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5/24/2018 Anca Vasiliu, L'conomie de l'Image Dans La Sphre
Intelligible (Sur Un Sermon d'Alain de Lille)
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Anca Vasili
L'conomie de l'image dans la sphre intelligible (sur un
sermon
d'Alain de Lille)In: Cahiers de civilisation mdivale. 41e anne
(n163), Juillet-septembre 1998. pp. 257-279.
Rsum
Relais de l'une des plus fameuses dfinitions de Dieu phrase qui
a fait le tour de la pense occidentale de Parmnide
Pascal le sermon d'Alain de Lille met en jeu une conception
notique hrite de Boce, une forme de cosmologie
allgorique proche de la Cosmographia de Bernard Silvestre et une
rhtorique de la dmonstration logique emprunte
Gilbert de la Porre. L'article propose l'interprtation d'un
hapax et analyse le vocabulaire spcifique de l'image forg par
l'auteur
afin de dsigner le processus qui conduit l'intellect concevoir
une dfinition de ce qui demeure en tout tat de cause
indfinissable.
Abstract
Dedicated to one of the most famost definitions of God in the
occidental philosophy, from Parmenide to Pascal, the Sermo of
Alanus ab Insulis shows the heritage of the noetic conceptions
of Boethius and uses both all the allegorical forms of
cosmology,
as it has already been done by Bernardus Silvestris in his
Cosmographia, and the rhetorical demonstration of an aporia, as it
was
usual in the XIIth century after Gilbertus Porretanus. The
article proposes the interpretation of an hapax and analyses
the
vocabulary of the image, which was specially concieved by the
author to demonstrate the way the human mind is steel able togive a
definition about what it recognises as being in any way exempt of
definition.
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Vasili Anca. L'conomie de l'image dans la sphre intelligible
(sur un sermon d'Alain de Lille). In: Cahiers de civilisation
mdivale. 41e anne (n163), Juillet-septembre 1998. pp.
257-279.
doi : 10.3406/ccmed.1998.2725
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccmed_0007-9731_1998_num_41_163_2725
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_ccmed_1608http://dx.doi.org/10.3406/ccmed.1998.2725http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccmed_0007-9731_1998_num_41_163_2725http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccmed_0007-9731_1998_num_41_163_2725http://dx.doi.org/10.3406/ccmed.1998.2725http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_ccmed_1608
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Intelligible (Sur Un Sermon d'Alain de Lille)
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Anca V SILIU
L conomie de l image dans la sphre intelligible(sur un sermon d
Alain de Lille)*RSUMRelais de l'une des plus fameuses dfinitions de
Dieu phrase qui a fait le tour de la pense occidentalede Parmnide
Pascal le sermon d'Alain de Lille met en jeu une conception notique
hrite de Boce,une forme de cosmologie allgorique proche de la
Cosmographia de Bernard Silvestre et une rhtorique de la
dmonstration logique emprunte Gilbert de la Porre. L'article
propose l'interprtation d'un hapaxet analyse le vocabulaire
spcifique de l'image forg par l'auteur afin de dsigner le processus
qui conduitl'intellect concevoir une dfinition de ce qui demeure en
tout tat de cause indfinissable.AbstractDedicated to one of the
most famost dfinitions of God in the occidental philosophy, from
Parmnide toPascal, the Sermo of Alanus ab Insulis shows the hritage
of the noetic conceptions of Boethius and usesboth ail the
allegorical forms of cosmology, as it has already been done by
Bernardus Silvestris in hisCosmographia, and the rhetorical
dmonstration of an aporia, as it was usual in the XIIth century
afterGilbertus Porretanus. The article proposes the interprtation
of an hapax and analyses the vocabulary of theimage, which was
specially concieved by the author to demonstrate the way the human
mind is steel ableto give a dfinition about what it recognises as
being in any way exempt of dfinition.
Choix du texte - argument.Pourquoi avoir choisi Alain de Lille,
cet universitaire-thologien gyrovague qui traverse le xne s.partag
entre la France et l'Angleterre, Paris, Cantorbry et Montpellier,
esprit caustique etdbordant d'une verve imaginative qu il n'hsite
pas mettre contribution pour dissimuler lenon-conformisme foncier
de sa pense, moine bndictin par force, semble-t-il, cistercien
pourfinir, rendu malheureux par les travaux pratiques, du moins
selon certains de ses exgtesmodernes, magister clbre mais ne
ddaignant pourtant pas une certaine activit pastorale,prcurseur de
Dante par bien des aspects de sa vie, mais surtout par les visions
cosmiquesagences dans les structures intimes d'une parole potique
et thologique la fois, prcurseuraussi de tout intellectuel dchir
entre un dsir spirituel digne des expriences de la foi dans
ledsert, et un dsir du savoir subtil, more geometrico, qui, une
fois accompli, laisse l'esprit leplus raffin un arrire-got
d'orgueil inassouvi et aux coins des yeux un mlancolique sourire
enregard de la vanit du monde ?Pourquoi, par ailleurs, avoir choisi
un sermon ? Et pourquoi ce sermon trs prcisment ? C'est,pour
l'heure, seulement cette dernire des questions que nous allons
essayer de rpondre dansle cadre d une tude faisant partie d une
recherche plus ample concernant : 1. le statut de l imageparmi les
arts du trivium le rapport de celle-ci avec la grammaire, la
rhtorique et la dialectique,
Cet article reprend une communication prsente le 20 fvrier 1997
au Groupe de Philosophie du Moyen ge latin,CNRS-URA 1085.Cahiers de
civilisation mdivale, 41, 1998, p. 257-279.
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Intelligible (Sur Un Sermon d'Alain de Lille)
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258 CAHIERS DE CIVILISATION MDIVALE, 41, 1998 ANCA VASILIUplus
que jamais associes dans les uvres des penseurs en cette fin du xne
s., avant l'arrivemassive des traits aristotliciens qui dplacent le
dbat thologico-philosophique vers le champde l ontologie et de la
mtaphysique; 2. l'identit de cette problmatique, spcifique au xne
s. quiassocie philosophie, thologie et criture littraire,
dialectique dans la foi et potique dans lecommerce des ides; qui
associe aussi la prose et le vers, les muses et Y esprit, le
commentairescripturaire et la digression (ekphrasis-QScvplion)
littraire, l'allgorie (ou le mythe, ou tout autresorte
d'involucrum) et l nonc des formules logiques, mathmatiques,
gomtriques ou doctrinaires.C est sur ce plan que se dresse toute
une ligne d'auteurs occidentaux situs entre Jean Scot etDante et
dont le nud, le relais, le moment le plus riche en exemples est
constitu par l colede Chartres et par ceux qui sont proches de son
esprit. Enfin, notre choix est motiv aussi parl'orientation propre
Alain de Lille et sa gnration (voire cole), gnration d'crivains et
depenseurs occidentaux qu on peut considrer comme l'une des mieux
informes en matire depatristique et d'auteurs grecs, et donc des
plus mme de rpondre aux questions visant le statutnotique accord
l'image /icne (eikon versus eidos).DlVISON DU TEXTE ET ANALYSE DES
PARTIES.pigraphe (la sphre intelligible comme dfinition de Dieu)A :
Argument/position; choix des moyens, de la voix. La fleur de l
loquence et lesmoyens de la philosophie mis au service de la
thologie; l'harmonie de la voix donne reliefsonore (par intonation,
scansion) aux sens secrets enfouis dans la parole [Attendue, ...
dicens :Deus est spera int. etc.] l.B : Dfinition de la sphre et
des sphres (le passage de l'un au multiple par les
formesexemplaires exemplare rerum forme).B 1 : affirmation de la
reprsentabilit adquate de Dieu comme sphre-ternit [Cui aptius...
etita, spera.]B 2 : dfinition des quatre sphres des facults de l me
par le mouvement ; dbut de la sriede sept cercles : premier cercle
[Sed notandum... consequenter spera intelligibilis esse dicitur.]B
3 : dfinition des quatre sphres des facults de l me par P image :
deuxime cercle [Harumsperarum prima est formalis, ... ad concordiam
discordia proprietatum reuertitur.]C : Dfinition des quatre
puissances (facults) de Pme [Quatuor vero potentie anime
ancillantur...nec ad solium eternorum aspirant]C 1 : dfinition des
facults de l me selon la connaissance / structure du monde
(macrocosme) :troisime cercle [Per sensum vero,... in sue
eternitatis flore virentia contemplatur.]C 2 : dfinition des
facults de l me selon la connaissance / structure de l'homme
(microcosme) :quatrime cercle [His quatuor pretaxatis potentiis
Humana anima regitur... per intellectualitatemexemplaribus siue
noeuds.]D : Sermon proprement dit sur les modalits de la
connaissance de Dieu.D 1 : les trois premires sphres cartent
l'esprit de la connaissance du bon chemin si l'espritcampe dans
l'une ou l'autre, s'il reste dans l'enfermement d'une convoitise
mimtique vis--vis dechacune de ces sphres, quittant ainsi l'orbite
de son mouvement propre, la spirale de sa traverseascendante :
cinquime cercle, celui de l opacit, des espaces ferms ; thme du
char de laraison, curriculum rationis [Cauendum, ... per ruinam
intellectualitas, moritur.]D 2 : la seule sphre qui permet l accs
la connaissance est la sphre intelligible car elle donne l me la
possibilit de s'identifier Dieu, de s'unir lui ou de devenir mme
Dieu (perintellectualitatem fit anima humana Deus); le centre
ubique de cette sphre c'est le monde, i. e.l'univers infini infini
parce que sa circonfrence est nusquam; c'est la sphre de la
dification
1. La division du texte suit l'dition de M.-Th. d ALVERNY, Alain
de Lille. Textes indits, avec une introduction sur lavie et ses
uvres, Paris, 1965, p. 297-306.
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5/24/2018 Anca Vasiliu, L'conomie de l'Image Dans La Sphre
Intelligible (Sur Un Sermon d'Alain de Lille)
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L'CONOMIE DE L'IMAGE DANS LA SPHRE INTELLIGIBLE 259dfinie comme
ressemblance dans la diffrence (similis dissimilitudo, dissimilis
similitudo) thmedu Pseudo-Denys, de Maxime et de Jean Scot, plus
tard de Matre Eckhart, etc.; on ne peut pasconnatre Dieu par les
facults de l me humaine, on ne peut qu'entrer dans sa sphre
(l'intelligible)et s'unir lui, devenir Dieu en le connaissant :
sixime cercle, celui de la thologie mystique [Inter has predictas
speras... omnis mutabilitas est relegata.]D 3 : dans cette quatrime
sphre s'inscrit le triangle quilatral de la Trinit; triomphe
del'esprit de gomtrie et de la thologie rationnelle : septime
cercle [Cum autem cetere spere...diceret : deos.]E : Coda ou
exhortation finale. Le modle de la quadrature du cercle dans une
sphre; lemouvement en spirale de l me. [Hune triangulum menti
imprimamus... quod nobis prestat...]Analyse de la division
propose.1. Structure quadripartite (A-B-C-D) pour dfinir les quatre
sphres.2. Sept cercles sur lesquels le discours tourne comme sur
une spirale ascendante c'est lemme type de mouvement giratoire que
celui dcrit par le trajet de l me travers les quatresphres ; dans
la Summa de arte praedicatoria, Alain prsente comme modle d homlie
un sermonsur l'image de l chelle de Jacob (Gen. 28, 12) qu il dcrit
aussi comme ayant sept degrs 2.3. Plusieurs correspondances et
symtries intrieures (par exemple entre B 1 et D 2 ou
desentrecroisements entre B 2, B 3, C 1 et C 2, que nous analysons
plus loin).4. Trois dbuts du sermon : A (argument / position), B 2
(dbut du discours sur les sphres etles facults de l me), D (dbut
effectif du sermon).Titre - thme - pigraphe. Dieu est la sphre
intelligible dont le centre est partout, la circonfrence nulle part
(Deus estspera intelligibilis cuius centrum ubique, circumferentia
nusquam).Le sermon appel Sur la sphre intelligible, d aprs la
dfinition donne par son pigraphe, n'estque le dveloppement,
l'analyse et l'interprtation de ce qui deviendra la rgle 7 dans les
futuresRegulae iuris caelestis du mme auteur, connues aussi sous le
titre de Regulae theologici. Il s'agit,dans ce recueil de rgles ou
maximes thologiques commentes brivement, d une rgle quireprend
exactement le thme du sermon, rgle considre comme drivant, avec la
sixime, de largle 5, laquelle dfinit (stipule) l'unit-monade, seule
alpha et omga, comme seul principe etseule fin, mais sans alpha ni
omga, sans principe ni fin. En outre, cette phrase axiomatique
surlaquelle Alain de Lille construit son sermon, se retrouve quasi
l'identique, dans la secondedfinition qui figure dans le Livre des
XXIV philosophes (Deus est sphera infinita cuius centrumest ubique,
circumferentia vero nusquam I Dieu est la sphre infinie, dont le
centre est partout, etla circonfrence nulle part), dfinition
reprenant nouveau frais un vieil adage de Parmnide 3cit et comment
par Platon (le Sophiste, 244e) et Aristote (Physique, III, 6, 12),
et repris aussipar Boce dans la Consolation. Mais encore faut-il
admettre, en ce qui concerne cette derniredfinition, qu'il y a
vritablement un rapport entre notre sermon et le texte du Livre
desXXIV philosophes qu Alain, parat-il, connaissait dj, et dpasser
aussi le seul, mais sans douteimportant, point de divergence entre
les deux dfinitions, savoir la question que soulve
l'attributaristotlisant de Yinfmit la place de l'intelligible
platonicien / plotinien, voire de l'attributde Yternit.
