Le VRAI MESSIE, ou L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT EXAMINÉS D'APRÈS LES PRINCIPES DE LA LANGUE DE LA NAtURE; PAR G. OEGGER, ANCIEN PREMIER VICAIRE DE LA CATHEDRALE DE PARIS. Un peu de philosophie éloigne du christianisme, beaucoup de philoso phie y ramène. PARIS, DE L'IMPRIMERIE DE FÉLIX LOCQUW, RUE NOtRE-DAME-DES-VICtOIRES , N° j6. 1829.
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Le
VRAI MESSIE,
ou
L'ANCIEN ET LE NOUVEAU
TESTAMENT
EXAMINÉS D'APRÈS LES PRINCIPES DE LA LANGUE
DE LA NAtURE;
PAR G. OEGGER,
ANCIEN PREMIER VICAIRE DE LA CATHEDRALE DE PARIS.
Un peu de philosophie éloigne du
christianisme, beaucoup de philoso
phie y ramène.
PARIS,
DE L'IMPRIMERIE DE FÉLIX LOCQUW,
RUE NOtRE-DAME-DES-VICtOIRES , N° j6.
1829.
C4- yjtuyZc,
Se trouve aussi chez .
FROMENT, Libraire, galerie Véro-Dodat, n" 8.
H. SERYIER, Libraire, rae de l'Oratoire, n° 6.
LEVAVASSEUR , Libraire , Palais-Royal. _
Alex. MESNIER , Libraire , place de la Bourse.
L'AUTEUR , barrière de l'Étoile., pince de l'Arc-de-Triomphe ,
n» 3.
LE
OH
L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TE8TAMENS
tHWISF.S d'IPKÈS LES PRINCIPES 1»K IA I.UfljCÏ
DE LA NATURE.
A MONSIEUR CHARLES COQLEREL,
RÉDACTEUR DE LA REVUE PROTESTANTE.
Monsieur,
Le présent ouvrage expliquera suffisam
ment le long silence que j'ai gardé sur la
lettre que vous avez bien voulu m'adresser
en i827, relativement à une Profession de
foigénérale de toute l'Eglise Protestante.
Il me suffira donc d'ajouter ici deux ou trois
réflexions.
En premier lieu, je crois faire une chose
utile à toutes les communions, en rappelant
l'univers au dogme de Vunité absolue de
personne , comme d'être , dans la Divinité,
laquelle ne saurait être triple que considérée
par rapport à l'homme ; et cela, sans qu'au
cun parti puisse raisonnablement s'en plain
dre , vu la manière dont jeconsidère ensuite
VJ
la personne du CHRIST, auquel j'attribue
la divinité la plus absolue. Persuadé qu'il
faut, de toute nécessité, que tôt ou tard le
CRÉATEUR se manifestepersonnellement ,
soit dans cette vie, soit dans la vie future,
et qu'il sorte de son état d'être métaphy
sique, infini et insaisissable , pour entrer
en un rapport réel avec ses créatures,
j'aime autant croire que cette démarche a
déja étéfaite sur notre globe , ainsi que
l'histoire le raconte, que de la placer au-
delà de la tombe. JÉSUS-CHRIST me pa
raît l'être le plus parfait , le plus glorieux,
le meilleur dont la raison humaine puisse
concevoir L'idée; la bonté prouvant mieux
la divinité que toutes les auréoles de
gloire et que tous les miracles possibles.
Aucun ange de lumière ne peut, selon moi,
être comparé à JÉSUS-CHRIST : et par- là
même, si on me permet ces expressions,
JÉSUS- CHRIST est le côté apperceptible
de l'essence divine, laquelle demeurera
éternellement cachée en lui sous le nom de
Père; par-là même JÉSUS-CHRIST est le
foyer de cette gloire et de cette puissance
infinies avec lesquelles l'homme fini ne
saurait autrement avoir de point de contact.
Après la proclamation ( et l'adoption , sans
doute) du dogme de 1''unité absolue, ce
sera aux philosophes et aux Chrétiens à s'ex
pliquer sur le reste; et nécessairement on
sortira enfin du vague dans lequel une dis
tinction toute humaine , réprouvée par l'É
criture bien comprise ( et rappelant l'idée
d'une pluralité d'êtres ) , retient l'univers
depuis quinze siècles.
Quant à ce que j'entends par la Langue
de la nature , vous ne pourrez le voir que
par la lecture des principaux passages de
mon Introduction. Je vous avertirai simple
ment ici que cette Langue consiste à re
monter, en esprit, au-delà de toutes les
langues de convention , et à ne voir dans
les Livres -Saints ni de Vhébreu, ni du
grec, ni du latin^ etc; mais uniquement
des emblèmes naturels, des symboles, des
hiéroglyphes , tels qu'on a dû les employer
pour exprimer les idées de métaphysique
et de morale, avant qu'on eût créé les mots
conventionnels correspondant à ces idées.
En étudiant ce que les auteurs allemands
ont appelé la symbolique; en se rappelant
Vllj
quelle a du être la nature du langage hié
roglyphique des anciens prêtres égyptiens;
en examinant en outre les caractères du phé
nomène de Vextase moderne, et en compa
rant le tout avec les images prophétiques
et les paraboles de l'Évangile, oh trouve que
la plupart des livres que l'antiquité nous a
transmis comme inspirés, sont écrits, d'un
bout à l'autre, en images parlantes, prises
dans la nature visible, en d'autres termes,
en langue de la nature. Et de cette manière
aussi on. n'y trouve partout que la morale
la plus pure et la plus sublime, comme la
plus haute et la plus saine philosophie. A
quoi il faut sans doute ajouter une appari
tion de la Divinité en personne , appari
tion formant le seul mystère qui reste , et
constituant proprement ce christianisme
qui devait offrir des mystères d'amour plu
tôt que des mystères d'intelligence.
Ayant ainsi fait ma profession de foi bien
claire et bien nette, je puis, Monsieur,
déclarer maintenant, sans crainte comme
sans arrière- pensée,, que dans l'Eglise
extérieure, telle queje la conçois, l'admets
indistinctement tous les Chrétiens de
ix
la grande unité dont vous parlez dans
votre lettre ? même ceux qui se diraient
simplement Chrétiens : car s'ils se disent
Chrétiens, c'est que sans doute ils pour
ront un jour le devenir réellement , au
sein d'une Église dont Vunique but est de
faire naître CHRIST dans les cœurs qui
ne le connaissent pas , et de l'y faire
naître par la charité fraternelle encore
plutôt que par des instructions orales. Et
c'est dans le lien de cette même unité, dans
laquelle il me sera doux de voir entrer bien
tôt des Chrétiens de toutes tes dénomina
tions , que je vous prie d'agréer l'expression
des sentimens d'estime et d'amitié que je
vous ai voués.
Paris, ce ier mai 182g.
OEGGER.
AUX AUTORITES
QUI SE CROIRONT COMPÉTENTES;
;
Le vrai sens des Livres-Saints étant
enfin irrévocablement fixé par la décou
verte de la Langue de la nature , le sous
signé demande que les diverses autorités
ecclésiastiques se hâtent de supprimer des
abus dorénavant incompatibles avec la
société perfectionnée, et d'organiser par
tout un cahesimple et sublime comme l'É
vangile.
S'il arrivait, ce qu'il ne peut croire, qu'a
près un délai convenable les autorités
ecclésiastiques n'eussent point pris sa dé
marche en considération , le soussigné de
manderait alors , au nom des lois, qu'appré
ciant les effets des progrès toujours crois-
sans des lumières, le gouvernement lui
assignât, dans la capitale, une Église ou un
Temple où il pût commencer à exercer le
saint ministère d'après ses nouvelles con
naissances acquises, et sans une odieuse
distinction des sectes; distinction aussi
contraire à VEvangile qu'à la raison et
au repos des États.
OEGGER,
Ancien premier Ficaire de la Cathédrale
de Paris.
Nota. En attendant l'accomplissement de ses vœux,
M. OEgger se fera un plaisir de correspondre avec les
personnes ou Sociétés qui prendraient à cœur la nou
velle cause de l'Évangile, et qui, après avoir lu le
présent ouvrage, auraient quelques éclaircissemens
ultérieurs à demander.
« Nous ne doutons pas que l'esprit de Dieu n'ait
» pu tracer dans une histoire admirable une histoire
» encore plus surprenante , et dans une prédiction une
» autre prédiction encore plus profonde. Mais j'en
» laisse l'explication à ceux qui verront venir de plus
» près le règne de Dieu, ou à ceux à qui Dieu fera la
» grâce d'en découvrir le mystère. Cependant l'homme
» chrétien adorera ce secret divin, et se soumettra par
» avance aux jugemens de Dieu , quels qu'ils doivent
» être, et dans quelque ordre qu'il lui plaise de les
» développer; seulement il demeurera aisément per-
>> suadé qu'il y aura quelque chose qui n'est point entré
» dans le cœur de l'homme. » (L'apocalypse expliquée
par Bossuet. Paris, in-8°, p. 43o.)
LE
V1M MESSIE,
on
L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENS
lïjuirais d'aisés les principes de la langue
DE LA NATURE.
INTRODUCTION.
Il n'est qu'un moyen de se former une
idée juste et précise de la personne de JÉ
SUS-CHRIST : ce moyen consiste à se mettre
avant tout en état de ne point profaner la
sainte vérité, si on vient à la reconnaître,
condition sans laquelle Dieu est forcé de
nous aveugler; puis à jeter un regard atten
tif et impartial sur l'Ancien et le Nouveau
Testamens. La première de ces dispositions
dépend principalement des individus et de
CELUI qui tient dans sa main le cœnr Ar
2 LE VRAI MESSIE.
l'homme ; mais l'histoire est du ressort de la
critique, et le raisonnement peut être soumis
à l'analyse. C'est donc sous ce dernier point de
vue, point de vue si in téressan t , que nous nous
proposons de remplir une tâche utile. Faire
passer dans l'esprit de nos lecteurs une par
tie des convictions salutaires qui depuis
quelques années font notre plus douce con
solation , tel est notre désir. La carrière que
nous avons parcourue, et qui nous a mis à
même d'apercevoir le fort et le faible de la
pldpart des opinions philosophiques et reli
gieuses en vogue au dix-neuvième siècle ,
nous donne quelque espoir de réussite. Une
idée sur la langue de la nature piquera né
cessairement la curiosité des plus indifférens
en matière de religion; et cette idée est l'i
dée dominante de notre ouvrage. Pour abré
ger toutefois un travail que la frivolité du
siècle pourra trouver encore trop sérieux,
nous nous en tiendrons principalement à
Isaïe , le plus riche des prophètes , et à Saint-
Jean , le plus sublime des évangélistes, nous
contentant de ramener, dans l'occasion , à
ces deux sources principales, les passages les
plus frappans des autres écrivains extatiques.
LE VRAI MESSIE. 3
Prévenant, d'un autre côté, l'impatience
de ces lecteurs qui , avant de s'engager dans
nos dissertations, nous demanderaient quelle
sera l'issue de l'examen que nous leur pro
posons de faire , nous déclarerons ici , sans
détour, que l'issue de cet examen pourra
être pour eux ce qu'elle a été pour nous-
mêmes , savoir : la croyance à la divi
nité absolue de JÉSUS - CHRIST , et la
conviction intime qu'en tenant cette
croyance , on tient la vérité tout entière.
Une pareille promesse vaut bien la peine
que l'on parcoure quelques pages avec at
tention, quand bien même on serait averti
d'avance qu'il va être question de christia
nisme. La distinction de la vérité en vérité
chrétienne et vérité philosophique est une
absurdité qui n'eût jamais dû entrer dans
des têtes bien organisées. Que les lecteurs
apprennent donc qu'en commençant notre
travail , nous étions , comme ils peuvent
l'être, déistes ou quelque chose d'appro
chant, et qu'en le terminant , nous nous
sommes trouvé chrétiens , et chrétiens plus
profondément convaincus que jamais théo
4 LE VRAI MESSIE.
logien ne l'a été , parce que notre conviction
a été le résultat de l'usage le plus libre et le
plus légitime de notre raison individuelle.
Les témoignages qui s'accumulent, en effet,
par ce nouveau mode d'étudier les livres
saints, qui consiste à les lire comme écrits
d'un bout à l'autre dans la langue de la na-
ture , sont plus que suffisans pour convaincre
tout homme de bonne foi, ou plutôt tout
homme de bonne volonté , que JÉSUS-
CHRIST n'était pas seulement un homme
extraordinaire ou un prophête plusgrand
que les autres; qu'il n'était pas seulement
une image de la Divinité, une étincelle de
la Divinité, ou un fils éternel de Dieu dis
tinct de lui quant à la personnalité; mais
qu'il était JÉHOVAH lui-même, JÉHOVAH
en personne; que c'est en se faisant JESUS-
CHRIST, que le Dieu caché, le Dieu méta
physique et insaisissable , s'est manifesté;
que c'est en se faisant JÉSUS-CHRIST , que
l'Etre infiniest entré en communication avec
les êtresfinis et enfouis dans la matière;
en un mot, qu'en paraissant sur les confins
de sa création pour montrer à des enfans
LE VRAI MESSIE. D
égarés autant d'amour qu'il leur avait mon
tré de puissance , le Dieu CRÉATEUR est
devenu aussi RÉDEMPTEUR.
Nos idées paraîtront extraordinaires, sans
doute, à plus d'un genre de lecteurs; mais
qui osera nous en faire un sujet de reproche ?
Quand , au dix-neuvième siècle , on voit en
core le christianisme dans un état si précaire,
que la philosophie ose douter de son triom
phe ultérieur, que risque-t-on à essayer
quelque grand moyen ? En jetant un regard
impartial sur la société chrétienne depuis
dix-huit cents ans, et ses haineuses et in
concevables divisions, n'est-on pas endroit
de soupçonner que, dès les premiers temps,
il a dû être commis quelque grande erreur
qui aura entravé l'œuvre de la régénération
de l'univers, et qu'il y a par conséquent
quelque grand obstacle à lever pour que
la vérité puisse se répandre ? N'est-il pas plus
que probable que depuis long-temps les In
fidèles et tous ces Chrétiens qui ne sont
Chrétiens que de nom, auraient embrassé la
vraiefoi, si la vraiefoi leur eût été bien
présentée? N'est-il pas plus que probable
que depuis long-temps les malheureux des
6 LE VRAI MESSIE.
cendans d'Israël , aussi bien que ceux d'entre
nos philosophes qui cherchent la vérité de
bonne foi, auraient reconnu le Dieu qui
s'est manifesté sur notre globe, si on n'en eût
pas, pour ainsi dire, dégradé la majesté?
Dût, en conséquence, notre profonde con
viction être taxée de témérité , dût notre
courage causer du scandale, nous ne recu
lerons pas , convaincus que nous sommes ,
avec Saint-Chrysostôme , que , quand bien
même la vérité causerait du scandale , il
faudrait encoreplutôtsouffrirce scandale
que de laisser périr la vérité.
Ce qui nous a le plus enhardi dans cette
grande entreprise, c'est l'entière certitude
que nous avions acquise de nous trouver dé
finitivement sur la voie de cette langue de
la nature, que chacun concevra facilement
avoir dû précéder toutes les langues de con
vention ; dans laquelle nous avons trouvé,
en effet, la plupart de nos livres saints
écrits, et qui jette sur leur ensemble un jour
si inattendu et si vif, qu'il n'est guère possible
au déisme de résister.
Rien n'est plus conforme à une saine phi
losophie que de reconnaître l'existence pri
LE V*AI MESSIE. 7
mitive d'une langue de la nature. Les plus
grands noms figdrent en tête de ceux d'entre
nos savans qui se sont occupés de ce qu'ils
appelaient une langue universelle , langue
dont ils sentaient par conséquent les avan
tages, et qu'ils ne croyaient point impossible
de réaliser sur notreglobe parmi les hommes
instruits. La langue de la nature ne diffère
de celle dont ces savans avaient conçu l'idée,
qu'en ce qu'elle doit moins servir à nos rela
tions terrestres qu'à celles que nous devons
avoir un jour avec l'universalité des êtres,
dans ce monde où tous les autres mondes
affluent, et où il nous faudra des moyens de
communication bien plus étendus que tous
ceux que requiert notre existence matérielle.
Le philosophe moraliste, qui est bien per
suadé de l'immortalité de Vhomme , doit
l'être, par-là même, de l'existence actuelle
d'une langue tout autre que celle qui con
siste en sons articulés moyennant l'élasticité
de l'air, et dont la signification n'est que pu
rement conventionnelle. Le moraliste pen
seur se persuadera même facilement que sur
notre globe terrestre lui-même, quelque
matériel qu'il puisse être aujourd'hui avec
8 LE VRAI MESSIE.
ses habilans dégradés, il a dû exister, dans
des temps d'une plus grande perfection , des
moyens de communication différens de ceux
qui ne sont que de pure convention , vu
que, pour établir des conventions, il faut
de toute nécessité savoir déjà s'expliquer au
préalable. Jean -Jacques a avancé le plus
grand des paradoxes, quand il a dit que l'é
tat sauvage était l'état primitif de l'homme :
l'état sauvage n'est, au contraire, que l'état
de notre plus grande dégradation , quand ,
devenus incapables de nous relever par nous-
mêmes, Dieu est obligé de venir à notre se
cours. Toute connaissance, dît Platon , est
souvenir, et toute ignorance est oubli.
Primitivement l'homme a dû être parfait, du
moins dans son genre; et par suite il a dû
aussi avoir un langage parfait, langage qui
n'a pu se perdre que dans lA suite des temps,
et dont la philosophie pourra retrouver les
traces, quand elle voudra tourner ses inves
tigations de ce côté'là. . •
On pourra se former une idée générale
de la langue de la nature, par l'application
que nous avons faite de ses principes à une
explication nouvelle de plusieurs passages
LE VRAI MESSIE. Ç>
des saintes Écritures. Nous ne placerons ici
que quelques réflexions préliminaires qui
mettent les lecteurs à même d'entrer dans
toute notre pensée.
Avant d'avoir réfléchi plus profondément,
on se persuade d'ordinaire que, quand Dieu
a produit notre univers visible, le choix qu'il
a fait des diverses formes et couleurs des
animaux, des plantes et des minéraux, a été
une chose absolument arbitraire de sa part.
Mais cette idée est entièrement fausse.
L'homme peut agir quelquefois par fantai
sie; Dieu ne le peut jamais. La création vi
sible ne peut et ne doit donc être , si on
nous permet ces expressions, que la circon
férence extérieure du monde invisible et
métaphysique; et les objets matériels ne
sauraient représenter que des espèces de
scories des pensées substantielles et intimes
du CRÉATEUR;scories qui doivent toujours
conserver une relation exacte avec leur pre
mière origine; en d'autres termes, la nature
visible a nécessairement un côté spirituel et
moral, Pour Dieu tout est , tout existe :
créery pour lui, n'emporte pas la même idée
que pour nous. Pour Dieu, créer n'est que
IO ht. VRAI MESSIE.
montrer. L'univers, jusque dans ses moin
dres détails, existait pour Dieu aussi réelle
ment avant la création qu'après la création ,
parce qu'il existait en lui substantiellement,
comme la statue existe dans le bloc de mar
bre dont le sculpteur la tire. Par la création,
nous seuls avons été mis en état de perce
voir une partie des richesses infinies éter
nellement enfouies dans l'abîme de l'essence
divine. Le parfait, surtout, a dû toujours
ainsi exister en Dieu. \!imparfait seul a
pu recevoir une sorte de création, moyen
nant l'homme, agent libre , quoique encore
placé sous l'influence d'une Providence qui
ne le perd jamais de vue. Donc ni les for
mes, ni les couleurs d'aucun être, d'aucun
objet dans la nature entière , ne peuvent
avoir été choisies arbitrairement. Tout ce
que nous voyons, touchons, sentons, depuis
le soleil jusqu'au grain de sable, depuis notre
propre corps avec ses admirables organes,
jusqu'à celui du ciron , tout est proflué, avec
une raison suprême, du monde où tout est
esprit et vie. Nulle fibre dans l'animal , nul
brin d'herbe dans le règne végétal, nulle
forme de cristallisation dans la matière inerte,
1E VRAI MESSIE.- M
qui n'ait son rapport bien clair et bien dé
terminé dans l'univers moral et métaphy
sique. Et si cela est vrai des couleurs et des
formes, à plus forte raison faut-il le dire des
instincts des animaux et desfacultés plus
étonnantes encore de l'homme. Les pen
sées, par conséquent, et les affections les
plus imperceptibles que nous croyons con
cevoir par nos propres forces, les composi
tions que nous croyons nôtres , dans les do
maines de la philosophie et de la littérature,
les inventions que nous croyons faire dans
les sciences et les arts, les monumens que
nous croyons ériger, les usages que nous
croyons établir, dans ce que les hommes es
timent grand, comme dans les transactions
les plus insignifiantes de la vie civile et ani
male: tout cela existait avant nous; tout cela
ne nous est simplement que donné, et donné
avec une raison suprême, selon nos divers
besoins du moment. Un degré infiniment
petit de consentement à recevoir, qui forme
notre liberté morale, est la seule chose que
* nous ayons en propre. Et à la seule inspec
tion, des objets qui entourent un homme,
ou de quelques-uns des usages qu'il a adop
i2 LE VRAI MESSIE.
tés, une intelligence supérieure doit pou
voir déterminer quel est le prix moral de
son être; car, à mesure que les êtres mo
raux, pour lesquels seuls la nature infé
rieure existe, se modifient, cette nature doit
admettre des emblèmes nouveaux, analogues
aux perfections ou aux dégradations surve-
nues.
Et, eu effet, sans tous ces emblèmes de
vie qu'offre la création , point d'idée morale,
point de sentiment moral appréciables ,
point de moyen possible de communiquer
une pensée, une affection, de la part de
Dieu, nous osons le dire, à sa créature, pas
plus que de la part d'un être sensible à un
autre. Point de communication possible,
surtout, entre l'état présent de l'homme , et
son état de transformation : tout est rompu,
tout est anéanti dans la nature sensible et
pensante : la vie la plus intime de l'être in
telligent s'efface et rentre dans le néant.
Des exemples peuvent rendre cette vérité
palpable. Sans ce qu'on appelle, par exemple,
un père selon la nature , pourriez-vous «
vous faire une idée de cette portion de la
bonté de Dieu, qui correspond à la tendresse
LE VRAI MESSIE. l3
d'un pere pour ses enfans? Pourriez-vous
même savoir en aucune façon ce que c'est
que tendresse paternelle ? Si jamais dans
la nature il n'avait existé d'homme géné
reux, pourriez-vous vous former une idée
de ce que c'est que générosité ? Si vous n'a
viez jamais rien aimé sur la terre , vous se
rait-il possible d'avoir la moindre notion de
ce que peut être Yamour? Ou bien, pour
choisir nos exemples dans l'ordre des dégra
dations, vous serait-il possible, sans les défec
tuosités , les maladies , et les souillures du
corps humain , de vous représenter les vices
honteux qui sont leurs analogues dans
l'homme moral? Si vous n'aviez jamais vu
tuer, tourmenter, dévorer des animaux,
l'idée de cruauté et de barbarie pourrait-
elle être communiquée à votre esprit? Si
enfin il ne vous était jamais rien parvenu re
lativement auxpersécutions, aux trahisons,
aux infidélités, aux attentatsparricides qui
régnent quelquefois sur la terre, votre âme se
rait-elle en état de recevoir le premier germe
des idées de haine, de perfidie, d'atrocité?
La chose ne paraît réellement pas possible.
Cette considération , d'ailleurs, de la né
l4 LE VRAI MESSIE.
cessité de^constater, par dés emblèmes sen
sibles, des nuances morales, autrement inap-
perceptibles, explique seule ces phénomènes
terribles, ces monstruosités et ces images-dé
goûtantes, indignes évidemment du CRÉA
TEUR , qu'offre la nature aux yeux de
l'homme dégradé. Le fond de notre être,
véritable abîme , ne peut se révéler que par
des phénomènes de vie appréciables. Il en
est de nous, sous ce rapport, comme du
CRÉATEUR lui-même , à l'image duquel
nous avons été créés, et à la connaissance
duquel nous né pouvons nous élever que
moyennant ses merveilles visibles. La nature
est comme un livre dans lequel on lit les
perfections de Dieu , ou comme un miroir
dans lequel on les voit réfléchies. Il faut dire
la même chose de l'homme et des divers phé
nomènes qu'il offre dans sa manière de vivre,
desenourrir,desevêtir. Nous nousappuyons
sur la matière pour remonter aux substances
pures; et il nous faut encore des substances
et des images emblématiques , pour que
nous nous puissions élancer dans le monde
moral et métaphysique ; raison pour laquelle
le CRÉATEUR a été lui-même obligé de ve
LE VRAI MESSIE. l5
nir à notre rencontre, en franchissant l'a
bîme qui nous sépare de son essence pre
mière. En tant que CRÉATEUR, Dieu a
de toute nécessité des moyens de communi
cation analogues à ceux qu'il nous a dépar
tis pour se faire remarquer de nous. Nous
sommes , pour ainsi dire , hommes créés, et
Dieu homme incréé. C'est au point intermé
diaire entrel'm/în/qui est tout, et Y'infiniqui
n'est rien , que Dieu et l'homme se sont
rencontrés. Et ce point , c'est la vie , la vie
manifestée, la vie révélée par des em
blèmes.
Avant toutes les langues de convention et
par sons articulés, quand le CRÉATEUR
a voulu se manifester ou se révéler pour la
première fois à l'homme , comment l'eût-il
pu faire autrement qu'en se montrant à cet
homme sous la forme substantielle d'un
PÈRE , emblème naturel de Dieu créateur?
L'esprit humain ne saurait véritablement
trouver un emblème différent, ni imaginer
un autre moyen de communiquer la pre
mière idée du CREATEUR à quelque intel
ligence secondaire que ce soit. Nous verrons
ailleurs que , quand les hommes n'auront
ï6 LE VRAI MESSIE.
plus voulu reconnaître pour leur CRÉA
TEUR cet Etre ineffable qui leur apparaissait
comme PERE, cet Etre a dû employer na
turellement, pour défendre ses droits, le
moyen que nous appelons la Rédemption du
genre humain , moyen évidemment divin ,
par lequel il a fait voir qu'il était plus intel
ligent, plus puissant, et surtout MEIL
LEUR qu'eux tous ; système immense qui ,
conduit depuis les temps les plus reculés
jusqu'à son entière exécution , avec une
science, une sagesse et une bonté infinies ,
écrase du moins le mortel dont il ne peut
toucher le cœur.
La nécessité indispensable de ce que nous
appelons des emblèmes de iue, montre que
notre existence future elle-même ne saurait
être aussi métaphysique qu'on se l'imagine
quelquefois. Il faut qu'il y ait encore, dans '
notre état de transformation, des formes ap
préciables, des images substantielles, des
objets vus, sentis, perçus, comme cela se
passe dans le monde matériel. Hors de là une
existence quelconque, heureuse ou malheu
reuse, n'est qu'une vraie chimère. La vie
future, c'est évidemment le monde de Ber-
LE VRAI MESSIE. i7
keley. Ce philosophe n'a eu que le tort de
ne point faire une distinction claire et nette
entre le monde substance et le monde ma
tière, ou de ne point reconnaître la nuance
qui les sépare; car, s'il est vrai que la ma
tière existe , il est vrai aussi qu'elle n'est
étendue et impénétrable qu'autant que le
CRÉATEUR le veut , et que pour les êtres
qu'il désigne particulièrement à cet ef
fet. S'il y avait réellement Vinfini entre
la matière et l'esprit , on aurait pu sou
tenir avec raison l'impossibilité de la
création (i).
(1) Si une curiosité , fort naturelle sans doute, nous
demandait ici ce que nous verrons dans l'autre monde,
et ce que nous yferons, nous répondrions sans hésiter,
en nous fondant sur la nécessité indispensable des
emblèmes naturels, que nous nous y verrons entourés,
comme dans le monde matériel , d'un horizon plus ou
moins étendu, rempli par un plus ou moins grand
nombre à!images substantielles prises dans la nature
connue, et que nous nous y occuperons à peu près
comme on s'occupe sur terre quand on cherche le
logement, la nourriture et le vêtement : seulement les
images susdites seront alors en un rapport exact avec
notre être moral: \c firmament , par exemple, re
présentant nos rapports célestes ; les divers objets de
la nature , nos affections sociales ; et le sol qui nous
1..
l8 LE VRAI MESSIE.
Donc, au résumé, l'univers moral et mé
taphysique , en tant que se révélant succes
sivement aux êtres secondaires, c'est-à-dire,
à tous ceux qui ne sont point JEHOVAH,
ne peut être conçu possible que par des
emblèmes analogues dans l'univers des plié-
porte, la nature de noire confiance en CELUI qui
seul sait l'affermir sous nos pieds. Quant à nos oc
cupations diverses , elles seront celles que le Ciel
jugera les pluspropres à caractériser incessamment
l'intime de notre être moral, et les diverses manières
dont nous chercherons à nous approprier la nourri
ture spirituelle de I'amour et de la vérité, en
d'autres termes, k satisfaire a tous mos besoins mo
raux. Toutes ces idées , quoique neuves, ne surpren
dront aucun de ces philosophes qui savent que la na
ture est toujours conforme à elle-même , ou , comme
l'exprime Leibnitz, qu'elle ne fait jamais rien par-
sauts et par bonds. D'après cet apophthegme philo
sophique, notre existence future ne doit, en effet, diffé
rer de la présente que d'une nuance ; et cette nuance
est celle d'un monde matériel à un monde substan
tiel. Nous devons passer à l'existence future , comme
on entre dans un songe agréable : toute la nature
doit nous y accompagner. Cette vérité reçoit un sur
croît de probabilité, ou plutôt d'évidence, quand on
se rappelle que , examinée sans ces préjugés que
donne l'idée vague d'une puissance infinie , que les
LE VRAI MESSIE. i9
nomènes : phénomènes matériels pour le
monde physique , substantiels pour celui
qui ne l'est pas. Le monde moral et méta
physique, pour nous, est comme ancré ,
comme enraciné dans le monde visible , sur
lequel il repose comme sur une base indis
pensable.
bornes de l'impossible, que la simplicité et l'à-pro-
pos ne restreignentjamais , je pourrais même dire,
examinée géométriquement , la chaîne des êtres est à
peu près complète ici-bas dans les trois règnes, et que
par conséquent la nature connue renferme elle-même
tous les élémens nécessaires au bonheur éternel des
créatures sensibles; ce qui rend aussi impossible
qu'inutile la destruction des images de la nature vi
sible , pour l'existence future. C'est le sentiment qui
fait le bonheur , et non la science; et par-là même le
cercle des choses possibles doit être bien plus res
treint qu'on ne le pense communément. Essayez de
supprimer l'horizon d'images célestes et terrestres qui
vous entoure, véritable Eden dans lequel vous vous
trouvez placés ; que restera-t-il pour former le pré
tendu ciel d'un esprit bienheureux ? Il ne restera rien .
Et si ces mêmes images, devenues capables de repaître
dignement les yeux des êtres immortels, enrevêtis-
sant un caractère tout-à-fait spirituel et moral, suffi
sent à votre bonheur, pourquoi les supprimer, ou
même pourquoi leur en substituer d'autres?
20 LE VRAI MESSIE.
L'expérience journalière pourrait prouver
ces vérités à tout le monde sans de grands
raisonnemens. Qu'on prenne un dictionnaire
de morale, qu'on en examine les termes, on
verra qu'ils sont tous dérivés de la vie cor
porelle et animale, depuis le premierjusqu'au
dernier. C'est la naissance, l'accroissement,
la décadence et la mort du corps , son état
de santé ou de maladie, de force ou de fai
blesse, qui ont seuls fourni les idées corres
pondantes dans l'homme moral. Chaque
membre de ce corps , considéré sous le rap
port de son emploi et de son utilité terres
tre , offre les mêmes résultats. Tous les em
blèmes que peuvent fournir l'agriculture,
les arts et métiers, les différentes manières
de se nourrir et de se vêtir chez les hommes,
ont été mis à contribution pour fournir des
moyens de caractériser les diverses nuances
de vie morale et intellectuelle, chez les in
dividus comme chez les sociétés ; et , sans
tous ces emblèmes que la nature elle-même
fournit, le monde moral et métaphysique
serait resté tout entier enseveli dans l'é
ternel abîme.
De là donc la réalité d'une langue de la
LE VRAI MESSIE. 21
nature , que la philosophie devrait déjà ad
mettre, quand bien même on ne pourrait
plus retrouver aucune des lettres de l'alpha
bet immense qui servait à la parler; car cette
langue n'est autre chose, après tout, que la
perception des emblèmes de vie et d'intel
ligence que la nature renferme dans son
sein , et la faculté de transmettre cette per
ception à d'autres êtres.
Toutefois, nous sommes bien éloignés
d'accorder que le dictionnaire de la langue
de la nature soit entièrement perdu; nous
pourrions en retrouver les traces même dans
les langues de convention, dérivées néces
sairement d'elle, si la Bible ne suffisait à elle
seule pour nous remettre en possession d'une
science aussi précieuse. Ce livre si peu connu
et si peu apprécié de l'univers prétendu
éclairé , n'aura pas simplement servi à nous
conserver la langue hébraïque, il nous aura
encore fourni tous les matériaux nécessaires
à la reconstruction de la langue dela nature.
