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La Voix Des Participants
EDITION 2018
Centre d’Excellence pour la Gouvernance des Industries
Extractives en Afrique Francophone
EditorialDes avancées non négligeables dans la gouvernance des
industries extractives grâce à différents acteurs
Les actions pour la bonne gouvernance des ressour- ces
naturelles se poursui- vent dans les pays et notamment
ceux d’Afrique francophone. Ces actions mobilisent différentes
parties prenantes : les formateurs, les ONG, les parlementaires,
les journalistes et les organisations de la société civile. Chacune
d’elles doit jouer son rôle pour aboutir à un cadre plus propice à
la bonne gouvernance des industries extractives et à des retombées
bénéfiques pour les communautés, notamment les plus défavorisées.
Ces actions sont complémentaires de celle des gouvernements.
L’action des parlementaires est primordiale. Ils votent les lois
et contrôlent l’action du gouvernement. C’est ainsi que certains
parlementaires, conscients de la place qu’ils occupent dans ce
combat et jouant pleinement leur rôle, suscitent des avancées dans
l’amélioration de la gestion des
ressources naturelles. Ainsi, dans un pays producteur d’or comme
le Burkina Faso, le Parlement a mis en place une commission
d’enquête parlementaire sur la gestion des titres miniers et la
responsabilité sociale des entreprises minières dont les
recommandations ont abouti, entre autres, à la loi n°028-2017/AN du
18 mai 2017 portant organisation de la commercialisation de l’or et
des autres substances précieuses dans le pays. Cette dernière
permet la présence des représentants de l’État dans la salle de
coulage de l’or. Ce type d’exemple montre que des résultats
satisfaisants sont possibles au niveau des États dont les
parlements exercent un contrôle suffisant de l’action
gouvernementale dans le domaine des industries extractives.
L’encadrement juridique fait partie des éléments évoqués pour
accroître la valeur ajoutée des industries extractives dans les
pays d’Afrique. L’adoption de la Vision minière africaine (VMA) en
février 2009 en témoigne. Rappelons que la VMA a comme objectif
d’aider les pays africains à bénéficier au maximum de
l’exploitation
des ressources de leur sous-sol. Elle se traduirait à l’échelle
nationale par la négociation de contrats avec les entreprises afin
de générer des revenus équitables de l’extraction des ressources.
Dans cette dynamique, les codes minier ou pétrolier ont été révisés
dans certains pays à l’instar du Niger, de la République de Guinée,
du Mali, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, de la
République démocratique du Congo ou encore du Cameroun. Ces
réformes intègrent un certain nombre de dispositions relatives à la
transparence, à la lutte contre les conflits d’intérêts, à la lutte
contre la corruption et à la promotion du contenu local. Cependant,
certains experts prescrivent de procéder
Magazine d’information des apprenants de CEGIEAF
Éditorial .................................................1
Actu-campus .......................................2
Tribune libre .........................................9
Interview ............................................ 11
Transcendance ................................ 13
Focus sur les certificats ................ 20
Dr Achille SAA LAPA
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à l’harmonisation du cadre juridique dans les pays d’Afrique
producteurs miniers. Ce processus est avancé en Afrique de l’Ouest
et est en cours dans la zone CEMAC, où un projet de code minier
communautaire est disponible.
Des actions importantes sont encore attendues des autres parties
prenantes, cibles du programme CEGIEAF, notamment les
organisations de la société civile et les journalistes, qui
peuvent se constituer en associations ou en réseaux pour influencer
positivement la gestion des ressources naturelles. Les activités
menées sont consignées dans des rapports, qui contiennent des
recommandations et des pistes d’action exploitables. Les espaces de
partage et d’évaluation des expériences se multiplient :
forums, conférences, ateliers ou encore séminaires de formation.
La suite logique serait la mise en œuvre d’actions permettant de
capitaliser ces productions. Les retours d’expérience, qui sont
fortement encouragés pour témoigner de l’impact des différentes
initiatives individuelles ou collectives, demeurent un point
central du magazine.
Actu-campusGouvernance des industries extractives en Afrique
francophone : 33 acteurs renforcent leurs capacités
La huitième session de formation sur la gouvernance des ressour-
ces naturelles en Afrique francophone s’est tenue
du 30 juillet au 10 août 2018 à l’Université catholique
d’Afrique centrale sise à Yaoundé au Cameroun. Au total,
trente-trois participants ont pris part à la rencontre, notamment
des journa- listes, des acteurs de la société civile et des
parlementaires, œuvrant tous à la transparence du secteur minier,
gazier et pétrolier. Des employés des sociétés minières ainsi que
des cadres des administra-tions publiques y ont également pris
part.
Selon Évelyne Tsague, codirectrice de Natural Resource
Governance Institute (NRGI) pour l’Afrique francophone, cette
initiative a été lancée en 2011 ; l’objectif est de renforcer les
capacités des organes de surveillance du secteur extractif.
Les participants venaient du Burkina Faso, du Congo-Brazzaville,
de Côte d’Ivoire, de Guinée, de RDC, du Togo et du Sénégal. Pendant
deux semaines, ces acteurs ont été outillés sur toute la chaîne de
valeur des industries extractives, de la phase d’exploration
jusqu’à la fermeture des sites, en passant par la produc-tion. Les
modules ont notamment porté sur le contenu local, la res-
ponsabilité sociale et sociétale des entreprises (RSE), les impacts
so-ciaux et environnementaux, les mé-canismes de suivi
environnemental, la fiscalité minière, l’économie poli-tique des
industries extractives, les techniques de plaidoyer et
l’investi-gation journalistique dans le secteur.
La rencontre a consisté en plusieurs sessions et a adopté une
approche participative. Chaque jour, un audi-teur a ainsi été
désigné pour faire le feed-back de la journée précédente ; les
groupes de travail ont varié selon le thème. La tenue d’une
conférence à dimension internationale avec pour thème « la
diversification et résilience des économies d’Afrique centrale
riches en ressources extrac- tives » est venue en appoint aux
autres séances. Cet échange facilité par des experts avérés a
permis aux participants d’approfondir la ré- flexion sur les enjeux
et les défis des ressources naturelles en Afrique.
Pour lier la théorie à la pratique, les participants se sont
rendus sur le site de l’entreprise Gaz du Cameroun à Douala, la
capitale économique du pays. L’entreprise gazière bâtie sur une
superficie de 20 hectares exploite le gaz depuis l’année 2013. La
délégation a échangé avec deux ingénieurs employés dans cette
industrie sur divers sujets, dont le mécanisme de fonctionnement de
l’entreprise, sa relation avec les communautés, la responsabilité
sociétale de l’entreprise (RSE), le contenu local, etc. La visite a
permis aux participants d’acquérir de nou-velles connaissances sur
le fonction-nement de l’industrie gazière.
Les participants ont particulière-ment apprécié la contribution
active d’une députée du Parlement burkinabé et également d’un
con-seiller juridique du ministère des Hydrocarbures du
gouvernement central en République démocra-tique du Congo
(RDC).
Par Mamadou III DIALLO, Guinée (Conakry)
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Actu-campusL’Afrique serait-elle esclave des industries
extractives ?
Par Golota Raphaël LAMAH,Guinée (Conakry)
Les ressources naturelles, notam-ment celles des industries
extrac-tives, font à la fois le bonheur et le malheur du continent.
Syndrome hollandais ou malédiction des res-sources : serait-ce ce
dont souffre le continent ?
Le secteur extractif en Afrique est le principal atout
économique de nombreux États. Selon des statis-tiques sur les
ressources minérales, il constitue les trois quarts de l’offre
mondiale de platine, les deux tiers de la production mondiale de
cobalt et la moitié de l’offre de diamants et de chrome. La
production du con-tinent couvre aussi un cinquième des besoins en
or et en uranium. L’Afrique est aussi productrice de bauxite, de
pétrole et de gaz.
C’est dire que le potentiel du sous-sol du continent semble
animer le rêve de la classe dirigeante. Malgré l’exploitation de
ces ressources, la majorité de la population africaine vit toujours
dans la pauvreté, avec des franges importantes qui croupissent en
dessous du seuil de pauvreté ; la dette extérieure reste énorme et
l’on note une dépendance notoire à l’aide
internationale pour subvenir aux besoins des populations. Ceci
amène les observateurs à interroger la gestion des recettes issues
du secteur extractif. Comment comprendre que des États comme la
République démocratique du Congo, la République de Guinée
(véritables scandales géologiques), le Tchad, le Niger, le Congo,
l’Angola et autres ne soient pas en mesure d’assurer les services
sociaux de base pour leurs populations respectives ? Quelle
gouvernance extractive pour les États africains ?
Pour certains comme Moustapha Doukoure, spécialiste en ges-tion
des finances publiques et
consultant à la Banque mondiale et à la Banque asiatique de
développe-ment, le problème se trouve dans un déficit de vision : «
Les États africains doivent avoir une vision et une constance au
niveau de leur développement. Je pense qu’il se-rait naïf de croire
que les dirigeants africains ne connaissent pas le défi qui les
attend pour le développe-ment de leurs pays. Ils sont con-scients
des enjeux, mais la plupart ont une vision à court terme, ce qui ne
favorise pas un développement durable ». S’il est vrai que nos
États manquent de vision sur le long terme, que pourrait donc
apporter la Vision minière africaine (VMA) au développement du
continent ?
D’autres observateurs soulignent le déficit de compétences. Le
développement économique basé sur les ressources extractives
connaît un manque de compétences avéré sur toute la chaîne de
valeur avec peu de maîtrise des valeurs boursières et en amont, une
opacité et un manque de probité dans la négociation et la gestion
des contrats. Ils vont plus loin et indiquent le potentiel agricole
comme une alternative pour une stabilité macro et micro-économique
de nos États.
Moustapha DOUKOURE, spécialiste en gestion des finances
publiques
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Actu-campusDiversification et résilience des économies d’Afrique
centrale riches en ressources extractives : regards croisés des
professionnels et experts sur la question
Par Prosper KOUAYEP, Cameroun
Le 8 août 2018, le campus de Nkolbisson de l’Université
catholique d’Afrique centrale à Yaoundé, au Cameroun, a servi de
cadre à une conférence internatio- nale sur le thème : «
Diversification et résilience des économies d’Afrique centrale
riches en ressources extrac-tives ». L’activité était organisée par
le Centre d’excellence pour la gou-vernance des industries
extractives en Afrique francophone (CEGIEAF) dans le cadre de son
Université d’été sur la gouvernance des industries extractives. Le
but de la rencontre était d’interroger les économies des pays
d’Afrique subsaharienne et d’analyser leur potentiel pour une
meilleure croissance. Une centaine de personnes venues des pays de
l’Afrique subsaharienne franco-phone ont pris part à l’évènement.