2. Voir l'analyse de M. Zink, La rhtorique honteuse et la
convention du sermon ad status travers la Summa dearte
praedicatoria d'Alain de Lille , dans Alain de Lille, Gautier de
Chtillon, Jakemart Gile et leur temps, textes ducolloque de Lille,
1978, runis par H. Roussel et F. Suard, Lille, 1980, p. 171-185
(surtout p. 172-173).3. De toutes parts semblable la masse d'une
sphre bien arrondie, / Du centre, en tous les sens,
galementpuissant car plus grand / Ou moindre, il ne saurait l tre,
en aucune part , Le Sophiste, 244e, texte tabli et trad.A. Dms,
Paris, 1969, p. 350.
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Intelligible (Sur Un Sermon d'Alain de Lille)
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260 CAHIERS DE CIVILISATION MDIVALE, 41, 1998 ANCA VASILIUComme
pour tout sermon, la citation mise en tte (s'il s'agit d'une
citation, en l occurrence) thme, pigraphe ou exergue ? reprsente le
point d ancrage dans une problmatiquethologique annonce d emble et
que l'on va dvelopper par la suite. C'est en mme temps,comme point
de dpart pour le discours, la figure emblmatique, l'vidence qu on
est cens nejamais perdre de vue pour ne pas garer le fil, le chemin
dira Alain vers la fin du sermon, dansle labyrinthe du discours. L
auteur suit ici le principe dcrit par Etienne Gilson (justement
propos d Alain de Lille et de ses Regulae de sacra theologia ou
Maxime theologiae) qui consiste aller de la maxime la plus
universelle {generalissima maxima) celles qu elle contient
(principed'duction ?). Aussi cette maxime premire et universelle
doit-elle tre immdiatement vidente tout esprit communis animi
conceptio comme l noncera la premire rgle d Alain ensuivant de prs
les Hebdomades de Boce et le commentaire de Gilbert de la Porre; en
outre,sans pouvoir tre prouve par une autre, elle doit servir
elle-mme prouver les autres 4. Maiss'agit-il en fait d une rgle ou
d une maxime pour cet pigraphe ? comme se demande juste titre Jean
Jolivet propos des Regulae d Alain 5.Nous rappelons brivement que
rgle appartient, selon l'analyse de J. Jolivet consacre
cetteterminologie prcise chez quelques auteurs du xne s., au
lexique de la grammaire et de la logique,tandis que maxime fait
partie, du moins pour Alain de Lille, du vocabulaire de la
dialectique etde la rhtorique ( sciences topiques ). Boce dfinit la
maxime comme ce qu on n a pas prouver . Ablard (dans le De
dialectica) fonde les infrences topiques sur des lieux : soitlocus
differentia soit maxima propositio ; par consquent une maxime
exprime un mode d'infrenceet peut avoir donc la fonction
pistmologique d'un principe. Alain, quant lui, reprend enattribuant
les maximes la dialectique et les lieux la rhtorique (et en se
sparant ainsid Ablard) le commentaire de Gilbert de la Porre aux
Hebdomades de Boce. Nous allonsvoir, d'ailleurs, que cette
distinction entre maxime et dialectique d une part et lieux et
rhtoriquede l'autre, est importante pour la comprhension et
l'hermneutique de notre sermon.Cela tant admis, l pigraphe de ce
sermon suscite encore quelques remarques :1. Ce n'est pas une
citation ou un thme scripturaire qui sert ici d'pigraphe, comme
l'on s'yattendrait pour un sermon et ce n'est l qu une premire
exception dans toute une sried exceptions que nous rencontrerons au
long du texte. Le choix mme de cet pigraphe reprsentedj un premier
indice du fait que nous nous trouvons devant un texte dessein
particulier. Enoutre, c'est ce thme mme qui semble imposer au
sermon sa construction inhabituelle, signesupplmentaire du statut
spcial que l'auteur entendait donner ce texte en choisissant de
parlerd'un thme proprement philosophique et non pas biblique.
M.-Th. d'Alverny6 est la premire remarquer qu il s'agit d'un sermon
qui n a que l apparence d une homlie et que le jeunemagister
s'adressait probablement des tudiants et non pas des moines (mme
s'il appelleson auditoire frres , fratres ou commilitones karissim)
et des fidles runis pour unequelconque occasion autour d Alain,
peut-tre l abbaye Saint-Martial de Limoges (si c'est bienl que le
sermon fut prononc, tant donne l'origine incertaine de l unique
manuscrit qui leconserve 7). L'ditrice du texte ajoute galement que
celui-ci n'est pas l unique sermon d Alainqui porte sur un thme non
scripturaire; il y en aurait un autre, sur un thme d Ovide
(Regiasolis erat sublimibus alta columnis...), qui, bien que
littraire plutt que philosophique ,pourrait fournir des points de
comparaison intressants avec celui sur la sphre intelligible (si
dumoins il tait dit un jour en dpit de l'tat dplorable du
manuscrit, prcise M.-Th. d'Alverny).
4. Voir E. Gilson, La philosophie au Moyen ge, Paris, 19862, p.
312.5. Voir J. Jolivet, Colloque de Lille (voir n . 1), repris dans
Philosophie mdivale arabe et latine, Paris, 1995, p. 280.6. M.-Th.
cTAlverny, Alain de Lille... (voir n . 1), chap. Le sermon sur la
sphre intelligible et le Trait des cinqpuissances de l'me , p. 163
et n . 2.7. BNF, lat. 3572 copi vers 1200, manuscrit provenant
effectivement de l'abbaye de Limoges, mais sur lequelaucune
indication ne dvoile l identit du copiste ni l'appartenance
d'origine; le sermon aurait-il t prononc devant lechapitre de
Saint-Martial, o Bernard (de Cteaux) tait parat-il prsent, comme le
laisse croire un autre manuscritprovenant de cette mme abbaye et
contenant des sermons d'Alain ? BNF, lat. 5505 (M.-Th. D'Alveny
(voir n. 1),p. 26, n . 76).
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5/24/2018 Anca Vasiliu, L'conomie de l'Image Dans La Sphre
Intelligible (Sur Un Sermon d'Alain de Lille)
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L'CONOMIE DE L'IMAGE DANS LA SPHRE INTELLIGIBLE 2612. C'est une
dfinition aportique (ou axiomatique) elle ne peut pas se dmontrer,
donc ils'ensuit que le sermon sera oblig de parler de cette
dfinition autrement qu en cherchant la dmontrer. Prdtermin
formellement par le thme choisi, ce texte sera donc un
discours-aufowr(et non pas un discours-sur), un discours qui
semblera parler depuis l'extrieur du sujet, unsermon qui se voudra
par consquent persuasif par enveloppement , par sduction
formelle,ralise travers une accumulation de termes rares, de
figures rhtoriques et de jeux de mots,d'homonymies, symtries et
oxymorons, et par la mise en place d une vritable cascade defigures
gomtriques 8, bref par des moyens esthtiques censs dissimuler,
envelopper dansl harmonie des propositions et des termes les
structures et les figures d une dmonstration logique impensable
autrement (il sera d'ailleurs question plus loin de la fonction
particulirequ Alain accorde la logique dans la description de l'une
des demeures de la connaissance dumonde). Nous dsignerons ce type
de texte comme tant un discours prichortique. Il seraconstruit l
aide d'un instrument prichortique son tour, savoir l aide de
l'image, ou desimages (modus ymaginalis, par des images fictives,
en trompe-l'il), que l'auteur va mettre enuvre la manire, si l'on
nous permet de recourir notre tour une comparaison image ,dont on
dcore de fentres peintes un pan de mur blanc pour laisser entendre
qu il s'agit d unemaison (d un sermon , en l'occurrence), alors qu
il n'y a en ralit que le mur aveugle,fantasmatique, d'un volume
ouvert vers d'autres horizons de l'entendement : un discours
ol'allgorie embote le pas la gomtrie des sphres et o la structure
de l me copie celle del'univers sur le modle d'un palais quatre
demeures et d une figure (est-elle gomtriquementabsurde ?) dans
laquelle tournent constamment quatre sphres contenues l'une dans
l'autre,concentriques (?) mais dcentres en mme temps les unes par
rapport aux autres.3. Ceci n'est pas une remarque, mais juste une
prcision : nous ne reviendrons pas sur l'origine,longuement
dbattue, de la dfinition-maxime qui sert d pigraphe au sermon d
Alain; considronsseulement, pour le moment, comme il a t admis par
toute l'historiographie, qu elle se retrouveeffectivement dans la
seconde dfinition du Livre des XXIV philosophes, sans pouvoir
toutefoisciter ce dernier ouvrage comme tant la source de
l'pigraphe de notre sermon. Franoise Hudry 9considre qu Alain
aurait eu accs un texte (probablement aristotlicien ? des fragments
du De philosophia ?) qui aurait servi de source commune la fois au
sermon, aux Regulae plustard, et au Livre des XXIV philosophes.
Prcisons, en outre, que la sphre intelligible laquellefait rfrence
notre pigraphe (ainsi que la rgle 7 des Regulae) est une figure
emprunte Plotin, pour qui elle dsigne la puissance contenant la
forme du monde (Ennade II, 9, 17, 5);mais, certes, cette figure
n'est pas suivie chez Plotin par la dfinition donne/cite par Alain
deLille. La dfinition de la sphre intelligible deviendra par la
suite un lieu commun de tous lesscolastiques, qui utiliseront cette
image pour dfinir la nature divine, certains, Bonaventure
ouEckhart, citant d'ailleurs Alain de Lille comme source; elle sera
rendue clbre plus tard aussibien dans les milieux littraires que
philosophiques, se retrouvant, entre autres, chez Jean deMeun
(Roman de la ros), Nicolas de Cues, Marsile Ficin, Rabelais (Tiers
Livre), qui l'attribue Herms Trismgiste, Pierre Charon, Giordano
Bruno, Pascal, Voltaire, qui l'attribue Timede Locres, etc.A :
Prambule - dclaration de position de la part de l'auteur/orateur;
choix des moyens et desrfrences d'autorit.L'auteur/orateur s
adresse son auditoire en dclarant d emble l'intention de porter
ouvertementson attention (attendite) vers plusieurs aspects
tropologiques , ou disons d'ordre mthodologiqu; il oriente ainsi,
discrtement, son auditoire vers les questions thoriques qui sont
ses
8. A cascade of gomtrie conceits , cf. P. Dronke, Fabula.
Explorations into the Uses of Myth in MdivalPlatonism,
Leyde/Cologne, 1974 (chap. The Fable of the Four Sphres , p.
