Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation 1 Rapport de Stage : CERDI Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, Enjeux et Impacts de la transformation Zorobabel BICABA CERDI, Magistère 2è Année, Août 2008. Sous la direction de M. Fouzi. MOURJI, Professeur d’économétrie à l’Université Hassan II Aïn Chock (Casablanca, Maroc) et Directeur du LASAARE
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Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
1
Rapport de Stage : CERDI
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, Enjeux et Impacts de la
transformation
Zorobabel BICABA
CERDI, Magistère 2è Année, Août 2008.
Sous la direction de M. Fouzi. MOURJI, Professeur d’économétrie à l’Université
Hassan II Aïn Chock (Casablanca, Maroc) et Directeur du LASAARE
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
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Table des matières
Introduction générale 7
Chapitre- I- Analyse économétrique des déterminants de la viabilité financière des IMFs
I- Introduction 8
II- Revue de la littérature 8
II-1- La viabilité financière correspond aux économies d’échelle et la maitrise des coûts 9
II-2- Les performances de remboursement comme proxy de la viabilité financière 9
II-3- Etudes empiriques sur la viabilité financière : approche institutionnaliste vs approche
welfariste 10
III- Approche méthodologique et présentation du cadre théorique 13
III-1- Le ratio de viabilité financière comme indicateur de mesure de la viabilité financière 13
III-2- Méthode du MIX pour la correction 13
III-3- Le non recours aux subventions comme indicateur de viabilité financière : l’indice de
Recours aux subventions (IRS) de Yaron 15
IV- Modèle empirique et principaux résultats 16
IV-1- Présentation de l’échantillon: Caractéristiques d’ensemble 16
IV-2- Présentation des variables 16
IV-3-Le modèle économétrique 19
IV-4-Présentation des tests économétriques 19
1- Test de spécification des effets individuels : le test de Hausman 20
2- Le test d’omission de variables pertinentes : le « linktest » 21
3- Détection et correction du problème de multicolinéarité 22
IV-5- Estimation économétrique et résultats 25
1- La prépondérance de l’hétérogénéité des IMF et l’utilité des modèles à effets fixes 25
2- Les déterminants de la viabilité selon le type de services offerts 27
3- Le rôle de la qualité du portefeuille 28
4- La portée de l’activité et l’adéquation de la taille de prêt au contexte économique 29
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5- Mise en évidence de la relation entre la hausse de la productivité et qualité du portefeuille 30
6- L’environnement concurrentiel et macroéconomique 31
V- Conclusion 32
CHAPITRE-II- Transformation des IMFs : enjeux et modalités 37
I- Introduction 37
II- Analyse théorique du changement institutionnel 37
III- La viabilité financière condition nécessaire à la transformation ? : Approche analytique 38
IV - Les modalités de la transformation 41
IV-1-Typologie et implication des formes juridiques adoptées 41
1- La Transformation comme passage du statut d’ONG au statut de société Coopérative 41
2- Transformation par le passage du statut d’ONG au statut de société anonyme 42
IV-2- Implications de la transformation sur la gouvernance : 49
1- Cas des ONG à but non lucratif 49
2-Cas des sociétés coopératives 50
3-Cas de la société anonyme 52
IV-3- Implications de la transformation sur l’investissement 53
IV-4- Le rôle du cadre institutionnel et réglementaire 53
V- Les expériences internationales en matière de transformation : les défis inhérents à la transition 54
V-1- Les défis de la baisse des taux d’intérêts pratiqués 54
V-2- Les enjeux pour la clientèle : les implications sociales de la transformation 55
V-3- La transformation dans la structure du capital 58
V-4- Mécanisme de mobilisation du Capital 58
1- Mobilisation du capital par émission d’obligations 58
2- Mobilisation de ressources par le biais de prises de participation 59
V-5- L’élaboration d’un système interne de gestion (SIG) 60
VI- Conclusion 60
CHAPITRE- III- La transformation, les performances et la viabilité des IMF 63
I- Introduction 63
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
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II- Approche méthodologique : Cadre conceptuel de l’analyse des performances comparées des IMFs transformées et de celles non transformées 63
II-1- Approche théorique : appariement par la méthode des variables instrumentales 63
II-2- La méthode du score de propension 64
1- Choix des covariants 65
2- Choix du modèle pour l’estimation du score de propension 66
3- La condition de forte ignorabilité 66
4- Présentation de l’échantillon 68
5- Hypothèses et démarche méthodologique 69
6- Resultats de l’appariement des IMFs en fonction des caractéristiques 70
III-Analyse comparatives des performances des IMFs transformées versus IMFs non transformées 72
III-1- Hypothèses à tester 72
III-2-Tests non paramétriques 73
1- Comparaison des performances sur la base de critères de rentabilité 73
2- Comparaison des performances à partir des critères de qualité du portefeuille 74
3- Comparaison des performances des IMFs : les critères de portée du portefeuille 75
4- Comparaison des performances des IMFs sur la base des critères de productivité et d’efficience 76
5- Comparaison des performances sur la base de la structure de financement 77
IV- Remarques et conclusions 78
Conclusion générale
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Liste des tableaux Tableau n° 1: résultats du test de Hausman
Tableau n°2 : résultat du linktest
Tableau n°3 : Proportions associées à la décomposition de la variance des coefficients estimés
Tableau n° 4: Coefficients de corrélation partielle entre les variables explicatives
Tableau n°5: resultats des estimations économétriques sur échantillon global
Tableau n° 6: resultats des estimations économétriques par type d’activité.
Tableau n° 7: Test de comparaison de la moyenne des variations relatives de la valeur du portefeuille et
du PAR30
Tableau n° 8: Test de comparaison de la moyenne des variations relatives de la valeur du portefeuille et
du PAR30
Tableau n° 9 : Taux de variation du ratio d’endettement
Tableau n°10: Nombre d’emprunteurs actifs
Tableau n° 11 : Rendement des intérêts et taille des prêts : Compartamos comparé à deux groupes de
Tableau n°13 : IMFs appariées en fonction de diverses caractéristiques (ex-ante)
Tableau n° 14: test de comparaison des valeurs moyennes de profit marginal par groupe d’IMFs
Tableau n°15 : test de comparaison des valeurs moyennes de rendement sur ressources par groupes
d’IMFs
Tableau n°16 : test de comparaison de la qualité du portefeuille : PAR30 des IMFs transformées versus
PAR30 des IMFs non transformées
Tableau n° 17 : test de comparaison de la qualité du portefeuille : llprovra des IMFs transformées versus
llprovra des IMFs non transformées
Tableau n°18: test de comparaison de la portée du portefeuille
Tableau n° 18 : test de comparaison des niveaux moyens de coût par emprunteur
Tableau n°19 : test de comparaison des valeurs moyennes de frais opérationnels par prêt par groupe
Tableau n°20 : test de comparaison de ratios d’endettement moyen
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Liste des graphiques
Graphique n° 1: Evolution du taux d’endettement
Graphique n°2: Evolution du taux d’adéquation du capital
Graphique n° 3 : Evolution de la taille du portefeuille
Graphique n° 4 : Evolution du coût par emprunteur
Graphique n°5 : Evolution des frais opérationnels par prêt
Graphique n°7: Evolution du nombre de clients par IMF transformée
Graphique n° 8: Evolution du prêt moyen
Graphique n° 9 : Evolution du ratio prêt moyen rapporté au revenu par tête
Graphique n° 6: Décomposition du rendement des intérêts de COMPARTAMOS
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
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Introduction générale
Au milieu des années 1990, le microcrédit apparaissait comme un outil expérimental, devant
faire la preuve, de son intérêt à grande échelle pour le client, tant en termes de rentabilité de l’opération
pour le micro entrepreneur (est-ce que le microcrédit me permet d’accroître mes revenus ou, du moins,
d’éviter un appauvrissement ?) que d’utilité globale (est-ce que le marché potentiel se chiffre en milliers,
dizaines de milliers, centaines de milliers, millions de clients ?), de sa viabilité pour le prêteur, tant en
termes de taux de remboursement que de profitabilité générale de l’entreprise.
L’ensemble de ces questionnements sociaux, économiques et financiers avait conduit, fort logiquement et
justement, à opter pour le concept d’association de microcrédit(AMC) ou d’institution de
microcrédit(IMF), entreprises hors loi bancaire, disposant d’un délai maximum(souvent de cinq ans) pour
parvenir à l’équilibre financier alors qu’un établissement de crédit doit effectuer cette démonstration
nettement plus rapidement. Très rapidement il s’est avéré que la plupart des institutions n’étaient viables
(au sens institutionnaliste du terme) que si elles chargeaient des taux d’intérêts extrêmement élevés et que
par ailleurs une poignée d’IMFs dans le monde présentaient des resultats financiers satisfaisants. Quels
sont alors les déterminants de la viabilité financière d’une institution de microfinance ? Qu’est ce qui
pourrait permettre à telle IMF ou telle autre institution de présenter des performances financières bien
meilleures que les autres ? Ces deux interrogations nous conduisent à traiter dans le chapitre premier du
présent rapport des déterminants de la viabilité financière des IMFs. Comme toute organisation les IMFs
sont amenées à croitre, c’est ainsi que dans certains pays les associations de microcrédit ont pu présenter
un portefeuille bien plus étendu que les banques du secteur officiel de même qu’une rentabilité et des
coûts moins importants et une portée de prêt plus importante que ces dernières. Ces IMFs ont été
conduites pour certaines à enclencher un processus de transformation institutionnelle dans le but de
soutenir leur élan de croissance par des mécanismes de mobilisation de ressources plus efficaces, pour
d’autres il s’agissait de d’acquérir un professionnalisme plus élevé ou encore d’acquérir plus
d’indépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds. Ces changements n’ont pas été sans conséquences aussi
bien pour la clientèle que pour l’institution en question. Le deuxième chapitre du présent rapport est alors
consacré à l’analyse des modalités, des enjeux et de l’impact de la transformation institutionnelle. Il est
complété par un troisième chapitre qui s’inscrit dans la même logique que le deuxième en analysant
l’impact de la transformation sur des groupes d’IMFs transformées variant selon les critères de
comparaison retenus, par rapport à des groupes de contrôle variable selon les mêmes critères.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
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Chapitre - I- Analyse économétrique des déterminants de la viabilité financière des
IMFs
I- Introduction
Parmi les facteurs de pérennité des IMFs figure la viabilité financière. Dans son article intitulé
“The role of subsidies in microfinance: evidence from the Grameen Bank”, Morduch (1999) en donne
une estimation grossière selon laquelle seule 1% des IMFs dans le monde sont financièrement viables et
que pas plus de 5% pour être viable. Malgré tout, l’industrie de la microfinance est dominée par le
paradigme institutionnel selon lequel les IMFs devraient être capables de couvrir leurs coûts
(opérationnels et financiers) par les revenus générés par leurs activités. La plupart des institutions de
microfinance commencent par se financer majoritairement par des subventions avant de prendre
progressivement leur autonomie financière vis-à-vis de ces subventions. L’autonomie financière n’est
cependant pas un aboutissement systématique. Elle est la résultante de bonnes performances en matière
d’efficience, de gestion du portefeuille, de structure de financement,...Ces facteurs agissent soit
indépendamment des autres soit de manière conjointe. Dans le présent chapitre, nous passerons tout
d’abord en revue les écrits sur les performances des IMFs, ensuite nous aborderons les différents aspects
et les mesures de la viabilité financière, il sera ensuite question de l’étude empirique des déterminants de
la viabilité financière, puis suivra l’analyse des résultats économétrique et une brève conclusion.
II- Revue de la littérature
La viabilité financière est un concept assez complexe. Elle peut être perçue à la fois comme le
résultat d’une combinaison de plusieurs indicateurs de performance des institutions mais aussi et à juste
titre, comme un facteur de leurs meilleures performances. A ce titre sa mesure est problématique car bien
souvent on se demande bien ce que tel ou tel autre ratio utilisé pour l’évaluer englobe en réalité. Un bref
aperçu de la littérature permet de se rendre compte que dans la plupart des études, la viabilité financière
est étudiée à travers des proxies qui ne sont rien d’autre que les bonnes performances qui, indirectement
permettent d’assurer la viabilité opérationnelle et financière.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
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II-1- La viabilité financière correspond aux économies d’échelle et la maitrise des coûts
Il existe une série d’articles qui assimilent la viabilité à la maitrise des coûts et la réalisation
d’économies d’échelles. Rovier Djeudja et Franz Heidhues (2005) analysent les rendements d’échelles
des institutions de microfinance MC21 dans l’ouest du Cameroun. Pour ces auteurs la condition essentielle
pour la pérennité d’une institution et plus particulièrement pour les Etablissements de microcrédit c’est
la croissance. En effet, croitre permet à l’institution de survivre et pour survivre il faut être efficient.
Dans cet article ils mettent en relation une fonction de coût de type Cobb Douglas avec le volume de
crédit qui mesure l’ampleur de l’activité de crédit octroyé et le volume d’épargne mobilisée. Ils testent
l’hypothèse selon laquelle la somme des élasticités du coût par rapport à l’activité de crédits et par
rapport à l’activité d’épargne serait inferieure ou égale à un. Si tel est le cas, on conclut que l’institution
lors du processus d’expansion de son activité arrive à réduire le coût moyen pour les activités de crédit et
d’épargne et donc qu’elle réalise des économies d’échelle et dans le cas contraire elle réalise
deséconomies d’échelle auquel cas l’expansion risque de compromettre la pérennité de l’IMF car elle est
accompagnée d’une mauvaise maitrise des coûts. Aussi la fonction de coût Cobb douglas utilisée permet
d’analyser la structure des coûts et de spécifier par rapport à laquelle des expansions d’activité la
fonction de coût est plus réactive. Dans le même ordre d’idées d’auteurs évoquent la maitrise des charges
salariales comme une condition menant à la viabilité financière. Leur thèse repose sur le fait que les
charges salariales constituent le poste le plus important de charges des IMFs, ainsi une bonne maitrise de
ce poste entrainerait de meilleures performances financières notamment une amélioration des ratios
d’équilibre financier et de productivité.
II-2- Les performances de remboursement comme proxy de la viabilité financière
D’autres études mettent en évidence l’importance du taux de remboursement de crédit comme un
indicateur de performance des IMFs. Celle de M Godquin (le chapitre 4 de sa thèse) sur l’amélioration
des performances des IMFs du Bangladesh met en évidence les déterminants des performances de
remboursement au sein des différentes institutions. Qu’elle soit à but lucratif ou non, toute IMF cherche à
obtenir des taux de remboursement les plus élevés possible. Des taux de remboursement élevés sont en
effet associés à des bénéfices élevés pour l’IMF comme pour ses emprunteurs.
Ils permettent à l’IMF de
1 Mutuelle communautaire de croissance
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
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baisser les taux d’intérêt qu’elle pratique sur ses prêts et ainsi de réduire le coût financier du crédit et de
rendre le crédit accessible à des emprunteurs plus nombreux tout en limitant les subventions croisées
entre emprunteurs.
Il est révélateur de l’adéquation des services de l’IMF aux besoins de ses clients2. La
plupart des études se limitent à l’analyse des performances des institutions de microfinance en matière de
supervision et d’adéquation des services rendus par rapport aux besoins de la population et mise en place
de mécanismes d’incitation adéquats conduisant à une amélioration des performances de remboursement
des groupes de crédits.
De récentes études théoriques (Morduch, 1999) ont montré que les principes qui sous tendent le
mécanisme de crédit de groupe avec coresponsabilité aboutissent à une performance très importante en
matière de remboursement, ces études mettent en évidence la meilleure performance en matière de taux
de remboursement que réaliserait une institution qui fait du prêt de groupe par rapport à une autre qui
ferait du prêt individuel. D’autres par contre mettent en évidence l’importance des facteurs exogènes à
l’institution en question. Il s’agit entre autre du contexte économique et socioculturel qui peut être
caractérisé par une faiblesse des systèmes d’information augmentant ainsi le phénomène d’asymétrie
d’information, mais aussi par un contexte macro économique plus ou moins favorable ; par exemple le
fait que la probabilité de survenance de chocs covariants soit plus ou moins forte dans l’économie dans
laquelle l’institution est installée. En ce qui concernent le contexte socioculturelle les caractéristiques de
clients peuvent avoir un effet non négligeable sur la performance financière de l’IMF ainsi une IMF sera
dite performante si elle arrive à mettre en place un bon mécanisme de sélection qui permettrait de réduire
le taux de perte sur prêts. Pour Sharma et Zeller (1997), le rationnement du crédit, jusqu’à un certain
seuil, a un impact significatif positif sur les performances de remboursement. Dans l’étude de Diagne et
al. (2000), le facteur ayant le pouvoir incitatif le plus important pour le remboursement est la valeur que
les groupes de prêt associent à l’accès à de nouveaux crédits dans le futur.