Elles représentaient différentes catégories d’intervenants dans le
secteur des industries extractives, dont l’administration publique,
le secteur privé, les organisations de la société civile, les
étudiants chercheurs, les journalistes et les parlementaires.
Selon le FMI, un pays est dit riche en ressources naturelles
s’il satisfait à certains critères, notamment si un pourcentage
moyen d’au moins 25 % des recettes budgétaires totales dérivent des
hydrocarbures et/ou des minerais. Vu sous cet angle, plusieurs pays
de l’Afrique subsaharienne francophone, notamment le Tchad, la
Guinée équatoriale et la RDC, sont
identifiés comme tels. Seulement, leur classement selon l’indice
de gouvernance des ressources naturelles 2017 publié par Natural
Resource Governance Institute (NRGI) reste médiocre voire
défaillant, puisqu’ils occupent respectivement la 72e, la 84e et la
85e places. De fait, en Afrique centrale, la grande majorité des
pays dépendent du secteur pétrolier et/ou minier ; le choc dû à la
crise pétrolière de 2016 a donc fortement impacté leur vie
économique et sociale. Ceci démontre la fragilité de ces États en
particulier et de nombreux autres pays d’Afrique en général. On
peut par conséquent s’interroger sur l’approche de ces pays en
matière de diversification économique et sur leur capacité de
résilience.
Le moment d’échanges entre uni-versitaires, praticiens et
acteurs de la société civile trouve ainsi
sa raison d’être. Les idées issues de ces débats ont
certainement édifié les participants. Elles pour-raient participer
au changement de paradigme dans leurs États. Le Dr N’Djomon, le Dr
Gilbert Maoundonodji, M. Strafort Pedie et le Dr Kouakam ainsi que
les interventions des participants ont en conséquence permis de
mieux comprendre les concepts de rési- lience et de diversification
et, bien plus, de convaincre de la nécessité contextuelle de cette
dernière. L’on a également pu échanger sur les en-traves à cette
diversification et sur les pistes pour sortir de l’impasse.
Comprendre la diversification
La définition de cette notion est présentée par le Dr N’Djomon
et M. Strafort Pedie. Les deux con-vergent pour ce qui est de la
double dimension horizontale et verticale de la diversification.
Strafort Pedie
Le panel de la conférence (de gauche à droite : Dr Gilbert
MAOUNDONODJI, Dr Abel N’DJOMON, Prof. Estelle KOUOKAM et M.
Strafort PEDIE)
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la définit comme « une stratégie de développement qui consiste à
prendre position sur de nouveaux marchés pour maîtriser les aléas
de la conjoncture et réduire l’impact des fluctuations des cours
des pro-duits de base sur les économies ». Sur le plan horizontal,
il s’agit de faire émerger un nouveau secteur d’activité. La
diversification verti-cale consiste quant à elle à élargir la gamme
des produits fabriqués dans un même secteur, afin d’aboutir à la
constitution d’une filière complète, allant du produit de base
jusqu’aux produits ou services incorporant une plus forte valeur
ajoutée.
Abordant le concept d’un point de vue macroéconomique, le Dr
N’Djomon le définit comme « un processus de transformation
structurelle d’une économie qui l’amène à passer de la domination
d’un secteur particulier, en général le secteur primaire, vers une
plus importante contribution des autres secteurs, en général les
secteurs secondaire et tertiaire, à la création de richesse ».
Au regard de ces définitions, la diversification, pour les pays
dépendant des ressources extrac-tives, consisterait à investir dans
d’autres secteurs – l’agro-industrie, par exemple (diversification
horizontale) – ou à investir dans la chaîne de valeur des
ressources naturelles, entre autres, plutôt que dans
l’exportation.
La diversification, une nécessité contextuelle
Selon le Dr N’Djomon, il apparaît clairement que les économies
africaines sont fortement tributaires des facteurs exogènes, c’est
le cas du cours des ressources naturelles. Il rappelle les
différents chocs pétroliers qu’a connus l’Afrique, notamment la
crise économique qui a suivi les
instabilités macro-économiques et la volatilité des cours du
pétrole dans les années 70 ; celle des années 1982-1992 ; la crise
financière internationale de 2008 et le choc pétrolier intervenu à
partir de 2015. Ces crises ont eu comme conséquence une
détérioration des comptes publics et des comptes extérieurs, ce qui
a impacté durablement la vie sociale dans les différents pays. Ces
faits montrent clairement la nécessité de la diversification.
Les experts s’accordent d’ailleurs pour dire que la
diversification est un passage obligé vers les écono-mies modernes.
Les pays du golfe de Guinée et le Tchad sont forte-ment interpellés
compte tenu de la contribution substantielle des hy-drocarbures
dans leur PIB, leurs re-cettes d’exportation et budgétaires. C’est
ce qu’affirme le Dr Gilbert Maoundonodji, qui ajoute que le choc
actuel appelle à la résilience de la part de ces pays. La
diversifica-tion des économies est une option pour renforcer cette
résilience. Elle passe aussi par des politiques budgétaires
anticycliques, sources d’une croissance plus forte.
Ces pratiques qui entravent la mise en œuvre de la
diversification
Pour les pays riches en ressources naturelles, la volatilité des
prix est le principal choc exogène auquel leurs économies sont
confrontées, déclare le Dr G. Maoundonodji. Il évoque quelques
facteurs économiques pour illustrer cette affirmation, à savoir le
ralentissement de l’économie chinoise et le boom de la production
de pétrole nord-américain. Mais en interne, certaines pratiques
constituent une entrave à la diversification, affirme le Dr
N’Djomon : c’est le mauvais climat des affaires, la difficile mise
en œuvre de l’intégration sous-régionale, etc. qui relève surtout
de la compétence des décideurs publics de la zone CEMAC. Cet
universitaire explique que la structure d’exportation et
d’importation des pays de cette zone est basée sur les théories
traditionnelles (classiques et néoclassiques) du commerce
extérieur, c’est-à-dire une production tournée vers l’exportation
au détriment d’une pré-transformation ou
Intervention d'un particpant à la conférence
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d’une transformation totale avant toute exportation. Le Dr G.
Maoundonodji y voit un risque d’effondrement du tissu économique
national. Strafort Pedie met en cause une totale dépendance des
économies de la CEMAC à une poignée de produits principaux. C’est
le cas du Tchad, dont le pétrole en 2013 représentait 90,8 % des
exportations contre moins de 5 % pour les autres produits de base
comme le coton et l’or ; au Congo, le rapport est de 71,1 % pour le
pétrole brut contre moins de 10 % pour le cuivre et le bois. En
Guinée équatoriale, le rapport est de 86,2 % pour les
hydrocarbures. Au regard de ces statistiques, on constate par
ailleurs que la gestion des fonds issus de l’exploitation des
ressources extractives est gangrenée par la malgouvernance, alors
qu’elles auraient pu servir à la diversification des économies.
Sortir de l’impasse
Strafort Pedie propose la mise en œuvre des politiques de
trans-formation structurelle. Il donne en exemple le cas du Gabon
et du Cameroun. Pour ce qui est du Gabon, ce pays s’est engagé à la
transformation de son potentiel dans l’industrie du bois et a
interdit l’exportation à l’état brut. Pour consolider la
diversification de son économie, le Cameroun a quant à lui élaboré
un plan directeur d’industrialisation adossé sur cinq (5) piliers
industriels structurants : forêt/bois, textile/confection/cuir,
mines/métallurgie/sidérur-gie, hydrocarbures/pétrochimie/raffinage
et chimie/pharmacie.
Le Dr G. Maoundonodji estime que la diversification passe par
une bonne gestion des revenus issus de l’exploitation des
ressources extractives. Celle-ci nécessite la mise en œuvre des
mécanismes et
instruments tels les Fonds de sta-bilisation, les Fonds de
stérilisation et les Fonds pour les générations futures (FGF).
Somme toute, pense le Dr N’Djomon, augmenter de façon
substantielle le capital global des pays dotés de ressources
extractives nécessite une croissance impor-tante de leur capital
intangible.
La conférence qu’animait un trio d’intervenants – le Dr
N’Djomon, expert universitaire, M. Pedie, cadre au ministère de
l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire
(MINEPAT – Cameroun) et Dr Maoundonodji, consultant dans le secteur
des ressources naturelles –, était modérée par le professeur
Kouakam de l’Université catholique d’Afrique centrale (UCAC). En
trois heures de débats, cet espace a ainsi permis aux nombreuses
personnes présentes de croiser leurs regards sur les politiques,
enjeux, défis et perspectives de ce qu’on pourrait considérer comme
les leviers de croissance des pays d’Afrique subsaharienne. À
l’issue des échanges, Mme Évelyne Tsague, co-directrice de NGRI
Afrique francophone, qui supervisait les discussions et y prenait
part, a exprimé toute sa satisfaction de voir un tel débat se tenir
en présence de nombreux acteurs. Elle a émis le vœu que ces
échanges enrichissent le plaidoyer des acteurs de la société civile
pour la diversification des économies des pays riches en ressources
naturelles, afin de les rendre moins vulnérables à la volatilité
des prix des ressources extractives.
Une vue des participants à la conférence
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Actu-campusContrôle parlementaire des industries extractives au
Burkina Faso : entretien avec Mme Karidia Zongo-Yanogo, députée à
l’Assemblée nationale du Burkina FasoSource :
https://resourcegovernance.org/blog/controle-parlementaire-des-industries-extractives-au-burkina-faso
Entretien réalisé par Christophe TIYONG
Au début du mois d’août, 34 partici- pants venant de 9 pays
d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale ont pris part à la
huitième session de l’Uni-versité d’été sur la gouvernance des
industries extractives organisée par le Natural Resource Governance
Institute et l’Université catholique d’Afrique centrale (UCAC) dans
le cadre du Centre d’excellence pour la gouvernance des industries
ex-tractives en Afrique francophone (CEGIEAF) à Yaoundé, Cameroun.
