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AirFan 2002-07 (284)

Feb 06, 2016

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AirFan Magazine 2002-07 (284)
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Le magazine de I'aeronautique m t are nternationale

N ° 284 - JUILLET 2002 - 5 , 34 €

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juillet 2002

5 Evenements par Christi an Boisselon - 200 000 h de vol ii l'ETO de Cazaux. - EC 1/7 " Provence )I : Jaguar for ever !

6 Volsdenuit par Sebastien Buyck Une specialite reservee ii quelques forces aeriennes, dont /'armee de /'Air.

14 Force aerienne saoudienne (1 " partie) par Jean-Louis Prome La plus puissante du Golfe ou rien qu'un tigre de papier?

24 Säo Paulo par Gert Kromhout L 'ex-porte-avions Foch a repris du service dans la marine bresilienne.

34 Missions Overflight par Sam Pretat Francis Gary Powers, pilote espion americain abattu au.<fessus de /,URSS aux commandes de son U-2, le 1" mai 1960.

Sommaire Vingt-quatrieme annee

MISSIONS OVERFLlGH'I'

Directrice commerciale : Martine CABIAC

Gestion des abonnements: Ei nos bureaux

Publicite: Ei nos bureaux (tel. : 01 42936724)

Photogravure : PRESTIGE GRAPHIQUE Impression: HERISSEY, ZI n° 2, rue Lavoisier, 27000 Evreux Depot legal 3' trimestre 2002

All contents © AIR FAN 2002 Reproduction milme partielle interdite Commission paritaire : 0107 T 81068 Distribution par les NMPP Printed in France

AIR FAN est membre de

l'Office de justification

de la diffusion

Le magazine de I'aeronautique militaire internationale

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Revue de presse par l'equipe de la red action Les nouveautes de /'edition.

Analyse des nouveautes par I'equipe de la redaction Les dernieres maquettes sorties.

En couverture : a I'avant du Navio-Aerodromo Sao Paulo(A121. ex-Fach, trois Skyhawkde I'aviation embarquee bresilienne so nt prepares pour les ope­rations aeriennes. C'est en novembre 2000 que la Marinha do Brasil a acquis le porte-avions fran~ais, lequel a repris du service et navigue desormais du cöte de Rio de Janeiro. Mis en ceuvre par le Primeiro Esquadräo de Avi5es de Intercepta~äo e Ataque (VF-11. les appareils sont des A-4KU rachetes a la Force aerienne kowe'itie en 1998, et rebaptises AF-1 Falcoes par les Bresiliens (Photo Gert Kromhout).

Redacteur en chef: Olivier CABIAC

Correspondant de la redaction aux Etats-Unis: Rene J. FRANCILLON

Principaux coliaborateurs Christian BOISSELON, Alain BOSSER, Jean-Loup CARDEY, Beno1t COLlN, Philippe COLlN, Alain CROSNIER, Eric DESPLACES, Jean-Luc FOUQUET, Michel FOURNIER, Jean-Bernard FRAPPE, Christ GARCIA, Henri-Pierre GROLLEAU, Jean-Pierre HOEHN, Christian JACQUET, Stephane MEUNIER, Jacques MOULIN, Stephane NICOLAOU, Alain PELLETIER, Jean-Jacques PETIT, Sam PRETAT, Marc ROSTAING, Jean-Pierre TEDESCO, Bernard THOUANEL, Patrick VINOT-PREFONTAINE

Coliaborateurs etrangers Denis J. CALVERT, Christophe DONNET, Jim DUNN, Giuseppe FASSARI, Paul JACKSON, Theo VAN GEFFEN, Robert E. KLING, Hans KONING, Peter B. LEWIS, Hugo MAMBOUR, Dave MENARD, Vincent PIRARD, Herman J. SiXMA, Peter STEINEMANN, Richard L. WARD

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Evenements

200 000 h de vol a I'ETO C elle annee, I'ETO (Ecole de

transition operationnelle) de Cazaux a joliment decore

l'Alpha Jet E48 (8-MH) pour a la fois marquer le franchissement du cap des 200 000 heu res de vol sur le bireacteur franco-alle­mand (d'abord au sein de I'an-

cienne 8' escadre de chasse , puis de I'ETO) et feter les vingt annees de presence de I'appareil sur la base girondine. En effet, c'est au debut de 1982 que I'EC 1/8 « Saintonge " avait laisse ses Mystere IVA pour etre transforme sur Alpha Jet, I'EC 2/8

« Provence» : Jaguar for ever I

Dep ui s la dissolut ion en 2001 des EC 2/7 « Ar­gonne " et 3/7 « Langue­

doc " , I'EC 1/7 est la derniere unite de I'armee de l'Air a mellre

en CBuvre les Jaguar. Outre une vingtaine de monopiaces, son parc aerien compte cinq biplaces et cinq Alpha Jet herites du 2/7. Soit une trentaine d'avions au

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total. Les Jaguar biplaces et les Alpha Jet arborent desormais sur leur derive I'insigne composite du « Provence ", qui regroupe les escadrilles Spa 15 (casque de Bayard), Spa 77 (croix de Jerusa­lem) et Spa 91 (Aigle a tete de mort). Pour la saison 2002, c'est le Cne Fabre (leader) et le LI Wallaert qui constituent I'equipe de pre­sentation Jaguar, mieux connue sous le nom de « Raffin Mike ". La patrouille se produit habituel­lement avec deux biplaces E. Toutefois, lors du meeting de Ca­zaux qui s'est deroule le 19 mai dernier, I'un d'entre eux avait ete remplace par un monopiace (A 104/7 -HM), tout comme pen­dant la repetition ou l'A148/7-HN fut mis a contribution. Question de disponibilite des appareils. ~ C. Baisse/on

« Nice " fai sant de meme au cours de la meme annee. Le blason de I'ETO (regroupant les insignes d'escadrille des deux escadrons precites) a ete reporte sur les veines d'entrees d'air de I'appareil, tandis que I'insigne de l'ex-8' EC a ete applique de part et d'autre de la derive. ~

C. Baisse/on

3D ou T roit d'Union Durantles mois de juillet et d' aoüt, le eale aeronautique Le Trait d'Union accueille une exposition eonsaeree ala photogrophie en trois dimensions. L' auteur, Miehel-Patriek Lauret, est parti du eonstat que les photos dassiques d' aeronels ne traduisent ni I' air ni I' espaee, ni meme I' arehiteclure pourtant si tridimensionnelle des avions, et nous offre done une serie d'images ou la realite du vol est servie por la magie de la stereoscopie, une teehnique plus que eentenaire. Une exposition « stereo » rien que pour vos yeux et volle troisieme \Eil... Le Trait d'Union, 122, rue de Rennes, 75006 Paris. Metro Saint·Pladde Tel. : 01 4548 70 66 - Fax: 01 45 44 85 48. E-mai!: [email protected]

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L'Arabie saoudite a accorde a la modernisation de sa force ae­rienne (AI Quwwat AI Jawwiya AI Malakiya As Sa'udiya, ou RSAF pour faire plus simple), une bien

plus grande priorite qu'a celle de ses com­posantes terrestre, navale ou de defense sol-air. Oe fait, son parc d'avions de combat est passe de soixante-dix en 1973 a quatre cent trente-deux en 2000 - il est toutefois redescendu a trois cent quarante-huit cette annee du fait du retrait des F-5. Et ce spec­taculaire accroissement numerique s'est conjugue a un essor qualitatif des systemes d'armes tout aussi extraordinaire . En effet, il n'y arien de commun entre les bireacteurs English Electric Lightning des debuts, qui etaient inadaptes aux besoins saoudiens, et les F-15S multiroles a meme de penetrer profondement et en toute securite en terri­toire hostile.

14AIR FAN

La raison de cette priorite est I'immensite du territoire a defendre : 2 150 000 km2

(quatre fois la France !) de deserts peuples de 19 millions d'habitants, ou les reseaux ferroviaire et routier so nt extremement limi­tes. Oe ce fait, tout naturellement, la RSAF est la seule armee a offrir la mobilite et la flexibilite necessaires a de rapides rede­ploiements d'un cote a I'autre du pays. La renforcer constitue donc un investissement apriori rentable puisqu 'elle offre le meilleur rendement operationnel, sans oublier le prestige' et I'effet dissuasif qu'elle apporte indeniablement a I'echelle regionale.

Forte d'environ 17 000 hommes, la RSAF est structuree autour d'un Centre de com­mandement des operations aeriennes (ACOC), im plante pres de Riyad, qui gere des centres d'operations de secteur (SOC) en charge du controle de la defense ae­rienne et de la coordination des intercep-

tions par vecteur pi lote (missi le et artillerie sol-air) , installes a Tabuk, Khamis Muchayt, Dhahran, al-Kharj et Riyad. Dans la chaTne de commandement, ces SOC s'inscrivent au-dessus de I'echelon base aerienne et peuvent ainsi , avec un certain degre de li­berte, actionner directement les unites ele-

En haut : gräce ä la flotte de ravitailleurs en vol de la RSAF, les Eagle saoudiens sont en mesure d'effectuer de longues CAP ou des PEmetra­tions au cmur des territoires potentiellement enne­mis : Iran, Irak ... Ce qui offre ä Riyad un veritable outil de dissuasion conventionnel.

A droite : les Tornado lOS saoudiens n'emportent que peu d'armes intelligentes.

Un temps etudie, teste meme, I'emport du missile air-sol AS 30L ä guidage laser n'a pas abouti ä une commande en serie. Les appareils conservent, en

revanche, leurs disperseurs de sous-munitions anti­pistes JP233 qui les obligent ä survoler en radada

les aerodromes ennemis ... et leur DCA.

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.~ Ces derniers temps, a Washington, on evoque beaucoup une ~ possible intervention visa nt a terminer le travail debute en 1991 et a ~ renverser Saddam Hussein. Une teile operation, obligatoirement de ~ grande envergure, necessiterait I'appui au moins tacite de la Force ~

@ aerienne saoudienne. D'autant qu'elle bouleverserait les rapports de force regionaux, rendant possibles - ulterieurement - toutes les destabilisations. Mais qu'en est-il exactement aujourd'hui des capa­cites de la RSAF ? Serait-elle a me me de contrer efficacement d'eventuels agresseurs exterieurs ou interieurs, voire de conduire des actions offensives de grande ampleur ? Sur le papier, certes, elle constitue la troisieme aviation militaire de la region, apres celles d'lsrael et de l'Egypte. Mais dans la realite ? Ses moyens ultramo­dernes souffrent de credits de fonctionnement revus a la baisse et de competences humaines decroissantes. En fait, sur bien des points, la RSAF ne saurait fonctionner efficacement sans I'aide de Washington.

mentaires. En dessous, on trouve des moyens de commandement operationnel a Tabuk, Ojedda, Khamis Muchayt et Ohahran (King Abdul Aziz AB) , ainsi qu'a I'academie de I'air King Faysal , pres de Riyad.

Un parc homogene Aujourd'hui, en 2002, le parc de la RSAF

est particulierement homogene. I1 com­prend cent cinquante-neut F-15C/0/S', cent sept Tornado AOV/IOS-R/GR.1 lOS', qua­torze F-5B/F4 d'entrainement operationnel et RF-5E de reco , et cinq E-3A Awacs. Ces avions sont repartis au sein de quinze esca­drons : six de detense aerienne (No 5, 6, 13, 34 et 42 Squadrons equipes de F-15C/0, et No 29 Squadron volant sur Tornado

F3 AOV) ; trois de trappe lointaine (sur F-15S) ; trois d'attaque de cibles fixes (No 7, 66 et 75 Squadrons sur Tornado lOS) ; un de reconnaissance et de suppression des defenses sol-air (No 83 Squadron dote de Tornado 10S-R specialement modifies) ; un d'appui air-sol leger (destine a la maturation des pilotes) operant sur F-5B/F biplaces et RF-5E) ; et un de detection et d'alerte aero­portees (No 18 Squadron sur E-3A). Les escadrons d'intercepteurs alignent chacun une douzaine d'appareils et ceux d'attaque de dix-huit a vingt. Tous ces avions benefi­cient de I'allonge que peut leur apporter le ravitaillement en vol grace aux huit Boeing KE-3A (version tanker/transport de fret) et aux huit KC-130H (No 32 Squadron).

Aces quinze escadrons operationnels

© SAE Systems via J.-L. Prome

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s'en ajoutent trois autres de transport ali­gnant trente-huit C-130 (sept E, vingt-neuf H et deux H-30 rallonges) , un KE-3B de guerre electronique, trois L-100-30HS confi­gures en h6pitaux volants et quatre CN-235. On trouve egalement dans I'inventaire le No 1 Squadron , qui se consacre aux voyages du monarque et des milliers de membres de son importante familie avec deux Boeing 747SP, un Boeing 737-200, quatre BAe 125-800, deux Gulfstream 111 , deux Learjet 35, quatre VC-130H et cinq helicopteres, ainsi que deux escadrons de voilures tournantes rassemblant vingt-deux AB 205, treize AB 206, dix-sept AB 212, quarante AB 412EP (SAR) et dix AS 532A2 Cougar (CSAR).