II-3- Etudes empiriques sur la viabilité financière : approche institutionnaliste vs approche welfariste
Il existe dans la littérature économique plusieurs études qui se sont penchées sur les
déterminants de la viabilité financière. Certains auteurs plus particulièrement ont tenté de vérifier si la
2 Aussi comme les revenus des institutions de microcrédit sont constitués en majeure partie des revenus d’intérêt on conçoit bien qu’une
performance dans les remboursement rapproche l’institution de son optimum de premier rang à savoir un taux de remboursement de 100% qui impliquerait donc une égalité entre le rendement du prêt octroyé et le taux d’intérêt débiteur fixé par l’IMF pour le prêt.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
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recherche de la viabilité financière et l’atteinte des objectifs sociaux sont antinomiques. Deux thèses
concurrentes se distinguent à ce sujet :
Le paradigme institutionnaliste soutenu par Woller et al (2004), stipule que les IMFs doivent être
capables de couvrir les coûts inhérents à leur activité par les revenus qu’elles génèrent. Gonzalez et Vega
(1994) dans leur article portant sur les raisons de l’échec des institutions rurales de crédit créées par
nombre de gouvernements de pays en développement durant les années 1960- 1970, désignent comme
cause première le manque de viabilité institutionnelle. Leur analyse conduit notamment à deux
conclusions. D’une part elle établit que la viabilité institutionnelle est la clé pour une fournir
efficacement des services financiers aux pauvres et d’autre part que la viabilité financière est une
condition nécessaire à la viabilité institutionnelle. Woller et Schreiner (2002) analysent les déterminants
de l’autosuffisance financière de 13 coopératives sur une période de trois ans (1997-1999) en se basant
sur plusieurs dimensions des indicateurs relatant six sortes d’objectifs à atteindre. Leur résultat suggère
que l’autosuffisance financière et les objectifs sociaux peuvent être simultanément recherchés, par
l’adoption de stratégies adéquates. Par exemple en fixant des taux d’intérêts relativement élevés, en
accroissant la productivité des agents de crédit et en leur payant des salaires appropriés, en réduisant les
coûts administratifs grâce à un niveau élevé d’efficacité dans la gestion. Olivares et Polanco (2005) sur
un échantillon de 28 IMF latino américaines âgées de 1 à 20 ans, testent l’hypothèse selon laquelle une
IMF est plus profitable et autonome financièrement quand elle octroie des prêts de montant élevé. Ils
aboutissent à la conclusion que l’âge de l’institution a un impact sur la taille moyenne des prêts octroyés
par les IMFs, mais que par contre le type institutionnel (ONG ou coopératives ou encore banque…) et le
statut de l’institution (règlementée ou non règlementée) n’ont pas d’impact significatif sur la taille
moyenne des prêts octroyés. L’article de Luzzi et Weber (2006) confirme les resultats précédents. Ils
utilisent un panel de 45 IMFs sur la période 1999-2003. A travers l’estimation d’un système d’équations
simultanées ils analysent conjointement les déterminants de la viabilité financière et ceux des
performances sociales des IMFs. D’après leurs résultats il apparait qu’une IMF créée initialement pour
améliorer l’accès des pauvres aux services financiers peut très bien devenir rentable et financièrement
viable. De plus ils trouvent que le nombre de services fournis à la clientèle par les institutions de
microfinance agit négativement à la fois sur la performance social et sur celle financière, et que la forte
concentration des clients en milieu rural, le plafonnement des taux d’intérêts ainsi que la présence d’une
forte compétition réduit les performances financières des IMFs.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
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L’approche welfariste, prend le contre pieds de celle institutionnaliste en affirmant qu’une IMF
peut atteindre la viabilité institutionnelle sans pourtant avoir atteint l’autosuffisance financière. Ils
considèrent les dons comme une forme de capital et les donateurs par analogie à des investisseurs
sociaux. Les welfaristes mettent en avant la réduction de la pauvreté, en accordant un poids relativement
plus important à la profondeur de l’accès par rapport à la qualité du portefeuille, et jaugent tous les
succès institutionnels à la lumière des performances sociales. Dans cette optique Hulme et Mosley (1996)
montrent que peu d’institutions ont réussi à atteindre simultanément la viabilité financière, et les objectifs
finaux de réduction de la pauvreté et d’augmentation du niveau de revenu afin de stimuler la croissance
économique. Cet échec serait dû à « une incapacité des institutions à transformer leurs objectifs en
actions ». Ces résultats médiocres s’expliqueraient selon eux par le fait que les IMF s’appuient sur une
définition partielle de la pauvreté3 (centrée sur l’aspect de la pauvreté avec le faible niveau de revenu et
de consommation). Cette sous-évaluation conduirait à la mise en place de procédures d’accès aux
services financiers excluant les plus pauvres et/ou, à leur disposition des services visant à accroire leurs
revenus plutôt que des services visant à réduire leur variabilité ou à les diversifier. En résumé ils
aboutissent aux conclusions suivantes :
Conclusion1 : une faible capacité institutionnelle incarnée par une mauvaise appréciation des
caractéristiques de leurs clients réduit l’impact des IMF sur la population ciblée.
Conclusion2 : En entamant la crédibilité des IMF auprès des clients elle est susceptible d’entrainer une
baisse ou une stagnation de leur activité (car baisse des revenus d’exploitation). La perte de crédibilité
auprès des clients peut aussi avoir pour conséquence une résurgence des comportements d’hasard moral.
En définitive, s’il apparait que l’une ou l’autre thèse ne fait pas l’unanimité au sein des économistes,
un consensus général se dégage par contre, c’est qu’il existe un arbitrage entre l’autosuffisance financière
et la profondeur de la portée du portefeuille (e.g. von Pischke (1996)). Mais, ce consensus cache autant
de désaccords sur la nature, l’ampleur et les implications de cet arbitrage. Néanmoins, il est admis que les
IMFs ayant atteint réellement la viabilité financière tendent à étendre l’accès aux prêts aux individus
situés légèrement en dessous ou au dessus de la ligne de pauvreté du pays dans lequel elles exercent
(Navajas et al. (2000))4.
3 La définition de la pauvreté devrait inclure les capabilités. (C’est-à-dire l’aptitude des personnes pauvres à transformer leur revenu en
fonctionnalité, voir A. sen, dans « le nouveau modèle économique »). 4 Cette extension est souvent qualifiée de downscalling et de up scalling.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
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III- Approche méthodologique et présentation du cadre théorique
Sans ignorer les aspects de la soutenabilité traités par les welfaristes, nous abordons la question de
la viabilité institutionnelle d’une IMF sous l’angle de la viabilité financière. Pour ce faire nous
présentons successivement deux méthodes d’évaluation de la viabilité financière : A savoir l’évaluation
par le ratio de viabilité financière et l’évaluation par l’indice de Recours aux subventions.
III-1- Le ratio de viabilité financière comme indicateur de mesure de la viabilité financière
Une IMF viable financièrement devra couvrir, non seulement, ses coûts directs, mais aussi ses
coûts indirects par ses revenus d’exploitation. Ainsi le ratio de viabilité financière sera le rapport entre le
montant ajusté des revenus d’exploitation, et la somme des coûts directs et indirects.
Ici pour qu’une IMF soit considérée comme viable il faudra que ce ratio soit supérieur à un. Une analyse
plus détaillée de ce ratio permet de mettre en évidence les facteurs qui déterminent soit directement soit
indirectement les variations de ce ratio. A l’évidence, ce sont tous les facteurs qui permettent de réduire
les coûts directs et indirects d’une part et d’autre part les facteurs qui permettent un accroissement des
revenus d’exploitation.
Il est important de noter que pour avoir une meilleure visibilité, les coûts devront être ajustés ici pour
tenir compte des coûts du capital et de personnel supplémentaires que supporteraient l’IMF si les
subventions reçues correspondaient à des fonds acquis sur le marché et si l’expertise dont bénéficie
l’IMF avait été facturée. Cette étude utilise des données provenant de la base de données du
« Mixmarket ». Les valeurs observées des différentes IMFs sont corrigées pour pouvoir capter les
performances réelles des IMFs.
III-2- Méthode du MIX pour la correction
On corrige les états financiers des institutions de l’effet des subventions de sorte à disposer d’une base de
calcul « sans subventions ». Ces ajustements ne signifient pas que les IMFs pourraient ou ne pourraient
pas être subventionnées. Par contre ils permettent de voir à quoi les performances de chaque IMF
pourraient ressembler lorsqu’elle ne dispose pas de subventions et ce, dans un but de rendre la
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
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comparaison possible5. La correction permet donc d’apprécier les vrais résultats. Un aspect de la
croissance durable suggère que les subventions pourraient être utilisées pour couvrir les coûts fixes de
démarrage de l’institution ou pour soutenir l’innovation. L’ajustement indique simplement l’ampleur
avec laquelle la subvention est transmise aux clients par le biais de la proposition de faibles taux
d’intérêts ou si elle est utilisée pour bâtir le capital social de l’institution en vue de son expansion.
Les ajustements du MIX concernent trois types de subventions : le coût des ressources reçus en
subvention par rapport aux prêts obtenus aux conditions du marché. Les dons en espèces reçus pour
financer le portefeuille ou couvrir certaines dépenses. Certains types de subventions telles que les
services non facturés offerts aux IMFs.
L’ajustement du coût des ressources reflète l’impact des prêts concessionnels sur la performance
financière de l’institution. Le MIX calcule la différence entre les intérêts effectivement payés par l’IMF
sur les prêts concessionnels et ceux qu’elle aurait payé aux conditions du marché. Cette différence
représente la valeur de la subvention, qui est considérée comme un coût financier additionnel. On
applique ensuite cet ajustement au solde des emprunts reporté chaque année. La baisse du profit est
compensée par la création d’un compte « ajustement des coûts des ressources » dans le bilan.
Si une IMF transmet le taux d’intérêt subventionné à ses clients à travers la pratique d’un taux d’intérêt
final faible, cet ajustement pourrait déboucher sur des pertes opérationnelles. Si l’IMF ne transmet pas la
subvention, mais l’utilise pour accroitre son capital social, l’ajustement indique le montant des profits de
l’institution attribuables aux subventions.
Le ratio de viabilité financière ajusté ne permet pas de contourner le problème de hasard moral latent qui
conduirait potentiellement à une sous estimation de la performance de l’institution. En effet la possibilité
d’avoir recours aux subventions ou bien le fait d’en bénéficier peut amener l’institution à fournir moins
d’efforts ; ce phénomène est connu sous le nom de hasard moral et illustre le fait que le donateur ne peut
pas observer l’effort fourni par le bénéficiaire de la subvention qui, en l’occurrence est l’IMF; ainsi sa
performance réelle observée sera inferieure à sa performance potentielle.
Une autre manière d’aborder la problématique de la viabilité est de supposer que le non recours
progressif aux subventions pourrait constituer un signal de bonnes performances financières.
5 La plupart des IMFs participantes ont affirmé leur désir de voir la limitation (quota) de subvention revue à la hausse.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
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III-3- Le non recours aux subventions comme indicateur de viabilité financière : l’indice de Recours aux subventions (IRS) de Yaron
Il a été conçu par Jacob yaron et al (1992)6 banque mondiale. Ces derniers partent du constat que les
indicateurs traditionnels de performance financière (rendement sur actif, rendement sur ressources) 7ne
font pas la distinction entre les différentes ressources. Une telle situation introduit des biais dans les
résultats financiers des IMFs, rendant leurs comparaisons dans le temps et dans l’espace inopérante ou
impertinente. C’est dans le but de combler cette insuffisance qu’il a conçu l’indice de recours aux
subventions (IRS). L’objectif de l’IRS est de mesurer dans quelle proportion une institution a besoin de
subvention pour produire un rendement égal au coût d’opportunité du capital. Il est exprimé sous forme
d’un ratio indiquant le pourcentage de l’augmentation du taux d’intérêt sur les crédits nécessaire pour
éliminer totalement les subventions reçues au cours d’une année donnée ou d’une période donnée8.
L’analyse est faite ex post c'est-à-dire après que l’institution ait bénéficié de la subvention dans le cadre
de son activité dans des périodes antérieures. Il faut noter que l’IRS9 prend en compte une partie des
corrections suggérées par le Mixmarket dans sa base de données.
S’il présente des avantages l’IRS comporte aussi quelques limites. En effet, le recours aux
subventions est fonction de la probabilité d’avoir effectivement accès aux subventions, ainsi la plus ou
moins grande disponibilité des subventions offertes est sans doute un facteur déterminant du recours aux
subventions. A ce titre le cadre institutionnel est déterminant. Notons par ailleurs qu’une institution peut
être viable et avoir tout de même recours ponctuellement aux subventions. L’exemple de le Grameen
Bank est illustratif du cas où l’institution de microcrédit en partenariat avec l’Etat participe à l’atteinte
d’un objectif particulier. Elle peut bénéficier de prêts à des taux préférentiels lui permettant d’offrir des
services à moindres coûts à une tranche donnée de la population ciblée par un programme
gouvernemental. Ainsi dans un récent article10 paru en février 2008 Yaron complète la précédente
6 Jacob Yaron, 1992, Successful Rural Finance Institutions, World Bank Discussion Paper No. 150 (Washington: World Bank) 7 Voir annexes pour présentation détaillée de l’IRS.
8 Ou en d’autres termes il s’agit de savoir le pourcentage par lequel le taux d’intérêt fixer par l’IMF devrait augmenter pour qu’IMF puisse
couvrir le coût d’opportunité du capital par les revenus d’intérêt 9 Il présente un certain nombre d’avantages. Tout d’abord il est calculé à partir d’un état financier non retraité, ensuite il permet de suivre la
dépendance de l’institution vis-à-vis des subventions dans le temps en outre il permet également de comparer le recours aux subventions de l’IMF à celui d’autres IMF proposant des services similaires. 10
Manuela Francisco, Yira Mascaró, Juan Carlos Mendoza, Jacob Yaron, Measuring the performance and achievement of Social Objectives of Development Finance Institutions, Policy Research Working Paper n°4506 February 2008.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
16
analyse. Sa nouvelle démarche prend en compte deux indicateurs l’IRS et l’ « output index11 ». Elle
consiste à calculer dans premier temps l’IRS puis à estimer ensuite l’Output index qui mesure le niveau
pour lequel l’objectif social visé par le gouvernement à travers la subvention est atteint par l’IMF et enfin
en troisième lieu à intégrer simultanément les deux indices pour capter à la fois l’efficacité de l’IMFs en
matière de minimisation des coûts en relation avec la dépendance aux subventions et saisir dans quelle
mesure les objectifs sociaux assignés à l’IMF ont été atteints.
IV- Modèle empirique et principaux résultats
IV-1- Présentation de l’échantillon
La meilleure façon de présenter les informations financières et les données sur le portefeuille est d'utiliser
des indicateurs de performance, à savoir des ratios correspondant aux relations clés entre données
financières. Les ratios financiers projetés peuvent également servir de mesures pour évaluer la
performance de l'institution dans le temps. La base de données utilisée est constituée de variables de
performance et d’environnement de 106 IMFs provenant de 17 pays différents. Les observations
concernent la période 1999-2006. En outre, les informations sur les indicateurs de performances des
IMFs proviennent de la base de données du mix market, celles relatives au contexte macroéconomique
proviennent de la base de données de la banque mondiale (WDI 2006).
IV-2- Présentation des variables
Les variables de structure du financement et de structure du bilan ( )
Nous retenons deux variables de structure de financement ou de structure du bilan. Il s’agit en
l’occurrence du ratio capital rapporté sur le total actif encore appelé taux d’adéquation du capital
(capital/actif total) et du ratio dette rapporté au total des ressources. Ces deux ratio interviennent au
moment où l’IMF à besoin de se refinancer. Le premier pourrait favoriser l’obtention de montant de prêt
plus important car c’est un indicateur de la taille de l’IMF. Le second ratio, à la différence du premier
ratio fait figure de signal auprès institutions du niveau d’endettement actuel de l’IMF par rapport au total
de ses ressources, il pourrait donc agir comme un frein à l’obtention de nouveaux emprunts et influencer
11
Voir annexe n° du chapitre
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
17
négativement les performances de l’IMF car limitant les possibilités d’enclenchement d’économies
d’échelle.
Les variables de portée et d’impact du portefeuille (
Nous retenons le pourcentage de femmes emprunteurs et le prêt moyen et le prêt moyen rapporté au
PNB par tête, comme indicateurs de portée de l’activité des IMFs. On présume que ces trois variables
agissent positivement sur le ratio de viabilité financière. La littérature nous montre que les femmes
emprunteurs ont généralement un taux de remboursement plus élevé, ainsi on s’attend à ce qu’un
pourcentage relativement important de femmes au sein de la clientèle de l’IMF agit dans le sens d’un
accroissement de la probabilité que l’institution soit viable. En ce qui concerne le solde de prêt moyen
rapport au PNB est un bon indicateur de l’adéquation de la taille de prêt par rapport au niveau de vie dans
l’environnement économique dans lequel l’IMF évolue. On désigne par emprunteurs actifs les
emprunteurs qui n’ont pas encore intégralement remboursé le prêt qui leur a été concédé par l’IMF à une
date donnée. Cette variable est un indicateur de dynamisme de l’IMF mais son effet devra être confronté
au nombre moyen d’emprunteurs par agent de crédit pour évaluer l’efficacité de l’IMF en termes de
minimisation des coûts de gestion des prêts.
