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CEl\"TRE D'ETUDES UNIVERSITAIRES DANS L'OUEST QUEBECOIS
ANALYSE D'UN CAS D'IMPLANTATION
DE LA GESTION PARTICIPATIVE
EN MILIEU SCOLAIRE
PAR
MAURICE MORAND
. MEMOIRE PRESENTE EN VUE DE L'OBTENTION DE LA MAITRISE EN
EDUCATION
SOUS LA DIRECTION DE LUC BERGERON
MARS 1981
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Mise en garde
La bibliothque du Cgep de lAbitibi-Tmiscamingue et de lUniversit
du Qubec en Abitibi-Tmiscamingue a obtenu lautorisation de lauteur
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . L'objet d'tude et de
recherche Les buts et les limites de la recherche . . L'importance
de traiter ce sujet de recherche
CHAPITRE PREMIER - EVOLUTION DES CONCEPTIONS ADMINISTRATIVES
L'organisation scientifique du travail Le courant des relations
humaines.
L'homme social.
. . . . L'homme qui s'actualise
L'organisation du travail base sur le processus de
. .
pense . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L'homme
complexe . . . . . . . . . .
CHAPITRE II - LA PARTICIPATION COLLEXJTIVE . . . . . . . . . .
La participation
Ce qu'elle n'est pas . . . . .
Ce qu'elle est Dfinition.
. . . . . . L'quipe de gestion.
Nature, dfinition et composition Modalits de . fonctionnement
Rle de l'quipe de gestion
. . . . . .
. . . . . . CHAPITRE III - L'INFORMATION, LA PRISE DE DECISION
ET LE LEA-
DERSHIP DANS LA GESTION PARTICIPATIVE
L'informa. ti on. . . . . . . . . Ncessit et diffusion . . . .
Qualits de l'information L'assimilation de l'information Relation
avec le style de direction
. . . . . La prise de dcision
Sa nature et ses caractristiques Processus de prise de dcision.
Le groupe et la prise de dcision Relation avec le style de
direction
Le leadership. Natu.~ et dfinition Di verses thories .
Comportements du leader . . Choix du style. . .
ii
1
1 7
10
18
19 25 26 27
JO Jl
JJ
JJ J4 41 51 52 5.3 56 58
60
61 62 65 67 68 71 71 75 77 81 8,) 8,) 89 91 92
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CHAPITRE IV - MODELE INTBX;RATEUR DES DIFFERENTS ELEMENTS DE LA
GESTION PARTICIPATIVE
Hypothses de travail. Modle intgrateur
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . CHAPITRE V - LA
PARTICIPATION : UNE SOLUTION A UN PROBLEME
DE GESTION . . . . . . . . . . .
iii
95
96 100
105
Diffrentes alternatives de solutions 106 La solution retenue 108
Oprationnalisation de la solution retenue 111
CHAPITRE VI - DESCRIPTION D'UNE EXPERIENCE DE LA GESTION
PARTICIPATIVE 116
Environnement, contexte de l'exprience 116 Premire activit:
Rvision de la politique de d-centralisation de certains budgets
dans les coles 122 Deuxime activit: Elaboration d'une pollti~ue de
gestion des activits d'encadrement prvues a la con-vention
collective 128 Troisime ac ti vi t: Elabora ti on du plan annuel d'
or-ganisation scolaire. 1)4 Quatrime activit: Rvision de
l'organisation ad-ministrative des coles. 149
CHAPITRE VII - ANALYSE DE L'EXPERIENCE DIDJRITE 171
L'information dans la gestion participative. 172 La prise de
dcision dans la gestion participative 185 Le leadership dans la
gestion participative. 202
CHAPITRE VIII - UN CADRE D'INTERVENTION INTEnRATEUR.
Prsentation du cadre et de ses lments Comprhension du cadre
. . .
. . . . . . CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . .
BIBLIOGRAHUE. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
218
218 225
232
241
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ii ii
LISTE DES HORS-TEXTE
Tableau Page
1. La gamme des diffrentes situations d'information 70
2. La gamme des processus de prise de dcision 78
J. Modle intgrateur des diffrents lments de la gestion
participative 102
4. Ensemble des activits de gestion participative (1976-1979) .
. . . . . . . . . . . . . . . . . 114
5. L'organigramme de la commission scolaire de Val d'Or 120
6. Contenu d'une tape d'information . . 7. Liste et
classification de critres d'valuation . . 8. Sommaire des
valuations individuelles . . . . . . . . . 9. Sommaire pondr des
valua ti ons individuelles . . . . .
10. Cadre d'intervention intgrateur . . . . . . . . .
157
165
167
168
222
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INTRODUCTION
L'objet d'tude et de recherche
Tel que prvu dans l'esquisse de programmation personnelle,
l'objet du prsent mmoire est d'analyser un cas d'implantation de
la
gestion participative en milieu scolaire. De plus en plus, les
divers
agents oeuvrant dans le systme scolaire dsirent prendre part au
pro-
cessus de prise de dcision, de fixation d'objectifs et
d'laboration
des plans de dveloppement. La consultation ne suffit plus car
elle ne
reprsente pas suffisamment de responsabilit et de dfi.
En tant que directeur gnral d'une commission scolaire de
niveau pri~aire, on voit s'exprimer de faon ponctuelle d'abord,
puis
peu peu, de faon permanente le dsintressement, la dmobilisation
et
mme la cration d'une quipe de travail parallle l'quipe de
gestion.
Les travaux de cette dernire quipe deviennent d'ailleurs une
corve
pour la majorit des participants. Le climat socio-motionnel
n'est pas
non plus son meilleur. Diverrez, comme bien d'autres auteurs du
cou-
rant des relations humaines crit ce sujet:
ne pas faire participer sous des formes convenables le personnel
aux divers aspects de l'activit de l'entreprise aurait pour effet
terme, soit le dsintressement, soit la contestation plus ou moins
violente pouvant mme aller jusqu' la rvolte.1
1 Jean Diverrez, Pratique de la direction participative,
(Paris:
Entreprise Moderne d'Edition, 1971), p. 29.
-
2
La dtrioration du climat socio-motionnel n'est pas sans
poser
des problmes surtout si on croit comme le font Biolley et
Froissart que
"la qualit du temps pass avec l'autre et sa reconnaissance en
tant que
personne . sont des lments qui permettent l'homme de se
raliser,
de valoriser autrui et de se dpasser". 1
A l'automne de 1976, un diagnostic et une valuation de la
si-
tuation rvlent que le personnel de cadre des coles ne peut plus
et
n'accepte plus de consommer des projets et des plans exemplaires
prpars
par l'administration gnrale. Cette catgorie de personnel n'est
plus
intresse passer des heures se faire expliquer et se voir
vendre
de beaux projets, se sentir limite suggrer qulques
ajustements
mineurs et oblig~ de les raliser sans plus de dlai. En des
termes
positifs, le personnel de cadre des coles dsire et demande
participer
davantage l'laboration des divers projets et politiques et au
processus
de prise de dcision.
Ce dsir du personnel de cadre des coles ne survient pas
spon-
tanment dans l'organisme. En effet, lors du regroupement des
commissions
scolaires exig par la Loi 27 (1972), un texte d'orientation
prpar par
le directeur gnral et entrin par le conseil des commissaires
stipulait
que les administrateurs devaient privilgier, chaque fois que les
circons-
tances le permettaient, un style de gestion faisant appel la
participation
et non seulement la consultation.
1Grard Biolley et Daniel Froissard, Les nouvelles quipes
diri-
geantes, (Paris: Entreprise Moderne d'Edition, 1977), p. 96.
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J
C'tait l une croyance profonde mais il y a parfois loin de
la coupe aux lvres et il tait devenu vident que de 1972 1976,
la
direction gnrale s'tait davantage proccupe de consultation que
de
participation. Charles Hughes traite ainsi cette difficult
rendre la
thorie applicable:
si, dans le domaine des sciences du comportement, laborer des
thories s'est montr facile, appliquer ces concepts aux hommes au
travail, leurs conduites professionnelles dans des situations
concrtes n'a jamais cess de poser des problmes L'apparente
contradiction entre la thorie et l'application s'explique souvent
par l'troitesse de perspective.1
A cette explication il faut ajouter aussi la limite des
connais-
sances des dirigeants en matire de gestion et le manque sinon
l'absence
de rflexion, de retour critique sur leurs.activits de
gestionnaire.
Paul et Faith Pigors abordent cet aspect de la formation par
l'exercice
et par l'analyse critique dans ce qu'ils appellent "la mthode de
l'in-
cident critique" et ils _la suggrent comme une technique de
formation
susceptible d'amliorer le fonctionnement d'un groupe de
gestionnaires
tant sur les aspects de l'esprit que de la technique du groupe,
et pour
acclrer les interactions productives et freiner les autres. 2 Le
che-
minement au niveau de la ma!trise a permis de tester constamment
la
vracit des trois causes mentionnes prcdemment.
1charles L. Hughes, Ngocier les objectifs, Trad. par M.
Pri-neau, (Paris: Editions Hommes et Techniques, 1969), pp. 5 -
6.
~aul Pigors, Charles A. Myers, et F.T. Malm, La gestion des
ressources humaines, Trad. Eudes de Saint-Simon, (Paris: Edition
Hommes et Tec~~ques, 1976), p. 117.
-
4
L'analyse des insatisfactions du personnel de cadre des
coles
face au style de direction alors en vigueur et l'identification
chez le
personnel de cadre des services de leur perception de la
situation et
des possibilits d'action court terme conduisant alors
l'vidence
qu'il faut tout mettre en oeuvre pour passer des intentions la
rali-
sation c'est--dire la mise en place d'activits de gestion
partici-
pative.
Le cas d'implantation de la gestion participative retenu
n'est
pas seulement reli l'insatisfaction du personnel de cadre des
coles
aborde prcdemment mais aussi celle du personnel de direction
des
services et du directeur gnral qui utilisent beaucoup de leur
temps
laborer des projets et des politiques et encore plus susciter,
sans
beaucoup de succs, l'adhsion du personnel de cadre des coles et
par
le fait mme celle des enseignants. On se retrouve alors dans un
con-
texte de "vente et de marketing" des dcisions tel qu'illustr
par
Tannenbaum et Schmidt dans leur thorie de l'exercice du
leadership.
Une telle situation entra!ne, selon les personnes et les sujets
en cause,
des tensions, des reproches, des remises en question futiles et
un dsin-
tressement marqu.
