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PANSARD ET ASSOCIES 11/01/2010 1 L'analyse stratégique, première étape de l'évaluation d'entreprise . Toute évaluation d'entreprise doit commencer par une analyse stratégique .On entend par là une mise en perspective de l’entreprise sur son marché, de la structure de celui-ci et des tendances lourdes qui peuvent l’affecter. Cette analyse doit aussi comprendre l’identification des forces et des faiblesses propres à l’entreprise . Contrairement à une idée souvent entendue, l'analyse stratégique est une phase nécessaire même pour l'évaluation de petites entreprises. Elle est malheureusement fréquemment négligée par beaucoup de professionnels. Dans ce domaine, l'évaluateur souffre de plusieurs handicaps : -- il n'est pas nécessairement familier du secteur dans lequel évolue la firme. -- étant souvent situé à l'extérieur il n'a pas toujours les informations qui lui permettraient de décomposer la performance de l'entreprise selon les couples produit / marché. -- l'histoire de l'entreprise est souvent racontée par les dirigeants sous forme de rationalisation a posteriori qui ne met pas en lumière le rôle du hasard et de la chance. En sens inverse, l'analyste extérieur à l'avantage de moins subir l'influence de la culture interne de l'entreprise car il conserve une certaine distance avec celle-ci.
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Analyse Strategique Premiere Etape d'une Evaluation d' Entreprise

Jun 14, 2015

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L'analyse stratégique, première étape de

l'évaluation d'entreprise. Toute évaluation d'entreprise doit commencer par une analyse stratégique .On entend par là une mise en perspective de l’entreprise sur son marché, de la structure de celui-ci et des tendances lourdes qui peuvent l’affecter. Cette analyse doit aussi comprendre l’identification des forces et des faiblesses propres à l’entreprise . Contrairement à une idée souvent entendue, l'analyse stratégique est une phase nécessaire même pour l'évaluation de petites entreprises. Elle est malheureusement fréquemment négligée par beaucoup de professionnels. Dans ce domaine, l'évaluateur souffre de plusieurs handicaps : -- il n'est pas nécessairement familier du secteur dans lequel évolue la firme. -- étant souvent situé à l'extérieur il n'a pas toujours les informations qui lui permettraient de décomposer la performance de l'entreprise selon les couples produit / marché. -- l'histoire de l'entreprise est souvent racontée par les dirigeants sous forme de rationalisation a posteriori qui ne met pas en lumière le rôle du hasard et de la chance. En sens inverse, l'analyste extérieur à l'avantage de moins subir l'influence de la culture interne de l'entreprise car il conserve une certaine distance avec celle-ci.

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L'exercice reste néanmoins particulièrement difficile et on peut constater que les erreurs principales en matière d'évaluation ont pour origine cette phase du processus. En effet, évaluer une entreprise revient en dernière analyse a faire une hypothèse sur ses performances futures. Ces performances sont la conséquence des choix stratégiques, de leur adaptation à l'environnement, et de la cohérence entre les moyens mis en œuvre et les objectifs poursuivis. Lorsqu'un analyste se contente de supposer que les performances passées vont se poursuivre dans l'avenir sans avoir compris quelles étaient les causes réelles de ces performances, on peut se demander si son évaluation repose sur des bases sérieuses. C’est notamment le cas lorsque l’évaluateur suit une démarche strictement financière et se contente d’extrapoler les résultats des dernières années sans réaliser à quel point ils peuvent être liés à des circonstances particulières. Une autre façon superficielle d’évacuer le problème est de considérer que le facteur humain étant essentiel, une bonne équipe de direction sera capable de s’adapter à des circonstances changeantes. Si cette approche peut avoir du sens lorsque l’entreprise atteint une certaine taille et bénéficie d’une équipe de direction nombreuse, elle est bien entendu dépourvue d’efficacité lorsqu’on examine une PME dans le cadre d’un changement de dirigeants. Tous les analystes rêvent de disposer d’un questionnaire universel permettant en quelques heures d’identifier les facteurs clés de succès, les forces et les faiblesses, et les risques majeurs qui menacent l’entreprise. Malheureusement chaque entreprise est un cas particulier, et l’outil universel

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n’existera probablement jamais. De plus il n’existe pas de théorie normative de la stratégie d’entreprise et toutes les tentatives pour concevoir des théorèmes généraux se sont soldées par des échecs. La tentation est donc grande de considérer que la stratégie est un domaine purement intuitif dans lequel la rationalité n’a pas sa place. Nous pensons qu’il n’en est rien même si le système de croyances de la plupart des entreprises contient souvent des éléments fondés sur l’histoire de la firme dont la rationalité échappe aux observateurs. On peut dire que toute réflexion sur la stratégie d’entreprise doit s’articuler autour de trois idées principales : --chaque segment du marché a des attentes spécifiques. -- que les firmes tentent de satisfaire en mettant en œuvre un ensemble de ressources -- qu’elles transforment en produits et en service par l’intermédiaire de leurs processus. Les résultats financiers ne sont donc que la conséquence d’une plus ou moins bonne adéquation entre les attentes des segments de clientèle qui ont été sélectionnés et la mise en œuvre des ressources dont dispose l’entreprise. Si l’entreprise ne dispose pas d’un avantage concurrentiel ou si cet avantage n’est pas soutenable dans la durée, l’évaluateur devra conclure que le rendement ne peut que décliner et en tirer les conséquences en ce qui concerne l’évaluation de l’entreprise .La théorie économique nous enseigne en effet que les firmes opérant sur un marché parfaitement concurrentiel