Enfin, les unites de formation et d'entra7-nement mettent en CBuvre quelque trente­trois Hawk Mk.65 et quarante-cinq PC-9 (la RSAF a reQu cinquante exemplaires de chaque type), ainsi que treize Cessna 172. Seuls les Hawk peuvent emporter de I'arme­me nt et participer a des missions d'appui leger et de contre-insurrection. Toutefois, leurs capacites offensives sont reduites et ils seraient excessivement vulnerables ades tirs de missiles sol-air portables. Leur effica­cite , meme en tant que machines de transi­tion operationnelle, est aujourd'hui remise

En haut: les Lightning, malgre leurs detauts et fai­

blesses, ont materialise I'en­tree de la RSAF dans le club ferme des forces aeriennes

modernes. On en voit ici un monte sur pylone ä I'entree de la base de

King Abdul Aziz (Dhahran).

Ci-dessus : la RSAF dis pose de quelques CN 235 de trans­

port moyen, bien utiles pour completer I'action des

Hereules dans ce vaste pays ou la logistique rapide ne peut se faire que par la

voie aerienne. 'E e

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Ci-contre : les Pilatus PC-9 -.' -;

participent ä la formation des .~ futurs pilotes de la RSAF. IIs E

n'emportent pas d'armements. ~

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en cause par les Saoudiens, car ils ne per­mettent pas l'entra7nement realiste (profils de mission , vols supersoniques, etc.) des futurs pilotes de F-15S.

Malgre la vaste etendue du territoire qu'elle doit proteger, la RSAF ne possede pas un important reseau de bases ae­riennes. Elle a prefere opter pour la mise en place d'un petit nombre d'enormes plates­formes ultramodernes et dotees de hanga­rettes a faire palir de jalousie les forces aeriennes de l'Otan. On trouve ainsi, en pro­tection des principales infrastructures por­tuaires du pays , face au golfe Arabo­Persique et a l'lran, les bases d'al-Jubayl, d'al-Ahsa et de Ohahran. Cette derniere est immense et rassemble, outre les Jetstream, trois escadrons de F-15C/0/S, deux de Tornado lOS, celui de Tornado SEAO/reco et celui de Tornado AOV, ainsi qu'un escadron de Hawk. Soit pres de cent vingt appareils operationnels sur le meme site ! Une belle cible pour un eventuel agresseur.

AI-Kharj abrite I'academie de I'air - qui re­groupe le gros des Hawk, les PC-9 et les Cessna 172 - , I'ensemble des ravitailleurs en vol et des Awacs, un escadron de trans­port et deux autres de F-15, sans oublier I'escadron VIP. Khamis Muchayt, au sud,

face au Yemen, accueille deux unites de F-15, dont une de S. Pour defendre I'aero­port international de Ojedda et contr61er la mer Rouge, la base de Ta'if dispose de deux autres escadrons de F-15. Au nord-ouest, face a Israel, celle de Tabuk, trop menacee par d'eventuelles frappes, ne sert que de terrain avance.

Riyad fait ses courses ... Mais comment la RSAF s'est-elle consti­

tuee ? C'est lors des conflits frontaliers opposant l'Arabie saoudite au Yemen que la force aerienne fit pour la premiere fois la preuve de son efficacite. A la suite de la chute du Shah, inquiets des risques lies a I'extremisme religieux et politique iranien, les dirigeants saoudiens deciderent de don­ner un serieux coup de pouce a leur avia­tion, la seule armee du pays a pouvoir assu­rer, grace a sa mobilite, la defense effective de leur immense territoire. Cette mon tee en puissance passa par la realisation de plu­sieurs megaprogrammes d'equipement les " Peace Sun " avec Washington et " AI ­Yamamah " avec Londres.

Initialement, I'idee de vendre a une nation arabe un systeme d'armes aussi evolue que

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le F-15 rencontra pas mal d'opposants en Israel, et donc au Congres americain, La transaction fit I'objet d'apres discussions dans le cadre des fameux accords de Camp Oavid, Finalement, les contrats " Peace Sun " aboutirent a la livraison, au debut des annees 1980, de quarante-six F-15C et de seize F-150 en plusieurs lots, L'intransigeance israelienne etait teile que

1. En constituant un alM obligatoire de IVSCENTCOM (le commandement interarmees americain en charge de la zone du golfe Arabo-Persique) et des autres Etats du Golfe en cas de crise regionale,

2. Cent soixante-dix F-15 ont ete livres : soixante­quinze C (dont vingt de seconde main), vingt-trois ° (dont quatre d'occasion) et soixante-douze S (receptionnes entre septembre 1995 et 2000),

3. Vingt-deux AO\(' dix lOS-R de reconnaissance et soixante-quinze GR, 1 lOS classiques, Au total, la RSAF a rer;u cent vingtTornado (quatre-vingt-seize lOS et vingt-quatre AOV),

4. Au debut 2001, quelque quatre-vingt-sept des cent un F-5 encore en dotation (quatorze B, cinquante-six E, vingt et un F et dix RF-5E) ont ete retires du service,

deux appareils durent EHre conserves aux Etats-Unis afin qu 'il n'y ait pas plus de soixante Eagle simultanement sur le sol saoudien ! La guerre du Golfe changea la donne et, en 1990, la RSAF obtint de I'USAF vingt monopiaces et quatre biplaces de seconde main, puis, deux ans plus tard, au titre des co nt rats " Peace Sun ", douze avions neufs supplementaires (neuf C et trois 0), Au total, ce sont donc soixante­quinze F-15C et vingt-trois F-150 qui furent livres,

Un premier escadron fut declare opera­tionnel a Ohahran au debut de 1983, suivi d'un deuxieme a Ta'if a la fin de la me me annee et d'un troisieme a Khamis Muchayt en juillet 1984, Afin de se proteger contre d'eventuels raids aeriens iraniens, dans le cadre du conflit ouvert entre l'lran et l'lrak, les Saoudiens mirent en place la ligne Fahd le long de leur littoral, au-dessus du golfe Arabo-Persique, II s'agissait d'une zone avancee de contr61e et d'identification per­mettant a leur defense aerienne d'anticiper

'E Ci-contre : les Saoudiens J: alignent encore trente-trois ~ Hawk Mk.65 sur les cinquante ,~ qu'ils ont percus, Ces avions Ei peuvent recevoir de I'arme­! ment leger, mais, a la diffe-w rence des modeles britan-;i\ niques, ils ne semblent pas @ avoir ete adaptes pour I'em-

port de Sidewinder,

En dessous: les dix Cougar CSAR de la RSAF s'averent particulierement bien equipes et redoutables avec leurs nacelles canon de 30 mm, IIs sont, en outre, dotes d'une perche de ravitaillement en vol, une premiere pour Eurocopter. De quoi permettre de recuperer des equipages amis dans la profondeur du dispositif adverse, Voire de realiser des operations d'infiltration/exfiltration de commandos,

toute attaque potentielle contre leur terri­toire, Teheran testa d'ailleurs I'efficacite du dispositif, un F-4 Phantom iranien etant abattu par un F-15 saoudien le 5 juin 1984,

Parallelement a I'entree en service des F-15C/0, la RSAF desirait se doter de F-15E - ou d'appareils equivalents - a meme d'ef­fectuer des frappes air-sol lointaines, En juillet 1985, Reagan confirma au roi Fahd qu'il ne pourrait obtenir le feu vert du Congres, En fait, les autorites americaines ne souhaitaient pas livrer a un pays arabe des moyens capables d'assurer des frappes efficaces sur le territoire israelien, En desespoir de cause, au mois de sep­tembre suivant, Riyad conclut un accord avec Londres en vue de I'acquisition d'un lot de Tornado lOS d'attaque au sol.

Tomade sur les ADV ! Cet achat n'etait, en fait , qu'un element

d'un package beaucoup plus important comprenant aussi des Tornado AOV de defense aerienne, des Hawk, des Pilatus, des helicopteres, des armes, etc, Fin 1992, la valeur de ce marche, designe " AI­Yamamah ", atteindra le montant record de 29 Mds de dollars, a payer en barils de pe­trole ! Outre la livraison de trente jets d'en­trainement Hawk 65, de trente PC-9 de for­mation de base et de deux biturboprops Jetstream, la premiere phase du contrat vit donc la fourniture de vingt-quatre AOV et de quarante-huit lOS, A I'usage, ces derniers demontrerent des qualites manifestes pour la frappe air-sol, 11 ne leur manquait guere que I'avionique embarquee necessaire au tir de missiles air-sol a longue portee, et I'em­port d'un systeme laser de designation de cibles a meme de leur permettre le tir en autonome de bombes " intelligentes " a guidage laser. En revanche, les AOV, comme au sein de la RAF ou de I'AMI

AIR FAN 17

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Ci-contre : en Arabie saoudite, .~ les Tornado ADV ont fait un @

flop, comme partout ailleurs ! C'est la raison pour laquelle

les livraisons sont restees limitees cl vingt-quatre

appareils,

En dessous: les Hawk Mk.65 ont les pattes courtes. Ce qui explique que I'interet

des Saoudiens pour des com­mandes supplementaires

de Hawkde combat Mk.l00 et Mk.200 ne se soit finale­

ment pas materialise. Les Mk.65, enfin, apparaissent

inadaptes aux besoins de la RSAF qui souhaite disposer

d'un jet d'entrainement dote d'une avionique voisine de

celle equipant ses F-15S.

d'ailleurs, revelerent de serieuses faiblesses dues, en partie, a leur sous-motorisation qui limitait leurs capacites de manceuvre en combat tournoyant - une regle en Arabie saoudite ou les missions s'apparentent a de la police aerienne avec une identification visuelle prealable des eventuels intrus. Oe plus, leur avionique, leur radar et leur equi­pement d'alerte radar montraient de se­rieuses insuffisances techniques, tandis que I'integration au systeme d'armes de missiles air-air modernes s'avera plus delicate que prevu. Face acette situation, la RSAF convertit plusieurs de ses AOV en appareils de reconnaissance. Pour autant, ces pro­blemes, il est vrai pas si rares que ce la a I'entree en service d'un nouveau systeme d'armes, n'empecherent pas Riyad de pas­ser une nouvelle grosse commande.

Ainsi fut signe, en juillet 1988, I'accord " AI-Yamamah-2 " prevoyant I'acquisition de quarante-huit lOS supplementaires, de quarante Hawk 100, de vingt Hawk 200 (dotes d'un radar) , de quatre-vingt-huit Black Hawk armes de missiles antichars Tow (a produire par Westland, le Congres americain refusant de vendre des helicop­teres armes aux Saoudiens), de douze bireacteurs d'affaires BAe 125, de quatre quadrireacteurs BAe 146 amenages pour le transport de VIP, de trois a six navires de deminage, de systemes C41, plus des armes en pagaille (notamment des missiles anti radar ALARM, antinavires Sea Eagle, air­air Skyflash et AIM-9L Sidewinder, des bombes BL-755 et des disperseurs ven­traux de sous-munitions antipistes JP-233). Sans oublier des lots de rechanges, des packages de formation et des travaux d'in­frastructure comportant la realisation de deux bases aeriennes a Taiba et a al­Sulayyil , avec chacune vingt-cinq hanga­rettes pour Tornado. Le tout representant un

18AIR FAN

montant evalue a 18 Mds de dollars. Mais le contenu de cet accord fut ulterieurement re­vu a la baisse.

La RSAF dans la guerre du GoHe La conquete du Kowe'it par Saddam

Hussein, au cours de I'ete 1990, permit a la RSAF de beneficier du soutien du Penta­gone et de poursuivre sa politique d'acqui­sitions avec la commande, fin aoOt, de vingt­quatre F-15C/O supplementaires, de huit C-130H, de deux C-130H-30 et d'impor­tantes quantites de missiles AIM-9L et AIM-7F. A tous ces materiels de seconde main, preleves sur les stocks de I'USAF, s'ajouta un avion de guerre electronique Falcon Eye.

La guerre du Golfe, au debut de 1991 , confirma que la RSAF etait arrivee a une cer-

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taine maturite. Entre le 17 janvier et le 28 fe­vrier, elle effectua quelque 6 852 sorties' ; soit 6,5 % des missions executees par I'en­semble des forces de la Coalition - l'Arabie saoudite se playa ainsi a la deuxieme place derriere les Etats-Unis et devant le Royaume-Uni . Ses F-15C realiserent 2 088 vols de combat (a raison de cinquante par jour en moyenne, avec un pie a cent qua­torze le premier jour), soit un tiers environ du total enregistre par les unites d' Eagle de

5. Parmi lesquelles 1 133 sorties d'assaut, 523 d'inter­diction du champ de bataille, 2050 de CAp, 102 d'es­corte de raids, 129 d'interception offensive, 118 de reconnaissance, 85 de detection et d'alerte aeroportees (Awacs), 485 de ravitaillement en vol et 1 829 de transport aerien.