De telles tensions et un tel dsintressement se font entre
autre remarquer dans la slection du person.."lel, 1' labora ti
on du plan de
dveloppement annuel et la mise en place de l'organisation
scolaire an-
nuelle.
-
5
Dans le cas de la slection du personnel les directions
d'coles
accusent constamment le directeur du personnel de ne pas tenir
compte de
leurs opinions, et de leur destiner du personnel contre leur gr
ce qui
survient entre autre quand les directions d'coles se trouvent
elles-
mmes en tat de conflit les unes envers les autres face la
mutation
du personnel dj dans l'organisation.
L'laboration du plan de dveloppement annuel et la mise en
place de l'organisation scolaire deviennent l'occasion de
semblables
propos de la part des directions d'coles l'endroit de la
direction
gnrale. Selon elles, cette dernire laisse trop peu de place
aux
coles, les directions ne reoivent pas l'information
pertinente
l'organisation scolaire, cette dernire est labore entirement
par
la direction gnrale (ceci s'avre particulirement vrai l't
1975).
Un tel sentiment de non participation amne le personnel de
direction
dmissionner devant les problmes, les refiler la direction
gnrale.
Cette catgorie de personnel de cadre des services rattache
l'adminis-
tration centrale a donc elle aussi intrt procder une relle
exp-
rimentation de la gestion participative.
Une fois cette dcision prise, tous, personnel de cadre des
coles, des services, directeur gnral et commissaires d'coles,
se
retrouvent confronts avec des questions de premire
importance:
Comment raliser une gestion pa~tici~ative dans un o~ganisme de
services souvent emprisoLn dans des contrles et des normes externes
de toutes sortes?
-
Comment rendre compatibles les structures d'autorit et de
conseil dans une gestion participative?
Quelles seront les limites (objets, modalits, etc ) de
l'exprience en gestion participative?
Quelles seront les exigences de la gestion participa-tive?
Comment informer suffisamment les nouveaux partenaires sur les
diffrents objets de dcision?
t
Ces quelques questions et bien d'autres qui surgiront par la
6
suite amnent identifier certains lments problmatiques de la
gestion
participative qui paraissent plus importants que d'autres:
l'information,
le processus de prise de dcision et l'exercice du leadership.
...
A pres
quatre annes passes la direction gnrale de ce mme organisme,
on
est donc amen rviser certains principes et surtout certaines
pratiques
de gestion en regard des attentes et des besoins du personnel de
cadre des
services et des coles, guider l'quipe de gestion sur ces
sentiers peu
battus de la participation, de la dcentralisation et de la
dlgation,
"modifier la structure de 1' organisme de faon qu'elle heurte
moins la
nature humaine et changer le climat de manire que les pressions
soient
allges."1 L'urgence de la situation commande alors d'agir
concrtement
plutt que de thoriser. Cette option relie l'tat des
connaissances
sur le sujet contribuent largement au fait que pendant les deux
premires
1 Harold J. Leavitt, Psychologie des fonctions de direction
dans
1' entreprise, Trad. par Andr et 1 ucie Guy, (Paris: Editions
Hommes et Techniques, 1973), p. 280.
-
7
annes, l'exprience est surtout mene partir d'essais et
d'erreurs,
de dossiers spcifiques et sans plan clairement dfini. Ensemble,
on
sait globalement ce qu'on veut et on cherche, pas pas, comment y
arri-
ver. Comme on tentera de le montrer plus loin, le cheminement
travers
les diverses activits de matrise a permis, pendant les deux
dernires
annes, d'avancer de faon plus rationnelle et avec plus
d'assurance.
Les buts et les limites de la recherche
Sans vouloir prsenter ce moment une problmatique exhaustive
on conviendra de la ncessit d'apporter ds maintenant certains
lments
utiles la comprhension du cadre thorique qui sera utilis . tout
au
long de la recherche, lequel cadre devrait.permettre de cerner
de plus
prs les aspects suivants .
La participation: sa nature, ses modalits, ses limites;
l'quipe de gestion: sa composition, son rle, son
fonction-nement;
la mise en parallle, la synthse de ces deux ralits dans le
concept de la gestion participative.
En dveloppant autour de ces trois principaux thmes on
abordera,
cela va de soi, les diffrentes composantes du processus
administratif en
insistant davantage cependant sur les aspects suivants:
l'information, la
prise de dcision et l'exercice du leadership. Le but de la
prsente re-
cherche est donc d'analyser l'aide de l'acquis scientifique les
diverses
activits ralises dans le cadre de l'exprience d'implantation de
la
-
8
gestion participative et de cerner, le cas chant, en quoi et
comment
le cheminement dcrit aurait pu tre meilleur et ce qu'aurait pu
tre
la performance idale.
Compte tenu des particularits que renferme' l'objet de ce
pr-
sent mmoire, il convient ds ce stade d'en prciser les limites
par rap-
port aux diffrentes tapes du processus de solution de problme
puisqu'il
se doit d'tre une rflexion axe sur la recherche d'une solution
un
.. ' t problme particulier laquelle solution doit etre
applicable, a erme,
dar~ l'environnement professionnel. Ce mmoire prsente cela
de
particulier qu'il traite d'une solution dj applique et en ce
sens il'
devient donc une rflexion sur une solution exprimente pendant
prs de
quatre ans dans le but d'y proposer les amliorations possibles.
La pro-
blematique est donc relie l'implantation de la gestion
participative
qui se veut elle-mme une rponse, une solution des problmes de
gestion
vcus et clairement identifis par les cadres de l'organisme.
Pour spcifier davantage cette recherche il faut se rfrer la
catgorisation de De Lansheere, pour une recherche oriente vers
des con-
clusions et de tj~e oprationnel, celle-ci tant
entreprise en toute libert et o le chercheur s'intresse un
problme ("fondamental" ou "appliqu") et peut en formuler l'nonc
selon la progression du savoir ou mme selon ses prf-rences ou son
intuition de la plus grande utilit (et opte) pour l'application de
la mthode scientifique des problmes d'organi-sation, des processus
du travail.
1G. De Lansheere, Introduction la .recherche en .ducation,
(Paris: Armand Collin, Bourrelier, 4e d., 1976), pp. 28- 29.
-
9
Compte tenu que des expriences en gestion participative sont
ralises depuis plus de trois ans dans l'organisme, il est apparu
peu
pertinent de se lancer nouveau dans une nouvelle exprimentation
en ce
domaine, prfrant approfondir et enrichir celle dj en cours. On
se
limitera donc dans le prsent travail prciser le cadre
d'exprimen-
tation, identifier les rsultats atteints et soumettre ces
deux
aspects de l'implantation une analyse critique et suggrer les
am-
liorations possibles. Ce cheminement conduira dans le processus
de
solution de problme jusqu' l'oprationnalisation de
l'alternative
retenue. Il faut ajouter cependant qu cause des actions dj
entre-
prises, on retrouvera chacune des tapes du processus des
considra-
tions de l'ordre de l'valuation.
En ce sens, la prsente recherche en est une de type
valuation
la fois thorique et descriptive qui conduira d'abord vers une
analyse
du problme tel qu'identifi en 1975-1976 et ce la lumire de
l'acquis
scientifique et du cadre thorique retenu. Cette analyse du
problme
permettra de mieux identifier et interprter les comportements
des dif-
frents gestionnaires ainsi que la politique et les rgles de
gestion
dans lesquelles ils voluaient.
On cheminera par la suite vers ~~expos et une analyse des
al-
ternatives mises de l'avant et de celle retenue vers la fin de
la mme
anne et ce toujours, la lumire de l'acquis scientifique. Les
malai-
ses dcrits l'tape prcdente auraient pu tre solutionns de
plus
d'une faon. Celle retenue fut l'implantation de la gestion
participative,
-
10
il conviendra donc de bien prciser les raisons pour lesquelles
le choix
s'arrta sur celle-l.
Ces deux premires tapes devraient permettre de dboucher
enfin
sur l'expos et l'analyse des expriences de la gestion
participative en
s'appuyant encore sur l'acquis scientifique et sur le cadre
thorique.
On ne pourra bien sr cette tape soumettre l'analyse critique
tout
le vcu de l'exprience. C'est ce moment qu'on conviendra des
activi-
ts les plus significatives et c'est en rapport avec celles-ci
que l'ana-
lyse sera effectue.
Les rsultats obtenus l'analyse de chacune des tapes prc-
dentes permet'tront de prsenter des propositions d'activits
"perfection-
nes" quant l'implantation de la gestion participative en milieu
sco-
laire. De telles propositions obligeront peut-tre une certaine
rvi-
sion du principe et du cadre conceptuel retenus.
L'importance de traiter ce sujet de recherche
La recherche d'un tel cadre d'intervention "idalis" trouve
toute son importance et toute sa pertinence dans ce fait que la
gestion
participative se prsente, du moins dans les secteurs public et
para-
public, comme un des derniers moyens efficaces sinon le dernier
(car il
ne peut tre question ici pour les employs de participer aux
profits de
l'entreprise) de tendre vers un quilibre acceptable entre les
besoins
de l'individu-employ et les besoins ou les attentes du syst~me
ou de
-
11
l'organisation. La gestion participat ive se veut une rponse
intgra-
trice un besoin toujours prsent chez l'homme au travail: la
satisfac-
tion de ses besoins d'entretien et surtout de ses besoins de
dveloppement
que Herzberg dans un article publi dans la Harvard Business
Review et
sous le vocable de la "recharge verticale du travail" associe
une plus
grande responsabilit, une ralisation et une croissance
personnelles plus
totale, l'avancement et la considration. Dans sa critique des
dif-
frentes approches administratives, Crozier pense d'une semblable
faon.
Un tre humain ne dispose pas seulement d'une main et d'un coeur
il est aussi une tte, un projet, une libert, ce qu'avaient oubli
les thoriciens des relations humaines et ceux de l'organi-sation
scientifique du travail.1
Voil des propos qui sont encore malheureusement oublis atJ.-
jourd'hui et plus spcialement par les tenants de la
dpartementalisation,
phnomne fort rpandu dans les secteurs public et para-public et
si judi-
cieusement compar par Ivlarch et Simon l'ozganisation
scientifique du
travail en ce sens que les thoriciens et les adeptes de cette
conception
administrative
ont en commun, en particulier dans leurs expressions les plus
formelles, un intrt port aux proprits neure-physio-logiques les
plus simples de la nature humaine et aux espces les plus simples de
travaux qui sont excuts dans l'organisa-tion.2
1Michel Crozier, Le phnomne bureaucratique, (Paris: Editions du
Seuil, 1963), p. 185.