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ne peuvent dégager à long terme qu’un rendement égal en moyenne au coût de leur capital. Les firmes fonctionnent sur un marché peuplé de concurrents. L’objectif des entreprises n’est pas de détruire leurs concurrents mais de coexister au mieux avec eux. Dans ce but elles doivent analyser leurs croyances, leurs ressources, et leurs objectifs. L’analyse du secteur ne peut donc pas être dissociée de l’analyse de la firme. Une erreur fréquente dans l’analyse stratégique est de consacrer beaucoup d’énergie à la collecte d’éléments internes et de se contenter d’un survol rapide du champ stratégique. De la même façon, les concurrents directs représentent rarement le risque majeur dans une perspective stratégique .Même si à court terme, ce sont eux que l’entreprise doit affronter, il reste que l’arrivée de produits substituables ou une modification significative du pouvoir de négociation des clients sont des facteurs fréquemment plus importants dans la durée. Il n’est pas concevable dans cette courte introduction de prétendre traiter de façon exhaustive un problème aussi vaste que celui de la stratégie d’entreprise .L’évaluateur part bien souvent d’une donnée simple : le niveau de rentabilité actuel de l’entreprise exprimé sous forme de rendement des capitaux investis et la comparaison de cette performance avec les autres entreprises du secteur. Son objectif est de comprendre les causes de cette performance, qu’elle soit bonne ou mauvaise, pour savoir si ces causes vont se perpétuer, ou dans quelle mesure elles peuvent être modifiées par des facteurs internes ou externes.

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Il est d’usage en analyse stratégique d’opposer deux écoles de pensée, celle de l’analyse sectorielle symbolisée par les travaux de Porter et celle des ressources de la firme qui considère que les compétences et les savoir-faire sont les facteurs essentiels. L’approche de Porter, aussi appelée école du positionnement et issue des recherches en économie industrielle considère que la rentabilité de la firme est pour l’essentiel la conséquence de facteurs extérieurs qui sont : --le pouvoir de négociation des clients. -- le pouvoir de négociation des fournisseurs. -- le risque d’arrivée de nouveaux entrants

--l’existence de produits substituables --la rivalité avec les concurrents actuels.

On voit que tous ces facteurs sont extérieurs à la firme et que la décision stratégique majeure est le choix du terrain sur lequel va combattre l’entreprise. On voit aussi que la demande n’est qu’un facteur parmi d’autres et que les barrières à l’entrée sont tout aussi importantes pour la rentabilité du secteur. Ce modèle dit des cinq forces, est complété par la description des trois positionnements stratégiques possibles pour une entreprise :

� l’entreprise différenciée qui offre sur le marché des produits ou des services innovants.

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� L’entreprise qui domine par une meilleure structure de coûts en offrant des produits banalisés.

� L’entreprise focalisée sur un segment spécifique du marché.

Ce schéma qui est devenu très populaire au début des années 1980 a été beaucoup critiqué mais il reste actuellement le plus enseigné dans le monde entier. On a pu dire que le secteur idéal selon Porter est celui qui a beaucoup de clients, beaucoup de fournisseurs, des barrières d’entrée élevées et des barrières de sortie faibles, aucun produit substituable, et des concurrents dépourvus de toute agressivité. Si une firme arrive à se situer dans ce type de secteur ses performances devraient être satisfaisantes quelle que soit la qualité de ses dirigeants. Même si cette vision est un peu caricaturale, l’observation empirique démontre néanmoins deux éléments indiscutables qui vont à l’encontre de la théorie économique pour laquelle les rendements des différents secteurs tendent à s’égaliser sous la pression de la concurrence : � les écarts de rendement du capital entre les secteurs sont

significatifs et persistants .Ainsi par exemple sur la période allant de 1992 à 2006 on constate que le secteur des boissons sans alcool aux États-Unis a connu un rendement moyen de 36 % alors que le secteur du transport aérien a obtenu un rendement moyen de 6 % de ses capitaux.

� A l’intérieur d’un même secteur, certains segments ont une meilleure capacité bénéficiaire car la pression des facteurs extérieurs y est moins forte. Pour prendre un exemple dans le secteur informatique, si l’on considère le cas de deux firmes qui ont des tailles comparables

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mais des modèles économiques très différents comme Apple et Dell on constate que la seconde a connu une performance sur le long terme très supérieure à la première.

Il n’en reste pas moins vrai que pour se positionner sur les segments stratégiquement favorables, la firme doit généralement disposer de compétences et de savoir-faire difficiles à imiter, et c’est sur ce second aspect qu’insiste l’école des ressources. Celle-ci considère que l’avantage compétitif d’une firme provient pour l’essentiel de la détention de ressources stratégiques. Pour qu’une ressource soit considérée comme stratégique elle doit répondre à cinq critères : � être difficile à imiter. Ceci peut provenir de son caractère

unique, du temps incompressible indispensable pour la mettre au point, ou encore de la difficulté que peuvent avoir les concurrents à l’identifier parmi l’ensemble des ressources de la firme. Dans certaines activités comme la vente au détail ou la restauration, l’emplacement est parfois la ressource stratégique la plus importante.

� Etre durable. En effet, une ressource qui ne procure qu’un avantage transitoire à la firme ne peut pas être considéré comme stratégique.

� Être appropriable par l’entreprise. Cela signifie que d’autres acteurs ne doivent pas pouvoir tirer un avantage de cette ressource au détriment de l’entreprise. Pour prendre un exemple bien connu, on constate généralement que les joueurs de football qui peuvent facilement changer de club prélèvent une grande partie de la valeur ajoutée au détriment des clubs. En d’autres termes, toutes les activités dans lesquelles les membres

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du personnel peuvent passer d’une firme à l’autre car les savoir-faire sont individuels et non pas ceux d’une équipe se caractérisent par des rémunérations élevées et des performances médiocres pour les firmes qui emploient ce type de personnel.