6. Dont deux descendus par le meme avion au cours d'une seule sortie le 24 janvier 1991.

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I'USAF, et ses Tornado ADV en accumule­rent 451. Les aviateurs saoudiens montre­rent. dans ces missions de defense ae­rienne, des competences relativement com­parables a celles des pilotes de la plupart des forces aeriennes de l'Otan.

En matiere d'attaque au sol, les Saou­diens contribuerent a I'effort de la Coalition a hauteur de 1 912 sorties (665 sur Torna­do GR.1 lOS et 1 129 sur F-5, plus 118 de reconnaissance sur RF-5). Au bilan de I'af­faire, la RSAF, dont les F-15C abattirent trois Mirage F1 EQ-5 irakiens·, enregistra la perte d'un GR.1, frappe par la DCA, et d'un F-5 pour des raisons inconnues.

Toutefois, le conflit avait souligne le declin des F-5E/F et la necessite de disposer d'un

puissant appareil de penetration Ei longue distance. Certes, les Tiger 11 saoudiens etaient relativement evolues. Equipes d'une centrale inertielle - pour la navigation - et d'un systeme de ravitaillement en vol, ils etaient egalement en mesure de tirer des bombes Ei guidage laser et des missiles air­sol Maverick. Mais leur rayon d'action et leur avionique, de me me que leur capacite d'emport de charges, s'averaient limites pour faire face aux menaces regionales et leur permettre de se deployer d'une base Ei I'autre. Au debut des annees 1990, leur maintien en conditions operationnelles exi­geait, de la part des mecaniciens saoudiens et americains, deux fois plus de temps que pour les F-15. Aussi, leur modernisation ne

--

se revelant pas rentable , furent-ils confines aux missions d'appui aerien leger et d'en­trainement.

La RSAF obtient le F-l55 En revanche, lors du conflit, les F-15C/D

demontrerent leurs excellentes qualites. Et aucun des pays voisins menac;:ant potentiel­lement Riyad ne disposait dans son arsenal d'un systeme d'armes equivalent - les Tomcat iraniens manquant de rechanges et d'armes pour pouvoir fonctionner a 100 % de leurs capacites. Cependant, ces appa­reils ne pouvaient accomplir que des mis­sions air-air, Washington ayant mis son veto, dans les annees 1980, Ei la vente de I'avio-

Ci-contre : une race en voie de disparition au sein de la RSAF, le Tiger 11. Du fait de leur cout d'utilisation particulierement eleve, les Saoudiens ont retire quatre-vingt-sept F-5 du service voici un peu plus d'un an. 11 n'en reste que quatorze affectes dans un unique escadron de vieillisse­ment des pilotes. Leur remplace­ment fait I'objet de negociations autour de F-16 Block 60 DU de lots supplementaires de F-15S. Mais Washington semble trainer les pieds, d'autant que Riyad n'aurait plus les moyens budge­taires de ses ambitions.

Ci-dessous: les F-15C ont permis a l'Arabie saoudite de faire par­faitement respecter son espace aerien, meme au plus fort de la guerre du Golfe. La mise en ceuvre de ses Awacs par des equipages entierement saou­diens, et non plus americains, constitue un gage supplemen­taire d'independance nationale.

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nique et des cheminees indispensables a I'emport de bombes.

Tirant les le90ns de la guerre du Golfe et de son impressionnante offensive aerienne, la RSAF aurait bien evidemment prefere dis­poser d'Eagle multiröles. Certes, le conflit avait prouve les capacites des Tornado lOS en matiere de penetration a longue distance et leur interet operationnel une fois dotes de nacelles Flir et laser7

. IIs pouvaient assurer efficacement une certaine « dissuasion " a I'egard de Teheran et de Bagdad, mais iI leur manquait la manceuvrabilite, la flexibili­te et I'avionique necessaires aux missions de destruction par armes de precision des reseaux evolues de defense sol-air presents dans la zone des combats.

L'Arabie saoudite decida donc d'acheter des F-15 d'attaque au sol a meme de frap­per jusqu 'en Iran ou au cceur de l'lrak. La commande, portant sur soixante-douze F-15S, fut passee en 1992 et approuvee par le Congres le 1er octobre de la meme annee. Ce revirement de la politique restrictive americaine etait dO a I'amelioration des rap­ports entre Riyad et Jerusalem, ainsi qu'a la participation du pays a la guerre du Golfe.

Quant a la crainte de voir un jour les F-15S tomber - a la suite d'un coup d'Etat - sous la coupe d'un regime extremiste anti-israe­lien, elle fut enrayee par la RSAF qui accep­ta de voir ses apparei ls entretenus, tout au long de leur vie operationnelle, essentielle­ment par des techniciens americains. Le Pentagone pouvant, atout moment, clouer les avions au sol en rapatriant le personnel et en coupant les approvisionnements en rechanges . ,

Outre les soixante-douze Strike Eagle, le contra!, evalue a 9 Mds de dollars, portait sur la fourniture de vingt-quatre moteurs de rechange, quarante-huit nacelles Lantirn, neuf cents missi les air-sol AGM-650/G Maverick, six cents bombes CBU-87 et sept cents bombes a guidage laser GBU-10/12. L'arrivee des avions allait permettre de constituer, avec les quatre-vingt-dix-huit F-15C/O precedemment acquis, un parc plus facile a gerer en matiere de formation des pilotes et de logistique.

Signe en 1993, « Peace Sun IX " compre­nait aussi la fourniture de trente systemes devolus a la preparation des missions de penetration profonde, capables de calculer la route a suivre en tenant compte des menaces sol-air et de planifier le mode ope­ratoire au-dessus de la cible tout en fournis­sant des evaluations predictives (radar, car­tographie et imagerie).

7. Durant la guerre du Golfe, les Tornado lacherent au total, toutes nationalites confondues, un bon mi/Her de bombes a guidage laser ainsi que nombre de missiles antiradar ALARM

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En plus de leur capacite de frappes air­sol , les F-15S multiröles affichent de reelles aptitudes au combat aerien. Non seulement ils peuvent tirer toute la gamme des missiles air-air emportes par les F-15C/O, a savoir les AIM-9S Sidewinder (la variante exportable de l'AIM-9M a guidage radar) et les AIM-7F et -7M Sparrow, mais leur systeme d'armes dispose aussi de toutes les provisions ne­cessaires a la mise en oeuvre du missile air­air AMRAAM - a raison de 380 000 dollars I'unite, les Saoudiens ont finalement reussi, en mars 1999, a obtenir du Congres ameri­cain un accord pour la livraison de ce mis­sile qui serait a meme de frapper sa cible a plus de 80 km de distance. En outre, avec une resolution de 18 m a 20 nautiques, le radar des F-15S s'avere plus performant en mode air-air que celui des F-15C/O (160 m dans les memes conditions).

Malgre les difficultes budgetaires au x­quelles l'Arabie saoudite doit faire face

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depuis le milieu des annees 1990, le pro­gramme d'acquisition des Strike Eagle beneficia d 'une priorite totale . Le premier escadron fut declare operationnel en 1996, le deuxieme I'annee suivante et le troisieme en 1998. Les contrats " Peace Sun " se poursuivirent donc avec des commandes d'equipements et de services. Toutefois, depuis mai 1999, les Etats-Unis ont decide de ne pas en signer de nouveaux du fait de I'incapacite de Riyad d'en assurer le finan­cement.

Un Strike Eagte entrave Le F-15S, malgre ses capacites multiröles

et ses performances, n'en constitue pas moins une variante degradee du fameux F-15E en service dans I'USAF. Ainsi, par exemple, les reservoirs plaques le long du fuselage, I'une des caracteristiques du Strike Eagle, ont bien ete livres, mais sans

leurs cheminees d'emport de bombes. Ce qui reduit le chargement offensif, donc le rendement operationnel . Oe meme, seule­ment quarante-huit systemes Lantirn ont ete fournis pour les soixante-douze bireacteurs, limitant d'autant le nombre de F-15S sus­ceptibles d'agir a un moment don ne avec des armes intelligentes. Sans eux, les appa­reils redeviennent de classiques" camions a bombes ". En outre, si la nacelle de navi­gation AAQ-20 Pathfinder du Lantirn pos­sede bien un radar de suivi de terrain , elle ne dispose que de capacites ECCM tres reduites par rapport a la version americaine. Ce qui ne permet pas aux F-15S d'echapper aux senseurs des avions de combat de l'Air Force - et probablement d'lsrael. Quant a la nacelle de designation de cible AAQ-20 Sharpshooter completant le systeme, elle n'autorise pas le tir des missiles anti radar HARM et n'est pas optimisee pour I'emploi des bombes cluster. Elle ne peut tirer que des Maverick a guidage electro-optique (variantes A et B) ou a guidage IR (variantes o ou G), sans correlateur de I'axe de visee et a raison d'un seul missile par mission.

Mais les differences ne s'arretent pas lä Ainsi, le radar APG-70 n'affiche que 60 % de la bande passante de son cousin d'outre­Atlantique et seulement seize modes d'emission au lieu de trente-deux. II n'est dote d'aucune fonction cartographique nu­merique et se contente d'une resolution de 18,3 m a 15 nautiques (contre 2,6 m a 20 nautiques pour le F-15E). Les logiciels du systeme d'attaque AWG-27 ont egalement vu leurs performances diminuer. Les appa­reils saoudiens ne so nt pas non plus equi­pes d'un module de transmission de don­nees et leur pilote automatique ASW-51 ne

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A gauche: les F-15S sont loin d'afficher les performances de leurs equivalents ameri­cains (F-15EI et israeliens (F-151l. Leur systeme d' armes a ete volontairement et pro­fondement degrade pour qu'ils ne constituent pas une menace envers Israel. Toutefois, avec I'appui des ravitailleurs en vol de la RSAF, ils offrent, face ä l'lran et ä l'lrak, de redoutables capa ci­tes d'intervention air-sol au plus profond du territoire de ces deux pays.

A gauche, en dessous: dMile aerien melant des F-15C, des F-15Setdes TornadoGR.1

En bas : les Awacs de la RSAF ne sont pas assez nombreux

pour couvrir efficacement les confins du vaste territoire

saoudien. En revanche, quinze ans apres leur entree en ser­

vice, ils sont enfin mis en ceuvre par des equipages

entierement nationaux.

possede pas de mode suivi de terrain - ils se contentent d'un systeme de navigation base sur le GPS et d'une alerte vocale d'al­titude de type civil !

Le Pentagone a egalement pris soin de limiter les capacites du systeme embarque de guerre electronique et d'autoprotection des F-15S afin qu'ils demeurent d'excel­lentes cibles pour les chasseurs de I'USAF -ou ceux d'lsrael - tout en se revelant suffi­samment efficaces face aux avions des forces arabes et iraniennes. Ainsi , l'ALQ-135 et l'ALR-56C (alerte radar) ont ete largement modifies pour qu'ils ne puissent, respective­ment, ni brouiller ni identifier un avion de combat d'origine americaine. De meme, les lance-Ieurres ALE-45 et le module MX-9287

de suppression des interferences ont aussi ete substantiellement « retouches ". Bien evidemment, toutes ces alterations ne sont pas sans effet sur I'efficacite operationnelle des F-15S qui, Ei I'evidence, ne sont pas op­timises pour s'en prendre Ei des systemes de defense aerienne americains ou israe­liens ! Mais, ce la faisait partie du deal initial pour que la vente se realise.

Les F-l55 s'ameliorent Neanmoins, les choses ont evolue. En

effet, depuis 1998, les Saoudiens ont enfin obtenu la livraison de vingt-neuf jeux de reservoirs plaques de fuselage compatibles avec I'emport de bombes intelligentes. Et,

debut 2000, les F-15S ont ete equipes du systeme IFF Mk.IV et de postes radio secu­rises Have Quick. En ce moment, les logi­ciels beneficient du programme de moder­nisation MSIP prevu pour les F-15 de I'USAF. Et, Ei terme, il est question que les Saou­diens obtiennent du Pentagone les codes des logiciels de guerre electronique de leurs appareils. Ce qui les rendrait moins ai se­ment detectables et brouillables. Enfin, en vue d'accroTtre son autonomie, la RSAF negocie actuellement les transferts de tech­nologies indispensables Ei la realisation en Arabie saoudite des operations de mainte­nance lourde (de niveau depot) de la cel­lule ou du radar.

En definitive, le F-15S actuel appara7t comme un systeme d'armes parfaitement Ei meme, au moins jusqu'en 2010, de penetrer victorieusement les defenses aeriennes de l'lran et de l'lrak (c'est nettement moins vrai face Ei Israel !) et de venir Ei bout de leurs avions de combat. Neanmoins, Riyad ap­precierait bien de recevoir des F-15W veri­tablement polyvalents et donc capables, lors du meme vol , de conduire des frappes air-sol dans la profondeur du dispositif ad­verse tout en assurant des interceptions ae­riennes. En cas de necessite, par exemple la reception par Teheran ou Bagdad de chasseurs modernes, les F-15S pourraient aisement etre portes au standard W.