Christophe Tiyong a eu l’occasion d’échanger avec l’une des
partici-pantes, Mme Zongo-Yanogo, députée à l’Assemblée nationale
du Burkina Faso et ingénieur hydrogéologue de formation. Le Burkina
Faso est un pays riche en ressources minières, dont principalement
l’or, le zinc, le cuivre, le manganèse, le phosphate et le
calcaire. Leur entretien a porté sur une initiative inédite au
Burkina, la commission d’enquête parlementaire sur le secteur
extractif, et sur les per-spectives ouvertes par la formation.
Christophe Tiyong : En 2016, le Parlement du Burkina Faso a mené
une enquête parlemen-taire sur la gestion des titres miniers et la
responsabilité sociale des entreprises minières. Pouvez-vous nous
parler de cette initiative, qui est assez rare en Afrique
francophone ? Qu’est-ce qui a motivé le Parlement ?
Mme Zongo-Yanogo : Depuis que l’exploitation de l’or a commencé
au Burkina Faso, les populations disent toujours : « On ne sent pas
les retombées de l’or ». Au contraire, il y a beaucoup de plaintes
des populations ; les conflits entre les sociétés minières et les
communautés sont récurrents. Sur le plan de l’environnement, on a
vu sur certains sites des fosses béantes qui sont abandonnées par
les entreprises minières. Dans le cadre de nos prérogatives de
contrôle de l’action gouvernementale qui constitue un axe important
de notre Plan stratégique 2016-2020 et ayant à cœur ces
préoccupations, le Parlement a décidé unanimement,
par la résolution n°019-2016/AN du 12 avril 2016, de mettre en
place une commission d’enquête. Depuis 2009, la question minière
est devenue essentielle pour nous. L’or est devenu le premier
produit d’exportation du Burkina, devant le coton. Nous avons voulu
comprendre le paradoxe entre cette richesse et les plaintes des
populations. De plus, des scandales politico-judiciaires dans le
secteur ont entraîné le pays devant les tribunaux internationaux et
ces procès nous ont fait perdre des milliards de francs CFA. Des
contrats ont été signés, annulés et attribués à d’autres
entreprises minières par le truchement d’actions que je
qualifierais de peu orthodoxes de la part de nos responsables, nos
ministres des Finances et des Mines de l’époque. La commission
d’enquête était composée d’une équipe de dix députés qui
représentent la configuration des groupes parlementaires de
l’Assemblée nationale.
Christophe Tiyong : À l’issue de cette enquête, vous avez rédigé
un rapport avec plusieurs recommandations. Avez-vous le sentiment
aujourd’hui que ces recommandations sont en train d’être mises en
œuvre ?
Mme Zongo-Yanogo : Tout à fait. Après la publication du rapport,
un comité de suivi composé de six députés a été mis en place.
Je
Mme Karidia ZONGO-YANOGO, députée à l'Assemblée nationale du
Burkina Faso
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suis membre de ce comité. Nous avons d’abord formulé 2 ou 3
résolutions pour l’Assemblée nationale et une soixantaine de
recommandations pour le gouvernement. Le Parlement devait entre
autres adopter une loi pour la prise en compte de certains aspects
de notre rapport. Pour ce qui concerne les recommandations au
gouvernement, nous avons eu ensemble des séances de travail après
transmission du rapport. Ensuite, le gouvernement s’est exécuté. Je
précise que certaines recommandations commençaient déjà à être
mises en œuvre sur initiative du gouvernement. À ce jour, 49 % des
recommandations sont déjà appliquées, 38 % sont en cours et 13 % en
attente d’exécution.
Christophe Tiyong : Pouvez-vous nous parler de quelques-unes de
vos recommandations au gouvernement ?
Mme Zongo-Yanogo : Dans l’une de nos recommandations, nous
demandions au gouvernement d’ouvrir une enquête judiciaire sur la
responsabilité des anciens ministres des Mines, pour les premiers
contentieux sur Tambao, et de celui des Finances sur la gestion et
la destination du bonus versé par la société Pan African. Nous
avons aussi demandé que le ministère des Mines renforce ses
compétences, son personnel, etc. Le gouvernement a mis 1 milliard
de francs CFA à la disposition du ministère des Mines pour
renforcer le personnel. Ensuite, pour les cas emblématiques dont je
vous ai parlé, des procédures judiciaires ont été engagées.
Nous nous sommes intéressés aussi au secteur de l’orpaillage et
avons
demandé qu’il soit mieux organisé. À la suite de l’enquête, le
ministère des Mines et des Carrières a accéléré la mise en place de
l’ANEEMAS (Agence nationale d’encadrement des exploitations
minières artisanales et semi-mécanisées). Une loi sur la
commercialisation de l’or, qui avait été ajournée par l’Assemblée
nationale en attente des conclusions de l’enquête parlementaire, a
été réexaminée et votée en prenant en compte certaines
recommandations. Cette loi permet désormais la présence de l’État
dans la salle de coulage de l’or.
Nous nous sommes aussi rendu compte que l’État perdait beaucoup
d’argent avec les exonérations et qu’il n’avait pas les moyens de
mesurer celles qu’il avait autorisées. Nous avons donc demandé
qu’un système soit mis en place pour que l’État soit capable
d’évaluer ce qu’il perd en termes de dépense fiscale. Le
gouvernement a mis en place un logiciel, Infocentre, qui permet de
collecter les données sur le secteur minier pour procéder aux
différentes analyses.
Au moment de l’enquête, il y avait une prolifération d’octrois
de titres miniers alors que le cadastre minier était encore en
cours d’informatisation. Nous avons donc recommandé la suspension
de l’octroi des titres miniers et cela a été fait. Aujourd’hui, on
attend de mettre de l’ordre avant de reprendre la délivrance des
titres.
Sur la question de l’emploi national, le code minier n’est pas
précis. Il souhaite simplement que les sociétés minières emploient
les nationaux en priorité et qu’elles aient un plan de remplacement
des expatriés par des nationaux.
Des observations ont été faites, le gouvernement y réfléchit et
je pense qu’à la prochaine relecture du code, cet aspect sera mieux
précisé pour permettre un suivi et des contrôles de sa mise en
œuvre.
De manière générale, nous notons la bonne volonté du
gouvernement à mettre en œuvre nos recommandations parce que c’est
une question qui préoccupe tout le monde.
Christophe Tiyong : La formation vous a-t-elle donné des
orientations utiles pour la suite de votre engagement ?
Mme Zongo-Yanogo : Ces deux semaines de formation m’ont appris
beaucoup de choses. J’ai appris grâce aux cours théoriques, à la
sortie sur le terrain et aux échanges avec les autres camarades. Au
départ, j’utilisais certains termes dont je ne maîtrisais pas
forcément le contenu, et j’en ai découvert d’autres. Il y a des
questions que je pourrais faire intégrer dans les prochaines
recommandations, notamment le contenu local. Il y a aussi la
question de la modélisation financière comme outil de négociation
des contrats. J’en parlerai au comité de suivi et nous allons
vérifier l’existence et l’utilisation des modèles financiers des
différents projets et éventuellement interpeller le gouvernement au
moyen des questions orales pour qu’il développe ses propres modèles
financiers. Par le biais des questions orales et des questions
écrites, je ferai en sorte que ce que j‘ai appris ici puisse servir
à la bonne gouvernance.
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Tribune libre« Les sessions étaient dans l’ensemble à la hauteur
des attentes des participants ? »
Je suis Christelle Yesalaso Nzumba, j’ai été émue et honorée de
prendre part au cours d’été sur la gouvernance des indus-
tries extractives en Afrique franco-phone. J’ai été
particulièrement marquée par le respect mutuel, la tolérance,
l’unité et l’amour qui ont caractérisé le groupe. Nous étions
devenus comme des personnes originaires d’un même pays. On
s’entraidait, on partageait la nourriture, etc.
Les sessions étaient dans l’ensem-ble à la hauteur des attentes
des par-ticipants. Elles ont été de véritables moments
d’apprentissage, le per-sonnel du CEGIEAF et les facilita-teurs
ayant mis à notre disposition des supports de cours et l’ensem-ble
du matériel didactique pour une meilleure appropriation de la
formation. Lors des sessions, nous n’étions pas face à des
informateurs
qui monopolisent la parole. Nous étions plutôt face à des
communi-cateurs qui attendaient toujours une réaction de notre
part, pour nous remettre sur la voie ou nous recadrer. Nous étions
face à de vrais pédagogues et andragogues.
La descente sur le terrain a été aussi pour moi une façon de
découvrir une entreprise gazière. Dans mon pays, il y a un projet
d’exploitation gazière. Ce fut une belle expérience et je garde le
souvenir d’une visite guidée très instructive. Mais comme toute
entreprise, Gaz du Cameroun (Victoria Oil and Gas) a aussi des
informations qu’elle n’a pas mises à notre disposition, elle nous a
ren-voyés à l’État pour les cas présumés de violations des droits
humains, comme la pollution de l’air et la délocalisation des
communautés.
Il faut dire qu’avant cette formation, j’intervenais déjà dans
le secteur extractif, mais il y avait beaucoup de choses qui me
semblaient confuses. Cette formation apporte de la valeur ajoutée à
ma vie professionnelle et quotidienne. Elle me sera d’un grand
intérêt, particulièrement dans mon travail avec les communautés
locales par le bais des radios com-munautaires en RDC.
Comme souvenirs, le plus im-portant, c’est ce moment partagé
ensemble. Mais c’est aussi :
• le partage de nos expériences professionnelles et culturelles,
qui n’a pas seulement enrichi les participants, mais aussi les
formateurs ;
• nos discussions au restaurant après les cours, ce que chaque
personne avait à dire sur la situation de son pays ;
• nos sorties organisées par le CEGIEAF ;
• ces petits surnoms attribués à plusieurs d’entre nous : «
Parlement » pour représenter madame la députée du Burkina Faso, «
gouvernement » pour représenter le conseiller du ministre des
Hydrocarbures de la RDC, « baril, carré minier » pour parler d’une
belle femme, etc.
Ce fut merveilleux !!!
Par Christelle YESALASO NZUMBA, Congo (Brazzaville)
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Tribune libre« J’ai lu sur ces visages le grand regret de chacun
de savoir qu’on se séparait, puisqu’on était déjà une famille et
cette séparation a été aussi dure pour moi. »
Je suis Blaise Bulambo Bubala, du groupe de travail thématique
Mines de l’ONG ACADHOSHA en République démocratique du Congo. C’est
pour moi une grande satisfaction d’avoir participé à la formation.