142-153, consacr notre sermon d'Alainde Lille), p. 151.9. Alain de
Lille. Rgles de thologie, [suivi de] Sermon sur la sphre
intelligible, introd., trad. et notes par Fr. Hudry,Paris, 1995
(voir l'tude introductive) ; cf. galement l'tude introductive du
Livre des XXIV philosophes, trad. du latin,d. et annot par Fr.
Hudry, Grenoble, 1989.
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5/24/2018 Anca Vasiliu, L'conomie de l'Image Dans La Sphre
Intelligible (Sur Un Sermon d'Alain de Lille)
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262 CAHIERS DE CIVILISATION MDIVALE, 41, 1998 ANCA
VASILIUpropres questions (en l'occurrence, le langage de la
thologie entre potique/rhtorique et philosophique ), et cite aussi,
cet gard (et son appui), quelques noms qui font pour luifigure
d'autorit pour ces aspects.1. Le premier apport invoqu, prcieux
comme un trsor, est celui de la philosophie (naturelle,1. e.
paenne) la thologie selon l'image biblique de l'enrichissement des
Hbreux aux dpensdes Egyptiens (Ex. 12, 35-36), utilise dj par
Augustin dans le mme but, et qui revient plusieursfois sous la
plume d Alain (voir le prologue de la somme Quoniam homines, par
exemple).2. Aprs la philosophie, c'est l'importance de Vornatus (de
la fleur humane eloquentie flore)dans le langage de la thologie qui
est souligne /. e. l'importance de l loquence (de larhtorique) et
du chant (intonation chante), donc de la sonorit appuye de la
parole, durelief de la vox qui prononce, scande d une manire
particulire, les secrets et les mots les plushauts de la plus haute
thologie (altioribus thologie verbis intonuit). L'intonation, la
voix moduleselon le sens, la lettre architecture selon les secrets
enfouis dans la parole (scrta intonare,intonuit), sont ainsi
opposes aux balbutiements (balbutire babils, enfantillages), au
mimtismeformel, sans rapport avec le contenu ou sans contenu
proprement dit, au chaos des lettres-sonspurs, inarticuls,
imitation gratuite de la voix par des crix sauvages comme dira plus
tardDante, en se rfrant aux animaux, au dbut du De vulgari
eloquentia. Non seulement les motsutiliss sont importants par leur
sens, et Alain va souligner cet aspect en choisissant de dcrirela
sphre intelligible par des moyens qu il considre plus appropris
celle-ci, c'est--dire par desmots rares, des dcalques du grec ou
des inventions pour l occasion, mais leur prononciation/intonation
(partie sonore de Vars dicand) joue aussi un rle dans
l'entendement. On attire ainsinotre attention sur les vertus de
l'oralit dressez l'oreille, chers frres, la sonorit des motsque
prononcera ce sermon et aux secrets dvoils par leur subtile musique
tout en mettanten cause les moyens propres de la connaissance
sensible : beaut sonore, harmonie, figures etimages par la suite
des relais, comme la nature terrestre par ailleurs (voire la
philosophie),pour la transmission d'un savoir enfoui dans les
secrets de ses hauteurs et dlivr par lesfleurs rares d une
rhtorique ayant atteint sur ses cimes le pouvoir de l'expression
thologique,comme Cicron [sic ] qui dit : Deus est spera
intelligibilis...3. Les autorits cites ds le dbut ou entendues sous
des citations sont : Cicron, cit en tantque rhteur (magnus retor
Tullius), mais avec une rfrence textuelle fictive ; Alain, qui lui
attribueen effet la maxime qui sert de thme au sermon; Cicron qui
est ensuite re-cit avec le Deinventione; Augustin, prsent
indirectement, travers l'image biblique qu il a t le premier
utiliser comme mtaphore de la transmission du savoir, Ex. 12,
35-36, ainsi qu travers l'importanceaccorde la fleur de l loquence
mise au service de la thologie ; et enfin Aristote, presquecit
nommment, car l'image de la trompette sonore du philosophe
altiloqua philosophituba est une redite d Alain o le nom du
Stagirite figurait dj (voir le prologue de la SommeQuoniam homines
ut aristotelica tuba proclamt 10 et du De planctu Naturae
Aristotelicaeauctoritas tuba proclamt n).Il va complter sa liste
d'autorits en citant ensuite Martianus Capella (De nuptiis Mercurii
etPhilologiae), Boce (Consolatio Philosophiae, De arithmetica),
Mercure (plusieurs fois invoqu il s'agit d Herms Mercure, le
Trismgiste, les citations tant en fait tires de VAsclepiusdu
Pseudo-Apule), Claudien Mamert (De statu animae) et Augustin
(Lettre, 187, 14-17 et Contrecinq hrsies mais il s'agit en fait,
pour ce dernier ouvrage, du Pseudo-Augustin, Quodvultdeus,Adversus
quinque haereses, ouvrage crit en 437/39 12). On pourrait ajouter
ces auteurs, citsdirectement, un certain nombre d'autres
philosophes anciens et contemporains auxquels Alain faitplus ou
moins ouvertement allusion, en reprenant des ides philosophiques ou
des figures et desexpressions propres; nous citons ces auteurs dans
l'ordre de leur entre, comme rfrences
10 . dition du texte par P. Glorieux, La somme Quoniam homines
d'Alain de Lille , Archives d histoire doctrinaleet littraire du
Moyen ge, 20, 1953 [paru 1954], p. 119.11 . PL, 210, c. 445 cit par
M.-Th. d ALVERNY.12 . Voir pour ces deux rfrences, Augustin et
Pseudo-Augustin, Fr. Hudry, Alain de Lille. Rgles de
thologie...(voir n. 9), p. 291, n . 1 et 293, n. 1.
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Intelligible (Sur Un Sermon d'Alain de Lille)
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L'CONOMIE DE L'IMAGE DANS LA SPHRE INTELLIGIBLE 263prsumes, dans
le discours : Platon, prsent par l'image des cercles et
demi-cercles en rotationqui font penser aux deux cercles, ou sphres
armillaires le mme et Vautre, ensuite Vtreet le devenir dans le
Time par la suite, bien d'autres allusions encore plus claires au
Time :la matire primordiale, le rle des formes, l me du monde,
etc.; Bernard de Chartres et Gilbertde la Porre, prsents tous les
deux travers les formae nativae, les ymagines et les eikones
terminologie propre la cosmologie et la logique en mme temps;
Bernard Silvestre, prsent travers la description de la matire
premire et de YEndelecheia qui dispose la matire premire recevoir
les formes secondes en puissance; Rmi d Auxerre, qui l'on fait
allusion traversson commentaire Martianus et ses rfrences la
dfinition de Y Endlychia selon Calcidius(perfecta aetas), Aristote
(absoluta perfectio interpretatur) et Platon (anima mundi dicit) ;
Guillaumede Conches, sous-entendu lui aussi, peut-tre, travers la
description de l me du monde Macrobe,prsent travers les vertus
politiques exemplaires, allusion un passage du In Somnium
ScipionisI, 8, faisant rfrence Plotin et Porphyre 13 ; et enfin
Euclide, qui pourrait faire allusion laconstruction du triangle
quilatral partir d une droite donne et de deux cercles
constructionfigurant dans les lments, ouvrage traduit l poque par
Adlard de Bath, mais qu Alain auraitpu rencontrer aussi travers
Boce, lequel, selon P. Courcelle, avait eu probablement accs
Euclide par l'intermdiaire de Proclus et de son disciple Ammonius,
contemporain de Boce 14.Pour l'rudit qu'tait, semble-t-il, Alain de
Lille, mme l poque de sa jeunesse (poque laquelle on attribue ce
sermon, dat vraisemblablement entre 1177 et 1179, situ donc entre
sesdeux grandes uvres littraires, le De planctu Naturae, 1168/72,
et YAnticlaudianus, 1181/1185, etbien avant l laboration des
Regulae, 1192-1194, si l'on suit, au moins pour ce dernier
ouvrage,les datations proposes par Fr. Hudry), la liste des auteurs
cits ne reprsente pas la trs richeconstellation d'autorits
auxquelles l'on fait appel d'ordinaire pour appuyer une telle
dmarche.On peut constater, en revanche, qu Alain s appuie dans ce
sermon sur une famille exclusivementphilosophique. Augustin mis
part, il n'y a aucune autre citation des Pres et il n'y a en
outrequ une unique vritable rfrence biblique (si l'on fait
abstraction de l allusion l'enrichissementdes Hbreux, Ex. 12, 35-36
et d une allusion, assez discrte vrai dire, au Rom. 12, 13 sur
lasobrit); de surcrot cette seule citation biblique est un passage
de la Gense (1, 31) que certainsexgtes avaient dj mis en rapport
avec le Time et la tradition de la pense platonicienne 15.Aussi la
grande majorit des auteurs cits s'inscrit-elle dans la ligne de la
tradition platonisanteou noplatonicienne, en dpit de la prsence
d'Aristote au tout dbut du texte. Cette trompettephilosophique
aristotlicienne sous la houlette de laquelle dbute le sermon, comme
bien d'autresouvrages d Alain, semble d'ailleurs tre plutt l
invocation de l'autorit absolue de la philosophieancienne (dite
naturelle ), qu une dclaration d'orientation philosophique
proprement dite de lapart de l'auteur/orateur. Mais c'est aussi,
peut-tre, le signe d'un intrt plus appuy de la partd Alain pour
l'aristotlisme logique, bocien et porphyrien, face la prsence
massive de lacosmologie platonicienne au xne s., et face au rle
accord l'image dans la notique platonicienne,ainsi que dans la
rhtorique latine, d'inspiration platonicienne elle aussi,
orientation notique ayantdtermin une thorie du statut de l'image et
de la mimsis largement suivie par la majorit deschartrains et des
victorins.
13. Voir les prcisions de M.-Th. d'Alverny, Alain de Lille.
Textes indits... (voir n . 1), p. 303, n. 48.14. P. Courcelle, Les
lettres grecques en Occident. De Macrobe Cassiodore, Paris, 1943
(chap. L'Orient au secoursde la culture profane Boce , surtout p.
287-289).15. Dieu vit tout ce qu'il avait fait. Voil, c'tait trs
bon (Gen. 1, 31). La tradition philosophique d'o proviennentles
concepts d ordre et de beaut, prsents dans ce verset, est affirme
propos de ce passage mme par Eusbe deCsare (PE XI, 31), qui cite ce
que dit Platon dans le Time 29a (voir La Bible d'Alexandrie, Gense,
p. 98, note),ainsi que par Jean Chrysostome (Sur la Providence de
Dieu, IV, 2-3, dans Mondzain, Image, icne, conomie. Les
sourcesbyzantines de l'imaginaire contemporain, Paris, 1996, p.
53). Mais encore faut-il prciser que le texte d'Alain de Lille
neprsente aucune proximit avec un commentaire de la Gense de type
In Hexaemeron, genre d'exgse largement exploitedepuis Basile de
Csare et Augustin jusqu' Thierry de Chartres, mais qu'il se
rattache plutt au genre philosophico-littrairereprsent par la
Cosmographia de Bernard Silvestre. Sur ce dernier point, concernant
les possibles interprtations de laCosmographia comme une tentative
de concilier le rcit biblique et le Time, voir l'tude introductive
de M. Lemoine,dans Bernard Silvestre, Cosmographie, Paris, 1998, p.