Cela dit, I'efficacite operationnelle des F-15S souffre egalement de contraintes budgetaires limitant la disponibilite du parc et de stocks insuffisants d'armes modernes et performantes, mais surtout du niveau insuffisant de competence des personneis saoudiens, aussi bien celui des pilotes (peu formes pour les missions de penetration en territoire hostile ou dans un cadre multinatio­nal) que celui des techniciens au sol. 0

a suivre

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Jean·Louis PROME

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24 AIR FAN

C 'est au cours de I'annee 2000 que le PA Fach a cElde la place au PAN Charles-de-Gaulle, encore en periode d'essais a I'epoque. Le bätiment, qui joua un role

essentiel dans nombre d'operations mi li­taires et CBuvra beaucoup pour le prestige de la France et de la Marine nationale, tut alors mouille dans un bassin du port de Toulon, promis a un destin tuneste. Un sort qu'il ne meritait pas eta nt donne son riche passe, et auquel iI echappa gräce a son ra­chat par la Marinha do Brasil qui en prit offi­ciellement possession le 15 novembre 2000 a Brest. Reconditionne et rebaptise Navio­Aerodromo Saa Paula (A 12), du nom de I'un des Etats du Bresil , qui est aussi celui de la ville la plus peuplee du continent sud-ame­ricain, il a repris du service et navigue desormais du cote de Rio de Janeiro.

Un remplacement attendu

Le delai qui s'est ecoule entre la conclu­sion de la vente du Fach et I'arrivee des pre­miers avions sur le po nt du Saa Paula ope­rationnel a ete exceptionnellement court.

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Ci-dessus: les Bresiliens ont modifie le systeme ge catapultage en attachant I'elingue au chariot de la catapulte de maniere ä la recuperer ä chaque fois. Ce qui n'etait pas le cas sur le Fach. A gauche: le Säo Paulo (A121. ex-Fach. Exterieurement, rien n'a change, ä part les aeronefs sur le pont d'envol (Skyhawk, Sea King, etc.), et ce n'est pas sans un pincement au creur que les Fran~ais redecouvri­ront la silhouette de ce bätiment qui a marque I'histoire de la Marine nationale pendant 47 ans.

Achetes au Kowe'lt en avril 1998, lorsque la Marinha fut a nouveau - constitutionnelle­ment - autorisee a utiliser des aeronefs a voilure fixe, les McDonnell Douglas A-4 Skyhawk (Iocalement redesignes AF-1 Falcöes do Mar) apportent une nouvelle flexibilite a la marine bresilienne. Ainsi arme, et selon la declaration meme du president Fernando Henrique Cardoso prononcee lors de la prise en compte officielle du batiment le 28 avril 2001 , " le Sao Paulo accro'it consi­derablement la capacite du Bresil EI de­fendre ses interets maritimes, un pays dont le littoral important necessite une puissance navale appropriee. »

Si I'acquisition du Foch est apparue sou­daine aux yeux de certains, elle etait nean­moins previsible. En effet, la Marinha ne cachait pas son desir de remplacer son vieux porte-avions leger Minas Gerais (A 11). Un temps, elle avait meme envisage d'en

acquerir un de la classe Forrestal aupres de I'US Navy, mais cette operation depassait largement le budget prevu. Compare au Minas Gerais, ex-HMS Vengeance' (classe Colossus) receptionne par la Royal Navy en 1945 et dernier survivant des porte-avions britanniques datant de la Seconde Guerre mondiale, le Foch, entre en service en 1963, offre de bien meilleures performances. La raison de son achat eclair se trouve vrai­semblablement dans son prix de vente deri­soire de 12 millions de dollars US, contre soixante prevus au depart. Une affaire ! A noter, au passage, que les negociateurs fran c;;ais proposaient egalement un lot de Breguet Alize qui n'a pas retenu I'interet des Bresiliens. Toujours en France depuis son retrait du service en octobre 1997, le Clemenceau (sister-ship du Foch) servirait de reserve pour les pieces detachees, c'est du moins ce qu'a laisse entendre le pacha

du Säo Paulo, I'amiral Antünio Alberto Marinho Nigro.

L'avenir du Minas Gerais, desarme le 16 octobre 2001 , est encore incertain. Toutefois, trois projets de conversion en musee flottant sont aujourd 'hui a I'etude : I'un a Rio de Janeiro, ou il est actuellement mouille ; I'autre en Australie, qui en fut le pro­prietaire entre 1953 et 1956 ; et le dernier en Grande-Bretagne 00 plusieurs personnes tentent de collecter suffisamment de fonds afin de le convoyer jusqu'a Southampton.

Tout en douceur La prise en main du Foch par les Bre­

si liens a commence le 4 septembre 2000 lorsque trois cents marins ont debarque a Toulon pour entamer un programme d'en­trainement de deux mois et demi . Puis, cent

1. Transfere en 1953 a rAustralie qui le retroceda aux Bresiliens en decembre 1956. Le navire subit alors une refonte a Rotterdam ou il rer;ut, entre autres, une piste oblique a 8,50 et une catapulte a vapeur avant d'etre admis au service actif dans la Marinha en 1960. " fut modernise entre 1976-1980, puis en 1993.

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cinquante autres sont venus les rejoindre debut octobre et, a I'issue du programme, I'equipage franyais avait ete reduit de 1 100 a 460 hommes.

Le navire a ensuite rallie ßrest, le 10 no­vembre, pour y subir une serie de modifica­tions. Ces travaux, menes par la DCN, ont porte sur les groupes propulseurs, les cata­pultes et les brins d'arret. « A Brest, nous avons accueilli un nouveau contingent de cent cinquante marins, precise I'amiral Nigro. Puis, le 15, le Foch a ete officiellement rebaptise Sao Paulo tandis que les Fran9ais limitaient leur presence a seulement cin­quante hommes. Le 1'" fevrier 2001, jour du depart du porte-avions vers Rio (via Dakar pour un avitaillement), seuls seize d 'entre eux restaient a bord. Une fois celui-ci parve­nu adestination, huit cents nouveaux mili­taires sont venus completer les effectifs. Je rends hommage a mon equipage pour la rapidite avec laquelle il a pris possession d 'un batiment de cette taille. »

Des lors, le porte-avions a entame une serie d'essais en vue de la validation des materiels. « Nous avons adapte le navire a nos standards, poursuit le pacha, car nous utilisons des appareils differents de ceux des Fran9ais. Nous sommes operationnels depuis le 3 septembre 2001. »

Avant de ceder le batiment, la Marine nationale avait 6te certains equipements, tels celui de defense antiaerienne Syracuse, ceux de cryptage, le SATCOM et autres equipements de communication, qui ont ete remplaces par leurs equivalents locaux -sauf le Syracuse. Fin 2002, les moyens anti­aeriens consisteront en un systeme de defense rapprochee Alenia Albatross, com­plete par des missiles Aspide.

L'amiral Nigro a remercie chaleureuse­ment les Franyais qui les ont assistes jus­qu'au bout, transmettant toutes les informa­tions necessaires au fonctionnement d'une

Au-dessus : apres trente appontages reussis, les

pilotes du VF-' sont qualifies pilotes embarques. Celui-ci effectue un overshoot, une remise des gaz au-dessus

du pont d'envol.

Ci-contre : en observant I'activite sur le pont d'envol,

on remarque immediatement le professionnalisme, la cohe­sion et le dynamisme des per­

sonneis de la Marinha. Les equipes ne sont pas encore

tres rapides, mais effectuent toutes les manceuvres selon des normes de securite tres strictes, comme il se doit 11

bord d'un porte-avions.

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teile unite. Les seize derniers marins fran­yais so nt repartis le cceur gros de Rio, lais­sant derriere eux I'un des ex-fleurons de la Royale.

Pas de voilures fixes Du temps du Minas Gerais, entre en ser­

vice en 1960 avec pour mission principale la lutte anti-sous-marine, la Forya Aeronaval da Marinha n'avait le droit d'utiliser que des helicopteres, parmi lesquels des Sikorsky SH-3 Sea King et des Eurocopter UH-14 Super Puma. En effet, ses derniers avions, des T-28 Trojan d'entrainement, furent retires du service en 1965 lorsque les militaires au pouvoir signerent un decret - tres contro­verse a I'epoque - stipulant que seule la Forya Mrea ßrasileira (FAß) alignerait de­sormais des aeronefs a voilure fixe. A partir de ceHe date, les chasseurs-bombardiers Grumman P-16 Tracker que la Force ae­rienne possedait depuis 1961 furent autori-

ses a apponter sur le PA, chose qu'ils n'avaient jamais pu faire jusque-Ia pour cause de rivalites interservices ...

Durant les annees 1990, la Marinha expri­ma le besoin de disposer de moyens offen­sifs capables de la soutenir, elle et les forces amphibies, et de proteger les gisements petroliers le long des c6tes nationales s'eta­lant sur 7 000 km. En avri11998, la fameuse loi fut enfin modifiee et, immediatement, avec I'aide des Etats-Unis, un contrat de 72 millions de dollars US fut signe avec le KoweH pour I'achat de vingt A-4KU et trois TA-4KU, plus des pieces detachees, des moteurs de rechange et des armes (dont plus de deux cents AIM-9H Sidewinder). Ces Skyhawk avaient peu d'heures de vol et faisaient partie des derniers qui furent construits avant la fermeture de la chaine d'assemblage en 1977.

« Le Skyhawk Mait la seule option viable, explique le Capitao-de-mar-e-guerra (CMG) Carlos Augusto Marcondes, commandant

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-

du Primeiro Esquadrao de Aviöes de Interceptagao e Ataque (VF-1), le nouvel escadron de chasse embarquee. La mise sur pied d'une unite de combat sur jet etait basee sur les capacites du Minas Gerais. 11 n'y avait pas de Super Etendard disponibles sur le marche, les A-7 Corsair 11 etaient trop lourds et les Harrier trop chers. Entre tous, 1'A-4 presentait les meilleures performances air-air grace a son excellent rapport pous­see/poids qui lui procure encore aujourd'hui une tres bonne maniabilite. " Les Bresiliens I'adorent. " Cest un petit jet agreable a pilo­ter et fiable, dote d'un moteur puissant ", rencherit le Capitao-Tenente Emerson Gaio Roberto, I'un des deux stagiaires LSO du VF-1.

L'escadron s'organise " Nous devons etre operationnels le plus

rapidement possible, ajoute le CMG Mar­condes. Notre priorite est de rattraper des decennies de retard. " Dans cette tEiche, la Marinha est aidee par la societe americaine Kay & Associates qui contribue a la montee en puissance du VF-1 en fournissant du per­sonnel de pont, des mecaniciens ainsi que des pilotes, tous avec une bonne expe­rience du Skyhawk. L'un d'entre eux est le Commander (CR) Curt " Potsie " Francis, egalement ancien pilote de Tomcat et LSO confirme, lequel ne tarit pas d'eloges sur les aviateurs bresiliens. " IIs sont bien au-des­sus de la moyenne et ont parcouru un sacre bout de chemin en un an et demi. Partis de rien, ils appontent aujourd'hui sur un PA comme s'ils avaient fait 9a toute leur vie ... "

En mars 2002, lors de notre visite, le VF-1 ~

comptait huit pilotes qualifies, I'effectif glo- E bai de vingt-cinq devant etre atteint en ~

<.ci 2004. Formes initialement, pendant deux @

Ci-contre : designes locale­ment AF-l, les Skyhawk ont pour mission la detense des 7 000 km de cates bresi­liennes, et constituent aujour­d'hui la piece maitresse de I'aviation embarquee de la Marinha. lei, ce pilote vient d'etre catapulte.

Ci-dessous: le VF-l ne dispose que de trois AF-1A biplaces pour la formation avancee. Toutefois, aucun n'est utilise ä bord du Sao Paulo en raison de leur poids trop eleve.

En bas : les avions sont regulierement rinces ä I'eau douce afin d'eviter tout pro­bleme de corrosion.

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Ci-eontre : bien que son pre­mier vol remonte aux annees

1950, le Skyhawk est loin d'avoir aeheve sa earriere.

La Marinha eompte utiliser les siens eneore une bonne dou­

zaine d'annees. lei, trois appa­reils sont saisines sur le pont,

ä I'avant du porte-avions.

En dessous, ä droite : ä bord, les UH-12/13 Esquilo sont utili­

ses pour la mission Pedro et aussi pour les liaisons.

Ci-dessous: les pilotes bresiliens suivent leur entrai­nement dans differents pays,

mais realisent leur Carqual aux Etats-Unis.

ans, au sein de la Forc;:a Aerea Brasileira sur Tueano et Xavante, ils ont suivi un stage specifique en Uruguay et en Argentine avant de partir aux USA s'entrainer sur porte-avions. Mais, certains ont realise I'en­semble de leur eursus aux Etats-Unis.