J’ai beaucoup apprécié la qualité des sessions de la formation, les
formateurs, l’organisation et l’accueil au CEGIEAF, y compris tous
les autres aspects liés à la formation. Si dans l’ensemble toutes
les sessions nous ont été bénéfiques,
les thèmes du contenu local, de la modélisation financière, de
la gestion des revenus infranationaux et des fonds de développement
communautaire, de l’indice de gouvernance des ressources
naturelles, de l’encadrement des contrats, des mécanismes et outils
de surveillance des impacts socio-environnementaux, de la RSE, du
genre et des industries extractives sont ceux qui m’ont le plus
marqué. Avant la formation, j’avais une connaissance assez vague de
la gouvernance des ressources naturelles, et je tâtonnais dans le
domaine des industries extractives et de l’artisanat, mais après la
formation, j’ai des orientations claires.
Je tire un coup de chapeau particulièrement à Évelyne Tsague de
NRGI, aux enseignants et particulièrement au professeur Kouakam et
à tous les collègues venus des différents pays. La visite de
terrain effectuée à Gaz du Cameroun (Victoria Oil and
Gas) à Douala du 4 au 5 août 2018 a été très importante, car
c’était pour moi la première visite d’une entreprise qui exploite
le gaz.
Je garde, à l’issue de cette édition, des souvenirs inoubliables
des travaux en petits groupes et de restitution en plénière, des
échanges qui m’ont fait énormément plaisir au vu de la qualité des
interventions et des orientations des facilitateurs, sans oublier
les deux repas récréatifs de Douala et de Yaoundé.
La séparation a été dure pour les uns et les autres. À la remise
des attestations, on pouvait quasiment voir des larmes sur le
visage crispé de certains, marques d’un grand regret, tant on
s’était familiarisé. Je dois avouer que j’étais de ceux-là... Cette
tristesse ne pouvait cependant vaincre le désir de nous voir
avancer dans le travail pour la bonne gouvernance des ressources
naturelles partout en Afrique.
Par Blaise BULAMBO BUBALA, RDC
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11
InterviewAdrien Somda : « L’exonération fiscale n’est pas
l’élément fondamental de l’attractivité »
Propos recueillis par Fatoumata KANTE, Guinée (Conakry)
VDP : L’exonération est souvent utilisée par nos États pour
atti- rer les investisseurs étrangers. Est-elle l’unique moyen
?
Adrien Somda : Partant d’une étude réalisée par une institu-tion
de référence, qui présente les éléments sur lesquels un porteur de
projet extractif s’appuie pour décider d’investir dans un pays,
nous avons constaté que l’exonéra-tion fiscale ou décharge fiscale
n’est pas l’élément fondamental qui pousse un investisseur à venir.
Il faut conseiller à toutes les parties prenantes du secteur
d’utiliser cet outil fiscal de manière beaucoup plus mesurée et
responsable, et de mettre des indicateurs en place. Si nous
exonérons, l’État s’attendra peut-être à beaucoup plus
ul-térieurement. Il faut qu’il soit en mesure d’assurer le suivi et
de dire aux citoyens pourquoi une entre-prise est exonérée d’impôts
et ce qu’il attend en retour en dehors du revenu. L’esprit de
l’exonération, c’est cela, sinon elle ressemble à des cadeaux ou
bonus que l’on fait. Il y a beaucoup d’outils, on peut donc indexer
les exonérations sur des niveaux de rentabilité, des niveaux
d’investissement. Il y a plusieurs critères, il faudrait que les
gouver-nants et les techniciens acceptent d’aller vers cette
approche nouvelle plutôt que de rester avec ce dont nous avons
hérité.
VDP : Malgré l’existence de ces outils, on constate que les
États continuent toujours à utiliser l’exonération pour appâter
les investisseurs. Selon vous, qu’est-ce qui explique cet
en-têtement ?
A. S. : Plusieurs éléments expliquent la persistance de cette
pratique, bien que les États d’origine de ces multinationales
exploitantes ne pratiquent plus l’exonération comme nous le
faisons. Alors il y a un premier élément que tout le monde,
notamment les non-techniciens en matière de fiscalité, qualifie
d’incitatif, qui vise à amener les investisseurs à venir.
Aujourd’hui, nous constatons tous que ce n’est pas le niveau de
prélèvement qui détermine le choix de la venue ou non d’une
entreprise extractive dans un pays. Il y a bien d’autres éléments
plus importants, notamment le risque politique, la stabilité
économique d’un pays, la disponibilité des infrastructures et
équipements. En venant, les entreprises font ce calcul. J’aime le
dire souvent, ce sont des commerçants et non des bâtisseurs.
Avant d’exploiter, s’ils réalisent qu’ils doivent investir dans
l’équipement collectif, cela peut les décourager parce qu’ils n’ont
pas d’argent pour cela. Aujourd’hui, il est de plus en plus
difficile de lever des fonds pour venir investir dans ce secteur.
Il y a donc ces trois éléments. Nous avons peut-être le risque de
guerre ou autres ; nous constatons aujourd’hui dans notre
sous-région (NDLR : Afrique de l’Ouest) que malgré le risque des
attaques terroristes, il y en a qui continuent d’exploiter.
L’attractivité, ce n’est pas l’unique aspect des exonérations.
VDP : Malgré les aspects liés aux infrastructures et aux
équipe-ments, y a-t-il des moyens pour nos États de faire fi de
cette pra-tique, qui pèse lourd sur eux en termes de fiscalité
?
A. S. : Les pays d’origine de ces entreprises multinationales
qui opèrent aujourd’hui chez nous sont passés à d’autres outils
fiscaux qui ressemblent aux exonérations, mais qui font moins
perdre d’argent à leurs États. C’est pour dire que les techniques
fiscales et les exonérations évoluent et c’est un peu triste de
voir qu’on ne fait pas l’effort de s’approprier ces nouveaux outils
et de les introduire dans le circuit de production économique dans
nos États. Toutes ces méthodes et autres, on les a empruntées, mais
de ce côté, les gens en sont restés à l’ancienne pratique.
Peut-être que cela les arrange. Politiquement, cela arrange les
gouvernants. Comme on l’a vu, les exonérations ressemblent un
peu
Adrien SOMDA (Burkina Faso), Expert et facilitateur à
l'Université d'été sur la gouvernance des industries extractive du
CEGIEAF
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12
à des subventions. Politiquement, quand les gouvernants
accordent une exonération, ce n’est pas visible alors que sur le
plan de la gestion budgétaire, si le gouvernement dit qu’il va
décaisser des fonds pour subventionner une entreprise, les gens
vont crier. Donc vous voyez que c’est subtil.
VDP : La Vision minière africaine promeut l’harmonisation des
politiques en matière de gouvernance minière. Est-ce qu’une
harmonisation de la politique fiscale pourrait aider nos États à
faire face à ce défi ?
A. S. : Tout à fait. Je prendrai l’exemple de l’UEMOA qui, pour
la convergence et l’harmonisation des politiques fiscales, a
déterminé les matières sur lesquelles on ne peut pas accorder
d’exonérations. Donc on peut aller en ce sens pour dire, en
fonction des zones, que les États peuvent s’accorder sur les
exonérations d’impôts éventuelles. Ils peuvent également s’accorder
sur la durée d’une exonération. La directive de la CEDEAO prévoit
par exemple, en dépit de l’existence du régime de stabilisation,
qu’on revoie votre contrat tous les deux ou cinq ans. Si on
constate que vous n’avez pas atteint ce pour quoi on vous a
exonéré, on le remet en cause. C’est pour vous dire que
l’harmonisation est possible. Mais il ne s’agit pas de dire à tout
le monde de faire la même chose, mais de définir la fourchette dans
laquelle les pays peuvent évoluer. Je vais prendre l’exemple de
l’Afrique de l’Ouest : l’UEMOA a dit de se fixer entre 25 % et 30
%. Les États africains ont la
possibilité d’évoluer dans ce cadre et de ne jamais être en
dessous. Cela est une pratique que l’Union africaine peut proposer
dans un premier temps. Il y a des cadres qui permettent de le
faire.
VDP : En attendant que nos États se tournent vers
l’harmonisation, qu’est-ce que les exonérations nous coûtent ?
A. S. : Cela nous coûte cher. Je prendrai l’exemple de la
gestion des exonérations, cela a un coût. On paye des
fonctionnaires, des douaniers, les cadres des administrations pour
surveiller ces exonérations. Ils ne font pas entrer d’argent, donc
l’État dépense déjà. En plus de cela, il y a des petits malins qui
abusent des exonérations et des moyens de contrôle, sans compter
que l’État renonce à une bonne partie de l’argent. Avec la
modélisation et l’actualisation, il n’est pas sûr qu’au bout de
cinq ans l’État puisse gagner le même montant qu’il aurait pu
gagner s’il avait commencé à réclamer des impôts dès la première
année.
Je schématise un peu pour que vous voyiez le volume des pertes
qui peuvent s’accumuler. Donc des coûts, sans qu’en retour l’État
dégage des revenus du contrôle des exonérations. On retarde le
prélèvement des impôts sans être sûr qu’au moment du paiement, on
puisse rattraper ce pour quoi l’exonération a été faite. C’est vrai
que l’on peut motiver l’exonération, parce qu’on attend une valeur
ajoutée, notamment la création d’emplois et autres. On sait qu’on
n’évalue pas tout ceci très bien dans
nos États.
Mais il faut noter que c’est aussi une pratique nécessaire. Il
ne faut pas non plus supprimer toutes les exonérations, certaines
sont nécessaires pour la rentabilité du projet. Il s’agit entre
autres de la suspension des droits de douane sur les gros porteurs
qu’on ne fabrique pas dans nos pays et qu’on fait rentrer pour les
besoins de l’exploitation.
VDP : Quel rôle pourrait jouer la société civile dans ce cas
?