19.
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264 CAHIERS DE CIVILISATION MDIVALE, 41, 1998 ANCA VASILIUB. 1 :
Prmisse : dfinition de la sphre comme figure de Dieu.La sphre
(toute forme sphrique en gnral) est considre grce sa proprit
(notammentson infinit mais Alain se garde bien de prononcer cet
attribut qui le raccrocherait d emble la tradition philosophique
paenne) comme tant la forme la plus adapte, la plus apte (cuiaptius
quam diuine essentie sperice forme aptatur proprietas ?),
[reprsenter] l essence divine parses proprits, savoir Y alpha et
Yomga, principe et fin, mais sans dbut ni fin (que est alphaet
omga, principium et finis, principio carens et fine), pareille en
effet la dfinition de la monade : c'est--dire principe et fin, sans
avoir elle-mme ni commencement ni fin, sujet derien mais forme
pure, informe elle-mme par rien, et cause de tout 16. La forme
interrogativede cette premire assertion n a pas beaucoup
d'importance dans ce contexte. En revanche, notonsque cette
question rhtorique, qui n'est pas une vritable figure d loquence
digne de MatreAlain, est conue pour rpondre en fait l axiome
initial : Deus est spera... Rpondant par unedfinition de la sphre
comme figure approprie la monade on dirait par une attribution
defigure analogique si ce dernier mot n'tait pas anachronique pour
la pense du xne s. l'auteurdplace ainsi la proposition axiomatique
de l'pigraphe depuis le champ ontologique de la monadecomme
principe constitutif de l'tre, vers celui de la reprsentation ou du
mode d'tre deDieu, tout en laissant sous-entendre une quivalence
entre les modes d'tre et l essence mme deDieu qui rattache bien la
pense d Alain de Lille celle de son matre porrtain 17. Ce
glissementsubreptice est en outre accompagn par un non-dit : toute
forme sphrique est une figure approprie reprsenter Dieu, mais Dieu
est la sphre intelligible, et uniquement celle-l. Bref, Alain
installed emble une quation de premier degr, avec une trame
cosmologique qui se laisse deviner dansl'arrire-plan du thme abord
(comme c'est d'ailleurs trs souvent le cas dans les
critsphilosophiques du xne s.) : Dieu est ternit/infinit, la sphre
est une image-figure-forme-ide del'ternit/infinit, donc la sphre
est approprie dans certaines conditions figurer ou dfinirDieu.
Mais, comme il dteste apparemment rester dans le cadre d'un sermon
attach au domainestrict de la dialectique ou de la logique, il
dplace en fait, ds le commencement du sermon,l'assertion de
l'pigraphe vers l'horizon de la grammaire thologique et de la
rhtorique, et ensomme depuis le champ de l ontologie vers les arts
de la reprsentation/figuration et dela nomination.Les images et les
appuis d'autorit invoqus immdiatement pour cette assertion,
esquisse d'ailleurstrs rapidement, sont de deux ordres et
illustrent bien, par leur choix, l'orientation de l'auteur :a. Les
premires images sont des figures allgoriques empruntes Martianus
Capella (De NuptiisMercurii et Philologiae I, 7). Mais l'ouvrage de
Martianus est en fait cit sous le nom d pitha-lame , Epithalamica
comme dans le prologue d'un autre ouvrage d Alain, Expositio Prosae
deangelis, o l'auteur cite plus clairement epithalamica Salomonis,
ainsi que dans les Distinctiones,o il s explique, enfin, prcisant
qu il s'agit du Cantique des Cantiques : scilicet
EpithalamiumSalomonis, quod canit de ineffabili coniunctione
Christi et Ecclesiae 18. Le lecteur ralise donc, parcette fictive
appellation/attribution d une uvre, qu il s'agit en effet d'un
croisement de deuxuvres, d une superposition et d une lecture en
filigrane du prosimtre latin et du pome bibliquerunis sur le thme
commun des noces du sensible et de l'intellect, de l me et du
corps, duprissable et de l'ternel. Les images invoques sont les
demi-diadmes passs par la volont deJupiter (id est universalis
pater, Deus scilicet) de sa fille aine ternit une autre fille,
appele
16 . C'est la dfinition de la monade d'Alain donne par E.
Gilson, qui fait driver cette maxime sur la sphrede la premire
maxime figurant dans le Livre des XXIV philosophes ( savoir de la
dfinition de Dieu comme Monadequi produit le multiple mais engendre
l unit en rflchissant/renvoyant sur elle-mme sa propre ardeur, c
est--dire sonther flamboyant) (voir n . 4, p. 313-314).17 . Voir
chez Gilbert de la Porre l quivalence/identit dispute, autour d'une
interprtation de l ablatif, et fortementconteste par les autorits
ecclsiastiques, entre Deus et deitas dans deitas qua est Deus,
ainsi que dans l autre formuledevenue clbre quidquid in Deo est
Deus est (voir A. Dondaine, crits de la petite cole porrtaine,
confrencesAlbert le Grand, Montral/Paris, 1962, p. 15 et ss.). La
valeur du in prsent dans l'adage de Gilbert se retrouve d
ailleursexpliqu chez Alain travers un dtour dans la mythologie voir
Distinctiones, PL, 210, col. 816, in ... cum ablativo ...nott
similitudinem rei ... (M.-Th. d ALVERNY, Alain de Lille (voir n .
1) p. 204, n . 33).18 . Ibid., p. 194.
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Intelligible (Sur Un Sermon d'Alain de Lille)
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L'CONOMIE DE L'IMAGE DANS LA SPHRE INTELLIGIBLE 265Chlo, fille
cette fois-ci de l Endlchie et du Soleil, du Principe-de-perfection
(principe-fminin)et de la Lumire (agent-masculin). Cette dernire
fille n'est autre que l me humaine (psych),laquelle, ce que l'on
comprend, toute honore qu elle soit de noble perptuit comme ditle
texte (jouant sur perptuit/ternit), n'est toutefois pas issue
directement de Jupiter/Dieu. Dansl'explication de la rgle 7, Alain
recourt aux mmes images, diadme et demi-diadmes alorsqu il venait
justement d'affirmer qu il ne faut pas se laisser entraner par les
images lorsqu onaffirme que Dieu est une sphre et il dvoile, comme
argument de son choix de l'image,un secret dissimul dans la partie
invisible de celle-ci, dans le non-dit de la parole immdiate,une
tymologie propre du mot diadema lequel dsignerait/ aurait mme,
selon ses termes,l'ternit (Martianum diadema dicitur aeternitatem
habere) parce que le diadme est priv de dbutet de fin : quasi duo
dmens , id est principium et finem appellatur 19. La mme image et
lamme explication se retrouvent d'ailleurs dans notre sermon, dans
les Distinctiones 20 et dansd'autres ouvrages d Alain21.
Remarquons, toutefois, que l'cran littraire dress par la rfrenceaux
allgories de Martianus, et auxquelles il n'est pas le premier faire
rfrence (Jean Scotavait dj utilis l'image du diadme comme image de
l'ternit en citant Martianus), repose enfait sur toute une
tradition philosophique et gomtrique platonicienne et
noplatonicienne celle des tres gomtriques et que la figure des
demi-diadmes, annonant les demi-cerclesqu Alain cite dans le
passage suivant, est, avec la spirale et les arceaux, une figure
des tresgomtriques mixtes , c'est--dire des figures qui, analogues
aux principes des tres, ne sont nilimites ni illimites
(peras-apeiron) mais un mixte des deux (mikton), commme nous le
trouvonspar exemple chez Proclus, dans le Commentaire au Livre I
des lments d Euclide, o Proclusaffirme lui aussi, comme Plotin pour
la figure de la sphre, que le cercle constitue l'expressiondu
mouvement intelligible du fini, alors que la droite est
l'expression du mouvement vers le sensiblede l'infini (prcisons que
dans la classification de Geminus, suivie ici par Proclus, le
cercle estune figure du limit et la droite de l'illimit 22).
Retenons ce rapprochement avec les tresgomtriques , les figures
intermdiaires ou mixtes, la descente linaire de l'infini et la
monteen spirale de l'intellect fini, ayant une rfrence (indirecte
certes) Proclus, car ces figures etces mouvements vont se retrouver
en quelque sorte dans notre sermon et deviendront, noussemble-t-il,
clairantes pour son interprtation.b. En second lieu viennent en
effet des figures gomtriques empruntes Boce (De arithmetica ouvrage
non cit) et Cicron (De inventione ouvrage cit) : ce sont des
demi-cercles parla rotation intelligible desquels on obtient une
forme sphrique (ou un cercle) qui est la figurede l'ternit, mais
aussi celle du temps, lequel n'est d'ailleurs qu une partie de
l'ternit, son buttant par consquent de retourner au sein de
celle-ci. S ajoute sur ce dernier aspect, le temps temporel , une
troisime rfrence, Mercure (c'est une citation libre de VAsclepius,
prciseM.-Th. d'Alverny 23), pour qui la temporalit se retourne sur
elle-mme se refltant en mmetemps sur/dans l'ternit jeu de miroirs
et de rotation qui assure le passage du temps(temporalit) l'ternit,
rappelant la dfinition de la Monade (cite plus haut) et justifiant
ainsiles images du demi-cercle pour le temps et de la sphre pour
l'ternit.Le premier paragraphe fait donc appel, mais sans s'y
attarder, des allgories (les dieux paens,des personnages
mythologiques), tandis le second paragraphe utilise, lui, sur le
mme sujet unlangage appropri la science philosophique (par gomtrie
interpose); la sphre (ou le cercle)est ainsi dfini(e) comme une
image du temps, de l'ternit et de leur rapport. La
problmatiquephilosophique aborde reste donc subordonne pour
l'instant au platonisme classique : l medu monde et les mes, le
temps et le mouvement, l'ternit du monde, subtilement souligne
parle lger dcalage avec la perptuit de l me humaine. Nous noterons
toutefois que pour parler
19. Fr. Hudry, Alain de Lille... (voir n . 9), p. 110.20 . PL,
210, c. 766-767.21 . M.-Th. d'Alverny, Alain de Lille... (voir n.
1), p. 298, n. 10.22 . Voir A. Charles-Saget, L architecture du
divin. Mathmatique et philosophie chez Plotin et Proclus, Paris,
1982,p. 280-284 et n . 30.23 . M.-Th. cI'Alverny, Alain de Lille...
(voir n. 1), p. 298, n. 14.
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266 CAHIERS DE CIVILISATION MDIVALE, 41, 1998 ANCA VASILIUde la
destine temporelle et de l accs l'ternit de l'me humaine Alain
utilise un langageallgorique, alors que la problmatique du temps,
aborde sous un angle purement philosophique(gomtrique), est traite
dans un langage dnu de toute figure littraire ou rhtorique et
rduite des citations de figures gomtriques tires des Matres (Boce,
Cicron, Mercure).Arrive ce point, une nouvelle remarque nous vient
l'esprit : en effet, ni Platon, ni Parmnide,ni Aristote ne sont
cits pour ce lieu commun de la philosophie qu'est l'image de la
sphre enrapport avec l'ternit ou l'infinit; la paternit
philosophique, longuement dispute, du topos dela sphre semble ne
pas entrer en ligne de compte dans un sermon. Pour Alain, les
grandsphilosophes restent dans l'arrire-plan, dans la trame
invisible du discours (sources dcelesventuellement par les
connaisseurs ) et l'on fait appel nommment des autorits pour
laplupart latines, c'est--dire des philosophes-rhteurs, thoriciens
du langage et de l loquence,qui sont les mdiateurs de Platon et
d'Aristote, leurs intercesseurs vis--vis du monde
chrtienoccidental, et qui s'expriment, eux, comme Alain, par des
images, par des allgories, par desdiscours btards entre la
philosophie, la posie et la thologie. D autre part, Magister
Alanus,Doctor Universalis, a raison de ne pas tenir un discours
philosophique mais de rester plutt dansl'enclos disons littraire
(rhtorique-allgorique) et de le dclarer, de surcrot, par le choix
desauteurs cits, car il dfinit ainsi sa position sans crainte de
confusion ou de glissement d interprtatione la part de son
auditoire vers une possible hrsie : comme on ne peut pas dfinirDieu
(mme si, par esprit de contradiction, on se le proposait ), l'on
doit rester, ce sujet, dansle champ de la reprsentation et des
modalits ainsi ce n'est pas Dieu lui-mme qui seraitmis en cause
mais bien la reprsentation-de-Dieu (autrement dit : Flos in pictura
non est flos,immo figura selon un vers clbre des Carmina Burana
24), dmarche la fois raliste , sil'on peut dire, et proche par ses
positions et ses moyens de la voie ngative, qu Alain a
toujoursprivilgie en la considrant par ses dtours plus adquate la
thologie 25.B. 2 et 3 : Description et analyse de la partie
consacre la dfinition des sphres par lemouvement et par l'image.B.