Un certain nombre de nos premiers écri
vains ecclésiastiques, tels que l'apôtre Paul ,
Lactance, Origène, Jérôme et autres, étaient
évidemment sur la voie de cette langue, ainsi
22 LE VRAI MESSIE.
que leur manière particulière d'écrire le
démontre : mais, par un secret jugement du
ciel, les traces précieuses en ont été aban
données presqu'aussitôt par leurs succes
seurs. On a traité ces écrivains de mystiques,
comme ou fait encore aujourd'hui de tous
ceux qui prétendent voir dans la parole de
Dieu quelque chose de plus que dans un
livre ordinaire. Du temps de Théophile, dit
Horsley, le grand art d'interpréter l'An
cien Testament consistait à trouver par
tout des types et des emblèmes. Si , au lieu
de se moquer de cet art, on eût cherché à
voir jusqu'à quel point il était fondé, on en
eût mieux compris les mystères de l'amour
et de la sagesse du PÈRE, et on ne se fût
point égaré pendant dix-huit siècles dans le
labyrinthe des pensées humaines. La parole
de Dieu doit nécessairement être plus riche
et plus féconde en sens que tous les vains
écrits des savans ; son sens doit même être
infini. : •
En abandon nant , en conséquence , la
fausse marche de l'école , qui consiste à
prendre chaque texte comme isolé, par où
on peut évidemment prouver les choses les
LE VRAI MESSIE. 23
plus contradictoires , et en étudiant Ven
semble des livres saints, on acquiert l'entière
certitude que tous les hommes extatiques,
depuis Abraham jusqu'au dernier des pro
phètes, et qu'après eux tous le RÉDEMP
TEUR lui-même, quoiqu'en s'exprimant par
des mots pris dans la langue conventionnelle
en usage de leur temps , ont néanmoins
toujours parlé la langue de la nature, et
que le sens qu'elle offre était le principal, si
ce n'est le seul , qu'ils avaient réellement
l'intention de transmettre à la postérité.
Pour ne parler ici que de JÉSUS - CHRIST ,
c'est là cette langue à laquelle il cherchait à
accoutumer ses apôtres pendant les trois an-
néesqu'il vécut avec eux; c'est là cette langue
qui les embarrassait souvent si fort , qui les
forçait à solliciter en particulier des expli
cations auprès de leur Maître, et même à le
prier de ne point parler ainsi en paraboles.
Quand une similitude, une comparaison est
suivie dans toutes ses branches , et soutenue
aussi longrtémps que JÉSUS-CHRIST l'a
fait, il en résulte une véritable langue ,
qui s'enlace, pour ainsi dire, dans le dis
cours ordinaire , et offre un sens suivi et plus
24 . LE VRAI MESSIE.
relevé à côté du sens naturel. Qu'on se rap
pelle seulement jusqu'où JÉSUS-CHRIST a
porté la signification morale des mots man
ger et boire, on verra qu'il faut un nouveau
dictionnaire, un dictionnaire encore à faire,
pour comprendre l'Écriture sainte ; livre
non-seulement obscur , maisfermé et scellé
jusqu'à ce jour sous mille rapports ; et que
ce ne sera qu'à l'aide de ce dictionnaire que
l'on pourra y trouver les richesses infinies que
la main de PÉTERNEL y a entassées. Celui
qui a la moindre idée des emblèmes de la
nature et de leur signification , lit la Bible
comme avec une loupe : il y voit ce qu'il
n'y avait jamais vu; il lui semble que ce soit
un autre livre. Ce sont, en effet, les hiéro
glyphes égyptiens lus moyennant le système
de M. Champollion. L'homme, dit JÉSUS-
CHRÏST, vit dela parole de Dieu, comme
il vit de pain. Le grain dont on fait le
pain est, selon lui , cette divine parole. Le
pain est la substance de Dieu que l'homme
doit s'approprier, parce que Dieu est bonté
et vérité, et que Phomme moral ne doit
point être autre chose. Le corps et la chair
de JÉSUS- CHRIST sont par conséquent
LE VRAI MESSIB. a5
aussi ce paifl; parce que JÉSUS-CHRIST
n'est que le Verbe ou la vérité divine,
incarnée par amour pour l'homme. Le
pain quotidien ne rappelle qu'une ap
propriation journalière de la bonté et
de la vérité, qui sont Dieu. Les multi
plications miraculeuses du pain opérées
par JÉSUS-CHRIST, signifient l'abon
dance des exemples de vertu ménagés aux
hommes par l'infinie miséricorde. J'ai à
manger d'un pain que vous ne connaissez
pas, dit le SEIGNEUR aux apôtres : mon
manger consiste à faire la volonté de mon
FÈRE. Celui qui mangera du pain que je
lui donnerai, ne mourra pas , mais il iwra
éternellement. Et ce pain, c'est ma pi'opre
chair; il faut que vous me mangiez, alors
seulement Vous aurez la vie en vous. Ex
pressions inconcevables et repoussantes dans
le sens de la langue conventionnelle, mais
riches autant que vraies dans la langue dela
nature. Je suis , dit encore JÉSUS-CHRIST,
le pain de vie descendu du ciel , figuré gros
sièrement par la manne dont vos pères ont
mangé dans le désert : ma chair est par con
séquent une vraie nourriture, comme mon
20 LE VRAI MESSIE.
sang est une véritable boisson. Et cela,
ajoule-t-il, ne doit point vous scandaliser;
car ces paroles sont esprit et vie; la chair
en tant que chair ne sert de rien. Prenez
et mangez ce pain en mémoire de moi ,
dit-il la veille de sa mort ; c'est le corps qui
sera livré demain pour.vous ; et cela signi
fie : appropriez-vous toujours davantage la
vérité et Vamour, qui sont DIEU , en vous
ressouvenant incessamment de mes exem
ples, f^oyez, je me tiens à la porte et je
frappe; celui qui m'ouvrira , j'entrerai
chez lui , je mangerai avec lui , et lui
AVEC MOI....
Qui ne voit qu'il est partout question ici
d'une manducation toute spirituelle? et que
ces dernières paroles, surtout, ne peuvent
el ne doivent être traduites que par celles-
ci : Celui qui m'ouvrira son cœur, je l'ai
merai et il m'aimera. Dieu ne saurait man
ger avec nous d'une autre façon que par
l'amour, ni, par conséquent, nous avec
lui. Cet autre passage de saint Jean , où
JÉSUS-CHRIST dit : De même que je vis
par le PÈRE , de même celui qui me man
gera vivra par MOI, rend cette vérité si
LE VRAI MESSIE. 2T
évidente, que la folie la plus caractérisée
pourrait seule la révoquer en doute.
Mais ce n'est pas tout encore ; la compa
raison de la manducation matérielle, avec
l'appropriation de l'amour et de la vérité
qui font le bonheur de l'homme immortel ,
est encore portée plus loin dans l'Évangile.
Le semeur, y est-il dit, c'est Dieu; le
champ que l'on ensemence, c'est le cœur
de l'homme , où celte semence doit germer;
c'est une église tout entière qui doit por
ter du fruit au temps de la moisson. Le
froment représente les hommes aimant
Dieu; les pailles légères, les âmes sans
valeur morale. Le grenier renferme les ri
chesses du ciel; lefeu de l'enfer consume
la zizanie. Le van est le jugement sur les
bons et sur les méchans. Trois mesures de
farine ou de pâte représentent le royaume
des cieux; le levain des pharisiens , les
fausses doctrines, les disputes haineuses.
La meule elle-même conservera une signi
fication analogue; au renouvellement de
l'Église deuxfemmes tourneront la meule
dans un moulin; l'une sera prise > l'autre
laissée. A cause de leur manière différente
28 LE VRAI MESSIE.
d'annoncer la parole de Dieu, telle église
particulière sera approuvée , telle autre dé
sapprouvée au temps de l'arrivée du FILS
DE L'HOMME. Une meule attachée au cou
d'un homme scandaleux , et précipitée avec
lui dans la mer, sera un bonheur pour lui ;
car cette meule représente le moyen- de s'ap'
proprier la parole de Dieu , et la mer n'est
que la collection des vérités naturelles i
capables de préparer l'homme à la récep
tion des vérités divines, comme nous Tal
ions voir tout à l'heure ; l'eau, dans les dis
cours de JÉSUS- CHRIST, étant partout
l'emblème de la vérité.
Voici, en effet, une légère esquisse sur le
mot boire. De même que manger, c'est s'ap-
proprier l'amour de Dieu, ou la bonté
morale ; de même, boire , c'est s'approprier
la vérité. La vérité délaye pour ainsi dire
la bonté , qui , autrement , ne pourrait s'in
corporer à notre âme , la bonté sans la vé
rité n'étant point appréciable pour des
créatures , en d'autres termes , la bonté ma
nifestée devenant, par- là même, vérité.
Si vous m'aviez demandé de l'eau, dit
JÉSUS-CHRIST à la Samaritaine , je vous
V
LE VRAI MESSIE. 29
en aurais donné qui jaillit jusqu'à la vie
éternelle. Celui qui boira de l'eau que je
lui donnerai, n'aura plus de soif. Celui
qui reçoit ma doctrine , des Jleuves d'eau
jailliront de son cœur. Ces paroles n'ont pas
besoin de commentaire; non plus que celles-
ci , que JÉSUS-CHRIST prononça haute
ment en enseignant dans le Temple : Que
Celui qui a soif vienne boire. Suivez-moi,
jevais vousfairepécheurs dhommes, dit-il
aux apôtres en les associant à la prédication
de l'Évangile; car, des vérités naturelles , ils
devaient élever les hommes aux connaissan
ces spirituelles. De là l'usage du baptême ,
lequel n'est évidemment que l'emblème de
l'acquisition de la vraie doctrine , con
duisant l'homme à la pénitence et à la rési
piscence; car , encore une fois , l'eau ,
comme faisant le mirvir et réfléchissant les
images des objets, est l'hiéroglyphe de la
vérité, plutôt encore qu'elle n'est celui de
la purification. Le vin et le sang^ dans la
bouche de JÉSUS- CHRIST,- considérés
comme boissons, ont , par-là même, des si
gnifications analogues. Seulement ces em
blèmes seront d'un degré plus relevé; le
3o LE VRAI MESSIE.
sang étant plus proche de la vie, et arrosant
la chair même des hommes et des animaux,
tandis que l'eau n'arrose en général que les
objets dont ils se nourrissent; et le vin
ayant , de son côté, plus d'affinité avec l'es
prit de l'homm-e dont il réjouit le cœur,
selon l'expression emblématique de David :
unique raison qui leur fait jouer un si grand
rôle dans les Saintes -Écritures , où il est
question, à chaque instant, du sang des
victimes et de la vigne du SEIGNEUR de
l'ancienne loi, et du sang de l'agneau, du
vin qui fait germer les vierges de la loi
nouvelle. Le premier miracle de JÉSUS-
CHRIST a consisté à changer de l'eau en
w'«, parce que le principal objet de son ap
parition était de changer les vérités natu
relles en vérités divines , et de substituer
sa doctrine à celle de la sagesse humaine. On
met le vin nouveau dans des outres neuves,*
dit-il, en parlant de cette doctrine. Prenez
et buvez, s'écrie-t-il à la dernière Cène, après
avoir préparé depuis long-temps les apôtres
. à un pareil langage , prenez et buvez; ce
vin est le sang de la nouvelle alliance;
c'est mon sang qui est répandu pour la ré-
LE VRAI MESSIE. 3l
mission des péchés; c'est le Nouveau Tes
tament en mon sang. Et les apôlres ont si
bien compris la signification de tous ces dis
cours de leur maître, qu'ils ont donné gé
néralement, plus tard, le nom de Nouveau
Testament au recueil qui renferme sa doc
trine. Le sang de JÉSUS-CHRIST, par con
séquent, partout où il en est question dans
l'Évangile, ne rappelle et ne représente que
la collection des vérités de salut annon
cées par lui à l'univers ; vérités que l'univers
refusait de recevoir, comme il l'a prouvera/'
le fait, et par un embleme matériel, en
répandant sur le Calvaire le sang du RÉ
DEMPTEUR. Et il faut dire la même chose
du vin; car le vin n'est lui-même qu'un
emblème du sang. Je ne boiraiplus de ce
jus de la vigne,jusqu'à ce que je le boive
tout nouveau dans le royaume de mo n
PERE, ne peut signifier, comme on s'en con
vaincra pleinement dans le corps de notre
ouvrage , que l'union complète de la vé
rité divine et de l'amour divin dans la
personne de JÉSUS-CHRIST , en d'autres
termes, la glorification du VERBE dans
les cieux.
32 LE VRAI MESSIE.
Quand on connaît ainsi la vraie significa
tion de boire et de manger', en tant que
ces actions sont des emblèmes moraux, on
conçoit aussi très-bien la raison du choix de
ces mots coupe etplat, dont JESUS-CHRIST
s'est servi en faisant ce reproche aux Phari
siens : Pharisien aveugle , lave d'abord
l'intérieur de la coupe et du plat, afin
que l'extérieur soit propre aussi. lie plat
représente Vhomme, en tant qu'il est le ré
ceptacle de la bonté de Dieu; et la coupe le
mémehomme, en tant qu'il est le réceptacle
de la vérité. Dans un vase matériel, la pu
reté de Vintérieur n'entraîne point néces
sairement, comme chacun sait, la pureté de
l'extérieur. On voit aussi que ces paroles,
heureux ceux qui ontfaim et soif de la
justice, ne sont point choisies sans raison ,
mais qu'elles sont tout entières dans le gé
nie de la langue, de la nature. On comprend
enfin clairement ce texte si obscur de saint
Jean : Ily en a trois dans le ciel qui ren
dent témoignage , le Père, la Parole, et
l'Esprit; et ces trois ne sont qu'une même
chose : ily en a aussi trois qui rendent
témoignage sur la terre, savoir, /'esprit ,
" LE VRAI MESSIE. 33
I'eav et le sang , et ces trois se rapportent
à la même chose ; où Veau signifie les véri
tés naturelles qui annoncent Dieu, le sang
les vérités évangéliques qui révèlent le
même Dieu , et l'esprit, l'action invi
sible de CELUI qui seul peut nous faire
goûter une vérité quelconque, même alors
qu'elle nous serait annoncée par quelque
prophète. Ces trois-là se rapportent à la
même chose , parce que et la raison , et l'É
vangile , et les personnes extatiques , par
lant par l'esprit, s'accordent, à témoigner
que le vrai Dieu n'est autre que le CHRIST
manifesté en chair. Nous verrons ailleurs
que Père, c'est Dieu dans son essence, ou
quant à son amour et sa puissance : parole ,
Dieu dans sa forme , ou la vérité, la sa
gesse divine , que l'on a appelée VERBE ou
FDL.S ; et Vesprit. Dieu dans son action
immédiate sut l'âme ou sur l'intime de tous
les êtres spirituels.
Les lumières victorieuses que la connais
sance des emblèmes naturels ou de la langue
universelle jette sur toute la parole de Dieu,
sont telles , que le mystère de la sainte Cène
se révèle lui-même tout entier. Quand on
3/( £E VRAI MESSIE, '
fait, en effet, tous les rapprochemens que
nous venons de mettre sous les yeux des
lecteurs, et qu'on se rappelle qu'avant de
dire que le pain était son corps , JESUS -
CHRIST avait dit que son corps était du
pain, et qu'avant de dire que le vin était
son sang , il avait dit que le sang était la
vérité, est-il possible qu'on s'y méprenne ?
N'est-il pas plus clair que le jour que, dans
tout cela , il n'a entendu parler que de l'a/M
propriation de Vamour divin et de vérité
divine ? Et ce dogme de la transsubstantia
tion, par lequel on est parvenu à éloigner
les hommes de la pratique la plus sainte et la
plus touchante dela terre etdescieux, n'est-
il pas aussi absurde que si l'on voulait sou
tenir que la parole de Dieu est réellement
dufroment, que JÉSUS-CHRIST est une
vigne véritable , ou que les vérités évan-
géliques sont réellement de Veau et du
sang(l)l
( i) Je conjure ceux de mes frères les catholiques ro
mains qui tiendraient encore à une transmutation de
substances proprement dite, de ne point regarder ici
le mot absurde comme une attaque injurieuse : la
force de la vérité a seule pu me l'arracher. On verra
LE VRAI MESSIE. 35
II nous serait facile de faire les mêmes re
marques sur nombre d'autres emHèmes na
turels familiers à JÉSUS-CHRIST dans ses
instructions, tels que ceux de pierre, de
que, plus bas, je m'élève également plusieurs fois , et
avec force , non contre la Très-Sainte et Très-Ado
rable Trinité, devant laquelle toute intelligence
créée doit s'anéantir, mais contre une Trinité de trois
personnes réellement distinctes, sans que, dans tout
cela, il y ait aucune intention hostile. Je sais que ces
deux points importans étaient si difficiles à saisir
sans la connaissance de la langue de la nature , que
toutes les erreurs dans lesquelles ils ont fait tomber le
genre humain, sont excusables. Dieu étant triple, on
pouvait facilement le croire trois, et ne l'en aimer pas
moins. JÉSUS-CHRIST, dans les idées de la philo
sophie transcendentale , pouvant être considéré
comme placé entièrement hors du temps et de l'es
pace, même en tant qu'homme , certaines personnes
pouvaient aisément se persuader la possibilité d'une
manducation plus ou moins réelle de la chair du fils
de l'homme , et être , avec cela , des chrétiens très-
fidèles et très-aimans. Le zèle du cœur, au yeux du
SEIGNEUR , efface sans peine les méprises de l'esprit.
Et une preuve que les erreurs susdites , quoique graves
en elles-mêmes, pouvaient être tolérées jusqu'ici , c'est
que la Sagesse éternelle n'a pas jugé convenable de les
corriger plus tôt.
36 LE VRAI UTESSIE.
sable, de maison , déporte, de berger, de
brebis, d'arbre, de soleil, de lune, d'é
toiles ;.'par où l'on verrait, à n'en pouvoir
douter, que , même dans ses discours les
plus simples en apparence, il parlait néan
moins toujours la langue de la nature. Pierre,
pour en donner encore cet exemple, c'est
Dieu , c'est le rocher éternel et l'éter
nelle vérité; des principes généraux , des
vérités mères, sont des pierres particu
lières détachées de ce rocher; une maison,
un temple, bâtis avec ces pierres, c'est un
système religieux dont toutes les parties
sont parfaitement liées ; élevée sur le roc,
votre maison est éternelle comme Dieu;
élevée sur le sable incohérent des pensées
humaines, le torrent des tribulations la
renverse; une ville entière de maisons as
sises sur le rocher, c'est un ensemble de sys
tèmes réguliers et inébranlables ; bâtie sur
une montagne , une telle ville éclaire toute
une contrée; enfin , construite entièrement
en pierres précieuses, cette même ville
n'est que la réunion générale de toutes les
vérités divines propres" h opérer le salut du
genre humain; en d'autres termes, c'est la
fc_
LE VRAI MESSIE. 3^
nouvelle Jérusalem descendant du ciel de
la part de Dieu.
Il faut, par conséquent, connaître quel
que chose de la langue de la nature, et en
avoir étudié un peu le génie, pour savoir ce
que les hommes extatiques ont voulu dire;
et faute de cette science, Rome, aussi bien
que les autres sociétés chrétiennes que les
lumières croissantes lui ont successivement
arrachées , ont dû naturellement mal in
terprète^ l'Évangile sur différens points.
Il serait même miraculeux que cela n'eût
point eu lieu. Car, comment ne point.se
fourvoyer , quand on prend grossièrement à
la lettre les mots de père, defils, de man
ger , de boire, de monter, de descendre ,
d'envoyer, dans des discours où il n'est
question que de l'essence divine ? Les véri
tés du salut ont été forcément enveloppées
d'un langage tout humain, par CELUI qui
est sorti des splendeurs éternelles pour visi
ter notre retraite obscure; et il faut savoir
écarter de son langage l'alliage et les scories,
pour avoir purs l'or et l'argent de la doc
trine et de la vérité. Le langage embléma
tique est, comme nous l'avons montré, fondé
38 LE VRAI MESSIE.
sur la nature même des choses : tout autre
langage eût été absurde dans la bouche de
DIEU RÉDEMPTEUR. Des discours qui ne
se seraient adressés qu'à unefraction d'êtres
dans la création, eussent été indignes de
JÉSUS-CHRIST. La langue de la nature,
ou universelle, a des avantages qu'aucune
langue de convention ne peut réunir : seule
elle peut être rendue aussi riche et aussi
concise que le CRÉATEUR le juge néces
saire dans l'occasion ; seule elle peut se faire
entendre de la société éternelle de l'univer
salité des êtres , où la simple idée d'une
langue par sons articulés paraîtrait une ab
surdité. Même en se servant d'une langue
conventionnelle comme instrument, l'Etre
des. êtres a du encore s'adresser à toute sa
création, en enlaçant dans celte première
langue une autre langue tout-à-fait univer
selle. La création n'est, en effet, pour lui,
qu'une unité; et il doit toujours pouvoir
être compris de tous les êtres, depuis l'ange
le plus élevé jusqu'au plus pervers des dé
mons ; avec cette seule différence que , plus
un être a d'intelligence , mieux il démêle le
sens de ses oracles; tandis que celui qui est
LE VRAI MESSIE. 3g
indigne de les bien saisir, en voyant ne
voit point , et en entendant ne comprend
point. Cet objet, encore une fois, est indis
pensable dans les relations du CRÉATEUR
avec une société d'êtres dégradés, et les
emblèmes naturels peuvent seuls le rem
plir.
Que si les contemporains de JÉSUS-
CHRIST n'ont pas saisi , de son temps, toute
la richesse de sa doctrine , c'est que cela ne
pouvait ni ne devait être : J'aurais encore
beaucoup de choses à vous dire, mais
vous n'êtes point en état maintenant
de les comprendre, dit le SEIGNEUR aux
apôtres. Que penserait-on aujourd'hui de
JÉSUS-CHRIST, si, pour faire comprendre
de son temps sa divine nature, il eût dit,
par exemple, en supprimant les emblèmes
de Père et de Fils : La cause première est
le moi universel; moi qui vous parle, je suis
ce même moi universel manifestéparticu
lièrement ? — L'univers alors n'était réelle
ment point assez avancé. Il fallut que le
genre, humain se cultivât peu à peu sous
l'influence de l'esprit et de la vertu d'en-
haut; il fallut qu'il apprit à réfléchir pro
40 LE VRAI MESSIE.
fondement ; il fallut qu'il parvint , avec la
philosophie, à s'élever entièrement au-des
sus des notions de temps et d'espace^ pour
apprécier tous les discours et toutes les dé
marches de son ÉTERNEL BIENFAITEUR.
Mais ces temps heureux sont arrivés à leur
tour. Non-seulement des individus isolés ,
mais la masse entière du genre humain est
prête aujourd'hui à entrer véritablement
dans les vues de l'amour divin. Dix-huit
cents ans sont à peine écoulés, et le plan
éternel de DIEU RÉDEMPTEUR peut se
développer! Une troisième explosion de la
miséricorde infinie, selon l'expression d'un
journal philosophique peut avoir lieu; et,
au moment où l'univers se croira le plus près
du déisme, il sera à la veille de devenir
plus véritablement chrétien qu'il ne l'a ja
mais été.
Nous trouvant ainsi mis sur la voie de la
langue de la nature par les livres inspirés,
nous pouvons maintenant, sans crainte de
nous tromper, citer quelques-uns de ces em
blèmes de la nature que les hommes eux-
mêmes ont conservés dans leur langage ,
sans savoir qu'ils appartiennent réellement
LE VRAI MESSIE. .( I
à une langue distincte. C'est ainsi que l'ins
tinct général du genre humain a déterminé
depuis longt-temps la signification morale
du soleil aussi bien que celle de sa chaleur
et de sa lumière. Le soleil a toujours été le
principal emblème de la Divinité sur la
terre; sa chaleur, celui de l'amour , et sa
lumière, celui de la vérité : de là, dans des
temps de superstition et de barbarie, l'ado
ration du soleil , et le culte du feu , que
l'on retrouve presque chez tous les peuples.
L'or signifie aussi, presque généralement
chez toutes les nations, ce qui est précieux ;
la pierre, ce qui est solide; la graisse, ce qui
est riche, et cent autres emblèmes qu'il "se
rait trop long de rappeler. Moins , en géné
ral, les peuples avaient de mots convention
nels, plus il leur fallait d'emblèmes naturels;
et quand ils n'avaient point de termes con
ventionnels du tout, ce qui se conçoit faci
lement, du moins pour les termes de mo
rale, alors ils n'avaient absolument que des
emblèmes dans leur langage.
Il n'est qu'un seul de ces emblèmes au
quel nous devions nous arrêter encore un
instant ici, à cause de son importance : c'est
42 LE VRAI MESSIE.
celui de l'homme que l'on n'a pas toujours
remarqué autant que ceux qui sont hors de
nous, les objets extérieurs nous frappant, en
général, plus que notre propre être. Dans
tous les temps quelques esprits profonds ont
reconnu que l'homme était l'emblème le
plus parfait possible, l'emblème, par consé
quent , naturel et vrai de tout ce que l'on
peut appeler intelligence et vie. Le nom de
microcosme , ou de monde en petit, donné
à l'homme par les anciens sages, suffirait
pour le prouver. La forme humaine est,
en effet , une vraie forme d'amour et de
sagesse , capable , à elle seule, de caractéri
ser toutes les nuances possibles de l'être
moral' pris dans son état complexe. L'être
vivant et intelligent ne saurait avoir une
autre forme que laforme humaine. L'ange
n'est que l'homme esprit ou l'homme sub
stantiel. Et Dieu lui-même, quand on veut
bien y réfléchir, n'est réellement conçu par
l'esprit humain que comme homme divin.
L'homme divin est le seul côté apercep-
tible de Dieu; son essence infinie demeu
rant éternellement cachée dans cet homme
ou dans cette forme, laquelle nous ne con
LE VRAI MESSIE. 43
cevons pas vide et métapliysique , dans le
sens que l'on donne d'ordinaire à ce mot,
mais pleine et substantielle , puisque Dieu ,
pour paraître comme homme, n'a pas be
soin, à proprement parler, de créer cet
homme^ et qu'il ne fait que le montrer. Ce
qui rend encore l'homme un emblème si in
téressant, c'est le rapport qu'il a ensuite
avec tous les autres êtres vivans que nous
apercevons sur la terre. Après ce roi de la
nature, tous les autres animaux, formes de
vie toujours moins parfaites, inclinant tou
jours davantage la tête vers le sol, ne sont
que les emblèmes des diverses nuances pos
sibles de vie ou d'intelligence dégradée.
Quand l'homme est ce qu'il doit être , il ne
diffère de l'ange que par la pesanteur de sa
matière; quand l'homme se dégrade, il par
court la chaîne de tous les degrés de vie in
férieure, figurée par les animaux : chaque
animal, par ses formes et ses instincts, of
frant une nuance particulière de cette vie.
Tous les rayons du zénith à l'horizon, ou de
la perpendiculaire à la ligne horizontale,
sont ainsi remplis : L'homme et le serpent
forment l'angle droit; le reste des animaux
44 ï-E VRAI MESSIE.
remplit tout le quart du cercle ; et un autre
genre d'êtres est géométriquement impos
sible. '
Nous ne citerons pas un plus grand nom
bre d'emblèmes naturels, en cet endroit,
pour prouver notre thèse ; le corps de l'ou
vrage les fournira en abondance: car, en
envisageant sous, ce même point de vue
tous les objets de la nature, soit morte, soit
vivante, et les phénomènes sans nombre
qu'elle présente, dans un globe entier comme
dans un atome de ce globe, on voit claire
ment que, conservant toujours un rapport
réel, quoique éloigné, avec quelque nuance
de vie ou d'intelligence, non-seulement ils
peuvent servir à les caractériser, mais qu'ils
les caractérisent dans la réalité. La poussière
elle-même et la boue ont ainsi des significa
tions arrêtées. Elles représentent tout ce
qu'il y a de bas et de vil; le bas, le vil ,
l'abject et le dégoûtant, se retrouvant dans
la morale à côté du grand, du noble et du
relevé. C'est évidemment d'un souvenir
éloigné de toutes ces relations nécessaires
entre le monde moral et le monde phéno
ménal , que vient à l'homme ce goût décidé
LE VRAI MESSIE. ^5
pour les comparaisons, dont toutes les
autres figures de rhétorique .ne sont, dans
le fait, qu'une variété. C'est de là que vient
à l'homme ce goût irrésistible pour les fables
et les paraboles; moyens sûrs de faire goûter
à la multitude les idées du juste et de l'in
juste, mais par où les peuples ont été portés
trop souvent à se composer des mythologies
absurdes. Le passage de la langue de la na
ture aux langues de convention, s'était fait
par des progrès si insensibles , que personne
n'avait jamais eu l'idée de remonter à la
source : on ne savait pas le chemin que l'on
avait fait; mais la distance paraît frappante
dès que l'on y est rendu attentif. Primitive
ment on n'aura pas nommé les objets , on
les aura montrés; non corporellement, il
est vrai , mais substantiellement et par la
force de la pensée , tels que ces objets exis
tent en Dieu, et tels que nous les apercevons
encore dans les songes, dans lesquels il y a
évidemment plus que de l'imagination (i).
(i) A moins que l'on n'avoue qu'avec cette imagi
nation on puisse former le monde de Berkeley tout
entier, et par conséquent tous les mondes possibles.
46 LE VRAI MESSIE.
Une communication de pensées et de senti-
mens immédiate est tout aussi concevable ,
et même plus simple -, que toutes celles qui
ne se font que. par des moyens plus ou moins
éloignés : et la richesse d'une pareille com
munication est telle , qu'elle ne souffre au
cune comparaison avec la pauvreté de toutes
les autres. Quand cette faculté primitive de
voir et de faire voir l'objet immédiat de la
pensée et l'emblème naturel des sentimens,
se sera affaiblie, alors seulement les signes
extérieurs seront venus s'y joindre. De là, le
langage des gestes, parlé d'abord plus parti
culièrement par les yeux, la bouche et la
composition particulière du visage, et qui
aura fini par amener les sons conventionnels,
et tous les signes extérieurs, tels que ceux
qui se retrouvent encore chez les sourds et
muets, et enfin ceux qu'offrent les hiéro
glyphes et l'Écriture. A. l'époque où les
deux manières de se parler, celles par em
blèmes naturels et celle par sons articu
lés , se seront mêlées, alors il en sera résulté
le langage que l'on appelle encore aujour
d'hui prophétique ou extatique , dans le
quel les mots conventionnels ne servent
LE VRAI MESSIE. 47
qu'à rappeler les emblèmes plus significatifs
de la nature.
C'est dans cette dernière langue ^évidem
ment. double, nous le répétons, que nous
avons trouvé écrit le plus grand nombre des
livres que l'antiquité nous a transmis comme
livres inspirés. Pour comprendre la Bible,
il ne suffît pas, par conséquent, de com
prendre X'hébreu, le grec , le latin, ou
tel autre idiome dans lequel elle est tra
duite; mais il faut encore comprendre la
langue de la nature; les auteurs sacrés
n'ayant primitivement emprunté du langage
usité de leur temps, que tout juste les mots
nécessaires pour retracer les images natu
relles qui parlent d'elles-mêmes. De là , pour
le dire en passant, ces bizarreries qui se
rencontrent dans les prophètes, et qui ont
si fort choqué des philosophes superficiels ,
ces images monstrueuses réunissant à la fois
les membres discordans de nombre d'ani
maux divers: car, en parlant de sociétés col-
. lectives, ou de diverses nuances du carac
tère moral du même individu, les prophètes
ont été forcés d'amalgamer les emblèmes
primitifs et d'en former de composites, tels
48 LE VRAI MESSIE.
qu'on en remarque principalement dans
Ezéchiel , Daniel et saint J.ean. Tout cela
était entièrement dans le génie de la langue
de la nature, et, par suite, dans l'essence
des choses; et se moquer des animaux , des
cornes , des roues couvertes d'yeux , des
prophètes, du cheval blanc de l'Apoca
lypse, et même du déjeûner d'Ezéchiel ,
c'est ressembler un peu à ces ignorans qui
rient en voyant de l'écriture chinoise ou des
hiéroglyphes égyptiens (i).
Telles sont les considérations qui nous
ont engagés à publier l'Essai qu'on va lire.
(i) En parlant de matières religieuses, Voltaire, le
plus souvent, ne raisonnait pas, il plaisantait. Quant
à Dupuis , il ne s'était point assez rendu maître de la
matière qu'il traitait. Une lecture attentive de la sym
bolique .de Kreutzer, ouvrage très-utile au philosophe
qui voudrait entreprendre l'étude de la langue de la
nature , fait voir avec une évidence qui exclut toute
espèce de doute, que les anciennes religions païennes
avec leurs diverses mythologies et cosmogonies , n'é
taient généralement nées que de la langue de la na
ture mal comprise, et que, par conséquent, le com
plément de la religion chrétienne , la seule véritable ,
consistera dans la connaissance de cette même lan
gue retrouvée , et portée à une certaine perfection.