A. S. : Les expériences sont diverses, la société civile a fait
pas mal de plaidoyer ces dernières années pour que les États
revoient un peu la dimension des exonérations qui sont accordées ;
pour que ce soit des exonérations utiles qui peuvent améliorer
l’efficacité et la production, et partant, augmenter et améliorer
le revenu que l’État va tirer de l’exploitation des ressources. Il
y a également plusieurs stratégies que la société civile peut
utiliser, notamment faire des études. Elle peut aussi demander des
explications sur les raisons des exonérations ou sur ce que l’État
gagne en les faisant. En matière de veille, de questionnement et
d’interpellation du gouvernement, je pense que la société civile
peut jouer un grand rôle. Tout cela n’est possible que lorsqu’elle
a la bonne information. Au besoin, elle peut se faire expliquer les
choses pour bien les comprendre avant d’engager des actions qui
vont permettre au gouvernement de prendre ses responsabilités.
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13
Transcendance Et si la surveillance dans les industries
extractives montait d’un cran au Cameroun ?
Par Mohamadou DIALLO, Cameroun En début d’année 2018, le
Cameroun a accueilli le Forum international sur la fraude et la
corruption dans le secteur minier en Afrique francophone. Organisé
par les pouvoirs publics camerou-nais avec l’appui de la
Coopération canadienne dans le cadre du Projet d’amélioration de la
surveillance de l’industrie extractive en Afrique francophone
subsaharienne (PASIE), le but de ce forum était d’offrir aux
institutions supérieures de contrôle des pays participants une
plate-forme unique de partage des connaissances, des expériences et
des expertises sur les questions de fraude et de corruption dans le
secteur minier, en vue d’identifier des solutions viables en
matière de prévention de tout aspect de malgouvernance dans le
secteur extractif.
Si dans l’ensemble ce forum a per-mis de formuler plusieurs
proposi-tions à l’intention de divers acteurs,
il convient de s’attarder sur celles destinées à la société
civile.
Ainsi, pour asseoir une relation efficace entre les institutions
supérieures de contrôle (ISC) et les organisations de la société
civile (OSC), le forum propose :
• la mise en place d’un mécanisme de certification des
déclarations de revenus miniers par les ISC ;
• la création d’une plate-forme de concertation entre les ISC et
les OSC en matière de surveillance du secteur extractif ;
• la révision de la stratégie de communication des ISC pour
accroître la visibilité de leurs missions et de leurs actions, et
faciliter l’accès des OSC à une information de qualité ;
• le renforcement des capacités et de l’encadrement des OSC pour
permettre une meilleure surveillance des industries
extractives de façon concertée avec les ISC ;
• e développement des mécanismes de protection des lanceurs
d’alerte qui dénoncent les cas de fraude et de corruption dans le
secteur minier ;
• l’association des OSC à l’exécution des audits dans le secteur
minier et leur implication dans l’évaluation des politiques
publiques en la matière, dans les pays où le cadre juridique le
permet ;
• une meilleure implication des OSC dans le suivi de la mise en
œuvre des recommandations des audits portant sur le secteur
minier.
Toutes ces recommandations, et d’autres encore, permettront dès
l’entame de leur mise en œuvre de commencer à répon-dre à la
problématique globale de gouvernance.
-
14
Transcendance Décision d’extraire, propriété réelle et clauses
de stabilisation : faut-il relancer le projet GEOVIC ?
1 Cf. Cameroon Tribune du vendredi 23 février 20182 Cf. Investir
au Cameroun, 6 mars 20183
www.mediapart.fr/journal/international/240413/le-fmi-vise-par-une-plainte-aux-etats-unis4
actucameroun.com/2018/02/24/exploitation-miniere-geovic-de-retour-cameroun-apres-scandale-financier-de-2013/
Détentrice depuis 2003 du tout premier permis d’exploita-tion
minière au Cameroun, pour le
gisement de nickel, cobalt et manganèse de Nkamouna, dans la
région de l’est du Cameroun, Geovic Mining n’a jamais entamé
l’exploita-tion. De surcroît, cette entreprise a déserté le pays en
2014 sans plus donner de nouvelles. Réapparu le 21 février 20181
alors que ledit permis devait lui être retiré en raison de
l’incapacité de cette junior minière à faire avancer le projet de
Nkamouna depuis 15 ans, Alan Buckovic, le fondateur de cette
société, est sorti plein d’assurance d’un entretien avec le
ministre, Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la Présidence
de la République2.
Le modus operandi de Geovic, que le gouvernement semble avoir
oublié à la suite de cet échange, invite à s’interroger sur la
perti-nence de replacer ce projet entre les mains d’une junior et
dans le cas d’espèce, de Geovic. Dans le but d’inciter le
gouvernement à revoir sa décision d’extraire, nous nous
intéresserons à trois points : (1) le flou qui a toujours encadré
ce projet, (2) ses problèmes environ-nementaux et (3) la
problématique du gel du cadre juridique dans la
convention minière entre Geovic et le gouvernement.
Geovic, un mélange d’opacité et de spéculation : une mauvaise
affaire pour l’État
Geovic est une junior minière américano-canadienne créée le 16
novembre 1994, dans le paradis fiscal du Delaware aux USA par
William Buckovic et cotée à la bourse de Toronto et à l’OTC
Bulletin Board. Elle détient 60 % de Geovic Cameroun PLC (GeoCam)
via une société-écran imma-triculée aux îles Caïman, qui gère les
droits exclusifs sur le permis de Nkamouna.
L’exploration achevée, Geovic a déclaré avoir découvert un
gisement important. Ce qui lui a permis de mobiliser, en 2007, 66
millions de dollars à la Bourse de Toronto et en 2008, 60 millions
de dollars de la part de l’État par le biais du FMI et de quelques
dirigeants du pays3, sans enquête préalable sur ses ca-pacités
financières et ses dirigeants. Elle s’est ensuite évaporée, sans
que les véritables responsables de cette arnaque impliquant
certains hauts responsables de l’État aient été punis. Aujourd’hui,
Geovic revient avec la même approche : c’est une junior qui
sollicite encore le soutien financier du gouvernement4.
Cette société étant logée dans un paradis fiscal, le
gouvernement ne peut pas facilement effectuer le suivi de ses
activités et il est presque
impossible d’en identifier les vérita-bles propriétaires.
L’enquête menée par Emmanuel Freudenthal, un journaliste
indépendant, a révélé que ces juniors utilisent des prête-noms –
des étudiants, des écologis-tes, des chauffeurs – pour cacher les
véritables propriétaires des actifs de leurs sociétés, qui dans ce
projet étaient susceptibles d’avoir des con-flits d’intérêts parce
qu’ils occupent de hautes fonctions gouvernemen-tales ou qu’ils ont
des liens avec de hauts fonctionnaires (personnes politiquement
exposées). L’on peut à ce titre comprendre tout l’intérêt de l’ITIE
à s’attaquer à la probléma-tique de la propriété réelle.
Le gouvernement gagnerait, avant d’octroyer un permis ou de
s’investir dans un projet minier, à prendre le temps de rassembler
le maximum d’informations sur les investisseurs. Car en réalité, ce
sont souvent des juniors ne cherchant qu’à gagner de l’argent grâce
à la spéculation aussi bien sur le dos des citoyens que du
gouvernement.
Un projet dont la gestion environnementale prête à
controverse
Le projet Geovic se situe dans une zone forestière, à une
quarantaine de kilomètres de la réserve de faune du Dja (RFD), une
aire protégée, inscrite en 1987 sur la Liste du patrimoine
mondial.
Ayant réalisé une étude d’impact environnemental et social
(EIES) entre 2004 et 2006, Geovic a
Par Eric ETOGA, Cameroun
https://www.mediapart.fr/journal/international/240413/le-fmi-vise-par-une-plainte-aux-etats-unishttps://actucameroun.com/2018/02/24/exploitation-miniere-geovic-de-retour-cameroun-apres-scandale-financier-de-2013/https://fr.wikipedia.org/wiki/Toronto_Stock_Exchangehttps://fr.wikipedia.org/wiki/OTC_Bulletin_Boardhttps://fr.wikipedia.org/wiki/OTC_Bulletin_Board
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15
obtenu un certificat de conformité environnementale le 29 mai
20075. Pourtant, les deux missions organisées en 2006 puis en 2009
par le Centre du patrimoine mondial (WHC) de l’UNESCO et l’Union
internationale pour la conservation de la nature ont mis en exergue
la menace que constitue ce projet minier pour la RFD et conclu que
l’EIES devait être refaite, car elle ne tient pas compte de la
proximité avec l’aire protégée. Reprise en 2010, l’EIES sera à
nouveau contestée6, non seulement parce qu’elle ne porte que sur le
périmètre du permis d’exploitation sans considérer la proximité de
l’aire protégée ni sa sensibilité, mais qu’en plus, elle se fonde
pour l’essentiel sur des références documentaires ne permettant
d’apprécier ni l’état des lieux de la biodiversité locale ni les
risques environnementaux, directs et indirects, qui pèsent sur la
réserve.
À la suite de la mission de suivi conjointe UNESCO/UICN de
20157, l’UNESCO a demandé à l’État de veiller à ce que les impacts
potentiels sur la valeur universelle exceptionnelle du bien soient
évalués avant toute reprise des activités, conformément à la Note
de conseil de l’UICN sur le patrimoine mondial : l’évaluation
environnementale8.
Le gel des textes : une pratique négative pourtant adoptée dans
la convention minière
Signée en 2002 pour 25 ans conformément à la durée du permis, la
convention minière entre Geovic et l’État camerounais a consigné
des dispositions qui
5 EIE-Geovic, 2010. Projet Nkamouna, Cameroun, Évaluation
environnementale et sociale, par Knight Piésold et coll, Rainbow
Environment Consult
6 WHC-UICN, 2012, Rapport de mission de suivi réactif de la
Réserve de Faune du Dja7 République du Cameroun, Rapport de mission
de suivi réactif conjointe UNESCO/UICN à la réserve de faune du
Dja, 28 Novembre-05
Décembre 20158 WHC, 2015, Décisions adoptées par le Comité du
patrimoine mondial lors de sa 39e session (Bonn, 2015)
gèlent le cadre juridique minier, fiscal et douanier sous lequel
la convention a été signée. Si le gouvernement permet à Geovic de
reprendre ses activités, les textes adoptés après la signature de
cette convention seront inopposables dans le cadre de ce
projet.