2 : Plusieurs sphres; dfinition par le mouvement.Mais, brusquement,
notons (sed notandum) qu il y a plusieurs sphres, car Alain, peine
amorcle discours, semble se souvenir en passant toutefois sous
silence ce glissement effectudiscrtement sur un autre plan du
discours que la sphre est en fait une image du cosmosavant d'tre
une dfinition de Dieu, ou plutt qu elle serait une image de la
connaissancedu monde, et qu il y a plusieurs types de connaissances
(du monde), selon la structure quadripartitedes puissances de l me
dcrite par son matre Boce dans un passage de la Consolatio (V.
4-5),rendu clbre par ses commentateurs 26. Il y aurait donc quatre
facults : sensible, imaginaire,rationnelle et intelligible et
chacune d'entre elles est reprsente par une sphre, c'est--direun
monde en mouvement, un monde qui tourne sur son propre axe; quatre
sphres concentriqueset mobiles qui rappellent (si on nous permet
une image qui aurait au demeurant pu servird exemple Alain) le
modle astronomique d Eudoxe. Soudainement il n'est plus question
deDieu, partir de ce point, ni de thologie chrtienne proprement
parler, du moins pour unmoment assez long dans l conomie de
l'ouvrage.
24 . Cit ce propos par Alain Michel, Rhtorique, potique et
nature chez Alain de Lille , dans Colloque deLille (voir n. 1), p.
116.25 . Voir dans ce sens les observations du Pre J. Chatillon
(dans Colloque de Lille, p. 47-60) et de W. Wetherbee Theology for
Alan is a ngative theology, grounded in the conviction that human
language and the propositions ofreason are fundamentally incapable
of addressing the divine reality directly, and it involves a
transformation of the workof the sciences so radical as to divorce
language from the natural rfrence, reducing the Platonic cosmos, at
best aphantasma of its divine model, to no more than a ngative
image of the divine infinitude. (L'auteur cite pour appuyerses
affirmations un passage de YAntidaudianus, I, 488-503) ; voir A
History of XII'h Cent. Western Philosophy, Cambridge,1988, chap. I,
p. 51-52.26 . Voir les prcisions de Fr. Hudry, Alain de Lille...
(voir n . 9), p. 285, n . 3.
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L'CONOMIE DE L'IMAGE DANS LA SPHRE INTELLIGIBLE 267Nous sommes
en fait devant une premire rupture dans l'articulation du discours,
rupture volontaire(comme le remarque Peter Dronke aussi, en situant
ce point prcis le dbut effectif de la fable d Alain, cette
metaphysical fabula 27 comme il l appelle), pour amorcer le premier
tour l'extrieur, en dehors de la dfinition qui sert d pigraphe au
sermon. Le trajet du discours vadessiner partir de ce moment
plusieurs cercles concentriques (B 2, B 3, C 1, C2, D 1, D 2, D
3),vraisemblablement sept cercles, constituant la structure de ce
discours que nous avons appel detype prichortique . Alain va donc
essayer de dcrire ainsi le trajet d une pense qui avanceelle-mme
par des circonvolutions, par un mouvement giratoire {non per
linearum motum sensualitas,... sed per orbicularem motum rationis
non pas par le mouvement linaire de la sensibilit,... mais par le
mouvement giratoire de la raison , dira jusqu au dernier paragraphe
le sermon, eninsistant plusieurs reprises sur la rotation, l'orbite
et le mouvement centripte de l me), afind'approcher de cette manire
le centre intouchable, indfinissable, le centre paradoxal ou
aportique,le centre ubique de la sphre intelligible qui constitue
pour l'orateur la figure la plus appropriepour nous reprsenter
Dieu. En mme temps cette rupture volontaire montre, nous
semble-t-il,que le souci de l'auteur de ce sermon n'est pas
exgtique, ou pas seulement exgtique commel'on pourrait s'y attendre
pour un sermon, mais qu il est tout aussi bien tourn vers la
forme,vers une russite d'ordre esthtique, pour laquelle il met en
uvre tout son savoir dans lemaniement des instruments de la
persuasion, propres plutt une preuve d'art oratoire. Or, lersultat
de ce double effort, hermneutique et rhtorique en mme temps, laisse
entrevoir que ledsir de perfection de l'auteur se partage gale
mesure, pour le mme sujet, entre V enseignement(thologique) d une
part et la recherche (des sciences , des arts) de l'autre. Alain se
posevisiblement des questions de disposition, de progression et de
figures mettre en jeu : sur lasphre l'on va donc discourir en forme
de cercle, tourner autour et chercher ou forger des imageset des
figures, de telle sorte que l'on finira par s'approcher du centre
en jouant littrairementet philosophiquement sur ce qu on pourrait
appeler en grec peri-peras, c'est--dire sur la limiteque l'on
contourne (circa) sans pouvoir la dpasser/traverser, parce qu elle
est en fait, toutsimplement, nulle part (nusquam comme la
circonfrence de la dernire sphre, l'intelligible).Pourtant, tout en
tant invisible parce que nulle part, non localisable, atopique,
non-lieu car lasphre est proprement non corporelle 28, cette limite
qui n'est autre que celle du langage etnotamment de la figure, de
la reprsentation a le pouvoir de dfinir (de dlimiter)
toutefoisl'indfinissable, de circonscrire l'incirconscriptible 29
et de permettre ainsi, terme, de reprsenter l'irreprsentable,
savoir l'union intelligible avec Dieu. Ainsi la limite de Yart du
langageassure-t-elle aussi le principal pouvoir de celui-ci : un
rapport privilgi avec le paradoxe, auxabords duquel s'arrtent les
autres sciences, la logique, la dialectique ou les mathmatiques.L
auteur va d'ailleurs choisir un instrument privilgi, un moyen qu il
va annoncer un peu plustard et qui sera particulirement appropri au
but (peut-tre impossible atteindre) que se donnece sermon.Cette
manire d amorcer un discours par un nonc et un premier dpart suivi
d une rupture quiannonce un nouveau dpart de l expos est-ce le vrai
cette fois-ci ? fait partie des astuces d'un auteur (Platon fait la
mme chose dans le Time par exemple) qui se sent plus proche
deslettres (voire des mythes) et des moyens mis en place par la
rhtorique pour mettre en videnceun paradoxe, que de la thologie
exprime dans un langage sans distance; ou disons que c'estl'un des
moyens propres un auteur qui du moins n'rige pas des barrires
infranchissables entreles sciences et leurs langages spcifiques. On
ne peut pas s'empcher de penser, arriv ce
27 . P. Dronke, Fabula... (voir n . 8), p. 147.28 . Voir aussi
les prcisions et les comparaisons d ordre quantitatif, petitesse,
... quantit de lieux circonscrits , dansl'explication de la rgle
7.29 . Nous empruntons ici encore une terminologie propre Alain,
qui affectionne tout particulirement, comme JeanScot, les
associations des contraires; circonscrire l'incirconscriptible,
expression utilise dans le dbat sur l'iconoclasme(Jean Damascne, le
patriarche Nicphore), est employe par Alain dans la variante
incircumscriptum describit (par ex.dans VAnticlaudianus, V, 115),
mais il est plus vraisemblable qu'il ait emprunt cette expression
Jean Scot ( lacirconscription de l incirconscr it , Priphyseon,
III, 633B, trad. Fr. Bertin, PUF, p. 89), plutt qu'aux auteurs
grecs. Voiraussi A. Michel Rhtorique... (voir n. 24), p.
119-120.
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268 CAHIERS DE CIVILISATION MDIVALE, 41, 1998 ANCA VASILIUpoint,
au prologue de la somme Quoniam homines o Alain en citant dj la
trompetted'Aristote, ut aristotelica tuba proclamt, pour proclamer
la vertu des mots, des noms des choses,vertutis nominum, et la
figure biblique de l'enrichissement des Hbreux au dpens des
gyptiens(Ex. 12, 35-36) comme figure du rapport entre thologie et
philosophie fait une fois de plus(voir le De planctu Naturae et
plus tard Y Anticlaudianus), mais en contexte thologique
cettefois-ci, un loge dclar des arts libraux qui possdent le don de
pouvoir transfrer la voieimpriale des facults thologiques des
significations nouvelles prises au monde de la nature et l'Antiquit
(lire la philosophie paenne) 30. Mais il faudrait prciser aussi que
le souci esthtique dont tmoigne le sermon Sur la sphre intelligible
entre en mme temps en contradiction avec lesdclarations d Alain de
Lille dans son ultrieur Ars praedicandi (Summa de arte
praedicatoria),ainsi qu avec la plupart de ses autres sermons. Sans
nous attarder sur la question, il nous sembletoutefois important de
rappeler que, dans son texte thorique sur l'art de la prdication,
Alainfait preuve d'un certain refus l gard de la rhtorique et
dclare avoir une vritable rticence la fois vis--vis des figures
luxuriantes d une loquence fleurie et de la construction
sophistiqued'un discours, qui mettraient en danger les esprits en
les effminant, et vis--vis de l'excs inverse,d une sobrit qui
rendrait le verbe exsangue (... et animos quodammodo effeminantia
ponuntur :praedicatio enim non dbet splendere phaleris verborum,
purpuramentis colorum, nec nimis exsangui-bus verbis dbet esse
dejecta... 31). Mme en voyant dans le rejet des figures de l
loquence fleurienon pas une opposition d'ordre stylistique mais
plutt un rejet (au moins apparent) de laphilosophie (sous les
habits de la rhtorique) savoir des sciences naturelles et de
ladialectique au profit de l'enseignement moral et thologique, il
reste toutefois que ce sermonn'entre aucunement dans la typologie
habituelle de l loquence sacre, ni dans celle qui la
remplaceparfois au xne s. et qu on a appel la revue des tats du
monde 32. Le ddoublement ressentidans son ars praedicandi entre les
exemples donns et les expressions (les techniques
rhtoriques)utilises pour expliquer la dmarche, ddoublement entre le
thologien et le pote, le moralisteet l'crivain, est, nous
semble-t-il, entirement dpass dans un sermon comme celui sur la
sphreintelligible, mais bien au dpens de la thologie, du moins
considre en tant que science morale .Mais revenons enfin nos sphres
et leur mouvement. Chacune de ces sphres est soumise un mouvement
particulier :a. Mouvement circulaire simple pour la sphre adonne
l'investigation des sens ; c'est--diresaisie et emprise
(domination) esthtique du monde, manire de tourner autour des
choses, de lesvoir sans comprendre d emble sur quel plan de la
connaissance se situe ce que l'on voit ouentend. C'est la sphre
sensible (spera sensilis) et en mme temps, si l'on s'arrtait l,
c'estl abme du mimtisme pur et du balbutiement non architecture par
un sens.b. Circulation alternative des formes (orbiculari formarum
reciprocatione circumfertur) pour lamatire primordiale
(primordialis vero materia), considre par la fantaisie imaginative
(ymaginatio-nis fantasia) comme sphre imaginaire, ou plutt
imaginale (spera ymaginabilis) ; l'on comprendqu il s'agit ici d'un
va-et-vient entre ce qui vient de l'extrieur se reflter dans
l'imagination etce que l'imagination projette son tour comme forme
(imprime) sur/dans la matire primordiale;un mouvement qui ne
comporte donc pas de dplacement car il se traduit dans un espace
demiroir. D ailleurs aucun des mouvements dcrits ici par Alain ne
comporte un quelconquedplacement : ce sont quatre types de
mouvement immobile, soit de rotation autour d'un centrequi n'est
pas le mme pour chacune des sphres, mais qui est chaque fois un
centre atopiqueou ubique et par consquent invisible, soit
d'alternance (balancement) en-de ou au-del d'unpoint ou d une ligne
qui comporte les mmes caractristiques que le centre atopique.c.