� Ne pas avoir de substituts facilement disponibles. Si par

exemple, une entreprise dispose dans son personnel d’un savoir-faire original, mais que des équipements disponibles sur le marché permettent d’assurer la même fonction, cette ressource n’a pas un caractère stratégique .De façon générale on peut dire que les équipements sont rarement des ressources stratégiques puisqu’ils peuvent être achetés par tous les concurrents du secteur. Cependant lorsqu’une firme met au point elle-même les équipements de production qui lui sont nécessaires, on peut considérer qu’elle possède alors une ressource stratégique.

� La ressource doit procurer un avantage compétitif suffisamment important pour pouvoir être qualifié de stratégique .Beaucoup de dirigeants considèrent ainsi que leurs marques sont des ressources stratégiques majeures. La notoriété d’une marque devrait donc se traduire par un rendement élevé des capitaux investis. L’expérience montre que ceci n’est pas toujours le cas. On constate en effet que certaines marques, lorsqu’elles recouvrent des produits sans risque pour le consommateur, n’ont pas réellement un caractère stratégique même si elles bénéficient d’une forte notoriété.

Les mémorandums de présentation qui sont rédigés lorsqu’une firme est mise en vente sont à cet égard

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particulièrement révélateurs. Il n’est pas rare qu’ils présentent comme des atouts stratégiques des ressources qui visiblement ne satisfont pas aux cinq critères ci-dessus. C’est ainsi que le lecteur se voit présenter de longues listes d’équipements industriels ou des descriptions de bâtiments, ressources qui sont par nature facilement imitables et n’ont donc aucun caractère stratégique .Par contre le portefeuille clients qui représente souvent l’un des principaux actifs stratégiques fait rarement l’objet d’une description détaillèe . On peut alors se demander si le rédacteur a voulu dissimuler des facteurs stratégiques dans un but de confidentialité ou bien si il n’a pas une conscience claire de ce qui fait réellement la valeur de la firme. Quoi qu’il en soit, l’évaluateur devra tenter d’identifier ces ressources dans la première phase de l’évaluation. Si aucune d’elles ne peut être identifiée, l’entreprise se situera probablement dans un marché en concurrence parfaite et dans ce cas, la rentabilité du capital sera au mieux égale au coût du capital. C’est une situation que l’on constate fréquemment dans les secteurs fragmentés où les opérateurs non spécialisés ne peuvent survivre que grâce à une excellente productivité.

Cette dichotomie entre l’école du positionnement et l’école des ressources est certainement utile pédagogiquement, mais pour le professionnel confronté au réel, ces deux approches sont nécessaires et non dissociables. Pour faciliter la mise en œuvre de ces méthodes, le lecteur trouvera en annexe le questionnaire d’analyse sectorielle de

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Porter ainsi qu’une adaptation du questionnaire mis au point par le cabinet de conseil Bain et destiné aux dirigeants nouvellement nommés à la tête d’une entreprise. Ces questionnaires peuvent servir d’outil pratique pour comprendre les forces qui influent sur les acteurs et pour décrire les ressources propres à la firme. Rappelons simplement que ces outils, dans un domaine aussi complexe que la stratégie d’entreprise, doivent être utilisés avec beaucoup de précautions. Nous ne ferons que décrire brièvement ici les quatre domaines qui peuvent créer un avantage compétitif et sur lesquels l’analyste doit impérativement se pencher pour émettre une opinion sur la valeur de l’entreprise :

� la capacité d’innovation de l’entreprise � la position en termes de coûts

� la segmentation du marché � les choix d’intégration verticale et horizontale. L’innovation est au cœur des changements que l’on peut observer dans la structure et la performance des secteurs .Tout évaluateur doit donc se poser cinq questions principales lorsqu’il analyse un secteur. � en quoi consiste l’innovation dans ce secteur ?

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� quels avantages procure-t-elle aux firmes innovantes ?

� quels sont les caractéristiques des firmes innovantes du

secteur ? � quelles stratégies peuvent adopter les firmes vis-à-vis de

concurrents qui ont déjà lancé des innovations ?

� quels sont les facteurs qui permettent à certaines firmes

de rester innovantes ? L’innovation est généralement définie comme une solution nouvelle à un problème ou à un besoin existant ou nouveau. On distingue par ailleurs les innovations portant sur les produits des innovations portant sur les processus. Les innovations de processus correspondent à des améliorations de la production qui conduisent à une plus grande efficacité et à une réduction des coûts. Les innovations de produits se rapportent directement aux besoins des clients. Cette distinction est souvent artificielle car la conception de produits nouveaux implique fréquemment la mise au point de processus différents. Les firmes innovantes suivent en théorie un cheminement qui part des besoins des clients, elles définissent les attributs des produits qui vont satisfaire à ces besoins puis mettent au point les processus de fabrication et de commercialisation qui vont permettre de mettre ces produits sur le marché. En pratique, on constate aussi parfois que les firmes innovent par accident lorsqu’un produit rencontre sur le marché un succès imprévu dans une

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application qui n’est pas celle envisagée initialement. Ainsi par exemple,

Un produit est généralement considéré comme la combinaison d’un certain nombre d’attributs qui seront valorisés plus ou moins par les consommateurs. Une voiture est ainsi caractérisée par son confort, sa puissance, sa sécurité, son apparence. Chaque segment de clientèle a une combinaison idéale qui lui correspond parfaitement. Un produit est donc considéré comme nouveau soit parce qu’il représente une nouvelle combinaison d’attributs ou bien parce qu’il introduit des caractéristiques qui n’existaient pas auparavant. L’innovation ne sera un succès que si elle rencontre un segment suffisant de clients pour que les volumes vendus soient significatifs .Même des marchés considérés comme totalement murs peuvent être ainsi complètement redéfinis par des innovations. Ainsi le téléphone, produit existant depuis plus de 100 ans, a vu son marché complètement bouleversé par l’arrivée du téléphone portable. Pour l’évaluateur, l’innovation produit est l’un des paramètres les plus difficiles à prendre en compte. Il doit en effet répondre à deux questions : quelle sera la capacité de l’entreprise à mettre au point des produits nouveaux, puis quelle sera la réponse du marché à quelque chose qui n’existe pas encore. La première question pose en général le problème difficile pour les scientifiques et les ingénieurs de savoir dans quel délai ils pourront mettre au point un produit lorsque celui-ci représente une véritable innovation technique .L’expérience montre que des écarts de plusieurs années entre la date prévue et la date effective ne sont pas rares.