L’encadrement juridique et institutionnel du secteur minier au
Cameroun a beaucoup évolué, avec un impact significatif en termes
d’une meilleure prise en compte des intérêts de l’État et des
communautés. Les avancées favorables à l’entreprise étant exclues
du champ du gel (article 15.1 de la convention), toute disposition
nouvelle défavorable est inopposable à Geovic, réduisant à néant
les progrès réalisés ci-après présentés de manière non exhaustive
:
• Le Cameroun a adhéré à l’Initiative pour la transparence dans
les industries extractives et a récemment promulgué la loi N
2018-011 du 11 juillet 2018 portant code de transparence et de
bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au
Cameroun. Ces instruments juridiques améliorent la gouvernance du
secteur extractif, rendant désormais public tout contrat extractif
et octroyant à tout citoyen un droit de regard et de censure sur la
gestion des ressources naturelles, avec notamment un accent sur la
propriété réelle, la divulgation des paiements, dépenses et
recettes effectuées,
• la contribution à l’économie du pays, aux niveaux national et
local.
• En décembre 2016, un nouveau code minier a été adopté qui
apporte au secteur minier des changements significatifs avec
notamment : (1) l’obligation de respecter les initiatives
internationales de bonne gouvernance envers lesquelles le
gouvernement s’est engagé et de divulguer les propriétaires réels ;
(2) l’interdiction de l’exercice de l’activité minière à tout
fonctionnaire au sein de l’Administration publique et au personnel
des organismes publics rattachés ou sous tutelle du MINMIDT ; (3)
la limitation des clauses de stabilisation dans le temps, soit en
fonction de la phase du projet, de la nature du titre ou de la
nature de la taxe, soit s’il est avéré que l’investisseur a atteint
un taux de rentabilité interne de 15 % ; (4) l’amélioration du
contenu local grâce à l’approvisionnement par le promoteur d’un
compte spécial de développement des capacités locales ; (5)
l’obligation de se conformer aux règles de sécurité, d’hygiène et
de santé qu’il applique, le cas échéant, dans un autre pays si
elles sont supérieures à celles en vigueur du Cameroun ; (6)
l’obligation de transformer au moins 15 % de la production au
niveau local.
• Concernant les redevances proportionnelles, notamment celles
minières et superficiaires, pour ce qui est de la taxe ad valorem,
le prix de référence de
-
16
la valeur taxable des produits sur le carreau de la mine est
désormais basé sur le cours de la substance sur le marché
international. Cette taxe est passée de 2,5 % à 5 % pour les métaux
de base et autres substances minérales. Pour la taxe superficiaire,
elle a été revue à la hausse, passant de 50 000 francs CFA/km²/an à
100 000 francs CFA/km²/an pour le permis d'exploitation
industrielle.
Pour un État, vouloir exploiter ses ressources n’est pas une
mauvaise chose en soi. Le plus important est d’assurer la gestion
la plus avisée, durable et rentable possible de ces ressources afin
que cet État et ses populations puissent effectivement
en profiter, car elles ne sont pas éternelles. Il est de ce fait
nécessaire que la décision d’extraire repose notamment sur une
bonne connaissance des réserves (quantité et qualité), des
investisseurs avec lesquels on a affaire et du marché international
; il faut en outre une bonne fiscalité et la prise en compte des
intérêts sociaux et environnementaux, le tout dans un système qui
prône la transparence, la redevabilité et la participation
citoyenne. Encore faut-il veiller à actualiser ses politiques sur
la base des leçons apprises et les appliquer. Ces précédents nous
permettent donc de dire d’une part que l’État camerounais doit
améliorer sa décision d’extraire dans le cadre du projet Geovic et
des autres projets
miniers. Considérant, d’autre part, le fait que le Cameroun
dispose d’un secteur minier encore embryonnaire, le gouvernement
doit revoir sa politique relative aux mesures de stabilisation, car
elle constitue un obstacle à la bonne gouvernance dont des
investisseurs spéculatifs qui n’ont pour seul but que de se remplir
les poches peuvent profiter aisément. De quel côté se situeraient
les promoteurs actuels de Geovic ? L’expérience précédente que nous
avons décrite ci-dessus nous amène à nous demander s’il faut encore
relancer ce projet. Si oui, dans quelles conditions et avec
l’application de quel cadre légal et juridique ?
Transcendance Le droit minier en Afrique occidentale et
centrale: entre volonté d’harmonisation, avancées et limites
Par Guy Lebrun AMBOMO, Cameroun Pour permettre aux pays
d’Afri-que de l’Ouest et du Centre de tirer pleinement profit de
l’exploitation de leurs ressources minières, les États de ces
sous-régions se sont engagés dans l’harmonisation de leurs cadres
juridiques en rapport avec le secteur minier. La raison d’être
d’une telle démarche est que l’existence d’une norme régionale ou
sous-régionale constitue un élément indéniable de sécurité et de
stabilité. Une telle communautari-sation est pertinente, car les
sujets à traiter dans le cadre d’un projet minier dépassent les
frontières d’un seul État. C’est le cas du projet de fer
Nabéba-Mbalam, à cheval
entre le Cameroun et la République du Congo. C’est pour cette
raison, rappelle Nadine Koné, coordina-trice régionale des
politiques des industries extractives chez Oxfam, que « les
compagnies minières ne peuvent plus s’appuyer sur la concurrence
entre les pays pour imposer leurs conditions et elles ne peuvent
plus non plus forcer la main à certains pays qui seraient dans une
situation de faiblesse dans le processus de négociation ». Un même
niveau de normes oblige-rait les investisseurs miniers à s’y
conformer, indépendamment des pays dans lesquels ils opèrent. Et
par ricochet, les pays se trouve-raient en position de force et
pour-raient négocier ensemble face à ces compagnies.
Une volonté manifeste d’harmonisation du droit minier en Afrique
de l’Ouest et du Centre
L’idée d’une harmonisation du droit minier en Afrique a vu le
jour en 2003 à l’occasion de l’African Mining Indaba, la conférence
internationale annuelle de l'investissement minier en Afrique tenue
au Cap, en Afrique du Sud. En effet, c’est au cours de cette
rencontre que pour la première fois, l’idée de l’élaboration d’un
texte uniforme couvrant le droit minier et le droit pétrolier avait
été évoquée. Même si cette proposition a essuyé de vives critiques
à l’origine, il faut dire que très peu de temps après l’Indaba de
2003, l’Union économique et monétaire
-
17
ouest-africaine (UEMOA) a adopté le règlement n°18/2003/CM/UEMOA
du 23 décembre 2003 portant adoption du code minier communautaire
de l’Union, dont la valeur normative est supérieure aux différentes
normes minières des États parties.
À côté de l’UEMOA en Afrique de l’Ouest, il y a la Communauté
économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), à compétence
géographique plus importante. Sous l’impulsion de l’ONG Oxfam et de
la société civile ouest-africaine, la CEDEAO a adopté, à l’issue de
la 62e session ordinaire du Conseil des ministres tenue du 26 au 27
mai 2009 à Abuja, la directive C/DIR3/D5/D9 sur l’harmonisation des
principes directeurs et des politiques dans le secteur minier. Plus
tard, cette directive, qui a lié les États quant aux résultats, a
été complétée par l’Acte additionnel A/SA.16/02/12 du 17 février
2012 portant adoption de la politique de développement des
ressources minérales de la CEDEAO (PDRMC), assortie d’un plan
d’action.
L’Afrique centrale ne voulant pas rester à l’écart de ce
processus de communautarisation, la Communauté économique et
monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) a également entamé
l’harmonisation du droit minier de ses États membres. C’est dans ce
sens qu’en mai 2016, le projet Renforcement de la gouvernance des
matières premières en Afrique centrale (REMAP/CEMAC) de la
Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) a lancé une
étude sur l’élaboration d’un code minier communautaire. Ce travail
avait pour objectif de développer et proposer un cadre
réglementaire adapté aux législations des États de la sous-région
et aux principes
de la Vision minière africaine adoptée en 2009, sur la base des
textes en vigueur dans les pays de la CEMAC. Le projet de ce code
minier communautaire CEMAC, préparé par le cabinet Emery Mukendi
Wafwana & Associates et dont l’adoption reste attendue, a été
présenté le 29 septembre 2017 à Yaoundé, par l’ambassadeur
d’Allemagne au Cameroun, aux autorités communautaires, qui l’ont
approuvé dans ses grandes lignes.
Par leur volonté de se doter d’une politique minière commune qui
leur soit directement applicable, les États de l’Afrique de l’Ouest
et de la CEMAC ont renoncé, en partie, à leur souveraineté sur
leurs droits de contrôle de l’exploitation de leurs ressources
minières.
Les avancées des codes miniers communautaires
En lisant les codes miniers communautaires de l’Afrique de
l’Ouest et de la CEMAC, on peut relever quelques avancées. C’est le
cas de l’obligation faite par le projet de code minier CEMAC aux
titulaires de droits miniers de réaliser et de faire approuver un
plan d’atténuation et de réhabilitation des sites préalablement au
démarrage de la recherche minière.
Contrairement au code UEMOA et au projet de code CEMAC, la
directive de la CEDEAO semble avoir nettement progressé. On peut
relever à cet égard la prise en compte des meilleures pratiques
internationales, notamment pour le calcul des indemnisations
versées aux personnes affectées par un projet minier et
l’acquisition d’un titre minier dans les États membres. D’après
cette directive, les zones à forte sensibilité environnementale,
sociale et culturelle sont exclues de l’activité minière. Notons
aussi que
c’est la seule norme communautaire qui prévoit formellement la
prise en compte de l’Initiative pour la transparence dans les
industries extractives dans la gouvernance du secteur minier.
En plus des éléments sus-évoqués, il faut relever que la
directive de la CEDEAO conditionne les exonérations douanières au
respect, par l’opérateur minier, de ses obligations
socio-environnementales et de ses obligations à l’égard des
communautés minières, et l’octroi d’un droit minier à la mise en
œuvre de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) minières.
De même, il y a l’institution de sanctions à l’encontre des
entreprises minières pour divulgation d’informations qui sont
fausses, incomplètes ou délibérément trompeuses. Eu égard à
l’impact négatif des activités sur les femmes, le texte de la
CEDEAO oblige les États membres à prendre en compte les femmes dans
l’activité minière. Quant aux compagnies minières, elles ont
l’obligation d’obtenir le consentement libre, préalable et éclairé
des communautés locales avant le démarrage de tout projet minier,
et ce, dans toutes ses phases. Dans le prolongement de cette
exigence, les États, les titulaires de titres miniers et les
organisations de la société civile doivent mettre en place des
cadres de dialogue en vue d’une collaboration fructueuse et d’une
cohabitation pacifique pendant la durée du projet. Par ailleurs, il
est attendu des titulaires de titres miniers et autres parties
prenantes qu’ils créent et abondent un fonds de développement
socio-économique visant au développement des communautés affectées
par le projet.