Les variables d’efficience et de productivité ( )
Les ratios d'efficacité et de productivité permettent d'évaluer la façon dont une institution fait usage
de ses ressources limitées. Un emploi efficace des ressources permet à une institution de microfinance de
proposer des services à ses clients au coût le plus faible possible. Plus la productivité d'une institution est
élevée, plus elle génère un montant « sorti » (produits financiers, crédits) élevé pour chaque unité «
entrée » (charges d'exploitation, agents de crédit,…). Comme indicateur de productivité nous retenons le
nombre d’emprunteurs par agent de crédit et le nombre d’épargnants par travailleur et nous présumons
que ces variables ont un effet positif sur la probabilité qu’une IMF considérée soit viable ; et comme
indicateur d’efficience le coût par emprunteur nous anticipons un signe négatif pour le coefficient de
cette variable, dans la mesure où l’efficience consiste à avoir le plus faible coût par emprunteur possible.
Les variables de qualité du portefeuille
La qualité du portefeuille de crédits conditionne la santé financière de l'institution dans son
ensemble. Le portefeuille constitue généralement l'actif principal d'une institution de microfinance, ainsi
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
18
que sa première source de revenus. La majorité des charges de programme sont généralement liées au
décaissement et au recouvrement de crédits. Une gestion prudente du portefeuille de crédits constitue par
conséquent la clef de voûte des activités d'une institution de microfinance. Parmi les principaux
indicateurs de la qualité du portefeuille se trouvent le portefeuille à risque à 30jours (PAR30) et le taux
d'abandon de créances12. Une réduction de la composante risquée du portefeuille ainsi qu’une baisse du
taux d’abandon de créances permet à l’IMF d’accroitre la probabilité d’être viable ainsi le signe des
coefficients associés à ces deux variables devra être négatif.
Les variables de rendement (
L’indicateur de rentabilité utilisé dans le modèle est le rendement sur actifs productifs. Il est obtenu
en rapportant les revenus opérationnels nets des impôts à la moyenne du total des actifs de la période. Les
actifs productifs se composent généralement des dépôts à vue en banque, de tous les autres dépôts
rémunérés, de l'encours brut de crédits et des placements à long terme. Ils peuvent être considérés comme
les éléments sur lesquels les dirigeants peuvent agir dans le cadre de leurs efforts pour maximiser la
rentabilité. Les fonds disponibles doivent continuellement être transférés sur ces éléments, pour
maximiser la rentabilité tout en minimisant les risques. Nous nous attendons à ce que la rentabilité
influence positivement le ratio de viabilité financière.
Les variables de contrôle ( )
Ces variables peuvent être des variables de contexte comme le degré de monétisation, le dynamisme
économique du pays où l’IMF est installée (Khandker et al. 1994 ; Zeller, 1998). On dispose d’un
ensemble de 3 variables de contrôle qui captent l’effet de l’environnement monétaire et économique du
pays auquel l’IMF appartient. La première variable est l’inflation. Les deux autres variables sont le taux
de croissance «économique et le niveau de développement financier du pays dans lequel exerce l’IMF.
Franks (2000) traite de la stabilisation macroéconomique et de son impact sur les microentreprises. Il
conclut que la stabilisation macroéconomique peut être extrêmement bénéfique au secteur de la
microfinance, mais aussi très coûteuse à court terme. Quinones and Seibel (2000) examinent le rôle de la
formation de capital social dans le secteur de la microfinance aux philippines. Ils illustrent comment le
cadre règlementaire et de supervision et l’innovation des IMFs ont affecté la coopération des ménages
pauvres. Dans ce sens il serait aussi intéressant d’introduire des variables permettant de contrôler l’effet
12
Voir annexes pour les formules des différents ratios.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
19
du cadre institutionnel dans lequel les IMFs exercent leurs activités, mais ne disposant de données
suffisantes sur ces variables alors elles n’ont pas été adjointes à l’équation économétrique.
IV-3-Le modèle économétrique
Pour analyser les déterminants de la viabilité financière des IMFs nous adoptons le modèle
économétrique suivant :
Où
désigne les déterminants de la viabilité financière et CV les variables de contrôle qui permettent de
capter l’effet spécifique lié aux caractéristiques règlementaires et économiques de chaque pays.
Afin de nous assurer que l’ensemble des conditions requises pour procéder à l’estimation du modèle
économétrique sont remplies, nous procédons à un ensemble de tests économétriques.
Tout d’abord nous soupçonnions l’existence de risques de colinéarité entre un certain nombre de
variables pour cela nous appliquons la procédure de Klein pour détecter la présence d’un éventuel
problème de multicolinéarité. Ensuite, afin de nous assurer qu’il n’y a pas eu de variables pertinentes
omises de notre modèle nous procédons au « linktest ». Aussi afin de savoir si le modèle à effets fixes ou
celui à effets aléatoires est le plus approprié pour notre étude nous procédons au test de Hausman.
IV-4- Présentation des tests économétriques
En panel, on dispose de deux types de spécifications pour les effets individuels, à savoir les modèles
à effets fixes et les modèles à effets aléatoires. Avant de procéder aux autres tests économétriques il est
nécessaire de commencer par spécifier le type d’effets individuels qui convient à notre modèle.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
20
1- Test de spécification des effets individuels : le test de Hausman13
Le test de spécification d’Hausman (1978) est un test général qui peut être appliqué à de nombreux
problèmes de spécification en économétrie. Mais son application la plus répandue est celle des tests de
spécification des effets individuels en panel. Il sert ainsi à discriminer les effets fixes et aléatoires.
L’idée générale du test d’Hausman est simple. Supposons que l’on cherche à tester la présence éventuelle
d’une corrélation ou d’un défaut de spécification. Admettons que l’on dispose de deux types
d’estimateurs pour les paramètres du modèle étudié. Le premier estimateur est supposé être l’estimateur
non biaisé à variance minimale sous l’hypothèse nulle de spécification correcte du modèle (absence de
corrélation). En revanche, sous l’hypothèse alternative de mauvaise spécification, cet estimateur est
supposé être biaisé. On suppose que le second estimateur est non biaisé dans les deux cas. Dès lors, il
suffit de comparer une distance, pondérée par une matrice de variance covariance, entre les deux
estimateurs pour pouvoir déterminer si la spécification est correcte ou non. Si la distance est
statistiquement nulle, la spécification est correcte, on choisit le premier estimateur. Si la distance est
importante, le modèle est mal spécifié.
Plus concrètement on montre qu’en présence d’une corrélation entre les résidus et certaines variables
explicatives, l’estimateur des MCG est un estimateur biaisé14 des paramètres du vecteur ; alors que
l’estimateur Within ne l’est pas. Toute la stratégie de test de spécification des effets individuels repose
alors sur la comparaison des deux estimateurs, dont la divergence traduit la présence d’une corrélation et
donc la nécessaire adoption du modèle à effets fixes et de l’estimateur Within. Dans le cas contraire où
les deux estimateurs donnent des résultats sensiblement identiques15 et l’on peut spécifier le modèle avec
des effets individuels aléatoires. L’estimateur des MCG est alors l’estimateur BLUE.
13
Pour administrer ce test, nous avons transformé les variables nombre d’emprunteurs actifs et prêt moyen par emprunteur en log. Car sans cette transformation il y a un problème d’échelle qui se pose et qui a pour conséquence de rendre le rang de la matrice de variance covariance différent du nombre de paramètres estimés. Cependant pour ce qui concerne la variable nombre d’épargnants par agent la transformation en log entraine beaucoup de perte de valeur car le logiciel d’estimation n’attribue pas de valeur au log de zéro lorsque les IMFs n’offrent pas de service d’épargne. 14
Ce biais s’assimile tout simplement à un biais d’endogéneité, puisque les résidus totaux sont corrélés avec les variables explicatives. 15
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
La probabilité en faveur de l’hypothèse nulle est très faible (0.0002). On rejette donc l’hypothèse
d’équivalence entre le modèle à effets fixes et le modèle à effets aléatoires. On déduit par conséquent que
la spécification la plus appropriée pour notre modèle est celle dans laquelle les effets individuels sont
supposés fixes pour chaque IMF (économiquement vrai, si chacune appartient à un pays ou une zone…
particulière). En plus ce resultat est confirmé par l’analyse de la contribution des variables explicatives à
l’explication de la variabilité intra individuel de la variable dépendante (Within) et between qui révèle
que la variabilité intra est de 0.8924 alors que celle inter groupes est de 0.5963.
2- Le test d’omission de variables pertinentes : le « linktest »
Pour administrer ce test en données de panel il est nécessaire de procéder à une « pooled
regression »16. Ce test consiste à dire que si le modèle est bien spécifié, il y a peu de chance qu’une
variable exogène additionnelle soit significative. Le « linktest » crée deux nouvelles variables, la variable
de prédiction _HAT, et le carré de cette variable de prédiction, notée _HATSQ. En effet, _HAT devrait
être significative s’il s’agit de la vraie valeur prédite par le modèle, par conséquent le modèle serait bien
spécifié. Alors si tel est le cas, la variable _HATSQ ne doit pas être significative.
16
En effet il y a équivalence entre l’estimateur « within » et celui « pooled »
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
22
Tableau n°2 : résultat du linktest
Linear regression, absorbing indicators coefficients Std. Error t P>|t| [95% Conf.
Interval] _hat 0 .45834 0.08529 5.37 0.000 [0.290 0.6262] _hatsq 0.30303 0.04256 7.12 0.000 [0.219 0.386] _cons 0.19292 0.05288 3.65 0.000 [0.088 0.297] IMF F (107, 290) = 14.561 0.000 (107categories) Number of obs. = 400 Prob > F = 0.0000 F (2, 290) = 340.14
R-squared = 0.9264
Le linktest nous montre que les deux variables _hat et _hatsq sont significatives à 1%. Ce résultat est
pour le moins ambigu. Il révèle d’une part qu’il pourrait y avoir un problème d’omission de variables
pertinentes corrélées avec une variable explicative du modèle, d’autre part la significativité de _hat nous
dit que le modèle est bien spécifié. En fait ces résultats justifient l’utilisation de la spécification retenue
c'est-à-dire le modèle à effets fixes qui est robuste au problème d’omission de variables. En réalité nous
sommes incapables d’identifier tous les effets spécifiques à chaque IMF (faute de données sur les
procédures, un détail des zones d’action, les pays…).
3- Détection et correction du problème de multicolinéarité
Le problème de la multicolinéarité survient lorsque certaines variables explicatives sont corrélées
fortement ou parfaitement entre elles, provoquant ainsi une instabilité des coefficients estimés et une
forte augmentation de leurs écart-types. Nous soupçonnons l’existence d’un problème de multicolinéarité
entre la variable PAR30 et le niveau de prêt moyen, entre les variables d’efficience et de productivité
ainsi que entre la variable d’inflation et le niveau de développement financier. Pour cela nous appliquons
la procédure de détection de la multicolinéarité de Klein. Elle consiste à comparer le coefficient de
détermination du modèle R2 et les coefficients de détermination entre variables explicatives
considérées deux à deux. Il y a présomption de multicolinéarité lorsque la plupart des sont
supérieurs au R2. Nous complétons cette procédure par une méthode de diagnostique de la
multicolinéarité dite « procédure du nombre de conditions»17. Dans le cas où les regresseurs sont
orthogonaux (c'est-à-dire indépendants), la matrice présentant la décomposition de la variance en termes
de contribution de chaque variable indépendante dans la variance total devrait être égale à la matrice 17 La multicolinéarité a pour conséquence une surestimation de la variance, ce qui implique une perte en précision de l’estimateur. Ce qui conduit souvent à mal apprécier (sous évaluer) la pertinence des variables.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
23
unitaire. On pourrait examiner la dépendance de la variance vis-à-vis des principales variables exogènes,
en se focalisant sur les variables ayant un « nombre de condition » élevé. Le nombre de condition est une
mesure de la dépendance des variables indépendantes. Les valeurs caractéristiques généralement utilisées
sont (n* ) 10, 15, ou même 30. Aussi, en observant la ligne associée à un « nombre de conditions élevé,
on peut recenser les décompositions de variance qui sont supérieures à une valeur seuil (par exemple
p*=.50). Ces variables dont la somme des proportions de contribution à la variance est supérieure à p*
sont impliquées dans au moins un problème de multicolinéarité. La somme obtenue est formée de
« conditions de nombre » concurrents (ce sont les conditions de nombre ayant le même ordre de grandeur
qui excède la valeur seuil n*. Il y a « dépendance dominante » entre deux variables exogènes quand la
« condition de nombre » est plus importante que toutes les autres « conditions de nombre ».
Le tableau des coefficients de corrélation met en évidence une très forte corrélation entre les
variables de qualité du portefeuille, les variables de productivité et celle de structure de financement
d’une part et d’autre part entre les variables de rentabilité (le rendement sur les actifs) et celles de
structure de financement. Pour la première catégorie le coefficient de corrélation la variable PAR30 et la
variable nombre d’emprunteurs actifs par agent de crédit est de 0.747, celui entre la variable de
portefeuille à risque et le ratio capital sur total actif de 0.799 et celui mesurant l’ampleur de la relation
liant le ratio capital sur total actif et le nombre d’emprunteurs actifs par agent de crédit de l’ordre de
0.6261. Il est apparait raisonnable qu’il puisse exister une relation positive entre la productivité et la
qualité du portefeuille, de même qu’une relation positive entre la structure du financement et la qualité du
portefeuille. Par ailleurs puisque les coefficients de corrélation dans chacun des cas sont supérieurs
au coefficient de corrélation du modèle R2, on conclut alors qu’il y a présomption de multicolinéarité
entre ces variables. Il en est de même de la relation liant le ratio capital sur le total actifs et le rendement
sur les actifs. Il est toutefois nécessaire au vu des conséquences de la multicolinéarité sur la variance des
coefficients estimés, d’examiner la contribution de chaque variable explicative dans la variance des
coefficients estimés. En retenant comme seuil de nombre de conditions n* =15 et p*=0.5, le tableau n°3
permet de situer la zone d’intérêt entre les valeurs de nombre de conditions n= 37.06 et n= 22.67. Dans
cet intervalle trois variables se distinguent, il s’agit en l’occurrence des variables coût par emprunteur
actif, du prêt moyen par emprunteur actif et du pourcentage des femmes dans le total des emprunteurs
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
24
actifs18. En effet la somme des contributions de ces variables à la variance des coefficients estimés
associés aux variables capital sur actif et rendements sur actifs productifs est supérieure à 50%. Ces
variables sont donc impliquées dans des relations de dépendance concurrente. Ces resultats confortent
ceux du tableau des corrélations partielles.
Du reste, en raison de l’arbitrage existant entre les conséquences d’une éventuelle sous
identification de notre modèle économétrique pouvant résulter de la correction du problème de
multicolinéarité (les coefficients estimés perdent leur sens) et les problèmes de précision résultant d’un
modèle suridentifié (i.e. sans correction de la colinéarité) nous avons opté pour la deuxième alternative.
Tableau n°3 : Proportions associées à la décomposition de la variance des coefficients estimés
18 Les proportions relatives à la décomposition de la variance de la constante sont sans intérêt.
1- La prépondérance de l’hétérogénéité des IMF et l’utilité des modèles à effets fixes
D’un point de vue statistique, une justification de l’utilisation d’un modèle à effets individuels fixes a
été déjà fournie par le test de Hausman et le linktest. D’un point de vue plus analytique, notons que les
institutions de microfinance peuvent différer du fait des caractéristiques des pays auxquels elles
appartiennent, de leur type (ONG, coopérative, banque, …), leur statut (règlementées ou non
règlementées), par leur activité (institutions offrant des services d’épargne et de crédit, ou uniquement
des services de crédit), par leur méthode (prêt de groupe, prêt individuel, présence d’incitations
dynamiques), leurs sources de financement (dépôts ou financement externe). Ainsi par l’adoption d’un
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
26
modèle à effets fixes nous introduisons implicitement p – 1 « variables muettes » pour les p IMFs19
considérées dans l’échantillon pour capter les effets spécifiques à chacune d’elles. En outre on relâche le
postulat d’homogénéité de la relation X - Y en admettant que chaque individu i présente des
caractéristiques propres dont les réalisations sont stables dans le temps. Cependant est-il raisonnable de
considérer que ces effets individuels sont fixes dans le temps? Dans la mesure où nous ne retenons dans
l’échantillon que des IMFs n’ayant pas subi une transformation institutionnelle au cours de la période
1999- 2006 et cette hypothèse parait assez plausible. Le resultat du F-test pour les dummies confirme que
les effets fixes conjointement sont significatifs.
