorsqu’un prophète

se trompe dans son présage, « ils ne font aucune difficulté de les faire mourir, comme s’il

était indigne du titre de Pagès »12

.

Une description complète du système matrimonial Tupi-Guarani nous est donné par

Thevet. Le mariage avunculaire (mariage d’un homme avec la fille de sa sœur) prédomine. La

femme légitime est celle donnée par la sœur de l'homme. « Mais cet homme ne sera en

mesure d'exercer ce droit que si, se séparant de sa sœur, il la libère pour un beau-frère qui

devient son débiteur et sur qui il doit pouvoir faire jouer son crédit. Cette légitime épouse a un

frère qui la revendique comme la mère de sa future et légitime épouse »13

Le système

matrimonial repose donc sur l’opposition entre les «frères de sœur », les beaux-frères. Ce qui

est intéressant de voir, c'est que les prisonniers capturés sont intégrés au groupe et sont

appelés « beau-frère ». On leur donne une épouse, qui est fournie par celui qui l'a capturé.

II – vision du monde

Chez les Tupi-Guarani existe une divinité supérieure, Tupan. Les européens s’en sont

servis pour convertir les Tupis au christianisme, en établissant un parallèle entre Dieu et

Tupan. En outre, dans la cosmogonie Tupi-Guarani existe un « esprit malin » :

« Ils sont sujets (…) à plusieurs persécutions de l’esprit malin »14

. Les tupis le nomment

Agnan, et selon Thevet ils seraient parfois possédés par cet esprit.

Comme nous l’avons vu, la société Tupi-Guarani est fondée sur la guerre, qui permet

de se procurer des prisonniers qui sont dévorés dans un rituel cannibale bien établi, durant

11

Ibid., p122 12

André Thevet, op. cit, p 174 13

Bernard Champion, Eléments d’anthropologie du droit, chapitre 8.11 et8.13, 2005 14

André Thevet, op. cit

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plusieurs jours et auxquels prennent part l’ensemble des membres du groupe. Cette pratique

alimente un cycle de vengeance sans fin. La guerre fait donc partie de l'ordre du monde (les

premiers européens s’étonnaient d’ailleurs de l’absence totale de trêves et de tentatives de

mettre fin aux conflits entre tribus). Le cannibalisme est accepté par l’ensemble des parties

qui se font la guerre : être mangé, c’est mourir en homme (et non pas en femme, « dans un

hamac »). En outre, c’est permettre à sa tribu de venger le guerrier dévoré ; sinon la

vengeance ne serait pas complète. Avant d’être tué, le prisonnier récite les paroles rituelles

« les miens me vengeront et vous dévoreront ». Cela explique également pourquoi les

prisonniers ne tentent pas de s’échapper, car ce serait, en lâche, refuser de mourir, et en même

temps la marque que son groupe ne serait pas capable de le venger. Plus que la mort, c’est le

monde féminin (la mort « dans le hamac ») qui est crainte.

Comme l’indique Bernard Champion, « le [véritable] mal, c’est la confusion entre l’homme et

la femme, le masculin et le féminin (…) le monde féminin représente la sécurité première au

sein duquel le masculin n’a pas d’existence »15

.

Les mythes fondateurs expliquent cette situation de guerre perpétuelle par l’existence de deux

frères ennemis, Tamendonare et Ariconte, uniques rescapés du déluge :

« Dans le corpus Thevet, deux mythes racontent deux cataclysmes différents. Le

premier met fin à la première création : "Au commencement Monan (nom qui signifie

engendrer) crée la terre - lisse, plate, sans eau - et tous ses habitants. Lui-même demeure

alors au milieu des hommes. Un jour ceux-ci, s'oubliant dans leurs façons de faire, offensent

gravement le dieu. Il abandonne alors son séjour terrestre et, soucieux de se venger des

hommes, il lance sur la terre le feu du ciel. L'incendie ravage tout sur son passage,

bouleversant la terre et la creusant de ravines, et il détruit l'humanité. Un seul homme en

réchappe qui supplie Monan d'éteindre le feu. Le dieu fait pleuvoir, et en telle abondance que

les eaux, ne pouvant s'en retourner en haut, s'accumulent et ruissellent sur la terre, formant les

fleuves et les océans"