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Quant à l’accueil du marché à un produit nouveau aucune méthode réellement scientifique n’a encore permis d’anticiper avec un risque réduit quel pourrait être celui-ci. Ainsi par exemple toutes les tentatives effectuées jusqu’à présent pour lancer sur le marché des livres électroniques se sont révélé des échecs. Les firmes les plus innovantes se contentent donc en général d’effectuer un grand nombre de lancements tout en sachant que la majorité d’entre eux ne rencontrera pas le succès. Il n’est donc pas étonnant que ce soit dans le domaine des firmes de haute technologie que les erreurs d’évaluation soient les plus spectaculaires. L’innovation de processus pose généralement moins de problèmes à l’observateur extérieur. En effet, sa conséquence principale est une réduction des coûts de production ou une amélioration de la qualité des produits. Par ailleurs, elle ne repose pas nécessairement sur une technologie sophistiquée. On cite fréquemment à cet égard le cas de Mac Donald qui a rarement innové en termes de produits mais a mis au point un processus de production extrêmement rigoureux permettant à la fois d’abaisser les coûts de production et de garantir une qualité homogène au consommateur. Ce type d’avantage est néanmoins souvent fragile lors qu’il est observable par les concurrents. Les firmes de distribution considèrent par exemple que les innovations de processus visibles au niveau du point de vente sont imitées très rapidement et ont donc moins de valeur que les innovations de la chaîne logistique qui impliquent la mise en œuvre de divers composants peu visibles de l’extérieur . On dit habituellement que toute la démarche stratégique des firmes a pour objectif de constituer des espaces sur

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lesquels elles bénéficient d’un monopole de fait .Une firme performante , quelle que soit sa taille , a réussi ,au moins pour une partie de son activité, à éviter la concurrence frontale avec les autres acteurs du marché .On conçoit aisément que l’intérêt des consommateurs, qui est de maintenir une concurrence saine entre les producteurs, puisse entrer en conflit avec cet objectif .Mais l’innovation, qui profite à tout le marché, est le résultat de cette volonté de différenciation. Le seul cas où la puissance publique encourage la création d’un monopole est donc celui de l’innovation par la législation sur les brevets. Même si ceux-ci ont une durée de vie limitée, l’avantage qu’ils peuvent procurer à leurs détenteurs est parfois considérable. Mais la valeur d’un portefeuille de brevets ne doit pas être considérée isolément du reste de l’entreprise. Elle doit simplement permettre d’évaluer la période d’avantage compétitif pendant laquelle l’entreprise bénéficiera d’un rendement des capitaux supérieur à son coût du capital. L’entreprise met généralement à profit cette période de protection pour développer d’autres ressources stratégiques qui prendront le relais à l’expiration des brevets. L’évaluateur, dans ce domaine, doit donc tenter de mesurer la capacité d’innovation de la firme mais aussi sa capacité à tirer parti des inventions qu’elle aura découvertes. L’exemple des laboratoires Bell est à cet égard particulièrement éclairant. On considère habituellement qu’ils sont à l’origine d’une bonne partie des inventions majeures de ces 50 dernières années, que ce soit le transistor ou le microprocesseur . Ils n’ont pratiquement jamais été capables d’en tirer un réel profit économique et ce sont d’autres entreprises qui ont mis ces produits sur le marché.

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Contrairement à une idée souvent répandue, la firme innovante est le plus souvent une entreprise suffisamment importante pour se permettre de nombreuses tentatives fréquemment vouées à l’échec. Les petites firmes porteuses d’innovation sont généralement bénéficiaires d’un environnement qui leur permet de tirer parti d’externalités telles que par exemple la présence de laboratoires universitaires ou de grandes firmes ayant une tradition d’innovation qui assurent volontairement ou non une fonction d’essaimage . Si ce n’est pas le cas, les petites entreprises sont contraintes d’investir une part trop importante de leurs ressources sur une seule innovation qui en cas d’échec, peut mettre en danger leur pérennité. Les exemples souvent cités par la presse car très spectaculaires de petites entreprises ayant réussi par le biais d’une innovation ne doivent pas faire oublier les cas beaucoup plus nombreux de petites entreprises disparues pour avoir tout misé sur une seule idée. Lorsque l’analyste doit évaluer une entreprise qui fait face à des concurrents innovants disposant d’un temps d’avance, il est confronté à la difficulté d’estimer le temps et les moyens nécessaires pour rattraper ce retard. Là encore, il est plus facile de faire cette évaluation lorsqu’il s’agit d’une innovation de processus. Si celle-ci est le résultat d’investissements en équipements de production par exemple, on pourra chiffrer avec une certaine précision le coût du rattrapage. Par contre si les concurrents disposent d’un portefeuille de produits innovants le délai de mise au point et de lancement sur le marché de produits équivalents sera extrêmement difficile à estimer. L’analyse de la structure de coûts pose des problèmes d’une tout autre nature. Il s’agit en effet de comparer

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l’entreprise avec ses concurrents pour lesquels on ne dispose généralement pas d’informations suffisantes. Cette analyse comprend en général trois parties :

� l’identification des facteurs influant sur les coûts � la compréhension des économies d’échelle.