LE VRAI MESSIE. 49
En étudiant nous-mêmes les saintes Écri
tures avec cette nouvelle clef, nous y avons
vu si clairement les véritables intentions du
CRÉATEUR et RÉDEMPTEUR du genre
humain, que nous nous serions cru coupa
bles , si nous n'avions point fait part de nos
idées -à un mondé si dérouté dans toutes ses
conceptionsreligieuses, que l'on n'y rencon
tre à peine autre chose que de l'athéisme ou
delà susperstition.
Le moment, du reste, n'est point défa
vorable pour engager l'univers à soumettre
à un nouvel examen, à un examen sérieux
et réfléchi, ces événemens immenses qui
sur notre globe ont substitué le> Christia
nisme à l'Idolâtrie. La philosophie du dix-
neuvième siècle n'est réellement plus- celle
du dix-huitième. Depuis les dernières révo
lutions européennes, lesquelles ont été mo
rales autant que physiques, la philosophie
est devenue en grande partie spiritualiste,
de matérialiste qu'elle était. Plusieurs dé
nos penseurs modernes ont enfin reconnu
la vérité de cette prédiction de Platon, que
« ceux qui se livreront aux recherches pro
fondes (de tout ce qui se rattache à la mo
5o LE VRAI MESSIE.
raie et à la religion) avec un esprit humble ,
et qui fuiront cette maniepeuphilosophique
et peu religieuse , de décider, de trancher
tout, à la première vue des difficultés, trou
veront que souvent ce qui leur paraissait le
plus incroyable , était ce qu'il y avait de
plus certain et de plus évident (i). ,» De
grands noms se rattachent déjà à ces nou
velles et rayonnantes doctrines d'un monde
lumière, d'un monde substance^ enclavé
partout dans le monde matière : doctrines
seules vivifiantes, seules vraies, et qui de
vaient triompher tôt ou tard (2).
Nous ne parlerons point ici de ces phé
nomènes qui sembleraient devoir familiari
ser la médecine elle-même avec ces idées
qui agrandissent l'univers de toute l'étendue
de l'espace. Quelques médecins distingués,
en France aussi bien qu'en Allemagne, s'é-
levant, comme on sait, au-dessus de deux
espèces de préjugés opposés, ont examiné,
(1) Ëpître à Denys.
(2) Il est inutile de dire qu'en tête de ces noms il
faut inscrire celui de M. Royer-Collard et de l'école
qu'il a formée.
.
LE VRAI MESSIE. 5l
avec quelque attention , cet étatparticulier
de l'organisme produit par les manipula
tions magnétiques, ou l'imposition des
mains, appelé depuis extase provoquée;
et ils ont reconnu la réalité de phénomènes
surprenans, connus évidemment dans l'an
tiquité, et qui montrent que l'homme,
même en restant dans les liens de l'existence
corporelle, peut néanmoins s'élever quel
quefois au-dessus de l'organisme, et fran
chir ainsi plus ou moins le temps et. l'espace.
Les mots de voyant , de prophète et iVins
piré, ont commencé en conséquence à pa
raître moins étranges à ces savans ; les
traces du langage emblématique ou prophé
tique, reparaissant assez souvent dans l'état
d'exaltation produite par le magnétisme.
Quelques philosophes modernes se sont
même convaincus par - là de la réalité de
certaines communications entre les hom
mes, qui , dépouillant leur enveloppe maté
rielle, ont passé dans ce monde lumière,
lequel se joue au milieu de tous les globes,
comme les rayons du soleil se jouent dans
un globe de cristal, et où se parle la langue
emb lématique, et des hommes vivant encore
.- 3.
5.*? LE VRAI MESSIE.
sur la terre, où jusqu'à présent on ne con
naissait que les langues de convention et par
sons articulés (i). Mais, outre que la méde-
(i) Les preuves de raisonnement que nous avons
données de l'existence primitive d'une langue natu
relle parmi les êtres intelligens, nous paraissaient si
claires et si convaincantes, que nous avions cru inu
tile de surcharger cet avant-propos de citations d'au-
îeurs anciens ayant les mêmes convictions que nous ,
ou rapportant des faits capables de les appuyer. Ici ,
toutefois , où nous touchons à la question délicate du
magnétisme animal, les remarques suivantes pourront
trouver leur place. Le pythagoricien Épicharme parlait
déjà de la manière suivante de ce que j'appelle les
formes substantielles : « L'art de jouer de la flûte,
dit-il , est sans doute quelque chose de séparé de
l'homme qui enjoué. Il en est de même de ce qui est
bien ou de ce qui est bon ; la bonté est nécessairement
une chose séparée de l'homme qui la possède. » A quoi
Alcime ajoute : « L'âme apprend certaines choses,
moyennant les sens, et d'autres sans leur secours,
parce qu'elle considère ces choses en elles-mêmes ; »
ce qui prouve assez clairement que les anciens atta-
, citaient très-souvent l'idée de réalité à ce qui, pour les
modernes , n'a plus été qu'une qualité abstraite. (Voir
Diogène Laè'rce, m, i4, 12.) Philopone assure avoir
vu dans un des livres perdus d'Aristote sur le bien
ou la philosophie , ces propres expressions: « Les idées
ou lesformesdes choses contiennent la matière, comme
i
LE VRAI MESSIE. 53
cine moderne est encore bien loin d'être
d'accord sur ces divers points; outre qu'il
doit être dangereux de chercher à établir
les nombres contiennent les choses nombrées ; car la
matière étant en soi une chose indéterminée, c'est-à-
dire, sans attributs réels, ce sont les formes seules
qui en font des objets. (De An. page 17, Venise, i535.)
En général, selon Pythagore et ses disciples, les
choses seules étaient des objets en soi, c'est-à-dire des
objets réels et éternels, quoique immatériels ; tandis
que les objets matériels, en tant que matériels, n'é
taient rien en soi. Leurs idées se rapprochaient beau
coup de celles émises parmi nous par Berkeley sur la
non-existence de la matière comme quelque chose en
soi; et quand , par suite, ils disaient le monde éternel,
ils n'entendaient souvent parler que des formes sub
stantielles du même monde , telles que chacun les voit
et palpe encore dans l'état de songe. Sous ce rapport,
les nouveaux phénomènes somnambuliques observés
en Allemagne semblent avoir mis quelques-uns de ses
savans à même de comprendre la philosophie des an
ciens, mieux qu'on ne l'avait jamais comprise. « Timée ,
dit Tiedeman dans sa vie de Pythagore, page 545,
promet à ceux qui observent les règles prescrites , la
vue des dieux ( c'est-à-dire , celle de leurs ancêtres
transformés); il en faut évidemment conclure que les
pithagoriciens avaient trouvé le moyen d'être en un
véritable état d'extase. » (État dans lequel l'homme in
térieur et immortel d'un individu , se réveillant pen-
54 1E VRAI MESSIE.
ces sortes de communications entre le
monde naturel et l'univers des hommes-es
prits, vu la dégradation de notre être qui ne
nous permet nécessairement d'entrer en
rapport qu'avec d'autres êtres dégradés qui
dant un sommeil passager , peut naturellement s'en
tretenir avec ceux dont les organes matériels dorment
définitivement du sommeil de la mort.
Stillingfleet , qui, comme on sait, avait fait l'é
tude la plus profonde de l'antiquité, était convaincu,
comme nous, que, dans l'origine, le nom d'une chose
signifiait son essence. On peut consulter les Origines
sacrée ; on y verra la confirmation de presque toutes
nos idées. Le père Kircher était persuadé que la pre
mière langue n'avait pu être conventionnelle. Clément
d'Alexandrie dit en propres termes ( Stromates , L. v.)
que les anciens faisaient quelquefois la relation de
leurs actions par une suite de symboles. C'est de l'E
gypte que la Grèce reçut l'usage des symboles , sa my
thologie , ses temples pour la guérison des malades et
la reddition des oracles ; et l'Egypte elle-même n'avait
trouvé toutes ces choses que moyennant ses hommes
extatiques, ses prêtres et ses prêtresses. Il est impos
sible de se refuser à l'évidence des preuves que l'his
toire fournit à cet égard, et que de nouvelles expé
riences sont venues confirmer dans ces derniers temps.
Aristé Proconensis, qui vivait du temps de Cyrus, est
représenté par des historiens contemporains comme
LE VRAI MESSIE. 55
se trouvent à notre unisson, et que nous ne
serions point en état de bien comprendre,
même alors qu'ils seraient disposés à nous
être utiles; nous regardons les phénomènes
magnétiques comme de bien peu d'usage .
un homme qui pouvait faire sortir son âme de son
corps et l'yfaire rentrera volonté : ce n'était évidem
ment qu'un somnambule. Socrate lui-même, comme
tout le monde sait , entrait de temps en temps dans
l'exaltation magnétique : le démon ou esprit familier
qu'on lui attribue , n'a point d'autre origine. « Ces dé
mons des pythagoriciens , disait Diogène Laërce ( dé
mons, quij comme nous l'avons déjà dit, n'étaient que
les hommes substantiels de leurs ancêtres), influencent
les mortels par des pressentimens et des songes qu'ils
leur donnent; ils leur envoient la santé et la maladie,
et leur révèlent les choses cachées et les événemens fu
turs. » Tout le monde connaît la science cabalistique
des Rabbins, que plus d'une forte tête a défendue dans
les temps passés, et que le progrès des sciences a forcé
quelques savans. modernes à envisager avec un peu
moins de dédain. Enfin , tous les passages des épîtres
de saint Paul , où cet apôtre trace des règles touchant
l'ordre à garder parmi ceux qui parlent des langues
inconnues , ceux qui ont des visio?is, des révélations ,
et ceux qui interprètent les songes, prouvent que
l'imposition des mains , observée par lui, ressemblait
entièrement à nos modernes- expériences sur l'extase
56 LE VRAI MESSIE.
quand il s'agit de morale et de religion :
quoique, du reste, nous serions bien éloignés
de détou/ner de son entreprise celui qui
voudrait se confirmer dans la croyance à
l'immortalité par les expériences du som
provoquée. Il fallait, alors comme aujourd'hui, éprou
ver les esprits pour savoir s'ils sont de Dieu, et faire
la part à l'exaltation imaginaire ou simulée, à la
fourberie et à la. folie. Et ce que les apôtres, en per
sonne, nous ont appris à cet égard, nous dispense
d'entrer dans le détail de ce qu'en ont dit les SS. Pères
et les premiers écrivains ecclésiastiques , qui , sans en
excepter un seul, admettaient tous des extases, des
guérisons , des possessions, et en parlaient comme de
phénomènes connus de tout le monde, parmi les
païens aussi bien que parmi les chrétiens. Tertullien a
écrit à lui seul sept livres sur l'extase ; et il n'est de-:
venu montaniste que pour s'être laissé tromper par
l'extatique Montan, et ses deux compagnes, prophé-
lesses ou somnambules , comme on voudra les appe
ler. Il faut réellement n'avoir jamais ouvert un auteur
ancien, pour pouvoir se persuader que l'étatparticulier
de l'organisme, appelé crise extatique par le docteur
Bertrand, n'a pas été connu de tout temps; qu'il n'a
pas fait souvent l'objet principal des recherches des
peuples , sous le rapport du culte comme sous celui de
la science thérapeutique, et que la plupart des reli
gions de l'univers , n'ont pas eu pour premier principe
cet étonnant phénomène.
\
LE VRAI MESSIE. 5^
tiambulisme artificiel, en se rendant témoin
oculaire de la clairvoyance physique ou
morale de certains individus extatiques,
dans lesquels l'état futur de l'homme dégagé
de la pesanteur de la matière, se montre
d'une manière aussi palpable que tous les
autres phénomènes de la nature.
Le chrétien éclairé n'a jamais eu besoin
d'aucune de ces expériences tardives que
les sciences humaines viennent de temps
en temps ajouter à sa foi. Il lui a toujours
suffi de jeter un regard impartial sur l'ac
cord admirable de l'Ancien et du Nouveau
Testament, et sur le système immense et évi
demment au -dessus du pouvoir de toutes
les intelligence créées, qui en résulte, pour
reconnaître le doigt de Dieu. Mais il n'en
est point ainsi de ces chrétiens simplement
de nom^ qui dans la réalité ne savent plus
ce qu'ils croient, et qui enveloppent dans
un égal mépris et les abus religieux et les
principes les plus indispensables de la mo
rale et de la religion , faute de pouvoir dé
mêler la vérité d'avec des prétentions ab
surdes. Il n'en est point ainsi , surtout de
ces nombreux mécréans du jour, qui ont
3..
53 LE VRAI MESSIE.
souvent de si terribles préjugés à surmon
ter, ne conservant souvent pas la première
idée, la première notion d'une vie immor
telle et dégagée de la pesanteur de la ma
tière. Pour tous ceux-là , la plus simple
planche de passage devient la chose la plus
précieuse ; et l'idée de la langue de la na~
ture , retrouvée dans les livres saints,
nous a surtout paru propre à représenter
cette planche; nous nous en sommes em
paré avec d'autant plus d'empressement que
le nombre de ceux qui doivent y passer est
plus considérable.
Nous avons partagé notre ouvrage en
deux parties : la première traite de la vraie
nature de JÉSUS-CHRIST; la seconde, du
vrai sens de sa doctrine.
LE VRAI MESSIE. §ÇJ
CLEFS HIÉROGLYPHIQUES.
Avant de commencer notre explication
des principaux passages des Saintes-Écri
tures d'après les principes de la langue éton
nante dont nous venons de signaler l'exis
tence, nous voudrions de tout notre cœur
mettre sous les yeux du lecteur le diction
naire qui nous a guidé. Mais, comme c'est
véritablement ici le cas de dire avec Jean-
Jacques , que notre livre serait aussi gros
que le monde, que nous n'aurions point
épuisé notre sujet , nous nous bornerons à
quelques données absolument générales,
simples clefs^ au moyen desquelles le lecteur
lui-même pourra pénétrer plus avant dans
les domaines immenses de la nature. Tout
notre dictionnaire se réduira, en attendant,
aux mots suivans :
I. DIEU, AMOUR, VÉRITÉ.
II. SOLEIL , CHALEUR, LUMIÈRE.
6ô LE VRAI MESSIE.
III. HOMME ^ BONTÉ, SCIENCE.
IV. VIVRE, MANGER, BOIRE.
V. RÉGNE ANIMAL, règne végétal,
RÈGNE MINÉRAL.
VI. CRÉATION, PRODUCTION, DESTRUC
TION.
VII. SUBSTANCE, forme, couleur.
VIII. MARCHER, MONTER, DESCENDRE.
IX. MILIEU, DROITE, GAUCHE.
X. POINTS , NOMBRES , ÉLÉMENS.
I. DIEU, amour , vérité. Par-là même
que, dans sa première essence , Dieu est le
Grand-Tout, l'Etre infini; il n'est rien
pour nous, s'il ne concentre les rayons de
sa gloire éternelle sur un point déterminé ;
en d'autres termes,-*'// ne se présente à
l'homme sous l'image et la ressemblance
de l'homme. Même considéré dans la pre
mière grande division de son être, comme
amour, bonté ou puissance , et comme
vérité , ordre ou sagesse, Dieu ne devient
point encore apperceptible ni saisissable
pour nous. Non - seulement, en portant
notre attention sur ce* deux grands attri
butsprimitifs, son être déjà nous échappe;
LE VRAI MESSIE. # 6l
mais, ces attributs eux-mêmes ne nous
sont connus que par les emblèmes naturels
dont ils sont les abstractions. Comment
connaît-on , en effet, l'amour, si ce n'est par
le cœur? Et comment connaît-on la vérité,
si ce n'est par les objets quinous la révèlent?
De là, nécessité absolue pour toutes les
intelligences créées de n'atteindre Dieu
que moyennant l'emblème d'un homme-
Dieu, ou d'un Dieu-homme. L'homme , par
conséquent, est le véritable hiéroglyphe de
la Divinité: hiéroglyphe in/îni dans ses dé
tails , même à ne considérer l'homme qu'en
tant qu'il est uneforme matérielle, puis
que saforme matérielle n'est elle-même que
l'emblème de son être moral.
II. SOLEIL, chaledr, lumière. Quoi
que la vérité que nous venons d'exposer ne
puisse être méconnue par aucun esprit juste,
pour peu qu'il se rende attentif, les hom
mes, toutefois, n'ont pas cherché généra
lement Dieu dans le type si naturel du beau
idéal de la nature humaine. Guidés, sans
doute, par la conscience secrète dela dégra
dation de leur être , ils ont presque toujours
commencé par chercher Dieu dans un cm
62 LE VRAI MESSIE.
blême du second ordre; emblème inanimé,
et, sous ce rapport, moins susceptiblede dé
gradation, mais aussi d'une perfection pure
ment physique, nous voulons parler de Vas
tre du jour. Toutes les qualités inconceva
bles que l'on remarque dans l'Etre divin se
trouvent en effet tjpifiées d'une manière
presque aussi inconcevable dansle soleil. Le
soleil, dans le firmament , astre toujours le
méme,astre toujours nouveau^paraîtaussi
unique, éblouissant les regards des mor
tels, infiniparsa lumière, présent à toute
la terre , et principe de vie de toute la na
ture. Ses deux qualités essentielles, qui sont
la chaleur et la lumière, se rapportent éga
lement , la première à Vamour, la seconde
à la vérité. Feu mystérieux , dans sa mar-
ché^covame dans la nature de ses rayons ,
les hommes n'en connaissent clairement
que les bienfaits. Tout dans l'univer* est
comme nourri, comme formé de sa sub
stance, depuis Vherbe la plus tendre jus
qu'au diamant le plus dur. De là des mil
lions d'hiéroglyphes que chacun peut faci
lement retrouver. Tous les phénomènes de
la lumière réfléchie, toutes les couleurs,
LE VftAI MESSIE. 63
conservent quelque rapport éloigné avec la
morale : depuis le blanc qui représente les
vérités complexes , jusqu'au noir qui rap
pelle les ténèbres de l'ignorance absolue;
depuis le pourpre qui \et\eVéclat dufeuet
de laflamme, jusqu'au violet le plusfaible>
à peine capable de caractériser les /ormes
des objets. Et cet examen étonnant de la
lumière morte, comparée à celle de l'esprit,
se soutient jusque dans les mystères de la
réfraction et des accès de transmission.
De quelque manière que l'on envisage la
lumière , sous quelque point de vue qu'on
la considère, elle répond toujours à quelque
nuance de vérité ; et l'œil de l'homme , qui
est l'emblème de son a/ne, n'est réellement
nourri que de lumière , dans la contempla
tion de la création entière.
III. HOMME, bonté, science. Nousavons
déjà dit un mot de l'homme dans notre In
troduction ; et on trouvera dans le corps de
notre ouvrage une esquisse assez détaillée
sur les hiéroglyphes sans nombre de ses dil*
t'érens organes. Nous dirons donc simple
ment ici que tout ce qui peut se remar
quer chez l'homme dans les parties végéta-*
64 LE VRAI MESSIE.
tive, instinctive et animale de son être, se
retrouve également dans son être moral,
et n'est de ce dernier que l'hiéroglyphe de
détail. De même que l'homme civil est in
cessamment occupé à acquérir des qualités
personnelles , et à amasser des possessions
capables de le faire rechercher dans le
monde ," de même l'homme immortel ac- -
quiert à tout moment des vertus et des
connaissances célestes qui le rendent digne
• de la société éternelle ; et ces diverses qua
lités métaphysiques sont rendues sensibles
jusque dans leurs dernières nuances, par
les hiéroglyphes infinis des acquisitions
terrestres; hiéroglyphes dont les images
substantielles accompagneront nécessaire
ment l'homme dans son état de transforma
tion; que dis-je? qui l'accompagnent pro
bablement déjà aujourd'hui,quoique àson
insu. L'homme, comme tous les animaux,
peut être envisagé comme un cylindre
creux au travers duquel passent des matières
emblématiques. Tout ce qui entre figure des
appropriations morales ; tout ce qui sort,
des réfections. Autour de celte première
souche,se rangent ensuite tous les divers or-
I/E VRAI MESSIE. 65
ganes des sens, plus ou moins nombreux,
plus ou moins développés selon les sujets, et
qui, envisagés de la même façon, donnent
une masse d'hiéroglyphes moraux qu'il n'est
point au pouvoir humain de nombrer. Et
on remarquera encore ici cette différence
caractéristique, qu'en tout, la bonté perfec
tionne plutôt que la science, parce que la
bonté se rapporte à Vamour, la science a
la vérité. Considéré comme un appareil de
leviers, ou deforces quelconques, l'homme
offre encore un spectacle admirable. La
main est à elle seule un appareil tout entier;
chaque doigt même en est un. Ces appa
reils sont toujours divisés en trois leviers
distincts, pour les raisons que nous donne
rons en parlant de l'hiéroglyphe des nom
bres. Lepouce, placé à la racine de la main,
est l& force la plus considérable du même
appareil ; et en cela il correspond à l'e-
paule et à la hanche, qui sont placées de
même. Par un acte de volonté, de trois le
viers, l'homme n'en fait quhm. Uneforce
rendue nulle, le devient comme en trois
temps : la main plie d'abord , puis le coude,
puis l'épaule; et l'homme est vaincu. Ainsi
66 LE VRAI MESSIE.
se distribuent sur hforme humaine comme
sur une échelle de proportion, les points
hiéroglyphiques de toutes les nuances pos
sibles de forces morales. D'après les don
nées que nous avons déjà à cet égard , nous
pourrons peut-être dire un jour, lesnuances
particulières de chaque doigt et de chaque
phalange.
IV. VIVRE, manger, boire. Dieu est la
vie; l'homme vit : en d'autres termes , chez
l'homme la vie est progressive; en Dieu,
non. Tout dans l'homme se fait par progrès
insensibles : le CRÉATEUR lui-même ne .
saurait intervertir cet ordre. Pour cette rai
son , le corps humain croît et décroît éga
lement par des accessions et des pertes qui
ne se remarquent qu'avec le temps. L'a-
mour même et la vérité , qui sont les pro
priétés exclusives de DIEU , ne peuvent
être appliqués à l'homme que par des
nuances imperceptibles. De là cette écono
mie si admirable de la réhabilitation du
genre humain dégradé, opérée dans un
laps de temps proportionné : vérité essen
tielle, qu'il ne faut jamais perdre de vue
un. instant quand on veut juger sainement
LE VRAI MESSIE. 67
de la marche de DIEU RÉDEMPTEUR. Le
manger, dans l'homme physique, se rap
porte encore une fois à Vamour, et le boire
à la sagesse; et cela , jusque dans leursplus
petits détails. Il en est de la nourriture., en
général , comme du vêtir, lequel rappelle
de même Vamour ou la charité par la
chaleur, et la vérité par les couleurs et les
formes.
V. RÈGNE ANIMAL, règne végétal,
règne minéral. Tous les animaux, par
leurs formes corporelles, comme par leurs
instincts, sont autant d'hiéroglyphes des di
verses dégradations de la nature humaine,
ou des parties détachées de l'ensemble
d'organes de vie appelé homme. Qu'on exa
mine les formes animales géométriquement,
depuis ce même homme qui représente la
perpendiculaire, jusqu'au reptile qui forme
la ligne horizontale , et appliquant par con
séquent à cesformes les règles des sciences
exactes que la Divinité elle-même ne sau
rait changer, on verra que la nature visible.
les renferme toutes; que les combinaisons
des septformesprimitives sont entièrement
épuisées, et que par -là même elles peu
68 LE VRAI MESSIE.
vent représenter toutes les nuances de mo
ralité possibles. De là la chaîne immense
des' types moraux , offerte par tous les ani
maux , dans leurs manières progressive
ment plus imparfaites de pourvoir à leur
frêle subsistance: types qui paraissent quel
quefois arbitraires, et même bizarres, aux
yeux du philosophe superficiel , mais qui ne
le sont plus pour le philosophe naturaliste,
lequel a étudié les rapports délicats des
formes et des instincts dans leurs détails
sans fin, et qui sait que chaquefbrille a été
disposée avec une raison suprême dans le
ciron comme dans l'éléphant. Quant aux
deux autres règnes, le règne végétal n'est
qu'une dégradation du règne animal par la
suppression des mouvemens volontaires; et
le règne minéral , qu'une -dégradation du
régne végétal , par la suppression de mou-
- vemens sensibles quelconques. Mais les rap
ports éloignés du bien et du vrai s'y trou
vent toujours conservés. L'herbe naissante,
par exemple, est le symbole d'une puissance
productive dans son germe; l'arbre, celui
d'une faculté pourvue de tous les moyens
nécessaires à la production de fruits de
LE VRAI MESSIE. 69
toute espèce. Il en est de même des miné
raux. Les modes si variés de cristallisa
tion n'ont sans doute point été abandonnés
au hasard , ni choisis sans quelque raison
morale , par la Bonté et la Sagesse su
prêmes. Seulement la chaleur , dans le
règne minéral, est généralement moins
grande que dans le précédent, ainsi que
dans celui-ci elle est moindre que dans le
premier.
VI. CRÉATION, PRODUCTION, DESTRUC
TION. Si pour Dieu créer n'est pas un acte
proprement dit, c'est-à-dire un effort, chez
l'homme, faire le bien, c'est créer avec
Dieu et par Dieu. Et faire le mal, chez
lui, est créer en un sens encore plus réel;
car, dans le mal, l'homme agit seul; Dieu
ne crée point aVec lui. Aucun des emblèmes
parfaits n'a eu besoin d'une création propre
ment dite. Ils se trouvaient tous dans l'Être
infini, dans VEtre absolu qui peut tout
donner, parce qu'il possède tout. Mais quant
aux emblèmes imparfaits , ils ont tous été
créés ; et cela nécessairement, depuis l'em
blème de la hainefraternelle , laquelle s'est
peinte sur le visage du premier méchant >
70 LE VRAI MESSIE.
jusqu'à celui d'un Dieu cruéifié, qui n'est
qu'un Dieu outragé. Dans l'ordre simultané,
Vinfini est dit créer ou produire le/îni; le
tout est dit créer ou produire la partie.
Tout ce qui produit est créateur ou père ;
tout ce qui est produit estJîls ou vérité. La
substance produit laforme; la forme pro
duit la couleur, etc. La production se rap
porte au é/ett, à l'affirmation , à la réalité,
à l'ordre, à l'harmonie; la destruction , au
roa/, à la négation , à. lafausseté , au e?e-
sordre, à la désharmonie. La nature, dans
sa beauté, est l'emblème de la première ; les
phénomènes terribles , les élémens en co/i-
vulsion, sont l'emblème de la seconde.
L'économie admirable des hommes et des
animaux .se reproduisant entre eux , offre
l'hiéroglyphe de tous les co/yw moraux ,
lesquels ont aussi leur naissance , le temps
de leur croissance et leur dépérissement.
Quand le corps moral est considéré comme
ayant vie, il est représenté par un éVre w-
<»arc£ plus ou moins développé; quand ce
corps n'est qu'un ensemble sans vie, quoi
que régulier, il est figuré par un être mort ,
une statue plus ou moins parfaite, plus ou
LE VRAI MESSIE. 7 i
moins achevée. Toule harmonie divine est
typifiée par les divers degrés des amours et
des unions légitimes et honnêtes; toule
désharmonie , tout péché, toute erreur,
par ceux des amours et des unions illégi
times et déshonnétes. Et ici , ce rapport se
soutient jusque dans les unions inorgani
ques et les attractions ou répulsions de la
matière. Il était métaphysiquement impos
sible , autrement , que toutes ces nuances
morales devinssent appréciables pour des
intelligences créées.
VIL SUBSTANCE, forme, couleur. Sub
stance est tout ce qui est réel. Le Créateur
est substance au suprême degré. Tout ce
qui se voit et tout ce qui se manie dans la
nature , est emblème de cette substance. En
ce sens, les objets que nous apercevons dans
l'état de songe, sont des substances comme
toutes les autres. Chez l'homme, c'est Ja
chair qui représente lasubstance ou lefond
de son- être ; les formes variées de cette
chair représentent ses qualités. Et la chair
de nouveau, comme substance , se rapporte
à Vamour, lesformes et les couleurs à la
vérité. De plus, toutes les formes géométri
72 LE VRAI MESSIE.
ques possibles sont autant de types mo
raux; et, considérées dans leurs dévetop-
l>emem primitifs, elles ne peuvent pas être
en plus grand nombre que les nuances pri
mitives des couleurs. Les trois dimensions
savoir, la longueur, la largeur et laprofbn-
deur^ ont par conséquent aussi leurs signi
fications arrêtées; seulement ^profondeur
devrait être nommée la première comme se
rapportant à la substance. Ces dimensions
doivent faire exactement le parallèle du cen
tre^ de la droite et de hgauche^ dont il sera
question tout à l'heure. Nous avons considéré
plus haut les hommes et les animaux comme
des cylindres creux, ou comme des vases ,
qui contiennent les matières emblémati
ques capables de caractériser leur être.
Que le lecteur étende maintenant cette
idée à tout ce qui est creux', il aura d'abord
Vhorizon et la coupole des cieux qui l'en
tourent comme d'immenses courbes figu
rant Véternité ; il aura ensuite leè édifices
faits de main d'homme de toutes lesformes
et de toutes les grandeurs, depuis le temple
hiéroglyphe de la demeure de la Divinité,
ou plutôt de la vérité divine , jusqu'au
LE VRAI MESSIE. ^3
moindre vase et à la plus petite boite. Et
tous les détails considérés dans leur rapport
avec la forme primitive , avec la forme uni
verselle qui est Vhomme , offriront le type
de quelque nuance morale plus ou moins
éloignée de la source première.
VIII. MARCHER, monter, descendre.
L:'action de marcher est l'emblème général
de la vie et des relations sociales. Dans son
origine, la locomotion chez l'homme est
d'une nature fort simple; mais lui-même la
varie ensuite à volonté : le cheval , Vélé
phantt le char., le vaisseau, le reçoivent
alternativement. Il se fait même des ailes,
et s'élève vers les cieux. De là des hiérogly
phes sans nombraide vie et de relations so
ciales , dont tomes les nuances diverses
peuvent être trouvées et appréciées. L'm-
telligence humaine elle - même , comme
partie abstraite, mettant tous ces appareils
en mouvement, eslfigurée par eux dan3
ses divers dévcloppemens. Et en cela le de
gré d'élévation du sol a aussi sa signification
particulière. Monter est pris en bonne part
et rappelle un rapprochement de la bonté
incréée; de là l'usage des anciens ^adorer
^4 LE VRAI MESSIE.
sur les montagnes. Descendre est pris dans
le sens opposé. Ces deux emblèmes toute-
lois se renversent complètement , quand il
s'agit du vice de l'orgueil et de la vertu de
Vhumilité, ainsi qu'il peut arriver à tous les
emblèmes en général. D'un autre côté, s'as
seoir^ c'est cesser d'agir, c'est se fixer,
c'est se reposer, et même se reposer sur soi.
Se coucher , c'est se reposer sur Dieu, sur
le ivcher éternel. Les. païens appelaient la
Terre la mère de toute la nature ; le Chré
tien sait que cette mère , c'est CELUI qui
n'abandonnerait pas ses enfans, quand bien
même une nourrice pourrait oublier le
nourrisson qu'elle a porté sous ses en
trailles. De là donc les «hiéroglyphes sans
nombre du sommeil de ld~Auit, du réveil ,
de la succession des jours et des travaux ,
et jusqu'à celui du lit , qui représente lafoi,
et de la couverture , qui représente la
charité.
IX. Le MILIEU, la droite, la gauche. Le
milieu représente en général la perfection,
le centre d'un tout, et, en première ligne
par conséquent, l'ÊTRE DES ÊTRES, placé
entièrement hors du temps et de Vespace.
LE VRAI MESSIE. ^5
La droite rappelle la bonté, Impuissance;
la gauche , la vérité , la sagesse. II en est
évidemment de cet hiéroglyphe comme de
celui de la substance , de laforme et de la
couleur. Celui des points et des directions,
qui suit, s'y rapporte également et l'expli
quera tout-à-fait, sans qu'il soit besoin de
nous étendre davantage.