Tableau n°5: resultats des estimations économétriques sur échantillon global
Variables Operatssf Fixed Effects
Operatssf Random Effects
par30 0.105 -0.042 (0.64) (0.29) Rendements sur actif 2.175 2.249 (13.05)*** (15.50)*** LogCoût/ emprunteur -0.025 -0.070 (1.14) (3.79)*** logPrêt moyen 0.138 0.116 (3.95)*** (4.88)*** % de clientèle féminine -0.103 -0.035 (0.99) (0.51) Epargnant/agent du staff 0.000 -0.000 (0.16) (0.04) logEmprunteur/ agent du staff 0.103 0.077 (2.98)*** (3.04)*** Prêt moyen/PNB par tête -0.012 -0.019 (1.11) (2.23)** Loanlossrr -0.319 -0.418 (2.22)** (3.31)*** Crédit à l’éco/PIB -0.001 -0.002 (0.69) (1.84)* IPC 0.899 0.716 (2.80)*** (2.46)** Taux de croissance PIB 1.380 1.295 (3.53)*** (3.64)*** Taux d’adéquation du capital 0.453 0.324 (5.17)*** (4.89)*** Taux d’endettement 0.002 0.000 (0.50) (0.08) Constant -0.106 0.360 (0.35) (1.72)* Observations 378 378 Number of IMF 106 106 R-squared 0.66
(***) : Significatif à 1% ;(**) à 5% ; et (*) : 10%
19
Pour éviter les risques de colinéarité parfaite qui rendraient impossible l’estimation nous n’introduirons donc pas les dummies « type institutionnel » que nous avons prévu d’inclure dans nos régressions, car leur effet est déjà pris en compte
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
27
2- Les déterminants de la viabilité selon le type de services offerts On constate que les déterminants de la viabilité financière les IMFs offrant à la fois des services
d’épargne et crédit diffèrent à quelques niveaux de celles qui ne font que du crédit. Présentons les
déterminants communs aux deux types d’IMFs ; le premier est la qualité du portefeuille cependant les
résultats des estimations indiquent que pour le premier type d’IMFs le portefeuille à risque agit
négativement sur le niveau du ratio de viabilité financière ce qui est conforme à nos attentes, par contre il
agit positivement sur la viabilité des IMFs ne faisant que du crédit (la sous section suivante donnera une
explication plausible à ce résultat contraire à nos présomptions). Le rendement sur les actifs constitue le
deuxième déterminant commun. Cependant s’il agit significativement (à 1%) et de manière positive sur
le ratio de viabilité financière pour les deux types d’IMFs, il apparaît par ailleurs que l’ampleur de son
impact sur le ratio de viabilité financière est nettement plus importante pour la première catégorie
d’IMFs. Le coût par emprunteur constitue le troisième déterminant commun important pour les deux
catégories. Il agit négativement et significativement (5% et 1%) sur le ratio de viabilité financière.
Les différences se situent d’une part au niveau des indicateurs de portée et d’adéquation du portefeuille
pour lesquels on remarque que seul le prêt moyen rapporté au PIB par tête est significatif à 1% pour la
première catégorie d’IMFs, par contre le prêt moyen ainsi que le prêt moyen rapporté au PIB par tête sont
significatifs respectivement à 1% et à 10%.
D’autre part au niveau de la productivité des agents de crédit, on remarque qu’elle agit positivement (son
coefficient est négatif) et significativement (à 5%) sur les performances des IMFs qui n’offrent que des
services de crédit.… Par contre la productivité des AC mesurée par le nombre d’emprunteurs par agent
de l’administration, ne semble pas pertinente pour les mutuelles d’épargne et de crédit.
Tableau n° 6: resultats des estimations économétriques par type d’activité.
Operatssf save Operatssf no save par30 0.308 -0.646 (1.98)** (2.43)** Rendements sur actif 5.283 1.863 (13.02)*** (10.65)*** LogCoût/ emprunteur -0.045 -0.199 (2.03)** (4.51)*** logPrêt moyen -0.032 0.277 (0.75) (5.03)*** % de clientèle féminine 0.071 0.169 (0.65) (0.92) Epargnant/agent du staff 0.011 (0.46) logEmprunteur/ agent du staff 0.018 -0.110 (0.39) (2.27)** Prêt moyen/PNB par tête -0.033 -0.093
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
28
(4.33)*** (1.93)* Crédit à l’éco/PIB 0.001 -0.003 (0.56) (0.97) Taux de croissance PIB 1.124 0.918 (2.75)*** (1.73)* Taux d’adéquation du capital 0.347 0.259 (1.95)* (2.55)** Taux d’endettement 0.002 -0.002 (0.40) (0.24) Constant 1.077 0.988 (2.90)*** (1.79)* Observations 158 225 Number of IMFs 49 66 R-squared 0.83 0.71
(***) : Significatif à 1% ;(**) à 5% ; et (*) : 10%
3- Le rôle de la qualité du portefeuille
Nous trouvons que le ratio des prêts en retard de 30 jours impacte positivement le ratio de viabilité
financière des IMFs ayant le droit de collecter l’épargne. A première vue ce résultat infirme nos
présomptions quant à l’effet de la qualité du portefeuille sur performances financières des institutions de
microcrédit. Cependant force est de constater par ailleurs que ce résultat pourrait trouver une explication
logique dans la politique d’expansion et de croissance des IMFs. En effet la croissance des IMFs se
traduit généralement par une augmentation de la taille de leur portefeuille. Or, d’une part cette
augmentation peut traduire l’adoption par l’institution d’une politique de prêt plus laxiste et donc une
augmentation du nombre de prêts en retard à 30 jours. D’autre part une augmentation de la taille du
portefeuille est, toutes choses égales par ailleurs, synonyme d’une hausse des revenus sur intérêt. Ainsi,
la politique d’expansion sera dite maitrisée si l’augmentation relative du portefeuille de l’IMF est plus
que proportionnelle à celle du portefeuille à risque. On peut aller plus loin en énonçant en plus de cette
condition que nous qualifierons de nécessaire, une condition suffisante qui consisterait à dire que pour
que la viabilité financière de l’IMF se trouve améliorer, il faudra que la variation relative des revenus
sur intérêts sur portefeuille soit supérieure au égale à celle du taux de pertes sur prêts et des autres frais
occasionnés par le retard. Dans ce cas les gains en retour sur prêts, vont plus que compenser, les pertes
des prêts non remboursés. Pour vérifier ces deux conditions en vue de valider notre argumentation, nous
réalisons d’abord un test de comparaison de l’évolution moyenne d’une part du taux de variation de la
valeur du portefeuille et celle du PAR30, et ensuite nous réaliserons le même test pour les taux de
variation du rendement sur portefeuille et taux de variation des pertes sur prêts.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
29
Les résultats de ces tests montrent que l’augmentation du PAR30 est supérieure à celle du
portefeuille avec une probabilité de 52,13% mais que par ailleurs la probabilité en faveur de l’hypothèse de
différence positive entre le taux de variation du rendement sur portefeuille et le taux de variation des
pertes sur prêts est de 84%, cette hypothèse est donc plausible. Ainsi, une politique d’expansion bien
maitrisée (se traduisant par une hausse de la taille du portefeuille plus importante que la hausse du
portefeuille à risque et/ou une augmentation des revenus sur portefeuille plus supérieure à celle des
pertes sur prêts) accroit les performances financières des institutions de microcrédit.
Tableau n° 7: Test de comparaison de la moyenne des variations relatives de la valeur du portefeuille et
du PAR30 (on suppose que qu’il n’y a pas égalité des variances des deux variables)
4- La portée de l’activité et l’adéquation de la taille de prêt au contexte économique
Les variables « prêt moyen par emprunteur » et « prêt moyen par emprunteur rapporté au niveau de
revenu moyen » sont introduites pour capter respectivement l’effet de la portée de l’activité des IMFs et
de l’adéquation de la taille des prêts octroyés par l’IMF par rapport au niveau de vie du pays dans lequel
elle évolue. L’estimation économétrique nous montre que le prêt moyen par emprunteur rapporté au
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
30
revenu par tête agit négativement sur la viabilité financière et ce aussi bien pour les IMFs offrant à la fois
des services d’épargne et de crédit que pour celle celui ne faisant que du crédit. Ce résultat est paradoxal.
En effet le ratio prêt moyen rapporté au revenu moyen renseigne sur la capacité de l’IMF à cibler les plus
pauvres… il traduit l’idée que plus les prêts sont bas, plus le coût par unité monétaire prêté est élevé. Il
peut diminuer pour deux raisons : soit parce que le niveau moyen du revenu des populations a augmenté
auquel cas il y aura toutes choses égales par ailleurs une augmentation de la proportion de la population
éligible auprès du secteur bancaire formel, ainsi on assistera donc toute chose égale par ailleurs à un
déplacement de la clientèle des IMFs vers le système bancaire ; soit parce que le prêt moyen a diminué
auquel cas il pourrait y avoir un problème d’adéquation dans la mesure où ceux demandant un montant
de prêt plus élevé sont soit obligés de se contenter de ces faibles montants de prêts soit exclus. En effet
on montre que l’inadéquation de la taille du prêt est à l’origine de problèmes de remboursement des
prêts dans la mesure où les projets ne sont souvent rentables qu’à partir d’une certaine échelle de
production si la taille du prêt octroyé par l’IMF ne permet pas d’atteindre cette échelle, il est donc
probable que la rentabilité du projet financé soit insuffisante pour permettre le remboursement du prêt.
5- Mise en évidence de la relation entre la hausse de la productivité et qualité du portefeuille
Dans cette sous-section, nous tentons de mettre en relation la hausse de la productivité des agents
de crédit avec la qualité du portefeuille. Il s’agit de vérifier si la hausse de la productivité, c'est -à-dire la
hausse du nombre d’emprunteurs par agent de crédit, agit négativement sur les performances parce que la
baisse des coûts par emprunteur qu’elle engendre est peut-être compensée par une détérioration de la
qualité du portefeuille qu’elle pourrait occasionnée (baisse de la rigueur dans le suivi et la supervision)
ou encore que le gain liée à la baisse des coûts par emprunteurs est inferieur à la perte supplémentaire
liée à la baisse de la qualité du portefeuille . Pour cela nous avons procédé à un test de comparaison de la
variation moyenne de la productivité et de la variation de la qualité du portefeuille (mesurée dans un
premier temps par le PAR30 et dans un second temps par le taux de pertes sur prêts). Ce test n’a pas
donné des résultats concluants (voir annexe n°2).
Tous les facteurs analysés jusqu’à présent se réfèrent aux caractéristiques des IMF ; il nous a cependant
paru nécessaire de prendre en compte l’environnement dans lequel elles opèrent et son impact sur leur
viabilité.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
31
6- L’environnement concurrentiel et macroéconomique
La performance financière des IMF dépend aussi de l’environnement économique et institutionnel
dans lequel elles évoluent. La première variable d’environnement retenu est le niveau de développement
financier. A priori le sens dans lequel cette variable agit sur la viabilité financière des IMFs peut être de
deux natures. Une première éventualité, consisterait à considérer que le niveau de développement
financier approximé ici par le volume total des crédits octroyés par le secteur bancaire dans l’économie
rapporté au PIB20 agit négativement sur la viabilité financière des institutions de micro crédit. En effet tel
que mesuré, le développement financier reflète l’aptitude du système bancaire à financer les agents à
besoin de financement de l’économie. Un faible niveau de développement financier se traduirait donc par
un fort degré de rationnement dans l’économie concernée, ce qui laisse une marge de manœuvre au
secteur du microcrédit. Ainsi, si on suppose que le secteur bancaire et celui de la microfinance se
partagent un marché dont la taille est normalisée à 1, si α représente la part du secteur bancaire dans le
volume total de crédits offerts dans l’économie alors 1- α est la part qui revient au secteur du microcrédit.
On conçoit bien que plus α est petit plus la part du secteur de la microfinance sera importante. En
définitive, le faible niveau de développement du système bancaire faible synonyme d’une faible
concurrence joue en faveur du secteur du microcrédit. Une deuxième éventualité, serait qu’un niveau
relativement élevé de développement financier, contraint les IMFs à être performantes si elles veulent
survivre. Elles sont donc amenées à être plus efficientes dans leur gestion, et à améliorer leur système de
gouvernance. Ainsi le niveau de développement financier agirait donc positivement sur la viabilité
financière des IMFs. Cette hypothèse peut être confortée par un effet d’imitation.
Nos résultats nous révèlent cependant que le niveau de développement financier d’un pays n’a
pas d’impact significatif sur la viabilité financière des IMFs qui y évoluent. Ce résultat est révélateur du
fait que dans la plupart des cas, les clients du système bancaire ne présentent pas les mêmes
caractéristiques que ceux des IMFs. En effet les clients des IMFs sont ceux qui n’ont pas accès au
système formel, soit parce qu’ils n’ont pas les garanties suffisantes soit parce que la taille des prêts qu’ils
demandent est faible. Ils sont généralement moins riches que ceux qui s’adressent au secteur bancaire.
Les niches du marché étant différentes, cela explique l’absence de lien entre développement financier et
performance des IMF. Cette absence peut enfin être expliquée par l’hétérogénéité des IMF et des pays
20 L’inverse de ce ratio a été aussi utilisé par Levine et alii 1999 comme proxy de l’intensité du rationnement financier
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
32
inclus dans l’échantillon ; et dans certains cas, c’est le premier effet qui se manifeste et dans d’autres, le
second.
La deuxième variable d’environnement est le taux de croissance économique du pays dans lequel
l’IMF opère. C’est un indicateur du dynamisme de l’économie. Ce dynamisme peut se traduire d’une part
par une hausse de la demande totale de crédit, et d’autre part par une hausse de la composante solvable de
la demande, si on considère qu’en période d’expansion économique la probabilité de réussite des projets
entrepris par la clientèle, est plus forte. Ainsi les IMFs évoluant dans des économies très dynamiques
pourraient, toutes choses égales par ailleurs, voir la taille de leur portefeuille augmenter. Nos estimations
économétriques confirment cette thèse. En effet, elles montrent que le taux de croissance impacte
positivement la viabilité financière des IMFs.
V- Conclusion
Au-delà de l’équilibre financier qu’elle implique, l’autosuffisance financière signifie aussi une
croissance durable de l’IMF, indépendamment des subventions et autres aides. C’est-à-dire sa pérennité.
Elle est cruciale dans la mesure où la croissance durable constitue un signal positif à la fois pour les
prêteurs et pour les emprunteurs de l’institution. A ce titre elle pourrait constituer une condition préalable
à l’enclenchement d’un processus de transformation institutionnelle. Ainsi, les résultats de l’étude des
déterminants de la viabilité financière revêtent une importance particulière. En effet ils nous montrent
que les effets individuels sont conjointement significatifs c'est-à-dire les spécificités de chaque IMF sont
un déterminant potentiel des performances financières et que par conséquent le statut institutionnel, qui
en l’occurrence est une de ces spécificités pourrait être un facteur explicatif non négligeable des
performances financières des institutions de microfinance. Dans ce sens le chapitre suivant abordera les
enjeux et les modalités de la transformation institutionnelle des IMFs, en mettant l’accent sur l’évolution
des différents déterminants des performances sus identifiés.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
33
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ANNEXES Annexe n°1 : statistiques descriptives
Variable Obs. Mean Std. Dev. Min Max Operatssf 599 1.111 .4150 .0074 2.977 par30 552 1.535 15.284 -.0076 219 Rendement sur actif 518 .0323 .13514 -.9742 .8212 Log prêt moyen/emprunteur 616 5.227 1.227 3.332 11.257 % femme cliente 580 .7303 .2827 .019 1 Log coût/emprunteur 506 3.603 1.390 -2.302 6.496 Log emprunteur par agent du staff 588 4.855 .8454 0 7.967 Prêt à l’économie/PIB 928 49.215 23.59 10.482 98.051 prêt moyen/emprunteur/Revenu par tête 606 .7813 2.833 .0236 45.234 IPC 980 .0577 .0515 -.0122 .448 Réserves pour pertes sur prêts 614 .0802 .4493 -.142 9.856 Taux de croissance du PIB 980 .0242 .0281 -.151 .0812 Taux d’adéquation du capital 604 .4681 1.138 .0003 14.523 Taux d’endettement 595 3.040 3.043 .0015 29.564
Annexe 1 : Calcul de l’output index par groupes de revenu
Quand on mesure l’accès aux prêts pour les différents groupes de revenus ((Li), la population
d’individu ayant reçu un prêt est repartie dans n groupes distincts et ordonnés (au plus faible indice i
correspond le plus faible revenu. On suppose que l’objectif social du gouvernement associe une valeur
sociale importante aux prêts octroyés au groupe de faible revenu, comme une approche qui boostera le
développement et allègera la pauvreté.
Soient αi les pondérations sont donc attribuées à chaque groupe de revenu on a Σ αi =1. Ainsi si
la fonction d’utilité gouvernementale poids plus élevé aux prêts accordés aux individus appartenant au
groupe à bas revenu on aura donc αi > αi+1.
Si αi = αi+1 il y a une situation d’indifférence dans laquelle prêter aux individus à haut revenus ou
prêter à ceux à bas revenus procure le même niveau d’utilité au gouvernement.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
35
L’output index pondéré notée OI s’exprime comme suit :
Si le gouvernement n’a pas de préférence pour le financement d’un certain groupe de revenu en priorité,
alors la pondération αi sera la même pour tous les individus. Dans ce cas l’output index non pondéré
s’écrit :
Le ratio pourrait dans ce cas être interprété comme un facteur d’actualisation.
Si,
Ainsi le coût pondéré des subventions est : Cw = Z*C, où C représente le coût réel du capital.
Lorsque Cw <C, alors la communauté bénéficie de la hausse du surplus social parce que la majeure partie
des subventions allouées sont destinées aux groupes à faibles revenus. Autrement dit le coût social net de
la subvention est faible. En revanche, lorsque Cw > C, le coût réel de la subvention est élevé, son coût
social l’est aussi. Dans ce précis peu de prêts octroyés ciblent réellement le segment de la population
ciblé par le gouvernement.
Annexe n°3 : présentation de l’IRS Il est obtenu par la formule suivante :
Où A : l’encours des emprunts concessionnels contractés par l’institution
FP : fonds propres annuels moyens, B : bénéfice avant impôt annoncé et retraité si nécessaire, K : somme
des subventions reçues par l’institution, EC : encours des crédits annuels moyens de l’IMF, i : taux
d’intérêt moyen pondéré appliqué sur l’encours de crédit.