� L’examen de la courbe d’apprentissage La première partie est souvent effectué par une analyse de type Activity Based Costing. On sait que cette technique, popularisée dans les années 1980, permet de relier les coûts à leurs causes. Pour fonctionner, l’entreprise exécute des activités. On entend par là des actions qui concourent à la réalisation d’un processus. Ainsi par exemple, le lancement d’un ordre de fabrication, l’expédition d’une commande, l’établissement d’une facture, sont des activités. Chacune de ses activités à un coût qui peut être déterminé .Les clients et les produits consomment des activités et génèrent donc des coûts. Les frais de structure qui dans les entreprises modernes sont souvent plus importants que les coûts directs doivent donc être affectés non pas en proportion des coûts directs ce qui était la méthode habituelle mais en fonction des activités consommées. Ainsi, deux clients réalisant le même chiffre d’affaires avec un taux de marge brute similaire mais avec une commande moyenne différente auront une rentabilité qui pourra être profondément dissemblable. Contrairement aux schémas traditionnels qui considèrent que les coûts sont induits par les volumes de

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production, cette technique repose sur l’idée que les coûts d’organisation d’une entreprise sont souvent liés à la complexité de son modèle économique. Pour un chiffre d’affaires donné, une entreprise qui aura peu de clients et peu de produits bénéficiera couramment d’une structure légère avec un impact positif sur sa rentabilité. En contrepartie, ses résultats seront plus volatils, donc le risque sera particulièrement élevé. La comparaison avec les coûts des entreprises concurrentes est habituellement difficile car l’analyste ne dispose en général que des coûts globaux des concurrents. De même, la comparaison des effectifs et de la productivité apparente est généralement faussée par le recours à la sous-traitance qui varie d’une entreprise à l’autre .Il est donc souvent malaisé, même si l’on dispose des coûts globaux des firmes concurrentes, de savoir distinguer quelle est la part rattachée à la production, à la distribution, ou à la structure administrative. La deuxième étape de l’analyse concerne la recherche des économies d’échelle. On sait que celles-ci peuvent concerner les achats, la production, ou bien le marketing et la distribution. Selon le poids relatif de chacun de ses composants, il faudra donc déterminer si l’entreprise bénéficie ou non d’un avantage compétitif sur certains de ses coûts. Cette notion rejoint le concept de taille critique selon lequel une unité de production, notamment dans les industries capitalistiques, doit avoir une taille minimum pour pouvoir être compétitive. Ainsi une cimenterie ne sera efficace qu’à partir d’un certain tonnage, une usine d’assemblage automobile devra réaliser un minimum de 500 000 unités par an pour résister à la concurrence.

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Une façon simple de déterminer si le secteur se prête aux économies d’échelle, est de comparer les rentabilités des concurrents aux différents niveaux de taille. Si l’on constate que les grandes entreprises ont en moyenne un meilleur rendement des capitaux investis que les plus petites, il est probable que l’on est en présence d’un secteur où les économies d’échelle sont importantes. S’il n’existe pas de corrélation entre le chiffre d’affaires et la rentabilité on peut supposer que les économies d’échelle ne sont pas un facteur déterminant. L’hypothèse d’un lien de causalité entre la part de marché et la rentabilité, qui fut longtemps un des thèmes principaux des conseillers en stratégie, est aujourd’hui largement abandonnée. L’indice de concentration du secteur c’est-à-dire la part de marché occupée par les quatre premiers concurrents est lui aussi un indicateur important. Si ce pourcentage dépasse 50 %, on peut considérer que le secteur est sensible aux économies d’échelle. Ceci est habituellement vérifié dans les produits de grande consommation où les budgets publicitaires sont importants .De la même façon, le secteur pharmaceutique qui a longtemps été un secteur dispersé se concentre rapidement sous l’effet du poids important de la recherche et développement et des budgets marketing. À l’inverse, des secteurs comme les services restent couramment des secteurs fragmentés car la taille est plutôt un handicap compétitif pour maintenir un niveau de qualité élevée. La dernière partie de l’analyse consiste à observer où se situe la firme le long de la courbe d’apprentissage. Ce terme désigne le fait que la plupart des entreprises améliorent leur productivité au fil du temps grâce à l’expérience accumulée par les équipes. Les entreprises les

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plus anciennes dans un secteur ont donc fréquemment les coûts unitaires les plus bas. Sur un même produit il n’est pas inhabituel que chaque fois que la production cumulée double les couts soient réduits de 20 à 30 %. Ce phénomène qui a été analysé dès les années 1920 est parfois confondu avec les économies d’échelle alors qu’il procède d’un mécanisme complètement différent puisqu’une petite entreprise, améliorant son savoir-faire depuis longtemps, peut affronter une grande entreprise qui est nouvelle dans un secteur. Il a une importance toute particulière dans les secteurs où la durée de vie des produits est très longue. C’est ce mécanisme qui justifie la demande que font les constructeurs automobiles à leurs équipementiers d’abaisser chaque année leurs coûts d’un pourcentage significatif. Lorsque l’effet d’apprentissage est très important il aboutit de fait à créer une barrière d’entrée puisque les nouveaux entrants souffrent d’un sérieux handicap par rapport aux concurrents installés depuis longtemps. Cette analyse des coûts est particulièrement importante dans deux types de situations : lorsque les produits sont peu différenciés et que les guerres de prix sont fréquentes, ou bien quand le marché est ouvert à la concurrence étrangère et que l’entreprise est susceptible de se retrouver face à des concurrents dont la structure de coûts est complètement différente .On a pu dire que la suppression des barrières douanières et la réduction des coûts de transport ont rendu très fragile la position des firmes dont l’avantage concurrentiel reposait essentiellement sur des coûts plus bas que leurs autres concurrents européens. Il est donc inhabituel qu’un avantage compétitif portant uniquement sur les coûts soit suffisant pour permettre à

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l’entreprise d’obtenir dans la durée des résultats satisfaisants. L’étape suivante de l’analyse stratégique consiste en une segmentation efficace du marché. Les spécialistes du marketing considèrent généralement que la segmentation est la clé d’un marketing réussi. La séquence habituelle est la suivante : � Segmentation � ciblage des segments les plus attractifs.