Une fois leur transformation sur Skyhawk achevee, les pilotes doivent avoir aeeumule un minimum de 50 heures de vol avant d'etre qualifiables pour I'aviation embar­quee. Leur Carqual2 sera effective apres trente appontages reussis , un chiffre deux

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fois plus eleve que dans I'US Navy. Le Säo Paulo est done Ei la mer le plus souvent pos­sible afin de leur permettre de realiser leurs 150 heures annuelles.

Le VF-1 prevoit de ne garder en ligne que quinze des vingt-trois AF-1 reeeptionnes, les huit autres etant plaees en reserve. « Nous n'avons pas de probleme pour /'ap­provisionnement en reehanges, explique le CMG Mareondes, mais e'est un fait que eer­taines pieees ou systemes eommeneent a devenir in trouvables. Toutefois, nous sommes assistes par notre industrie loeale pour surmonter eette diffieulte. " Avec le temps et I'experienee, la maintenance devrait se voir facilitee afin d'offrir un meilleur taux de disponibilite des appareils. Au moment de leur aequisition, les A-4 ne totalisaient en moyenne que 1 700 h de vol ehaeun, d'ou un potentiel restant important

pour eontinuer leur earriere dans la Marinha pendant au moins dix Ei quinze ans.

Modernisation attendue

Pour I'instant, le VF-1 s'emploie Ei devenir pleinement operationnel dans la mission de defense aerienne. Ce n'est qu'apres qu'il abordera la phase de soutien taetique/ frappe maritime. Quoi qu'il en soit, les Sky­hawk devront subir une eure de rajeunisse­ment. « Nous travail/ons a /'elaboration d'un programme de modernisation, poursuit le CMG Marcondes. Outre un missile air-air

2. Carrier Quafification : quafification de pilote embar­que.

3. HU-1 : 10 Esquadräo de Helic6pteros de Emprego Geral; HI-1 : 10 Esquadräo de Hefic6pteros de fnstru9äo.

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moderne tel que notre Mectron MAA-1 Piranha destine a remplacer l'AIM-9H Sidewinder, nos avions ont besoin d'un sys­teme de navigation et d'attaque plus perfor­mant, d'un nouveau calculateur de mission, d'ecrans multifonctions pour le radar multi­mode, d'un viseur tete haute, d'un recepteur d'alerte radar et, si possible, d'un Flir. Nous devons, en effet, nous preparer a develop­per une capacite d'attaque au sol et de lutte antinavire. » 11 ne s'agit pour I'instant que de souhaits, et une confirmation officielle de­vrait intervenir Ei la fin de cette annee.

Pour les pilotes d'avions embarques, le ravitaillement en vol apporte une grande flexibilite et revet une importance capitale, notamment lorsque les conditions meteo sont mauvaises. En effet, ces dernieres mul­tiplient les risques d'echec Ei I'appontage, d'ou la necessite d'entamer la reserve de

carburant interne, voire obligent Ei carre­ment se derouter vers une base terrestre eloignee. La Marinha envisage donc I'achat de trois nacelles Sargent-Fletcher qui per­mettraient de donner cette capacite Ei I'es­cadron.

Les helicopteres Bien que la mission du Sao Paulo soit

axee sur la defense aerienne, cela ne signi­fie evidemment pas que les helicopteres ont disparu du po nt d'envol. En effet, il faut as­surer les vols Pedro qui sont I'apanage des UH-12/13 Esquilo de I'escadron HU-1 ou des BeIIIH-6B Jet Rangerde I'HI-1'. La lutte anti-sous-marine est desormais devenue le röle secondaire du groupe aerien, confie aux seules voilures tournantes specialisees en la matiere, Ei savoir les SH-3NB Sea King

du Primeiro Esquadräo de Helic6pteros Anti-Submarino (HS-1). Ces machines sont aussi mises Ei la disposition des comman­dos marine et peuvent encore etre mobili­sees pour des missions Evasan, SAR ou de lutte antinavire - avec des missiles air-sur­face AM 39 Exocet. Reste le HU-2 equipe d'UH-14 Super Puma (des AS 332F1) utili­ses pour les memes taches, Ei I'exception de la lutte ASM/AN.

Apres avoir acheve sa phase d'evaluation en mars 2002, le Sao Paulo a appareille pour sa premiere croisiere internationale Ei destination de l'Argentine Ei la fin du mois suivant. Au debut des annees 1990, ce pays a signe un accord avec le Bresil lui permet­ta nt d'utiliser le Minas Gerais Ei des fins d'en­trainement, les premiers Super Etendard et Tracker argentins appontant sur le bätiment en 1993. Acette epoque, l'Armada n'utilisait dejEi plus son propre porte-avions , le Veinticinco de Mayo (un autre ex-Colossus) , immobilise depuis 1985 faute de moteurs -

Caracteristiques du Navio­Aerodromo Sao Paulo (A12)

Deplacement: 27 307 t (32 780 t ä pleine charge). Equipage: 1 200 marins plus 300 aviateurs du graupe aerien. Coque. Longueur totale : 265 m (238 m ä la flottaison) ; largeur: 51,20 m (31,70 m ä la flottai­son) ; tirant d'eau : 8,60 m en charge. Po nt d'envol. Longueur : 257 m ; largeur : 51,20 m; surface : 8 800 m'. Hangar. Longueur: 180 m ; largeur: 24 m ; hau­teur : 7 m ; surface : 3 300 m'. Performances. Vitesse : 32 nceuds ; autonomie: 3 500 miles nautiques ä pleine vapeur, 4 800 NM ä 23 nceuds, 7 500 NM ä 18 nceuds.

Au-dessus: le Sea King est I'unique plate-forme ASM en service dans la marine bresi­lienne, mais il peut remplir tout un tas d'autres röles.

Ci-contre : utilise pour I'assaut heliporte, le SAR et les liaisons, le Super Puma est la bete de somme de la Marinha do Brasil. Celui-ci s'apprete ä rejoindre le pont du Sao Paulo.

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Ci-contre : I'officier de catapultage brandit un pan­neau indiquant le poids de I'appareil au decollage et la pression de la catapulte a I'intention du directeur

des vols, installe dans I'1lot. Ce dernier confirme ces informations et autorise le depart du jet.

et finalement desarme en 1997. Oe fait, de nombreux exercices bilateraux, baptises « Fraterno " et « Araex ", ont ete organises entre les deux marines afin de developper I'interoperabilite entre leurs forces, exer­cices au cours desquels les Argentins purent tester a la mer leurs nouveaux 8-2T Tracker remotorises avec des turbines.

Pour sa premiere croisiere « Araex ", qui s'est donc deroulee au large des bases du littoral argentin d'avril a mai 2002, le Säo Paulo embarquait un groupe aerien binatio­nal compose d'environ dix-huit aeronefs, a savoir des Skyhawk (quatre ou cinq), des Super Etendard et des Tracker, plus des helicopteres.

Un potentiel en devenir

Dans quelques annees, le VF-1 sera tota­lement operationnel et le groupe aerien standard du Säo Paulo comprendra jusqu'a quinze Skyhawk ainsi qu'un echantillonnage de voilures tournantes, en fonction des be­soins. 11 manquera toutefois une capacite essentielle au porte-avions. En effet, la Ma­rinha ne dispose d'aucun moyen de detec­tion et d'alerte aerienne avancees. Aussi etudie-t-elle actuellement la possibilite d'uti­liser un Sea King AEW ou un 8-2T dote d'un radar de surveillance Ericsson Erieye, cette derniere solution semblant la plus probable. Apres tout, cet equipement est deja monte

sur cinq Embraer ERJ-145 AEW&C de la force aerienne. Ce Tracker pourrait, en outre, servir au transport et au ravitaillement en vol.

Quoi qu'il en soit, avec tous ces nouveaux materiels et systemes aeronavals qui lui per-

mettront de remplir ses missions pendant encore de longues annees, la Marinha do Brasil montre qu'elle est resolument tournee vers I'avenir. 0

Gert KROMHOur

Traduit de /'ang/ais par Sam Pretat

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parr Sam Prretat

P eshawar (Pakistan), 5 h 20 du matin , Engonce dans sa combi­naison pressurisee specialement conc;::ue pour les vols a tres haute altitude, Francis Powers se dirige

vers son U-2C dont I'impressionnante voi­lure, bien que soutenue par des roulettes amovibles, tombe gracieusement vers le sol sous le poids de ses reservoirs gorges de carburant. Puis, Bob' (Ie pilote de secours) et un sergent I'aident a s'installer dans I'etroit cockpit. 6 h 00 sonnent, et toujours pas d'ordre de decollage, 11 est en nage dans son calec;::on long, malgre la chemise de Bob etalee en guise de pare-soleil sur la verriere ouverte, Enfin, a 6 h 20, I'autorisa­tion arrive de Langley, Un dernier merci avant de verrouiller la canopee et, six minutes plus tard , I'avion s'arrache de la piste, Une fois parvenu a son altitude de croisiere, Powers remplit alors sa feuille de vol : appareil n° 360, vol n° 4154, decollage a 0126GMT (6 h 2610cales) le 1"' mai 1960,

En le regardant s'eloigner, Bob Ericson s'interrogea sur les chances de succes de son ami , Ayant lui-meme effectue un OverflighF le 9 avril precedent, au cours duquel il avait pu - une fois encore - mesu­rer la combativite des chasseurs russes ten­tant de I'intercepter, il connaissait les pietres

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qualites maneeuvrieres de l'U-2, Mais, en fait, quelques elements avaient deja con­damne la mission 4154 depuis longtemps,

Petit retour en arriere Le 1·' mai 1956, en accord avec le gou­

vernement de Sa Majeste, un premier U-2A fut debarque d'un C-124 sur la base britan­nique de Mildenhall, marquant la creation du premier detachement d'U-2 de I'USAF a I'etranger, le WRSP-1" (en realite, le Deta­chement A de la CIN), Cependant. a la suite d'un incident survenu lors de la visite de Khrouchtchev a Portsmouth5

, celui-ci fut transfere a Wiesbaden, en Allemagne fede­rale, Dans le courant du mois d'aoCJt, ce fut au tour du WRSP-2 (Det. B) de voir le jour a Incirlik (Turquie) afin de surveiller l'Asie centrale, Enfin, en mars 1957, le WRSP-3 (Det. C) s'installa a Atsugi (Japon) pour cou­vrir la partie est de I'URSS, Cette derniere se retrouvait donc bien encadree par les deta­chements aeriens de la CIA charges de photographier bases et installations disse­minees sur I'ensemble de son territoire,

Toutefois , des son arrivee a la presidence des Etats-Unis en 1953, Dwight D, Eisen­hower avait clairement exprime, devant ses equipes de conseillers, son intention de ne

Ci-dessus : effectuee le 1" mai 1960 par Gary Powers, la mission 4154 prevoyait une traversee

sud-nord du territoire de I'URSS, avec un depart de Peshawar et une arrivee ä Bodä (Norvege), Le pilote

fut abattu au-dessus de la region de Sverdlosk,

pas provoquer inutilement son homologue du Kremlin, Dans le cas precis des survols de I'URSS, ceux-ci prendraient donc fin a la moindre reaction des Russes, ou ne seraient plus accordes qu 'avec la plus grande parci­monie, Dans ce contexte de guerre froide", I'artisan du debarquement de Normandie etait peut-etre fort preoccupe par la ma-

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Francis « Gary » Powers, pilote espion americain abattu au .. dessus de l'URSS aux commandes de son U .. 2, le l er mai 1960

chi ne militaire communiste, dont l'Occident savait peu de chose, mais pas au point de se payer de nouvelles tensions diploma­tiques.

Au QG de la CIA, a Langley, on sut rapi­dement que les radars sovietiques etaient parfaitement en mesure de suivre ces intru­sions, les pilotes rapportant avoir observe, des la quatrieme mission, des chasseurs essayant de les intercepter, vainement. Au debut, sans doute par amour propre, les Russes n'emirent aucune protestation offi­cielle, laquelle serait revenue a admettre les failles de leur systeme de defense aerienne. Ce qui encouragea les cadres de I'Agence a legerement tronquer la realite dans leurs rapports destines au locataire de la Maison­Blanche. En effet, Allen Dulles - directeur de la CIA et frere de John Foster Dulles, le secretaire d'Etat aux Affaires etrangeres -limitait souvent ses comptes rendus a de

superbes cliches des installations militaires et c iviles de I'Union sovietique, occultant systematiquement les capacites de detec­ti on de celle-ci pour continuer a beneficier de ce flot fantastique de renseignements sur son arsenal , et notamment sur ses bombar­diers M-4 Bison et Tu-95 Beardecouverts en 195510rs du defile du 1er mai a Moscou.