2J.G. Marchet H.A. Simon, Les organisations, Trad. par J.C.
Rouchy et G. Prunier. (Paris: Dunod, 1974), pp. 21 - 22.
-
12
Les employs des organismes publics et para-publics sont-ils
davantage chargs de raliser des activits simples ou complexes,
des
projets ou des oprations? Une telle question trouve vite sa
rponse
quand on y regarde de prs quelques instants. Ainsi, le plus
souvent
quand un enseignant est appel raliser tel programme, telle
activit,
il peut tre assur que dj le directeur d'cole, le(s)
conseiller(s)
pdagogique(s), le directeur de l'enseignement (et qui encore?),
s'en
sont dj proccups, l'ont dcortiqu et poli ce qui fait que
dans
l'tat actuel des choses l'enseignant ou tout autre personnel
prouve de
.la difficult penser et raliser un projet de sa propre
initiativ.
D'ailleurs, c'est rarement ce qu'on demande l'employ d'une
bureaucra-
tie et par association celui d'un organisme public et
para-public. /
Ces derniers, de par leurs caractristiques et leurs
dimensions
sont facilement ports vers la bureaucratie et de ce fait, les
activits
du personnel sont susceptibles de s'exercer davantage sur des
oprations
de plus en plus simples et vides de sens, attendu que les vrais
projets
raliser sont eux-mmes dcortiqus en dix, vingt oprations
rparties
e1les-mmes chez autant d'employs. Bien entendu, dans une telle
concep-
tion du travail on ne retrouve gure les concepts de projets, de
libert
et d'initiative propres tout tre humain et la vritable
participation
ne peut y trouver son compte.
On serait tent de croire qu'une telle description s'applique
surtout aux oprations de gestion dites techniques (achat de
matriel,
prparation de la paie, etc ) mais tel n'est pas le cas. Les
activits
-
1.3
de gestion relatives au "contenu" suivent souvent les mmes
mandres du
"surcontrle", de la "suranalyse" et de la "survaluation",
s'loignent
elles aussi du sens de la responsabilit parce que les
possibilits de
participation sont dmanteles et sans cesse soumises
l'approbation du
suprieur.
Aprs avoir pass en revue les rsultats de plusieurs
recherches
menes en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique sur les
effets
positifs et ngatifs de l'administration hirarchique et
bureaucratique
en milieu scolaire, F~ugene Ratsay en arrive conclure:
Supervisors are rated less effective if they behave
bureau-cratically;
tacher satisfaction is lower in schools were teachers perceive a
high degree of bureaucracy;
student alienation is higher in schools were students per-ceive
a high degree of bureaucracy;
student achievement is lower were teachers view schools as
emphasizing hierarchical structure,l
Quiconque a tant soi peu oeuvr dans le secteur public sait
combien il est porteur et gnrateur de comportements relis la
dpar-
tementalisation et la spcialisation outrance. Stphane Dion,
dans
un article paru rcemment, montre hors de tout doute comment la
bureaucra-
tie peut tre o~niprsente dans la structure de notre appareil
gouverne-
1 Eugene Ra tsay, "Partic!.pa ti ve and Hierarchical
~'.lanagement of Schools", Journal of Educational Administration,
(October 197.3, vol. X1, no 2), p. 169
-
14
mental qu'il se reprsente comme un "corps pachidermique . "
foncirement
litisme et autoritariste, fondant son absolutisme sur le
monopole de
l'analyse rationnelle et de l'interprtation objective des faits.
1 Les
organismes para-publics, que ce soit dans le domaine des
services sociaux,
de la sant ou de l'ducation, n'chappent pas la tentation et se
don-
nent des structures de plus en plus hi rarchises, des
fonctionnements
de plus en plus compartiments se souciant davantage du dtail et
de
l'opration que du projet lui-mme lai ss aux hautes instances
dcision-
nelles. La pratique et l'exprience enseignent qu'il est et qu'il
sera
probablement toujours pertinent de rflchir sur les valeurs
humaines du
travail.
Evidemment les orientations et les problmes mentionns plus
haut existent depuis toujours et tmoignent en dfinitive d'une
concep-
tion de l'homme qui s'apparente fort celle de Taylor et de sa
proccu-
pation de l'organisation scientifique du travail qui a gnr des
appro-
ches axes sur la dpartementalisation, la spcialisation, la
centrali-
sation, l'excution aveugle et chronomtre, la cration de
nombreux
niveaux hirarchiques, des descriptions de tches et de fonctions
de plus
en plus spcifiques et simplistes. Et pendant ce temps les
responsables
patronaux et syndicaux s'enttent, consciemment ou _pas, tenir la
ngocia-
tion des contrats collectifs et les relations de travail en
gnral au
niveau des besoins d'entretien (salaires, congs de toutes
sortes, bn-
1stphane Dion. "Les partis de gouvernement et les
administra-tions publiques", La Revue de l'Institut de
l'Administration publique du Canada, (Automne 1980, vol. 23, no 3),
p. 403.
-
15
fiees marginaux, horaire flexible, etc . ) et sous le double
carcan de la
spcialisation et de la spcificit.
La ralit montre pourtant combien l'homme a peu de prise,
d'autorit, d'initiative et de libert dans son travail qui s'avre
tre
de plus en plus ill1 ensemble de tches plutt qu'un projet, une
simple
excution plutt qu'une dcision ou une participation la dcision,
une
dure quotidienne o l'homme est tantt utilis comme une main,
tantt
comme un coeur,. tantt comme une tte mais rarement sous ces
trois ra-
lits la fois. Ces faons de voir et de faire proviennent non
seulement
d'une conception ngative et trique de l'homme mais aussi d'une
concep-
tion soit autoritaire ou soit paternaliste du pouvoir, de
l'autorit, du
leadership et de leur exercice. Tout cela se retrouvait des
degrs
divers bien sr dans la situation insatisfaisante de 1975-1976
qu'on a
rsume comme suit dans les premires pages: le personnel de cadre
des
services et des coles n'accepte plus de jouer le rle
"d'acheteurs" ou
de simples excutants de projets.
En plus de cette pertinence tire de l'empirisme et qui
prsente
une incita ti on traiter ce concept dE~ la gestion participative
il y en
a une autre relie celle-l aux orientations parfois divergentes
des nombreux auteurs qui se sont attards. rflchir eux aussi sur
ces
mmes questions. De tout temps mais plus intensment depuis les
exp-
riences et les tudes menes par Mayo et Roethlisberger les
thoriciens
de l'administration se sont proccups des problmes sociaux des
travail-
leurs. On retrouve dans cette ligne tous ces auteurs qui se
soucient
-
des besoins de l'homme, de sa motivation, de son comportement et
de sa
satisfaction dans le travail. Le plus important est sans doute
.Maslow
dont la thorie de la motivation relie la catgorisation des
besoins
de l'homme gnra tant d'tudes et de recherches.
Toujours dans cette perspective d'impliquer davantage
l'homme
dans son travail, Herzberg et Scott Myers, insistent sur
l'importance
d'agir sur le double volet de la satisfaction et de
l'insatisfaction de
l'homme au travail et sur l'enrichissement de la tche. La
motivation
de l'employ au travail est intrinsquement dpendante de sa
participa-
tion au processus de prise de dcision. Plusieurs auteurs tels
Likert,
Maier, Argyris, Di verrez, Hughes laguent leur tour la voie et
posent
16
les balises en ce domaine. Simultanment, avec Mc Gregor, Blake,
Mouton,
Likert, Leavitt, Yetton, Vroom, Hersey et Blanchard se
dveloppent des
orientations de mme nature sur l'exercice de l'autorit, du
pouvoir et
du leadership, concepts intimement relis la motivation et la
satis-
faction de l'homme au travail. Enfin, d'autres auteurs tels
Silverman,
Harch, Simon, Bloch-Lain, !'1inot, Crozier tentent divers ti
tres et
sous des orientations gnrales de management d'intgrer les divers
l-
ments mentionns plus haut.
De tous ces auteurs et ce malgr la grande diversit qu'aient
pu prendre leurs conclusions et leurs tendances, il ressort de
faon
assez vidente une mme orientation que Ross 1-lebber exprime
comme suit:
all essentially mean redesigning the task to improve both task
efficiency and human satisfaction by building into people's
-
job greater scope for personal achievement, recognition, more
challenging and more responsible work, and opportunity for
individual avancement and growth.l
C'est dessein qu'on a utilis le rnot orientation car c'est
bien de cela qu'il s'agit, une voie que les auteurs prcits
tentent de
nous montrer, une voie dont on ne peut percevoir la fin
(peut-tre n'y
17
en a-t-il pas), une voie balise tout de mme et qui reprsente,
semble-
t-il, pour les administrations publique et para-publique un dfi
de
taille. A l'aide de cet acquis scientifique, la pertinence et
l'utilit
de mettre en lumire et de soumettre l'analyse une exprience de
la
gestion participative dans l'administration para-publique
ressortent
encore avec plus d'vidence.
1 Ross A. Webber, Management, (Homewood, ILL: Richard D. Irwin
Inc., 1975), p. 122.
-
CHAPITRE PREMIER
EVOLUTION DES CONCEPTIONS ADMINISTRATIVES
Aprs avoir prsent les mot ifs empiriques et thoriques expli-
quant la prsente proccupation pour la gestion participative, il
appa-
ra!t souhaitable de cerner ds ce stade les propos de divers
auteurs sur
le sujet. Ce retour aux sources ne se veut cependant pas
exhaustif
puisqu'il sera enrichi chacune des tapes du travail.
Aussi loin qu'on remonte dans la littrature spcialise dans
le domaine, on constate que "l'homme-employeur" fut toujours
proccup
par l'organisation du travail et ce, tant sous ses aspects
physique,
intellectuel que psychologique. Par ncessit de s'ajuster,
de.contes-
ter ou de sauvegarder des droits acquis "l ' homme-employ"
entretient lui
aussi une mme proccupation. L'organisation du travail comme il a
t
tant de fois dmontr est toujours intimement lie une conception
de
l'homme (employeur ou employ). Autant le taylorisme florissant
de la
premire moiti de ce sicle conoit "l'homme-employ"
naturellement
passif, paresseux et sans motivation intrinsque autant le
syndicalisme
contemporain considre "l'homme-employeur" naturellement cupide
et pro-
fiteur.