� Positionnement de l’offre pour s’adresser à ces segments

L’étape de la segmentation est donc la toute première. Une démarche idéale consiste à segmenter selon les besoins propres à chaque segment. Comme ceux-ci ne sont pas nécessairement perceptibles en première analyse, on commence généralement par segmenter selon des critères démographiques. Lorsqu’on s’adresse à des marchés grand public, l’âge et la catégorie socioprofessionnelle des consommateurs sont souvent retenues. Lorsqu’il s’agit de marchés industriels, la taille des entreprises et leur secteur sont souvent les premières clés de segmentation. Il est nécessaire de compléter ces éléments qui ont le mérite d’être facilement identifiables par d’autres plus difficiles à obtenir. Il n’y a donc pas de critère de segmentation universel. Lorsque l’évaluateur peut interroger les dirigeants de l’entreprise, il convient de mesurer quel est leur savoir-faire en matière de segmentation. Si leur analyse est rudimentaire,

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davantage fondée sur des critères superficiels plutôt que sur la compréhension des attentes du marché , on peut s’attendre ,même si les performances actuelles de la firme sont satisfaisantes, à ce que l’entreprise rencontre des difficultés pour s’adapter aux évolutions futures du marché .De la même façon , si leur segmentation est avant tout fondée sur les produits davantage que sur les caractéristiques des clients , il est à craindre que le temps ne joue pas en leur faveur. On oppose fréquemment segmentation stratégique et segmentation marketing. La première consiste à identifier des segments du marché qui nécessitent la mise en œuvre de moyens complètement distincts avec des concurrents dont les modèles économiques sont largement différents. En matière automobile par exemple, le segment des petites cylindrées est un segment stratégiquement différent de celui des véhicules de luxe. A l’intérieur de chacun de ces segments on peut effectuer une segmentation marketing à la fois par les profils de clients et par les attentes différentes de ceux-ci. Comme les profils sont des critères visibles alors que les attentes nécessitent d’interroger spécifiquement chaque prospect, on tente de mesurer les liens entre les profils et les attentes. Pour prendre un exemple, lorsqu’un fabricant de machines outils veut segmenter son marché, il essaiera de définir si les attentes concernant la fiabilité du matériel ont une importance différente selon les tailles d’entreprise. Si cela est vérifié il pourra définir une offre différente selon les segments avec un critère facilement observable par ses commerciaux. Les comportements des clients étant d’ailleurs plus facilement identifiables que leurs attentes on constate que les commerciaux ont tendance à segmenter leur clientèle selon les comportements.

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La segmentation stratégique nécessite donc la prise en compte de davantage de paramètres que la segmentation marketing .En effet, pour que cette segmentation soit efficace elle doit faire le lien entre les attentes des clients et les ressources et les savoir-faire de l’entreprise. Les clients ayant des besoins similaires et nécessitant la mise en œuvre du même savoir-faire font partie d’un même segment stratégique. Si par contre, ils ont des besoins analogues mais que ces besoins sont satisfaits par des processus différents, on sera alors en présence de deux segments stratégiques distincts. C’est un cas fréquemment observé lorsque l’entreprise accède au marché par des canaux de vente multiples. La situation idéale pour un analyste est celle où il connaît pour les différents segments stratégiques à la fois les moyens mis en œuvre en hommes et en capitaux et le rendement de ces moyens. Un bon rendement des capitaux investis indique probablement que le segment constitue un environnement compétitif favorable et que la firme dispose de ressources particulièrement bien adaptées à ce segment. En sens inverse, un mauvais rendement des capitaux peut être la conséquence d’un positionnement stratégique peu favorable ou de savoir-faire et de ressources insuffisantes ou inadaptées. Il est en général moins difficile de modifier le positionnement que de développer des savoir-faire complémentaires. L’étape du ciblage qui suit la segmentation est donc celle dans laquelle l’entreprise choisit les segments qui sont le mieux en harmonie avec ses ressources et ses capacités. Cette étape est décisive. Si l’entreprise ne dispose pas d’une offre réellement innovante ou d’une structure de coûts particulièrement favorable, c’est dans cette bonne adéquation que résidera son succès futur .Il est donc indispensable à ce

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stade d’avoir bien compris quelles sont les ressources stratégiques de l’entreprise. L’une des erreurs les plus fréquemment répandues en matière stratégique est la tentation de servir indifféremment trop de segments du marché. Dans l’espoir hypothétique de mieux absorber ses coûts de structure, l’entreprise ajoute des activités de plus en plus variées et entre dans des zones où elle ne dispose d’aucun avantage compétitif. exemple a trouvér Il est alors important que l’évaluateur puisse distinguer parmi les segments ceux qui dégagent la meilleure rentabilité dans le but de déterminer si une concentration sur ces segments pourrait être envisagée dans l’avenir .On retrouve ici l’une des conclusions de Porter selon lequel le manque de spécialisation est l’un des risques qui menace le plus les entreprises. L’hypothèse implicite dans beaucoup d’entreprises est que tout chiffre d’affaires supplémentaire procure une meilleure couverture des frais de structure et donc une amélioration de la rentabilité .Ceci peut être vérifié à très court terme mais parfois au prix d’une diversité accrue. Comme l’objectif de croissance à court terme passe bien souvent avant celui de la rentabilité à long terme , beaucoup de dirigeants hésitent à spécialiser leur entreprise par crainte de limiter sa croissance. Dans cette démarche, ils oublient généralement le fait que la diversité est un facteur de complexité qui va nécessairement à terme alourdir les structures de l’entreprise. La quatrième composante de l’analyse stratégique est l’examen du degré d’intégration de l’entreprise .On entend par là une mesure du poids relatif des fonctions accomplies à l’intérieur de la firme par rapport à l’ensemble de la chaîne