X. POINTS, nombres, élémens. En pla
çant -l'homme au zénith, il a derrière lui
Vorient, devant lui l'occident, à sa droite le
nord , à sa gauche le midi. L'orient , dans
cet état de choses, représente pour lui le
Créateur invisible , le Dieu caché, que la
foiseule peut atteindre. L''orient, caractérisé
par la marche du soleil, emblème matériel
de la Divinité, désigne également un ac-
cmissement dans la bonté et la vérité ;
et par-là même Voccident désigne un dé-
cix>issement analogue : tout comme lenord
rappelle une perte dans la charité, et le
midi , un progrès dans la vérité. Ici, sans
doute, l'ordre que nous remarquions tout à
l'heure par rapport au bien et au vrai , se
trouve renversé, puisque l'homme a la bonté
ou Vamour à sa gauche , et la vérité ou la
4-
76 LE VRAI MESSIE.
sagesse à sa droite. Mais on doit toujours
juger de ces choses, avant tout, par rapport
à ce Dieu , en présence de qui l'homme se
tient. Et dapkis l'homme lui-même, placé
naturellement d'abord par le CRÉATEUR
dans un état d:'accroissement possible , dans
un état par conséquent de liberté morale
pleine et entière, doit faire servir le premier
usage de cette noble faculté à chercher son
CRÉATEUR, et à se tourner librement vers
lui. De là une signification morale de toutes
les directions vers les différens points de
l'immensité, auxquels autant de points
dans le corps humain se rapportent pour les
caractériser. Ces points sont plus réels en
core dans la nature intime de notre être
qu'ils ne le sont dans l'univers physique.
Comme nous l'avons dit, Vâme humaine ne
saurait être considérée sans cet ensemble
d'organes appelé homme; et par-là même
elle ne saurait être conçue sans droite , sans
gauche, ni sans toules les autres directions
qui s'ensuivent. Les points de hauteur nous
sont déjà connus comme rappelant la no
blesse , l'élévation de l'âme; ceux de pro
fondeur, comme rappelant la bassesse et
LE VRAI MESSIE. «7
Vabjection. Considérées comme enmouve-
ment, la direction en hauteur représente
en outre la vie céleste; la direction opposée,
lavie infernale. Les êtres d'une perfection
supérieure , quand ils apparaissent , sont
vus descendant d'en haut; les êtres dégra
dés arrivent d'era bas, quoique les lieux en
eux-mêmes ne soient rien de déterminé ,
tout comme lesformes n'offrent jamais que
des grandeurs relatives. Tout le côté de la
face de l'homme correspond aussi à la bien
veillance , et tout le côté du dos à Vaver*
sion. Le même instinct fait avancer l'amitié,
et reculer l'horreur et le dégoût. Les di
versesformesproéminentes elles-mêmes du
corps chez les humains, désignent, comme
elles créent , leurs diverses affections.
Les nombres qui se rapportent aux points
ont aussi leurs significations arrêtées. Mai*
il n'y a que des considérations extrêmement
étendues et métaphysiques qui pourraient le
faire comprendre. Nous n'entrerons point
en discussion à cet égard. L'analogie que
cette matière a nécessairement avec tout le
reste, nous tiendra lieu de preuve. L'unité
se rapporte à Dieu; la dualité à Vamour et
78 LE VRAI MESSIE.
à la vérité. La dualité se rapporte par- là
même aussi à Yhomme , qui , pour cette
raison , a été créé mâle etfemelle; le mari
rappelant plutôt la sagesse, la.femme plu
tôt la bonté. La Trinité , ou le nombre
trois , désigne toujours la perfection d'un
être ou d'un objet, probablement à cause
des trois rapports distincts que l'esprit
humain peut y découvrir. Il sera ample
ment question , dans le corps de notre ou
vrage, des étonnantes propriétés du nombre
sept et du sabath de la nature humaine.
Nous n'ajouterons ici qu'un mot sur les
nombres dix et douze , pour faire comme
toucher au doigt à nos lecteurs que certains
nombres ne sauraient, en aucune façon,
être tout-à-fait arbitraires. La dizaine,
qui est prise du nombre de nos doigts, est
par -là même fondée dans la nature des
Choses ,, puisque le CRÉATEUR n'a pas
choisi ce nombre sans raison. Il en est de
même de la douzaine : Les différentes par
ties du jour et de la nuit, par exemple,
n'auraient jamais pu être divisées dans une
proportion différente. Les quatre points
radicaux qui leur servent de base, et dont
LE VRAI MESSIE. IJ9
deux sont dans l'horizon , et les deux autres
au zénith et au nadir, amenaient nécessaire
ment douze ou vingt-quatre , nombres qui
ont également une importance propor
tionnée dans les Saintes-Écritures, ainsi que
nous le ferons voir.
Enfin, les quatre élémens, dans tous
leurs immenses détails, n'offrent à l'esprit
réfléchi que des emblèmes moraux en si
grand nombre, qu'aucun philosophe ne sera
en étal de les compter. La terre, commefon-
dement solide , comme base soutenant le
roi de la nature, l'homme aufront élevé',
rappelle toujours Dieu, l'éternel appui
deses créatures. Comme productive de tou
tes sortes defruits agréables au goût et à la
vue^ la terre rappelle incessamment la so
ciété humaine , l'Église de Dieu. Uair
avec ses habitans ailés , Vathmosphère avec
ses innombrables phénomènes, annon
cent partout Vaction invisible d'un Dieu
caché , son immensité , sa bonté inépuisa
ble envers tout ce qui respire , unie à une
majesté aussi imposante que terrible.
Veau, comme élément transparent , fu
gitif, mobile, réfléchissant les images des
8o I/E VRAI MESSIE.
objets avec l'exactitude du miroir (quand
elle est calme), rappelle, avec tout le cor
tège quiy trouve sa vie, les diverses nuan
ces , les divers degrés de vérités; et cela ,
par opposition à la terre habitable, laquelle
se rapporte plutôt à la bonté et à la sub
stance. Et quant aufeu, il nous ramène au
soleil, dont il émane; et il représente par-
là même la charité et les sciences parmi
des èlccsfaibles images de leur AUTEUR ,
lequel est I'Amour et la Vérité incréés.
Nous pensons que cette esquisse , quel
que comte et quelque imparfaite qu'elle
soit, suffira pour réveiller l'attention de
toutes les classes de lecteurs , et pour leur
prouver d'avance que nos explications des
Livres Saints ne sauraient être arbitraires ,
comme celles qure l'on avait données jus
qu'ici. Entrons en matière.
tE VRAI MESSIE. 8i
PREMIÈRE PARTIE.
VRAIE NATURE DE JÉSUS-CHRIST.
CHAPITRE PREMIER.
Jésus-Christ d'après l'Ancien Testament.
Le premier passage de nos livres inspirés
qui ait rapport à JÉSUS-CHRIST , c'est ce
lui que Moïse met dans la bouche même
du CREATEUR, au moment où le genre
humain , lassé, pour ainsi dire , de son bon
heur originaire, commence à se séparer de
DIEU , et à croire qu'il peut se passer de lui.
Voici ce passage :
Alors JÉHOVAH-DIEU dit au serpent :
Je mettrai une inimitié entre toi et la
4»
82 LE VRAI MESSIE.
femme , et entre sa race et la tienne. Elle
te brisera la tête, et tu lui briseras le talon .
(Genèse, III. i5.)
Telles sont, selon Moïse , les paroles pro
phétiques par lesquelles le CRÉATEUR an
nonça lui - même la restauration de l'uni
vers déchu. Examinons-les avec l'attention
qu'elles méritent. Faisant abstraction des
mots conventionnels, voyons quelle doit
être la signification des emblèmes qu'elles
offrent dans la langue de la nature. Dépouil
lons nous, surtout, de tous les préjugés mo
dernes.
Quoique conçue en termes généraux et
énigmatiques, cette prophétie a paru si
claire dans tous les temps, qu'on l'a tou
jours appliquée à un libérateur céleste ;
. avant l'ère chrétienne, à un messie futur ;
après cette ère , à JÉSUS-CHRIST. Et si JE-
SUS^CHRIST n'est point ce libérateur, on
se persuade aisément aujourd'hui que l'an
nonce elle-même d'un envoyé quelconque
était chimérique.
Quand on s'est élevé à l'idée d'une langue
de la -nature, on ne demande plus d?où
vient cette manière de s'exprimer si étrange,
LE VRAI MESSIE. 83
et qui ne ressemble en rien à notre langage
accoutumé; on ne dit plus : Pourquoi ce
serpent, pourquoi cette inimitié entre lui
et la femme, pourquoi cette tête et ce talon
écrasés? On serait étonné au contraire que
cette prophétie antique ne fût conçue entiè
rement qu'en termes conventionnels et ne
rappelant aucune image de la langue pri
mitive. On ne dit plus surtout avec l'impie :
Pourquoi DIEU n'a-t-il point parlé sans fi
gure, et ne s'est-il pas annoncé clairement
sous le nom et la personne de JÉSUS-
CHRIST? Cette demande serait risible si
elle ne renfermait un blasphème. Pour peu
que l'on ait compris lanature intime du mode
de communiquer les pensées chez les êtres
sortant immédiatement des mains du CREA
TEUR , soit que ces êtres parlent entre eux ,
soit que leur CRÉATEUR lui-même condes
cende à leur adresser la parole, on con
çoit aussitôt que cette prophétie importante,
rapportée par Moïse, n'a dû se faire que
moyennant des emblèmes pris immédiate
ment dans la nature; et que par consé
quent JÉHOVAH n'a ni pu ni dû s'expri
mer autrement qu'il n'a fait.
84 LE VRAI MESSIE.
DIEU, en manifestant ses volontés d'une
manière emblématique, les ordres de génies
les plus élevés, qu'il s'est associés dans le
gouvernement de l'univers, peuvent lire
dans son langage une infinité de choses qui
échappent aux mortels, et ils sont ainsi mis
en état de diriger les destinées de la terre
selon le plan arrêté par le TRÈS-HAUT,
sans que les hommes eux-mêmes, ou les
génies dégradés, puissent déranger en au
cune façon ce plan, tout en ayant reçu la
même manifestation. C'est là un dernier
avantage de la langue de la nature, que nous
n'avons fait qu'indiquer sommairement dans
notre Introduction. La vie d'un homme,
l'histoire d'un peuple entier peuvent deve
nir ainsi, entre les mains de la Providence ,
un langage muet, un type immense , un em
blème ou hiéroglyphe infini, qui instruit tous
les ordres d'intelligences, et chacun de ces
ordres dans le degré qui lui est propre, de
ce qu'ils doivent savoir. Les familles que
nous appelons patriarchales, et toute la na
tion Israélite, ont offert de semblables types
à la terre et aux cieux; comme tout homme
de bonne foi est obligé de le reconnaître,
LÉ VRAI MESSIE. 85
dès qu'il consent à s'élever au-dessus des
préjugés de ces écrivains, qui ne se sont mo
qué de l'histoire des Juifs, que parce qu'il ne
leur était pas donné de la bien comprendre.
La voix du CRÉATEUR parlant à l'univers
par l'organe vivant du peuple Juif, avait été,
du reste, si bien entendue, que Vattente
d'un être extraordinaire qui devait pa
raître sur notre globe, annoncé et figuré
en même temps par ce peuple inconcevable,
était devenue générale, même parmi les
payens, quoiqu'alors on n'eût aucune idée
claire du génie de la langue emblémati
que ((). Et aujourd'hui on pourra se con
vaincre par des preuves qui ne le cèdent en
rien à celles des sciences exactes , que tout
ce qui est arrivé aux enfans d'Israël, depuis
(1) D'après une tradition ancienne et constante,
dit Suétone (yie de Vespasien), le bruit s'était répandu
dans tout l'Orient que les destins portaient que des
hommes partis de Judée s'empareraient de tout l'uni
vers. Tacite dit de même : Nombre depersonnes étaient
alors persuadées que les Livres sacrés desprêtres an
nonçaient que /'Orient devaitprévaloir, et que les ton -
quérans partiraient de la Judée ( Histoires , liv. y,
chap. i3.)
86 LE VRAI MESSIE.
la vocation d'Abraham jusqu'à leur établis
sement définitif dans la terre promise, ne
présente qu'un type détaillé de ce qui de
vait arriver au MESSIE, et à la société qu'il
devait former pour commencer son règne
éternel (i). Abraham était évidemment
l'emblème du CRÉATEUR visitant notre
globe et voulant redevenir le PÈRE de cette
multitude d'en fans qui l'avaient méconnu.
Isaac figurait principalement la catastrophe
sanglante qui devait constater éternellement
l'amour inconcevable du CRÉATEUR , ainsi
que la perversité et la haine plus inconce
vables de ses créatures. Jacob avec ses
douze enfans et leurs douze tribus, annon
çait de même JÉSUS- CHRIST avec ses
apôtres et les diverses églises particulières
qu'ils ont fondées, comme nous avons la
certitude de pouvoir le prouver dans la
(i) Jusqu'à la vocation d'Abraham i l'Histoire sainte
n'est absolument qu'emblématique , et comprend une
durée indéterminée. A dater de cette époque , elle est
en même temps emblématique et historique; ce qui la
met parfaitement d'accord avec l'histoire profane , la
quelle ne reconnaît guère de faits certains au-delà
d'Abraham.
LE VRAI MESSIE. 87
suite de cet ouvrage, et d'une manière à
élever le lecteur au-dessus de toute espèce
de doute : le tout conformément à la pre
mière prophétie de JEHOVAH déclarant
que le règne du serpent serait détruit. Les
rapprochemens de tous ces événemens,
même à ne les considérer que comme des
points d'histoire, ont de quoi frapper o?é-
tonnement les esprits les plus prévenus ,
quand ils viennent à les examiner dans leurs
détails immenses. L'histoire de Joseph
venduparsesfrères^ et devenant leur sau
veur en Egypte, ne peut être lue qu'avec
une émotion profonde, quand on remarque
toutes les allusions qui y sont faites à JEHO-
VAH-CRÉATEUR devant devenir un jour
JÉSUS-CHRIST-RÉDEMPTEUR.C'est aussi
là le nommé Judas , l'un des douze, qui se
laisse aveugler par le misérable gain de quel
ques pièces d'argent. Et dans le palais des
Pharaons , comme dans le cénacle de Jéru
salem, le JOSEPH que l'on croyait mort, se
présente tout à coup, et dit : Ne craignez
point , c'est moi! Je suis Joseph, votre
frère, que vous avez vendu en Egypte. Le
Fils bien -aimé d'Israël avait également
88 LE VRAI MESSIE.
trente ans , quand il se présenta devant le
monarque d'Egypte, comme JÉSUS-CHRIST
quand il commença sa carrière évangélique;
et VÉgypte étant l'emblème de la sagesse
humaine, comme la rareté du pain est ce
lui de la disette de la parole de DIEU, les
rapports de ressemblance entre Joseph et
JÉSUS-CHRIST se multiplient à l'infini. La
sortie d'Israël prodigieusement multipliée >
de la terre d'esclavage , le passage de la
Mer Rouge, la loi donnée sur Sinaï, le
séjour dans le désert, les combats livrés
auop nations corrompues, et l'entrée dans
le pays de Canaan ; tout cela indique si
clairement la rédemption opérée depuis
par JÉSUS-CHRIST et l'établissement de
son règne céleste , qu'il faudrait être plus
qu'insensé pour n'y point reconnaître un
plan profondément calculé de la divine
Providence, et vraiment digne de l'ÉTER-
NEL , qui seul pouvait le porter à exécu
tion.
La philosophie a été choquée, il est vrai,
de ces guerres d'extermination livrées par le
peuple choisi aux habitans de la terre de
Canaan ; mais c'était précisément par -là
LE VRAI MESSIE. 8c)
qu'Israël offrait l'emblème le plus clair de la
destruction de tous les vices représentés
par ces divers peuples, par un autre vice,
celui de la cruauté. A proprement parler,
Dieu ne punit personne , le vice se punit et
se détruit toujours lui-même. Nulle part il
est dit que Dieu ait approuvé la cruauté des
Israélites, plus que tous les vices de leurs
ennemis; et dans cette rencontre Dieu s'est
simplement servi des Israélites comme il au
rait pu faire de tout autre peuple barbare de
ce temps-là, s'il avait pu remplir ses desseins.
Il est facile de trouver ainsi l'Écriture-Sainte
en défaut, quand on commence par mettre
"en avant cette erreur évidente, que les Juifs
étaient un peuple réellement plus chéri de
Dieu que tout autre. Dieu chérit tous ceux
qui font bien, et haït tous ceux qui font mal,
Israélite ou autre, n'importe. Il serait diffi
cile de dire aujourd'hui lequel de tous ces
anciens peuples était le moins barbare ;
peut-être étaient-ce encore les Juifs , quoi
qu'on en ait dit. Quand les deux frères Juda
et Simëon coupèrent les pieds et les mains
au roi Adonibezek, pour l'enchaîner ensuite
90 LE VRAI MESSIE.
le reste de ses jours, ce roi ne leur reprocha
point leur cruauté : il se contenta de dire
qu'il avaitfait subir lui-mêm.e un traite
ment semblable à soixante rois , et leur
avaitfait manger ses restes sous sa table.
Dieu n'avait rien de commun avec de pa-
reilleshorreurs, quineprouventelles-mèmes
que la nécessité indispensable d'une rédemp
tion ou restauration générale des masses;
mais il avait besoin de caractériser et de re
présenter sous des emblèmes naturels les
malheurs réels, non-seulement de toutes les
nations vicieuses sur la terre , mais surtout
ceux des sociétés dégradées du monde uni
versel , par les égaremens moraux auxquels-
elles se livrent; et pour cela l'histoire des
Juifs, aussi bien que celle de leurs ennemis,
servit admirablement ses desseins.
Les noms mêmes des lieux et des person
nes étaient significatifs dans celte histoire
étonnante : Canaan signifie terrée de pos
session (le ciel, l'immortalité qui nous est
promise); Jérusalem signifie , elle verra la
paix (la paix que JÉSUS-CHRIST a ap
portée); Abram signifie le Père Très
LE VRAI MESSIE. 0, I
Haut (le Dieu du ciel, le Créateur invisible
et insaisissable); Abraham^i), lepèred'une
multitude (le Dieu-Homme, le Dieu-Ré
dempteur visible et abordable); Joseph veut
dire l'homme surajouté (le Dieu incarné,
offrant en apparence deux personnes dans
la Divinité); Benjamin veut dire fils de la
droite, oufils de la vieillesse (l'un et l'autre
peuvent s'appliquer à JÉSUS-CHRIST), etc.
Ce plan immense, œuvre évidente du ciel,
et préparé de longue main, ne faisait que se
développer. Le caractère des personnages
avait été choisi , et les noms donnés en con
séquence. Les noms des lieux, différentes
circonstances avaient concouru à les rendre
significatifs. Sinaï^ après la loi donnée, si
gnifia la même chose que la loi, et rappe
lait en outre les circonstances imposantes
qui avaient accompagné sa promulgation.
Babel et Sodome représentaient infiniment
mieux, l'une l'orgueil, l'autre la corrup
tion des mœurs, après que ces noms étaient
devenus emblématiques, que n'auraient pu
_(i) Cet H est pris du mot JÉHOVAH , dont la ra
cine est HIH , Être , parce que Abraham devait figu
rer l'essence divine mieux connue des hommes.
g2 LE VRAI MESSIE.
faire tous les mots conventionnels possibles.
Nous ne pouvons entrer ici dans des détails
qui -rempliraient des volumes ; et nous nous
bornerons à déclarer que les rabbins, aussi
bien que les théologiens, ont étrangement
restreint le nombre des endroits de l'Ancien
Testament, où il est réellement question,
selon eux , du MESSIE. Par l'étude de la
langue de la nature, on acquiert la certitude
qu'il en est question d'un bout à l'autre; que
les moindres détails , les moindres circons
tances où se trouvaient les patriarches et les
prophètes, ont rapport à quelque démarche
ou perfection particulière du MESSIE; que
la vie entière de ces hommes emblématiques
était une prophétie en action; et que l'É
vangile tout entier pourrait être composé
de phrases extraites , mot pour mot, de
VAncien Testament. Quand l'École voudra
une fois laisser de côté ses disputes sans fin
et sans objet, qui ne sont plus, pour la plu
part, que des disputes de mots , et étudier
le génie de la langue de la nature, remon
tant à la signification originaire et radicale
des principaux termes de convention em
ployés par les écrivains extatiques, ils coin
LE VRAI MESSIE. g3
prendront aussi mieux ce qu'ils ont voulu
dire.
Il est à peu près démontré que dans la
Bible le mot de création lui-même doive
être pris pour création spirituelle ou régé
nération de l'homme. Ce point est plus in
téressant et plus digne des soins de l'ÉTER-
NEL, que des détails sur la production ma
térielle de l'univers; détails inconcevables
pour nous, et de peu d'usage, vu que
l'homme qui à la simple inspection du ciel
et de la terre , n'est pas persuadé qu'ils n'ont
pas pu se faire d'eux-mêmes, ne le sera pas
davantage par le récit de Moïse. Il faut dire
la même chose de nombre d'autres mots
conventionnels, tels que jardin, arbre ,
fleuve, eau^ déluge, soleil, lune, nuée,
arc-en-ciel , et même de ceux d'homme, de
femme, de pere, èejils, defille, d'idolâtrie,
de prostitution , qui , tout en nous rappe
lant des objets connus, peuvent en même
temps avoir des significations emblémati
ques appropriées au monde moral. Jérémie,
en parlant de la perversité de l'homme , se
sert absolument des mêmes expressions que
Moïse emploie en parlant du chaos, qui,
p4 LE VRAI MESSIE.
selon PÉcole, aurait précédé la création du
globe habitable : « Mon peuple est insensé,
dit Jérémie , ils ne montpoint reconnu; ce
sont desenfans insensés et qui n'ont point
d'entendement ; ils sont habiles à faire le
mal; mais ils ne savent pas faire le' bien.
J'ai regardé la terre , et voici elle est sans
forme et vide ( terra erat inanis et <va-
cua); j'ai regardé les cieux , et ils sont sans
lumières. (FecitDeus luminaria. . .) J'ai re
gardé, et il n'y avait pas d'homme {d!Adam\
et tous les oiseaux des cieux avaient dis
paru. » (Jérémie iv, 22, 23,25.)
C'est donc nécessairement que Dieu
parle par emblèmes quand il manifeste ses
volontés à ses créatures; les esprits purs eux-
mêmes, aussi bien que les hommes extati
ques qui entrent en rapport avec eux, ne
doivent point parler un autre langage : et
toutes ces considérations mises en avant , le
passage de la Genèse que nous avons cité
n'a pas besoin d'un long commentaire. Le
serpent , dans la bouche de JÉHOVAH , ne
peut signifier que le mal moral dans son
dernier degré de perversité. Ce reptile
forme en quelque sorte l'anneau le plus bas
LE VRAI MESSIE. C>5
de la chaîne des animaux malfaisans. Il se
traîne dans la fange et mord la poussière.
La race de lafemme écrasant la tête du
serpent , est évidemment un de ses descen-
dans , détruisant le mal moral jusque
dans sa racine. Et la morsure du talon de
la femme ne peut signifier qu'une ven
geance exercée sur la partie la moins
élevée de CELUI qui devait naître d'elle.
Le talon du descendant de la femme repré
sente aussi naturellement Yhumanité de
DIEU INCARNÉ, que la terre ou les na
tions représentent Vescabeau de ses pieds.
Lafemme^ enfin , est l'emblème de la bonté
de DIEU, comme Vhomme est celui de sa
sagesse: aussi est-ce, en général, par sa
bonté et son amour que Dieu nous a ramenés,
plutôt que par les nouvelles maximes de mo
rale qu'il nous aurait apprises. Avant JÉSUS-
CHRIST, les hommes connaissaient encore,
jusqu'à certain point, leurs devoirs; mais ils
n'avaient plus le courage de les remplir; ils
manquaient moins de lumières que de bonne
volonté , moins de leçons que d'exemples ; et
c'est là le vide que le CRÉATEUR est venu
remplir lui-même, en entrant en personne
96 LE VRAI MESSIE.
dans la sphère d'action de tous les êtres, en
établissant par-là d'éternels rapports d'a
mour et de reconnaissance et rendant
ainsi le bonheur du ciel une chose conce
vable.
Celle première annonce de l'apparition
d'un RÉDEMPTEUR est devenue en général
si claire dans toutes ses parties, par la nais
sance, la vie et la mort de JÉSUS-CHRIST,
qu'il est inutile de nous y arrêter plus long
temps; la plus insigne mauvaise foi pourrait
seule y méconnaître le doigt de Dieu. JÉSUS-
CHRIST, naissant d'une vierge, et ressusci
tant des morts peu de jours après sa cruci
fixion, accomplit iaprophétiejusquedansses
moindres détails. 11 n'est question, en effet,
dans les paroles de JÉHOVAH que de la
semence de la femme , expression singu
lière , et qui naturellement enveloppait quel
que mystère; et l'expression, tu lui briseras
le talon, ne désigne pas une destruction en
tière et irrévocable, de sa semence; par où
on pouvait voir que le descendant de la
femme devait survivre. Joseph, dit en con
séquence l'Évangile, n'avait point connu
safemme, quand elle enfanta son premier-
fcE VRAI MESSIE. gn
né. Et JESUS survécut à son sacrifice,
comme le jeunelsaac survécut au sien, lors
que, gravissant avec Abraham la montagne
de Horeb, chargé du bois du sacrifice, il
offrit le type le plus clair et le plus touchant
du SAUVEUR mourant plus tard sur la
même montagne(i), après y avoir traîné sa
croix , et ravissant ensuite à la mort la proie
dont elle s'était saisie.
La mort de JEHOVAH , en tant que re
vêtu de chair; ou en tant que VERBE in
carné, est elle-même l'emblème nécessaire
de celles de ses infortunées créatures qui
l'ont méconnu, et dans le cœur desquelles
il avait trouvé une véritable tombe; tout
comme sa résurrection est celui de la re
naissance à la vie spirituelle de toutes
celles qui seront assez heureuses pour re
trouver JÉHOVAH dans le CHRIST, ainsi
que nous le verrons plus bas.
Telles sont quelques-unes des réflexions
(i) Quelques interprètes, du moins, prétendent que
c'était la même montagne. Nous ne savons jusqu'à quel
point cette prétention est fondée; mais la chose nous
parait fort naturelle.
5
98 LE VRAI MESSIE. .
sans nombre que peuvent suggérer le peu
de lignes emblématiques de la Genèse que
nous avons citées, même à ne les considé
rer que par rapport aux destinées de notre
terre. Car la manière dont les anges de Dieu
auront, envisagé ces démarches de JEHO-
VAH-RÉDEMPTEUR , est un autre mys
tère, ou plutôt un autre abîme, dans lequel
il ne nous sera permis de hasarder nos re
gards que lorsque nous serons nous-mêmes
transformés en lumière; quoiqu'il soit proba
ble que généralement le SEIGNEUR n'aura
voulu montrer aux esprits parfaits, du spec
tacle de sa vie et de sa mort sur notre globe,
que ce que ce spectacle pouvait avoir
d'attendrissant , réservant pour des cœurs
plus dénaturés celui de sa passion maté
rielle.
Voyons maintenant dans quels détails sont
entrées les personnes favorisées de visions
extatiques, quand, dans la suite des siècles,
elles ont porté leur attention sur le libéra
teur qui devait naître.
Nous ne nous arrêterons pas. à l'assurance
que Dieu donna à Abraham de l'arrivée du
MESSIE, quand, l'envoyant dans une terre
LE VRAI MESSIE. go
de pèlerinage, il lui dit que ses descendans
( les vrais croyans) seraient plus nombz'eux
que les étoiles dufwmament ; que dans sa
vieillesse il lui naîtrait unfils , et qu'en
lui toutes les nations de la terre seraient
bénies (Genèse xn. 3). Nous ne nous ar
rêterons pas à l'assurance que Dieu renou
vela à Jacob, quand, dans une vision sur les
confins de la terre de Canaan , il lui dit : Je
suis JEHOVAH, je vous donnerai à
vous et à votre race la terre où vous
dormez : votre postérité sera nombreuse
comme la poussière de la terre, et toutes
les nations seront bénies dans CELUI
qui sortira de vous (Genèse, xxvm. i3,
i4)« Ces passagesne nous apprennent rien
de particulier sur la nature intime du libé
rateur promis. Nous passerons également
sous silence ce passage fameux qui repré
sente JEHOVAH apparaissant à Abraham
sous l'emblème de trois hommes ou anges ,
par où certains écrivains ont voulu prouver
une trinité de trois personnes distinctes en
Dieu , savoir, JEHOVAH, ou le Créateur
et Père de la nature ; JÉSUS- CHRIST, son
fils éternel, né dans le temps; et enfin le.
5.
IOO LE VRAI MESSIE.
Saint-Esprit , recevant son existence des
deux autres. Les théologiens eux .-mêmes
abandonnent > en général, l'Ancien Testa
ment, quand il s'agit de prouver la trinité
de trois personnes distinctes. JÉHOVAH,
en effet,quoique unique en personne comme
en être, ce qui est la même chose , a très-
bien pu être représenté devant Abraham
par trois anges à la. fois, comme emblème
de sa triple essence relativement à l'homme ;
triplicité ou trinité que la philosophie elle-
même a reconnue d'après Platon. A Sodome,
le même JÉHOVAH ne fut plus représenté
que par deux anges, sans que cela tirât à
conséquence. Du reste, le premier de ces
anges (en admettant qu'Abraham n'appelait
JÉHOVAH que celui-là seul exclusivement
aux autres, pouvait n'être lui-même qu'un
individu distinct de l'ÊTRE DES ÊTRES, et
dans qui JÉHOVAH s'était simplement per
sonnifié, comme cela arrivasouvent.il le fit
ainsi en apparaissant à Ézéchiel : La maison
était remplie de lagloire du SEIGNEUR,
dit ce prophète; alors je l'entendis qui
me parla du dedans de la maison; et
.l'ANGE qui étaitproche de moi me dit : Eils
LE VRAI MESSIE. 10i
de l'homme , c'est ici le lieu de MON
trône; où l'on voit que le SEIGNEUR et
Vange parlent comme un être identique.
(Ézéch. , xliii. 5, 6, 7). Il se montra
de même à Manoah , père de Samson.
L'ange du SEIGNEUR, est -il dit au livre
des Juges , n'apparut plus à Manoah ni
à sa femme. Alors Manoah dit ' à sa
femme : Nous mourrons très-certainement,
parce que nous avons vu JÉHOVAH.
(Juges, xiii. 2i , 22). Il apparut de la
même manière à Gédéon. L'ange du Sei
gneur, dit l'écrivain sacré, apparut à Qé"-
déonj et lui parla; et au verset i45 il con
tinue :Alors le SEIGNEUR le regardant
lui dit: Allez... c'est MOI qui vous ai en
voyé (Juges, vi. i2). Enfin , au même livre,
chap. II, #. I, se lisent ces paroles: L'ange
de l'ÉTERNEL monta de Guilgal à Bokim ,
et dit : JE vous ai fait entrer au pays que
J'AVAIS JURE de donner à vos pères......
Ce qui prouverait, au besoin, qu'Abraham,
ni aucune autre personne de l'Ancien Testa
ment, n'a jamais vu JÉIIOVAH d'une façon
différente, c'est cette déclaration formelle
faite à Moïse : Nul homme ne me verra
i02 LE VRAI MESSIE.
sans mourir. Si pour voir JÉHOVAH tel
qu'il est , il ne faut pas être un autre
lui-même^ et cesser par conséquent d'être
homme, du moins faut-il cesser d'être
homme dégradé , comme le sont tous
ceux de notre terre. Le DIEU INCARNÉ ,
l'enfant qui nous est né, lefils qui nous a
été donné , pouvait seul nous faire voir JÉ
HOVAH, autant qu'il est donné à de faibles
mortels de le voir sans être anéantis par sa
présence. Et encore, après sa glorification,
dans le ciel, la même mystérieuse appari
tion , moyennant un être intermédiaire ,
reparaît. Car, dans l'Apocalypse, JÉSUS-
CHRIST se présente souvent tellement per
sonnifié dans un ange distinct de lui, que
saint Jean même y est trompé, et tombe
deux fois à terre pour adorer cet ange, qui
deux fois l'en empêche (Genèse xxm ,
Nous passerons enfin sous silence la fa
meuse bénédiction prophétique donnée à
Juda par Jacob devenu vieux , et entré dans
l'état d'extase immédiatement avant sa mort.
Le sceptre ne sortira pas de Judajusqu'à
ce que vienne CELUI qui doit venir, et
LÉ VRAI. MESSIE. Io3
qui sera l'attente des nations ( Genèse ,
xux, i0). Cette bénédiction ne prouve
qu'une chose, la certitude que de tout temps
la nation israélite a attendu quelque envoyé
extraordinaire du ciel. Mais ici, comme ail-
leurs, cet envoyé n'est annoncé qu'en ter
mes généraux; et, à l'égard de la nature
intime de son être, il n'y a réellement au
cune lumière directe à tirer du Penta-
teuque.
Il n'y aurait tout au plus qu'une preuve
indirecte que l'on pourrait faire dériver des
livres de Moïse, et qui est commune à tous
les autres endroits de l'Ancien Testament,
ou le CRÉATEUR est appelé JÉHOVÀH.
Nous la donnerons en passant, parce qu'elle
rentre entièrement dans la thèse que nous
nous proposons de défendre, et que, pour
être indirecte, elle n'en est pas moins pé-
remptoire. C'est la racine même du mot
JEHOVAH; et sa signification intime , qui
la fournira? En effet, en prouvant que la
Divinité est une et indivisible dans son es
sence ou son être^ on prouve en même
temps que si la Divinité a dû réellement pa
raître sur là terre, ce n'a pu être que le
i04 LE VRAI MESSIE.