Mouvement circulaire incessant de la raison (indefessa rationis
orbiculatione voluitur) qui setourne vers elle-mme (et eiusdem
inuestigatione comprehenditur) ; c'est la spera
rationabilis,c'est--dire la sphre de la pense qui se pense elle-mme
dfinition de la pense, de la nosis
30 . P. Glorieux, La somme... (voir n . 10), p. 119-120.31 . Cit
et comment par M. Zink, La rhtorique... (voir n. 2), p. 175-176.32
. Ibid., p. 181.
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5/24/2018 Anca Vasiliu, L'conomie de l'Image Dans La Sphre
Intelligible (Sur Un Sermon d'Alain de Lille)
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L'CONOMIE DE L'IMAGE DANS LA SPHRE INTELLIGIBLE 269suprieure
selon la mtaphysique aristotlicienne (Met., livre lambda, 1072b,
19-24), mais qui estappele ici, selon la tradition du Time, me du
monde (mundana vero anima) c'est aussi,nous semble-t-il, une
allusion la cosmologie aristotlicienne (De caelo), au ciel dernier,
celui qui touche le Premier Moteur et qui l'on a imprim non pas
l'immobilisme de l'ternit maisbien la circularit parfaite et de ce
fait infinie (il s'agit du ciel de l'ther), alors que plus bas
lesautres cieux sont soumis un mouvement imparfait (voir
l'alternance cite avant); et c'est aussi,peut-tre, le mouvement
infini du cercle, c'est--dire l'expression du mouvement
intelligible dufini , selon le passage de Proclus cit plus haut. D
ailleurs, ce mouvement giratoire de la raisonsera invoqu de nouveau
la fin extrme du sermon (orbicularem motum rationis), mais
placcette fois-ci sur le pallier thologique et non pas physique du
discours.. Enfin, la quatrime sphre n'est pas elle-mme en mouvement
mais, tout en tant immobile,elle produit le mouvement universel,
celui qui meut le monde (uniuersitas mouetur) ; il s'agit duMoteur
Premier appel Essence divine immense , ou bien non pas appel, car
il n'y a pas denom qui puisse lui correspondre, mais plutt dfini
par une qualit : l'immensit de l essencedivine (diuine vero
essentie immensitas) ; il s'agit de la spera intelligibilis.Avec
ces quatre types ou qualits du mouvement (l'immobilisme compris)
qui sont en dehors detout progrs spatial et se dfinissent
tous/toutes dans un lieu qui reste atopique (la proximit avecla
dfinition du mouvement chez le Stagirite nous semble, par
l'intermdiaire de Boce, vidente),Alain estime qu il peut dsormais
franchir un premier cercle dans ce qu on pourrait appelerl exgse
concentrique de la sphre intelligible, et qu il peut passer
maintenant une nouvellesrie typologique de quatre qualits appliques
aux quatre sphres des facults de l me et de laconnaissance du
monde.L on remarquera encore, avant de passer ce second cercle de
la dfinition, que le discourscommence par noncer ce qu'est Dieu une
sphre intelligible (Deus est...) mais lorsqu onsait par le
mouvement, ensuite par la forme, ce qu est la sphre intelligible,
il n'est plus questionde Dieu dans la dfinition, mais bien du
monde, de sa structure et de la progression de l me travers les
tapes/tages du cosmos. Comme le Dieu d Alain ne peut tre identifi
ni auPremier Moteur aristotlicien ni la sphre platonicienne des
ides, le marchepied du discours(l'affirmation initiale Deus est...)
se retire ds ce premier cercle (la dfinition par le mouvement),et
le discours semble dsormais suspendu, dcentr, ou en tout cas spar
du thme annonc,situ en quelque sorte l'extrieur, excentr
volontairement, comme pour laisser la place audveloppement, l
closion d'une spirale, comme pour permettre la constitution d une
vritabledmarche prichortique. Il ne sera plus question avant la fin
du sermon de la dfinition de Dieu,ni d'ailleurs de celle de cette
sphre intelligible comme tant la figure la plus approprie deDieu,
mais il sera question uniquement des sphres dans leur succession et
des moyens dedpassement, de sortie de chaque sphre pour passer vers
l'autre, dans une progression en spiraledestine atteindre
l'inatteignable, c'est--dire le centre ubique de la quatrime sphre,
la plusproche de ce centre invisible ou ineffable et la plus
englobante en mme temps de toutes lesautres sphres. Notons
d'ailleurs que c'est trois reprises (B 3, C 2, E) que le discours d
Alaininsiste sur le mouvement de rotation, de tournoiement
(circumuolans), d lan centrifuge de lapense, qui emmne par la
quatrime puissance (intellectualitas) l me au-dessus d elle-mme
(suprase), et que dans cette analyse des diffrents mouvements des
facults notiques l'on peuteffectivement retrouver les traces des
mouvements dcrits par Proclus en rapport avec la typologiedes tres
gomtriques 33. Digne hritier de l rigne par sa proximit avec un
certain noplatonisme(avec Proclus, en l'occurrence), ainsi que par
son got pour le paradoxe et pour les visions
33. Proclus voque la prsence du droit et du circulaire dans
l'me, dans le cosmos, et, avant eux, dans l intellectet chez les
dieux (A. Charles-Saget, L architecture du divin (voir n. 22), p.
282); il s agit, en l'occurrence, d'unmouvement linaire de l me, s
exprimant dans la gnration processive, ce qui pourrait correspondre
chez Alain auxmouvements du sensible et de la sphre imaginale qui
gardent l'me autour d'elle-mme (circa se), ainsi que d'unmouvement
circulaire propre l activit intellectuelle, par lequel l'me entre
en elle-mme pour s'lever ainsi au-dessusd'elle-mme (apud se et
supra se, chez Alain). Voir aussi plus haut.
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5/24/2018 Anca Vasiliu, L'conomie de l'Image Dans La Sphre
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270 CAHIERS DE CIVILISATION MDIVALE, 41, 1998 ANCA VASILIUet les
expressions mtaphoriques qui le mettent en scne, Alain prfigure
aussi, et plusieurstitres d'ailleurs, l'architecture des cercles et
la structure bi-frontale, thologico-potique, de laDivine Comdie
34.B. 3 : Plusieurs sphres; dfinition par l'image.Le deuxime cercle
comporte une longue dfinition de l'exercice des facults de l me
(respectivementes quatre sphres qui les reprsentent ) par
l'intermdiaire de la forme et de l'imagerunies. Alain entend
entreprendre en fait, dans la partie centrale de son sermon, la
dfinitiondes puissances de l me selon leurs rapports spcifiques
avec l'image et la forme. Il superpose cette fin une typologie
formelle des quatre puissances de l me (des reprsentations de
celles-cien tant qu occupantes de chacune des sphres ou demeures de
la connaissance gnosologie parmtaphore ou allgorie interpose) et
une typologie du fonctionnement (typologie oprationnelle
?),c'est--dire un essai de structuration du processus de la nosis
selon le rapport particulier tabliavec l'image chacun des degrs de
l me (sensible, imaginaire, rationnel et intellectif). Nousvoici
entrs prsent dans le noyau mme de notre sujet, dans ses apparentes
contradictions etdans les jeux sur les sonorits, les proximits
tymologiques et les sens multiples des mots qu Alainaffectionne
tout particulirement.Selon ce second cercle de dfinitions, la
premire sphre, sensible (sensilis), est formelle (formalis),la
deuxime, imaginaire (ymaginabilis), est informe (deformis disons
plutt dformante et sans consistance , on dirait incorporelle et
dissemblable), la troisime, rationabilis, est conforme(conformis
gnrant la similitude, la conformit, ou la ressemblance envers
elle-mme) et laquatrime, intelligible (intelligibilis), est sans
forme (informis prsente, si l'on veut, mais enl absence de toute
forme, non imaginale). Ces quatre qualits formelles des sphres
prsententou engendrent en outre quatre types de mouvements
spcifiques qui n'ont pas de vritablesressemblances, d analogie
formelle ou proportionnelle avec la dfinition des sphres par
leursmouvements propres dans le premier cercle de la dfinition.
Ainsi la sphre sensible est-ellemobile (mobilis), la sphre
imaginaire immobile (immobilis), la sphre rationnelle instable
(instabilis)et la sphre intelligible stable (stabilis). Si le souci
de rptition et de symtrie semble vident au demeurant, il est loin
de nous tonner de la part d Alain de Lille (voir, par exemple,
audbut de la Somme Quoniam homines, ses jeux linguistiques sur la
thologie ypothetica etapothetica, sur thesis et extasis, etc.) la
signification et l'origine de ces attributs paraissent enrevanche
plutt obscures dans ce contexte. Ces sphres logent, chacune sa
manire, les variererum species, les aspects des choses, comme si
celles-ci, les species, taient en effet les locatairesdu palais, de
l espace intrieur de chacune de ces sphres. Ces species sont
pourtant diffrentesselon le palais qu elles habitent : elles
s'appellent ychones dans la premire sphre, yconiedans la seconde,
ychome dans la troisime et ydee dans la quatrime.En dpit de leurs
noms abstrus, qui calquent, et dforment dans au moins un sinon deux
descas, des termes grecs la manire spcifique d Alain (dans la
plupart de ses ouvrages), ceshabitantes des demeures de la
connaissance propre chacune des sphres des facults de l melaissent
aisment voir qu il s'agit pour toutes les quatre d tres d image .
Il s'agit justement dece qu Alain semble critiquer plus tard dans
le commentaire de la rgle 7, c'est--dire d'unglissement vers un
mode de l'entendement habit par l'image (modus ymaginabilis) et
vers lacomprhension des sphres par ressemblance (mensongre) avec
des corps/tres gomtriques. Or,il n'est toutefois pas question, nous
semble-t-il, d une simple critique du sermon glisse au dtourd une
phrase des Regulae par son propre auteur, assagi ultrieurement par
des expriencesphilosophiques ou plutt religieuses et par une
maturit thologique acquise auprs desbndictins anglais (de l abbaye
du Bec ou Cantorbry) ou chez les sobres cisterciens franais(auprs
desquels il ne cherchera un abri spirituel qu la fin de sa carrire
de magister).
34. Plusieurs tudes sur les proximits littraires et thologiques
(lire visionnaires ) entre Alain de Lille et Dante,mais sans
rfrence prcise au sermon Sur la sphre... E. R. Curtius, Dante und
Alanus , Romanische Forschungen,62, 1950, p. 28-31; Peter Dronke,
Boethius, Alanus and Dante, ibid., 78, 1966, p. 119-125; Andra
Ciotti, Alano e Dante , Convivium, 28, 1960, p. 257-288.