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de valeur .Cette intégration, qualifiée de verticale par les économistes, est a distinguer de l’intégration horizontale qui concerne le nombre et la diversité des marchés visés par l’entreprise .Pour prendre un exemple, le groupe Intermarche qui possède ses propres unités de production est davantage intégré que Carrefour qui achète la totalité de ses produits à des fournisseurs extérieurs. On constate couramment que des acteurs opérant dans le même secteur ont des choix d’organisation complètement différents. Ceux qui sont intégrés vers l’amont réalisent en interne une bonne partie des composants qui leur sont nécessaires. Ceux qui sont intégrés vers l’aval ont tendance a réaliser par eux-mêmes des fonctions qui les rapprochent des marchés finaux. Là encore, il n’existe pas de principe général applicable universellement. Les analystes financiers, pour lesquels le niveau d’intégration accroît l’importance des frais fixes donc la variabilité du résultat, ont tendance à voir l’intégration comme un facteur négatif. Ceci est probablement une simplification de la réalité. Certains dirigeants justifient leur décision d’intégration par la volonté de récupérer les marges réalisées par leurs fournisseurs et leurs clients. Cet argument est simpliste. Il néglige un facteur essentiel, sur un marché concurrentiel la marge n’est que la rémunération des moyens mis en œuvre. Seules les firmes bénéficiant d’une forme de monopole peuvent donc espérer obtenir un rendement supérieur au coût des capitaux. Par ailleurs, les savoir-faire nécessaires sont généralement beaucoup plus longs à acquérir que ne le supposent les personnes non familières d’un secteur. On peut dire que les choix d’intégration sont globalement efficaces lorsqu’ils respectent la cohérence entre les

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ressources de la firme et le degré d’intégration. C’est ce manque de cohérence qui explique par exemple l’échec des compagnies aériennes lorsqu’elles ont tenté de s’intégrer vers l’hôtellerie et la location de voitures. Même si les besoins de leurs clients étaient effectivement complémentaires, les savoir-faire à mettre en œuvre étaient si différents que les transporteurs aériens ne bénéficiaient d’aucun avantage compétitif. Les chercheurs en économie d’entreprise ont tenté depuis plus d’un demi-siècle de définir dans quels cas l’entreprise a intérêt à avoir recours au marché et dans quels cas elle a un intérêt a réaliser par elle-même les fonctions ou les produits qui lui sont nécessaires. Le concept le plus utile dans cette recherche est celui de coûts de transaction. On entend par là tous les couts qui sont nécessaires pour identifier et sélectionner les sources possibles d’une fourniture extérieure et pour négocier le prix d’achat. Les firmes ne fonctionnant pas sur un marché parfait dans lequel les transactions auraient un coût nul, elles doivent ajouter à leur prix d’achat ce coût de transaction qui est parfois très élevé. Ceci est particulièrement vérifié lorsque les entreprises ne bénéficient pas d’un environnement dense de fournisseurs potentiels. C’est ainsi que les firmes isolées géographiquement ou situées dans des pays en développement sont contraintes d’avoir un niveau d’intégration plus élevée. Lorsque le produit ou le service est parfaitement standardisé, qu’il est offert par de nombreux fournisseurs, il est généralement préférable de faire appel au marché afin de bénéficier à plein des économies d’échelle et de la concurrence existant sur ce marché. La réduction des frais de transport, l’apparition d’Internet qui diminue les coûts de

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recherche et l’abaissement des barrières douanières ont augmenté cette tendance depuis une trentaine d’années. Lorsqu’à l’inverse, un bien ou en service est tellement spécifique que peu de fournisseurs peuvent le réaliser, et qu’il fait l’objet de transactions répétées, il est souvent nécessaire d’intégrer cette fourniture .Il en va de même lorsque l’entreprise craint de diffuser à l’extérieur des informations concernant des composants à caractère stratégique. Michelin a ainsi longtemps réalisé en interne tous ses équipements de production pour ne pas risquer de rendre publique sa technologie. Le risque existe dans ce cas de ne pas avoir la taille critique permettant d’optimiser la structure de coûts. C’est ainsi que jusqu’au début des années 1980, les firmes automobiles européennes et américaines ont continué à intégrer des fonctions que leurs concurrents japonais sous-traitaient à l’extérieur à des firmes travaillant pour plusieurs constructeurs. Le handicap de coûts entraîné par ce niveau trop élevé d’intégration les conduisit à inverser cette politique. A l’heure actuelle la plupart des grands constructeurs mondiaux ont seulement conservé en interne la conception des véhicules, l’assemblage et les fonctions commerciales. On observe aussi fréquemment une intégration verticale dans les secteurs cycliques, dans ce cas l’objet de l’intégration est de protéger les transformateurs des variations de prix des matières premières. C’est ainsi que certains sidérurgistes tentent actuellement de s’intégrer vers la production de minerai de fer afin de garantir leurs approvisionnements. Ils pensent ainsi pouvoir lisser leurs résultats puisque les zones de profit se déplacent à l’intérieur de la filière selon les périodes du cycle. De la