CRÉATEUR ou l'être JÉHOVAH lui-même
qui a paru. Or, le mot Jéhovah, selon la
force du terme hébraïque, signifie Vêtre in
fini, l'être,parexcellence , tout l'être. Dieu'
est donc aussi une personne infinie; il est
la personne par excellence ; il est toute
personnalité; en d'autres termes, JÉHO
VAH est une seule personne, comme il
est un seul être, tout en étant triple par rap
port à l'homme. Si cette proposition n'est
pas vraie, il faut renoncer à faire usage de
la raison. Maintenant de deux choses l'une,
ou le MESSIE sera la personne même de JÉ
HOVAH , ou il ne sera qu'un pur homme ;
il n'y a point de milieu. Un verra, par la
suite de cet ouvrage , lequel est le vrai.
Passons donc aux temps postérieurs,
quand, l'univers étant assez préparé à sa
venue , les personnes extatiques ont pu par
ler plus clairement du MESSIE promis. Par-
là nous serons mis à même de porter un ju
gement motivé non-seulement sur le mo
ment précis de son arrivée et sur les diverses
circonstances de sa vie et de sa mort , qui ne
permettent pas de le méconnaître, mais en
core sur la véritable nature de sa personne
LE VRAI MESSIE. ) o5
sacrée, rendue depuis long-temps mécon
naissable par toutes les finesses de nos pré
tendus interprètes de Platon , aussi étran
gers , ce semble , sous ce rapport , aux
opinions des savans, qu'aux déclarations les
plus formelles de nos Livres Saints.
Avant de passer définitivement à Isaïe,
que nous avons choisi pour notre grand in
terprète, disons seulement un mot de Da
vid et de ses psaumes. Ce roi-prophête fut
lui-même un emblème vivant du MESSIE
comme ROI ÉTERNEL. Le rapport entre
David, souverain terrestre^ JÉSUS,souve
rain du royaume qui n'estpas de ce monde,
ne saurait être méconnu par un homme de
bon sens. Il n'y a qu'à rapprocher quelques-
unes des circonstances de la vie du roi
d'Israël de celles du ROI de GLOIRE, pour
s'en convaincre. Il suffit de lire un petit
nombre des psaumes pour voir , à n'en pou
voir douter, qu'il y est question de toute au
tre chose que des événemens du moment du
petit royaume de Judée. En effet, la vue
prophétique de David perçait souvent dans
l'avenir le plus éloigné. Tous ses cantiques
offrent comme un écho des hymnes célestes.>.
5.. .
Io6 1E VRAI MESSIE.
Ses psaumes ne sont pas seulement des ar-
rarigemens de mots, tels qu'en offrent nos
.vers ordinaires : ce sont des relations de pen
sées, bien plus capables de ravir l'âme. Plu
sieurs de ces psaumes dépeignent JÉSUS-
CHRIST trait.pour trait , et sont compris de
'tout le monde , même sans le secours d'au
cune connaissance de k langue de la nature.
Nous n'en citerons qu'un seul , le vingt et
unième, où évidemment le spectacle du
Calvaire était tout entier sous les yeux du
prophète. Mon Dieu , mon Dieu !pourquoi
m'avez-vous abandonné ?... Je suis un ver
de terre, et non un homme ; je suis l'op
probre des hommes et le rebut du peuple.
Ceux qui me voyaient se moquaient de
moi; ils parlaient de moi avec outrage , et
ils m'insultaient en remuant la tête. Il a
espéré au SEIGNEUR , disaient-ils ; que le
SEIGNEUR le délivre maintenant, qu'il le
sauve, s'il est vraiqu'il l'aime Ils ont
percé mes mains et mes pieds , et ils ont
compté tous mes os. Ils se sont appliqués à
me regarder et à me considérer. Ils ont
partagé entre eux mes habits, et ils o n
jetéle sort surma robe... . Tous lespeuples
LE VRAI MESSIE. 107
jusqu'aux extrémités de la terre se ressou
viendront du SEIGNEUR, et se converti
ront à lui; toutes les nations se proster
neront devant lui et l'adoreront. Qu'on
lise l'histoire de la Passion dans Saint-Mat
thieu , et que l'on juge si c'est une chose fa
cile de distinguer l'historien du prophète.
Ce même psaume, JÉSUS-CHRIST l'a évi
demment rappelé sur la croix, quand il s'est
écrié : Eloï', eloï, lamma sabactani? c'est-
à-dire, mon Dieu, mon Dieu, pourquoi
m'avez-vous abandonné ? Les bourreaux
ont continué ce psaume en action , et l'hisr
toire du genre humain régénéré le ter
minera.
Et si David, en dépeignant ainsi le MES
SIE dans sa vie et dans sa mort , rend la
méprise" impossible, il ne célèbre pas moins
clairement l'unité absolue de JÉHOVAH en
être et en personne. Il n'est guère qu'un
seul passage des psaumes dont on pourrait
inférer une dualité : c'est celui auquel JÉ
SUS-CHRIST nous a rendus lui-même at
tentifs, quand il a demandé aux Pharisiens
comment il se faisait que David en extase
appelait le CHRIST son SEIGNEUR, en di
Io8 tÈ VRAI MESSIE.
sant : Le SEIGNEUR a dit à mon SEI
GNEUR : asseyez-vous à ma droite ( Saint-
Matthieu, xxn, 44)? Mais une preuve que
ce passage devait être difficile à comprendre,
et que du temps de JÉSUS-CHRIST les
hommes n'étaient pas encore en état de
s'élever à des conceptions aussi hautes et
aussi métaphysiques que celles de Vunitéde
personne entre le PÈRE et le FILS, c'est
que JÉSUS-CHRIST n'a point expliqué alors
ce texte, et n'a point permis qu'on l'inter
rogeât à cet égard. Aujourd'hui, en s'élevant
avec la philosophie au-dessus des notions de
temps et d'espace, en pénétrant, pour ainsi
dire, dans la nature et l'essence intime de
TÊTRE INFINI, et en examinant cette ques
tion d'après les lumières que donne la con
naissance de la langue de la nature , on
trouve, à n'en pouvoir douter, que, par le
SEIGNEUR adressant la parole , il fallait
entendre JÉHOVAH , en tant que CRÉA
TEUR ou MOI UNIVERSEL ; et par le SEI
GNEUR à qui la parole est adressée , le
même JÉHOVAH en tant que RÉDEMP
TEUR OU MOI DIVIN MANIFESTÉ SUR UN
point. Il y a, en effet, une différence entre
' LE VRAI MESSIE. i09
les deux mots hébreux qu'on a rendus in
distinctement par celui de Seigneur: le
premier, est Jéhovah , le sçcond Adoni ou
Adonaï, que l'on sait être deux noms dif-
férens du même être adorable , considéré
seulement sous différens points de vue. Et
quafld même on voudrait soutenir que le
mot Aàoni ne se rapportait simplement qu'à
David, on n'en serait pas plus avancé; car
David était lui-même l'emblème personnel
de 5ÉH0VAH , comme devant devenir le
conquérant des siens , et emmener la cap
tivité captive. Pour le dire en passant, Dieu
est généralement désigné dans la Bible sous
quatre dénominations diverses , Elohim ,
Jéhovah , Adonaï et Adonaï-Jéhoïh. La
première dénomination , celle dont Moïse se
sert avant la création ou plutôt avant la ré
génération de Vhomme - Adam , est un
pluriel vague, qui veut dire les Très-hauts ,
les Dieux, pour ainsi dire éloignés , peu
connus. La seconde, donnée à Dieu à la fin
de l'œuvre des six jours, marque l'essence
même de llïTRE DES ÊTRES, Dieu par con
séquent mieux manifesté à l'homme ré
généré, et mieux connu de lui. La troisième
1 i0 LE VRAI MESSIE.
semble indiquer le CREATEUR se montrant
sous la forme humaine ou angélique, la
quelle, en tant que la Forme la plus parfaite
de la vie et de l'intelligence, est aussi la
sienne. La quatrième enfin nous paraît dési
gner plus spécialement Dieu comme RÉ
DEMPTEUR ou MESSIE FUTUR. C'esPpro-
prement en JÉSUS-CHRIST que l'essence
divine et la forme visible se sont unies dé
finitivement pour donner un ROI ÉTERNEL
à toutes les créatures sensibles, même Sux
plus dégradées et aux plus enfoncées dans la
matière, lesquelles en avaient effectivement
le besoin le plus indispensable. Le nom
'S!Adonaï-Jèlioïh est aussi principalement
donné à Dieu dans les Saintes -Écritures
lorsque l'individu qui s'adresse à lui est dans
l'affliction et implore sa miséricorde. Abra
ham le prononce pour la première fois
quand il représente à Dieu qu'il n'a point
d'enfans, et qu'il est prêt à descendre dans
la tombe sans un héritier dans lequel les
promesses du ciel puissent se réaliser.
Toutes ces remarques, minutieuses en appa
rence, sont plus importantes qu'on ne pense :
aucun iota , aucun trait n'est inutile dans
LE VRAI MESSIE. I I I
la parole de l'ÉTERNEL. Pour éviter toutes
les méprises à cet égard , nous avons rétabli
le nom trois fois saint de JEHOVAH partout
où nous l'avons trouvé dans le texte original.
Ce nom est, en effet, de toutes les langues;
le CRÉATEUR lui-même se l'est donné : Je
suisr JÉHOVAH, a-t-i.l dit à Moïse ; c'est là
mon nom pour l'éternité. Et on n'aurait ja
mais dû se permettre de le traduire ni de le
changer en aucune langue (i).
Ecoutons maintenant Isaïe. Nous par
courrons ses prophéties avec rapidité. Il est
inutile, aussi bien qu'impossible, que nous
nous arrêtions à chacun de ses passages aussi
long-temps que nous nous sommes arrêté
au texte de Moïse du commencement de la
(i) Si l'occasion ne s'en représente plus, nous con
signerons ici' notre conviction qu'outre la langue en
tièrement universelle par images naturelles , il doit y
avoir aussi une langue naturelle par sons articulés ,
quoique infiniment moins riche que la première. En
effet , à en juger par analogie, les sons de la voix de
l'homme, et les articulations de sa bouche, doivent se
diviser comme les élémens des autres sens, en sept
nuances principales; et en partant de ce principe,
l'organe de la parole peut être réduit à des règles sûres
ii2 LE VRAI MESSIE.
Genèse. Une ou deux courtes réflexions suf
firont en général. Ce sera au lecteur lui-
même à tirer les conclusions. D'un autre
côté, quand il se rencontrerait un petit
nombre de textes que le lecteur ne trou
verait pas côncluans du tout, il n'y aurait
encore aucun mal; car- il s'en tiendrait alors
aux mille autres que nous avons assurément
présentés avec clarté et précision, et qui
établissent la vraiefoi d'un* maniè-re incon
testable. \
Il arrivera aux derniers jours que la
montagne de la maison de JEHOVAH sera
affermie au sommet des montagnes , et
qu'elle sera élevée par-dessus les coteaux ;
et toutes les nations y aborderont. Et
et géométriques, règles applicables même au cri aies
animaux. La langue à la fois la plus simple et la plus
riche sera la langue naturelle des sons. Certains noms
pourraient, être alors comme des noms naturels ;• cer
tains mots pourraient avoir comme une vertu particu
lière capable de percer, plutôt que d'autres, dans ces
sociétés transformées qui se sont retirées davantage
au sein de la nature humaine primitive ; et la langue
hébraïque pourrait bien être un dialecte d'une langue
originairement aussi parfaite.
LE VRAI MESSIE. Il3
plusieurs peuples iront et diront : Venez,
et montons à la maison de JÉHOVAH, à
la maison du Dieu de Jacob; et il nous
instruira de ses voies, et nous marcherons
dans ses sentiers^ car la loi sortira de
Sion, et la parole de JÉHOVAH sortira
de Jérusalem. Il exercera le jugement
p/xrmi les nations, et il reprendra plu
sieurs peuples ; ilsforgeront de leurs e'pées
des hoyaux, et de leurs hallebardes des
serpes; une nation ne levera plus l'çpée
contre une autre, et ils ne s'abandonne
ront plus à la guerre. Venez , ô maison de
Jacob ! marchons dans la lumière de JÉ-
nUVAH (ïsaïen^ 2, 3, 4, 5).
Il est impossible de lire le premier cha
pitre d'Isaïe, dont le passage qu'on vient de
lire fait la suite, sans reconnaître dans son
langage quelque chose qui n'est point hu
main. Comparez la manière de s'énoncer
de ce prophète avec- tout-.ee que la littéra
ture orientale peut fournir de plus fort en
images et de plus hardi en conceptions ;
vous ne trouverez nulle part rien d'appro
chant. Toutefois, ce n'est pas l'art du rhé
teur que nous admirons dans#ces sortes de
Il4 LE VRAI MESSIE.
passages; nous sommes persuadé, au con
traire, qu'il n'y a pas l'ombre de ce qu'on
appelle rhétorique dans tous les écrits d'I-
saïe. Ceuxfqui cherchent à faire ressortir les
beautés du langage 4es différons pro
phètes, font injure à la parole de DIEU.
CELUI qui a parlé par la bouche des pro
phètes, est le même qui a dit : Que votre
langage soit oui, oui, non, non; ce qui
est au-delà vient du mal (Matth-. V. 37).
Isaïç , dans le vrai , est donc aussi simple que
l'Évangile. Cette vérité, assez claire déjà aux
yeux du simple bon sens, devient évidente
pour celui qui connaît la langue de la na
ture. Ce qui rend, en effet , ïsaïe si fort ,
n'est autre chose que la force même de la
vérité; et ce qui le rend si fleuri, ce ne
sont que les images ou emblèmes naturels
moyennant lesquels il parle.
Montagne, dans l'Ecriture-Sainte, a deux
significations : l'une favorable, savoir, éléva
tion vers Dieu, amour de Dieu; l'autre dé
favorable , savoir, Vorgueil humain ; c'est
pour cela qu'il est dit ailleurs, qu'à la venue
du SEIGNEUR toute montagne sera abais
sée et toute vallée sera élevée. La maison
LE VRAI MESSIE. Il5
de JÉHOVAH, ou. son temple, n'est autre
chose que l'emblème d'une doctrine ou
d'une collection de vérités, formant un sys
tème plus ou moins régulier, plus ou moins
bien lié dans toutes ses parties, et capable
de faire connaître Dieu et de mener à lui.
Ce passage d'Isaïe , en entier, dans la langue
de la nature, veut donc dire tout simple
ment qu'au moment de la décadence de
l'église israélite , la connaissance et l'amour
de JÉHOVAH, au lieu de périr avec elle,
se répandront, au contraire, et s'élèveront
avec une société choisie au-dessus de toutes
les autres sociétés qui croiront aussi con
naître, aimer et adorer Dieu ; au point que
toutes les nations, les idolâtres mêmes, ver
ront la gloire de JÉHOVAH se révélant aux:
.hommes, et se joindront à la foule de ses
vrais adorateurs.
Mais, pour toucher au point principal de
notre examen , il est prédit ici qu'à l'arrivée
du MESSIE il s'établira une paix perpétuelle
par toute la terre. Changer les épées en
hoyaux , les hallebardes en serpes , et re
noncer à toute guerre, signifie la fin des
massacres de nation à nation, aussi bien que
I l6 LE VRAI MESSIE.
la fin des disputes haineuses et passionnées
de l'esprit humain en fait dé doctrine et de
connaissance de la vérité. Faudrait-il con
clure de tout ce qui s'est vu dans la société
chrétienne depuis dix-huit cents ans, et au
physique et au moral, que JÉSUS-CHRIST
n'était point le MESSIE véritable, vu que,
depuis ce temps, les guerres et le carnage
n'ont fait, en quelque sorte, que s'enflam
mer au lieu de s'éteindre? Non; il y a une
autre manière d'expliquer ce phénomène.
La prédiction d'Isaïe n'était point limitée au
moment précis de la venue du SEIGNEUR.
Le plan de la régénération de l'univers de-1-
vait Seulement commencer à se développer
à cette époque', mais ne devait se déployer
•entièrement qu'avec le temps. Qu'est-ce que
dix-huit cents ans dans les plans de l'ETER--
ISELpourqui mille ans sont comme lejour
d'hier qui est passé, et comme une veille
dans la nuit? Nous avons l'intime convic
tion qu'en levant aujourd'hui le grand ob
stacle de la distinction de trois personnes di
verses en Dieu (erreur pernicieuse, quoique
dans le temps.elle ait sauvé la.foi au MESSIE
d'une extinction entière); la vraie connais
LE VRAI MESSIE. H^
sance du CRÉATEUR visitant notre globe,
et. établissant des rapports d'amour et de
vérité, aussi élonnans entre la terre et les
cieux ,' que ceux que peuvent réaliser l'an
cienne et la nouvelle alliances, se répandra
définitivement sur les deux hémisphères. ^l
est de toute impossibilité que l'esprit hu
main se résigne à croire que jamais le CRÉA
TEUR, ni dans l'ancien temps, ni dans des
temps plus rapprochas de nous, n'a eu
aucune espèce de rapport avec les mortels ,
lesquels auraient été , durant des milliers
d'années, le jouet d'une vaine promesse,
d'une vaine attente, et resteraient pour tou
jours dans une incertitude plus cruelle mille
fois que ne le serait l'ignorance totale d'un
ÊTRE CRÉATEUR.
L'année que mourut le roi Hosias, je
vis le SEIGNEUR séant sur son trône
haut et élevé , et les pans de ses vêtemens
remplissaient le temple. Les séraphins se
tenaient au-dessus de lui, et chacun d'eux
avait six ailes. : de deux ils couvraient
leurface , de deux ils couvraient leurs
pieds, et de deux ils volaient. Et ils criaient
l'un à l'autre et disaient : Saint, saint,
I i8 LE VRAI MESSIE.
saint est JÉHOFAH, le Dieu des ar
mées : toute la terre est remplie de sa
gloire. Et les poteaux et le seuil de la porte
furent ébranlés par la voix de celui qui
criait; et la maisonfut remplie defumée.
Alors je dis: Malheur à moi ! c'estfait de
moi? carje suis un homme souillé de lè
vres, et je demeure au milieu d'un peuple
souillé de lèvres, "et mes yeux ont vu
JÉHOVAH, le Dieu hes armées (Isaïe> vi,
i,2,3,4,5).
Ce passage , aussi bien que tout le cha
pitre m qui le précède, est rempli de mots
emblématiques. Il n'y a qu'une étude lon
gue et approfondie qui pourra les faire com
prendre tous dans leurs détails. Sur plu
sieurs, nous n'avons encore que des conjec
tures. Celui du trône est le plus connu; il
signifie puissance, autorité. Les pans des
vêtemens de JÉHOVAH remplissant le
temple, offrent un emblème plus difficile à
saisir. En se rappelant, toutefois, que les'4>&-
temens de JÉSUS-CHRIST devinrent lumi
neux sur le Thabor , lors de sa transfigura
tion devant les apôtres, et en rapprochant
de cette circonstance les autres textes de
LE VRAI MESSIE. I I g
l'Écriture qui représentent Dieu comme re
vêtu de lumière, on en doit conclure que
les vêtemens sous lesquels JÉHOVAH s'est
montré quelquefois, figuraient l'éternelle
vérité , en tant que connue des hommes
auxquels il se montrait : ici Vabondance des
vérités divines maniféstéesà l'église juive; car
il est dit que les pans de ses vétemens rem
plissaient le temple.
La porte du Temple est l'introduction à
la vraie doctrine. Les ailes des séraphins si
gnifient, en général, leur agilité, leur fa
culté d'élever leurspenséesjusqu'à FETRE
DES ETRES. Mais quant à la raison pour la
quelle ces. séraphins avaient six ailes, quant
à la raison pour laquelle» les poteaux de la
porte furent ébranlés , nous n'avons pas
même osé^ jusqu'ici, former.aucune conjec
ture à cet égard, quoique nous soyons cer
tains que toutes les dimensions géométriques,
soit en hauteur, en largeur, en longueur ou
en profondeur, doivpnt avoir une significa
tion morale déterminée (i). Contentons-
(1) Les tonnes primitives des corps doivent se ré
duire à des élémens très-simples. Les nuances primi
tives des couleurs se trouvent classées dans l'iris :
120 LE- VRAI MESSIE.
nous donc de faire , en cet endroit, une re
marque plus précise. Isaïe prétend , dans
cette vision , avoir vu JEHOVAH de sespro
pres yeux , sans l'intermédiaire par Consé
quent d'aucun ange, comme l'avaient vu
d'autres prophètes ou hommes extatiques.
Comment donc l'aura-t-il vu ? Saint Jean
nous l'explique. D'aprèslui, c'était l'emblème
du MESSmftttur, sous .lequel JÉHOVAH
parut dans cette circonstance; Isaïe , dit
elles sont an nombre de sept. Les mêmes proportions
se retrouvent dans les tons et les sons , peut-être dans
les saveurs, et en général dans tous les sens de l'homme.
Le nombre des sens lui-même pourrait facilement être
porté à sept, en admettant ce qu'on pourrait appeler
des demi-sens , tels que «elui du cœur et celui de la re
production. Dites la même chose du règne minéral. Il
est probable qu'il n'existe que sept métaux primitifs,
auxquels l'extatique Bœhm attribuait la formation de
tout l'univers. Rien donc n'est plus naturel que la sup
position que les formes variées des corps, dans les
trois règnes , puissent devenir significatives de cer
taines nuances morales ; et une étude approfondie de
la langue de la nature changera probablement nos con
jectures en certitude. Le septième jour de la création ,
ou régénération de l'homme, et le sabbat ou jour
saint , ne doivent point avoir d'autre origine. Nous
reviendrons encore sur cette matière.
LE VRAI MESSIE. i2i
l'apôtre, rapporte ces choses lorsqu'il a
vu la gloire de JÉSUS-CHRIST et qu'il a
écrit de lui ( Jean xn, 4 i). ^ y a donc iden
tité parfaite de personne entre l'ETRE qui
se montra avec tant de gloire au prophète,
et CELUI avec qui l'apôtre eut le bonheur
de vivre en une sorte de familiarité sur la
terre: seulement, l'un a vu la forme angé-
lique et emblématique de CELUI qui devait
s'incarner plus tard; et l'autre a vu cette
même forme poussée , pour ainsi dire, jus
que dans le degré de l'existence matérielle,
sous laquelle l'ESSENCE DIVINE était voi
lée.
Et JÉHOVAH continua de parler avec
Achaz , en disant : Demande un signe
pour toi de JÉHOVAH, ton Dieu, soit en
haut dans le ciel, soit en bas sur la terre.
Et Achaz dit : Je n'en demanderai pas, et
je ne tenteraipas JÉHOVAH. Alors Isaïe
décria : Ecoutez maintenant , 6 maison
de David! Ce vous semble-t-ilpeu de chose
defatiguerles hommes ? Voulez-vous aussi
fatiguer Dieu ? C'est pourquoi le SEI
GNEUR lui-même vous donnera un signe.
Voici: une vierge sera enceinte, et elle
122 LE VRAI MESSIE.
ENFANTERA UN FILS , ET ELLE APPELLERA SON"
nom EMMANUEL; il mangera du beurre
ET DU MIEL, JUSQU'A CE Qu'lL SACHE REJETER
LE MAL ET CHOISIR LE BIEN. Mais , avant
que l'enfant sache rejeter le mal et choi
sir le bien , la terre que tu as en détesta-
tion , sera abandonnée par ses deux rois
(Isaïe, vu, i0, ii , i2, i3, i4, i5, i6).
A la première vue de ce passage dans
Isaïe, un lecteur ordinaire peut croire qu'il
n'y est question tout simplement que de la
ligue des rois d'Israël et de Syrie contre Jéru
salem , et de la délivrance de cette ville , sol
licitée par Achaz. Mais quand en examine
tout le chapitre de plus prés, et qu'on se
rend raison des détails ; quand on se rappelle
surtout que l'histoire entière des descendans
d'Abraham était un type ou hiéroglyphe
immense annonçant l'apparition de JÉHO-
VAH comme RÉDEMPTEUR de tous les
peuples, histoire où, comme nous l'avons
vu, les noms des lieux et des personnes, et la
vie même et toutes les démarches de celles-
ci étaient emblématiques; alors on finit par
V découvrir, avec une égale clarté, l'an
nonce positive de ce grand LIBÉRATEUR.
LE VRAI MESSIE. I a3
En effet , JEHOVAH , apparaissant sur la
terre sous le nom et la personne de JÉSUS-
CHRIST, né de la vierge nommée Marie ,
laquelle avait étéfiancée à Joseph , à la
suite d'une conception opérée immédiate
ment par la vertu créatrice, explique seul
ce prodige, qui devait être le plus étonnant
que l'on put trouver au ciel et sur la terre.
- S'il ne s'était agi là que d'une jeune fille qui
dût se marier , qui dût avoir des enfans
comme toute autre femme, que l'un de ses
enfans dût être appelé Emmanuel^ qu'enfin
cet enfant dût manger réellement du beurre
et du miel, ce n'eût point été là un miracle
que l'on dût chercher bien loin. Que l'on se
dépouille donc de tout préjugé , et surtout
que l'on se familiarise avec la langue des pro
phètes, en étudiant l'ensemble de leurs dis
cours; on verra encore clairement, sous
l'emblème cité, qu'il y est toujours question
du plan immense conçu parJEHOVAH pour
se faire reconnaître de ses créatures déchues;
plan, nous le répétons, suivi avec une exac
titude si divine, depuis l'époque la plus recu
lée des annales humaines jusqu'à nos jours,
124 LE VRAI MESSIE.
qu'un être d'une sagesse infinie pouvait seul
l'exécuter, et qui prouve par conséquent
que JÉHOVAH est seul le MAITRE ÉTER
NEL des anges et des hommes, quoiqu'il pa
raisse au milieu d'eux sous une forme ana
logue à la leur, et qu'il ait semblé à plusieurs
n'être que l'un d'entre eux.
EMMANUEL , dans la langue hébraïque ,
signifie Dieu avec nous. Dans la langue de
la nature, le beurre doit signifier la richesse
de l'amour de Dieu; le roze/, la douceur de sa
loi. Quant aux divers rois qui sont ici repré
sentés comme se faisant la guerre, l'un, ce
lui de Jérusalem , doit représenter une
doctrine vraie; les autres , les erreurs con
traires.
Rendez gloire à la sainteté de JÉHO
VAH , le Dieu des armées ; qu'il soit lui-
même votre crainte et votre terreur, et il
deviendra votre SANCTUAIRE. 72 sera
une pierre d'achoppement , une pierre de
scandale pour les deuoc maisons d'Israël ,
un piège et un sujet de ruine à ceux qui
habitent dans Jérusalem. Plusieurs d'en
tre eux se heurteront contre cette pierre ;
LE. VRAI MESSIE. i25
ils tomberont et se briseront; ils s'engage
ront dans le filet , et ils y seront pris
(Isaie, vin, ï3, i4, i5, i6).
JÉSUS-CHRIST ne saurait être méconnu
dans ce passage, non - seulement comme
MESSIE, tel qu'on l'entend communément,
mais comme JEHOVAH en personne. D'a
près le prophète, ce n'était point un envoyé
de JEHOVAH, ni un fils de JEHOVAH
distinct de lui quant à la personnalité, mais
JEHOVAH le Dieu des armées lui-même ,
qui devait être la crainte d'Israël, qui devait
devenir son sanctuaire et une pierre d'a
choppement pour ses deux maisons. Aussi
l'apôtre ne s'y méprend -il pas : La pierre ,
dit-il aux Juifs, que les architectes ont re
jetée , et qui néanmoins est devenue la
pierre de l'angle, leurest unepierre contre
laquelle ils se heurtent , et une pierre oui
lesfait tomber (I. de Saint-Pierre, n, 7, 8).
L'expression de sanctuaire , employée
par le prophète, est remarquable en ce que
JÉSUS-CHRIST s'est lui-même dit plus tard
le sanctuaire ou temple d'Israël : Détruisez
ce temple; dans troisjours je le rebâtirai
(Jean, 11, 9).
I2Ô 1E VRAI MESSIE.
Temple , comme nous l'avons déjà remar
que, signifie un ensemble de vérités rela
tives à la connaissance de Dieu et à son
culte. Le temple et la maisondu SEIGNEUR
signifient aussi souvent le ciel et le bonheur
que Vony goûte. Pierre signifie générale
ment Dieu ,foi enDieu, ou vérité divine ,
par toutes les Saintes-Écritures.
Un PETIT ENFANT nous est né, et un
ELLS nous a été donné; il portera sur son
épaule la marque de sa principauté; il
sera appelé ADMIRABLE , CONCILIA
TEUR, DIEU, HÉROS, PÈRE DU SIÈCLE
FUTUR, PRINCE DE LA PAIX. Son em
pire s'étendra de plus en plus , et la paix
qu'il établira n'aura point de fin. //
s'asseoira surle trône de David, et il pos
sédera son royaume pour Vaffermir et le
fortifier dans l'équité et dans la justice
depuis ce temps jusqu'à jamais. Le zèle de
JÉHOVAH-ZEBAOTH/ëm ce que je dis
(Isaïe,ix, 6, 7).
En prenant , comme l'on doit , tous les
mots figurés du prophète pour autant d'em
blèmes naturels et pleins de vérité , plutôt
que pour des expressions emphatiques con
LE VRAI MESSIE. I27
formes à ce qu'on appelle le génie oriental ,
on trouve dans ce passage une prophétie
aussi claire qu'incontestable de l'apparition
de JÉHOVAH sur notre terre, visitant ses
enfans pour les sauver, et ne se faisant con
naître que par degrés , afin de ne point ef
frayer l'esprit humain par la vue subite de
l'AMOUR INFINI. Le CRÉATEUR s'est vé
ritablement montré parmi nous comme un
de ces bons princes qui se font un plaisir de
cacher leur dignité royale sous un habit
commun pour visiter une chaumière pen
dant la nuit, et ne faire deviner leur passage
que par leur munificence. Et qu'on ne dise
pas que cette comparaison est un blasphème :
le SEIGNEUR lui-même nous accoutume à
un pareil langage dans les Saintes-Écritures.
Il se plaît dans le simple titre de David et de
roi d'Israël , c'est-à-dire, roi de tous ceux
qui veulent bien être de ses sujets; et les
hommes qui ont un cœur comprennent
tout ce que renferment de pareils titres.
Dans le passage que nous venons de citer ,
Dieu s'annonce même sous la dénomination
d'un petit enfant , tfun fils ; noms qui ne
respirent et ne rappellent que la douceur >
i28 LE VRAI MESSIE.
Vinnocence , la confiance et Vamour. L'em
blème du petit enfant est un emblème trop
cher et trop connu, pour exiger une expli
cation. Les anges les plus parfaits sont ces
enfans célestes qui voient toujours laface
du PÈRE. Vdivfils, Isaie n'entend pas en cet
endroit unfils éternel de Dieu : il n'entend
pas même Vhumanité de JÉSUS- CHRIST ,
qui devait avoir un vrai rapport de filiation
avec JÉHOVAH revêtissant notre chair, et
se faisant pauvre pour nous enrichir : Isaïe
ne parle réellement que dufils de l'homme^
c'est-à-dire , du Dieu humilié et anéanti
par amour pour l'homme. C'est aussi là le
titre que JÉSUS-CHRIST s'est donné le plus
ordinairement lui-même pendant sa vie mor
telle. Pendant les démarches de son amour
sur notre terre, il était éminemment le fils
de l'homme. Ce petit enfant , cefils devait
être, en outre , lui-même le PÈRE du siècle
futur; et si JÉSUS-CHRIST est le PÈRE en
personne, il ne peut donc être FILS qu'au
figuré. Le même être ineffable, la même
personne divine sera PÈRE en tant que
CRÉATEUR, et FILS en tant que RÉ
DEMPTEUR.
LE VRAI MESSiE\ f2Q
Uépaule^ dans la langue de la nature , si
gnifie laforce ou la puissance. La marque
de la royauté du petit enfant devait être la
croix! Par le zèle de JÉHOVAH , il faut en
tendre son amour. Le reste du chapitre ix
est rempli d'expressions emblématiques ,
ainsi que tout le chapitre x. Le lecteur
pourra facilement en deviner la signification
naturelle, quand il saura qu'il n'est ques
tion d'un bout à l'autre, dans ces deux cha
pitres, que de la décadence et de la perver
sion entière de l'Eglise israélite , et de la
restauration dela société des enfans de Dieu
par l'apparition du SEIGNEUR.