De l'unique rescapé, à qui Monan donne une femme, naissent une seconde humanité et une

lignée de démiurges qui parachèvent la création et révèlent aux hommes les arts de la

civilisation. Deux d'entre eux, deux frères, sont responsables du second cataclysme :

"Tamendonare et Ariconte, de tempéraments en tous points opposés, se haïssaient. Le premier

était paisible et se plaisait aux travaux agricoles, le second ne songeait qu'à la guerre. Un jour,

au retour d'une bataille, Ariconte rapporta le bras d'un ennemi qu'il avait tué et le jeta contre la

maison de son frère. A l'instant même la maison, et toutes les autres du village, se soulevèrent

15

Bernard Champion, Eléments d’anthropologie du droit, chapitre 8.11 et8.13, 2005

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de terre et s'envolèrent. Voyant cela, Tamendonare frappa le sol du pied, si rudement qu'il en

jaillit une grande source d'eau qui, en peu de temps atteignit collines et coteaux et submergea

tout sur la terre. A nouveau l'humanité périt. Seuls échappèrent au cataclysme les deux frères

qui, s'étant réfugiés chacun avec une épouse à la cime d'un grand arbre, donnèrent naissance à

deux peuples tupi ennemis"16

». Le monde Tupi est donc divisé entre tribus amies et

ennemies.

III - Production artistique

La société Tupi-Guarani du XVIème siècle ne connaissant pas l’écriture, aucune production

écrite ne nous est parvenue de cette époque. En outre, la colonisation européenne a très

rapidement bouleversé le mode de vie des Tupi-Guarani, ce qui fait que nous avons très peu

de traces de cette culture. Néanmoins, il semble que la poterie (notamment la peinture sur

céramique) joue un rôle important. Selon une étude brésilienne, elle est même plus que de

l’art : elle véhicule les valeurs collectives de la société Tupi-Guarani.17

Conclusion

Comme nous l’avons vu, la société Tupi-Guarani est une société sans Etat (voire

contre l’Etat pour Clastres), sans pouvoir politique centralisé. La guerre fait partie intégrante

du monde Tupi-Guarani, elle est alimentée par un cycle de vengeance sans fin qui trouve son

accomplissement dans la capture, l’intégration à la société puis la dévoration des prisonniers.

La guerre permanente et le cannibalisme ont majoritairement provoqué des réactions

d’incompréhension, voire de dégoût de la part des européens. En outre, l’arrivée des colons

(notamment portugais) et l’exploitation des Tupi-Guarani par ces derniers a entraîné une

disparition rapide du mode de vie traditionnel et une assimilation, souvent forcée. Les

différents groupes vont se différencier (entre Tupis et Guaranis). Néanmoins, la culture

d’origine est encore bien présente aujourd’hui chez leurs descendants.

16

André Thevet, Les Français en Amérique pendant la deuxième moitié du XVIè siècle. Le Brésil et les

Brésiliens. Paris. P.U.F., 1953, in H. Clastres, Comment vivent les mythes. Réflexions sur la mythologie

guarani, Amerindia n° 15, 1990 17

André Prous, « a pintura em ceramica Tupiguarani », Cienca Hoje, 1er mars 2005

http://cienciahoje.uol.com.br/revista-ch/revista-ch-2005/213/a-pintura-em-ceramica-tupiguarani

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Les Nuer

Les Nuer sont une tribu d’Afrique, se trouvant majoritairement au Soudan. Environ

300 000 (dans les années 1930), ils constituent un des plus grands groupes ethniques africains,

et également une des sociétés les mieux documentés du continent, notamment grâce à l’étude

de E. Evans-Pritchard en 193718

.

Cette ethnographie s’inscrit dans la tradition fonctionnaliste de l’anthropologie britannique ;

en outre, elle a été commandée par les autorités coloniales dans un but pratique. Le travail

d’Evans-Pritchard n’est pas exempt d’ethnocentrisme, notamment lorsqu’il classe la société

Nuer parmi les « sociétés sans Etat », catégorie définie par ce qu’elle n’a pas19

. Néanmoins,

son travail reste incontournable pour comprendre cette société africaine.