Mais justement parce que les proccupations "concernant les
organisations sont en mme temps des remarques concernant le
comportement
-
h . "1 ... um.a~n et que dans ces memes proccupations se trouve
"inclus implici-
tement un ensemble de suppositions propos des caractristiques
des
tres humains qui doivent entrer en ligne de compte pour
expliquer leur
comportement au sein des organisations" 2 , il apparat dj
possible et
pertinent de dgager, dans le sillon de Narch et Simon, trois
grandes
catgories de propositions concernant le comportement des tres
humains
dans l'entreprise: l'organisation scientifique du travail,
l'organisa-
19
tian du travail base sur les attitudes et les valeurs et enfin,
l'orga-
nisation du travail base sur le processus de pense o les membres
de
l'organisation ont pour tche de prendre des dcisions et de
rsoudre
des problmes. Comme le comportement humain n'est jamais purement
et
exclusivement de l'ordre de la pense, des attitudes ou des
habilets
physiques, il convient de conclure l'impossibilit de rejeter
l'une
ou l'autre des catgories mentionnes plus haut mais bien plutt
d'en
faire ressortir les lacunes et de montrer comment elles peuvent
se com-
plter dans l'exercice d'un style de gestion qui fait appel la
parti-
cipation.
L'organisation scientifique du travail
Dans la premire catgorie et sous le support d'auteurs tels
.. Taylor, Gilbreth, Fayal, Gulick et Urwick, on retrouve une
meme suppo-
si tian:
1 ~March et Simon, Les organisations, p. 6. 2Ibid, p. 6.
-
20
les membres d'une organisation et les employs en particulier,
sont essentiellement des instruments passifs, capables d'assumer un
travail et de recevoir des directives, mais qui ne sont pas
susceptibles de faire preuve d'initiative ou d'exercer une
influen-ce importante.1
Cette catgorie amne ses adeptes nous fournir diverses
thories: la thorie classique de l'organisation, la thorie
physio-
logique de l'organisation, la thorie de la dpartementalisation,
les-
quelles se retrouvent toutes dans une gestion scientifique
centre davan-
tage sur la mcanisation, l'automation et la dpartementalisation.
Dans
un tel style de gestion on se proccupe surtout des types de
tches et
de leurs dfinitions, d'aptitudes, de rapidit, d'endurance, de
rparti-
tion et de cots. Tout cet ensemnle de penses et d'orientations
ne
consent l'tre humain que des motivations fo~t simplistes
gnralement
relies l'aspect salarial.
Dans une telle conception de l'organisation du travail, le
dfi
consiste trouver pour l'employ ce que Crozier appelle la "seule
meil-
leure manire" d'accomplir un ouvrage, de lui enseigner, de le
contrler
dans son excution et de le rcompenser selon la quantit de
travail
accomplie ou de le punir si ncessaire. On est loin bien sr de
l'tre
humain capable de penses et d'initiatives. On lui permettra
peut-tre
de jeter dans la "boite suggestions" une proposition d '
amlioration
mais l s'arrtera sa participation car d'autres, des experts,
verront
' a juger de cette initiative. Dans une telle conception de
l'homme et
1Ibid., p. 6.
-
21
e 1' organisation 1' ouvrier est ~rduit fatalement l'tat de
rouage,
la merci de ceux qui sont capables de dcouvrir le "one best way"
et
qui ne voient en lui qu'une main." 1 Des principes
d'organisation scien-
tifique du travail de Taylor on en vient tout naturellement ces
nom-
breuses tudes des temps et des mouvements (time and motion
study) des
Gilbreth et de leurs successeurs o les comportements de
l'ouvrier sont
d'abord et avant tout considrs comme une succession d'activits
physi-
ques standardises. Il est facile de comprendre que l o la main
et
les fonctions neurophysiologiques sont omniprsentes il reste
bien peu
de place pour les attitudes et les motivations et encore moins
pour la
pense. Il n'y a plus de place pour l'tre humain considr comme
un
projet personnel et social et encore moins pour la
participation.
Par ignorance ou pour se donner bonne conscience on -est
parfois
tent de restreindre une telle utilisation de l'homme aux grandes
indus-
tries et manufactures mais il est possible de vrifier que les
principes
de l'organisation scientifique du travail se retrouvent tout
aussi bien,
des degrs divers, dans nos bureaucraties gouvernementales,
municipales
et scolaires axes souvent sur la dpartementalisation outrance et
qui
n'est pas sans rappeler cet attrait pour les "proprits
neurophysiolo-
giques les plus simples de la nature humaine et aux espces les
plus
simples de travaux qui sont excuts dans les organismes", 2
lesquels
1Ibid., p. lX, Prface de Hichel Crozier.
2 Ibid., p. 22.
-
22
travaux deviennent, dans le systme bureaucratique, de multiples
sous-
divisions d'un objectif raliser alors que dans la manufacture
il
s'agit souvent de dissquer en dix, vingt ou trente gestes la
production
d'un jouet ou la confection d'une chemise.
Narch et Simon en se rfrant aux ouvrages de Gulick et Urwick
sur le sujet, brossent un tableau assez convaincant de
l'application
moderne de la thorie classique de l'organisation quand ils
dfinissent
ainsi la dpartementalisation
tant donn un objectif gnral pos une organisation nous pouvons
identifier les tches lmentaires ncessaires l'accom-plissement de
cet objectif. Le problme est de rassembler ces tches en poste de
travail individuel, d'assembler ces postes en units
admir~stratives, celles-ci en units plus grandes et en outre de
faire ces_ groupements de faon rendre minima les dpenses totales
ncessites par l'accomplissement de toutes leurs activits.l
A suivre un tel nonc on a presque envie de conclure avec
Bennis quand il cri tique Hebber lequel di t-il conoit les
"organisations
2 comme si elles existaient sans personnel." Silverman s'attarde
aussi
la bureaucratie idale typique de 1-lebber en la dfinissant comme
"une
hirarchie clairement dfinie dans laquelle les employs ont des
fonc-
tions trs prcises et appliquent des rgles gnrales dans un
esprit
1Ibid., p. 22.
~iarren G. Bennis, Changing Organizations, Essa s on the Develo
-ment and Evolution of Human Organization, (New York: :1'1c
Graw-Hill, 1966, p. 6.
-
23
d'impersonnalit formelle". 1 De la dfini ti on de March et Simon
on peut
dj voir se dresser un organigramme complexe o les positions, les
res-
ponsabilits et les tches sont spcifiquement dfinies et
rparties.
On peroit bien qu'il y a peu de diffrence entre la prpose aux
fili-
res dont la tche consiste classer ou sortir des dossiers et le
robot-
visseur de boulons.
Dans ses propos sur l'importance relative des diverses
capacits
ncessaires au personnel des entreprises Fayel abonde dans le mme
sens
lorsqu'il suggre:
de quelque fonction qu'il s'agisse , la capacit principale des
agents infrieurs est la capacit caractristique de la fonction
technique et la capacit principale des agents ~uprieurs est la
capacit administrative.2
'
En d'autres mots, il y a ceux qui excutent, reproduisent et
il y a ceux qui pensent, laborent, dveloppent Ainsi on ne se
surprendra plus de retrouver parmi les principes gnraux
d'administra-
tien noncs par Fayel des termes tels que division du travail,
hirar-
chie, unit de commandement et de direction , subordination des
intrts
particuliers l'intrt gnral, centralisation Mais on y trouve
dj aussi une faible concession la personne humaine: il faut
agir
1David Silverman, La thorie des organisations, Traduit de 1'
anglais par Claude Lingagne, (Paris: Dunod, 1970), pp. 11 - 12.
~enri Fayel, Administration indust rielle et gnrale, (Paris:
Dunod, 1970), p.9.
-
24
avec souplesse puisque ces principes s'appliquent des hommes. On
est
encore loin de la participation.
L'automation a eu le plus souvent comme rsultat de faire
fonc-
tionner l'homme comme une machine; la dpartementalisation et la
bureaucra-
tie n'agissent gure autrement avec l'organisation. Dans les deux
cas
"il existe une tendance g nrale considrer l'employ comme un
instru-
ment inerte excutant les tches qui lui sont attribues, comme
une
4 ' 1 constance plutot que comme une variable du systeme".
Evidemment on est
bien loin d'une philosophie, d'un style de gestion qui envisage
l'organi-
sation du travail comme devant permettre l'homme de se raliser
pleine-
ment comme entit physique, ~fective et intelligente,
mme s'il est juste comme le souligne Silverman que l'analyse des
organisations, dans les premires dcennies du sicle, est partie des
problmes poss par ceux qui taient en autorit, pour lesquels elle
cherchait offrir des solutions efficaces et bon march.2
Il n'en demeure pas moins que la thorie classique de
l'organi-
sation du travail dont les fondements et les orientations
sous-tendent
encore bon nombre de nos activits administratives et
industrielles, ne
russit pas rejoindre TOUT l'homme au travail parce qu'elle
nglige ou
n'accorde que peu d'importance ses motivations, ses besoins, ses
aspi-
rations
.. J.l'larch et Simon, Les organisations, p. 29.
2Silverman, La thorie des organisations, p. 2.
-
Le courant des relations humaines
Evidemment l'automation et la bureaucratie ne pouvaient se
raliser sans trouver des opposants et des ractionnaires. Ds
les
annes 40, des tudes menes par Merton, Zelznick et Gouldner1
dmon-
trent que dans des organisations hirarchises et bien rodes
une
25
conception scientifique du travail, les individus affichent des
compor-
tements inattendus engendrant leur tour des dysfonctions
mettant
ainsi en cause l'efficience des modles taylorien et
weberien.
Une seconde catgorie de propositions concernant le
comportement
des tres humains dans l'entreprise s'organise paralllement
supporte
celle-l par tous les adeptes de ce qu'on appelle souvent le
courant des
relations humaines ou de la psychologie organisationnelle. Les
proposi-
tions de ce courant
partent de la supposition que les personnes d'une organi-sation
y viennent avec leurs propres attitudes, leur propre systme de
valeurs, leurs propres objectifs; qu'elles doivent tre motives ou
stimules pour adopter un comportement de par-ticipation dans
l'organisation.2
Pour mieux cerner ce vaste courant, on ira dans le sens de
Sil-
verman qui propose trois catgories, ou mieux, trois tapes la
fois
distinctes et complmentaires: l'homme social, l'homme qui
s'actualise
et l'homme complexe.