Mais, les incursions repetees des avions espions americains irritaient serieusement les hierarques du Kremlin . Si le premier vol du 20 juin 1956 (effectue par Carl Over­street) et les trois suivants passerent inaper­c;;us, du moins semble-t-il , celui conduit le 4 juillet par Harvey Stockman , aux com­man des du 347 (BuNo 56-6681), fit I'objet de plusieurs tentatives d'interception par des MiG-17 Fresco. Le lendemain , Carmine Vito, a bord du meme appareil , survola Mos­cou sans rencontrer de reaction de la part des SAM protegeant la capitale. Toutefois, la

Ci-dessus : badge de la CIA, I'employeur officiel de Francis Powers pour les missions d'espionnage. Ancien pilote de F-84G, Powers fut contacte par I'Agence fin 1955 pour piloter un avion dont le nom meme etait encore secret.

A gauche: I'article 375 (BuNo 56-6708) fut livre ä Groom Lake (ou North Base) en juin 1957. Cet U-2A a par la suite re ~ u un radar APQ-56 apres avoir ete transfere au 4080th SRW de I'USAF. On distingue aisement les quilles en bouts d'aile, le voile blanc (sur la verriere) destine ä proteger le pilote du soleil ä tres haute alti­tude et le retroviseur qui lui per­mettait de voir s'illaissait des trainees de condensation.

Ci-contre : lors d'une session face au Congres americain, Francis Gary Powers tenant une maquette d'U-2 dont il se servit pour decrire les circonstances de sa mesaventure.

PVO (Force de defense aerienne) suivit sa mission de bout en bout, mais aucun des missiles sol-air R-11 3 n'avait eu le temps d'etre prepare au tir.

La premiere protestation offic ielle intervint le 10 ju illet alors que Gien Dunaway croisait tranquillement au-dessus de la Crimee (mis­sion 2024) Elle concernait, en fait , le vol de la veille. L'ambassade US a Moscou rec;;ut

1. Dans son livre Overflight, Powers citait ainsi son ami

et collegue Bob Ericson, sans donner son nom pour

des raisons de securite.

2. Overflight : litteralement survol. En fait, une mission d'espionnage effectuee par les U-2, les RB-47, les

RB-45 et les RB-57 au-dessus de /'Union sovietique.

3. Weather Reconnaissance Squadron (Provisional)-1 . 1m escadrille de reconnaissance meteorologique (temporaire).

4. Centrallntelligence Agency : agence centrale de

renseignements americaine chargee de /'espionnage

a /'etranger Elle succMa a /'055 en 1947.

5. Alors que le president du Soviet supreme avait installe ses quartiers sur un croiseur sovietique a /'ancre dans /'arsenal anglais, le MI6 (fes services secrets bri­

tanniques) decida d'envoyer un nageur de combat

pour « renifler" la coque du bateau. L'infortune fut retrouve mort sur la plage et les Russes

protesterent energiquement !

6. Expression utilisee pour la premiere lois en octobre

1945 par George Orwell, romancier, mais aussi obser­

valeur averti de la Russie communiste.

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une note denonc;ant les violations flagrantes de I'espace aerien sovietique ades fins d'espionnage par des bimoteurs - la PVQ avait decrete que seul un avion equipe de deux reacteurs pouvait voler a si haute alti­tude (65 000 pieds). Ce courrier mit un coup de frein brutal aux Qverflights. Non seulement les Russes detectaient les incur­sions, mais ils semblaient pouvoir les suivre a la trace (notamment grace au nouveau radar A-1 00 encore inconnu a I'Quest).

Le Bomber Gap7 ecarte

Tres contrarie d'avoir ete sous-informe par la CIA (d'aucuns affirment aujourd'hui que Dulles et Bisseli, son assistant pour les mis­sions speciales, auraient agi sciemment), Eisenhower ne se resolut pourtant pas a stopper totalement les vols d 'espionnage. Meme si l'Ours sovietique prenait ombrage de ces multiples violations, il etait imperatif de connaitre la puissance reelle de ses griffes, en particulier le nombre et la reparti­tion de ses bombardiers a long rayon d'ac­tion. Le vol de Vito le 9 juillet I'avait mene,

entre autres, au-dessus de I'usine de Fili ou etaient assembles les Bison.

Apres avoir decortique les nombreux cli­ches rapportes a chaque mission, les ana­Iystes arriverent a la conclusian que I'avia­tion strategique sovietique, bien qu'impor­tante, ne constituait pas une veritable me­nace pour la securite des Etats-Unis. Une etude poussee de I'economie de I'URSS acheva de demonter les projections les plus alarmistes de certains qui prevoyaient une flotte de quelque huit cents appareils au milieu des annees 1960. Le Bomber Gap n'etait pas une realite et le « Pearl Harbor nucleaire " n'aurait pas lieu ! (voir encadre).

D'autres moyens d'espionnage Eisenhower ayant mis un coup de frein

aux survols intempestifs, la CIA decida d'obtenir des informations par d'autres biais. Des U-2 furent modifies en vue d'ac­complir des missions de renseignement electronique Elint (Electronic Intelligence) et Sigint (Signal Intelligence) le long des fron­tieres , tandis que des vols de RB-47H et de

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Ci-dessus : U-2A arborant les couleurs de la NACA (la NASA lui succeda en 1958). Parue en fevrier 1957, cette photo est la premiere que le grand public eut I'occasion

de voir de ce nouvel appareil de « recherche meteo­

rologique » .. .

Ci-contre : aerodrome de I'usine Toupolev ä Fili.

On peut distinguer une trentaine de Bison ainsi

que de nombreux chasseurs destines, entre autres, ä

proteger le terrain!

36 AIR FAN

RB-57D furent organises en complement. Des ballons libres furent egalement laches. Traversant I'URSS au gre des vents , ils furent un echec flagrant puisque moins de 10 % d'entre eux seulement etaient recupe­res. Quant aux Stratojet et aux Canberra, ils n'etaient bons qu 'a longer le Rideau de fer ta nt ils etaient vulnerables aux MiG. Certains furent d'ailleurs abattus par les V-VS (Forces aeriennes sovietiques) dans des circons­tances pas toujours tres claires.

Dans I'ensemble, ces diverses tentatives eurent surtout pour effet d'enerver les mili­taires sovietiques desireux de mettre un terme aces violations repetees de leurs frontieres. Accessoirement, ils durent aussi franchement s'amuser devant I'ingeniosite deployee par les es pions americains ...

Apres avoir teste ces differentes formules, il apparut evident que seul l'U-2 parvenait a reunir a la fois souplesse d'emploi et impu­nite quasi totale, malgre sa detection syste­matique par les radars russes.

La menace se precise Eisenhower ne souhaitant pas ab user de

la patience de Khrouchtchev, il n'approuva plus, malgre I'insistance de Dulles et de Bissell, qu'un nombre limite de missions. Les U-2 virent danc leur activite fortement diminuer, principalement reduite ades sor­ties frontalieres ainsi qu'a des vals d'echan­tillonnage dans les courants aeriens por­teurs de poussieres radioactives. Dans ce but, quelques appareils affectes au 4080th SRW du SAC· avaient ete transformes pour effectuer des prelevements atmospheriques immediatement apres des tirs nucleaires de surface. Si ces prelevements en apprirent beaucoup aux Americains sur les bombes

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sovietiques, ces derniers manquaient, en revanche, cruellement de renseignements sur les tirs eux-memes et sur la precision des armes. Le 22 aoOt 1957, le president des Etats-Unis autorisa donc un survol au­dessus de l'Asie centrale ou se deroulaient des tests. A 5 heures pres, Jim Cherbon-

neaux faillit etre desintegre par une explo­sion nucleaire qui eut lieu sur un site jusque­la inconnu, a Semipalatinsk (Kazakhstan), lars de la mission 4050. Quand on sait que, acette epoque, douze des cinquante-cinq U-2 avaient deja ete perdus, principalement du fait de la fragilite9 de I'appareil et de son

Ci-contre : I'article 367 (U-2A BuNo 56-6700), destine ä l'Air Force mais livre ä la CIA en fevrier 1957, futtrans­fere au 4080th SRW en 1960. 11 porte ici la livree aluminium classique des debuts.

En bas : base sous-marine sovietique dans la mer de Barents. On y distingue une douzaine de submersibles ä couple avec des ravitailleurs et un croiseur. On peut appre­cier la precision de cette photo rapportee par Harvey Stockman en 1957.

pilotage relativement delicat, on s'imagine aisement qu'il n'aurait pas fallu grand-chose pour que pilote et machine disparaissent purement et simplement. L'" Ange'· " sup­portait tres malles ressources brutales et les violentes perturbations.

Le vol 4059 de Bill Hall marqua une etape importante dans la determination des Russes qui commenyaient a devenir tres agressifs dans leurs tentatives d'intercep­tion. L'ensemble du dispositif de defense aerienne fut mis en alerte et Hall fut poursui­vi par dix-huit chasseurs. La DCA autour de Kiev tenta meme, frenetiquement, de I'abattre. Khrouchtchev demanda expresse­ment que des mesures efficaces soient prises pour stopper les intrus. En reponse, quelques MiG et Soukho'i furent modifies pour voler plus haut, mais c'est surtout I'in­troduction du missile SA-2 Guideline (S-75 dans la PVO) qui, couple a son radar Fan Song, allait bientöt faire la difference. Montes sur batteries entierement mobiles, les SA-2 changerent effectivement la donne a partir du 7 octobre 1959, larsque survint un evenement que les Occidentaux n'ap­prendront que quelques annees plus tard.

7. Gap: fasse, ecart. Le Bomber Gap etait cense representer /'ecart existant, en nombre de bombardiers, entre les USA et I'URSS. L'inquietude de la Maison­Blanche etait que des vagues de bombardiers russes puissent submerger les defenses alliees.

8 . Strategic Air Comma,ld : commandement de I'USAF charge des missiles et des bombardiers strategiques.

9. Chaque appareil etait different et necessitait des pieces detach{)es faites sur mesure. Les mecaniciens devaient donc preciser le numero de /'avion Ei chaque commande, ce qui ajoutait encore Ei la fragilite du concept.

10. Chez Lockheed, 1'U-2 etait surnomme /'« ange " (Angel) en raison de sa grace naturelle et de san altitude de val exceptionnelle.

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Ce jour-la, un RB-57D Canberra, pilote par un officier ta'iwanais , fut abattu pres de Pekin par un SA-2. L'appareil volai t a 63 000 pieds (21 000 m), soit a la meme altitude qu'un U-2 I

Quand Ike rencontre Nikita En septembre 1959, Nikita Khrouchtchev

fut rer;:u a Camp David, la residence d'ete des presidents americains. Au cours de cette rencontre, les deux chefs d'Etat deci­derent d'organiser un sommet reunissant les quatre grandes puissances nucleaires (USA, URSS, France et Grande-Bretagne). La date fut fixee au 16 mai 1960.

Desirant obtenir un maximum d'elements avant toute negociation, Eisenhower dut se resoudre a autoriser d'autres Overflights. Le 6 decembre 1959, Robbie Robinson, pilote de la RAF, decolla de Peshawar (mission 8005) afin de denicher les bases de missiles intercontinentaux. Cette sortie fut suivie de la 8009 le 5 fevrier 1960, toujours avec un Anglais dans le cockpit, John MacArthur". Meme objectif, meme resultat ! Pas d'ICBM pret a frapper le monde libre. En revanche, MacArthur survola I'usine Toupolev a Kazan ou il photographia les premiers Tu-22 Blinder operationnels.

De plus en plus nerveux a I'idee de frois­ser son homologue avant la rencontre au sommet, Eisenhower etait peu dispose a ceder a ses conseillers qui sollicitaient constamment d'autres missions. Par ailleurs, sous la pression croissante des Sovietiques, la plupart des Allies refusaient desormais que les vols partent de chez eux.

De nouvelles possibilites Seul le Pakistan ne semblait pas se pre­

occuper des gesticulations de Moscou, Peshawar restant I'unique point de depart des avions espions. En outre, le nouvel U-2C, equipe du reacteur J75, ouvrait de nouvelles possibilites, dont celle de pouvoir traverser I'URSS du sud au nord n'etait pas la moindre. Certes, cette allonge superieure s'accompagnait d'une diminution du pla­fond operationnel, mais cet element n'in­quietait pas Dulles et Bisseil qui ignoraient encore I'episode du Canberra abattu par les Chinois. Un juste compromis entre I'altitude moyenne et I'autonomie permettait des lors a un U-2C decollant de Peshawar de par­courir plus de 6 000 km a quelque 23 000 metres et d'arriver en Norvege.

Sous la pression de ses conseillers, Ei­senhower accorda un nouveau vol a la CIA. Des quatre propositions presentees, il ne retint pas la traversee sud-nord, mais autori­sa un Overflight a realiser avant le 19 avril 1960. Le 9 avril, Bob Ericson s'envola donc en direction de l'Asie centrale (mission 4155) et mit en emoi toute la PVO des son

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entree dans le territoire sovietique. Su-9, MiG-19 et SA-2 se succederent pour tenter de I'intercepter tout au long de son par­cours. Les Russes etaient tellement remon­tes que des MiG-19 le suivirent sur pres de 400 km a I'interieur de l'lran , esperant I'abattre lors de sa descente vers sa base de retour. En vain !