I – organisation sociale

Evans-Pritchard classe les Nuer comme faisant partie des sociétés « qui manquent

d’autorité centralisée, d’appareil administratif et d’institutions judiciaires constituées – en

bref, qui manquent de gouvernement – et dans lesquelles il n’y a pas de division tranchée de

rang, de statut ou de richesse » 19

. Il n’y a donc pas d’autorité politique capable d’imposer par

la force sa volonté. Dès lors, le règlement des conflits passe par d’autres canaux.

Evans-Pritchard décrit les Nuer comme une société segmentaire : aux différences de lignages

se superposent des différences entre les tribus. La tribu Nuer compte entre quelques centaines

et plusieurs milliers d’individus ; il n’y a pas de plus grand groupe politique. Elle possède son

propre cheptel, ses propres ressources en eau et est donc autonome. Entre les différentes

tribus, aucune médiation n’est possible et le conflit se traduit par la guerre. Les Nuer sont

souvent en guerre avec leurs voisins, notamment les Dinka. En revanche, à l’intérieur de la

tribu, la loi prévaut.

Les Nuer sont organisés en lignages (groupes de parenté) : en cas de conflit, l’appui

des siens est indispensable. Cependant, ces groupes ne sont pas figés, comme le rappelle J.

Maquet20

: « Si celui qui avait infligé un dommage appartenait à un autre village de la même

18

E. Evans-Pritchard, Les Nuer. Description des modes de vie et des institutions politiques d’un peuple nilote,

1968 (1937) 19

E. Evans-Pritchard, M. Fortes, Systèmes politiques africains, 1964 (1940), p.4

20 Encyclopedia Universalis, article « Nilotiques », J. Maquet (consulté le 29 février 2012).

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section de tribu que sa victime, seul le village de celle-ci prenait fait et cause pour elle ; mais

si l'agresseur était d'une autre tribu, c'est toute la tribu de la victime qui était impliquée dans

le conflit ». Dès lors, le fait que des individus d’une même tribu peuvent être dans certains cas

alliés et opposés dans d’autres occasions permet de garantir l’unité de la société Nuer,

atténuant les vengeances privées. Evans-Pritchard nous dit en effet que malgré les différences

à l’intérieur d’une tribu, parfois même des conflits opposant des pans entiers de la tribu, ses

membres partagent tous un même sentiment d’appartenance, allant même jusqu’à parler de

patriotisme21

– bien que l’on puisse mettre en doute la pertinence de ce qualificatif, assez

ethnocentrique.

La force de la loi varie avec la distance dans la tribu : plus les individus sont éloignés,

plus la possibilité de conciliation est faible.

Ce schéma21

montre le système de lignage segmentaire chez les Nuer : le membre de la

subdivision Z2 de la tribu se perçoit comme appartenant à Z2 en comparaison au groupe Z1,

mais se définit comme membre de Y2 par rapport à Y1 ; de manière similaire, il appartient au

groupe B (et non pas à la subdivision Y2 ou Z2) par rapport au groupe A. Les appartenances

aux groupes se superposent.

Les clans ne sont pas simplement des groupes rassemblant des gens ayant une parenté

quelconque ; au contraire, ils sont hautement segmentés, c’est-à-dire divisés en lignages. Le

schéma ci-dessous illustre ce qu’est un lignage : un groupe où la relation généalogique entre

21

1940b "The Nuer of the Southern Sudan". in African Political Systems. M. Fortes and E.E. Evans-Prtitchard,

eds., London: Oxford University Press., p. 272-296.

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les individus peut être déterminée à tout moment. Ici, le clan A s’est segmenté en deux

lignages (B et C) qui à leur tour se sont divisés en plusieurs lignages (D, E, F, G) ; ces

derniers ont donné naissance à des lignages secondaires.

La résolution des conflits prend une forme particulière, à travers le rôle prépondérant joué par

le chef-à-peau-de-léopard. Ce dernier est doué du pouvoir de malédiction. Lorsqu’un individu

commet un meurtre, le chef à peau de léopard tente de convaincre les parties d’arriver à un

accord, selon les règles de compensation en vigueur. Une fois l’accord conclu (paiement en

bétail le plus souvent), il accomplit une cérémonie, un rituel de purification. Le fait qu’il soit

titulaire du pouvoir de malédiction permet à la partie offensée de ne pas perdre la face.