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même façon, beaucoup de producteurs de papier et de carton se sont historiquement intégrés en aval dans la fabrication d’emballages. L’analyste doit donc avant tout pouvoir comparer le degré d’intégration de l’entreprise avec celui de ses principaux concurrents. Si toutes les firmes du secteur utilisent le même modèle économique, c’est probablement que les caractéristiques du secteur imposent une logique identique .Si au contraire, les modèles économiques sont très diversifiés, il est probable que certaines solutions représentent un avantage compétitif. On constate parfois que même si l’intégration verticale n’est pas optimum en termes de coûts, la maîtrise de certaines fonctions est un facteur de différenciation qui permet d’éviter une concurrence frontale. C’est ainsi que les producteurs de produits de luxe, afin d’éviter la banalisation de leurs produits, contrôlent au maximum la distribution jusqu’au stade du détail. L’évaluateur risque de se heurter dans cette phase de son analyse, lorsqu’il est confronté à une entreprise intégrée, à la difficulté bien connue de mesurer l’efficacité des fonctions réalisées en interne par rapport à des prix de marché. Il peut aussi rencontrer des situations qui se situent a mi-chemin entre l’intégration et le recours au marché, situations qui se sont beaucoup développées au cours des dernières années, et que l’on baptise généralement alliances ou partenariats. Dans ce cas, le donneur d’ordres, même si il n’a aucun lien capitalistique avec ses fournisseurs, établit avec eux des relations de longue durée qui permettent d’abaisser les coûts de transaction. Ce type de fonctionnement, dit de quasi intégration, est particulièrement fréquent sur les marchés industriels. Là encore, les industriels japonais ont été des

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précurseurs en montrant que la coopération était fréquemment plus efficace que l’affrontement. Pour résumer notre propos sur l’intégration verticale, l’analyste qui doit porter un jugement sur le degré d’intégration qu’a choisie l’entreprise étudiée devra examiner :

� si les actifs mis en œuvre sont spécifiques, dans ce cas ils représentent des ressources stratégiques.

� Si les produits réalisés en interne sont disponibles ou non sur le marché

� Si le niveau de concentration des fournisseurs ou des clients est tellement élevé que l’entreprise se retrouve en situation de dépendance et n’a donc d’autre choix que l’intégration.

� Le niveau d’intégration de ses concurrents. L’intégration horizontale, aussi appelé diversification, consiste à ajouter des activités portant sur des produits et des marchés différents afin de répartir les risques de l’entreprise. Sa forme la plus extrême est le conglomérat, très à la mode dans les années 1970 , et que l’on ne rencontre aujourd’hui pratiquement plus dans les pays occidentaux. On considère actuellement que la répartition des risques des investisseurs peut se faire grâce aux marchés financiers et que ce n’est donc pas à la firme d’opérer cette diversification. On peut néanmoins rencontrer ce type d’entreprise dans certains pays en voie de développement dans lesquels les marchés financiers sont peu organisés. Dans les pays occidentaux les analystes considèrent en général que si une firme opère sur des marchés différents il est souhaitable que ces marchés ne soient

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pas corrélés et que les savoir-faire mis en œuvre soient proches. Nous venons de parcourir rapidement quelques concepts indispensables à toute analyse stratégique. Comme toujours les praticiens choisissent selon les cas étudiés les outils qui leur semblent les plus pertinents. On notera que ces outils ne peuvent pas s’utiliser en l’absence d’une quantité importante de données sur le secteur et sur la firme. Il n’est pas rare que la collecte d’informations représente une part majoritaire du temps nécessaire à une bonne analyse stratégique. Seul l’accès aux bases de données financières et sectorielles permet à l’analyste d’appuyer ses raisonnements sur des éléments rigoureux. Après avoir parcouru les différentes questions que nous venons d’évoquer, l’évaluateur commence en général à avoir un certain nombre d’hypothèses concernant les raisons du niveau de performance de l’entreprise analysée. Il devra alors confronter ses impressions avec celles d’un maximum d’observateurs familiers du secteur et dont l’opinion n’est pas perturbée par un conflit d’intérêts. Cette étape est indispensable et ne peut être en aucun cas remplacée par un dialogue avec les dirigeants de l’entreprise. En effet ceux-ci ont pour des raisons bien compréhensibles tendance à présenter les résultats de l’entreprise comme le fruit d’une démarche qui leur est propre lorsque ces résultats sont bons, et à expliquer par des facteurs externes leurs difficultés lorsque ces résultats sont mauvais. On pourrait donc dire, en caricaturant à peine, que les dirigeants appartiennent à

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l’école des ressources lorsque tout va bien et qu’ils basculent vers l’école du positionnement lorsque leurs résultats se dégradent. L’analyste doit donc plutôt rechercher l’opinion des clients et des fournisseurs du secteur pour vérifier ces hypothèses. Rappelons que l’évaluateur, dans cette étape de son processus doit arriver à choisir parmi ces trois scénarios :

� l’entreprise va dans l’avenir maintenir son niveau de performance

� l’entreprise va améliorer son niveau de performance � l’entreprise va dégrader son niveau de performance Même si l’évaluateur est incapable de choisir avec certitude l’un de ces scénarios, il devra pouvoir estimer la probabilité de chacun d’eux. Si le degré d’incertitude est très élevé la méthode d’évaluation proprement dite devra prendre en compte cette incertitude. C’est ce que permettent de faire les méthodes de simulation qui sont exposées dans la suite de ce cours. Au terme de cette courte introduction le lecteur devrait être convaincu que l’analyse stratégique,meme si elle a réalisé de reels progres depuis une trentaine d’ annees reste un mélange d’art et de science. Les parties les plus scientifiques de cette discipline comprennent encore de larges zones d’incertitude. Que pouvons-nous donc en retenir ? Tout d’abord qu’il est nécessaire d’avoir une forte compréhension de la firme, de son marché et de ses concurrents. Sans cette connaissance de base l’analyse stratégique devient un exercice purement théorique.

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Retenons ensuite qu’il faut identifier les liens entre les processus de l’entreprise et la valeur obtenue par les clients. L’existence de ces liens est à la source de tout avantage compétitif. Selon la formule bien connue de Peter Drucker « en dernière analyse toute entreprise n'a qu'un seul objectif, qui est de créer des clients ». La compréhension du rôle du temps est le dernier élément que nous devrons retenir. Une stratégie ne peut se construire et s’évaluer que dans la durée. Comme le stratège, l’évaluateur ne doit pas être esclave du moment présent mais savoir identifier les tendances lourdes dont les effets n’apparaîtront qu’au fil du temps.