-
18
Une communautarisation laissant transparaître quelques
limites
Ce qui frappe, à première vue, lorsqu’on consulte tant le code
minier de l’UEMOA que le projet de code communautaire de la CEMAC,
c’est le recours abusif au renvoi dans les cadres juridiques des
États. Pourtant, c’est la diversité des normes sur le secteur
minier qui a fait naître l’idée d’une harmonisation des
législations des États, parce qu’il était vital pour ces pays de
parler un même langage et de mettre fin à la compétition
interétatique malsaine qui ne profitait qu’aux compagnies. Par
conséquent, et vu la marge de manœuvre laissée aux États et aux
entreprises minières, l’impression qui se dégage, dans une certaine
mesure, est qu’on n’a pas beaucoup avancé dans la
communautarisation du droit minier en Afrique de l’Ouest et en zone
CEMAC. La réticence de certains États vis-à-vis de ces normes
communautaires peut expliquer cet état de choses, puisque
jusqu’ici, certains pays n’ont ni publié dans leurs journaux
officiels ni internalisé la directive CEDEAO et son Acte
additionnel. Pourtant, le délai prévu à cet effet était le 1er
juillet 2014. Tout cela ne contribue qu’à fragiliser la valeur de
ce cadre juridique lié au secteur minier de l’Afrique de
l’Ouest.
Par ailleurs, s’il faut toujours s’inspirer de ce qui a été
fait
ailleurs, et même si le règlement de l’UEMOA jouit d’une
antériorité certaine, il faut déplorer que le projet de code minier
de la CEMAC reprenne, à quelques exceptions près, celui de l’UEMOA.
Car si le droit doit organiser la vie en société, il doit aussi et
surtout refléter les réalités sociales et culturelles de chaque
territoire. Et dans ce cas, le contexte de l’Afrique de l’Ouest ne
sera jamais celui de l’Afrique centrale.
Relativement au régime fiscal prévu dans les codes miniers
communautaires qui font l’objet de la présente analyse, il faut
regretter la stabilité indéfinie de ce régime fiscal dans le cadre
des activités minières. Ainsi, au lieu de le stabiliser dans son
ensemble, et ce, pour la durée de l’exploitation, l’on aurait pu
mettre en place un régime dynamique qui accorde des avantages
fiscaux en fonction des phases du projet.
Une autre anomalie caractérisant le code minier de l’UEMOA et le
projet de code de la CEMAC concerne les avantages fiscaux accordés
aux titulaires de titres miniers en phase de recherche et
d’exploitation. En effet, les textes en cause exonèrent les
opérateurs miniers de l’impôt sur les bénéfices lors de la
recherche minière. Seulement, la question qui se pose est de savoir
quel bénéfice on réalise en phase de recherche. Par
ailleurs, qu’est-ce qui peut justifier l’exemption de l’impôt
sur les bénéfices en phase d’exploitation ? Pourtant, il faut
remarquer, pour le cas de l’UEMOA, que tous les pays soumettent le
bénéfice à imposition dans leurs lois minières, ce qui va à
contre-courant des instruments juridiques communautaires. Ainsi,
ces codes miniers communautaires, à l’image des cadres juridiques
des États qui les ont précédés en la matière, brillent par leur
caractère assez incitatif. Pourtant, la raison d’être de la
communautarisation était d’avoir des codes de développement et non
plus des codes miniers qui attirent les investisseurs. Mais,
curieusement, le code minier de l’UEMOA et le projet de code de la
CEMAC posent que tout nouveau régime fiscal et douanier de droit
commun plus favorable sera étendu aux titulaires des droits miniers
s’ils l’adoptent intégralement ou en font la demande. Il est
évident que ces entreprises minières vont l’adopter ou le demander.
Car, comme l’a relevé Nadine Koné, « souvent, l’on a tendance à
oublier que ce sont des entreprises commerciales, à but lucratif
[…] qui ne sont pas là-bas pour la philanthropie, mais pour plutôt
faire du profit. Donc, moins elles paient de taxe à l’État et mieux
cela est pour elles parce que ça veut dire que les bénéfices
qu’elles remportent sont beaucoup plus élevés ».
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19
Transcendance Guinée : Le contenu local, un outil pour le
développement du tissu économique local
Par Mamoudou CONDE, Guinée (Conakry)
L’ONG Action Mines a mené une campagne de sensibilisa-tion des
communautés rive-raines des zones minières sur le contenu local au
mois de mai 2018. Objectif : présenter aux communautés les
opportunités que le contenu local offre en matière de formation,
d’emploi et de fourniture de biens et ser-vices aux populations des
zones d’exploitation (voir les articles 107, 108 et 109 du code
minier).
La République de Guinée est réputée être riche en ressources
extractives. Les ressources naturelles guinéennes sont diverses et
variées. Le pays dispose d’importantes réserves de minerais de
bauxite, de fer, d’or et de diamant, entre autres. II dépend
fortement de la rente minière pour son développement, comme en
témoignent les chiffres du rapport ITIE 2016, qui indiquent que la
contribution du secteur minier est de 25,1 % pour les recettes
courantes, de 97,8 % pour les recettes d’exportation, de 22,7 %
pour le PIB et de 5,2 % pour l’emploi.
La promotion de l’emploi et l’utilisation des fournisseurs
locaux par les sociétés minières ont toujours été intégrées dans
les différents accords miniers existants, sans être définies dans
le code minier.
En 2011, les autorités guinéennes ont engagé de vastes réformes
visant à améliorer la rentabilité du secteur minier. L’un des
points
clés de cette réforme est la révision du code minier. Cette
révision a été marquée par la prise en compte effective du contenu
local, notamment aux articles 107 (la sous-traitance), 108
(l’emploi) et 109 (la formation).
La mise en place de la Direction générale des relations
communautaires et du développement du contenu local au sein du
ministère des Mines et de la Géologie, et l’instauration d’une
politique de contenu local illustrent cette volonté de rendre le
secteur minier plus apte à contribuer au développement du tissu
économique local.
Le contenu local constitue en effet une véritable source de
conflits avec les communautés riveraines, qui réclament du travail
à tout prix sans parfois remplir les conditions d’accès aux emplois
fournis par les sociétés. Sensibiliser les communautés sur le
concept du contenu local, ses avantages et ses implications va
contribuer à la conscientisation des communautés sur la nécessité
de créer les conditions à sa mise en œuvre conformément aux
prescriptions légales en la matière. Une telle action permettrait
aux communautés de tirer plein profit des opportunités qui
résultent de l’implantation des sociétés minières dans leurs
localités.
C’est dans cette optique qu’Action Mines Guinée a organisé des
séances de sensibilisation des communautés riveraines des zones
d’exploitation minière sur le concept du « contenu local »,
en français et dans les langues nationales.
400 personnes ont été sensibilisées sur ce nouveau concept dans
4 communes urbaines et 8 communes rurales.
Au cours de la mission, Action Mines Guinée a constaté qu’un
certain nombre de facteurs empêchent la mise en œuvre effective du
contenu local, à savoir :
• le manque de textes d’application des articles 107, 108 et 109
du code minier, qui parlent du contenu local ;
• le manque d’adhésion de certaines sociétés minières à la mise
en œuvre du contenu local ;
• la non-conformité de certains contrats miniers à la nouvelle
législation ;
• la non-maîtrise du concept par certains acteurs du secteur
minier ;
• le manque de suivi de la mise en application du contenu local
par les acteurs ;
• le manque de dialogue entre les communautés et les entreprises
sur le concept ;
• le manque de formalisation de certaines entreprises locales
;
• l’insuffisance des programmes d’aide au développement des
producteurs locaux ;
• l’absence de politiques de développement du tissu industriel
au niveau local ;
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20
• le manque de régime graduel de sanctions dans les contrats en
cas de non-respect du contenu local par les sociétés ;
• le manque de formations adaptées aux besoins des entreprises
minières et destinées aux communautés.
Pour la mise en œuvre effective du contenu local dans le secteur
minier
guinéen, il faut l’engagement de toutes les parties prenantes.
La mise en œuvre du contenu local pourrait créer un réservoir de
travailleurs qualifiés et de cadres compétents et disponibles.
En outre, elle permettrait d’assurer le transfert des
compétences vers les entrepreneurs locaux, les groupements
d’intérêts économiques et les jeunes dans
les localités minières. La mise en œuvre du contenu local en
Guinée pourrait également aider à former un réseau d’entrepreneurs
et de fournisseurs locaux capables de répondre directement aux
besoins du secteur minier et de diversifier l’économie par la
création et le développement d’activités génératrices de revenus en
dehors de l’exploitation minière.
Focus sur les certificats Étude des impacts sociaux de
l’exploitation minière à Yokadouma, à Coalwood et à
CarboniaPrésentation du dossier de synthèse relatif à l’étude faite
par Dr Kouam sur le même thème dans le cadre du programme
académique du certificat Gestion des impacts sociaux et
environnementaux du CEGIEAF
Bref résumé
Le Cameroun, les États-Unis d’Amérique et l’Italie sont des
lieux d’exploitation des ressources minières. Dans le premier,
elle est en plein essor et connaît un boom, tandis que dans les
deux autres, les phases de stagnation et de déclin se succèdent.
L’exploitation minière ne pourra jamais s’effectuer en arguant
qu’il n’y a aucun impact social et que tous les droits sociaux sont
respectés. Quels sont les impacts sociaux qui découlent des
activités minières à Yokadouma, Coalwood et Carbonia ? Ces cités
ouvrières situées respectivement au Cameroun, aux États-Unis
d’Amérique et en Italie sont celles prises en considération dans
notre dossier de synthèse. Existe-t-il des similitudes ? Des
dissemblances ?
Après avoir présenté les sites choi-sis, le dossier dresse un
état des lieux des impacts sociaux de l’ac-tivité minière dans ces
espaces et en fait une analyse comparative avant de conclure en
préconisant une plus grande attention à la personne humaine.