II – l’importance du bétail dans la société Nuer

Il n’y a pas à proprement parler chez les Nuer de religion qui prendrait une forme plus

ou moins institutionnalisée. Cependant, le bétail occupe une place prépondérante, à tel point

qu’Evans-Pritchard décrit les Nuer comme « peuple du bétail » (cattle people). L’élevage

constitue une des principales sources de nourriture, mais pas seulement : la pêche et

l’agriculture sont également pratiquées. Mais les bovins (plus spécifiquement les vaches) sont

porteurs de valeurs spécifiques : le bétail « constitue la trame invisible qui tisse les relations

entre les hommes et entre ceux-ci et le surnaturel »22

. Dans le récit des origines du monde et

de l’humanité, le bétail est associé au monde surnaturel et justifie la relation qu’il entretient

avec les différents groupes pratiquant l’élevage23

.

22

Pierre Bonté, « Des « peuples du bétail » », Techniques & Culture [En ligne], 43-44 | 2004, mis en ligne le 15

avril 2007, Consulté le 27 février 2012. URL : http://tc.revues.org/1116 23

Pierre Bonté, op. cit

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travail de session

Les mythes d’origine soulignent la place tenue par l’idée de sacrifice dans la

constitution de l’univers symbolique du bétail. Donné par Dieu, le bétail est destiné à lui

revenir au moyen du sacrifice. Comme l’indique Pierre Bonté, « un Nuer ne considère pas

son bétail comme le fait un éleveur [occidental], pour la viande ou le lait qu’il fournit. Sa

relation avec les animaux est rendue plus complexe, en dehors de leur utilisation pour le

mariage, par le fait qu’ils sont destinés à être sacrifiés. »24

Le sacrifice est donc le but ultime de l’élevage, ce qui explique pourquoi les Nuer ont des

troupeaux beaucoup plus grands que leurs voisins qui ont pourtant à peu près le même mode

de vie. Sacrifier des vaches, c’est rétablir la relation originelle entre les hommes et les bovins.

Cela permet d’entrer en communication avec Dieu.

Mais le sacrifice permet, dans une perspective fonctionnaliste, de perpétrer la structure sociale

lignagère : l’exercice des rituels est la raison ultime pour laquelle se regroupent ceux qui ont

une filiation commune25

. Accomplir un rituel, c’est en somme perpétuer le lignage. Le bétail a

donc une fonction à la fois sociale et religieuse.

Le bétail joue également un rôle important dans le mariage. En effet le mariage légal

chez les Nuer est sanctionné par le paiement d'une compensation matrimoniale en bétail

(« prix de la fiancée ») versée par le mari ou la famille du mari aux parents paternels de

l'épouse. S’il advient que l’homme se sépare de sa femme, la famille de cette dernière doit

rendre le bétail (qui peut monter jusqu’à un troupeau de trente/quarante bêtes) ; néanmoins,

pour des raisons de subsistance économique, de prestige attachés au bétail, elle est réticente à

rendre le troupeau et va donc faire en sorte que l’homme reste avec sa femme. On peut donc

dire que cette pratique permet de renforcer la stabilité sociale26

.

La société Nuer est patrilinéaire. Ainsi, tandis que les valeurs pastorales sont attachés à

la masculinité, certaines tâches sont associées à la féminité, comme les activités de pêche, (et

par delà, un imaginaire lié aux lacs et rivières) et en ce qui concerne les vaches, de traire leur

lait notamment27

. La fertilité est un attribut essentiel de la femme. Ainsi chez les Nuer, existe

un mariage légal d’une femme stérile avec une autre femme. Si son infertilité se confirme

(donc après de nombreuses années de mariage), elle est alors considérée comme un homme de

son lignage d’origine et se voir attribuer le rôle d’un homme. A titre « d’oncle paternel », elle

perçoit une part du bétail versé pour ses nièces (filles de ses frères). Cela lui permet

24

Evans-Pritchard, Nuer Religion (1956) cité par Pierre Bonté, « Des « peuples du bétail » », Techniques &

Culture 25

Pierre Bonté, op. cit. 26

Evans-Pritchard, Parenté et mariage chez les Nuer. Paris : Payot, 1973 (1951), pp. 118-119. 27

Pierre Bonté, op. cit.