Il sortira un rejeton de la tige de Jessé
et unefleur naîtra de sa racine. Et Ves-
prit de JEHOVAH se reposera sur lui:
l'espatde sagesse et d'intelligence , Vesprit
de Conseil et deforce , l'esprit de science et
de piété; et il sera rempli de Vesprit de la
crainte de JEHOVAH. Il ne jugera point
sur le rapport des yeux , et Une condam
nera point sur un ouï-dire ; mais iljugera
les pauvres dans lajustice, et il se décla
rera le vengeur des humbles qu'on op
prime. Ilfrappera la terre de la verge de
6..
l3o LE VRAI MESSIE.
sa bouche , et il tuera l'impie par le souffle
de ses lèvres. Lajustice sera la ceinture
de ses reins , et la fidélité la ceinture de
ses flancs. Le loup demeurera alors avec
l'agneau , et le léopard gîtera avec le che
vreau. Le veau , le lionceau et le bétail
qu'on engraisse seront confondus ensem
ble , et un petit enfant les conduira. La
jeune vache paîtra avec l'ours , leurs pe
tits gîteront ensemble , et le lion mangera
dufourrage comme le bœuf. L'enfant qui
tette s'ébattra sur le trdu de l'aspic , et
l'enfant qu'on sevré mettra sa main dans
la caverne du basilic. Aucun ne nuira ni
nefera aucun dommage'surma montagne
sainte , parce que la terre aura été rem
plie de la connaissance de JEHOVAH ,
comme le bassin de la mer est rempli des
eaux qui le couvrent. En ce jour-là , le
rejeton de Jessé sera exposé comme on
étendard devant tous les peuples ; les na
tions viendront lui offrir leurs prières, et
son sépulcre sera glorieux. Alors le SEI
GNEUR étendra sa main plus loin, pour
acquérir le résidu de son peuple qui sera
demeuré de reste en Assyrie , en Egypte ,
LE VRAI MESSIE". ï3<
à Patras , à Cus , à Hélam , à Sinhar, à
Hamath et dans les îles de la mer : il
élevera son étendard parmi les nations ,
et assemblera les Israélites qui auront été
chassés , et recueillera des quatre coins
de la terre ceux de Juda qui auront été
dispersés (fsaïe, xi, de i à i3).
Il faudrait être bien aveugle et bien préoc
cupé, pour prétendre que de pareilles prédic
tions n'avaient de rapport qu'au petit gouver
nement temporel des Juifs. Ce peuple et son
gouvernement ne sont donc icique l'emblème
d'un peuple et d'un gouvernement plus inté-
ressans. Le royaume dont parle le prophète
est un royaume spirituel dont le roi est éter
nel , le royaume, par conséquent, de JÉ-
HOVAH et de ses immortels enfans. Mais
examinons quelques emblèmes de détail.
Rejeton et /leur sont compris aisément :
nous remarquerons simplement que ces deux
emblèmes, trop insignifians pour caractériser
une personne réelle , éternelle et distincte,
dans l'essence de JEHOVAH, semblent avoir
été choisis exprés pour écarter cette idée. Ils
indiquent que Dieu , se revètissant de chair;
ne déploiera sa divinité que peu à peu, et qu'it
l32 LE VRAI MESSIE.
croîtra insensiblement en sagesse, en âge
et en grâce devant Dieu et les hommes 7
jusqu'à ce qu'il atteigne la plénitude de la
divinité, et que JEHOVAH apparaisse en
lui corporellement. Li'aspic et le basilic ,
espèces particulières de serpens, ne sont que
des nuances de l'emblème du serpent en
général ; et ils offrent une preuve incontes
table que tous les autres animaux qui sont
nommés ici, ne représentent également
qu'autant de nuances variées du caractère
moral de l'homme dégradé , quoiqu'il soit
difficile d'assigner aujourd'hui tous les degrés
particuliers de perversité que le prophète
avait en vue. Les emblèmes du loup et de
Vagneau sont les seuls qui nous soient res
tés familiers depuis l'introduction des mots
de convention dans la morale; et encore
n'en connaissons-nous pas toute l'étendue.
hafoin dont le prophète dit que le lion fera
sa nourriture comme le bœuf, doit repré
senter un moyen d'acquisition de certaines
qualités morales , de la connaissance par
conséquent et de l'amour de la vérité et de la
vertu. Quant à l'ensemble du passage, il est
hors de toute espèce de doute qu'il annonce
LE VRAI MESSIE. i 33
la paix entière et parfaite, le bonheur inal
térable et éternel qui devait s'établir dans la
société de ceux qui s'attacheraient à JÉHO-
WU.Uétendard que le SEIGNEUR devait
élever d'abord parmi les peuples , puis
parmi les nations idolâtres, est évidemment
la croix de JÉSUS-CHRIST : Quand vous
aurez élevé le Fils de l'homme (le rejeton
de Jessé, lefils de David), alors toutes les
nations s'assembleront autour de lui, dit
le SAUVEUR. C'est de la tombe de JÉSUS-
CHRISTqu'est sortie cette gloire qui lui a at
tiré des adorateurs.
Il est inutile de remarquer que ce sont ces
sept différens esprits qui selon le prophète
devaient remplir le RÉDEMPTEUR, qui ont
donné lieu à ce que l'on a appelé, depuis, les
sept dons du Saint-Esprit. Saint Jean a vu
la même chose figurée par sept lumières
brillant devant le trône de Dieu, qu'on lui dit
être les sept esprits de Dieu. Et on voit
combien on a eu tort de faire de l'esprit de
Dieu une personne distincte dans l'essence
divine : erreur pour laquelle l'Écriture n'offre
aucun prétexte, et bien plus impardonnable
encore que celle qui distingue dans JÉHO
l34 LE VRAI MESSIE.
VAH la personne particulière d'un FILS.
Nous verrons dans le chapitre suivant que le
vent (en latin spiritus, esprit) est l'emblème
naturel de l'action du Dieu cachér en tant
qu'elle est invisible comme le vent; de même
que les oiseaux, et en particulier la colombe,
sont à leur tour les emblèmes du vent et de
l'atmosphère terrestre inapperceptibles à
nos yeux par eux-mêmes, et nécessairement
représentéspardesemblèmesapperceptibles.
Saint Paul appelle tous les esprits dégradés,
ou les hommes transformés et devenus invi
sibles à l'œil de chair , les puissances de
l'air.
La malédiction de Babel, qu'Isaïe,
fils d'Amoz, a vue. Élevez l'enseigne sur
la haute montagne; élevez la voix vers
eux; remuez la main, et qu'on entre dans
les portes des orgueilleux. C'est moi qui
ai donné charge à ceux qui me sont dé
voués, et j'ai appelé mes hommes Jbrts
pour exécuter mes rigueurs : ils se réjouis
sent à cause de ma grandeur. Il y a sur
les montagnes un bruit d'une multitude ,
tel qu'est celui d'un grand peuple , la bruit
du son éclatant des royaumes et des na
LE VRAI MESSIE. i 35
tions assemblées. JÉHOVAH , le Dieu des
années,fait sa revue pour le combat. JÉ
HOVAH et les instrumens de son indigna
tion viennent d'un pays éloigné, du bout
des cieux, pour détruire la terre.... La
journée de JÉHOVAH est venue : elle n'est
quefureur et ardeur et colere , pour ré
duire le pays en désolation , et il en exter
minera les pécheurs. Même les étoiles des
deux et leurs astres neferont point luire
leurs clartés ; le soleil s'obscurcira quand
il se levera , et la lune ne fera point res
plendir sa lueur. Je punirai le monde ha
bitable à cause de sa malice , et les mé-
chans à cause de leur iniquité. Jeferai
cesser l'arrogance desjïers, etj'abaisserai
la hauteur des tyrans (Isaïe , xm, i, 2, 3,
4,5,9,i0,ii).
C'est l'empire de l'orgueil que JÉHOVAH
promet iei de venir détruire en personne. Il
est généralement reconnu que Babel est
l'emblème de ce vice odieux. Dans les cha
pitres suivans, jusqu'au vingt-quatrième in
clusivement , le prophète annonce de même
la destruction de tous les autres vices repré
sentés par d'autres villes fameuses, ou d'autres
l36 LE VRAI MESSIE.
pays connus par différens désordres, tels que
Tyr, Moab, l'Egypte, l'Assyrie. Si on ne con
naît pas aussi clairement quels sont les vices
particuliers signifiés par ces divers pays et
villes, comme on le connaît de Babel , c'est
simplement parce que ce dernier emblème
s'est conservé, et que les autres ont été per
dus. Et qu'il soit ici question d'une guerre
faite aux désordres moraux, communs à
toutes les nations dégradées, communs
même à tout individu déchu du caractère
de l'homme parfait , plutôt que de guerres
•réelles entre ces divers pays, le prophète le
déclare formellement. JÉHOVAH, dit -il,
viendra pour réduire le pays en désola
tion, et pour en exterminer tous les pé
cheurs.
Mais , demandeiâ-t-on , comment recon
naître la douceur et l'humilité de JÉSUS-
CHRIST sous ces images terribles par les
quelles le prophète annonce la visite de JE-
HOVAH? Nous répondons que ceci se com
prend très-bien par celui qui a pénétré tout
le génie de la langue de la nature : il con
çoit facilement comment l'amour peut être
appelé quelquefois zèle, justice, vengeance
LE VRAI MESSIE. i3t
et même colère etfureur, surtout quand il
se rappelle que les apparences sont telles. Ce
sont les hommes eux-mêmes qui se trou
blent et s'effraient à l'approche de leur
ÉTERNEL MAITRE. C'est la grandeur de
son amour elle-même qui enflamme la haine
et la colère de ceux qui lui résistent; c'est le
feu de leurs propres passions qui dévore
ces derniers à l'approche d'une miséricorde
qu'ils ne veulent ni reconnaître ni recevoir.
Si JÉHOVAH, en visitant notre malheureuse
retraite, a répandu du sang, ce n'a été que
le sien : les passions humaines seules ont
fait couler celui qui a été versé à l'occasion
de sa religion.
Les autres emblèmes de ce passage se
comprennent aisément', ou seront expliqués
plus tard. \j obscurcissement du soleil et de
tous les astres indique le moment de la
plus profonde ignorance et de la plus pro
fonde barbarie , quand le CRÉATEUR mé
connu est obligé de se manifester d'une
manière extraordinaire. L'emblème des té
nèbres a accompagné physiquement et mo
ralement la mort du RÉDEMPTEUR.
JÉHOVAH , le Dieu des armées , prépa~
l38 LE VRAI MESSIE.
rera à tous les peuples sur cette montagne
unfestin de viandes délicieuses et unfes
tin de vin , des viandes pleines de suc et
de moelle , un vin pur et sans aucune lie.
Il brisera sur cette montagne cette chaîne
qui tenait liés tous les peuples. Il rompra
cette toile que l'ennemiavait ourdie, etqui
enveloppait toutes les nations. Il précipi
tera la mortpourjamais; et le SEIGNEUR-
DIEU (ADONAI-JÉHOLB>ecAera les lar
mes de tous lesyeux ; il effacera de dessus
la terre l'opprobre de son peuple.... En ce
jour-là,sonpeuple dira : c'est la vraiment
celui qui est notre Dieu; nous l'avons at
tendu, et il nous sauvera : c'est luiqui est
JEHOVAH ; nous l'avons attendu long
temps , et maintenant nous serons dans
l'allégresse , nous serons ravis dejoie dans
le salut qu'il nous a donné (Isaïe, xiv, 6,
7/8,9)-
Montagne , dans le sens favorable ,
comme nous l'avons déjà dit , signifie une
élévation vers Dieu ; ici, par conséquent,
une société ou église remplie de la connais
sance et de l'amour de Dieu. Les viandes
et le vin ^ comme nourriture, dans le sens
LE VRAI MESSIE. \3g
moral, ne peuvent représenter que les bons
désirs et les vérités pures , ou le plaisir de
faire le bien et la jouissance de connaître
le vrai. Ici, toutes ces choses dans leur der-
nier degré de perfection; car il est dit que
les viandes seront délicieuses et le vin sans
aucune lie. C'est dans ce mê,me sens, quoi
que dans un degré plus sublime, que JÉ
SUS-CHRIST a dit depuis que les hommes
doivent mangersa chair et boire son sang
pour avoir la vie. La mort précipitée pour
jamais ne peut être que la mort éternelle,
la mort prise au sens moral. Mais voyez
comment ,l'identité de la personne de JÉ-«
HOVAH et de JÉSUS-CHRIST est encore
une fois clairement exprimée en cet endroit :
En ce jour-là , le peuple de JÉHOVAH
dira : c'est là vraiment celui qui est notre
Dieu, c'est lui qui est JÉHOVAH; nous
l'avons attendu long-temps ; mais main
tenant nous serons dans l'allégresse, nous
serons ravis de joie dans le salut qu'il
nous a donné. Ces paroles ne prêtent véri
tablement à aucune amphibologie; et il est
absolument impossible de méconnaître dans
ce passage, bien examiné et comparé avec
l4o LE VRAI MESSIE.
d'autres passages semblables , la restaura
tion de l'Eglise juive, ou plutôt la substitu
tion de l'Eglise chrétienne qui devait lui être
faite par JÉHOVAH, et la conversion des
Gentils. Tous les chapitres suivans ne son
qu'une explication détaillée de ce grand évé
nement, et de la manière dont il devait s'ac
complir. Partout la vanité des sciences hu
maines est dépeinte sous l'emblème* de
VEgypte; partout le prophète montre l'im
possibilité d'établir le bonheur sur la terre
autrement que par le retour des peuples au
SEIGNEUR. Et ce même SEIGNEUR, con
sidéré, comme CRÉATEUR, il l'appelle JE-
HOVAH; considéré comme RÉDEMPTEUR,
ill'appelle ADONAI-JÉHOIH. A mesure que
l'on fera des progrès dans l'étude des em
blèmes naturels , on verra ces choses plus
clairement. Passons au chapitre xl , intelli
gible même pour ceux qui n'auraient aucune
idée d'une langue de la nature.
Consolez - vous , consolez - vous , mon
peuple, dit votre Dieu; parlez à Jérusa
lem selon son cœur, et lui annoncez que
son temps est arrivé, que son iniquité est
tenue pour acquittée , et qu'elle a reçu de
LE VRAI MESSIE. I/fl
la main de JÉHOVAH le doublepour tous
ses péchés. On a entendu la voix de celui
qui crie dans le désert : préparez la voie
deJÉHOVAH; rendez droits dans la soli
tude les sentiers de notre Dieu. Toute
VALLÉE SERA COMBLÉE, ET TOUTE MONTAGNE
ET TOUT COTEAU SERONT ABAISSÉS , et les
chemins tortueux seront redressés, et les
lieux raboteux seront aplanis. Alors la
gloire de JÉHOVAH se manifestera , et
toute chair la verra en même temps ; car
la bouche de JÉHOVAH a parlé Voici
JÉHOVAH-Z^'ew qui vient dans sa puis
sance ; il dominera par la force de son
bras. Ilporte avec lui les récompenses, et il
tiententre ses mains le prix des travaux. Il
menera son peuple dans les pâturages
comme un pasteur qui paît ses brebis. Il
assemblera les petits agneaux entre ses
bras , il les placera dans son sein, et con
duira celles qui allaitent (Isaïe, xn, i, a,
3,4/5, i0 i i).
Nous engageons le lecteur à lire ce cha
pitre en entier : il se convaincra pleinement
que le JÉHOVAH dont il est ici question
n'est autre que ce JÉSUS dont le précurseur
l/\1 LE VRAI MESSIE.
Jean a préparé Ici voie (Matth., m, 3) ; le
même qui a dit depuis : Je suis le bon pas
teur, je donne ma vie pour mes brebis
(Jean, x, 2); le même qui nous avertit, par
la bouche du disciple bien aimé, de nous te
nir prêts pour son second avènement : Je
vais venir bientôt, et j'ai ma récompense
avec moipour rendre à chacun selon ses
œuvres (Apoc, xxn, i 2). Tous les emblèmes
naturels dans ce passage peuvent être com
pris sans une explication particulière. La
vallée, prise en bonnepart, représente Vhu-
milité; en mauvaise part , la bassesse. Les
petits agneaux sont lesfidèles exicovefai
bles. Le sein de Dieu , c'est son amour. Al~
j,iter, c'est enseigner la charité et hvérité^
à cause de l'emblème des seins et du lait.
Voici mon serviteur dont je prendrai
la défense ; voici mon élu dans lequel mon
ame a mis toute son affection. Je répan
drai mon esprit sur lui, et il annoncera
la justice aux nations. Il ne criera point^
et il ne haussera ni nefera ouïr sa voix
dans les rues. Il ne brisera point le roseau
CASSÉ , ET N'ÉTEINDRA POINT LE LUMIGNON
fumant. 77 mettra avant tout lejugement
LE VRAI MESSIE. i 43
et la vérité. Il ne se retirera point et ne se
désistera point qu'il n'ait mis ordre sur la
terre; et les îles espéreront en lui. Ainsi a
dit JÉHOVAH-DIEU, qui a créé les cieux
et qui les a étendus , qui a préparé la terre
et tout ce qu'elle produit, qui donne la
respiration à ses habitans et Vesprit à
ceux qui y marchent. MOI JÉHOVAH
je t'ai appelé pour lajustice ; je prendrai
ta main et je te garderai; je t'établirai
l'alliance despeuples et la lumière des na
tions^ afin d'ouvrir lesyeux des aveugles,
de retirer les prisonniers des souterrains
oit ils sont enfermés , et d"•amener ceux qui
sont dans les ténèbres à la lumière du
jour. Je suis JÉHOVAH , c'est là le nom
qui m'est propre , etje ne donneraipoint
ma gloire à un autre (Isaïe , xlii, de i à g),
lsaïe parle à la vérité ici de Cyrus, roi de
Perse, qu'il nomme par son nom plusieurs
siècles avan t sa naissance; mais ceroi,quoi-
quepaïen, devait lui-même, dans le moment
de son expédition, devenir un emblème de
certaines démarches particulières du MES
SIE , comme Abraham idolâtre l'était de-
venul ong-temps avant lui .Cesont les vie
l44 LE VRAI MESSIE.
toires que la bonté et l'amour de Dieu de
vaient remporter sur le vice et l'erreur parmi
les hommes, qui sont ainsi représentées par
des conquêtes et des triomphes terrestres ; et
c'est avec raison que les apôtres ont appliqué
ces divers passages au RÉDEMPTEUR ,
quand ils ont écrit l'histoire de sa vie. C'est
du reste toujours JEHOVAH qui s'annonce,
et qui ne reconnaît aucune autre personne
qui soit digne de partager sa gloire.
II faut se rappeler que quand une fois un
emblème est adopté par les écrivains sacrés,
ils le poursuivent ensuite, selon l'occasion,
dans toutes ses branches. Ainsi, la mer et
les Jleuves ayant leur signification , le ro
seau en a une analogue; le feu ayant la
sienne, le lumignon, et même Xafumée qui
en sort, en conservent une semblable. R est
d'ordinaire assez facile de deviner ces rap
ports une fois qu'on est sur la voie. Nous
dirons seulement que la grandeur des ob
jets, à moins qu'elle ne soit elle-même un
emblème distinct, n'y est pour rien dans la
signification , et que la mêchefumante est
aussi significative qu'une machine à va
LE VRAI MESSIE. 1^5
peur, ou que le cratère d'un volcan, quand
elle est bien appliquée à son objet.
Écoutez-moi donc maintenant, vous ,
Jacob, mon serviteur, et vous, Israël, que
j'ai choisis. Ainsi a dit JÉHOVAH , qui
vous aformés dès le sein. Ne crains point,
Jacob , ni toijuste , mon élu; car je ré
pandrai les eaux sur celui qui est altéré,
et des rivières sur la terre sèche ; je répan
drai mon esprit sur la postérité et ma bé*
nédiction surceux qui sortiront de toi. Ils
germeront parmi les herbages comme les
saules plantés sur les eaux courantes.
L'un dira: je suis à JEHOVAH; l'autre se
glorifiera du nom de Jacob. Un autre
écrira sur sa- main : je suis à JÉHOVAH;
et un autre prendra le surnom d'Israël.
Ainsi a <to /'ÉTERNEL, le ROI D'ISRAËL
et son RÉDEMPTEUR ,JÉHOVAH, le Dieu
des aimées: Je suis le PREMIER et leDER-
NIER, et il n'y a point d'autre Dieu que
MOI (Isaïe, xliv, i, 2, 3, 4? 5,6).*
Il faut également lire ce chapitre en entier.
JEHOVAH s'y déclare encore , et à plusieurs
reprises, SEUL DIEU, SEUL CRÉATEUR
et SEUL RÉDEMPTEUR. Où trouverez -
7
l/fi LE VRAI MESSIE.
vous, dit-ilr un créateur autre que moi?
En existe-t-ilpeut-être un queje ne con
naisse point ? S'il y avait réellement dans
son essence un Fils éternel, distinct de lui
comme personne , JEHOVAH ne l'eût-il
pas déclaré en cet endroit, afin que nul ne
s'y trompât, et qu'on lui rendît des homma
ges divins comme au PERE? S'il y avait sur
tout trois personnes distinctes en lui , son
espritformant la troisième, n'était-ce point
le lieu de le" proclamer hautement? Loin de
là : JÉHOVAH ne cesse de répéter qu'il est
seul, qu'il est unique; il porte même le défi
à Israël de lui faire connaître un Créateur
et un Rédempteurautre que lui. C'est donc
ce même JÉHOVAH, unique en être et en
personne, qui a répété depuis , par saint
Jean , dans son Apocalypse ou Révélation ,
ce qu'il avait déclaré ici par Isaïe : Je suis
/'ALPHA et /'OMEGA, le PREMIER et le
DERNIER, le PRINCIPE et k FIN , le RE
JETON et le FILS DE DAVID (Jpoc. , xx,
i3, i6). Il est impossible de méconnaître,
dans ces sortes de passages, l'intention for
melle du SEIGNEUR de faire bien connaître
Vunité de son être avant toute autre chose,
(^^"X,
LE VRAI MESSIE. 1^>J
pour éviter par-là toute espèce d'idolâtrie.
Dans le chapitre précédent, il avait répété
jusqu'à tix fois la même vérité : C'est MOI,
c'est MOI qui suis JÉHOVÀH , avait-il dit ,
et hors de MOI il n'y apoint de SAUVEUR ;
c'est MOI-MEME qui vous ai annoncé les
chosesfutures, et c'estMOlquivous aisau
vés; c'est MOI, le SAINT d'Israël, qui vous
airachetés; cWMOI, c'est MOI-MÊME qui
efface vos iniquités pourl'amour JeMOI ,
et pour neplus me souvenir de vos péchés.
Il n'est point de véritéqui soitaussi souvent ré-
pétéeniaussi fortement inculquéeque celle-ci
dans toute l'Ecriture-Sainte. Combien donc
les théologiens et les conciles auraient-ils dû
craindre de changer la triple essence de
JÉHOVAH , en tant que considéré par
l'homme, en trois personnes réellement
distinctes , tandis que le contraire était par
tout intimé dans l'Ancien Testament , et que
les apôtres avalent tous parlé dans le même
sens! Le SEIGNEUR est SAUVEUR selon
saitit Pierre, et leSAUVEUR est SEIGNEUR.
JÉSUS-CHRIST, selon saint Jean , est lui-
même le vrai Dieu et la vie éternelle , quoi
qu'il soit appelé Fils à cause de son incar
î4$ LE VRAI MESSIE.
nationale tout d'après la déclaration formelle
de leur MAITRE et du nôtre : MOI et le
PÈRE nous sommes une même chose; celui
qui ME voit , voit le PÈRE. Pour en revenir
au passage d'Isaïe, l'expression de S'aint d'I
sraël est aussi formelle pour désigner le
CRÉATEUR que celle de JÉHOVAH. Le
«oro d'une chose, dans la langue de la na
ture, signifie Vessence de' cette chose : le
nom de Dieu signifie par conséquent Ves-
sence de Dieu. Dieu, comme l'on voit, met
en cet endroit les noms de Jéhovah, d'Israël
et de Jacob, sur la même ligne : preuve évi
dente que ces derniers étaient en même
temps les noms d'hommes et de peuples, et
les emblèmes de JÉHOVAH, envisagé sous
certains rapports particuliers. Il en est comme
du nom de David et d'un grand nombre
d'autres.
yiinsi a dit JÉHOVAH à son oint , à
Cjrus : Je t'ai appelé par Ion nom ,^t je
t'ai nommée bien que tu ne me connusses
point (Cyrus ne devait naître, et connaître
par conséquent le SEIGNEUR qu'au bout de
plusieurs siècles); je suis JÉHOVAH, et il
n'y en a point d'autre; il n'y a point
LE VRAI MESSIE. i 4g
de Dieu que moi. Je t'ai ceint, quoique tu
ne me connusses point, afin que l'on ap
prenne de l'Orient au Couchant qu'il n'y
a point d'autre que MOI JÉHOVAH UNI-
QUE, quiforme la lumière et qui crée les
ténèbres , quiproduis le bonheur et le mal
heur. O cieux ! envoyez la rosée d'en haut;
que les nuées distillent le JUSTE ; que la
terre s'ouvre et produise le SAUVEUR.
C'est MOI JÉHOVAH qui ai créé ces mer
veilles Voici ce que dit JÉHOVAH :
L'Egypte avec tous ses travaux , l'E
thiopie avec ses richesses , et Saba avec
ses grands hommes ^passeront vers vous ,
ô Israël! ils vous appartiendront et mar
cheront à votre suite; ils viendront , les
fers aux mains , et ils diront : Il n'y a de
Lfteu cjuo psimni atous : il riV cl point d'au
tre Dieu que le vôtre. Fous êtes vraiment
le DIEU CACHÉ, o DIEU D'ISRAËL, DIEU
SAUVEUR! Les fabricateurs de l'erreur
ont tous été confondus; ils rougissent de
honte; ils sont couverts de confusion :
mais Israël a reçu du SEIGNEUR un salut
éternel : il 'ne rougira jamais, et ne sera
point confondu dans les siècles éternels.
l5o LE VRAI MESSIE.
Voici ce que dit le SEIGNEUR : Je suis
JÉHOVAH, et il n'y a point d'autre Dieu
que moi. Je n'aijamais parié en secret ni
dans quelque coin obscur de la terre! Ce
n'est point en vain que J'ai dit à la race
de Jacob : Reeherchez-moi, carje suis le
SEIGNEUR qui enseigne lajustice, et qui
annonce la droiture et la vérité. Assem
blez-vous , approchez , vous tous qui avez
été sauvés des nations parlez: qui a
annoncé ces merveilles dès le commence
ment? Qui les aprédites dès les premiers
temps ? N'est-cepointMOUÉUOYAH, qui
ne reconnais point d'égal ? N'est-ce point
MOI, le seul Dieujuste et capable de sau
ver ? Convertissez-vous donc à MOI , peu
ples de toute la terre, et vous serez sauvés,
pfl.Vf.P nue Tir SUIS H H-™» wnrçuu , JST HORS
de MOI, il n'y en a point d'autre. J'aijuré
par MOI-MÊME; cette parole de justice
est sortie de ma bouche, et elle ne sera
point vaine : c'est que tout genoufléchira
devant MOI, et que toute languejurera
/wMON NOM. Lajustice, dira-t-on, et
laforce sont à JÉHOVAH; tous ceux qui
viendront contre lui, tous ceux qui vou
LE VRAI MESSIE. l5l
dront luifaire la guerre seront anéantis ,•
mais la postérité d'Israël serajustifiée, et
se glorifiera en son Dieu ( Isaïe , xlv , pres-
qu'entier).
II faudrait plus que de la mauvaise foi
pour soutenir qu'il n'est question ici que des
guerres du peuple juif, et de ses triomphes
sur ses voisins. Dans le vrai, il n'est pas plu
tôt question ici d'un peuple que d'un autre :
tout vrai adorateur de JEHOVAH est en
fant d'Abraham; tout homme sérieuse
ment converti est hébreu et Israélite ; et
c'est bien à pure perte que nos prétendus
sages se sont appliqués à ravaler le peuple
juif comme nation: il était aussi bien ques
tion d'eux-mêmes, dans ces transactions,
que de ceux dont leur haine cherchait avec
tant de soin à nous faire remarquer les fai
blesses et la perversité. Que si JEHOVAH a
effectivement remporté les triomphes qu'il
annonçait ici, il ne les a évidemment rem
portés qu'en paraissant sous la forme du
CHRIST, et en devenant le pontife éternel
selon l'ordre de Melchisédec. Chose éton
nante! U faut le répéter jusqu'à satiété : dans
aucun endroit des Saintes-Écritures il ne se
l52 LÉ VRAI MESSIE.
trouve une seule expression qui insinuerait
que JEHOVAH dût nous sauver par un au
tre que lui, qu'il dût nous racheter par un
Fils distinct de sa personne : au contraire ,
il est-reprsenté partout commejaloux d'ê
tre seul DIEU et seul SAUVEUR. Dieu ,
dans l'Ancien Testament, nous parle sou
vent de tous ses attributs divers, de toutes
ses diverses qualités; il se dit étemel, im
mense , infini, tout-puissant, miséricor
dieux, vrai, juste ; et jamais un mot de
deux personnes distinctes qui doivent se
trouver dans son essence. Que l'on juge
par-là de quel côté est la vérité.
Ces expressions, Dieu crée les ténèbres ,
Dieu crée le malheur, dont des hommes
superficiels ont abusé, prouvent clairement
qu'il faut prendre tout ce passage au figuré,
et entendre par la lumière ceux qui sont dans
la vérité, et par les ténèbres, ceux qui sont
dans le mensonge. Tous ceux qui restent dan s
les ténèbres ne sont malheureux que parleur
propre faute; et Dieu n'a ordonné, ou per
mis, leurs souffrances que conformément h
sa sagesse infinie qui veut que l'homme ne
cherche que le vrai bonheur»
\.
LE VRAI MESSIE. l53
Lesroisserontvos nourriciers et les.reines
vos nourrices. Ils vous adoreront en bais
sant le visage contre terre ; ils baiseront
la poussière de vos pieds ; et vous saurez
que c'est MOI qui suis JÉHOVAH, et que
ceux qui rriattendent ne seront jamais
confondus. Peut-on ravir à un géant la
proie dont il s'est saisi , et enlever à un
hommefort ceux qu'il a rendus ses cap
tifs ? Voici ce que dit JÉHOVAH : Les cap
tifs du géant lui seront ravis , et ceux
que l'homme fort avait pris lui seront
arrachés des mains. Je jugerai MOI-
MÊME ceux qui vous avaient jugés , et
je sauverai vos enfans. Jeferai manger
à vos ennemis leur propre chair, je les
enivrerai de leurpropre sang comme d'un
vin nouveau; et toute chair saura que
c'est MOI qui suis JEHOVAII qui vous
sauve, et que le PUISSANT DIEU DE JA
COB est votre RÉDEMPTEUR (Isaïe,xLix,
23, 24, ?5, 26).
Si cette prophétie n!a point été accomplie
en JÉSUS-CHRIST, évidemment elle ne l'a
jamais été et ne le sera jamais. Dans lésons
littéral, il était impossible qu'elle reçut son
i54 Ï-E VRAI MESSIE.
accomplissement; et un homme extatique,
doué du moindre degré de moralité, n'eût
jamais parlé défaire manger en réalité leur
propre chair à ses ennemis terrestres. Il
est donc clair que le prophète était exalté
ici au-dessus de son sujet apparent, et qu'il
ne parlait que de la destruction des méchans
et du triomphe des bons , sous la conduite
du SEIGNEUR. Ceux qui m'attendent , dit
JEHOVAH , ne seront jamais confondus.
Qui attendait donc la nation Israélite au
nom de tout le genre humain? En mettant
de côté les Juifs charnels qui n'attendaient
qu'un grand conquérant terrestre, on sait
que les autres attendaient le MESSIE; qu'ils
attendaient CELUI qui devait venir ,; un
LIBÉRATEUR spirituel et moral. Et s'ils
ne faisaient aucune conjecture déterminée
sur la nature intime de cet ETRE SAU
VEUR, du moins s'attendaient-ils plutôt
que ce serait le JEHOVAH de Sinaï lui-
même, qui s'était annoncé tant de fois, qui
viendrait les sauver, qu'un Fils né de lui
de toute éternité : chose dont ils n'avaient
pas la moindre idée. Et si, d'un autre côté,
ils ne l'ont point attendu en vain , c'est aussi
LE "VRAI MESSIE. l55
cet ETRE adorable en personne qui est
venu se faire leur LIBÉRATEUR, ou plu
tôt celui du genre humain.
Par cet emblème repoussant d'hommes
mangeant leur propre chair et buvant
leur propre sang, est signifié que ces
hommes seraient forcés de reconnaître que
leur bonheur prétendu n'est que misère,
et que leur prétendue sagesse n'est que
fausseté, ainsi que les emblèmes de chair
et de sang le donnent suffisamment à en
tendre.
Le géant dont il est ici question ne peut
être autre que celui que JÉSUS-CHRIST a
appelé depuis le Fort armé, et le Prince
.de ce monde, en d'autres termes, le mal
moral^enferpersonnifié; car, comme nous
l'avons dit, la société collective de tous les
êtres dégradés est toujours représentée
sous l'emblème d'un seul être monstrueux,
caractérisant la nature de sa perversité, tout
comme des sociétés nombreuses d'anges cé
lestes sont souvent dépeintes par un seul
ange, emblème de leur amour et de leur sa
gesse. JÉSUS- CHRIST admettait une ac
tion universelle de tous les êtres moraux
l56 LE VRAI MESSIE.
les uns sur les autres. S'élevant au-dessus
de la notion' commune de l'espace^ et ne
regardant la grandeur des formes que
comme une chose relative, il admettait
même la présence d'êtres bons ou mauvais
dans l'homme : idée éminemment philo
sophique, comme nous le prouverons dans
la seconde partie, à la honte de cette pré
tendue sagesse humaine qui s'est permis si
souvent et si sottement de sourire de pitié
en lisant certains passages de l'Évangile.