Interprétation : Lorsque : IRS l’IMF a atteint l’autosuffisance financière, lorsque l’IRS vaut 100%
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
36
Annexe n° 4 : Ratios de performance et de qualité de portefeuille
Indicateur Ratio Mesure
Portefeuille à risque (PAR) classé par
ancienneté
Combien peut-on perdre si tous les emprunteurs cessaient de rembourser ? Le classement par ancienneté permet de distinguer les crédits moins risqués (plus le retard est important, plus le risque d’irrécouvrabilité est élevé.)
Taux de
remboursement
Compare le montant remboursé au montant échu/attendu sur une période. Ne donne pas d’inform- ation utile sur les performances de l’encours de crédit
Rendement retraité des actifs totaux
Un ratio de rentabilité dont le dénominateur est le montant moyen du total des actifs évalue la capacité des dirigeants à déployer des fonds sur l'ensemble des actifs.
Taux d’abandon de créances
Coût annuel des impayés, qui doit être compensé par une augmentation du produit des intérêts.
Nombre d’emprunteurs par
agent de crédit
Ce ratio informe sur le nombre de dossiers traités par le personnel de crédit et permet de mesurer sa productivité. Plus le nombre de dossiers par agent est élevé, plus le nombre de clients servis est important
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
37
CHAPITRE-II- Transformation des IMFs : enjeux et modalités
I- Introduction
Depuis un certain temps, on enregistre une dynamique nouvelle au sein du secteur bancaire
formel mais aussi informel dans certains pays. Pour ce qui concerne le secteur formel, on constate une
extension de son activité vers les PMI – PME dont les caractéristiques ressemblent plus à celle des
clients de la microfinance et celle-ci se faisant sans le changement de leur statut. Cependant le processus
de downscalling entrepris par les banques du secteur formel peut-il justifier aussi une extension des
activités des IMFs vers les PMI – PME dont les caractéristiques les rendent inéligibles aussi bien auprès
des IMFs que des banques formelles ? Entreprendre une telle initiative peut impliquer divers
changements aussi bien dans la structure organisationnelle, institutionnelle que dans les méthodes et les
procédures. La problématique de la transformation se pose alors. La transformation au sens juridique,
c'est-à-dire celle qui assure la continuité de la même personne juridique en changeant le statut juridique
sous lequel elle opère. En effet, beaucoup d'institutions de microfinance ont débuté sous le statut d’ONG
en créant un projet de microfinance parallèlement à d’autres projets de développement social financés
principalement par des donations. Lorsque les activités de microfinance prennent de l’ampleur,
l’institution est poussée à se formaliser. Toutefois, la transformation d’une ONG de développement
social en une IMF réglementée ne se limite pas à un simple changement de statut. Selon le contexte
institutionnel et règlementaire dans lequel elle évolue, se transformer impliquera pour elle l’adoption de
nouvelles normes prudentielles, de gouvernance ainsi que l’acquisition d’un personnel compétent pour
répondre aux nouvelles exigences auxquelles elle est astreinte. Le présent chapitre s’évertuera à présenter
une analyse théorique du changement institutionnel, suivi par une exploration du rôle de la viabilité
financière dans le processus de transformation, ensuite il se penchera sur les modalités de la
transformation et finira par une analyse des défis inhérents à la transition et une brève conclusion.
II- Analyse théorique du changement institutionnel
Une réflexion sur l’origine, le rôle des institutions et sur les déterminants du changement
institutionnel est fournie par l’économie institutionnelle. Plusieurs thèses existent sur l’origine des
institutions. Pour North (année), les organisations n’existent que pour permettre la réduction des coûts de
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
38
transaction. Les IMFs (organisations) n’existeraient que parce qu’elles permettent de réduire les coûts de
transaction par rapport au cas hypothétique où les individus rationnés et n’ayant pas accès au crédit et les
individus à capacité de financement disposés à offrir essaieraient d’organiser un échange en dehors de
tout cadre institutionnel. Elles octroient par exemple des crédits à des taux d’intérêt inférieurs à ceux
proposés par les usuriers. Pour Williamson (année) les organisations permettent en partie de résoudre les
problèmes liés à l’asymétrie informationnelle. Dans ce contexte quels facteurs pourraient t-ils motiver le
changement institutionnel? Les résultats escomptés? Les enjeux pour les parties en présence ainsi que le
pouvoir de négociation? La certitude des résultats escomptés et le comportement des agents en présence,
vis à vis du risque et de l’incertitude?
III- La viabilité financière, condition nécessaire à la transformation ? : Approche
analytique
Dans un document de travail du FIDA, un auteur ( ? et année) affirme que « Seules les IMF
ayant prouvé qu'elles étaient capables de mobiliser les ressources, de couvrir leurs frais, de faire des
bénéfices et de se développer avec dynamisme méritent d'être aidées (liens ?). De telles institutions
existent dans tous les secteurs financiers (officiel, semi-officiel ou informel). Les gouvernements, avec
l'appui des donateurs, devraient être encouragés à élaborer un cadre juridique adéquat pour faire passer
les IMF de la catégorie informelle à semi-officielle puis à la catégorie des établissements officiels; et à
créer des réseaux et des organisations faîtières assurant encadrement, formation, services de conseil,
autoréglementation et supervision, échange de liquidités et refinancement ».
En fait deux théories concurrentes s’opposent à ce sujet (comme évoqué dans le chapitre
précédent), l’une dite institutionnaliste pour laquelle la meilleure manière pour les IMFs d’atteindre la
majorité de la population serait d’intégrer le système financier formel, la viabilité s’avère donc être un
préalable pour l’institution candidate à l’intégration des marchés; l’autre dite welfariste qui stipule par
contre que le plus important serait de se concentrer sur l’amélioration des conditions de vie des
populations les plus pauvres et ce, même si l’IMF doit recourir indéfiniment aux subventions pour
atteindre cet objectif. Pour les tenants de cette approche, la transformation ou l’intégration des marchés
n’est pas à l’ordre du jour. Nous étayons ce propos à travers une approche analytique proposant quatre
cas de figures :
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
39
Cas n°1 : l’institution est viable ex ante et s’est transformée par la suite : l’approche institutionnaliste.
Dans ce cas la viabilité ex ante d’une IMF agit comme un déterminant de la décision de se
transformer d’une part en augmentant sa capacité d’autofinancement et donc en améliorant son passif elle
permet à l’institution viable non seulement d’avoir une plus grande marge de manœuvre dans ses sources
de financement interne mais aussi externe et d’autre part en accroissant la crédibilité et l’image de
l’institution auprès des banques et du marché en général elle augmente la probabilité de succès d’une
décision de transformation de l’IMF. La théorie économique, stipule que les investisseurs sont guidés
dans leur décision d’investir par l’opportunité du gain à ce titre une institution viable ex ante leur fournit
un bon signal. En outre l’objectif de toute organisation est de croître (l’extension de l’activité permet de
réaliser des économies d’échelle certes ; mais ce n’est pas toujours le cas, car l’extension doit être
accompagnée d’une efficience dans la gestion et le contrôle des coûts). La réalisation de cet objectif peut
impliquer que l’IMF procède d’abord à une transformation institutionnelle et ce, dans le but d’accro ître
sa capacité à mobiliser les fonds auprès des banques, auprès de la clientèle par les mécanismes du
marché, d’améliorer sa gouvernance mais aussi d’étendre ses services à d’autres tranches de la
population. Une telle initiative est facilitée par la réalisation de bonnes performances. Dans le moyen et
long terme il s’agit d’assurer la viabilité ex post, c'est-à-dire de maintenir dans une moindre mesure la
tendance de la performance financière enregistrée ex ante, et/ou de l’améliorer.
Ici la décision de se transformer pourrait bien être motivée par les trois facteurs cités ci-dessus avec des
intensités différentes, tout dépend de l’institution.
Cas 2 : Institution viable et non transformée
Trois cas de figures sont à distinguer :
Certes la transformation institutionnelle comporte des avantages et opportunités pour
l’institution qui se transforme, mais elle comporte aussi, outre l’incertitude dont est sujette tout processus
de transformation, des exigences en matière de gouvernance, de résultats, de gestion financière. On
pourrait imaginer un cadre conceptuel dans lequel les institutions compareraient les avantages et
opportunités qu’offrent la transformation aux exigences qu’elle sous tend mais aussi à l’incertitude quand
au résultat du processus. Ainsi les IMF averses au risque seraient conduites à ne pas entreprendre la
transformation, même lorsqu’elles sont viables. La décision de ne pas se transformer peut aussi résulter
de la comparaison des coûts de la transformation et avantages de la transformation aux coûts et avantages
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
40
du statut quo, et proviendrait donc du fait que les avantages nets de la transformation sont inférieurs à
ceux du statut quo ou que cette catégorie d’IMFs sur pondère les coûts par rapport aux gains.
Cela pourrait aussi traduire le fait que la viabilité ne soit pas le seul facteur déterminant de la
transformation. Il existerait d’autres déterminants observés ou inobservés, qui en l’occurrence agiraient
en faveur ou en défaveur de la décision de se transformer et ce, en dépit des performances financières de
l’IMF. On distingue d’une part les facteurs tels que la gouvernance ex ante, le contexte institutionnel
(cadre réglementaire du pays dans lequel l’IMF évolue) qui influencent indirectement la décision de se
transformer à travers la performance financière, mais qui pourrait aussi influencer directement la
décision de se transformer, indépendamment de la performance financière (la structure institutionnelle
des IMF).
Le biais en faveur du statut quo : traduit le fait que les organisations n’aiment pas le changement. C’est
toute la problématique du changement institutionnel qui est évoquée ici.
Cas n°3 : institution non viable ex ante et transformée
Quoique probablement hypothétique, ce cas de figure est intéressant et conduit à plusieurs
interrogations. Qu’est ce qui pourrait conduire une institution à procéder à une démarche en vue d’une
transformation institutionnelle en dépit du fait qu’elle ne soit pas financièrement viable ? Quelle est la
faisabilité et la probabilité de succès d’une telle alternative ? Quel est le rôle de la gouvernance ex ante ?
Les raisons qui pourraient pousser une IMF non viable à chercher à se transformer : ce sont tout d’abord
l’espérance que la transformation agira positivement en faveur d’une viabilité ex post et ce, à travers
l’amélioration de la gouvernance, l’accès plus facile à des sources de financement les économies
d’échelle qui résulteraient d’une éventuelle l’extension de son activité.
Dans ce contexte la faisabilité et la probabilité de succès d’un tel processus est infime voire nulle. Une
institution non viable financièrement peut-elle inspirer confiance aux épargnants, aux banques ou aux
investisseurs qui désireraient prendre part au capital de l’institution transformée ? Tout l’enjeu se trouve
à ce niveau : acquérir la confiance des clients, des banques et des investisseurs. Il faudra que l’institution
fournisse la preuve qu’à court terme et au pire dans le moyen terme elle sera à même d’atteindre de très
bonnes performances financières. La gouvernance ex ante pourra jouer un rôle important dans la
construction de la confiance, car le sérieux et la rigueur dont font preuve les dirigeants de l’IMF, le CA
… peuvent fournir la preuve que les performances actuelles de l’IMF pourraient être améliorées. Tout
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
41
dépend aussi du chemin qui reste à parcourir pour atteindre la viabilité financière. En l’occurrence les
ratios d’équilibre financier ne doivent pas être aussi très alarmants.
A quelles options institutionnelles une institution non viable devra-t-elle prétendre et pourra-t-elle
parvenir ? En d’autres termes, en amont de ces conditions, l’IMF sera-t-elle autorisée à se transformer si
elle ne vérifie pas, aux yeux des autorités de supervision, les minima requis.
Cas n°4 : institution non viable ex ante et non transformée
Si les ratios d’équilibre financier sont critiques, par exemple si l’indice de recours aux subventions est
élevé, si le taux de non remboursement est très élevé… si l’institution n’est pas viable et elle loin
d’atteindre la viabilité financière à court et moyen terme, il lui sera difficile d’acquérir la confiance des
épargnants potentiels si la transformation lui permet de collecter l’épargne publique, ou la confiance des
banques pour que celles-ci lui octroie plus d’emprunt ou encore la confiance du marché si toute fois elle
voulait émettre de titres sur le marché. Les autorités ne l’autoriseront pas.
IV- Les modalités de la transformation
Il apparaît clairement qu’une grande variété d’institutions peut avoir sa place sur le marché. Il existe
de nombreuses options qui reposent sur différentes forces propres à chacune. Les banques commerciales
publiques, les institutions financières issues d’ONG, les caisses d’épargne, les banques commerciales
privées et les mutuelles de crédit, toutes peuvent servir ce marché, que leur objectif soit commercial,
social ou les deux. Cependant la forme juridique d’une entreprise constitue à la fois, un outil
organisationnel, en lien avec une gouvernance souhaitée, un rapport à l’investissement et au capital, un
message à destination des tiers (grand public, investisseurs, autorités publiques, …). S’agissant de la
microfinance, les trois dimensions sont également importantes, et à prendre en compte dans une optique
d’évolution institutionnelle des IMFs en vue de satisfaire à la fois à leurs objectifs de développement et
de diversification, et aux contraintes réglementaires normalement prévisibles qui pourraient en résulter.
IV-1- Typologie et implication des formes juridiques adoptées
1- La Transformation comme passage du statut d’ONG au statut de société Coopérative
Dans certains cas, la coopérative de crédit est issue d’une ONG, qui s’est transformée de façon à
pouvoir collecter des dépôts. Cooperativa Emprender en Colombie et ACEP au Sénégal en sont deux
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
42
exemples. Dans d’autres cas, la coopérative de crédit a simplement élargi sa portée au sein d’une
communauté pour toucher les microentrepreneurs. Bien que les coopératives de crédit mobilisent
l’épargne de leurs clients-membres, elles sont dans de nombreux pays non réglementées ou bien le sont
de manière minimale.
En Afrique, subsaharienne la tendance est plutôt en faveur de ce type de transformation qui a l’aval des
autorités monétaires et de supervision.
2- Transformation par le passage du statut d’ONG au statut de société anonyme
C’est la forme la plus répandue. Les ONG qui se sont transformées en sociétés anonymes ont adopté
une des trois formes principales. Certaines remplissent les conditions requises pour être de véritables
banques commerciales et à ce titre, se conforment à la réglementation régissant une banque (comme
BancoSol et Mibanco). D’autres sont devenues des institutions financières de dépôt – en Bolivie et en
Ouganda, une nouvelle catégorie d’institution financière a été en fait créée pour fournir des services de
microfinance. Quelques organisations se sont transformées en institutions financières qui ne prennent pas
de dépôts. L’exemple le plus pertinent de ce type de transformation est probablement le cas de
Compartamos au Mexique, l’une des trois institutions dans le peloton de tête en Amérique latine, en
termes de nombre de clients elle a plus de 100 000 clients.
Selon Beth (année), quatre raisons peuvent motiver le passage du statut d’ONG à celui de Société
anonyme.
L’élargissement des sources de financement
La première raison est l’accès au financement afin d’attendre leur capacité de se développer.
L’accès aux sources de financement des banques commerciales a été le moteur de la transformation plus
particulièrement dans les cas de transformations enregistrées en Amérique Latine. Les institutions se
rendaient compte qu’il leur fallait s’agrandir et elles se sentaient prêtes à le faire, le marché était là, le
besoin existait, mais à moins qu’elles transforment leurs sources de financement, elles ne pourraient pas
enregistrer une croissance à un taux suffisant pour répondre au marché. Et cela les obligea à changer la
nature de leur organisation pour être en mesure d’accéder aux sources commerciales de financement.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
43
Le test ci après portant sur la variation moyenne du taux d’endettement de sept IMFs transformées21,
confirme bien les raisons évoquées précédemment. En effet d’un côté ils établissent que l’augmentation
moyenne du taux d’endettement dans la période avant transformation a été moins importante que dans la
période après transformation. Il a été de 23,87% en moyenne après la transformation contre un taux de
croissance moyen de 1,25% dans la période avant transformation.
Tableau n° 9 : Taux de variation du ratio d’endettement Group Obs. Mean Std. Err. Std. Dev. [95% Conf. Interval] avant 24 1.249 .4709 2.307 .2752 2.223 après 36 23.875 23.877 143.26 -24.597 72.348 combined 60 14.825 14.319 110.91 -13.827 43.477 diff -2.626 29.329 -81.336 36.083 diff = mean(0) - mean(1) t = -0.7714 Ho: diff = 0 degrees of freedom = 58 Ha: diff < 0 Ha: diff != 0 Ha: diff > 0 Pr(T < t) = 0.2218 Pr(|T| > |t|) = 0.4436 Pr(T > t) = 0.7782
Lorsque nous considérons les IMFs prises individuellement comme nous l’indique les
graphiques ci après, l’évolution du taux d’endettement est assez contrastée. On enregistre comme le test
précédent l’indique une augmentation taux d’endettement beaucoup plus accentuée pour les IMFs CEO
FUTURO, MIBANCO, PRODEM et FIE après la période de transformation. Cependant l’évolution du
taux d’endettement est accompagnée d’une baisse du taux d’adéquation du capital (Capital/total actif) en
moyenne pour ces IMFs dans la période après transformation, traduisant ainsi une sorte de phénomène de
substitution progressif du financement par fonds propres (subvention, …) par le financement par
l’endettement commercial. Certaines IMFs solides ont accumulé un niveau élevé de capitaux propres,
souvent par le biais de bailleurs de fonds ou de bénéfices non distribués. Elles ont alors plus intérêt à
augmenter leur endettement qu’à lever de nouveaux fonds propres. Ainsi, des données recueillies sur
l’Amérique latine révèlent que les IMF ont cherché à exercer un meilleur effet de levier sur leurs
capitaux propres et à augmenter leurs emprunts commerciaux, réduisant ainsi la part relative de leurs
fonds propres dans la structure du capital (Von Stauffenberg, 2004, p. 5).