Si les renseignements recoltes valaient vraiment le deplacement - ils revelaient I'existence d'un programme antimissile balistique (ABM) -, il apparait indeniable que le president americain ne fut pas cor­rectement informe de la violente reaction de la defense adverse. L'aurait-il su qu'il n'au­rait vraisemblablement pas autorise un nou­veau survol a une date si proche du sommet de Paris. Quant a Khrouchtchev, il decida de ne pas reagir pour ne pas faire de vagues avant la reunion. 11 pensait meme que les espions de la CIA etaient a I'origine de ce vol provocateur et qu'ils avaient pro­bablement manipule Eisenhower.

En route pour le desastre Malgre I'opposition frenetique de la PVO,

Dulles et BisseIl n'etaient pourtant pas prets

Ci-dessus : site d'une explosion nucleaire en Asie centrale, probablement dans la region de Semipalatinsk.

a s'arreter en si bon chemin et opterent pour I'operation « Grand Siam» : la traversee de I'Union sovietique, depuis le Pakistan jus­qu'a la Norvege, a boucler imperativement avant le 1 er mai'". La mission 4154 fut prevue pour le 28 avril. C'est le Det. B d'lncirlik qui etablit le contingent 10-10 sur la base de Peshawar, l'U-2C y etant convoye separe­ment et de nuit afin ne pas eveiller I'atten­tion , ainsi que le preconisait la procedure standard. Pilote par Gien Dunaway, le 358 (BuNo 56-6691) se posa et fut aussit6t mis a I'ecart alors que Francis Powers, designe pour la mission, tentait de trouver le som­meil. Helas, une meteo deplorable sur le parcours repoussa le depart de 24 h et I'ap­pareil fut renvoye en Turquie. Le soir meme, John Shinn le ramena au Pakistan. Mais, le temps ne se degageant toujours pas sur I'U RSS, le feu vert ne fut pas donne et I'avion repartit une seconde fois a Incirlik. Malheu­reusement pour Powers, ces deux aller et retour inutiles conduisirent a immobiliser le

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358 pour la visite periodique des 200 h. Bob Ericson revint donc avec le 360 (BuNo 56-6693), de loin le moins apprecie des pilotes (voir encadre).

L'idee d'effectuer sa seizieme mission avec pareil veau etait loin d'enchanter Powers. Et c'est donc un peu anxieux qu'il s'installa dans I'etroit cockpit de l'U-2C ce matin du 1" mai 1960. Oe plus, ce vol allait I'amener a traverser une portion importante du territoire sovietique. Si la CIA ne tenait pas ses pilotes totalement informes des pro­gres des Russes, tous avaient ete temoins de leurs tentatives d'interception et savaient que ce n'etait qu'une question de temps avant que le pire n'arrive.

En haut: un des sept U-2C modifies dans le cadre du High Altitude Sampling Program visant ä effec­tuer des prelEwements atmospheriques apres les

tests atomiques. Attribues au 4080th SRW du SAC, ils s'etaient notamment vu dotes d'un nez qui

s'ouvrait en vol po ur exposer des filtres en papier (destines ä recueillir les echantillonsl et

d'une ecope sous le cockpit.

Ci-contre : le faux dollar d'argent contenant I'aiguille empoisonnee, un vrai gadget

digne de James Bond!

Ci-dessous: pas de tir du cosmodrome de Tiouratam, ä pres de 300 km de Ba'lkonour. La

qualite des cliches en dit long sur I'avancee des Americains en matiere d'espionnage aerien .

Comme il n'etait pas prevu qu'il revienne sur son terrain de depart, Powers fut autori­se a prendre ses papiers et des vetements de rechange afin de pouvoir sortir une fois pose en Norvege. Le colonel Shelton, I'offi­cier de renseignements du detachement, lui demanda s'il voulait aussi le dollar d 'ar­gent13

. Bien que ne I'ayant jamais pris jusque-Ia, il I'accepta et le mit dans une poche de sa combinaison. Un pressenti­ment peut-etre ...

{( Grand Siam )}

Parti avec 26 minutes de retard et tous ses calculs de navigation perimes, Powers dut se resoudre a naviguer a I'estime. Son vol lui faisait franchir la frontiere au sud-est de la mer d'Aral, puis direction Tiouratam (Ie cosmodrome aujourd'hui plus connu sous le nom de Ba'lkonour), Tcheliabinsk, Sverd­lovsk, Kirov, Arkhangelsk et Mourmansk avant de redescendre sur Bodö. En cas de probleme, il pouvait egalement se derouter vers la Suede ou la Finlande (qui , d'ailleurs, n'etait pas du tout au courant).

Oetectee immediatement, son intrusion sonna le branle-bas de combat au QG de la PVO. Tous les generaux furent reveilles et Khrouchtchev en person ne ordonna la des­truction de l'U-2, a n'importe quel prix. L'ensemble du trafic fut interrompu et les intercepteurs decollerent en masse. Powers repera les premiers alors qu 'il s'approchait de Tiouratam. Oeja rendus furieux par cet

11. Ge sont fes deux seu/s survo/s effectues en U-2 par fes pi/otes ang/ais.

12. La date du 19 avri/, prevue initia/ement, etait trop courte et ne /aissait pas /e temps d'obtenir /'accord des autorites norvegiennes.

13. Digne de James Bond, cette piece contenait une aiguille enduite de curare que fes pi/otes espions de /a G/A etaient censes uti/iser pour mettre tin a /eurs jours, et eviter ainsi de par/er. Gette " arme" etait optionnelle dans /eur panoplie.

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avion amerrcain qui violait leurs cieux en toute impunite, les Sovietiques le virent con­tinuer tranquillement sa route , au lieu de faire demi-tour ou de changer de trajectoire comme c'etait jusqu'ici le cas, remontant vraisemblablement vers les installations nucleaires de l'Oura!. Au tiers du trajet, un peu avant Tcheliabinsk, le pilote automa­tique du 360 commen<;:a a donner des signes de faiblesse. Pendant ce temps, au sol, la DCA essayait de s'organiser, ce qui

n'etait pas tres facile compte tenu du delai de mise en c:euvre d'une batterie de SA-2. En attendant, un Su-9 tenta une interception, sans succes, suivi d'un second pilote par le capitaine Mentioukov a qui le marechal Savitsky (commandant la chasse de la PVO) ordonna expressement d'aborder l'U-2. Le pilote du Soukho'j monta jusqu'a 21 700 m, guide par un contröleur radar, mais ne vit pas I'avion espion14

. Bien que n'ayant au­cune arme a bord , il alluma son propre radar

de tir, mais celui-ci semblait etre brouille -peut-etre par le systeme Grangerde l'U-2. A court de carburant, il dut se poser et fut rem­place par une patrouille de MiG-19 Farmer.

Arrive au-dessus de Sverdlovsk, Powers entra dans la sphere letale d'une batterie de SA-2. Malgre la confusion qui regnait dans le PC de tir de la PVO locale, un missile fut lance, montant a plus de Mach 2 vers I'ap­pareil americain. Inconscient du danger, Powers etait en train d'effectuer un virage

LE MISSILE GAP

Initiee en 1957 par le senateur republicain Symington, la controverse sur I'ar­senal sovietique est nee du lancement de Spoutnik et de I'intensification des essais nucleaires realises par I'armee russe en Asie centrale. Les nombreux tirs rapportes par les services secrets alarmerent le belliqueux senateur au point qu'il s'employa a faire croire a une partie de I'establishment americain que, sous deux ans, les Communistes auraient la capacite de faire chanter les Etats-Unis gräce a une importante quantite de missiles balistiques inter­continentaux. II trouva, bien sur, un grand soutien au sein de I'USAF, et du SAC en particulier. Plus reservee, la CIA avait remarque que les essais, certes en constante aug­mentation, comportaient egalement de nombreux fiascos et qu'aucun de­ploiement de missiles ni installation de bases strategiques n'accompagnait cette activite. Au final , les renseignements amasses par la CIA et la NSA demontrerent qu'il y avait bien un Missile Gap, mais plutöt en faveur de l'Amerique ! Malheureusement, leurs informations n'etaient pas accessibles a tous, ce qui tendrait a montrer que la guerre froide fut largement entretenue par les Americains.

L'ARTICLE 360 (BuNo 56-6693) Tant sur le plan technique que sur le plan operationnel , chaque U-2 avait sa propre histoire, et celle de I'article 360 etait peu reluisante. Fortement impo­pulaire aupres des pilotes, iI etait sujet a de constants dysfonctionnements, notamment au niveau de son pilote automatique et de son systeme d'ali­mentation en carburanl. Qualifie de veau par Powers, il developpait sans cesse de nouveaux problemes et demandait donc aux pilotes une attention toute particuliere dont ils se seraient volontiers passes lors de ces missions depassant parfois les neuf heu res de vol. En 1957, le 360 effectua le premier Overtlightdu Detachement C avant d'etre endommage le 24 septembre 1959 lorsque Tom Crull se posa sur le ventre a Fujisawa, pres d'Atsugi (Japon.) Apres avoir battu un record d'altitude, il venait d'en etablir un nouveau, celui de profondeur, en s'enlisant... Repare, il fut transfere au DeI. B en mars 1960, mais se montrera toujours capricieux en vol. Powers connaissait parfaitement I'histoire de cet avion quand il s'installa a ses commandes le 1" mai.

LA PVO INCOMPETENTE ? En ce 1" mai 1960, jour de fete nationale en URSS, nombre d'officiers des unites de defense aerienne etaient soit en conge soit en formation, d'ou la re action desordonnee de la composante sol-air. Par ailleurs, comme toute

Ci-contre : I'article 388 (BuNo 56-6721) tut livre

en tant que U-2A en octobre 1957 et attribue au 4080th

SRW. Endommage ill'atterris­sage iI Cortez (Colorado) en aout 1959, il tut moditie lors

de ses reparations atin de pouvoir accueillir un observa­

teur et des equipements intrarouges. 11 tut affecte iI

I'AFTTC/Special Project Branch en decembre 1959 sous la designation d'U-2D

avant de tinir sa carriere comme gate guard.

40 AIR FAN

structure importante, les rivalites etaient fortes entre les unites de chasse et celles de missiles. Oe plus, certains comportements friserent I'inconscience, tels ceux de pilotes qui oublierent de modifier I'IFF de leurs chasseurs (il change le 1" de chaque mois) si bien que les operateurs des batteries de SA-2 les prirent pour des intrus et leur tirerent dessus. Lors du proces, ces nombreux dysfonctionnements furent passes sous si­lence afin de ne pas decredibiliser la force de defense aerienne sur la scene internationale. Le RB-47H abattu en mer de Barents fit surement les frais de I'exces de zele qui suivit I'episode Powers, beaucoup d'officiers ayant ete reprimandes pour leur incompetence.

LES VOLS D'ESPIONNAGE

A chaque mission etait attribue un numero identiliant le detachement respon­sable. Ainsi , les vols en 2000 etaient realises par le DeI. A au depart de Wiesbaden ou de Giebelstadt, ceux en 4000 par le DeI. B qui operait d'lncirlik, de Peshawar ou de Lahore, et ceux en 6000 par le DeI. C qui couvrait l'Asie a partir d'Atsugi ou d'Eielson. Enlin, les vols en 8000 etaient effectues par les Britanniques, un groupe de cinq aviateurs ayant ete lorme alin d'associer l'Angleterre aux efforts de la CIA. Le but eventuel, non avoue, etait de per­mettre aux Anglais de mener des Overtlights a I'insu d'Eisenhower.

LES CINQUANTE-CINQ PREMIERS U-2 Les U-2 produits par Lockheed firent I'objet de trois commandes distinctes emanant de I'USAF, bien que les appareils aient ete principalement destines a la CIA. Cette derniere etait surnommee " Client n° 1 " par les Skunk Works tandis que l'Air Force etait le " Client n° 2 ". Les numeros qui lurent attribues aux U-2A1C/D etaient les suivants - article 341 : prototype, pas de numero de serie (BuNo) ; - articles 342 a 389 : BuNo 56-6675 a 56-6722 ; - article 390 : BuNo 56-6690. Deuxieme avion a porter ce numero, il lut com-mande pour remplacer le 357 perdu le 19 decembre 1956 ; - articles 391 a 395 : BuNo 56-6951 a 56-6955. Ces appareils furent com­mandes en 1958 et receptionnes en 1959, mais comptabilises sur I'annee fis­cale 1956, d'ou leurs BuNo commen<;ant par 56. Les U-2C so nt des A convertis et livres a partir de 1959. 11 s'agit des articles 342 (qui servit de proto), 347, 348, 349, 351,352,358,359, 360, 363, 374, 381 et 383. Oe plus, trois appareils lurent transformes en U-2D, les 388, 394 et 395. Entre 1956 et 1960, quatorze U-2 lurent detruits, les 341 , 345, 346, 354, 357, 360, 361, 364, 365, 366, 369, 371 , 377 et 380 .• :. S. Pretat

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~~~--------------------------------------------------~----------------~---. Ci-contre : I'article 378 de la NASA tel qu'il a ete montre aux journalistes pour confirmer la version officielle.