1March et Simon, Les organisations, p. 36. 1Silverman, La thorie
des organisations, pp. 46 - 47
~arch et Simon, Les organisations, p. 6.
-
26
L'homme social
Comme ce fut le cas pour l'organisation scientifique du
travail,
le courant de la psychologie organisationnelle opre
progressivement.
Tout d'abord l'quipe de Hawthorne sous l'autorit de Mayo
dmontre
l'importance certaine de conditions de travail dcentes et de
l'appar-
tenance de l'ouvrier un groupe de travail. Mais ce n'est pas
suffi-
sant car bien qu'importants, les besoins sociaux de 1' homme au
travail
ne reprsentent tout de mme qu'une partie de ses aspirations, de
son
projet. Mais pour Mayo, Romans et plus tard Zaleznik qui fut
probable-
ment le plus reprsentatif de la thorie de l'homme social au
travail,
cet aspect de 1' homme, sans tre exclusif, s'avre primordial.
Ainsi
en 1964, Zaleznik crit propos du groupe de travail:
il y a probablement peu de problmes organisationnels dans
lesquels sa structure et sa dynamique peuvent tre sans risque
exclus de la recherche L'efficacit des grandes organisa-tions dpend
dans une large mesure du dveloppement de petits groupes.l
Cet aspect du courant des relations humaines retient
davantage
l'attention parce que l'quipe de gestion qui a vcu l'exprience
de
la gestion participative reprsente justement au sein de
l'organisation,
un groupe de travail et de dcisions bien dfinis et il apparat
vident
1 A. Zaleznik et D. Moment, The Dynamics of Inte;yersonnal
Beha-vior, (New-York: John Wiley, 1964), p. 4.
-
27
comme le suggre Zaleznik qu'on ne pourrait traiter srieusement
de
cette exprience de gestion participative sans analyser les
diveries
composantes et les divers comportements de l'quipe de
gestion.
En laissant trop peu de place aux autres aspects de l'tre
humain, les partisans de l'homme social ne russissent pas eux
non plus
solutionner entirement le problme global de l'homme au travail
bien
que leurs contributions aient t importantes et manifestes dans
l'vo-
- lution d'une conception dynamique plutt que mcaniste de
l'homme au tra-
vail. Ils amnent voluer dans une conception administrative
et
raliser que l'homme n'est pas seulement porteur de besoins
sbciaux mais
qu'il a tout autant besoin de s'actualiser.
L'homme qui s'actualise
Ce besoin d'actualisation de soi, suprieur et plus
significatif
que les besoins physiologiques ou de scurit, origine videmment
de la
hirarchisation des besoins propose par Maslow, critique plus
d'une
fois et par plusieurs parce que cette thorie soulevait plus de
problmes
qu'elle n'en solutionnait et que
elle impliquait une critique directe de l'Homme conomique, de
"l'organisation scientifique du travail" et indiquait aussi les
faiblesses de la conception monocausale du comportement du
travailleur vu par l'Ecole des relations humaines,1
1Silverman, La thorie des organisations, p. 73.
-
28
et par les tenants de l'Homme social cits plus haut. Il n'en
demeure
pas moins que les ides de Maslow f urent reprises par des
adeptes aussi
clbres que Ne Gregor, Argyris, Likert et Herzberg. Tous, tentant
de
reprendre leur compte et de faon originale le thme de
l'actualisation
ont oeuvr autour de cette conclusion de f1c Gregor:
la tche essentielle de la direction est d'organiser les
conditions et les mthodes de travail pour que le personnel puisse
mieux atteindre ses propres buts en orientant ses pro-pres efforts
vers les objectifs organisationnels.1
Dans le mme sens, Argyris convient qu'il y a incompatibilit
entre toute structure formelle pour atteindre des objectifs
limits et
la pleine expression des potentialits de ceux qui y travaillent.
Ceci
l'amne d'ailleurs conclure "que les organisations (de
l'avenir)
tendront modifier les structures qu'elles emploieront selon les
types
de dcisions qui doivent tre prises". 2 .,
Herzberg, pour sa part, suggere
que les individus sains recherchent les responsabilits,
dveloppent
l'implication personnelle et suscitent des occasions de
dfis.
The key to an understanding of mental health is to be found in a
sense of personal growth and of self-actualization resulting from
the following group of factors: achievement, responsabi-lity,
meaningful work and advancement.3
1nouglas MC Gregor, Leadership and Motivation, (Cambridge: Mass,
M.I.T., Press, 1966), p. 15.
2chris Argyris, Participation et organisation, traduit par
Claude Lingagne, (Paris: Dunod, 1974), p. 205.
~rederick Herzberg, The managerial choice, (Homewood, Ill: Dow
Jones-Irwin, 1976), p. 208.
-
Likert prdit que les dirigeants qui sont prts prendre en
considration
les "forces motivationnelles essentielles" qui gouvernent le
comportement, peuvent obtenir des attitudes d'identification avec
l'organisation et ses objectifs et un fort sentiment d'implica-tion
dans leur ralisation.l
29
Il est intressant de constater comment la proccupation se d-
place, dans ce courant, de l'employ vers l'employeur. Hais cela
n'tonne
gure quand on sait que dans cette idologie, les potentialits
existent
chez l'homme et qu'il ne s'agit en fin de compte que de crer les
condi-
tions favorables leurs closions. Les partisans de
l'actualisation se
proccupent justement de la structure formelle des organisations
en y pro-
posant des modifications importantes dans le but de permettre
cette clo-
sion des potentialits et d'assurer ainsi la satisfaction des
travailleurs.
A ce titre, Silverman remarque un net progrs sur les coles
prcdentes
de mme que sur le fait que les tenants de l'actualisation " se
sont ga-
lement occups de la multidimensionalit des besoins de la
personnalit". 2
Mais il leur reproche, un peu trop svrement peut-tre, "cette
heureuse
facilit avec laquelle ils proposent des techniques pour
maximiser la
producti vi t 11 3
1Rensis Likert, New Patterns of Management, (New-York:
McGraw-Hill, 1961), p. 98.
2Sil verman, La .thorie des organisa ti ons, p. 7 5.
)Ibid., p. 75.
-
JO
L'organisation du travail base sur le processus de pense
Mme si la lecture de certains auteurs on ressent parfois le
dogmatisme du "faites a et vous vivrez", il n'en reste pas moins
que la
proposition de l'homme qui a besoin de s'actualiser s'inscrit
tout au
coeur de la prsente problmatique car l'exprience de la gestion
parti-
cipative se voulait un moyen d'assurer la satisfaction du
personnel de
direction en l'amenant participer l'laboration et la prise
de
dcision. Mais ces derniers propos conduisent vers cette autre
cat-
gorie relative la conception de l'homme au travail qui part
de la supposition que les membres d'une organisation ont pour
tche de prendre des dcisions et de rsoudre des problmes, et que la
perception et le processus de pense sont particulirement importants
pour expliquer les comportements humains.1
Il parait cependant difficile d'identifier la limite entre
ce
besoin de 1' homme de s'actualiser et le fait qu_' il ait pour
tche de r-
soudre des problmes et de prendre des dcisions en tant que
membre d'une
organisation. Ce sont l deux ralits interdpendantes plutt que
deux
coles de pense contradictoires. On pourrait remonter ainsi
jusqu'aux
premiers propos sur les diverses conceptions de l'homme au
travail.
March et Simon proposent assez justement que
toute thorie adquate des comportements humains dans
l'orga-nisation devra tenir compte du comportement humain sous son
aspect "d~agent d'excution", sous son aspect "motivations et
attitude" et sous son aspect "rationnel".2
1March et Simon, Les organisations, p. 6.
2Ibid., p. 6.
-
.31
L'homme complexe
Nous retrouvons videmment dans cette proposition l'homme en
tant que "main, coeur et tte" de Crozier, l'homme complexe de
Silver-
man, celui qui peut "avec diffrentes motivations qui dcoulent de
ses
expriences diffrentes accorder des significations diffrentes
aux
mmes aspects de la ralit". 1 C'est un peu ce que Bennis a
reproch
Mc Gregor et Argyris d'avoir sous-estim la variable
situationnelle ou
"expriencielle" quand l'homme se met en qute d'obtenir une
rponse
ses besoins. Au risque de dborder le cadre de ce chapitre il
faut
signaler que les travaux sur le leadership ont connu une
semblable vo-
lution et que ce n'est que vers les annes 70, avec Hersey et
Blanchard
qu'on en vient traiter vritablement cette variable
'expriencielle dans
le leadership.
Tel que mentionn au dbut de ce chapitre, ce bref survol de
l'volution des conditions physiques, psychologiques, sociales et
intel-
lectuelles vcues par l'homme dans son milieu et son temps de
travail
n'avait pas la prtention de tout relever ce qui a t crit sur le
su-
jet mais plutt de permettre une prise de conscience du temps et
des
nergies qu'il a fallu consentir avant d'en arriver, sur le plan
thorique
tout au moins, raliser que chaque ~ois que l'organisation du
travail
1 Ibid., p. 6. 2Silverman, La thorie des organisations, p.
80.
-
)2
s'loigne tant soit peu de cette intgration des trois aspects du
com-
portement humain proposs prcdemment par March et Simon elle
s'loi-
gne en mme temps du vritable sens que le travail reprsente pour
tout
homme sain et normal. D'autres incursions dans la littrature de
l'ad-
ministration seront effectues tout au long du travail.
Ce retour aux sources et au cheminement de quelques
thoriciens
et praticiens de l'organisation du travail s'est avr des plus
utiles
parce qu'il nous a permis de saisir le sens vritable de
l'insatisfac-
tion vhicule par le personnel de direction dans l'organisme. En
effet,
un personnel qui a le sentiment, puis la certitude de devenir de
plus en
plus un simple excutant, un rouage de la machine auquel on ne
demande
presque plus de penser vritablement et encore moins de raliser
quelque
chose de son propre chef, un tel personnel n'a pratiquemment
d'autre
alternative que celle de quitter ce travail vide de sens ou de
tenter
d'en changer les rgles du jeu. Pris son tour dans ce choix
critique,
le dirigeant qui il incombe d'assurer au travail tout son sens
et son
dfi pourra d'autant mieux jouer son rle qu'il aura consenti
prendre
le recul et l'clairage ncessaires.
