17 Entreprises ACTUALITE ACTUALITÉ 17 Juillet / Août 2010 17 Veille & innovation… ALIMENTATION Alimentation naturelle : les leçons du futur (3/3) L a première partie confronte à la lumière du passé l’alimentation naturelle et l’alimentation industrielle conventionnelle. La deuxième cerne 8 tendances ou idées fortes d’aujourd’hui. Cette troisième et dernière section nous transporte en 2047 en quête du futur alimentaire de nos enfants et petits enfants. M. Sauveur Fernandez 1 – Introduction : 2047, un long fleuve tranquille ? L’ été caniculaire de 2003 devient la norme en France, et le sud du territoire vit à l’heure de l’Andalousie d’aujourd’hui. Le réchauffe- ment climatique, événement majeur de ce siècle imprègne dé- sormais la société toute entière. Les hausses de températures et autres aléas climatiques marquent profondément l’agriculture planétaire. L’augmentation de la pollution et de la population mondiale, les pénuries d’eau, le grignotage des terres par l’urba- nisation, l’érosion et la consommation planétaire de viande (très gourmande en surfaces cultivables) sont devenus des réalités vi- sibles par tous et mobilisent les gouvernements du monde. Les famines de pays pauvres font, hélas, l’actualité courante. Bref, les pays riches renouent avec les vieilles peurs alimentaires séculaires (peur de manquer, de manger du malsain), un temps effacées au XIXe et XXe siècle : manger est redevenu une néces- sité vitale à défendre qui influe profondément sur les habitudes alimentaires quotidiennes de 2047. 2 – Tempêtes agricoles au menu L’élévation globale de la température est la note clé des mutations profondes de l’agriculture de 2047. Il est cependant impossible aujourd’hui de prédire l’impact réel qui dépend de la hausse gé- nérale de température. Si celle-ci se maintient en moyenne à 2/3 degrés, l’agriculture mondiale s’adaptera plus ou moins bien sui- vant les contrées. L’Afrique, l’Australie, les pays andins et l’Asie du sud souffrent, la Chine veille jalousement sur son approvisionnement alimentaire. En Europe, le Sud doit relever les plus grands défis tandis que le Nord se voit offrir des opportunités originales : la France n’est plus le seul pays européen producteur de vin de qualité, désormais ta- lonnée par les anglais, scandinaves et polonais. Conséquence de son moratoire sur les OGM des années 2000, l’Europe est cham- pionne d’une agriculture à haute intensité environnementale responsable de son territoire. Les grandes régions de production perdurent (Beauce, Bretagne…). Une agriculture bio et raison- née à exigence basse et saupoudrée de biotechnologie devient la norme, avec des serres et bâtiments d’élevages « passif ». De grandes portions de territoires pratiquent une agriculture biody- namique de haute qualité fondée sur des circuits courts de trans- formation, vente directe et export à courte distance. 3 – Le nouvel âge agro-alimentaire Le temps de l’écologie industrielle Le paysage agroalimentaire industriel de 2047 ne ressemble guère à celui d’aujourd’hui. Sous la pression des grands défis éco- logiques et économiques, et afin de satisfaire les nouveaux ima- ginaires consuméristes (se sentir proche de la nature et du paysan, peur de manger du malsain), les conflits sectoriels d’antan entre paysans, industriels, distributeurs, client, état et ONG font place progressivement à un écosystème industrio-socio-économique sophistiqué, fortement imbriqué et interdépendant. La fin de l’hyperspécialisation Les multinationales et grands groupes agro-alimentaires devien- nent progressivement des structures nouvelles de type coopéra- tif-mondialisé, fortement encadrées par les états, les collectivités locales et les ONG. Les PME ont appris à s’unir. La petite exploi- tation paysanne retrouve ses lettres de noblesse et intègre des activités de transformation et de vente directe. Le consommateur, reconnecté à la réalité de production, s’implique de diverses ma- nières. Pour tous, les règles clés sont l’ancrage économique d’une société à un territoire, la protection de l’environnement, la sécurisation des matières agricoles par la possession en propre de terres agri- coles et des élevages, et la fin de la spécialisation des fonctions. En clair, chaque acteur est à la fois producteur, transformateur et distributeur dans un contexte « glocal ». Un exemple Une centaine de fermes individuelles de Bretagne possèdent 10 micro usines écologiques de transformation alimentaires réparties sur le territoire national avec, pour les plus éloignées, obligation d’utiliser des matières premières locales issues d’autres fermes, pour un écobilan positif. Ces fermes solidaires sont affiliées avec des paysans européens sous marque commerciale commune chinoise financée par capital collectif du Japon, Brésil et Côte d’Ivoire (Les marques étrangères ont désormais obligation légale de récolter et produire dans le pays et la région même de com- mercialisation). Des milliers de consommateurs sont liés par une vente directe ou des participations actionnariales solidaires. Cer- tains magasins distributeurs mutualisés intègrent des micro unités de fabrication qui transforment sur place les matières premières (Par exemple des micro-brasseries de qualité pour la bière comme on en voit déjà aujourd’hui). 4 – Distribution mutante Des circuits longs… Le XX° siècle a vu l’apothéose du concept de circuit long de distribution, une chaine linéaire ultra spéciali- sée, non solidaire et énergétivore de production alimentaire où une distribution omniprésente est l’intermédiaire incontournable entre les producteurs, les transformateurs, et un consommateur « isolé » en bout de chaine. …Qui raccourcissent 2047 voit l’élargissement à grande échelle du principe de circuits courts économiques. Ce concept, apparu dans les années 2000 dans le souci de connecter directement petits producteurs et consommateurs s’est popularisé avec les AMAP et autres paniers paysans. Réduit à l’origine à la seule relation paysan-consomma- teur, il s’est affirmé en 2047 pour devenir une véritable chaine économique globale intégrant, outre le monde agricole, les trans- formateurs et des formes nouvelles de distribution et fabrication. Tout ce petit monde, interconnecté, gravite dorénavant autour d’un élément « industriel » clé enfin sorti de son simple rôle de consommateur : le consom’acteur. Le nouveau consom’acteur Ce dernier trouve désormais naturel d’aller sur le lieu même de récolte ou de transformation des fermes entreprises péri-urbaines chargées de nourrir les villes. Il s’approvisionne aussi dans les Jar- dins partagés, ouvriers, collectifs de banlieue, où il fait lui-même pousser quelques plants alimentaires.