Par contre pour les IMFs COMPARTAMOS, FINSOL et CARD PHILIPPINES on enregistre un
taux d’endettement quasi constant voire décroissant après la transformation. En ce qui concerne
COMPARTAMOS il faut dire qu’elle a procédé à une autre forme de mobilisation de ressources. En effet
elle a été l’une des premières à lancer une OPV (offre public de vente) dans le domaine de la
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
44
microfinance. L’OPV a été sursouscrite 13 fois, ce qui peut être considéré comme un succès important
dans tout marché financier. La demande n’ayant pas pu être satisfaite, le prix des actions, (qui
représentaient 30% des droits de propriété de la banque), grimpa jusqu’à atteindre 22% de hausse dès le
premier jour d’échange. La demande était liée à la croissance et la rentabilité exceptionnelles de
Compartamos, une pénurie d’investissements mexicains sur les marchés émergeants, une valeur rare, une
gestion solide de l’organisation et l’intérêt suscité par la microfinance. Le succès spectaculaire de l’OPV
fut une étape importante pour Compartamos et pour le secteur de la microfinance. Les actions ont été
achetées par les gestionnaires de fonds internationaux habituels et d’autres investisseurs commerciaux, et
non par des investisseurs socialement responsables. Cet événement a probablement renforcé
significativement la crédibilité de la microfinance sur les marchés des capitaux commerciaux et accéléré
la mobilisation du capital privé pour financer l’offre de services financiers aux pauvres et personnes à
faible revenu. Pour cette deuxième catégorie d’IMFs, il semblerait que la substitution se soit faite plutôt
en faveur du financement par ressources propres. Le cas de Compartamos en est illustratif car lorsqu’une
partie non négligeable des profits ne sont pas redistribués mais incorporer comme réserves cela contribue
à une augmentation des fonds propres.
Graphique n° 1: Evolution du taux d’endettement
Source : construit à partir des données du mix market
Graphique n°2: Evolution du taux d’adéquation du capital
0
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10
15
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5
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1995 2000 2005 2010 1995 2000 2005 2010
1995 2000 2005 2010
CARD PHILIPPINES (1986) CEO FUTURO COMPARTAMOS (1990)
FIE (1985) FINSOL (1997) MIBANCO (1992)
PRODEM (1986)
year Graphs by col1
Taux d’endettement
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
45
Source : construit à partir des données du mix market
La poursuite du processus de croissance
La deuxième raison qui peut motiver la transformation est le désir de poursuivre le processus de
croissance dans lequel l’ONG est engagée. A mesure qu’elles se développent et deviennent plus matures,
les institutions peuvent parvenir à un point où elles ne peuvent plus créer d’effet de levier sur leur base de
capital. C’est alors le moment pour elles de se tourner vers la mobilisation de fonds propres
supplémentaires. Les ONG qui se sont transformées ont vraiment été en mesure de croître. Beaucoup
d’entre elles ont étendu de manière significative leur rayon d’action tout en maintenant la qualité de
l’actif et la rentabilité à un niveau élevé. BancoSol, avait été classée comme la « Meilleure Banque en
Bolivie » pendant quatre années d’affilée (1995-1998). En 1998, elle a réalisé une rentabilité des actifs de
5,2%, son taux de risque du portefeuille était de 0%, l’adéquation des fonds propres de 16,3% et le
rendement sur patrimoine de 29%.
En Afrique, la poursuite de la croissance est l’une des motivations de la transformation, mais la deuxième
force principale est le désir d’offrir des services d’épargne. Ce n’est pas seulement l’importance des
épargnes qui retient l’attention, mais il faut aussi considérer le niveau de la demande.
0
.5
1
0
.5
1
0
.5
1
1995 2000 2005 2010 1995 2000 2005 2010
1995 2000 2005 2010
CARD PHILIPPINES (1986) CEO FUTURO COMPARTAMOS (1990)
FIE (1985) FINSOL (1997) MIBANCO (1992)
PRODEM (1986)
Taux
d’adéquation
du capital
year Graphs by col1
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
46
Les graphiques n°3 et 4 ci après illustrent l’évolution de la taille du portefeuille sur la période
1996 -2006 ; ils indiquent une augmentation exponentielle de la valeur total du portefeuille pour les IMFs
COMPARTAMOS, PRODEM, MIBANCO et FIE (format) après l’année 2001 (période succédant à la
transformation) et une quasi stabilité de la valeur total du portefeuille pour les IMFs CARD Philippines
et CEO FUTURO.
Tableau n°10: Nombre d’emprunteurs actifs
Emprunteurs actifs Au moment de la transformation
A la fin de la 1
ère année
A la fin de la 2
ème année
BancoSol(1992) 27 000 49 000 61 000 Caja Los Andes (1995) 5 000 16 000 24 000 Mibanco (1998) 36 000 41 000 58 000 Compartamos (2000) 64 000 79 000 100 000 Source : Séminaire d’AfriCap – Financement de la Croissance des Institutions de Microfinance en Afrique
Graphique n° 3 : Evolution de la taille du portefeuille
Source : graphique construit à partir des données du mix market
0 200
400
600
0
200 400
600
0
200
400 600
1995 2000 2005 2010 1995 2000 2005 2010
1995 2000 2005 2010
CARD PHILIPPINES (1986) CEO FUTURO COMPARTAMOS (1990)
FIE (1985) FINSOL (1997) MIBANCO (1992)
PRODEM (1986)
Taille du portefeuille
year Graphs by col1
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
47
L’acquisition d’un degré de professionnalisme (voir évolution du coût par emprunteur, nombre
d’emprunteur par agent de crédit…).
En troisième lieu acquérir un degré de professionnalisme opérationnel pour devenir plus résistant et
robuste constitue une motivation à la transformation institutionnelle. En effet le marché est impitoyable
et seules les organisations les plus efficaces arrivent à y survivre. En considérant notre échantillon de 7
IMFs transformées (voir chapitre III dans lequel, nous analysons l’impact sur les performances), nous
constatons d’une part qu’effectivement que le ratio frais opérationnels sur prêt a nettement baissé après
l’année 2001 et ce, pour la quasi-totalité des IMFs considérée (sauf pour CARD Philippines), ce résultat
pourrait bien corroborer l’hypothèse selon laquelle les IMFs agissent avec plus de professionnalisme et
serait de ce fait plus efficiente qu’avant leur transformation. D’autre part l’évolution du coût par
emprunteur vient mettre un bémol à cette constatation puis que l’on note une tendance haussière du coût
par emprunteur pour six des sept IMFs considérées. Cette tendance pourrait s’expliquer par le type de
croissance adoptée par l’IMF. En effet, si l’IMF opte pour une croissance extensive c'est-à-dire basée sur
la création accélérée de nouvelles agences et le recrutement de nouveaux chargés de prêts, celle- ci se
fait en général au détriment de la productivité. Dans la plupart des cas le développement du réseau a
entraîné des coûts d’infrastructure, de personnel, de systèmes de contrôle et de communication qui n’ont
pas été compensé par une augmentation aussi rapide du nombre de clients et du portefeuille de la banque.
De ce fait, le coût moyen d’un prêt (montant total des coûts / nombre moyen des prêts en cours) a connu
une hausse assez soutenue.
Graphique n° 4 : Evolution du coût par emprunteur
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
48
Source : graphique construit à partir des données du mix market Graphique n°5 : Evolution des frais opérationnels par prêt
Source : graphiques construits à partir des données du mix market
Augmenter leur indépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds
0 100
200
300 400
0
100 200 300 400
0
100 200 300 400
1995 2000 2005 2010 1995 2000 2005 2010
1995 2000 2005 2010
CARD PHILIPPINES (1986) CEO FUTURO COMPARTAMOS (1990)
FIE (1985) FINSOL (1997) MIBANCO (1992)
PRODEM (1986)
Coût par
emprunteur
Year
0
.2
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1995 2000 2005 2010 1995 2000 2005 2010
1995 2000 2005 2010
CARD PHILIPPINES (1986) CEO FUTURO COMPARTAMOS (1990)
FIE (1985) FINSOL (1997) MIBANCO (1992)
PRODEM (1986)
Frais operat
Sur prêt
Year
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
49
La quatrième raison repose sur le fait que les institutions veulent acquérir plus d’indépendance par
rapport à leurs bailleurs de fonds. Cette indépendance n’est que la résultante de la diversification des
sources de financement, exposée un peu plus haut.
IV-2- Implications de la transformation sur la gouvernance
Plusieurs formes de capital social se substituent aux capitaux purement privés, provenant de quatre
sources principales : ONG, investisseurs privés, entités publiques et fonds de placement spécialisés.
Chaque type d’investisseur a ses propres intérêts en jeu. Comprendre ce que les détenteurs du capital sont
prêts à perdre ou souhaitent gagner éclaire les facteurs qui contribuent à la bonne gouvernance d’une
institution de microfinance.
1- Cas des ONG à but non lucratif
Si certaines ONG sont devenues ou ont créé des institutions réglementées dans le but d’accéder à des
montants de capitaux plus élevés et/ou d’offrir des services d’épargne, la grande majorité des institutions
de microfinance du monde entier opèrent en tant qu’institutions à but non lucratif ou ONG. Il est donc
important de connaître les forces et les faiblesses de la structure de gouvernance des ONG de
microfinance.
Dans le cas des organisations à but non lucratif, il n’existe aucun propriétaire du capital. Les
ressources financières des IMF à but non lucratif sont octroyées par des bailleurs de fonds, sous forme de
subventions ou de prêts concessionnels au départ, mais à taux commerciaux par la suite. Il peut s’agir de
fondations privées, d’agences nationales d’aide au développement, d’institutions multilatérales22, ou
encore d’individus. A l’égard de qui le conseil d’administration des institutions à but non lucratif
endosse-t-il alors une responsabilité fiduciaire ? Ou devant qui est-il responsable ? S’il est possible
d’identifier avec certitude différents acteurs clés dans le contexte des ONG, la réponse à la question de la
responsabilité dépasse chacune des composantes identifiées. Le conseil d’administration d’une ONG est
d’abord et avant tout responsable envers la mission institutionnelle telle qu’elle est définie et approuvée
par le conseil existant et les précédents. 22
Aux premiers stades de son développement, l IMF utilise ce capital à la fois pour son fonctionnement et pour financer son fonds de crédit. Plus tard, après avoir acquis un certain niveau d’autosuffisance, le portefeuille de crédit est souvent financé par des institutions financières locales (à des taux commerciaux)
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
50
S’il existe des problèmes potentiels de gouvernance liés au type de propriété dans ce type d’institutions il
n’en demeure pas moins que certaines raisons peuvent amener les membres du conseil d’administration à
s’acquitter de leurs devoirs avec loyauté et diligence. En premier lieu il faut noter que dans la mesure où
les membres du conseil d’administration sont fortement engagés envers l’institution , ils seront amenés à
remplir sérieusement leurs devoirs. En second lieu la réputation et la crédibilité personnelle de chaque
administrateur, publiquement associées au succès ou à l’échec de l’institution, constituent également un
élément de motivation clé dans la mise en place d’une bonne gouvernance.
2- Cas des sociétés coopératives
Les coopératives d’épargne et de crédit, ou mutuelles de crédit, dans lesquelles les propriétaires
sont également les clients de l’institution, constituent une autre forme de structure de participation dans
le domaine de la prestation de services au secteur des microentreprises. Selon certains experts du
mouvement coopératif, comme Brian Branch et Christopher Baker, le manque de réglementation des
coopératives de crédit, combiné à une gouvernance inefficace de la part du conseil d’administration de
ces institutions, a conduit à l’insolvabilité de la mutuelle, a des chances de s’améliorer. Les épargnants
nets, ayant davantage d’argent en jeu, vont suivre la direction de plus près . l’insolvabilité de beaucoup
d’entre elles (sens ??? phrase). Branch et Baker exposent un certain nombre de problèmes de
gouvernance liés au modèle coopératif :
Contradiction des priorités
Le premier problème est lié à la contradiction possible entre les priorités des administrateurs nommés
(eux-mêmes clients de l’IMF) et des directeurs engagés par contrat d’une part, et celles des propriétaires-
membres d’autre part. Si une telle contradiction peut survenir dans n’importe quelle institution
financière, plusieurs traits caractéristiques des coopératives de crédit, ont un impact supplémentaire sur
cette dynamique. Les propriétaires membres sont des clients répartis en deux catégories : les «
épargnants nets » et les « emprunteurs nets ». Chaque catégorie ayant ses propres intérêts et priorités
concernant le fonctionnement et la situation financière de la coopérative de crédit. C’est pourquoi les
coopératives de crédit ne sont pas seulement confrontées à la séparation habituelle entre propriété et
pouvoir décisionnel, mais doivent aussi s’attendre à la divergence d’objectifs des propriétaires du capital,
traitée ci-dessous de manière plus détaillée.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
51
Représentation des propriétaires au conseil d’administration
Le deuxième problème de gouvernance des coopératives de crédit est la tendance à la représentation
inégale des intérêts des deux catégories de clients (épargnants nets et emprunteurs nets) au conseil
d’administration. Ainsi, dans les coopératives de crédit d’Amérique latine, les emprunteurs nets sont
généralement dominants. Cette domination résulte de l’objectif premier des mutuelles de proposer des
crédits peu coûteux aux emprunteurs. Dans cette structure de services classique, l’épargne ne retenait que
peu l’attention, et c’est pourquoi les coopératives de crédit ne parvenaient pas à attirer l’épargne des
membres au-delà du montant requis pour servir de garantie aux prêts octroyés par l’institution. La
domination des emprunteurs vient aussi du fait que des organisations internationales ont octroyé des
lignes de crédit subventionnées aux coopératives de crédit, décourageant ainsi la mobilisation de
l’épargne. De la même manière, les sanctions des impayés sur ces fonds externes ont été minimales et
ont encouragé les retards de remboursement. Il n’est donc pas surprenant que les épargnants nets aient été
très peu attirés par ce type d’institutions financières. Selon Branch et Baker, l’expérience a montré que la
gouvernance est meilleure dans les coopératives de crédit où la proportion d’épargnants nets et
d’emprunteurs nets est équilibrée. Les épargnants nets sont plus à même de mettre la direction en face de
ses responsabilités, parce qu’ils ont un intérêt dans la rentabilité de l’institution, laquelle contribue à
assurer la pérennité à long terme de la coopérative de crédit. En outre, ils peuvent menacer de retirer leurs
dépôts. Par contraste, les emprunteurs nets ont une vision à beaucoup plus court terme, et privilégient les
politiques qui amoindrissent la pérennité financière, comme les faibles taux d’intérêt des crédits.
Les coopératives de crédit peuvent rééquilibrer la structure de propriété en réorientant des services, par
l’ajustement des taux d’intérêt, la limitation du recours au crédit subventionné, et la commercialisation
active des services d’épargne. Selon Branch et Baker, lorsque les comptes d’épargne des clients aux
revenus moyens augmentent en nombre et en montant, la gouvernance est poussée à s’améliorer.
Supervision et réglementation prudentielles. Le troisième problème vient du manque de supervision et de réglementation prudentielle des
coopératives de crédit. Parce qu’elles ne se procurent pas de capitaux sur les marchés financiers, elles ne
sont pas soumises aux contrôles fiscaux, alors qu’elles captent l’épargne de leurs membres. Lorsqu’elles
sont appliquées de manière efficace, la supervision et la réglementation prudentielles empêchent une
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
52
prise de risque excessive de la part du conseil d’administration et de la direction sous contrat, et
protègent ainsi les membres de la coopérative de crédit et leur épargne.
3- Cas de la société anonyme
Une définition précise et claire des objectifs est un facteur très important pour la réalisation de
bonnes performances. La SA est caractérisée par une structure de propriété qui confère au détenteur un
certain pouvoir de décision au prorata des parts détenues lors des assemblées générales du conseil
d’administration. De même la direction générale qui est chargée de la gestion est tenue de définir des
objectifs annuels ou périodiques à atteindre et de rendre compte des performances de l’institution. A cela
il faut ajouter que la pression provient aussi du marché car lorsqu’une institution est mal gérée ou réalise
de mauvaises performances, elle donne un mauvais signal au marché sur sa santé financière et ses
perspectives de rentabilité à court et moyen terme, il advient donc que le cours de ses actions va
inexorablement subir une baisse. A ce titre, la forme juridique SA permet de pallier le manque de
supervision relever dans les coopératives. La forme juridique SA correspond au statut institutionnel de
banque ou à celui « d’institution financière non bancaire ».