-
CHAPITRE II
LA PARTICIPATION COLLECTIVE
La participation
A ce stade de la rflexion, une attention spciale sera porte
sur deux lments situs au coeur mme de l'exprience: la
participation
et l'quipe de gestion. On tentera en mme temps de prsenter une
concep-
tion de la gestion participative, d'en prciser les modalits et
d'en
cerner les limites. On s'appliquera aussi dcrire le plus
fidlement
possible le mcanisme par lequel s'est exerc la majeure partie de
l'ex-
prience: l'quipe de gestion.
La rtrospective de l'volution des thories de l'organisation
du travail a permis de vrifier que les partisans de
l'actualisation
furent parmi les premiers aborder le thme de la participation.
Dj
dans les annes 30-40, Mayo dcouvre par ses expriences
d'Hawthorne
que l'homme n'est pas motiv uniquement et surtout par des
besoins d'ordre
physique, qu'il ne suffit pas non plus d'amliorer ses conditions
de tra-
vail pour le rendre pleinement satisfait mais qu'il faut y
ajouter de
plus un sentiment, une certitude de comptence et de mattrise.
Une cer-
taine catgorisation des besoins humains tait ainsi mise en
lumire et
devait atteindre son apoge avec Maslow vers les annes 60. A la
demie
du sicle, Blake et Mouton affirment leur tour que "le manager
idal
satisfait le besoin fondamental qu'a tout homme d'appliquer son
intelli-
-
-J4
gence faire quelque chose d'utile, de s'intresser aux rsultats",
1
alors que les tudes de Lewin menes auprs de groupes d'enfants,
il est
vrai, dmontraient que la direction autocratique engendrait plus
de ten-
sions, d'agressivit, d'apathie et de dpendance que la direction
dans
les groupes o les jeunes dcidaient eux-mmes comment ils feraient
les
choses. Des tudes rcentes conduites dans des classes aires
ouvertes
et pdagogie ouverte ont donn de semblables rsultats: on n'y
conclut
pas ncessairement de meilleurs rsultats mais la satisfaction est
plus
grande.
L~ participation: ce qu'elle n'est pas
S'inspirant des tudes de Lewin, Coch et French2 dmontrent
vers
la mme poque, dans leurs recherches ralises dans une manufacture
de
textile de Marion en Virginie, que les rsultats s'avrent
meilleurs
dans les groupes participation totale. Ils notent aussi que les
rac-
tions hostiles la direction et le taux de dmissions diminuent de
faon
notable. D'un autre ct, Morse et Reimer en 1949, J aprs une
exprience
de deux ans dans une grande compagnie d'assurance amricaine
arrivent
la conclusion qu' court terme, la direction autocratique assure
de meil-
leurs rsultats que celle qui laisse ses employs un certain degr
de
1Robert R. Blake, Jane S. Mouton, Les deux dimensions du
mana&e-~. trad. par P. Gourgaud, (Paris: Les Ed.
d'organisation, 1977), p. lJO.
2Rensis Likert, New Ways of Managing conflict, (New-York, Mc
Graw-Hill Co., 1976), p. 17.
JRensis Likert, Le gouvernemEmt participa tif de 1' entreprise,
trad. parE. Rinchart, (Paris: Gauthier-Villars, 1974), p. 82.
-
35
participation. D'autres recherches et expriences viendront
appuyer
cette conclusion. Dans une organisation qui passe d'une
direction
autocratique vers une direction dmocratique il y a presque
toujours,
' a court terme, un dlai d'ajustement pendant lequel les
rsultats sont
infrieurs ceux obtenus sous une direction autocratique. Cela s'
av-
re particulirement vrai dans les organisations caractrises par
une
haute technicit ou par l'ampleur des activits rptitives et
routinires.
Ces deux chercheurs trouvrent, comme leurs prdcesseurs, les
employs
sous une direction participative plus satisfaits de leur travail
et
plus responsables. Et Tannenbaum conclut de ces quelques
expriences:
bien qu'on n'ait pas de preuve concluante il semble bien qu'une
large association du personnel aux responsabilits et au pouvoir de
dcision au sein de l'entreprise y .rendrait le travail plus
efficace.!
Une telle association n'est pas sans entraner un jeu certain
des influences. C'est d'ailleurs en ces termes que March et
Simon
approchent la question lorsqu'ils situent la participation par
rapport
la fonction contrle.
La direction participative peut tre considre comme un moyen pour
la direction d'avoir plus d'influence sur l'labo-ration des
dcisions aussi bien que comme un moyen d'tendre l'influence des
chelons infrieurs de l'organisation.2
1 Arnold s. Tannenbaum, trad. M. Prineau, (Paris: Ed.
~arch et Simon, Les organisations, p. 54.
-
J6
C'est l il faut bien l'avouer un aspect fort subtil et fort
curieux de
la participation que cette capacit qu'elle aurait d'accrotre la
fois
le contrle exerc par les chefs et celui des employs. Une telle
possi-
bilit peut se retrouver justement dans les organisations o le
contrle
occupe une place prpondrante. Pour le rendre moins odieux,
plus
acceptable, le chef exercera ce contrle par la dlgation
d'autorit
et ce, sous le signe de la participation. Le contrle se retrouve
ainsi
rparti travers 1' organisation mais il se trouve aussi
omniprsent.
Cette faon de percevoir les choses ressemble davantage un
simulacre de la participation: la manipulation. La fronti~re est
ce
point tnue entre ces deux ralits que March et Simon vont
jusqu~
conclure:
la plupart de ceux qui tudient le sujet soutiennent que du
moment que la manipulation est couronne de succ~s, la percep-tion
d'une participation individuelle la fixation des objec-tifs est
quivalente beaucoup d'gard une participation relle.l
Crozier aborde aussi cette possibilit dans sa prface de
l'ouvrage de
March et Simon lorsqu'il dcrit l'homme au travail comme un agent
auto-
nome et libre "capable de ragir non seulement contre la
standardisation
taylorienne mais aussi contre la manipulation psychologique" ,2
faisant
i Ibid., p .54. 2 Ibid., p. IX.
-
37
allusion ici, bien sr, certains biais du courant des relations
hu-
maines dans lequel se retrouve la plupart des adeptes de la
partici-
pation. Dans un article paru en 1969, Crozier dnonce de :faon
vidente
ce qu'il appelle la "participation a:ffective". Selon lui, c'est
une
premire illusion (on en verra une autre plus loin) de croire
que
les hommes participent dans la mesure o l'on sait toucher leur
affectivit, qu'ils ont besoin de se dvouer, de se dpen-ser, de
s'enthousiasmer et qu'il faut trouver le chemin de leur coeur.1
J. Ardoino, dans sa prface l'dition :franaise d'un ouvrage
de Mc Gregor, aborde un autre aspect de la manipulation quant il
a:ffirme
que
la plupart des dirigeants vont chercher utiliser la
"participation organise" pour viter la contestation. Ils aboutiront
ainsi une caricature de la participation qui ne sera qu'une
variante plus subtile que les autres de cette tendance digrer
l'opposition.2
Pour Ardoino et comment ne pas tre de son avis sur ce point, le
mana-
gement moderne doit tre essentiellement ngoci et en ce sens,
le
dirigeant devient un mdiateur au sein de l'organisation. Une
telle
orientation suppose videmment une remise en question la fois
du
concept et de l'exercice de l'autorit et de l'obissance laquelle
ne
peut plus tre espre aussi automatiquement qu'autrefois mais se
fonde
sur les motivations, la comprhension de la mission et la
participa-
1Michel Crozier, "Les trois illusions", Revue Expansion, (Mai
1969), pp. 8) - 88.
2 Douglas He Gregor, La dimension humaine de l'entre rise, trad.
par J, Ardoino et M. Lobrot, Paris: Gauthier-Villars, 1971), p.
XXIX.
-
J8
tion du subordonn. 1 Quel sens donner alors l'autorit? Avec
Ardoino
on en vient la caractriser ainsi:
partir des deux impratifs contradictoires: elle doit tre
suffisamment respectueuse de la libert des partenaires mais tout en
restant suffisamment soucieuse des objectifs atteindre et de
l'efficacit recherche.2
Et c'est justement cette contradiction qui impliquera dans
nombre de
cas le sens de la ngociation et l'acceptation du compromis ne
pas
confondre avec la dmission ou le laissez-faire.
Pour ne plus tre "escompte automatiquement" l'autorit n'en
est pas pour autant totalement rejete par les employs, certains
mmes
prfreront une direction autocratique. Des tudes de Vroom (1964)
ont
dmontr que tous les membres d'une organisation ne ragissent pas
'ga-
lement bien la participation et que "ces ingalits taient
fonction
la fois de leur penchant pour l'galitarisme ou pour la
soumission
l'autorit et du jugement qu'ils portaient leurs chefs".J
Peut-tre
pourrait-on ajouter cel l'habituel comportement autocratique
dans les
organisations et le fait que souvent la participation ou du
moins une
de ses facettes, la dlgation, est consentie parce que
l'administrateur
ne peut faire autrement soit par la surcharge des responsabilits
ou les
revendications syndicales. Le premier cas se trouve bien illustr
par
1 Ibid. , p. XXII.
2 Ibid., p. XXII.
JTannenbaum, Psychologie sociale de l'entreprise, p. 90.
-
Eye et Netzer quand ils en viennent suggrer cet aspect quelque
peu
restreint et goiste de la participation:
the needs for delegating grows not so much out of the desire for
administrator to feel and act as an executive officier, as out of
the cold fact that is unable to accom-plish all of the expectations
that characterize his posi-tion.1
Une autre faon tout aussi trique d'envisager la participation
se
retrouve dans ces propos de Bloch-Lain qui en situe la mise en
place
au ni veau d' une lut te syndicale-patronale.
Les salaris sont des gouverns quels que soient les gou-vernants.
En tant que tels, ils aspirent limiter la toute-puissance
patronale... Il est donc normal que les syndicats de salaris, en
mme temps qu'ils formulent leur "revendica-tion de gestionnaire"
(entendons la participation), veuillent conserver intacte leur
"libert de contestation" .2
D'ailleurs pour Bloch-Lain, il s'agira beaucoup plus d'une
participa-
tion par dlgation des employs de la base des collgues appels
"dlgus du personnel" sigeant avec les patrons sur des
"comits
d'entreprise". Pas tonnant que dans une telle perspective il
en
vienne conclure plus loin dans le mme ouvrage que les moyens
mis
en place en France pour faire coexister le droit de participer
et la
libert de contester n'ont pas atteint leur but.