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5/24/2018 Anca Vasiliu, L'conomie de l'Image Dans La Sphre
Intelligible (Sur Un Sermon d'Alain de Lille)
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L'CONOMIE DE L'IMAGE DANS LA SPHRE INTELLIGIBLE 271L allusion
critique aux images dans le commentaire de la rgle 7 n'entre pas en
fait en contradictionfondamentale avec le long dveloppement sur les
habitantes images des demeures de laconnaissance dans le sermon sur
la sphre intelligible. Ce n'est l, selon nous, qu un bref rappelde
la dmonstration dialectique labore, l aide d allgories et de
figures gomtriques, dansle sermon.Voyons pour l'instant qui sont
ces habitantes des palais de la connaissance, comment les
dcritl'orateur et quel rle revient chacune dans l'agencement des
puissances de l me et dans leurfonctionnement spcifique :a. Les
ychones sont les images (Le. ymagines) qui sont sujettes (supports)
des formes (ychonesLe. subiecta suarum formarum). Elles sont pares
de pourpre (purpuramentis oranata) comme lesfigures de l loquence
fleurie incrimines plus tard dans la Summa de arte praedicatoria
(voir plushaut), pares de pourpre comme un personnage drap en habit
imprial, ou costum pour desnoces, prpar pour le repas de fte (de la
parabole vanglique), ou bien, comme le bois, lesupport des icnes
byzantines revtu de pourpre (rouge cinabre) afin de recevoir la
lumire (la feuille d or) et la reprsentation, F ombre colore des
figures peintes (nous empruntons iciencore une expression chre
Alain imagines rerum ab umbra picturae..., De planctu, 479).
Ellessont appeles des images (ychones, Le. ymagines) parce que leur
tre, leur vrit ontologique , at produit(e) (in veritatem essendi
sunt producta) en les amenant vers la similitude avec
lesexemplaires ternels (ad similitudinem eternorum exemplarium) qui
depuis l'ternit furent dansl'esprit divin (que ab eterno fuerunt in
mente divina). Le palais qu'habitent les ychones est eneffet un
palais de noces (in hoc palatio celebrantur nuptie), rappelant
celui voqu par la citationsuperpose du De nuptiis de Martianus et
du Cantique au tout dbut du discours. Ce sont lesnoces de Nature et
du natif, de Forme et de la forme native , de la proprit et du
sujet(Nature e nati, Forme e forme nati, proprietatis et
subiecti)... Et l'auteur s'arrte l, n ajoute pas,par exemple, les
noces de l essence et de l'accident, ou de l acte et de la
puissance, car il s'agitici, trs prcisment, d'un lieu de rencontre
spcial, non pas entre le dterminant et le dtermin,ni entre le quid
et le quomodo, mais bien d'un lien incestueux entre le Prototype et
ce qu ilengendre lui-mme par rduplication ou miroitement. P. Dronke
associe, juste titre d'ailleurs,ce passage celui des trois miroirs
dans VAnticlaudianus et dans le futur Ars praedicandi 35. C estdonc
un palais de la fiction, une sphre du sensible et de l'illusoire,
un lieu fictif o l Exemplaireternel gnre/engendre et rencontre sa
propre similitude, savoir justement la ressemblance quidtermine le
principe constitutif, l'tre des habitantes de ce palais, de ces
vestales ychonespares de pourpre, gardiennes en tant que supports
des formes, et en mme temps futures pouses du sujet prpares ainsi
honorer la clbration du baiser, de l'treinte nuptiale,charnelle
prcise le texte, conscutive au ddoublement de la Forme, ou de la
Nature, et l' inceste qui suit leur narcissique miroitement. Par ce
langage nous ne faisons d'ailleursqu'utiliser nouveaux frais des
images et des mtaphores la mode chez les auteurs du xne s. voir la
Cosmographia de Bernard Silvestre 36, par exemple, ou mme avant,
dans le commentairede Calcidius au Time le raisonnement btard que
ncessite la dfinition de la matire adulterina quadam ratione
opinabile...Le passage, riche en clins d'il philosophiques, jeux
littraires, et allusions mythologiques sur lesthmes du double et de
l'image, mrite bien qu on s'y attarde. Plusieurs remarques
s'imposentdonc. La premire, sans insister, concerne la prsence des
formes natives formes quiviennent l'tre , comme on les a traduit
37, mimmata chez Platon, simulacra chez Calcidius,rappelant trs
prcisment les commentaires contemporains du Time, comme celui de
Bernard
35 . P. Dronke, Fabula (voir n . 8), p. 148-149, n. 2; voir
aussi les mmes miroirs dans De planctu, d. M . -Th. d ALVERNY,Alain
de Lille... (voir n . 1), p. 169, n . 28.36 . Dans l'analyse des
principes et des images fminines par J. Jolivet, Les principes
fminins selon laCosmographie de Bernard Silvestre , dans
Philosophie mdivale arabe et latine, Paris, 1995, p. 269-278.37 .
J. Jolivet, annuaire de EPHE, 1992/93, p. 308-309, et dans l
article La question de la matire chez Gilbert dePoitiers , dans
From Athens to Chartres. Neoplatonism and Mdival Thought (tudes en
honneur d'E. Jeauneau), Leyde,1992, p. 254-255.
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5/24/2018 Anca Vasiliu, L'conomie de l'Image Dans La Sphre
Intelligible (Sur Un Sermon d'Alain de Lille)
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272 CAHIERS DE CIVILISATION MDIVALE, 41, 1998 ANCA VASILIUde
Chartres, inspirs de Calcidius, ou bien la terminologie de Gilbert
de la Porre sur la dfinitionde la matire, laquelle fait allusion
Jean de Salisbury (Metalogicon). Remarquons aussi, aupassage, que
de cette union naissent trois filles, Possibilit, Essence et Vrit,
la dernire jouantun rle immdiat dans l'histoire. Mais le plus
surprenant dans cette sphre du sensible noussemble tre le rle
accord la Logique dans le palais des icnes, des reflets et des
noces. LaLogique assiste en effet aux noces, au titre de tmoin de
l'ordre naturel de la vrit (veritatisnaturalium declaratiua) vrit
qui est, il vient de le dire, la dernire des trois filles mises
aumonde naturellement par l union de la forme et du sujet son
tmoignage du spectacle setraduisant par une manifestation
philologico-musicale : spectatrice (et non pas actrice) de la
fictionsensible, la Logique joue aux orgues, comme le Psalmiste la
cithare ( moins que les tubes del'orgue de la Logique ne soient ici
une discrte allusion Y aristotelica tuba), citharise donc,mais aux
orgues, sur des propositions et des termes qui peuvent, la rigueur,
dcrire harmonieusem ntout ce fatras (propositionum terminorumque
organis citarizat). Nous sommes ici trs, trsloin du thme de notre
sermon, de la dfinition de Dieu comme sphre intelligible; et
pourtantAlain n'est pas encore prt revenir au thme annonc, mais
continue encore longuement dcrire les demeures des images dans
l'exercice des quatre facults de l me.b. Dans la deuxime sphre
habitent d une manire exubrante, bouillonnante, exalte
(exultant),les yconie ; celles-ci ne sont pas les heureuses
habitantes , mais plutt les prisonnires de cepalais, prises
(contamines) dans/par l'ombre qui accompagne le flot ondoyant de la
matire, dans/par les vapeurs fuligineuses qui les aveuglent
(fluitantis materie contagio fluctuantes esse caligantesumbratili
de sue caligationis fuligine conquerentes) Ombre, vapeurs sombres,
suintantes, aveuglement ce sont les termes qui peuvent
ventuellement nous guider comprendre le(s) sens du nomdonn aux
images dans ce contexte : yconie. De surcrot, l'endroit, moins
calme que le palaisdes noces prcdent, est toujours un lieu de
rencontre, mais cette fois-ci pour des renversementset non par pour
des treintes d'union nuptiale : les opposs se rencontrent ici pour
passer l'undans l'autre c'est un lieu inquitant , ombreux, sphre de
la concidence des contraires,sphre du devenir et de l'alternance,
du balancement (et de l'identit au prix d une seconde)entre le mme
et le diffrent (idem diuersum), l'indivis et le divis (indiuiduum
diuiduum), lecleste et le prissable (cleste caducum), le propre, la
ralit du genre et le conjoncturel quifeint seulement d'tre (y dos
ycos). Nous prcisons que dans ce contexte nous prfrons traduireces
derniers termes plutt selon leur sens platonicien premier, que
selon la terminologie logiquebocienne et porrtaine, car il nous
semble qu Alain privilgie ici le langage propre l'image enrapport
avec la cosmologie, et ne fait pas allusion des propositions
logiques qui seraient propresau domaine de la
dialectique/sophistique et dont il n'est pas question pour
l'instant; d'autre partnous suivons l'inversion des termes telle
que la suggre P. Dronke, par rapport l'dition tabliepar M.-Th.
d'Alverny. Enfin, ce lieu est aussi celui de la rencontre entre
l'immortalit et lacaducit (immortale fit caduce proprietatis
mortalis). Mais de quel ordre serait le lien qui retiendraitles
yconie prisonnires de ce lieu alchimique o fume , dans le flot
bouillonnant de lamatire, la concidence des contraires, figures
prisonnires de cette seconde demeure des imagesmue par un mouvement
incessant de va-et-vient, de morts et de naissances, semblable la
rouede la fortune, dans la vision bocienne, qui tourne
continuellement entre l'existant et le non-existant spera
ymaginabilis caractrise plus haut comme deformis (inconsistante,
incorporelle et dissemblable) ?Suivant les principes de reprise et
de symtrie propres aux constructions d Alain, il nous
semblepossible de trouver une rponse concernant l'identit
mystrieuse des habitantes de ce secondpalais de l me (les yconie)
en cherchant leur correspondant dans les passages suivants.
Prcisonsd emble que nous refusons de traduire, en suivant Fr.