Résultats obtenus
Les trois exemples pris en considéra-tion dans notre travail
montrent que l’exploitation minière com-porte toujours des impacts
sociaux négatifs. Dans les zones concernées, une partie de la
population connaît des conditions de vie où l’éduca-tion et le
bien-être ne sont pas bien assurés. Les mêmes conditions sont
observées dans la plupart des pays riches en ressources minières.
Dans les trois localités prises en compte, on retrouve :
1 une qualité de vie dégradée
par l’absence d’infrastructures
sociales utiles pour la
population,
2 une santé des travailleurs
fragilisée,
3 un climat social lourd et
toujours sous tension,
4 une marginalisation des
travailleurs,
5 un désengagement manifeste
des autorités administratives.
Nos conclusions nous poussent à affirmer que l’Homme est le même
partout, même si chaque réalité conserve ses spécificités et ses
caractéristiques. Nous encouragerons les décideurs politiques des
pays où l’exploitation minière en est encore à ses débuts à tirer
des conséquences de ce qui est déjà arrivé dans les pays qui ont
une tradition plus ancienne en matière d’exploitation minière. Les
États devraient investir dans le capital humain en imposant aux
parties prenantes de l’exploitation minière des mesures qui
tiennent compte des besoins de formation pour préparer et armer une
bonne
Prof. Valérie joelle KOUAM NGOCKA, Cameroun
-
21
ressource humaine compétente et qualifiée. Parmi les initiatives
en faveur de la prise de conscience et de la formation, nous
pouvons citer :
• La création d’universités avec notamment une faculté des mines
et de géologie dans chaque zone minière ; elle se-rait un atout
pour la formation des personnes résidant dans les zones
minières.
• Le renforcement des capacités et connaissances, et
l’amélioration des capacités des populations pour leur permettre de
mieux
s’approprier les ressources minières.
• Des espaces de travail et d’échanges réguliers avec les
populations pourraient accroître leur implication et leur intérêt,
mais surtout leur formation et leur estime de soi. Elles
apprendront à mieux se valoriser et pourront peut-être mieux
défendre leurs propres droits.
De telles réalisations pourraient sans doute permettre d’aborder
avec un certain réalisme l’équité dans le
partage des bénéfices provenant des exploitations minières.
Sentiments personnels
1 Sentiment de joie, un désir
de ne pas rester passive et de
mettre à profit les connaissances
acquises pour le bien des
Hommes.
2 Volonté de participer
efficacement et activement
aux initiatives plus ou moins
importantes qui surgissent dans
le cadre du débat actuel sur les
activités extractives.
Focus sur les certificats Responsabilité sociale des entreprises
dans l’industrie extractive : défis et opportunités pour le
CamerounUne présentation de l'étude réalisée par Irène Guessele sur
le thème : « Responsabilité sociale des entreprises du secteur
extractif : défis et possibilités pour le Cameroun », rapport
présenté dans le cadre de la formation certifiante en Gestion des
impacts sociaux et environnementaux des industries extractives à
l’UCAC (Yaoundé, Cameroun)
Une large proportion de la population mondiale, soit 3,9
milliards de personnes, vit dans des pays où le secteur extractif
est
très important, avec des industries exploitant les ressources du
sous-sol. En dépit du fait que ce secteur constitue un créneau de
prospérité, son bilan à ce jour en Afrique n’est pas rose. En
effet, depuis des décennies, les activités minières n’ont pas été
en mesure d’apporter une contribution significative à
l’amélioration des conditions socio-économiques. Bien au contraire,
les guerres, la
misère, la pollution, les déplacements de population sont juste
quelques exemples de leurs multiples conséquences visibles et
désastreuses. Cette conclusion générale a donné lieu à une prise de
conscience collective sur la nécessité de changer de paradigme
économique, en passant d’une simple croissance économique à un
développement qui intègre les dimensions sociales, économiques et
environnementales. Dans cette logique, les entreprises devraient
être des acteurs clés dans la sphère sociétale et contribuer à
l’atteinte des conditions préalables au développement durable, au
moyen de la mise en œuvre du concept de responsabilité sociale des
entreprises (RSE).
La pratique de la RSE, qui est suffisamment bien avancée dans
les pays développés, n’en est qu’à ses débuts en Afrique. Cet état
de choses est surprenant en raison de la présence d’entreprises
multinationales sur le continent et des besoins importants, en
termes d’intervention sociale, qui pourraient permettre de
rehausser l’image de ces entreprises à travers le monde. L’Afrique
regorge d’importantes réserves de ressources naturelles, qui font
de ce continent la première destination des investissements dans le
domaine extractif. D’où la pertinence d’une étude sur la RSE en
Afrique, notamment dans le cas du Cameroun, dont la stratégie de
développement repose essentiellement sur la promotion
Par Irène Ornéla GUESSELE, Cameroun
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22
de son industrie extractive. Quelle est la place de la
responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans ce secteur ?
L’industrie extractive contribue-t-elle à l’amélioration des
conditions de vie des populations ?
La présente étude recourt à des méthodes d’enquête pour
illustrer la pratique. Le rapport commence par un aperçu
panoramique de ce concept, ses diverses origines et le cadre
normatif aux niveaux national, sous-régional et international.
Ensuite, il expose l’expérience des entreprises, les
écueils qui réduisent l’impact bénéfique de la RSE, notamment
les facteurs endogènes tels que le manque de ressources ou le
faible engagement institutionnel des entreprises, ou les facteurs
exogènes liés au manque de coordination entre les autorités
gouvernementales. Le rapport se termine par des
recommandations.
La bonne conduite de cette étude a été rendue possible grâce à
l’application de l’ensemble des outils théoriques et pratiques qui
nous ont été transmis au
cours de la certification sur « La gestion des impacts sociaux
et environnementaux dans les industries extractives ». Cette
formation nous a permis de toucher du doigt les problèmes actuels
d’un secteur en pleine émergence au Cameroun, qui constitue en
lui-même un véritable atout.
Mots clés : RSE, image de l’entreprise, réputation, éthique des
affaires, secteur extractif, Cameroun, prospérité partagée.
Focus sur les certificats La participation communautaire dans
l’exploitation des ressources naturellesPrésentation du dossier de
synthèse réalisé par Casimir DJEGUEDEM pour le programme de
certificat Gestion des impacts sociaux et environnementaux du
CEGIEAF
Par Casimir DJEGUEDEM, Tchad
Dans la quête du développement, les pays riches en ressources
naturelles s’engagent le plus souvent dans la mise en valeur de
leurs ressources en vue de générer les moyens nécessaires pour le
financement des projets de développement. Cette mise en valeur,
communément désignée par les termes « exploitation » ou «
extraction », nécessite des moyens considérables sur les plans
financier, matériel, technologique et humain. Les États ne
disposant généralement pas de ces moyens sont obligés de conclure
des contrats d’exploitation avec des entreprises multinationales.
Les enjeux économiques sont aussi considérables que les risques
immédiats sur les populations
locales. Il sied de s’interroger sur le sort réservé à ces
populations relativement à leurs droits subjectifs, et de voir dans
une perspective d’inclusion comment les rendre acteurs de leur
propre développement.
Cette sollicitude pour les communautés locales trouve son
intérêt dans le fait que les activités des industries extractives
produisent des impacts sociaux et environnementaux. Comme le disait
John Ruggie, « nul autre secteur n’a une influence aussi grande et
aussi envahissante sur le plan social et environnemental que celui
des industries extractives ».
Nos recherches, aussi modestes qu’elles soient, nous ont permis
d’appréhender un encadrement juridique international mis
en œuvre dans certains États africains. Une panoplie de textes,
notamment en droit international des droits de l’homme, en droit
international de l’environnement, en droit des peuples autochtones,
pour ne citer que ceux-là, ont consacré le principe de
participation communautaire. Ce principe a été abordé sous
plusieurs angles, mais la forme la plus élaborée et la plus claire
se trouve dans le fameux principe 10 de la Déclaration de Rio sur
l’environnement et le développement de 1992, complété par l’article
22 du droit des peuples autochtones à un consentement préalable,
libre et éclairé (CPLE). Relativement à la mise en œuvre de ces
instruments juridiques, nos recherches nous ont permis
d’appréhender d’abord les études d’impacts environnementaux
(EIE)
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23
comme étant le cadre d’expression de la participation
communautaire du fait des avis sur l’environnement humain et
écologique recueillis auprès des communautés locales. Les EIE sont
préalables au démarrage du projet extractif, ceci donnera
l’opportunité aux populations de se prononcer en connaissance de
cause. Il faut aussi noter que le Plan de développement local est
une autre forme de participation qui a pour but d’atténuer les
souffrances des communautés locales, notamment lorsque nos codes
miniers obligent les industries extractives à soutenir les
initiatives locales et à participer
au développement des populations affectées par leurs
activités.
Vu l’état de sous-développement de nos pays et la situation
socio-économique précaire des populations locales, cette mise en
œuvre du principe de participation demeure un discours
utopique.
Sentiments personnels : La problématique des industries
extractives est incontournable, surtout dans nos États où une
grande partie des finances publiques vient des secteurs minier et
pétrolier. Il semble donc important de s’attaquer aux
questions liées aux ressources naturelles pour comprendre les
problèmes que connaissent nos États et éventuellement relever les
défis du développement auquel nous aspirons. C’est pourquoi nous
rendons un vibrant hommage au CEGIEAF pour ses louables activités,
notamment pour avoir initié la formation certifiante en gestion des
impacts sociaux et environnementaux. Cette formation nous a donné
un certain nombre d’éléments aussi bien théoriques que pratiques et
fait de nous de véritables acteurs du développement. Merci CEGIEAF
!
Equipe de Rédaction Superviseur : Evelyne Tsague
Directeur de Publication : Dr. Sa’a Lapa Achille
Concepteur et coordonnateur du magazine : Prosper Kouayep
Secrétariat de rédaction : Christophe Tiyong
Ont contribué à cette édition :
• Mohamadou Diallo, Cameroun• Mamoudou Conde, Guinée • Valérie
Joëlle Kouam Ngocka, Cameroun• Mamadou III Diallo• Irène Ornéla
Guessele, Cameroun• Fatoumata Kante, Guinée• Casimir Djeguedem,
Tchad• Guy Lebrun Ambomo, Cameroun • Raphael Lamah. Golota, Guinée
• Eric Etoga, Cameroun• Prosper Kouayep, Cameroun • Christelle
Yesalaso Nz