Michel Crozier condamne d'ailleurs ce qu'il appelle cette
seconde illusion, cette "participation cadeau", cette
"participation-
1Glen G. Eye et Lanore A. Netzer, School administrators and
instruction, (Boston: Allyn and Bacon, 1969), p. 96.
~ranois Bloch-Lain, Pour une rforme de l'entreprise, (Paris:
Editions du Seuil, 1963), pp. 19 - 20.
39
-
droit".
Si opposes qu'elles soient, ces deux visions procdent de la mme
philosophie et leur application a toujours abouti aux mmes checs.
Pourquoi? Tout simplement parce que la parti-cipation ne peut pas
tre un cadeau ou un avantage. c est une charge trs lourde.l
Reprenant son compte des propos de Wildman sur le mme sujet
Denis
Mass va jusqu' conclure:
la qute pour l'galit des pouvoirs dans les systmes scolaires par
le biais des structures actuelles de conven-tion collective mnera
invitablement l'institutionnali-sation des conflits entre les
enseignants d'une part et les administrateurs d'autre part.2
Pour Mass une solution s'offre tout de mme, celle de distinguer
le
champ de dcision concernant les conditions de travail de celui
con-
cernant les modalits de l'exercice de l'acte professionnel.
C'est
dessein qu'on s'est attard quelque peu sur certains aspects
ngatifs
susceptibles d'tre rencontrs dans la foule de la participation
car
40
il est ncessaire d'identifier les difficults, les dangers qui
guettent
le dirigeant attir par ce style de gestion participatif. Pour
mieux
comprendre la participation, il est parfois tile de voir ce
qu'elle
n'est pas.
1crozier, "Les trois illusions", pp. 83- 88. 2Denis Mass, "La
co-dcision: un problme de l'heure ..... ,
Education Canada, (Mars 1970, vol. 10, no 1), p. 56
-
La participation: ce qu'elle est
On peut dire sans trop se tromper que c'est dans les annes
60
que les recherches et les crits deviennent plus spcifiques et
plus
critiques quant au concept et aux modalits d'exercice de la
gestion ou
de la direction participative. Dans toute cette arme du courant
des
relations humaines ou de la psycho-sociologie organisationnelle
on re-
tiendra les noms de ceux qui ont davantage influenc tant aux
Etats-
Unis qu'en France, l'volution des deux aspects mentionns ci-haut
soit
Likert, Argyris, Tannenbaum (Robert), Crozier, Diver.rez, Maier,
Vroom
et Yetton. Certains autres auteurs d'importance (Hersey,
Blanchard,
Cribbin ) seront davantage retenus au moment de traiter de la
place
du leadership dans la gestion participative bien que ces deux
ralits
soient fort interdpendantes dans la pratique.
41
La dcision d'opter pour une direction participative laisse
au
dirigeant et l'employ nombre d'interrogations. Qu'est-ce que
la
participation? Qu'est-ce que participer? Quand un employ
estime-t-il
qu'il est vritablement mis en position de participation?
Lorsqu'on
l'informe des dcisions, lorsqu'on russit lui "vendre" une
dcision,
lorsqu'on parvient lui "arracher" son adhsion, lorsqu'il est
consul t,
lorsqu'on lui permet de prendre seul ou en groupe une dcision
sur des
aspects secondaires de son travail, lorsqu'il peut "co-dcider"
avec
son patron sur des sujets majeurs, lorsqu'on lui dlgue des
responsa-
-
bilits, des pouvoirs, lorsqu'il peut prendre seul ou en groupe
des
dcisions d'importance l'intrieur d'un cadre donn, lorsqu'il
fait
entirement et exclusivement ce qu'il veut, comme il le veut et
quand
il le veut... On tentera d'apporter certaines rponses cet
ensemble
de questions et ce l'aide de divers auteurs et d'une exprience
de
quelques annes.
Pour Rensis Likert, un des principaux matres penser dans
42
le domaine, le style de gestion utilis par un dirigeant se situe
quel-
que part sur une ligne continue marque de quatre balises qui
reprsen-
tent en fait les quatre styles de gestion qu'il entrevoit soit
le
"systme exploitif" (1), le "systme paternaliste" (2). le
"systme
consultatif" (3) et le "systme participatif" (4).
Evidel!,Uilent, ses . .
prfrences vont vers les systmes 3 et 4 de ce continuum. Par
ses
nombreuses recherches il dmontre qu'une gestion oriente vers
le
systme participatif (4) peut donner d'excellents rsultats un
faible
cot de revient en liminant presque totalement les pertes et en
crant
des attitudes coopratives et de meilleures relations de travail.
Les
concepts de base du style participatif deviennent donc:
1
50.
l'application par le dirigeant du principe des rapports
coopratifs;
la pratique des prises de dcision et des mthodes de contrSle en
groupe;
la fixation d'objectifs ambitieux face au rendement de
l'entreprise lesquels sont tablis en collaboration.1
Likert, Le gouvernement participatif de l'entreprise, p.
-
4J
Pour Likert, la gestion participative ne peut et ne doit pas tre
asso-
cie ~ un jeu de "qui perd gagne".
Bargaining, negotiating, compromissing are essentially forms or
win-lose approaches and inherent in system 1 and 2 and does
relatively little to discover innovation, constructive solutions
acceptable. The "win-win" method yeld solutions satisfactory to
all; each party Wins something.1
Toute cette dialectique de Likert se situe videmment dans le
courant
des relations humaines et suppose une relation de confiance du
dirigeant
envers l'employ base entre autre sur un principe qui parait
soutenir
toutes ses conclusions et qu'il exprime comme suit: "all persons
have
a strong inherited desire to achieve and maintain a sense of
personnal
worth and importance". 2 Cette relation de support est aussi
relie
l'exprience des individus, leurs valeurs, leurs attentes, leurs
habi-
lets et leurs objectifs.
Mais les objectifs de l'individu peuvent-ils s'intgrer ~
ceux
de l'organisation? Argyris fonde justement sa thorie du "mod~le
mixte
ou intgr" sur cette hypoth~se que
l'incompatibilit entre l'homme et l'organisation peut servir de
base un dfi permanent, lequel, ~mesure qu'il se dveloppe, aide
l'homme s'panouir et ~ promouvoir des organisations fia-bles et
efficaces.J
1Likert, New Ways of managing conflict, pp. 67 - 69
2 Ibid., p. 109.
JArgyris, Participation et organisation, p. 6.
-
44
Mais la nature de la structure entendons la nature du style de
direction
peut mettre en jeu l'closion positive de ce dfi. Pour Argyris,
la
structure initiale d'une organisation qui est le plus souvent
une struc-
ture pyramidale, fortement hirarchise et autocratique est
rarement
compatible avec la nature des individus qui recherchent des
degrs
divers le "succs psychologique". Argyris rappelle avec
pertinence
l'nergie dpense pour lutter ou s'adapter la structure
pyramidale.
Afin d'accrotre la quantit d'nergie disponible pour le travail
il
propose de faire crotre la probabilit que les individus soient
capa-
bles de connatre le "succs psychologique" et de rencontrer des
occa-
sions d'exercer des responsabilits personnelles. Il ne propose
pas que
tout passe des mains du dirigeant celles de l'employ mais que
"les
organisations doivent tendre modifier les structures qu'elles
emploie-
, 1 ' ' 1 '1 ront selon les types de decision". Cela amene
Argyris a conc ure a a
ncessit pour le chef de pouvoir uti.liser. diffrents styles
d'autorit
centrs sur la ralit et pour l'organisation de.
permettre aux subordonns et aux chefs de contrler (1) les rgles
de dcision pour le type d'autorit appropr~e, (2) l'usa-ge des
rcompenses et des sanctions et (3) les rgles dfinissant
l'appartenance au groupe et sa composition.2
Lorsqu'on examine le "modle intgr" d'Argyris,on s'aperoit
qu'\.me
organisation qui tend vers la droite de cette ligne continue
augmente
les possibilits d'accrotre les occasions de "succs
psychologique" de
1Ibid., p. 205.
2Ibid., pp. 209- 211.
-
45
l'employ et par le fait mme son efficacit et son rendement parce
qu'il
se trouve dans un milieu:
o il a un plus grand pouvoir et un plus grand contrSle de son
univers de travail;
o il exerce une influence relle sur les activits orien-tes vers
l'intrieur et l' extrieur;
de sorte qu'il ne se trouve pas dans un milieu sans dfense,
pouss, m par des forces qu'il ne contrle pas.1
Cette conclusion d'Argyris, qu' chaque situation correspond un
style
appropri, a aussi t dveloppe par Tannenbaum et Schmidt dans
leur
conception des responsabilits de direction. En tentant de
rpondre
la question "comment choisir son style de direction?" les
auteurs propo-
sent aux dirigeants d'analyser les forces en prsence dont les
plus im-
portantes leur paraissent tre: '
les forces qui agissent en son sein;
les forces qui proviennent des subordonns;
les forces qui sont dues la situation.2
Dans un continuum de styles de direction allant du dirigeant qui
prend
seul les dcisions puis les annonce, jusqu' celui qui laisse le
groupe
libre de choisir tant que certaines contraintes sont respectes,
les
auteurs insistent fortement sur la ncessit pour le dirigeant de
bien
choisir le style de direction appropri et de bien en informer
les
-subordonns. Considr sous cet angle il n'est certes pas exagr
de
1 Ibid., p. 15.3.
~obert Tannenbaum, et Warren H. Schmidt, 11Comment choisir son
style de direction", Harward Business Review, (March, April 19.58),
p. 1.
-
46
dire que le style de direction et consquemment le degr de
participa-
tion dans une organisation sont affaires d'adaptabilit aprs une
dci-
sion profonde base sur des valeurs humaines. Ce qui fait dire
Galler-
man que "le problme du commandement serait en fin de compte plus
une
affaire de connaissances des hommes qu'une affaire de style".1
Se r-
frant aux nombreux concepts de gestion et de participation qui
dferlent
sur le dirigeant, Buntinx ajoute dans le mme sens que "la
participation
suppose que l'on soit prt reconnatre l'homme dans toute sa
valeur
et il faut avoir la conception d'un manager avec une direction
collgia-
le et une autorit dmocratique". 2
Crozier adresse tout de mme quelques mises en garde dans
cette
analyse des valeurs humaines. Sans soutenir une vue contraire
celle
de Lewin, Likert et Argyris pour lesquels le besoin de
participer et de
prendre des responsabilits serait inn chez l'homme, il estime
pourtant
et non sans raison qu'il faut se garder de trop gnraliser mais
plutt
d'analyser plus srieusement les motivations des individus en
matires
de participation. Se rfrant le plus souvent au concept de
participa-
tion dans des organisations tendance bureaucratique, cette
prudence
l'amne proposer certaines considrations fort pertinentes sur le
su-
jet:
1saul W. Gellerman, Les relations humaines dans l'entre rise,
trad. par Marc Anglaret, (Paris: Ed. d'Organisations, 19 7), p.