Hudry, yconie par fantasmes ( la rigueur,par figurations, comme le
propose P. Dronke), et plus loin y chme par concepts ou
thormes(theorems, selon P. Dronke). Pourquoi Alain n'aurait-il pas
utilis alors phantasmata la placed'yconie (alors qu il avait prcis
plus haut que la matire primordiale est conue par la
fantaisieimaginationnelle ymaginationis fantasia concipitur), et
respectivement noemata pour y chme ?Par simple esprit ludique,
prfrant des mots invents pour garder travers le voisinage
sonore(des quasi homonymes) l'unit du sens, ou bien parce qu il
entendait par ces mots plus ou moins
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5/24/2018 Anca Vasiliu, L'conomie de l'Image Dans La Sphre
Intelligible (Sur Un Sermon d'Alain de Lille)
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L'CONOMIE DE L'IMAGE DANS LA SPHRE INTELLIGIBLE 273invents
quelque chose d'autre, plus proche de l'image que fantasme et
concept, termes tropenclins renvoyer l'auditeur sur la piste d une
analyse du processus notique ? En effet, cesombre palais o dferle
la fuligineuse matire premire correspond, dans la srie suivante
desdfinitions des quatre puissances de l me (C 1), une demeure dans
laquelle les formes pleurentleur informit dans les images (ubi
formas quasi de dampno sue informitatis
lacrimantes...imaginabiliter intuetur) rclamant le rconfort d'un
meilleur sujet (subsidia subiecti meliorispostulantes), le secours
d'un support plus appropri. Si dans la sphre sensible les images
taientde rjouissants supports, des lits pars de pourpre pour les
formes, et si mme la Logiquepouvait attester la vrit de leur tre
naturel en tant que fille authentique (Vrit) de l unionvolontaire
du Modle exemplaire et de la similitude de son reflet, pour les
formes de cetteseconde demeure de la connaissance l'tre d image
n'est plus un tre qui puisse satisfaire l'espritavec les
balbutiements de son mimtisme d apparence, ni suffire comme
substrat pour une vritablesimilitude avec la forme. Par consquent,
les formes souffrent de la dissimilitude/difformit queleur renvoie
le reflet dans les images, leur propre reflet mais dans un miroir
brouill, aveugl parl'ombre de la matire, par les vapeurs et les
ondoiements incessants d une matire dchire enpermanence par les
contraires. Il s'ensuit que, dans ce purgatoire de la sphre
ymaginabilis, lesyconie, dchues de leur dignit de formes spares de
la matire, se trouvent obliges en fait dejouer un rle
d'intermdiaire subordonn justement leur difficile relation avec la
matire, unjeu de corps--corps avec ce que celle-ci leur propose
comme support. Mais, pour allerdirectement l'essentiel, nous dirons
que les yconie ne peuvent en fait tre proprement comprisesque si on
les associe aux habitantes de la sphre suivante, aux ychome.Si le
terme d iconia se rencontre dans plusieurs textes philosophiques du
xne s, surtout commeterme rhtorique avec le sens d'imago, si Alain
lui-mme l emploie dans le De planctu pourdsigner les formes
intermdiaires (cum Hem spculum formarum meditantem aeternalis
salutauitidea, eam iconiae interpretis interuentu vicario
osculata... 38), ychome est en revanche un vrai hapax,et donc le
terme a priori le moins apte nous fournir une quelconque
information supplmentairesur les autres mots employs par Alain dans
ce contexte. Pourtant, si on essayait de dterminerle rle qui
revient aux ychome dans le troisime palais de la connaissance par
rapport aux autrestres d'image, et la place qui leur est accorde
selon les dfinitions de chacune des sphres etdes puissances de
l'me, le sens du terme et mme son origine pourraient peut-tre venir
petit petit l vidence.c. Habitantes de cette troisime demeure en
forme de sphre, les ychome sont en effet des formesspares du sujet
(Le. forme a subiectis diuise), suspendues en dehors de tout
support. Autant lesyconie souffraient dans la tombe du substrat
ombreux de la matire, autant les ychome serjouissent, elles, de
leur indpendance qui est l'origine de leur immortalit (ad propriam
sueimmortalitatis reuertentes originem). Ddaignant tout compromis,
tout adultre avec la matrialitd'un sujet (in subiecti dedignantur
adulterari materiem et plus loin nulla adulteratione rei
corruptibilisdeflorantur), toute relation trangre leur genre ou
espce, tout danger de corruptibilit quiengendrerait des miasmes de
putrfaction semblables celles dans lesquelles se dbattent
lesyconie, prises dans le flot de la matire et dans le circuit
incessant des contraires, de naissanceset de morts perptuelles, les
ychome restent pour toujours des images-vierges, des fleurs au
parfumd'incorruptibilit (sue incorruptionis odore viventes... sue
perpetuitas virginitate florentes), bref desimages dpourvues de
toute vritable similitude avec les ycones (les images sensibles) et
donc desimages, certes, du moins par leur nom proche d'ycones, mais
des images paradoxales car, de faitde leur puret virginale,
invisibles pour un il corporel. La sphre qu elles occupent,
sperarationabilis, est pourtant appele conformis, gnrant la
similitude, la conformit; elle est en outresoumise une rotation
parfaite qui lui vaut l'attribut d'instabilis. Pour augmenter nos
chances decomprendre quelque chose l'identit propre de ces images,
ajoutons que cette sphre correspond,dans le cercle de la dfinition
des puissances de l me (C 1, 3e cercle), au troisime degr
del'chelle, c'est--dire la raison, facult par laquelle l me humaine
accde au palais de l me du
38. PL, 210, c. 480 comme le suggre M.-Th. cI'Alverny, Alain de
Lille... (voir n . 1), p. 300, n. 24.
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5/24/2018 Anca Vasiliu, L'conomie de l'Image Dans La Sphre
Intelligible (Sur Un Sermon d'Alain de Lille)
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274 CAHIERS DE CIVILISATION MDIVALE, 41, 1998 ANCA VASILIUmonde
(anima humana ad mundane anime regiam ascendit) o brille le soleil
perptuel l'inondantde lumire vivifiante, comme dans les tnbres de
la machine du monde luit l'il intrieur enramenant l'esprit la clart
(quasi quodam oculo interiori clarificat).Du croisement de ces
descriptions et de la juxtaposition des dtails, un claircissement
commence se frayer un chemin jusqu nous. Cette construction par
opposition, par symtrie inverse, enmiroir, entre les termes de la
deuxime et de la troisime sphre
corruptibilit/incorruptibilit,formes-prisonnires/formes-spares,
noblesse-dchue/noblesse-non-abme,
combat-des-opposs/paix-sereine-des-semblables, enfin
lieu-obscur/lieu-illumin, miasmes/parfums, pleurs/rjouissances,etc.
cette articulation propre un ddoublement, dont l'effet d'inversion
n'est que la consquencedu principe catoptrique mis l'uvre, pourrait
bien tre l'indice d une relation particulire installepar Alain
entre les habitantes (yconie/ychome) de ces demeures contrastes. Or
cette relationparticulire vaut, selon nous, pour une quasi identit.
C'est comme s'il s'agissait en fait de montrerun seul et unique
personnage , un tertium genus esse, se comportant de deux
maniresradicalement diffrentes selon les lois du monde o il se
trouve : soit pris dans un mondetourn vers le sensible, mais
dplorant cette orientation vers le rgne de la matire et
n'oubliantpas qu il n'appartient que temporairement lui, soit rest
virginalement dans un jardin intemporel,tourn vers la contemplation
rjouissante de la sphre parfaite, laquelle il n accde pourtantpas,
ou pas encore. Que voulons-nous insinuer par cela? Eh bien, il nous
semble que MagisterAlanus pousse ici l'extrme limite de la subtilit
son astuce linguistique et son esprit hermneutiquemalicieux
vis--vis de la structure et du rle des sciences, des arts et du
savoir de son temps. Sices quatre sphres ne sont qu une
affabulation diffrente qui correspondrait au spectacle quecontemple
dans ses trois miroirs la Raison de YAnticlaudianus 39, ou du De
planctu et de YArspraedicandi, pourquoi ne pourrait-on voir dans
les deuxime et troisime sphres de notre sermonle ddoublement du
second miroir (celui au reflet d'argent) des autres uvres d Alain
?Autrement dit, il serait possible, nous semble-t-il, de concevoir
que l'auteur a opr ici, pour lesbesoins de la dmonstration, une
reduplication en miroir du terme central. C est partir de lque le
discours pouvait enfin s'ouvrir l' abme de la fiction, au nant de
la reprsentation,et pouvait laisser pntrer, par l'interstice du
miroir, le flot des moyens littraires et des figures rhtoriques ,
en les considrant dsormais comme les intermdiaires les plus mme de
dcrirele rapport dialectique qui unit dans la diffrence
l'imagination et la raison, et qui noue, traversles
fonctions/orientations spcifiques des deux insparables
(ymaginabilis-rationabilis situs surle mme plan, celui de la
notique), les deux mondes radicalement spars du sensilis et
deYintelligibilis, de la facult sensible et de Yintellectualitas
40. Et si c'est effectivement le cas, alorsles ymagines de notre
sermon ne sont pas analyses par Alain dans ce sermon, comme on l
aaffirm 41, c'est--dire selon la signification de cette
terminologie chez certains chartrains ouporrtains, en l'occurrence
sous leur aspect logique uniquement, dsignant par consquent
lesmodes d'infrence entre la forme et la substance, et la dfinition
de cette dernire, Le. substratou essence (pour recourir une
problmatique et une terminologie d'origine bocienne etporphyrienne
voir les Hebdomades, mais aussi le commentaire Ylsagoge
certainement pastrangres Alain). Les ymagines pourraient donc avoir
chang de plan pour une fois : Alainleur attribue alors,
volontairement dans ce contexte, un rle diffrent, un rle appropri
cettefois-ci la tche de reprsentation ou de figuration qui leur
revenait de droit dans une dmarchede type prichortique, telle la
dmonstration rhtorique, par dtour d image ou par locus
differentia,d une maxime. Ce rle dcoulerait de l'extension, jamais
aussi gnreusement mise en valeur dansla pense occidentale avant
lui, du champ d action de l'image la quasi totalit du
processusnotique (fonction gnosologique comprise dans le
reprsentation ), l'image comprenant ainsi
39 . Ibid., p. 168.40 . Il s agit d'un quivalent de Y
inellegentia de Boce, la facult suprieure la ratio, lie au divin et
formant aveccette dernire le correspondant latin du binme
logos-nos, lieu commun aristotlico-noplatonicien voir ibid, p.
170-171.41 . M.-Th. d'Alverny et Fr. Hudry d'une part (les quatre
noms de l image seraient em prunts la terminologielogique bocienne
et porrtaine), P. Dronke d autre part, qui interprte le sermon sous
le signe de Yinvolucrum,d'une fable .
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5/24/2018 Anca Vasiliu, L'conomie de l'Image Dans La Sphre
Intelligible (Sur Un Sermon d'Alain de Lille)
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L'CONOMIE DE L'IMAGE DANS LA SPHRE INTELLIGIBLE 275d une part un
tre propre, celui de l'intermdiaire, et d'autre part une
manifestation opratoirepropre, celle d'un intercesseur, d'un
passeur d'un degr l'autre des puissances sensible,notique et
spirituelle de l'me. Rappelons-nous que la logique elle-mme tait
ici appele vieller , et non pas dmontrer quoi que ce soit, crer
donc des harmonies verbales entmoignant de la vrit ontologique des
ychones dans le palais sensible. C'est, nous semble-t-il,la
fonction mme qui est assigne aussi ces deux tres d images
intermdiaires dans le sermonconsacr la dfinition aportique de la
sphre intelligible. Nous irons mme jusqu formulerl'hypothse qu
l'horizon non avou du dessein d Alain dans ce sermon il y avait eu
peut-trel ide de transposer sur le plan de la figuration, de la
reprsentation intermdiaire, et deYimage du divin en bref, la
dialectique du dpassement (par la reprsentation comme par
lanomination) de la dichotomie semblable-dissemblable
(appropri-inappropri) figurant dans lecommentaire de Jean Scot au
trait des Noms Divins du Pseudo-Denys. (Mais cela mrite
undveloppement spcial et nous n avons pas, pour l'instant, la
possibilit de le dmonter dansce cadre.)Cela voudrait dire aussi que
la structure quadripartite, rclame par les quatre puissances del me
dcrites par Boce, ncessitait bien un amnagement spcial en ce qui
concerne la dfinitionpar l'image dans le sermon d Alain de Lille.
Tandis que les ychones et les ydee, les habitantesde la premire et
de la quatrime demeure de la connaissance, sont dfinies dans un
rapporttroit avec les formes exemplaires ternelles, ou avec la
Forme qui engendre et rencontre enmme temps son reflet, les yconie
et les ychome sont, elles, dtermines par un rapport de corps--corps
avec le support ou le substrat des formes, soit en tant
emprisonnes, lies laprissabilit du sujet, soit en se rjouissant d
une sparation libratrice de celui-ci. Dans les cerclessuivants de
la dmonstration Alain ajoute encore quelques traits ces dfinitions,
quelquescomparaisons qui clairent davantage l enjeu de cette
observation.Ainsi les ychones deviennent-elles semblables des
critures (quasi quasdam litteras speculatur) 42dans la dfinition
des sens, c'est--dire du premier mode de fonctionnement de l me
humaine(C 1, le 3e cercle). Comme nous sommes ici dans le cercle de
la dfinition des facults de l meselon le modle de la structure du
monde (macrocosme), ces critures reprsentent, nous semble-t-il,le
premier degr de lecture des uvres de Dieu dans le cosmos cr. Plus
loin Alain prciseralui-mme cette interprtation : legendum supremum
auctorem in rbus caducis ( lire l'auteursuprme dans les choses
prissables , dbut de la partie D) 43. Suivent la matire
primordiale,saisie par l'imagination, l me du monde laquelle
accde