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a 90° sur la gauche lorsque, a 8 h 53, la charge de 180 kg du SA-2 explosa derriere lui, envoyant des fragments dans toutes les directions.

U-2 incontrolable L'avion fut projetE'J en avant tandis que le

ciel autour de lui s'il luminait. Passe la sur­prise, Powers parvint a le retablir en ligne de vol, le reacteur fonctionnant apparemment normalement malgre I'arriere du fuselage crible d'eclats. Puis, alors que le nez plon­geait une nouvelle fois, il devint incontr6-lable. Engage dans un fort pique, les ailes furent arrachees. Ballotte dans tous les sens, approchant les 10000 m d'altitude, le pilote commen9a a paniquer. Ne parvenant a atteindre ni le dispositif de destruction des cameras ni la commande d'ejection, il reus­sit enfin a sortir de I'habitacie apres avoir libere la verriere . Mais il realisa qu 'il etait tou­jours accroche a I'avion en perdition par les tuyaux d'oxygene. A force de gesticulations, les connexions lacherent, et il entama alors sa longue descente vers le sol sovietique. En etat de choc, l'Americain vit tomber des morceaux de son U-2 tout autour de lui , puis, toujours a moitie conscient, il atterrit dans un champ. II fut immediatement entou­re par des paysans intrigues a la vue de ce bonhomme et de sa dr61e de tenue, avant d'etre promptement emmene au poste local du KGB.

Alors que Powers etait deja suspendu a son parachute, les contr61eurs de la PVO, qui n'avaient pas encore compris qu'ils ve­naient d'abattre I'appareil , tirerent d'autres SAM sur les debris qu'ils prirent pour I'intrus en train de fuir. Au total , huit SA-2 auraient ete lances. Certains contr61eurs oubliant que des chasseurs etaient en I'air, un MiG-19 fut descendu et le capitaine Mentioukov, qui avait redecol le dans son Su-9, echappa de justesse au meme sort.

Inutile de dire que le president du Soviet supreme etait aux anges. En plus du pilote, parfaitement identifiable grace a ses vete­ments et a ses papiers, les Sovietiques recupererent des morceaux entiers de l'U-2 dans lesquels ils trouverent les cameras et les films qu'ils tenterent de developper. Mais, ne maitrisant pas le procMe, ils ne sauverent que peu de photos.

Commen9a alors I'une des affaires les plus surprenantes de la guerre froide : la capture, suivie du jugement public, d'un agent americain pris en flagrant delit d'es­pionnage.

Les Americains embetes ... Les Americains arriverent vi te a la conclu­

sion que l'U-2 avait ete perdu au-dessus de I'URSS. En effet, les interceptions radio de la NSA laissaient peu de doute quant au sort du Lockheed. Mais comment pareille chose avait-el le pu se produire ? Quoi qu 'il en soit,

En dessous: I'article 350 (BuNa 56-6683, code N803X). On peut remarquer les modifi­cations apportees a la tuyere, destinees a reduire la signa­ture infrarouge du niacteur. Utilise par le Oet. B d'lncirlik, cet avion avait ete equipe d'un radar SLAR APO-56 avant d'etre verse au 4080th SRW.

Ci-dessous : revetu de la livree aluminium classique des debuts, I'article 367 (U-2A BuNa 56-6700) destine a l'Air Force, mais livre a la CIA en fevrier 1957. Cet appareil fut neanmoins transfere au 4080th SRW de I'USAF en 1960.

BisseIl et Dulles affirmerent a Eisenhower que la machine avait ete totalement detruite et que le pilote ne pouvait avoir survecu . La Maison-Blanche approuva donc la parution d'une version alambiquee de la disparition de I'avion espion, declarant que, a la suite de problemes lies a son circuit d'oxygene, un appareil de reconnaissance meteorolo­gique avait disparu au cours d'un vol de routine au-dessus de la Turquie. Des re­cherches aeriennes furent meme menees afin de retrouver I'epave ...

Le 3 mai, la NASA emit un communique officiel annon9ant la perte de son U-2, igno­rante du fait que Powers, transfere entre­temps a la Loubianka (Ie QG du KGB a Moscou), avait deja commence a parler. Porteur de 7 500 roubles , d'une carte de navigation et aux commandes d'un avion bourre de cameras, il lui etait, en effet, diffi­cile de nier I'evidence. Oe plus, ses instruc­tions I'enjoignaient plutüt de dire la verite, « parce qu'ils te forceront a par/er de toute far;on ", lui avait confie un jour une bar­bouze de la CIA. Et puis person ne n'avait juge bon de I'informer de I'attitude a tenir en cas de capture.

14. En 1996, dans fe journalTrud , Mentioukov raconte avoir vu f'Americain et tente de f'eperonner If ajoute que, ayant rate san coup, if vit toutefois f'U-2, desequifibre par fes turbufences de san chasseur, se casser en pfusieurs morceaux avant de tomber If ne reconfirma pas celte version par fa suite .

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En bons joueurs d'echecs, les Russes laisserent donc les Americains avancer leurs pieces et s'enliser, Et la NASA en ra­jouta, precisant que si I'appareil avait derive au-dela du Rideau de fer, c'est que I'avia­teur avait eu le temps de brancher le pilote automatique avant de perdre connaissance, Mais, lors d'une reception a I'ambassade US de Moscou, le soir du 5 mai, un diplo­mate sovietique, en grande discussion avec un homologue etranger, s'arrangea pour que ses hotes I'entendent dire que " le pi­lote [etait] toujours interroge, » Powers etait donc vivant ! Malgre tout, le lendemain , l'U-2 n° 378 (BuNo 56-6711), porteur du numero fictif NASA 55741, fut exhibe devant les medias,

Le piege se referme Le samedi 7, c'est un Nikita Khrouchtchev

presque hilare qui declara au Soviet su­preme que son pays detenait un pilote ame­ricain vivant et en parfaite sante, ainsi qu'une bonne partie de I'avion espion et des photos qu'il avait prises grace a ses came­ras, denon<;:ant au passage les " milita­ristes » du Pentagone, Alors que la presse mondiale se dechainait contre les Etats­Unis, Eisenhower finit par admettre qu'il avait, en son temps, autorise le programme

Ci-contre : U-2 ta'lwanais abattus par la detense

aerienne de la Chine commu­niste et exposes sur la place

Tian'Anmen au debut des annees 1960, Preuve de la

vulnerabilite des U-2 face a un systeme antiaerien efficace,

En dessous: Francis Powers lors de son proces a Moscou,

dans le Hall des Colonnes,

En bas : le pont de Glienicker ou Powers fut echange

contre Rudolf Abel.

A droite : debriefing de la CIA etabli en 1962 et

reprenant les grandes lignes de I'affaire Powers, Les ren­

seignements proviennent d'une « source sovietique

fiable en excellente position de recuperer cette informa­tion », selon toute vraisem-

blance Oleg Penkovsky, colo­nel du renseignement militaire

(GRU) travaillant pour la CIA. Malgre la declassification accordee a ce rapport en

mars 1992, certaines parties des trois pages du document

sont malheureusement toujours censurees,

42AIR FAN

U-2 afin d'evaluer la puissance du com­plexe militaro-industriel sovietique, preci­sant en outre que tous les vols Overflight n'avaient pas ete soumis a son approbation, Pieux mensonge !

Tandis que tous les Allies15 qui avaient soutenu plus ou moins directement ces mis­sions speciales se defilaient les uns apres les autres, les restes de l'U-2 furent exposes au parc Gorki, dans le centre de Moscou, Ce qui permit aux agents americains de confirmer la version russe et meme de tirer de nouvel les conclusions quant a I'altitude de I'appareil au moment de sa destruction -altitude estimee a moins de 10 000 m, these confortee par les problemes recur­rents du n° 360,

Proces sur la place publique Comme I'avaient predit de nombreux

observateurs, le sommet de Paris du 16 mai 1960 tourna vite a I'operation de propa­gande, Les deux chefs d'Etat ne trouverent aucun accord et Khrouchtchev quitta la conference, furieux, Dans la foulee , les So­vietiques annoncerent le proces de Powers, evenement qui allait pouvoir etre suivi par le monde entier, Le 1"' juillet, un RB-47H fut abattu par la PVO alors qu 'il volait au-des­sus des eaux internationales de la mer de

Barents, La mauvaise foi du Kremlin dans cette affaire permit aux Americains de se defendre devant les Nations unies et de recuperer deux des six membres de I'equi­page, Puis, le 11, dix mille manifestants japonais demanderent le depart des U-2 de leur territoire, ceux bases en Turquie etant deja repartis aux Etats-Unis, La fin du projet " Calice'· » approchait.

Le coup final fut assene le 17 aoOt, a I'ou­verture du proces organise dans le Hall des Colonnes, a Moscou, Pendant trois jours, les Americains assisterent, impuissants, a un veritable show devoilant les secrets intimes de l'U-2 (ses cameras a haute resolution , son systeme d'autodestruction, etc,), mais aussi I'equipement d'espion de Powers, Quant aux circonstances memes de I'inter­ception, certaines informations furent tron­quees (teile I'altitude reelle a laquelle I'avion avait ete touche), voire tenues secretes (comme le nombre de missiles tires), Lors de sa plaidoierie, le pilote presenta ses excuses au peuple sovietique - ce que beaucoup de ses compatriotes ne lui par­donneront pas - avant d'etre co nd am ne a dix ans de privation de liberte, assortis de trois ans d'emprisonnement.

Finalement, le 10 fevrier 1962, apres dix­sept mois de detention, il fut echange contre Rudolf Abel (un agent du KGB operant aux

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Ci-dessus : I'article 368, un U-2A livre en mars 1957 cl Groom Lake, puis converti en U-2C avant d'etre

affecte cl l'AmC/SPB d'Edwards pour des missions experimentales.

Ci-contre : le viseur periscopique Driftsight etait uti­lise pour les prises de vues, mais servait egalement

cl naviguer cl vue. C'est egalement dans ce viseur que les pilotes voyaient les intercepteurs sovie­

tiques tenter de les abattre !

USA et capture par le FBI) sur le pont de Glienicker a Berlin. 11 ne fut jamais maltraite ni brutalise par les Russes qui se montrerent toujours courtois a son egard.

Une fin peu glorieuse Apres avoir ete longuement entendu par

la CIA, Powers passa devant une commis­sion du Senat a I'issue de laquelle il fut tota­lement blanchi des pseudo-accusations de trahison qui avaient suivi son proces. Les rapports de l'Agence de renseignements stipulaient meme qu'il avait parfaitement respecte son contrat et qu'il s'etait compor­te en honnete citoyen americain.

La CIA le garda encore quelques mois, pour ses connaissances des methodes so­vietiques en matiere d'interrogatoire, avant de le laisser partir chez Lockheed comme pilote d'essai, une fonction qu'il occupa jus­qu'en 1969, date des dernieres livraisons

15. Le Royaume-Uni, la Norvege, le Pakistan, le Japon, /'Iran et la Turquie.

16. L'emploi des U-2 pour des missions d'espionnage.

17. Publie par Calmann-Levy en 1971 sous le titre J'etais pilote espion.

d'U-2R. Pu is, il decida d'ecrire son livre, Overflight", dans lequel il emit I'hypothese d'une trahison d'un agent americain qui aurait prevenu les Russes de son vol, these peu convaincante a ce jour.

Apres une periode de ch6mage, il fut recrute par une station radio de Los Angeles pour suivre I'etat du trafic routier aux com­mandes d'un monomoteur Cessna. Puis, en 1976, la chaine de television KNBC lui paya une formation de pilote d'helicoptere afin qu'il puisse couvrir les evenements drama­tiques du genre courses-poursuites, incen­dies et fusillades qui commenc;;aient a plaire au grand public. C'est aux commandes de sa voilure tournante qu'il trouva la mort le 1e, aoOt 1977 a Encino, en Californie. Une

jauge de carburant defectueuse fut a I'ori­gine du crash. Que d'ironie !

Une chose est sOre, Powers ne meritait pas le mepris que lui temoigna une partie de ses compatriotes. 11 fut I'une des victimes malchanceuses des jeux pervers de la guerre froide. Apres son aventure, les mis­sions d'espionnage aerien ne cesserent pas pour autant. Les Americains developperent le SR-71 , dont la raison d'etre etait d'ajouter la vitesse a I'altitude pour conserver I'impu­nite. Aucun Blackbird ne fut abattu ! 0

SamPRETAT

L'auteur tient Cl remercier Glenn Chapman (USAF Ret.), Rene J Francillon, Chris Pocock et Stephane Nicolaou pour ['aide qu'ils lui ont apportee dans la realisation et ['illustration de cet article.

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