Zri. Buntinx, ".tt~nagement et leadershipu, l1anagement France,
(fvrier 1973), p. 13.
-
la nature des problmes. Ainsi donc, "la mthode utilise a de
l'in-
fluence sur la solution laquelle on aboutit et non seulement
dans
l'adhsion mais dans la qualit et l'enrichissement des
solutions".l
48
Vroom et Yetton considrent eux aussi la participation sous
l'angle des
processus de solution de problme et de prise de dcision. Dans
leurs
diverses recherches, ils examinent plus particulirement
l'influence du
leadership dans les processus de prise de dcision des groupes
utiliss.
Ilscherchent comprendre le choix des dirigeants dans le degr et
les
modalits consentis au personnel dans leur implication, leur
participa-
tion la recherche de solution et la prise de dcision. Comme
leurs
prdcesseurs, Vroom et Yetton font appel une gamme de styles.
No one leadership model is applicable to all-situations the-most
appropriate unit for the analysis of the situation the particular
~roblem to be solved and the context in wich pro blem occurs.
and is the
Une telle approche les amne d'ailleurs proposer un modle
normatif
qui peut tre utilis pour dterminer le degr et les modalits de
par-
ticipation des employs dans diverses situations. On aura
d'ailleurs
l'occasion de revenir ce modle dans l'laboration du cadre
thorique.
Pour Vroom et Yetton, la participation ne peut tre envisage
comme la
panace, la solution miracle car ils admettent aprs plusieurs
consi-
drations tires de diffrents auteurs "an increase in the
participation
1 Ibid., p. 29.
2victor Vroom, et Philipp W. Yetton, Leadership and
decision-making, (Pittsburgh: University of Pittsburgh Press,
1973), pp. 18 -19.
-
of the subordinates in decision-making may increase productivity
under
some circumstances but decrease productivity under others ... 1
Tout en
admettant que la participation est gnralement positive les
propos
prcdents les ont aussi pousss s'attacher davantage aux
circons-
tances dans lesquelles va s'exercer la participation.
49
"' C'est a dessein qu'on a retard jusqu'ici les propos de
Diver-
rez sur la participation parce qu'ils sont la fois
philosophiques
mais aussi plus vulgariss donc plus susceptibles de se
rapprocher de
notre propre dfinition. Pour ce dernier, la participation est
avant
tout .. le dveloppement progressif et continu de la politique
contrac-
tuelle entre partenaires". 2 Il faut convenir de l'intrt de
cette
'conception dynamique de la participation "qui volue en fonction
des
expriences communes des partenaires qui dcident ensemble de
continuer,
d'aller plus loin".3 Ainsi, l'essence, la nature mme de la
participa-
tion devient objet de participation. Un tel message peut
paratre
droutant mais il s'avre tout fait pertinent quand on sait,
par
exemple, que la gestion participative par objectifs (G.P.O.) est
ins-
talle d'autorit dans maintes organisations. Pour Diverrez, un
style
de direction dmocratique ou comme il l'appelle une "organisation
parti-
cipati ve" consiste en
1 Ibid., p. 7.
2niverrez, La pratigue de la direction participative, p. 30.
3Ibid., p. 46.
-
50
toute forme d'organisation telle que les membres d'une
entre-prise en fonction de leur rle et de leur comptence, aient
nor-malement participer la dtection des problmes, la recherche de
solutions, l'tude de projets, l'tude des modes
1d'applica-
tion des dcisions prises et au contrle des rsultats.
C'est donc toutes les tapes du processus de gestion que
s'installe
la participation et une telle extension explique bien
l'expression
"organisation participative" dans ce qu'elle contient
d'intgration et
d'orientation fondamentale.
Une fois identifies les principales certitudes et ambiguits
que drainent dans leur sillage les diverses thories relatives
la
participation, on tentera de prsenter une conception personnelle
de
la gestion participative et pour ce faire on puisera quelque peu
dans
les ides de MM. Dion et Solasse parues dans la revue Relation
Indus-
trielles et o leur "but tait de fournir un cadre conceptuel pour
com-
prendre la participation aux dcisions de l'entreprise". 2
A travers les diverses conclusions des auteurs cits dans les
pages prcdentes, il faut retenir que la participation se
prsente
sous trois volets: la participation comme valeur, comme
situation et
comme acte. Une dfinition apporte sous ce triple point de vue
prsen-
te une certaine utilit pour le reste de la prsente rflexion.
1Ibid., p. 167.
2Grard Dion, et Bernard Solasse, "La participation et
l'entre-prise", Relations Industrielles, (Octobre 1968, vol. 2J, no
4), pp. 529-545.
-
51
Dfinition de la participation
La participation comme valeur reprsente une croyance
profonde
du manager dans les capacits et les habilets (physiques,
affectives,
intellectuelles) potentielles de son personnel solutionner les
divers
probl~mes1 qui se posent lui, au groupe ou l'organisation. En
ce
sens elle devient une philosophie de gestion participative qui
commande
un leadership appropri.
La participation comme situation, c'est la cration et le
maintien d'un tat commun, d'une communaut de vue ou d'intrt,
d'un
climat, d'une adhsion . des valeurs dmocratiques et d'un
consensus de
concertation toujours perfectible et en perptuel devenir. En ce
sens
on parlera d'un style de gestion participative.
La participation comme acte commande la mise en place, la
ra-
lisation de pratiques, de comportements, d'activits, de gestes
condui-
sant les individus et les groupes agir de faon concerte et
coopra-
tive et ce aux diverses tapes du processus administratif qui
n'est lui-
mme autre chose que le processus habituel de toutes activits
humaines:
1r1 faut interprter ici le mot .. probl~me" dans son sens le
plus large et pouvant signifier aussi bien la fixation d'objectifs
com-muns que le .choix d'un quipement, 1' engagement d'une
personne, le choix de tel moyen de contrle, la priode des vacances,
etc
-
rassemblement des informations;
laboration des options possibles;
dcision, choix d'une option;
excution de la dcision;
contrle de l'application de la dcision.
52
Ainsi donc, la gestion participative implique que le manager y
croit, qu'il
cre l'environnement dans lequel elle peut s'exercer et qu'il
pose des
gestes consquents. La vritable participation ne peut tre
synonyme
d'une mode phmre, d'une manipulation psychologique, de
comportements,
de gestes isols et imprvisibles, d'un laissez-faire, d'une
dmission
ou d'une absence de direction.
Pour chaque responsable d'une organisation, la gestion
partici-
pative peut devenir une rponse cette question qui parodie un
vieux
dicton bien connu: pourquoi faire seul ce qui gagnerait tre
fait
avec les autres?
L'quipe de gestion
La gestion participative peut s'exercer tout autant sur une
base individuelle que collective. L'objet de la prsente tude se
situe
exclusivement sur l'aspect collectif de la gestion participative
et dans
l'organisme scolaire concern, cet exercice collectif de la
participation
passait par l'quipe de gestion aussi appel comit de direction,
comit
de gestion... Aussi serait-il utile de s'attarder quelques
instants sur
-
53
la composition et le rle de cette quipe de gestion qui se
prsente
d'abord comme une volont de runir une mme table des membres
de
diffrentes quipes de gestion (coles, services, administration
gn-
rale, conseil des commissaires), de diffrents niveaux de
gestion.
Nature, dfinition et composition
Ainsi, l'quipe de gestion reprsente un point, un lieu d'in-
tersection entre diffrentes quipes de gestion. Ceci s'avre
imper-
tant pour raliser certaines exigences de la participation:
l'ouverture
l'autre et la confiance envers les co-participants. A cet
gard,
Glinier ne craint pas d'affirmer que l'e~ercice collectif de
prise
de dcision
pratiqu dans l e groupe qui runit chaque chef ses subor-donns
directs, constitue l'une des procdures de base de la participation
qu'il permet de dvelopper l'esprit d'quipe au sein du groupe.l
Pour Blake et Mouton cette prsence d'quipe de gestion est tout
aussi
essentielle car
l'quipe constitue l'unit fondamentale d'une or~anisation forme
d'individus diviss en groupe divers, amens a s'entendre et rsoudre
des problmes en tant que groupe ayant des objec-tifs de
travail.2
Quant Tabatoni et Jarniou, ils associent le dveloppement de la
prise
de dcision collective celui des valeurs dmocratiques de la
socit.
1octave Glinier, Le secret des structures comptitives, (Paris:
Editions Hommes et Techniques, 1968), p. 209.
~lake et Mouton, Les deux dimensions du ma_~agement, PP
207-208.
-
Cette conception les amne d'ailleurs conclure que le "dcideur"
est
de plus en plus collectif parce que soumis " divers agents
d'influence
(intrieurs et extrieurs) qui le poussent pratiquer des processus
de
dcision collective" 1 En des termes subtils mais qui rpondent
bien
aux pressions des principaux d'Ecoles du Qubec, le gouvernement,
par
sa Loi 71, officialisait le principe d'une quipe de gestion
regroupant
certains administrateurs d'une commission scolaire.
Le directeur de l'cole participe galement l'laboration des
objectifs et des politiques de la commission scolaire, de mme qu'
l'laboration de la programmation des activits du-catives et de la
rglementation visant leur mise en oeuvre dans les coles de la
commission scolaire.2
Dans l'organisme scolaire o fut ralis l'exprience de la
gestion participative, l'quipe de gestion par choix des
individUs con-
cerns,) regroupait au dbut de 1975 les participants suivants:
les
principaux d'coles (9), les principaux-adjoints (J), les
directeurs de
services (J), le directeur gnral et le prsident du conseil des
com-
missaires soit 17 personnes. Habituellement, la plupart des
quipes
1 ' Pierre Tabotoni, et Pierre Jarniou, Les systemes de gestion,
politiques et procdures, (Paris: Presses Universitaires de France,
1975)' p. 8.
~oi modifiant de nouveau la loi sur l'instruction publique (Loi
71) sanctionne le 21 dcembre 1979; art. 4-)2-J.