Ce débat suggère que les différents types d’institutions de microfinance comportent des faiblesses
structurelles liées à la propriété, qui peuvent nuire à l’efficacité de ces institutions dans le domaine de la
microfinance. Dans le cas des ONG, il n’y a pas de véritables propriétaires. Pour les banques
commerciales, le fait qu’elles soient centrées sur la maximisation des bénéfices et que la microfinance
soit mal représentée au conseil d’administration apparaît comme un point faible structurel. Enfin, dans le
cas des coopératives de crédit, la divergence d’intérêts des épargnants nets et des emprunteurs nets peut
engendrer de graves conflits au niveau du conseil d’administration.
Comprendre les caractéristiques structurelles de ces différents types d’institutions doit normalement
permettre de les différencier les unes des autres, mais cela ne suffit pas pour catégoriser les types
d’institutions offrant le meilleur modèle de propriété. La propriété demeure intrinsèquement liée à une
gouvernance efficace. Cependant il apparaît que l’une des formes juridiques les plus appropriées est la «
société anonyme ». Elle correspond soit au type institutionnel « institution bancaire » soit au type
« institution financière non bancaire » qui présentent des avantages tant en ce qui concerne la structure de
propriété qu’au niveau de la clarté des objectifs toute chose pouvant déboucher sur une meilleure
gouvernance.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
53
IV-3- Implications de la transformation sur l’investissement
En se développant, les institutions ont atteint des niveaux croissants de sophistication. Les
institutions les plus performantes réussissent à atteindre le seuil de rentabilité – couvrant toutes les
charges au moyen des revenus dégagés par la prestation de services financiers. Les institutions qui ont
cherché à augmenter sensiblement le nombre de micro entrepreneurs atteints, et pour certaines, à étendre
les types de produits offerts à ce secteur donné (par exemple en introduisant l’épargne), se sont tournées
vers des sources privées de financement et se sont transformées en institutions réglementées solides.
Parce que les bénéfices constituent un facteur clé pour attirer des fonds privés, les institutions de
microfinance ont la difficile tâche de concilier un objectif social et un objectif financier : toucher un
grand nombre de micro entrepreneurs disposant de revenus faibles (les segments pauvres du marché) tout
en générant des bénéfices.
IV-4- Le rôle du cadre institutionnel et réglementaire
L’importance des barrières à l’entrée permet-elle aux conditions de la transformation de constituer
un instrument efficace pour assurer un financier viable ? Dans certains pays ils existent des conditions à
l’exercice de l’activité en tant que banque. L’exigence d’un capital minimum pour l’exercice de l’activité
en tant que banque en est une. Il s’agit d’une barrière économique à l’entrée pour des IMF (telles que les
coopératives) qui réalisent de l’intermédiation financière (recours à l’épargne du public pour l’octroi de
crédits). Les IMFs espérant réalisé avec succès leur processus de transformation doivent alors tenir
compte de ces normes. En outre les ratios prudentiels peuvent constituer un obstacle à la transformation.
Pour le secteur de la microfinance les difficultés peuvent survenir des conditions à remplir pour
l’obtention d’un agrément bancaire et du respect de certaines normes (en particulier en matière de
contrôle interne, de surveillance des risques et de gouvernance) que l’IMF devra surmonter par une mise
à niveau d’un système adéquation de gestion de l’information financière et comptable et par la conduite
d’audits internes réguliers.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
54
V-Les expériences internationales en matière de transformation : les défis inhérents à la
transition
Toutes ces organisations transformées, quelle que soit la forme adoptée, partagent une particularité
fondamentale : elles ont toutes des actionnaires et sont des sociétés à but lucratif. Ainsi, au fond de leur
transformation, réside la question de savoir : « que signifie s’arrêter d’opérer comme ONG pour devenir
une société à but lucratif, contrôlée par des actionnaires ?
V-1- Les défis de la baisse des taux d’intérêts pratiqués
On évoque souvent comme principal obstacle à la transformation des IMFs en institutions
commerciales le fait que le secteur du microcrédit pratique encore des taux très supérieurs à ceux du
secteur bancaire. L’expérience a montré que les IMFs même après s’être transformées continuent à
charger des taux d’intérêt très élevés comparativement au secteur bancaire. En fait tout dépend de
l’évolution dans la niche de clientèle ciblée par l’IMF après la transformation. Si elle évolue vers des
niches plus aisées en augmentant le montant de prêt moyen octroyé, il est vraisemblable qu’elle puisse
proposer un taux d’intérêt plus bas du fait de « l’effet économies d’échelles » dont elle bénéficie. Par
contre si elle continue d’évoluer dans la même niche qu’avant la transformation il est probable que le
taux proposé soit peu différent de celui avant transformation. Un examen du cas de COMPARTAMOS
permet d’avoir un éclaircissement à ce propos. En effet après sa transformation en institution financière
non bancaire, cette IMF est restée fidèle à sa politique de prêt avant transformation en continuant à
proposer des montants de prêts moyens très faibles. Comme exemple, les prêts de Compartamos sont
exceptionnellement petits comparés au revenu national brut par tête, soit seulement 5,4% en 2005,
comparé à une valeur médiane de 43,5% pour les IMF dans le monde. Il en résulte que ses coûts
administratifs sont inévitablement bien plus élevés que la moyenne et ses taux d’intérêt doivent donc
aussi être plus élevés. Comme le montre le graphique ci après, sur les 88,3% de revenu d’intérêt perçu
en moyenne sur chaque prêt 51,38% vont aux frais de gestion, comparativement aux IMFs mexicaines
offrant des prêts d’un montant plus élevé qui chargent en moyenne 29,1% pour les IMFs du bas marché
et 41,2% pour les IMFs caisses villageoises.
Tableau n° 11 : Rendement des intérêts et taille des prêts : Compartamos comparé à deux groupes de comparaison constituées d’IMF mexicaines (MBB (2005))
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
55
Solde moyen des prêts en
% du Revenu par tête
Rendement des intérêts
Compartamos 5,4% 86,3%
IMFs sur le bas du marché 15,5% 29,1%
IMF caisses villageoises 22,7% 41,2%
Source : Une étude de cas sur les taux d’intérêts et les profits de la microfinance, CGAP/The World Bank
Graphique n° 6: décomposition du rendement des intérêts de COMPARTAMOS
Source : Une étude de cas sur les taux d’intérêts et les profits de la microfinance, CGAP/The World Bank
V-2- Les enjeux pour la clientèle : les implications sociales de la transformation
La principale conclusion qui a été tirée d’une étude des expériences à l’échelle internationale (voir
(Auteurs (années))) est que : l’augmentation de l’offre de services financiers aux catégories les plus
pauvres du marché ne dépend pas de la forme organisationnelle ou de la structure de propriété. En effet,
elle dépend de la compréhension des besoins du client (en terme de montant de prêt, de nature du crédit :
crédit à la consommation, crédit à l’habitat, ou crédit), de la qualité du service, de la cohérence de
l’intervention sur ce marché avec les activités principales et la stratégie de croissance du prestataire
potentiel, ainsi que de sa capacité à innover en termes de produits et de services financiers.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
56
En considérant l’évolution du nombre de clients pour nos sept IMFs transformées, nous remarquons
que le nombre de clients pour par la majorité des IMFs n’a pas sensiblement augmenté, exceptées les
IMF COMPARTAMOS et MIBANCO qui enregistrent une hausse exponentielle du nombre de ses
clients à partir de l’année 2001.
Graphique n°7: Evolution du nombre de clients par IMF transformée
Source : graphique construit à partir des données du mix market Graphique n° 8: évolution du prêt moyen
0
200 400 600 800
0
200
400 600
800
0
200
400 600 800
1995 2000 2005 2010 1995 2000 2005 2010
1995 2000 2005 2010
CARD PHILIPPINES (1986) CEO FUTURO COMPARTAMOS (1990)
FIE (1985) FINSOL (1997) MIBANCO (1992)
PRODEM (1986)
Nbre d’emprunteurs actifs
year Graphs by col1
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
57
Source : graphique construit à partir des données du mix market
Graphique n° 9 : évolution du ratio prêt moyen rapporté au revenu par tête
Source: graphique construit à partir des données du mix market
0
1000 2000
3000
0
1000
2000
3000
0
1000
2000
3000
1995 2000 2005 2010 1995 2000 2005 2010
1995 2000 2005 2010
CARD PHILIPPINES (1986) CEO FUTURO COMPARTAMOS (1990)
FIE (1985) FINSOL (1997) MIBANCO (1992)
PRODEM (1986)
Prêt
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CARD PHILIPPINES (1986) CEO FUTURO COMPARTAMOS (1990)
FIE (1985) FINSOL (1997) MIBANCO (1992)
PRODEM (1986)
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Prêt
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/revenu
par tête
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
58
La forte augmentation du montant du prêt moyen enregistrée dans la période après 2000 est à
relativiser notamment pour les IMFs COMPARTAMOS et MIBANCO. Car s’il est vrai que pour ces
IMFs, après la transformation la valeur du prêt moyen distribué a augmenté dans l’absolu, l’évolution de
leur ratio prêt moyen rapporté au revenu par tête est restée constante. Cela nous permet donc dire qu’à
revenu constant, leur valeur de prêt moyen n’a pas augmenté. Cette constatation confirme bien le résultat
de la section V-2) ces deux IMFs ont maintenu la même stratégie de ciblage. En ce qui concerne les trois
autres IMFs on constate une augmentation conjointe de la valeur du prêt moyen et du ratio du prêt moyen
rapporté au revenu par tête. On peut donc conclure qu’il y a eu une modification de la stratégie ciblage de
ces IMFs après la transformation, traduite par un déplacement vers des niches plus riches de clients.
V-3- La transformation dans la structure du capital
L’une des raisons principales d’une transformation est d’amener plus de capitaux en fonds
propres dans une ONG, les responsables « d’origine » auront à partager (ou peut être céder) le contrôle
de l’institution aux « nouveaux » responsables. Ce changement de contrôle est difficile dans n’importe
quelle transformation institutionnelle, mais il est compliqué dans le secteur de la microfinance, avec la
probabilité que les « anciens » responsables aient dû concentrer leurs efforts sur la conduite d’une
mission de développement social, alors que les « nouveaux » responsables vont vraisemblablement fixer,
en priorité, leur regard sur une mission financière. Selon (Mourji (2008) / Rapport pour l’US-AID, « des
clauses peuvent être incluses dans les contrats de session, pour garantir le respect du ciblage des
populations pauvres ». Quelle est la meilleure répartition du capital ? La répartition du capital
déterminera le rôle de l’ONG après la transformation et le poids de la vocation sociale dans la nouvelle
institution.
V-4- Mécanisme de mobilisation du Capital
1- Mobilisation du capital par émission d’obligations
Les mêmes raisons qui font qu’une banque est peu disposée à élargir l’octroi de prêts aux IMF,
peuvent dissuader encore plus les investisseurs de racheter la dette de ces institutions. En règle générale,
les IMF sont moins soutenues par des actifs bancables et ne font pas l’objet d’une notation financière.
Cela empêche de nombreux investisseurs institutionnels majeurs d’investir dans la dette des IMF. Seules
les IMF les plus solides ont été en mesure d’émettre des obligations. Les investisseurs qui achètent ces
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
59
obligations réalisent également que les opportunités de négociation sont limitées : la demande restant
généralement faible pour les émissions des IMF, celles-ci s’avèrent globalement peu liquides. A cela
viennent s’ajouter d’autres contraintes, notamment le volume relativement restreint et le manque
d’options de placement.
En règle générale, l’attrait que représentent les obligations pour les investisseurs réside dans le fa it
qu’il s’agit d’emprunts pouvant être vendus plus facilement à un autre investisseur au lieu d’être
conservés jusqu’à leur échéance. Les banques achètent souvent des obligations également pour cette
raison. En outre, les obligations ne requièrent pas de l’investisseur qu’il réalise une évaluation de
l’emprunteur pareille à celle qu’une banque entreprend avant d’octroyer un prêt direct. Les acheteurs
d’obligations se réfèrent aux notations et aux recommandations des conseillers en investissements
institutionnels. En ce qui concerne les IMFs, l’accès aux marchés des obligations permet l’emprunt
auprès de sources institutionnelles et présente l’avantage de pouvoir attirer des capitaux à long terme et
des sommes plus élevées, de bénéficier de conditions plus favorables et de toucher de nouveaux
investisseurs.
2- Mobilisation de ressources par le biais de prises de participation
Un capital conséquent offre la solidité nécessaire pour mobiliser l’épargne du public et lever des
fonds supplémentaires. Les capitaux propres sont considérés comme la forme la plus mature de
financement, mais les prises de participation locales restent encore difficiles à obtenir pour les IMFs sur
la plupart des marchés. Nombre de contraintes pesant sur l’emprunt et les obligations s’appliquent
également aux capitaux propres. Les marchés nationaux sont souvent de trop petite taille ou trop peu
profonds pour pouvoir attirer des actionnaires stratégiques potentiels. Dans beaucoup de cas, il n’existe
pas de marché boursier sur lequel les actions pourraient être négociées publiquement. Comme pour
d’autres sources commerciales de financement, la solidité de l’IMF est un facteur déterminant pour attirer
des actionnaires. Les investisseurs sont également conscients que les jeunes IMFs doivent lutter pendant
de nombreuses années avant de dégager un profit et doivent réserver une partie de leurs bénéfices à leur
croissance ultérieure. Dans ces institutions, les prises de participation peuvent donc mettre longtemps
avant de générer un rendement. Ces IMFs ont besoin de temps pour poser les fondations d’une croissance
à plus long terme. Les participations peuvent également s’avérer une forme onéreuse de financement, tant
en ce qui concerne le coût de la mobilisation du capital que le rendement versé aux investisseurs. En
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
60
outre, les investisseurs se préoccupent de savoir comment « sortir » de leur placement. Lorsqu’il n’existe
pas de marchés publics actifs pour le commerce de titres et que les fusions et acquisitions sont rares, les
portes de sortie pour les investisseurs sont extrêmement limitées.
Par ailleurs, il s’avère souvent difficile de trouver des investisseurs locaux ayant des objectifs à
tendance sociale. Les pays dans lesquels opèrent les IMFs sont pauvres ou émergeants. Ainsi, dans un cas
les investisseurs potentiels sont rares et dans l’autre, ils ont des opportunités qui paraissent plus
porteuses. Un sujet largement évoqué aujourd’hui est le niveau de rentabilité attendu des investissements
dans la « finance sociale », c’est-à-dire dans quelle mesure les investisseurs sont prêts à renoncer à un
rendement pour contribuer à la réalisation d’objectifs sociaux. Le « capital patient » fait également
défaut. Alors que des investisseurs sociaux internationaux sont disposés à placer certains capitaux
patients, ils se font plus rares sur les marchés nationaux. L’Inde, par exemple, dispose d’une multitude de
ressources dans son système financier national. Pourtant, les prises de participation dans des IMF
sociétés de capitaux (telles que les entreprises financières non bancaires) sont très peu nombreuses.
V-5- L’élaboration d’un système interne de gestion (SIG)
Un autre défi lié à la transition a trait aux opérations internes et aux difficultés à améliorer la
performance financière et l’information financière d’une institution, ses contrôles internes, son système
d’information de gestion (SIG), sa documentation des prêts, la gestion des garanties, le contrôle de son
portefeuille, sa classification de prêts, etc., pour s’assurer que l’institution est capable de remplir les
conditions requises pour un fonctionnement standard. Ces conditions sont en général, définies très
clairement par les Banques centrales, mais plusieurs ONG qui ont une tradition d’organisation à but non
lucratif n’ont pas encore développé ces capacités. Il faut donc s’atteler à cela. Le coût financier de cette
modification peut être assez élevé, mais il n’est généralement pas lié spécifiquement à la transformation.
Il est plutôt relatif au relèvement des règles de fonctionnement.
VI- Conclusion
Ce panorama sur les enjeux de la transformation et les liens avec les performances et
caractéristiques des IMFs, nous a permis d’établir que globalement, les objectifs et les déterminants sont
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
61
nombreux. On décèle cependant que les performances des IMF transformées se sont améliorées par
rapport à la période avant transformation.
Pour une analyse plus rigoureuse de la transformation, nous comparons dans le chapitre suivant,
les performances ex post des IMFs transformées avec celles d’autres IMFs non transformées. Mais nous
choisissons avec soin ces dernières qui servent de groupe de comparaison. Nous identifions parmi elles,
celles qui présentent en moyenne les mêmes performances ex ante que les IMF transformées. Comme
nous utilisons plusieurs critères, les résultats des appariements effectués donnent chaque fois, le groupe
d’IMF le plus opportun pour la comparaison.