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d’acquitter la somme due pour épouser une jeune fille. Elle choisit alors un homme, souvent

un étranger pauvre, pour qu’il devienne le géniteur de ses enfants ; il habite avec elle et

devient son serviteur. De ce fait, « il ne tire, de ce rôle de partenaire sexuel-étalon, aucune des

satisfactions matérielles, morales et affectives liées au même rôle accompli dans le cadre du

mariage »28

. Cependant, dans ce mariage, la femme stérile n’est qu’un « ersatz d’homme »,

justement parce qu’elle ne peut avoir d’enfants. Le mariage est donc conforme aux canons de

l’idéologie masculine.

Il existe aussi un mariage des morts : « quand un homme jeune est tué sans enfant sa

famille utilise le prix du sang qu'elle a accepté pour aussitôt marier le mort. On " marie à son

nom " une femme, donc on redonne le bétail marge (ou plutôt une partie du bétail du sang) à

la famille paternelle de cette femme, pour qu'elle donne au mort un fils. Ce fils sera considéré

comme le vengeur de son père ».29

28

Encyclopedia Universalis, article les sociétés humaines et la famille 29

http://afrique.cauris.free.fr/nuers.html#ancre2279328

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III – expressions artistiques

Le bétail ayant une place centrale dans la société Nuer, il n’est pas étonnant de le retrouver

dans l’art. Ainsi, ces figurines représentant un taureau castré (ox)30

, sont des jouets d’enfant.

Elles ont été récoltées par Evans-Pritchard lors de son travail de terrain, en 1935.

Ce type de figurine, fabriquée par des jeunes garçons, est utilisé durant des jeux auxquels

participent des enfants des deux sexes, notamment lors des mariages. D’autres animaux sont

également représentés, ainsi que des humains.

Les figurines sont différenciées entre mâles et femelles (ainsi, le sexe masculin de la girafe ci-

dessous est clairement visible).

30

http://southernsudan.prm.ox.ac.uk/details/1936.10.85/

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Conclusion

Société pastorale du Soudan, les Nuer sont à ce jour le groupe le plus documenté par

les anthropologues, à la suite du travail de E. Evans-Pritchard. Les Nuer forment une société

segmentaire, où les relations de lignage jouent un rôle de médiation et de règlement des

conflits. Les bovins tiennent une place prépondérante, à la fois comme moyen de subsistance

économique, reliant les individus entre eux et donc partie prenante des rapports sociaux, mais

également lien avec le monde surnaturel : les Nuer sont un « peuple du bétail ». En dépit de la

colonisation, les Nuer ont plus ou moins réussi à préserver leur mode de vie et leur

organisation sociale, comme l’indiquent.les récents travaux anthropologiques31

31

Pierre Bonté, « Des « peuples du bétail » », Techniques & Culture [En ligne], 43-44 | 2004,

mis en ligne le 15 avril 2007, Consulté le 27 février 2012. URL : http://tc.revues.org/1116

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Bibliographie

Tupi Guarani :

Encyclopedia Universalis, articles « Tupi », « Tupinamba »

Bernard Champion, Eléments d’anthropologie du droit, chapitre 8.11 et 8.13, 2005

(disponible en ligne : http://www.anthropologieenligne.com/pages/08/8.13.html)

Hélène Clastres, « Comment vivent les mythes. Réflexions sur la mythologie guarani »,

Amerindia n° 15, 1990

Pierre Clastres, la société contre l’Etat. Paris : Minuit, 1974

Jean de Léry, Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil, 1578, cité par B. Champion

(2005)

Hans Staden, Nus féroces et anthropophages, 1557, cité par B. Champion (2005)

André Thevet, 1557, Les Singularitez de la France Antarctique, (éd de 1878) ;

André Thevet, Cosmographie universelle (1575) cité par B. Champion (2005)

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