Réveille-toi', réveille-toi, Sion; revêts-toi
de taforce , Jérusalem 7 ville de sainteté;
revêts-toi de tes vêtemens magnifiques;
car l'incirconcis et le souillé ne passeront
plus désormais par tes rues. Jérusalem 7
secoue la poudre de dessus toi; lève-toi et
t'assieds; défais-toi des liens de ton cou,
fille de Sion captive. Car ainsi a dit JÉ-
HOVAH : vous avez été vendus pour rien,
et vous serez aussi rachetés sans ar
gent. 'Mon peuple descendit autrefois
en Egypte pour habiter dans ce pays
étranger; et Assur l'a depuis opprimé
sans aucune raison. Qu'ai-je donc à
faire maintenant, dit JÉHOVAH , voyant
LE VRAI MESSIE. i 57
mon peuple enlevé sans aucune raison ?
Ceux qui le dominent le maltraitent in
justement, et mon nom est blasphémé
sans cesse pendant tout le jour. C'est
pourquoi il viendra un jour où mon
' peuple connaîtra la grandeur de MON
NOM, parce qu'alors je dirai : MOI qui
PARLAIS AUTREFOIS , ME VOICI PRÉSENT!
Que les pieds de CELUI qui annonce la
bonne nouvelle sont beaux sur la mon
tagne, les pieds de CELUI qui prêche la
paix, qui prêche le salut, et qui dit à
Sion : TON DIEU va régner. JÉHOVAH
afait voir SON BRAS SAINT aux yeux
de toutes les nations , et toutes les ré
gions DE LA TERRE VERRONT LE SAUVEUR
que notre Dieu doit vous envoyer (Isaïe ,
lu, jusqu'au verset 9).
Le Dieu de Moïse pouvait- il s'annoncer
plus clairement en personne, que par ces
paroles : MOI qui parlais autrefois (par
les prophètes), ME VOICI maintenant
PRÉSENT? N'est-ce pas évidemment le
même MOI DIVIN qui est PÈRE et qui est
FILS, qui est CRÉATEUR et qui est RÉ
DEMPTEUR? Quant aux mots embléma
l58 LE VRAI MESSIE.
tiques employés dans ce passage, et que
nous n'avons point encore rencontrés, As-
sur doit avoir une signification analogue à
celle SEgypte^ c'est à-dire défavorable. Et
Egypte^ comme nous l'avons vu, indique
le faste et la vanité des sciences hu
maines. Les pieds de CELUI qui annonce
la bonne nouvelle, sont Vhumanité de
Dieu incarné; humanité représentée dès
le commencement par le talon de la femme.
La bonne nouvelle, c'est l'Évangile; car
évangile signifie bonne nouvelle en grec.
Le bras de Dieu, la droite de Dieu, c'est
s&force, c'est son amour : voilà pourquoi
JÉSUS-CHRIST, le Verbe ou la vérité di
vine, est dit être à sa droite. Étant à sa
droite, il tient lui-même .réellement la
gauche, et cela, parce que la vérité ne pa
rait que comme une chose secondaire en
Dieu, comme si elle n'était que le fruit de
l'éternel AMOUR. Et que ce soit JÉSUS-
CHRIST que le prophète avait ici en vue
quand il annonçait JÉHOVAH, le chapitre
suivant le prouve d'une manière aussi claire
que chose puisse être prouvée parmi les
hommes. Le lecteur va en juger.
LE VRAI MESSIE. l59
Et maintenant , qui a cru à notre pa
role ? A qui le bras de JÉHOVAH a-t-il
été révélé? Il s'élevera devant lui comme
UN ARBRISSEAU, et COMME UN REJETON d'une
terre sèche. Il est sans beauté et sans
éclat. Nous l'avons vu , et il n'avait rien
qui attirât l'œil, et nous l'avons méconnu !
Il nous a paru un objet de mépris , le
dernier des hommes , un homme de dou
leur, qui sait ce que c'est que souffrir.
Son visage était comme caché: il nous
paraissait méprisable , et nous n'en avons
fait aucun cas. Il a pris véritablement
nos langueurs sur lui; il s'est véritable
ment chargé de nos douleurs. Pour nous,
nous l'avons considérécomme un lépreux,
comme un hommefrappé de Dieu et hu
milié. Et cependant c'est pour nos iniqui
tés qu'il a été percé; c'est pour nos crimes
qu'il a été blessé. Le châtiment qui devait
nous procurer la paix est tombé sur lui :
il nous a guéris par ses meurtrissures.
Nous nous étions tous égarés comme des
brebis errantes ; chacun de nous s'était
détourné pour suivre sa propre voie ; et
JÉHOVAH l'a chargé LUI SEUL de Vini
l6o LE VRAI MESSIE.
quité de nous tous. Il a été offert , parce
que LUI-MEME l'a voulu; et il n'a point
ouvert la bouche. Il sera'mené à la mort
comme une brebis que l'on va égorger; et
il gardera le silence comme un agneau
est muet devant celui qui le tond. Il est
mort au milieu des douleurs , condamné
par des juges. Qui racontera sa généra
tion ? car il a été retranché de la terre
des vivans. Je l'aifrappé à cause des
erreurs de mon peuple. Il donnera les im
pies pour le prix de sa sépulture , et les
riches pour la récompense de sa mort ,
parce qu'il n'a point commis d'iniquités ,
et que le mensonge n'a point été trouvé en
lui. Mais JEHOVAH l'a voulu briser clans
son infirmité. S'il livre son âme pour le
péché, il verra sa race se multiplier éter
nellement ; et la volonté de JEHO VAH
s'exécutera heureusement sous sa con
duite. Il verra lefruit de ce que son âme
a souffert, et il en sera rassasié. Comme
MON SERVITEUR est juste, il justifiera
par sa doctrine un grand nombre , et il
portera sur lui leurs iniquités. C'est pour
quoi je lui donnerai pour partage une
LE VRAI MESSIE. l6l
grande multitude; et il distribuera les
dépouilles des -forts , parce qu'il a livré
son âme à la mort et qu'il a été mis au
nombre des scélérats ; parce qu'il a porté
les péchés de plusieurs et qu'il a priépour
les violateurs de la loi ( Isaïe, lui ).
C'est à regret que nous ajoutons ici quel
ques réflexions; car si le cœur n'a point
parlé au lecteur, tous les discours sont su
perflus. Ce passage n'est pas simplement em
blématique, comme la plupart des précé
dons : il regarde le RÉDEMPTEUR directe
ment', il le montre du doigt; il contient
toute l'histoire de sa personne sacrée. Les
évangélistes n'ont pu parler plus clairement
depuis, et Isaïe avait évidemment sous les
yeux tous les tableaux à la fois.
Nous avons déjà fait remarquer la ten
dance de ces expressions, comme un arbris
seau, comme un rejeton : elle3 éloignent
toute idée d'une seconde personnedistincte.
Et saint Jean semble avoir conservé à des
sein cette manière de parler, même après
l'incarnation , quand il dit : nous avons vu
la gloire comme d'un fils unique du père :
expression que le concile de Nicée aurait dû
IÔ2 LE VRAI MESSIE.
examiner attentivement, avant de porter at
teinte à l'unité d'être et de personne dans
la Divinité. L'adverbe de comparaison
comme tombe nécessairement s\ivfil& plutôt
que sur gloire. L'apôtre donne à entendre
par-là que Dieu ne saurait avoir unjîlspro
prement dit et distinct de lui quant à la
personnalité, comme cela a lieu parmi les
hommes.
Réjouissez-vous , stérile qui n'enfantez
point; chantez des cantiques de louange et,
poussez des cris de joie, vous qui n'aviez
point d'enfuns , parce que celle qui était
abandonnée a maintenant plus d'enfans
que celle qui avait un mari, dit JEHO-
VAH. Donnez de l'espace à vos tentes;
étendez le plus que vouspourrez les peaux
qui les couvrent ; rendez-en les cordages
plus longs et les pieux plus affermis. Car
vous vous étendrez à droite et à gauche :
votre postérité aura les nations pour
héritage , et elle habitera les villes dé
sertes. Ne craignez donc point , car vous
ne serez point abandonnée ni confuse, et
vous ne rougirez point; mais vous ou
blierez la honte de votre jeunesse et l'on
LE VRAI MESSIE. l63
probre de votre veuvage. CELUI qui vous
a créée sera lui-même votre 'épouï : son
nom est JEHOVAH, le Dieu des armées.
Le SAINT D'ISRAËL vous rachètera , et
il s'appellera le DIEU DE TOUTE LA
TERRE(Isaïe, iv, i , 2, 3, 4, 5).
Après avoir raconté la mort de JEHOVAH-
JÉSUS-CHRIST comme exemple de charité
et d'amour , capable de toucher tous les
hommes , et de les rappeler au SEIGNEUR ,
le prophète procède à la description de sa
nouvelle Eglise. Car , il ne faut point s'y
tromper , ces mots : qui racontera sa géné
ration, car il a été retranché de la terre
des vivans , ne veulent pas dire que JÉ
SUS-CHRIST n'aura point de descendans.
Us annoncent, au contraire, que ses géné
rations seront si nombreuses , qu'on ne
pourra les compter , ainsi qu'il avait été
prédit à Abraham.
Partout, dans le langage emblématique,
une Eglise ou une société de personnes
fidèles à Dieu est figurée par unefemme, une
épouse , une mère (sans doute à cause de sa
fécondité, et parce que la bonté doit y régner
l64 LE VRAI MESSIE.
plutôt que la science). Ces mois , fille de
Sion, Jillê de Jérusalem, etc., ne sont
que les églises de Sion et de Jérusalem :
et les femmes de mauvaise vie, les pros
tituées , quand il en est question dans
l'Ecriture-Sainte, ne sont que des églises
corrompues. Par suite JÉHOVAH, comme
objet du culte et de l'amour d'une Eglise ,
est aussi représenté généralement sous
l'emblème d'un époux. Le précurseur du
MESSIE comprenait parfaitement ce lan
gage : CELUI , dit-il , en parlant de JÉSUS-
CHRIST , qui a /'épouse est /'époux ; ilfaut
qu'il croisse et que je diminue ; Uami de
^époux est ravi d'entendre sa voix. Saint
Jean l'évangéliste décrit également l'union
de la société céleste avec JEHOVAH sous
l'emblème de noces. Réjouissons - nous ,
dit-il ; faisons éclater notre j'oie , et ren
dons-lui gloire; car les noces de l'agneau
sont venues, et son épouse s'est préparée
(^/>oc.,xix,6).JÉHOVAH-JÉSUS-CHRIST,
au surplus, pourra seul devenir dorénavant
le Dieu de toute la terre : jamais le Dieu
métaphysique du déisme ne le deviendra;
LE VRAI MESSIE. i 65
parce qu'il ne pourra jamais s'établir aucuns
rapports réels de reconnaissance et d'amour
entre lui et les hommes.
Nous passerons les chapitres suivans, qui
traitent du même sujet , l'établissement
d'une société nombreuse d'adorateurs de
JEHOVAH, à la suite de son apparition sur la
terre, malgré tous les efforts du vice et de l'er
reur. Ces chapitres pourront facilement être
compris du lecteur d'après les connaissances
que nous lui avons suggérées jusqu'ici. Nous
n'expliquerons même plus qu'un seul pas
sage de tout le reste des prophéties d'Isaïe,
abandonnant au zélé de chacun le soin de
pousser plus loin par lui-même des recher
ches aussi précieuses.
Qui est celui qui vient cPEdom , qui
»vient de Bosra avec sa robe teinte de
rouge , qui éclate dans la beauté de ses
vêtemens, et qui marche avec uneforce
toutepuissante? C'est MOI dequila parole
est la parole de justice , qui viens pour
défendre et pourSAUVER. Pourquoidonc
votre robe est-elle toute rouge , et pour
quoi vos vêtemens sont-ils comme les ha
bits de ceux qui foulent le vin dans le
l66 LE VRAI MESSIE.
pressoir? J'ai été seul à fouler le vin,
sans qu'aucun homme d'entre tous les
peuplesfût avec moi. Je les aifoulés dans
mafureur, je les aifoulés auoc pieds dans
ma colère, et leur sang a jailli sur ma
robe, et tous mes vêtemens-en sont tachés.
Car j'ai dans le cœur le jour de la ven
geance; le temps de racheter les miens est
venu. J'ai regardé autour de moi , et il n'y
avaitpersonnepour m'aider;j'ai cherché,
et je n'ai point trouvé de secours : ainsi
mon bras seul m'a suffi pour sauver.
J'aifoulé les nations en ma colère ; je les
ai enivrées en mafureur , et j'ai abattu
leurforce par terre. Jeferai mention des
gratuité* de JÉHOVAH , qui sont les
louanges de JÉHOVAH , à cause de tous
les biens que JÉHOVAH nous afaits. Car
grand est le bonheur d'Israël , lequel il lui
a préparédans ses compassions et selon la
grandeur de ses gratuités. Il a dit : quoi
qu'il en soit , ils sont mon peuple, ils ne
périront point , et il leur a été SAUVEUR
(Isaïe,XMii, du v. i au 8).
Aucun passage n'est plus propre que ce
lui-ci à nous donner une idée claire de la
LE VRAI MESSIE. i67
langue de la nature, et une preuve évidente
que l'Écrilure-Sainte est conçue tout en
tière dans cette langue. Presque chaque mot
est ici un emblème. Celui des vêtemens en
est le plus remarquable : nous y avons déjà
rendu le lecteur attentif. Les vêtemens di
vers ne sont que différentes vérités; ici ce
sont les vérités évangéliques, l'alliance nu
sang du SAUVEUR. Ce qui paraît surtout
incroyable à celui qui commence cette étude
étonnante des emblèmes naturels, c'est que
les noms mêmes des lieux et des personnes
puissent avoir des rapports à la morale et à
la religion. Cette vérité est néanmoins pal
pable dans le texte cité; car sans doute que
l'on ne voudra point croire que le hasard seul
a fait que Edom signifie précisément rouge
dans la langue hébraïque , et Bosra un ven
dangeur: deux circonstances qui caractéri
sent elles-mêmes JÉHOVAH ou JÉSUS -
CHRIST , représenté ici avec une robe d'un
rouge de sang, comme celle d'un homme
quifoule le pressoir. Mais s'il est prouvé in
contestablement par-là que les noms de pays
mêmes sont emblématiques dans le passage
rapporté , à plus forte raison les objets na
l68 LE VRAI MESSIE.
turelsle sont-ils. Aussi qui peut méconnaître
ici que le rouge , que les raisins , que le
sang ne signifient également ce Dieu d'a-
mour, dont la colère et la fureur elles-
mêmes ne sont que de Vamour ^ ainsi que
nous l'avons expliqué plus haut ? Et quel
sens auraient autrement toutes ces expres
sions énigmatiques? Ge ne peut être que
pour cette raison que le prophète , après
avoir entendu comment le SEIGNEUR, seul
bon^ seuljuste , a foulé toutes les na
tions, engage l'univers à célébrer lagratuité
et la miséricorde qu'il a fait éclater dans sa
délivrance.
Le résumé de ce que l'on trouve claire
ment d'un bout à l'autre dans Isaïe, quand
on l'étudié. ainsi à fond, et que l'on a plus
d'égard au sons des emblèmes de la nature
qu'à celui des mots de convention dont il
s'est servi, c'est que JÉHÔVAH , le DIEU
CRÉATEUR du ciel et de la terre, quoique
triple , envisagé dans ses rapports avec
l'homme , est néanmoins UN en personne
comme en être et en essence ; et que ce
même JÉHOVAH ou CRÉATEUR devait
paraître sur notre terre sous le nom et la
LE VRAI MESSIE. i69
forme de JÉSUS-CHRIST pour deveniraussi
son RÉDEMPTEUR, afin que toute louange,
adoration, reconnaissance et tout amour
fussent rendus à CELUI-LA seul qui éter
nellement sera tout en tous pour le bonheur
de ses innombrables créatures.
Et une telle foi n'est-elle pas parfaitement
propre à satisfaire le cœur aussi bien que
l'esprit de tout être sensible ? Pourquoi
quelque autre être que ce soit serait-il l'objet
de nos hommages et de notre affection ?
Toutebonté et toute beautédansses créatures
ne sont-elles point à JÉHOVAH, et ne doi
vent-elles point lui être rapportées? N'est-ce
point JÉHOVAH seul que nous devons ai
merdans ses créatures? Oui, JÉHOVAH est
le centre de tout, il est seul, il est unique,
il n'y en a point d'autre que lui, et il n'en .
faut point d'autre. Une multiplicité de per
sonnes distinctes , même dans sa propre
essence, serait inutile, si elle n'était ab
surde. JÉHOVAH-JÉSUS-CHRIST est lui^
même PÈRE, FILS et SAINT-ESPRIT , le
vrai mystère de Dieu, consistant en ce que
les deux MOI apparens en JÉSUS-CHRIST
n'étaient pourtant qu'a/ze seule et même
8
I^O LE VRAI MESSIE.
personne, et non en ce que trois personnes
réellement distinctes ne seraient qu'un
même Dieu.
Voyons maintenant quelques passages
des autres prophètes. Nous nous convain
crons de plus en plus que le même langage
et les mêmes vérités se retrouvent partout
dans les Saintes-Écritures.
Malheur aux pasteurs quifontpérir et
qui déchirent les brebis de mes pâturages,
dit JÉHOVAH; c'est pourquoi voici ce
que dit JÉHOVAH, le DIEU éTISRAEL ,
auxpasteurs qui conduisent mon peuple :
Vous avez dispersé les brebis de mon
troupeau ; vous les avez chassés , et vous
ne les avez point visitées : et MOIJe vous
visiterai dans ma colère, pour punir le
dérèglement de votre cœur et de vos
œuvres, dit JÉHOVAH. Je rassemblerai
toutes les brebis qui resteront de mon
troupeau , de toutes les terres dans les
quelles je les aurai chassées; je lesferai
revenir à leurs champs; et elles croîtront
et se multiplieront. Je leur donnerai
des pasteurs qui auront soin de lesfaire
paître. Elles ne seront plus dans la
1E VRAI MESSIE. I^[
crainte et dans l'épouvante; et le nombre
s'en conservera, sans qu'il en manque une
seule, dit JÉHOVAH. Le temps vient , dit
JÉHOVAH, où je susciterai à David un
germe juste. Un . roi régnera qui sera
sage , qui agira selon l'équité, et qui ren
dra lajustice sur la terre. En ce temps-là
Juda sera sauvé, Israël habitera dans
ses maisons , sans rien craindre ; et voici
le NOM qu'ils donneront àce roi: JÉHO-
VAH-NOTRE-JUSTICE. (Jcrémie, xxm,
i, 2, 3,4,5,6.)
On retrouve ici la même langue em
blématique parlée par Isaïe. Les individus
changent; mais la nature ne changeant
pas, leur couleur est partout la même.
Le mot de germe revient à celui de re
jeton, que nous avons expliqué plus haut;
nous le rencontrerons encore.
Jusqu'à présent la théologie n'a pas pro
noncé clairement ce NOM : JÉHOVAH-
NOTRE -JUSTICE. En distinguant deux
personnes diverses, c'est plutôt le Fils que
le Père qui est devenu notre justice; car
dans les idées des Chrétiens du jour, le
Père est resté au ciel pendant le temps de
8.
172 LE VRAI MESSIE.
la rédemption ; et le Fils nous a aimés plus
que lui, puisque l'amour du Père n'a éclaté
qu'en ce qu'il a consenti au sacrifice que
le Fils a consommé dans la réalité : autant
d'idées fausses, qui, nous le répétons, ont
fait méconnaître, dans ces derniers temps,
le Dieu CRÉATEUR avec le Dieu RÉ
DEMPTEUR. Il est temps de reconnaître
enfin que JÉSUS-CHRIST était le PÈRE
LUI-MEME, en tant que voilé et caché sous
notre chair, et de lui donner son VRAI
NOM : JÉHOVAH-NOTRE-JUSTICE.
Nous nous abstiendrons de parler ici de
l'application que l'on pourrait faire de ce
texte aux pasteurs modernes, qui semblent
en être exactement au même point où en
étaient ceux de l'ancienne loi, immédiate
ment avant la venue du MESSIE; qui,
comme ces derniers, dispersent le troupeau
et le divisent par des disputes absurdes,
au lieu de le réunir par l'amour: cette di
gression serait trop étrangère à notre sujet.
D'un autre côté, ce sera là le seul pas
sage que nous citerons de Jcrémie. Les
bornes de notre ouvrage ne nous permet
tent pas de suivre tout au long ce prophète
LE VRAI MESSIE. i^3
si abondant et si évidemment sur-humain.
II pourra faire le sujet d'une étude particu
lière pour le lecteur qui se sentirait quelque
envie de pousser plus loin la science des em
blèmes naturels.
C'est pourquoi , ô pasteurs , écoutez la
parole de JÉHOVAH : Je jure par MOI-
MÊME, dit le SEIGNEUR -DIEU, que
parce que mes troupeaux ont été livrés
en proie à l'ennemi, et que mes brebis ont
été exposées à être dévorées par les bêtes
sauvages , comme n'ayant point de pas
teurs , puisque ces pasteurs n'ont point
cherché mes troupeaux , mais qu'ils n'ont
eu soin que de se paître eux-mêmes
Je viens MOI-MEME contre ces pasteurs
chercher mon troupeau , et le reprendre
de leurs mains. Jeferai en sorte que ces
pasteurs ne se paîtront plus eux-mêmes ;
car je soustrairai mon troupeau à leur
violence, et empêcherai qu'il devienne
dorénavant leur proie .Je visiterai
MOI-MEME mes brebis, comme un pas
teur rassemble son troupeau quand il se
tient au milieu du lieu de leur disper
sion dans des jours de nuages et d'ob~
i74 LB VRAI MESSIE.
scurité. Je ferai MOI-MEME paître mes
brebis; MOI-MEME je les ferai r-eposer,
discernant par mes propres yeux etju
geant entre les brebis grasses et les brebis
maigres. C'est moi JÉHOVAH qui ai parlé
(Ézéchiel, xxxiv, 7,8,9, i0, i1, 12, i5,
i6,20).
Nous ne craignons pas de nous tromper, en
supposant que le lecteur aurait cru entendre
encore ici le langage de Jérêmie , si nous ne
l'avions point averti, tant est grande l'analo
gie entre les hommes extatiques parlant la
même langue ! .'
Dans ce texte se remarque une particu
larité qui se rencontre dans quelques psau
mes de David : c'est qu'au commencement
et à la fin Dieu se nomme JÉHOVAH, tan
dis que dans tout l'intervalle où il paraît
comme pasteur des brebis, c'est-à-dire,
comme leur SAUVEUR, il prend le nom
d'ADONAI ou d'ÉLOIM. Nous ne répéte
rons plus que ces dénominations diverses
n'indiquent nulle distinction de personnalité
en Dieu : quand JÉHOVAH veut bien nous
répéter lui-môme aussi souvent qu'on vient
de le voir, qu'il nous visitera en personne ,
LE VRAI MESSIE. i 75
nous devons l'en croire. Nous releverons
simplement ici une objection que l'on pour
rait faire contre cette grande vérité , en s'ap-
puyant de ces paroles par lesquelles Ézéchiel
termine le même passage : Je susciterai sur
mes brebis un pasteur unique pour les
paître. David, mon serviteur, aura soin
de les paître lui-même ; il leur tiendra lieu
de pasteur. MOI JÉHOVAH, /<? serai leur
Dieu, et mon serviteur David sera au mi
lieu d'elles comme leurprince. JÉHOVAH,
pourrrait-on dire, distingue entre lui et
David, qui représente JÉSUS- CHRIST;
donc la distinction des deux personnes est
fondée. Mais d'abord ce passage est uni
que, après cinq ou six déclarations formel
les qui lui sont contraires; il faudrait donc
se départir de ce dernier texte, quand même
il prouverait quelque chose. Toute difficulté
néanmoins est levée, quand on sait que Da
vid était lui-même l'emblèméde JÉHOVAH,
comme devant devenir le ROI ÉTERNEL
de ses créatures; que c'est par conséquent
JÉHOVAH lui-même qui a paru dans la
personne de JÉSUS- CHRIST que l'on avoue
être ce ROI, et que là distinction des per
I76 LE VRAI MESSIE.
sonnes entre Dieu CRÉATEUR et Dieu
RÉDEMPTEUR , n'était qu'apparente.
Vous étiez attentif à cette vision, dit
Daniel à Nabuchodonosor, en lui expliquant
le songe de la grande statue composée de
quatre espèces de métaux; voies étiez at
tentifà cette vision , lorsqu'une pierre se
détacha de la montagne, sans la main
d'aucun homme ; et frappant la statue
dans ses pieds defer et d'argile, elle les
mit en pièces. Alorsfirent brisés ensem
ble le fer , la terre, l'airain, l'argent et
l'or, et ils devinrent comme la paille de
Vaire d'été, que le vent transporte çà et
là ; et il ne fut point trouvé aucun lieu
pour eux; mais cette pierre qui avait
frappé la statue devint une grande mon
tagne, et remplit toute la terre Puis 7
après avoir expliqué l'emblème des métaux
comme désignant quatre royaumes divers,
ou plutôt quatre Églises diverses dont ces
royaumes n'étaient que l'emblème terrestre,
il ajoute : Dans le temps de ces royaumes,
le Dieu du ciel suscitera un royaume qui
ne passera point à un autre peuple , qui
renversera et qui réduira en poudre tous
LE VRAI MESSIE. IJn
les royaumes , et qui subsistera éternelle
ment^ selon que vous avez vu que la pierre
qui avait été détachée de la montagne
sans la main d'aucun homme, a brisé la
terre , lefer , l'airain, l'argent et l'or. Le
GRAND DIEU a fait voir au roi ce qui
doit arriver à l'avenir. (Daniel, n, 34, 35,
44,45).
C'est ici un nouvel et frappant exemple du
langage emblématique usité dans le monde
universel, et connu dans l'antiquité. La con
duite de Nabuchodonosor aût été absurde
au-delà de toute expression, si la possibilité
de communiquer avec le monde des esprits,
c'est-à-dire, avec les hommes dépouillés de
leurs organes matériels, et d'apprendre par
leur moyen certaines choses cachées , n'avait
point été généralement reconnue dans son
empire. Qu'on lise cette transaction intéres
sante tout au long dans la Bible , on verra
qu'il n'y a qu'à admettre que l'être qui agit
dans nos rêves, est un être réel et substan
tiel ; que ce même être survit après la des
truction du corps 5 qu'alors il parle par em
blèmes , tandis que l'homme -matériel ne
connaît que le langage par sons articulés; et
8..
inS ie VRAt messie.
que de cette manière certaines communica
tions peuvent s'établir moyennant les son
ges, entre les vivans et les morts autrement
séparés comme par un mur d'airain ; et tout
s'explique!
Dans la mythologie païenne , qui avait re
tenu bien des choses des emblèmes naturels
dont la connaissance venait seulement de
s'effacer, les quatre métaux signifiaient les
quatre différens âges du monde. Dans la
langue dela nature, ils représentent quatre
différens degrés de bonté et de vérité, et
par - là même les Églises ou sociétés 'cor
respondantes à ces degrés.
Mais qui pourrait se tromper aujourd'hui
sur l'application spirituelle de ce songe de
Nabuchodonosor ? Cette pierre , détachée
sans mains d'homme, n'est-elle point évi
demment JÉSUS - CHRIST , la pierre de
l'angle, le rocher des sièclesl En d'autres
termes, n'est-elle point évidemment JÉHO-
VAH, paraissant sur la terre comme VERBE
ÉTERNEL ? Ce royaume, qui ne sera jamais
détruit, n'est-ce point évidemment celui que
JÉSUS-CHRIST a établi , lequel seul pourra
^. enfin engloutir tous les autres , quand il sera
LE VRAi MESSIE. i 79
bien connu sur la terre, parce que c'est un
royaume d'AMOUR tout différent de ceux
établis par les enfans des hommes?
La première année de Darius,fils d'As-
suérus, de la race des Mèdes,..moi Daniel,
j'eilS , PAR LA LECTURE DES LlVRES SAINTS ,
l'intelligence du nombre des années dont
JÉHOVAH avait parlé au prophête Jéré-
mié, en disant que la désolation de Jéru
salem durerait soixante-dix ans. J'arrê
tais mes yeux et mon visage sur le SEI
GNEUR, pour le prier et le conjurer....Je
n'avais pas encore achevé ma prière ,
lorsque l'ange Gabriel, quej'avais vu au
paravant dans une vision, vola tout à
coup à moi, et me touùha au temps du sa
crifice du soir. Il m'instruisit , me parla
et me, dit: Dès le commencement de votre ,
prière,j'ai recu cet ordre, etje suis venu
pourvous découvrir toutes choses , parce
que vous êtes un homme rempli de désirs.
Soyez donc attentif à ce que je vais vous
dire , et comprenez cette vision. Dieu a
abrégé et fixé le temps à soixante-dix
semaines , enfaveur de votre peuple et de
votre ville sainte , afin que les prévarica*
l8o LE VRAI MESSIE. .
tions soient abolies , que le péché trouve
safin , que l'iniquité soit effacée, que la
justice éternelle vienne sur la terre, que
les visions et les prophéties soient accom
plies, et que le SAINT DES SAINTS SOIT
OINT DE L'HUILE SACRÉE. Sachez donc
ceci, et legravez dans votre esprit. Depuis
l'ordre quisera donnéde rebâtirJérusalem,
jusqu'au CHRIST,CHEFDEMONPEUPLE,
il y aura sept semaines et soixante-deux
semaines; et les places et les murailles de
la ville seront bâties de nouveau , parmi
des temps fâcheux et difficiles , pendant
sept semaines. Et après soixante-deux se
maines, le CHRIST SERA MIS A MORT;
et le peuple qui doit le renoncer, ne sera
plus son peuple. Un peuple, avec son chef
qui doit venir , détruira la ville et le sanc
tuaire ; elle finira par une ruine entière ,
et la désolation qui lui a étéprédite arri
vera après la fin de la guerre. Il conti
nuera son alliance avec plusieurs dans une
SEMAINE ; et A LA MOITIÉ DE LA SEMAINE les
hosties et les sacrifices seront abolis ; l'a
bomination et la désolation seront dans
le temple, et la désolation durera jusqu'à
LE VRAI MESSIE. l8l
la consommation et/usqu'àlaJin(Dan\el ,
ix, i, 3,3, 21,22, 23, etc.).
Cette prophétie est si claire et en même
temps si touchante, que nous ne ferons pas
au lecteur l'injure de vouloir la lui expli
quer. Nous nous contenterons de lui faire
remarquer que la manière de tompter dont
se sert ici l'ange Gabriel, quoique envelop
pant un nouveau mystère , que nous ne
comprendrons peut-être que dans le ciel(i),
consiste à entendre par semaines des se-
maines ou septaines d'années; et que cela
ne doit point étonner.; car, qu'au lieu du
mot semaine , devenu exclusif parmi nous ,
on se figure le mot douzaine ,on verra clai
rement que le prophète pouvait entendre
des années comme toute autre mesure
de temps. C'était pour l'intelligence des
soixante et dix années de Jérémie que Da
niel priait, persuadé qu'il était déjà alors
(i) Nous croyons avoir découvert, depuis que ceci
est écrit, que cette nouvelle manière mystérieuse de
s'énoncer, n'a été employée que pour dérouter ceux
des êtres dégradés du monde universel qui auraient
«herché à contrarier les desseins de Dieu , si le plan
de son amour leur eût été connuplus clairement.
i82 LE VRAI MESSIE.
que ce nombre n'était qu'emblématique.
Maintenant l'ange lui apparaît et lui parle ,
non plus d'années, mais de semaines; nou
vel hiéroglyphe , mais que le prophète com
prit parfaitement, et que l'histoire a rendu
depuis fort clair. En comptant par semaines
ou septaines d'années , on trouve juste les
4go ans qui s'écoulèrent entre le règne d'Ar-
taxerce, sous lequel la construction du tem
ple fut reprise, et la mort de JÉSUS-CHRIST;
sept fois 70 faisant juste 490. Comme nous
l'avons déjà dit, quand JÉHOVAH parle, il
s'adresse à toute sa création intelligente; et
chaque être trouve dans ses paroles ce qui
lui est approprié. Les esprits purs quiagissent
sur le genre humain, doivent nécessaire
ment être toujours en avance sur lui, dans
l'intelligence des oracles du Très-Haut; ora
cles dont ils concourent à amener l'accom
plissement parfait , malgré les efforts réunis
de tous les esprits dégradés, et malgré la
liberté laissée aux hommes, sur lesquels les
destinées de la terre ne sont jetées simple
ment que comme dimmenses réseaux en
veloppant lesmasses sans gêner les individus.