Bibliographie Transformation of Micro-finance Operations from NGO to Regulated MFI, Gaamaa Hishigsuren, PhD Etude technique exploratoire sur les évolutions institutionnelles des associations de microcrédit, rapport Meridies (version provisoire février 2008). L’économie institutionnelle, Bernard Chavance, Collection repères. Principes et pratiques de gouvernance en microfinance, Rachel Rock Maria Otero et Sonia Saltzman ACCION International, Août 1998 Réflexions de CGAP sur la première offre publique de vente de Compartamos : Une étude de cas sur les taux d’intérêts et les profits de la microfinance, Richard Rosenberg CGAP/The World Bank No. 42, Juin 2007 Annexes
Test de comparaisons du taux de croissance des indicateurs de performances Annexe 1 : Analyse du nombre moyen de client avant et après transformation Group Obs. Mean Std. Err. Std. Dev. [95% Conf. Interval] 0 27 31735.11 4211.919 21885.77 23077.39 40392.83 1 38 112608.4 29122.31 179522 53600.96 171615.8 combined 65 79014.86 17732.89 142967.1 43589.35 114440.4 diff -80873.26 34808.66 -150432.8 -11313.69 diff = mean(0) - mean(1) t = -2.3234 Ho: diff = 0 degrees of freedom = 63
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
63
CHAPITRE- III- La transformation, les performances et la viabilité des IMFs
I- Introduction
Après avoir analysé les modalités et l’évolution des performances des IMFs transformées avant
et après transformation il est judicieux d’évaluer leurs performances moyennes après leur
transformation à l’aune des performances des IMFs qui leur était semblable dans la période avant
transformation. Pour cela, il est coutume d’utiliser des méthodes d’appariement pour identifier ces
IMFs qui en moyenne sont proches des IMFs du groupe de traitement (celui constitué des IMFs
transformées). Il s’agit en l’occurrence des méthodes des plus proches voisins, de score de
propension,…qui définissent des caractéristiques minimales pour lesquelles on s’évertue à contrôler
l’effet pour le groupe de contrôle et le groupe de traitement, ce qui permet de limiter l’effet du biais de
sélection. Dans le présent chapitre nous utilisons une pseudo méthode du score de propension ; elle
permet à l’issue de son application de récupérer un groupe de traitement et un groupe de contrôle qui
diffèrent selon la catégorie de caractéristiques retenue. Il s’articule de la façon suivante, dans un
premier temps nous présenterons le cadre conceptuel de l’analyse des performances des IMFs
transformées et de celles non transformées, dans un deuxième temps nous analyserons les performances
des IMFs transformées versus les IMFs non transformées, et nous finirons par des remarques et
conclusion à notre étude.
II- Approche méthodologique : Cadre conceptuel de l’analyse des performances comparées des IMFs transformées et de celles non transformées
II-1- Approche théorique : appariement par la méthode des variables instrumentales
L’approche traditionnelle utilise la méthode des variables instrumentales pour résoudre les problèmes
de biais de sélection. Dans notre cas, il s’agit du choix des IMFs constituants la population de contrôle.
Cette méthode se présente comme suit :
Soit Y0 et Y1 les performances respectives des IMFs ex ante et ex post, X un vecteur de caractéristiques
des IMFs. Soit D une variable binaire indiquant le statut de l’IMF : transformée ou non transformée. On
suppose qu’il existe un vecteur de variables instrumentales Z vérifiant les conditions suivantes :
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
64
1. la condition de forte ignorabilité :
2. support commun: Il existe un ensemble de deux points Z*, Z** dans le domaine de Z tels que
On a :
Lorsque Z= Z* on établie la relation ci après:
D’autre part donc on
obtient la moyenne des performances ex ante des institutions transformées :
=
L’appariement repose sur le postulat fondamental selon lequel « en moyenne les IMFs transformées
présentent les mêmes caractéristiques (en termes de performances financières, structure de bilan …) que
les IMFs non transformées ( )) » qui constitueront le groupe de contrôle,
ex-post, pour l’analyse des effets de la transformation sur les IMF. Ce qui signifie
que . C'est-à-dire que les instruments utilisés permettent de contrôler
efficacement le biais de sélection23.
II-2- La méthode du score de propension
Notre approche diffère à quelques niveaux de la méthode standard. En effet la plupart des
caractéristiques ex ante des IMFs sont d’une part des facteurs déterminants pour permettre 24l’enclenchement d’un processus de transformation mais ce sont pour la plus part des indicateurs que la
transformation devrait affecter. Ainsi contrairement à la méthode précédente, nous allons en plus des
variables de caractéristiques individuelles telles que l’ancienneté de l’institution, contrôler l’effet des
indicateurs de performance ex ante susceptibles de mener à la transformation.
23
Le test de vérification de l’hypothèse d’indépendance conditionnelle proposé dans Battistin and Rettore (2007) suppose que terme est la source majeur du biais. 24 Il s’agit de caractéristiques, apparentées à des conditions minimales « implicites » pour pouvoir procéder à la transformation.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
65
La méthode retenue ici consiste à comparer la situation d’un échantillon d’institutions de
microfinance représentatives de l’ensemble des IMFs transformées à celle d’un groupe de contrôle
construit de façon quasi-expérimentale par une technique standard d’appariement sur la base d’un score
de propension (propensity score matching) (Rubin, 1977 ; Rosenbaum et Rubin, 1983 ; Heckman et al.,
1997). Concrètement, cette méthode consiste à sélectionner des IMFs ayant des caractéristiques
similaires, et à apparier ces IMFs entre elles sur la base d’un score de propension. Ce score n’est autre
que la probabilité d’être transformé. En pratique, cette probabilité n’est pas connue et doit être estimée
par un modèle de régression logistique ou probit. En d’autres termes, à chaque IMF transformée est
associée une IMF dotée de caractéristiques similaires (en moyenne) et qui aurait donc pu se transformer
si elle le voulait. Une fois l’appariement réalisé, de simples tests non paramétriques de comparaison de
moyennes sont effectués afin d’évaluer les performances relatives du groupe de traitement par rapport au
groupe de contrôle. Cette méthode d’appariement n’est toutefois possible que parce qu’il existe des IMFs
témoins dont les caractéristiques observées sont comparables à celles des IMFs transformées. Pour être
applicable, la méthode impose en effet un «support commun » aux IMFs transformées et témoins, c’est-
à-dire une intersection non vide des domaines dans lesquels les variables explicatives introduites dans la
régression logistique ou probit prennent leurs valeurs.
Soit X les covariés observables, D une variable binaire indiquant le statut de l’IMF : transformée ou non
transformée, le score de propension est la probabilité d’être traité conditionnellement aux covariants
observables. Elle est notée : . L’application de la méthode du score de propension
requiert un certain nombre de préalables :
1- Choix des covariants
Heckman, Ichimura et Todd(1997) montrent que l’omission d’un nombre important de variables peut
augmenter sérieusement le biais des estimateurs résultants de l’estimation. Cependant, la théorie
économique ainsi que la connaissance commune des chercheurs doivent justifier l’inclusion de toute
variable (Smith and Todd (2005) ou Sianesi (2004)). En général seules les variables qui influencent
simultanément la décision la possibilité de se transformer et la variable d’output pourraient être incluses
ainsi que les variables non influencées par la possibilité de se transformer ou l’anticipation d’une
éventuelle transformation institutionnelle. Ceci constitue une limite aussi à cette approche dans la
mesure où les IMFs anticipant un changement dans un futur proche de leur statut pourraient fournir des
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
66
efforts afin de présenter les meilleurs résultats possibles. Par exemple une IMF pour laquelle le
changement de statut confère le droit d’intégrer le marché financier devra fournir des efforts conséquents
pour améliorer la structure de son bilan ainsi que son rendement ex ante si elle veut que la transformation
institutionnelle ait les effets escomptés (ou plutôt si elle veut pouvoir réaliser la transformation). Dans ce
cas de figure les déterminants de la performance financière seront quelque peu différents des
déterminants de la performance financière dans le cas d’une IMF classique. Ce problème est semblable à
l’effet de "feedback" de D vers X ou "Hawthorne effects" que l’on rencontre en général dans l’étude des
déterminants de la participation à un programme donné. Cet effet traduit le fait que les enquêtés donnent
des réponses (non conformes à la réalité) de sorte à répondre au mieux aux critères d’éligibilité. En effet
il faudra ajouter aux déterminants de la performance financière, l’anticipation d’une transformation
institutionnelle future. Notre méthode de choix des covariants consiste en un processus itératif
d’estimation du score de propension en incluant successivement des variables. Ensuite, nous recensons
les variables agissant significativement sur le score de propension. Les variables ainsi recensées
constitueront les covariants pour l’équation finale du score de propension.
2- Choix du modèle pour l’estimation du score de propension25
En principe n’importe quel modèle de choix discret est utilisable. Mais compte tenu des limites du
modèle linéaire de probabilité, nous utiliserons un modèle non linéaire de probabilité en l’occurrence un
modèle probit ou un modèle logit. Par ailleurs comme l’estimation concerne une variable binaire (T=1 si
l’IMF transformée et T=0 sinon) nous pouvons utiliser indifféremment l’un des deux modèles dans la
mesure où dans ce cas de figure ils donnent des résultats similaires. Nous utiliserons donc dans la suite,
pour l’estimation du score de propension, le modèle logit suivant :
Où X désigne le vecteur de variables expliquant la probabilité d’observer le « statut transformé ».
3- La condition de forte ignorabilité
25
Pour être plus rigoureux il faudrait estimer un système d’équations simultanées : avec des équations sur les déterminants de la performance financière où figurerait l’anticipation d’une future transformation, et d’autres parts une équation sur les déterminants de la transformation où figurait la performance financière ex ante estimée comme variable explicative.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
67
On dira que le traitement est fortement ignorable (strongly ignorable) pour un vecteur de covariés
observables X lorsque le statut de traitement D et les résultats (Y0, ) sont indépendants,
conditionnellement sur X : .
Cette hypothèse nous dit qu’il est très important qu’il y ait une part d’aléatoire dans la décision de se
transformer. Cette part d’aléatoire dans la décision de se transformer est nécessaire pour garantir que des
IMFs avec des caractéristiques similaires puissent être observées dans les deux cas de figures26
(Heckman, Ichimura, and Todd, 1998). Cette hypothèse est discutable, car les décisions de se transformer
à environnement égal (législation, fondamentaux de l’économie…) dépendent notamment des conseils
d’administration, profil des membres et « penchants naturels »…. Or il s’agit là de variables non
observables. Si l’on considère que la distribution des membres des CA est aléatoire, on peut accepter
l’hypothèse. Elle permet en outre de remplir la condition de forte ignorabilité qui stipule que la
probabilité qu’un individu soit indifférent entre les deux options sachant les caractéristiques X, est
strictement comprise entre 0 et 1 et que la probabilité de se transformer sachant les caractéristiques X est
également comprise entre 0 et 1. L’enclenchement d’un processus de transformation est à la fois la
résultante de bonnes performances financières, d’un environnement favorable (faibles barrières à
l’entrée, politique gouvernementale, cadre juridique, dynamisme économique du pays dans lequel est
installé l’institution…). Pour ce qui concerne les performances financières ex ante : qualité du
portefeuille, taille du portefeuille, structure du bilan, rendement du portefeuille… notons qu’elles
affectent la décision de se transformer à ce titre nous les retenons comme covariants pour l’estimation du
score de propension, cependant ex post ces variables peuvent aussi être considérées comme des résultats
(outcomes) du processus de transformation27.
Pour déterminer les « institutions sœurs » des institutions transformées nous allons appliquer une
pseudo méthode des scores de propension28. Elle consiste dans un premier temps à définir un ensemble de
covariants et estimer le score de l’ensemble des institutions transformées ou non. Ensuite à trouver les
institutions présentant la même probabilité et à faire la distinction entre la population d’IMFs
transformées, puis à effectuer un test de comparaison de moyenne. A l’issue de ces estimations, les
institutions présentant la même probabilité d’être transformée et qui en réalité ne se sont pas transformée
ex post, constituerons le contrefactuel.
26
Bonnes performances ex ante et transformée par la suite, mais aussi bonnes performances ex ante mais non transformée ex post. 27 Confère chapitre précédent la transformation affecte la structure du bilan des IMFs transformées 28
Nous n’allons pas jusqu’au bout de la méthode nous nous limitons à la troisième étape.
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
68
4- Présentation de l’échantillon : caractéristiques d’ensemble
Après avoir identifié les déterminants potentiels de la transformation, nous apparions les IMFs par la
proximité de rendements, ensuite par la proximité de structure de bilan, de qualité de portefeuille
(notamment en prenant en compte le portefeuille à risque à plus de 30 jours, le taux de perte sur prêt,
ainsi que certains indicateurs de la politique de prévention tels que les provisions pour pertes sur
emprunts, et les resserves). Pour la présente étude nous disposons de sept IMFs transformées ; six d’entre
elles proviennent d’Amérique du sud et la dernière est une institution Asiatique. Elles ont tous été
transformées au cours de la période 1997-2001.
Tableau n° 12: Liste des IMFs transformées
Date de transformation
Statut initial Statut après transformation
CARD, Philippines (1997) ONG Banque rurale Mibanco, Pérou (1998) ONG Banque FIE, Bolivie (1998) ONG Institution financière non
bancaire29
FINSOL, Honduras (1999) ONG Institution financière non bancaire (2000-2006)
30
PRODEM, Bolivie (2000) ONG Institution financière non bancaire
Compartamos, Mexique (2000) ONG Banque EcoFuturo, Bolivie 2001 ONG Institution financière non
bancaire Les performances et caractéristiques des IMFs transformées par rapport aux caractéristiques
moyennes pour l’ensemble des IMFs de l’échantillon apparaissent comme mitigées. D’une part on note
que le prêt moyen octroyé par les IMFs transformées est de 459 $ US. Ce montant représente
approximativement 42,33% de la valeur moyenne des PIB par tête des pays concernés. D’autres parts on
note un faible niveau de pertes sur prêt. En effet les pertes sèches sur prêts sont en moyenne de 0,24% du
portefeuille total des IMFs transformées comparer à celui de l’échantillon global on remarque que ce taux
29 Ce sont des Institutions qui ne reçoivent pas de dépôts du public mais qui participent au financement de l’économie en octroyant des crédits (sur leurs fonds propres ou d’emprunts) ou en effectuant des opérations financières ayant des incidences sur le secteur monétaire (émission des obligations). Les Institutions Financières non Bancaires sont constituées essentiellement des compagnies d’assurances et de réassurances, des établissements de crédit-bail et de leasing, des sociétés financières et de participation, etc. 30
Depuis 2006 elle a acquis le statut de banque agrée pouvant collecter l’épargne des clients
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation
69
est relativement plus élevée. Il en est de même lorsqu’on considère la qualité du portefeuille approximée
par le PAR30, il apparait qu’en moyenne le PAR30 pour les 7 IMFs transformées (1.11%) est nettement
plus élevé que celui de l’ensemble de l’échantillon (0.207%). En ce qui concerne les services offerts on
constate que l’ensemble des IMFs transformées fournit à la fois des services d’épargne et de crédit à leur
clientèle. Si les performances des transformées versus les IMFs de l’échantillon sont moins bonnes pour
ce qui est de la qualité du portefeuille, tel n’est pas le cas lorsqu’on considère les indicateurs de
productivité, d’efficience. Le coût par emprunteur moyen est par exemple de l’ordre de 8.843 contre
135.49 en moyenne pour l’ensemble de l’échantillon. En outre l’analyse des indicateurs de productivité
indique que l’effectif moyen d’emprunteurs par agent de crédit est de 125.29 contre 111,94. Un aperçu des
indicateurs de rentabilité montre d’une part que lorsqu’on approxime la rentabilité par le rendement sur
actif ou sur les ressources, la rentabilité est relativement moins élevée pour les IMFs transformées par
rapport à l’ensemble de l’échantillon ; par contre lorsqu’on utilise le profit marginal comme indicateur de
rentabilité, on s’aperçoit que les IMFs transformées sont en moyenne plus rentables que les IMFs de
l’échantillon (voir Annexe n° : ci après). Cependant comme il est de connaissance commune que la
moyenne peut cacher des disparités, nous nous évertuerons dans la suite de ce chapitre à trouver des
IMFs dans l’échantillon qui soient comparables aux IMFs transformées en vue d’une comparaison ex
post de leurs performances.
5- Hypothèses et démarche méthodologique
Pour éviter le problème de l’inexistence de support commun nous optons d’estimer des scores de
propension par rubriques et d’effectuer ensuite la comparaison des IMFs ayant les mêmes scores pour la
rubrique considérée. Notre méthode d’appariement permet de trouver à la fois un groupe de traitement
ainsi qu’un groupe de contrôle variable selon la rubrique considérée. Les rubriques retenues sont les
suivantes :
i. Modèle pour estimation du score: Performances de rentabilité
Step 1: Test that the mean propensity score is not different for treated and controls Two-sample t test with equal variances Group Obs. Mean Std. Err. Std. Dev. [95% Conf. Interval] 0 25 0.1264 0.0075 0.0379 [0.1107 0.1420] 1 5 0.1147 0.0238 0.0533 [0.0485 0.1806] combined 30 0.1244 0.0073 0.0400 [0.1094 0.1394] diff 0 .0116 0.0198 -0.0290 0 .0523
diff = mean(0) - mean(1) t = 0.5875 Ho: diff = 0 degrees of freedom = 28 Ha: diff < 0 Ha: diff != 0 Ha: diff > 0 Pr(T < t) = 0.7192 Pr (|T| > |t|) = 0.5616 Pr(T > t) = 0.2808 Conclusion : The mean propensity score is not different for treated and controls in block 1
Step 2: Testing the balancing property for variable Taux d’adéquation du capital in block 1 Two-sample t test with equal variances Group Obs. Mean Std. Err. Std. Dev. [95% Conf. Interval] 0 25 0.4152 0.0521 0.2608 [0.3075 .5229] 1 5 0.4747 0.1005 0.2248 [0.1955 0.7539] combined 30 0.4251 0.0461 0.2525 [0.3308 0.5194] diff -0.0595 0.1254 [-0.3164 0.1974]
Analyse de la viabilité financière des IMFs : Modalités, enjeux et Impacts de la transformation