Ce grand but, le Ciel ne l'atteint qu'en par
LE VRAI MESSIE. l83
lan t par emblèmes. Les nombres surtout en
offrent de riches et de difficiles à saisir, dans
ce monde qui est placé hors du temps et de
l'espace, ou plutôt dans ce monde où le temps
et l'espace ne sont plus que des apparences
susceptibles du plus et du moins. Pour ce
qui nous concernait, il suffisait que, d'après
cette prophétie, nous pussions fixer assez
clairement l'époque de l'arrivée du MESSIE,
pour ne le point méconnaître ; et pour cela,
elle était assurément assez claire et assez pré
cise. Au milieu juste des trois années et de
mie indiquées par l'ange , JÉSUS DE NA
ZARETH A ÉTÉ SACRÉ ROI DES JUIFS
SUR LE CALVAIRE, POUR COMMENCER
SON RÈGNE ÉTERNEL.
Daniel déclare, dans ce texte, que c'est
par la lecture des Livres Saints qu'il est
entré en communication avec le monde
spirituel. En reconnaissant aujourd'hui que
ces Livres sont écrits en langue naturelle,
on conçoit que Daniel avait pris le vrai moyen .
Le même prophète dit ailleurs que rien
n'est plus difficile au monde que de bien
comprendre les visions; qu'il faut une sa
gesse, une science et une persévérance dont
l84 LE VRAI MESSIE.
.peu de mortels sont susceptibles. Nous le
croyons facilement , car l'alphabet de la
langue de la nature est bien plus immense
que celui de la langue chinoise. Cet alphabet
a dérouté non-seulement les confesseurs de
sainte Thérèse et ceux de cent autres exta
tiques, mais, selon quelques-uns, le profond
Pascal lui-même. — Que l'on ne se hâte pas
toutefois d'en conclure que nous, chétif,
qui avons démêlé quelque chose de cette
langue, nous sommes doué d'un génie tel
qu'il n'en a pas encore paru. Non , ce phé
nomène peut s'expliquer d'une toute autre
façon; et quand il sera utile de le faire ou
que le temps en sera venu, nous dirons le
fin mot. Nous ferons même plus, nous prou
verons nos assertions; car l'expérience que
nous ont fait acquérir les ouvertures que
nous avons cru devoir faire à cet égard à
trois ou quatre savans ( ecclésiastiques et
autres ), nous a convaincu que la raison,
la conscience ni Vhonneur ne suffisent plus
pour que l'on soit cru sur parole, dès que
l'on avance desfaits relatifs à une autre vie ,
et sentant tant soit peu la science cabalis
tique.
LE VRAI MESSIE. l85
Vous allez être pillée, ô fille des vo
leurs ! Ils vous assiégeront de toutes
parts; ILS LEVERONT LA VERGE SUR LE
PRINCE D'ISRAËL, et le frapperont sur
la joue. Et vous j Bethléhem Ephrata ,
vous êtes petite entre les villes de Juda ;
c'est de vous toutefois que sortira CELUI
qui doit rgéner dans Israël , dont les gé
nérations sont dès le commencement, dès
l'éternité. Après cela, il les abandonne
ra jusqu'à ce que celle qui doit enfanter
ait enfanté ; et ceux de sesfrères qui se
ront, restés , se convertiront et sejoindront
aux enfans d'Israël. Il demeureraferme,
et il paîtra son troupeau dans laforve de
JEHOVAHj dans la sublimitéde la majesté
de JÉHOVAH, SON DIEU. Et les peuples
seront convertis , parce que sa grandeur
éclatera jusqu'aux extrémités du monde.
C'est LUI qui sera notrepaix (Michée, v,
i,a, 3,4).
Michée a ppelle Jérusalem/?//e des voleurs,
parce qu'elle était une Eglise corrompue, qui
s'arrogeait le droit d'expliquer la parole de
Dieu d'après son propre sens pervers, et qui ,
s'attachant à la lettre, faisait consister la Reli
l86 LE VRAI MESSIE.
gion dans de vaines subtilités , et négligeait
les points les plus importons de la loi, sa
voir, lajustice et la miséricorde , ainsi qu'il
arrive à toutes les Eglises sur leur déclin.
Bethléhem^ en hébreu, signifie la Maison
du Pain, où est né CELUI qui est le pain
de vie. Il serait très - possible que par un
second emblème, Bethléhem représentât, à
l'égard des esprits célestes, notre terre tout
entière. Elle est également une des plus pe
tites du firmament, et c'est d'elle néanmoins
qu'est sorti CELUI qui sera éternellement le
Pain des anges. .
Ces mots : dont les générations sont
éternelles, n'indiquent nullement xmfils de
Dieu engendréde toute éternité, mais bien
le CRÉATEUR lui-même, dont les produc
tions sont dès le commencement. D'autres
. passages analogues, bien examinés, prouvent
jusqu'à l'évidence que c'est là leur unique
vrai sens.
Ces mots : après cela , il les abandonne
ra JUSQU'A CE QUE CELLE QUI DOIT ENFANTER
ait enfanté , nous paraissent extrêmement
remarquables, en ce qu'ils annoncent déjà
par avance le renouvellement de l'Eglise que
LE VRAI MESSIE. i87
JÉSUS-CHRIST devait établir; renouvelle
ment dont , du reste , le SAUVEUR a parlé
lui:même ouvertement, en prédisant l'extinc
tion de toute charité et de toute foi, et un
second avènement du Fils de Vhomme.
Voici comment ce passage doit être entendu:
Après être sorti de Bethlêhem Ephrata ,
c'est-à-dire, après avoir établison Eglise, le
MESSIE doit abandonner les siens, en
d'autres termes, être méconnu des siens,
jusqu'à ce que celle qui doit enfanter ait
enfanté, c'est-à-dire, jusqu'à ce que lasocié-
té, ou Eglise formée par lui, ait donné
d'elle-même naissance à une autre socié
té ou Eglise,comme saint Jean l'a prédit éga
lement depuis dans l'Apocalypse sous l'em
blème d'unefemme enceinte , accouchant
d'un enfantmâle enprésence d'undragon.
Alors ceux de sesfrères qui seront restés,
c'est-à-dire, lesJuifs actuels,se convertiront
et se joindront aux en/ans d'Israël, c'est-
à-dire, aux Chrétiens actuels, car les vrais
enfans d'Israël ne sont autres que les vrais
adorateurs de JÉHOVAH.
Si cette explication n'est point la véritable,
il est inutile d'en chercher d'autres. Mais
l88 LE VRAI MESSIE.
aussi, en admettant par une conséquence
forcée, que les seuls vrais adorateurs sont
aujourd'hui ceux qui reconnaissent l'iden
titédepersonne entre JEHOVAH et JÉSUS-
CHRIST, il ne serait point étonnant que
nombre de Juifs reconnussent enfin la vérité,
en entendant annoncer ce MESSIE-JEHO-
VAH, MESSIE-PÈRE , MESSIE véritable
ment NOUVEAU pour .eux, comme il l'est,
hélas! pour un trop grand nombre de Chré
tiens de nos jours. Dieu veuille que nospres-
sentimens ne nous trompent pas: mais nous
espérons tout de la nouvelle époque qui se
présente pour le Christianisme.
Jegarderail'alliance quej'aifaite avec
vous lorsque vous êtes sortis du pays d'E-
gj"pte7 etmon esprit sera au milieu devons.
Ne craignez point. Voici ce que dit JE
HOVAH, le Dieu des armées: Encore un
peu de temps , et j'ébranlerai le ciel et
LA TERRE, LA MER ET TOUT L'UNIVERS ; j'É-
BRANLERAI TOUS LES PEUPLES , ET LE DESIRE
DE TOUTES LES NATIONS VIENDRA; et
je remplirai cette maison de gloire La
gloire de cette derniere maison sera plus
grande que celle de la première (Aggée, n,
LE VRAI MESSIE. i 89
Une prédiction aussi solennelle annonce
autre chose qu'un grand conquérant, autre
chose qu'un prophète, et, nous osons le dire,
autre chose qu'un fils de Dieu distinct de
sa personne sacrée ; un fus même éternel,
personnellement distinct de lui, si cela était
possible, ne pouvant jamais remplacer JÉ
HOVAH. C'est JÉHOVAH, le CRÉATEUR
lui-même, qui est le DESIRE de toutes les
nations ; c'est LUI que le cœur réclame et
que les yeux cherchent. Aucun bonheur ne
peut remplacer auprès d'une créature celui
de voir et de posséder son CRÉATEUR.
C'est précisément pour cela que ce CRÉA
TEUR, aussi bon qu'il est puissant, s'est
tellement personnifié eh JÉSUS-CHRIST,
que celui qui voit JÉSUS-CHRIST voit
la PERSONNE MÊME du Dieu caché:
vérité évidente pour le philosophe qui a
reconnu la nécessité absolue des emblèmes
naturels; vérité disons-nous, évidente, au
point que si JÉHOVAH ne s'était point ma
nifesté comme homme, il faudrait qu'il se
manifestât tôt ou tard comme ange : et
par-là même l'incrédulité n'en serait pas
plas avancée puisque seulement alors
i90 LE VRAI MESSIE.
on concevrait moins comment la bonté
infinie aurait visité . plutôt l'homme déjà
transformé et devenu pareil aux esprits im
mortels, que l'homme malheureux acca
blé du poids de la matière , et dont la
perversité et les souffrances de tout genre
le rendaient un objet plus digne de pitié et
de commisération.
Alliance veu.t dire, union intime par la
connaissance et l'amour. — Ebranler le
ciel, la terre et la mer, c'est amener des
changemens dans la société céleste , dans
l'église terrestre qui lui correspond, et
dans les vérités naturelles ou la sagesse
humaine.
Ecoutez , 6 Jésus, grand-prêtre, vous et
vos amis qui sont auprès de vous (car
ILS SONT DESTINÉS A ÊTRE LA FIGURE DE
l'avenir), je vais faire venir /'ORIENT
qui est mon serviteur. Koici la pierre
que j'ai mise devant Jésus : il y a sept
yeux sur cette unique pierre : je la taille
rai, et je la graverai moi-même avec le
ciseau, ditJEHOVAH, le Dieu des armées;
etj'effacerai en unjour l'iniquité de cette
te/Te (Zachariê . n , 8, .9).
LE VRAI MESSIE. i0i
Nous citons ce passage principalement
comme une preuve de la signification em
blématique de certains personnages des
Saintes-Écritures, personnages choisis et mis
pour ainsi dire exprès à part pour être la
figure de l'avenir. Les emblèmes que des
personnes choisies ainsi exprès offraient,
étaient moitié naturels, moitié factices; et
le même JÉHOVAH, comme RÉDEMP
TEUR FUTUR, a été représenté par une
infinité de personnages différens, depuis
Abraham jusqu'à saint Jean -Baptiste; le
même mystère d'amour pouvant être consi
déré sous une infinité de rapports divers.
Quelques-uns des emblèmes de ce passage
ne sont pas encore connus dans leurs détails.
Il en est ainsi de celui de la pierre taillée à
sept facettes, à moins que cette pierre
n'ait rapport à l'arc septicolore de Val
liance de FÉternel avec la nature, et ne re
présente la foi sacrée en JÉSUS - CHRIST,
devenu à la fois notre rocher, notre vie,
notre lumière, noirejustice ^ et par-là notre
Sabbat pu éternel bonheur (i).
(1) Le nombre sept est un nombre si remarquable
dans la langue de la nature , que nous ne pouvons
ig2 LE VRAI MESSIE.
Quant à VOrient, serviteur de JEHO-
VAH, il ne peut être que JÉHOVAH lui-
nous défendre d'en dire encore un mot à cette occa
sion , quoique à peine il nous sera possible d'effleu
rer cette matière. Par toute la Bible, dans l'Ancien
comme dans le Nouveau Testament , le nombre sept
signifie toujours une chose infiniment sainte et sacrée;
et par conséquent , dans le sens opposé , une chose in
fernale au suprême degré. De là le Sabbat , la sep
tième époque, ou le septième Jour , qui n'est que la
perfection morale d'une créature, sa sainteté, son
éternel bonheur en Dieu. De là le repos du Créateur
lui-même, à la suite de l'œuvre des six jours; de là
l'année jubilaire des Juifs, après sept fois sept ans,
figure du jubilé éternel des esprits devenus parfaits,
selon leur nature ; et cent autres rapprochemens qu'il
nous serait facile de faire des passages des Saintes-
Écritures rappelant le nombre sept. Mais c'est surtout
en tant que s'appliquant à la nature physique, que
notre intention est ici de considérer ce nombre re
marquable , persuadés que deux mots, à cet égard,
suffiront, pour faire voir au lecteur le plus prévenu
que nos convictions ne. reposent point entièrement
sur des chimères , et que les emblèmes moraux , four
nis par les nombres eux-mêmes , peuvent être fondés
en nature. C'est évidemment d'après la base du nom
bre sept que tous les organes du corps humain ont
été formés. La voix de l'homme est divisée en sept
tons différens , savoir : cinq tons pleins et deux demi-
LE VRAI MESSIE. I 0,3
même, apparaissant sous la forme de JÉSUS-
CHRIST. JÉSUS-CHRIST seul a effacé de-
tons. La même division se remarque dans les sons que
rend le gosier, et qui donnent cinq voyelles et deux
diphthongues. Les yeux distinguent de même sept
couleurs principales, dont deux peuvent être régar
dées comme des demi-couleurs. Dites la môme chose
de l'oreille qui est en un exact rapport avee la voix.
Dites la même chose, en un mot, de tous les sens de
l'homme , dont le nombre lui-même pourrait facile
ment être porté à sept, comme nous l'avons remarqué
ailleurs , en y faisant entrer le cœur et l'organe de la
reproduction : car il est évident que les mêmes pro
portions se trouvent dans les odeurs, les saveurs, et
en général dans toutes les formes géométriques primi
tives. Nous sommes si convaincus de cette vérité , que
nous osons prédire à messieurs les phrœnologistes
qu'ils porteront un jour le nombre de nos organes
cérébraux , au nombre jubilaire, c'est-à-dire, à sept
fois s»ept, ou "à quarante-neuf; de même qu'un de
nos amis leur avait déjà 'prédit qu'ils y reconnaîtraient
trois catégories distinctes. Il nous est également par
venu qu'un savant médecin de la capitale croit avoir
trouvé certains rapports entre la structure du corps
humain, et celle des temples d'Egypte, et entre ces
derniers et la distribution de notre système plané
taire; et nous osons l'engager à livrer hardiment son
travail au public , sur , d'avance , qu'il ne peut qu'être
ingénieux.
9
194 I^E VRAI MESSIE.
v.
puis l'iniquité de la terre; seul il a déclaré
avoir par lui-même ce droit incommuni
cable de la Divinité de remettre les péchés :
afin que vous sachiez que le fils de
l'homme a sur la terre le pouvoir de re
mettre les péchés , levez-vous, dit-il au
paralytique ; emportez votre lit, et vous
en allez dans votre maison.
Vous recevrez l'or et l'argent, et vous
enferez des couronnes que vous mettrez
sur la tête du grand-prêtre Jésus, fils de
Josedec , et vous lui direz : Voici ce que
dit JÉHOVAH, le Dieu des armées; voila
l'homme qui a pour nom /'ORIENT; ce
sera un germe qui poussera de lui-même;
et il bâtira le temple de JÉHOVAH. Oui,
lui-même , il bâtira le temple de JEHO-
ATAH; il sera couronné dé gloire, il s'as-
séjera sur son trône et dominera. Le
grand-prêtre sera aussi assis sur le sien , *
et il y aura entr'eux une alliance de
paix (Zacharie, vi. ii, i2, i3).
En examinant de près, et conformément
au génie de la langue de la nature, ce nom
d'OIUENT donné au MESSIE par plusieurs
prophètes, on ne peut y méconnaître ce
LE VRAI MESSIE. igS
vrai soleil levant qui devait éclairer nos
ténèbres, savoir, JÉHOVAH en tant que
verbe ou étemelle vérité, naissant dans
l'obscurité sur la terre des mortels, et arri
vant par degrés au midi ou à la plénitude
de son être. — Le mot de germe implique
la même idée : imperceptible d'abord, il doit
se développer peu à peu, et devenir enfin
le temple de JEHOVAH. Ce germe doit en
outre pousser de lui-même : c'est évidem
ment l'incarnation immédiate et volontaire
de DIEU RÉDEMPTEUR : c'est lui qui est
devenu le vrai temple de JÉHOVAH,détruit
et rebâti au bout de trois jours; le taber
nacle de la Divinité , laquelle y habite cor-
porellement et dans tou-te sa plénitude,
pour être à ^mah/iccessible aux hommes.
Nous-mêmes, nous devons plus tard former
autant de pierres vivantes de ce temple ,
afin qUe tous soient consommes dans l'u
nité,
JÉSUS-CHRIST s'est -assis sur le trône
de son PÈREquand le FILS DE L'HOMME
est remonté là oà il était auparavant ;
et le grand-prêtre ( selon Vordre de Mel-
chisédec) s'y est assis en même temps; car
. . 9-
i96 LE VRAI MESSIE.
JÉHOVAH, DIEU CRÉATEUR, et JÉSUS-
CHRIST, DIEU RÉDEMPTEUR , ne sont
qu'un seul et même Etre adorable, uni
que dans son essence , triple par rapport à
l'homme. C'est une union , ou plutôt une
unité entière et parfaite que le prophète
entendait par une alliance de paix entre
le germe de JÉHOVAH et le grand-prêtre.
JÉSUS est UN avec JÉHOVAH ; l'homme
peut simplement lui être uni: telle est la
différence.
Pour mettre tous les lecteurs en état d'é
tudier par eux-mêmes plus à fond ce pas
sage emblématique de Zacharie, en le com
parant à d'autres passages analogues, nous
rappellerons ici que Jésus-Josedec signifie
Sauveur- Jéhovah-Justice , Jo étant une
abréviation de Jéhovah.
En ce temps-là , dit JÉHOVAH , je tra
vaillerai à réduire en poudre toutes les
nations qui viendront contre Jérusalem ,
et je répandrai sur la maison de David et
sur les habitans de Jérusalem un esprit de
grâces et deprièi l <vIls jetteront les yeux
sua MOI qu'ils auront percé; ils pleure
ront avec larmes et avec soupirs CELUI
LE VRAI MESSIE. i97
qu'ils auront blessé , comme on pleure un
fils unique; et ils seront pénétrés de dou
leur, comme on l'est à la mort d'un fils
aîné (Zacharie, xn, g, i0).
Il ne reste rien a expliquer ici : il n'y
a qu'a engager le lecteur a reconnaître
SON SEIGNEUR ET SON DIEU, si jusque-
la IL A EU LE MALHEUR DE LE MÉCONNAÎTRE.
Ce n'est point un faible mortel comme lui,
• c'estJÉHOVAH, son DIEU en personne, qui
lui parle en -cet endroit. Les expressions de
fils unique^ de fils aîné^ ne sont que des
comparaisons.
En cejour-là^ chacun de ces prophêtes
qui auront inventé des prophéties ; sera
confondu par sa propre vision. Ils ne se
couvriront plus de sacs pour donner de
Pautoritéà leurs mensonges ; mais chacun
d'eux dira: Je ne suis point prophête ; je
suis un homme qui laboure la terre dès
majeunesse, à l'exemple d'Adam. Alors
on lui dira : D'où viennent donc ces plaies
que tu as dans les mains ? et il répondra :
J'ai étépercé de ces plaies dans la maison
de ceux qui m'aimaient. 0 épée, réveille-
toi! YiENS CONTRE MON PASTEUR, CONTRE
igS LE VRAI MESSIE.
l'homme qui se tient toujours attaché
a moi, dit JÉHOVAH,LE Dieu des armées;
FRAPPE LE PASTEUR, ET LES BREBIS SERONT
DISPERSÉES, ET j'ÉTENDRAI MA MAIN SUR LES
petits ( Zacharie, xm , 4 , 5 , 6 , 7 ).
On voit par ce passage que la coutume
des faux prophètes, chez les Juifs, était d'a
voir les mains percées : coutume qui ne
pouvait venir que d'une connaissance anti
cipée de la mort du MESSIE, ou bien de
quelque connaissance vague de la significa
tion naturelle des mains percées en elle-
même. Il y avait anciennement dans l'Orient
de nombreuses écoles, où on formait de
jeunes prophètes par centaines, comme dif-
férens passages de l'Ancien Testament le
prouvent. Ceux qui ne pouvaient s'élever à
la hauteur de l'extase divine, ou plutôt
ceux que le SEIGNEUR n'élevait point à
cette hauteur, tâchaient alors d'imiter les
prophètes véritables le mieux qu'ils pou
vaient ; en d'autres termes, ilsjouaient les
prophêtes, aidés en cela plus ou moins
par les mauvais esprits. Et cet abus fut to
léré deda part de la Providence, comme un
contre-poids dans la balance de la liberté
LE VRAI MESSIE. I QO.
humaine, et pour éviter de plus grandes
profanations.
Par l'homme qui se tient toujours à la
droite de JÉHOVAH, et que David appelle
souvent le fils de la droite, on ne peut
entendre qu'ADONAI^ l'éternelle vérité,
fruit de l'éternel amour, comme nous l'a
vons déjà fait remarquer; ou JÉHOVAH,
apparaissant sous laforme angélique ou
humaine; forme qu'il a revêtue de chair ^
quand le pasteur devait être frappé, les
aînés du troupeau dispersés . et lesjeunes
brebis recueillies pour former une société
nouvelle.
JÉHOVAH paraîtra ensuite , et il com
battra cette nation, comme il afait quand
il.a combattupour sonpeuple. En cejour-
là, IL POSERA SES PIEDS SUR LA MONTAGNE DES
Oliviers j qui est vis-à-vis de Jérusalem
vers l'orient; et la montagne des Oliviers
serafendue par le milieu , vers l'orient et
l'occident , de sorte qu'il y aura une très-
grande vallée ; et une moitié de la mon
tagne se retirera vers l'aquilon, et l'autre
moitié vers le midi. Et vous fuirez par
cette vallée des montagnesjusqu'à Astal;
200 1È VRAI MESSIE.
vous vous enfuirez comme vous vous en-
fuites devant le tremblement de terre , aux
jours de Josias, roi de Juda. Alors JÉHO
VAH monDieu viendra; et tousses Saints
seront avec lui. En ce temps-là, on ne
verra point de lumière ; mais il n'y aura
que froid et gelée. Ily aura unjour connu
de JÉHOVAH ^ qui ne sera nijour ni nuit;
et sur le soir de cejour\ la lumière paraî
tra . Il.soHira alors deJérusalem des eaux
vives , dont la moitié se répandra vers la
mer d'orient , et l'autre moitié vers la mer
d'occident; et elles couleront l'hiver et
l'été. En ce temps-là, JÉHOVAH sera le
roi de toute la terre; JÉHOVAH sera UN,
et son nom UN (Zacharie, xiv, 3, 4j 5, 6,
7,8,9).
Nous pensons en avoir dit assez au lecteur
pour qu'il soit persuadé que tout ce passage
est emblématique, et qu'il n'est point impos
sible d'en retrouver toutes les significations
de détail. Un travail approfondi sur la lan
gue de la nature, parlée par tous les prophè
tes, travail qui sans doute ne sera pas l'ou
vrage d'un seul homme, mènera à ce résultat.
En attendant, on voit clairement que , par
LE VRAI MESSIE. SOt
les eaux sortant de Jérusalem, il faut en
tendre les vérités divines ; que ce jour oh
il n'y a ni lumière ni ténèbres , mais seule
ment un crépuscule , duJrvid et de la gelée,
est le moment de l'extinction totale de la
vérité et de la charité, quand JÉHOVAH
est obligé de venir LUI-MEME au secours
de ses faibles enfans , pour rétablir et multi
plier parmi eux les liens de l'amour; enfin ,
que Vo/'ient indique Vaccroissement de cer
taines vérités, et Voccident le décaisse
ment de certaines autres; tout comme le
midi indique les sociétés,qui sont dans la
charité , et le nord^ celles qui manquent
de charité.
Nous savons bien déjà ce que veut dire
montagne; mais la circons-tance des oli
viers , et celle de la séparation de la mon
tagne des Oliviers en deux parties , pour
laisser un vallon au milieu, sont encore des
énigmes pour nous.
Le reste de cette prophétie est fort
clair: JÉHOVAH paraîtra; il posera se&
PIEDS SUR LA MONTAGNE DES OLIVIERS. Ses
pieds, comme nous Pavons prouvé, sont
son humanité tout entière. Il ne reste
9-
202 LE VRAI MESSIE.
donc maintenant qu'à attendre ce moment
solennel, où JÉHOVAH deviendra par le
fait LE ROI de toute la terre ; et ce mo
ment arrivera quand on ne dira plus que
JÉHOVAH est trois, mais UN , ni que son
nom est trois , mais UN.
Je vais vous envoyer mon ange , qui
préparera ma voie devant Mkface , et aus
sitôt le DOMINATEURquevous cherchez ,
l'ANGE DE L'ALUANCE QUE VOUS DÉ
SIREZ, viendra dans son temple : LE
^OICl QUI VIENT, dit JÉHOVAH, LE
DIEU DES ARMÉES (Malachie, m. i).
On remarque avec autant d'admiration
que de joie, comment les prophéties sont
devenues toujours plus claires, à mesure que
les temps du MESSIE approchaient : LE
VOICI QUI VIENT, dit Malachie, le der
nier des prophètes.
Et dans ce moment décisif, encore nulle
mention d'utifils éternel^m d'une seconde ,
ni encore moins d'une troisième personne
distincte dans L'ÊTRE DIVIN. JÉHOVAH
ne dit pas imon ange préparera la voie à
mon fils , mais mon ange préparera MA
VOIE devant MA FACE.
US VttAt MESSIE. 303
Nous nous arrêterons ici, et nous n'accu
mulerons pas un plus grand nombre de té
moignages tirés del'Ancien Testament , pour
prouver notre thèse : ce que nous avons dit
est plus que suffisant pour éclairer tout
homme sensé et de bonne foi. Malheur au
lecteur qui jusqu'ici n'aurait point reconnu
le DIEU DE SON COEUR, et SA PART
POURl'ÉTERNITÉ!
Réponse à quelques objections.
Avant de passer à ce que le disciple bien
aimé et les autres apôtres nous apprendront
sur la personne sacrée du MESSIE, avec le
quel ils ont vécu, pour ainsi dire , dans une
amitié intime, nous devons répondre à quel
ques objections insignifiantes, que, dans
des temps d'ignorance, on a cru pouvoir
faire contre l'unité absolue de personne en
JEHOVAH) d'après quelques expressions
particulières de l'Ancien Testament.
Elohim, dit-on, est un des noms que les
prophètes, après Moïse, donnent le plus
souvent à Dieu : or, ce nom est évidemment
un pluriel. On voit même plusieurs fois ce
nom construit avec des adjectifs ou des
20-4 l-E VRAI MESSIE.
verbes au pluriel. Ainsi Abraham dit ( Ge
nèse , xx, i3) : Depuis quEzonm mont
fait sortir de la maison de mon père
(Genèse, xxxv, 7); il est dit : Elohim se
sont montrés à Jacob ; les deux verbes
niguelou iSaa , et hithehou innn 1 étant in
contestablement des pluriels dans la langue
originale. Ainsi, au Deutéronome(iv, 7), on
lit : Elohim Kérébim omp daiSn les Dieux
proches; dans Isaïe (uv, 5), on trouve le
verbe osika, "pn, vrai pluriel , en parlant du
CRÉATEUR, comme si le prophète avait
dit : ceux qui vous ont fait. Au second
livre de Samuel (vu, 23), Elohim Halé-
kou^ inSn D'nbx; ailleurs enfin, on .rencon
tre ces expressions : Elohim Kedoshim ,
OTznp dviSn, Elohim Gebahim ,dVqj ovhx ,
autant de pluriels; donc, dit-on, même
d'après l'Ancien Testament, on peut recon
naître plusieurs personnes en Dieu.
Mais, nous le demandons, comment dans
une question d'une telle importance^ ques
tion qui touche à la nature même de l'ETRE
que Ton ne peut diviser qu'en le détruisant,
on ose s'appuyer de telles autorités? Même
en reconnaissant quelque force à ces petites
LE VRAI MESSIE. 2o5
remarques, que pourraient-elles prouver
contre plusieurs milliers de passages formels
qui représentent le CRÉATEUR comme un
être absolument unique! . .
Tous les passages cités, au reste, ou ne
sont qu'autant d'anomalies grammaticales ,
ou sont des textes mal compris et mal appli
qués, comme nous Talions montrer.
Sans parler des faux dieux , tout le monde
ne sait-il pas en effet qu'anciennement on
appelait quelquefois les anges, quelque
fois même les grands hommes, du nom de
Dieux! Et est-il étonnant alors qu'avec le
temps il se soit introduit une terminaison plu
rielle dans un des noms donnés à JÉHOVAHi
sans que personne ait prétendu par-là mul
tiplier en aucune façon son être ni sa person
nalité! Entrez dans les détails, vous verrez
qu'aucune de ces objections ne mérite d'être
prise en une sérieuse considération. Abra
ham, dans l'endroit cité, parle à un idolâtre,
à Abimelek , de visions qu'il avait eues en
songe par le ministère des anges, dans un
temps où lui-même ne regardait encore
.1EH0VAH que comme un Dieu distinct, et
plus puissant que les autres (si toutefois
2o6 LE VRAI MESSIE.
Abraham a jamais eu avant sa mort des
idées plus saines; ce que nous ne décidons
pas ici (i)); il pouvait donc se servir tout natu
rellement de l'expression plurielle Elohim ,
sans que l'on en puisse tirer aucune con
séquence. Dites la même chose du passage
relatif à Jacob, à qui Dieu s'était également
révélé moyennant les sociétés du inonde
spirituel, ou du moins accompagné de ces
sociétés , sur l'échelle emblématique. Au
Deutéronome, il est évidemment question
de faux dieux. Isaïe , où il n'a ajouté Vlota
que par euphonie au participe osika^ selon
l'usage reçu; ou bien il aura voulu donner
à entendre par-là les soins multipliés que
le Seigneur avait pris dans divers temps pour
réformer Israël. Enfin Elohim Kedoshim
ne veut dire autre chose que Dieu les sain
tetés, ou Dieu très-saint; Elohim-geba-
him^ Dieu les hauteurs, ou Dieu très
(i) Abraham n'a jamais appelé Dieu directement
Jéhovah; seulement , quand il donna un nom à la
montagne où il allait sacrifier Isaac, il l'appela Jéhovah
y pourvoira. Aussi l'ÉTERNEL déclare-t-il à Moïse
(Exode vi, 3.), qu'il n'a point été connu d'Abraham
par son NOM JÉHOVAH; ce qui est très-digne de
remarque.
LE VRAI MESSIE. 207
haut, un pluriel n'étant très souvent qu'un
superlatif. Le mot Elohim, d'ailleurs, n'est
pas le seul mot de la langue hébraïque qui ,
avec une terminaison plurielle ne soit en ef
fet qu'un singulier. Nous pourrions en citer
des exemples. De plus, ce même mot Elo-
him se trouve, en revanche, construit avec
un singulier dans dés endroits où il est un
pluriel véritable, désignant les faux dieux :
Lo ihe/eh leka Elohim ekarim , est-il dit
dans le premier commandement, au lieu
ù'Ihejou. Et enfin , les deux mots Jéhovah
Elohim qui sont très souventjoints ensemble
peuvent tout .naturellement se traduire
ainsi : JÉHOVAH qui nous tient lieu de
tous les Vieux, ou bien JÉHOVAH qui est
le Dieu de bonté, le Dieu de- sagesse et
le Dieu de puissance. Au résumé, aucune
objection quelconque ne doit paraître de
quelque poids à côté de cette déclaration
solennelle de JÉHOVAH sur Sinaï : Écoute,
ô israel, JÉHOVAH ton dieu (ou Jébovah
QUI EST POUR TOI TOUS LES DIEUX ), EST UN
JÉHOVAH unique. Quand il n'y aurait dans
toute la Bible que cette seule déclaration ,
il faudrait s'y tenir (Deut. vi, 4)-
208 LE VRAI MESSIE.
Mais, ajoute-t-on, voilà qui est plus sé
rieux. Dieu dit dans la Genèse : faisons
l'homme à notre image; l'homme est de
venu comme l'un d'entre nous; descen
dons et confondons leur langage. . . Cela
n'est-il pas décisif ?
Nousrépondons que ces sortes depassages,
ou n'offrent que des manières de parler
communes à toutes les langues, ou prouvent
que Dieu s'adresse quelquefois aux anges
qui l'entourent, efc que pour leur bonheur
il associe à ses œuvres. Quand Moïse fait
dire à Dieu , faisons , descendons , confon
dons, ce n'est évidemment que parce que
dans aucune langue l'impératif n'a de
première personne au singulier. Et pour ce
qui est do ces mots , l'homme est devenu
comme l'un d'entre nous, ils paraissent fort
naturels, quand on faj{ attention que le ser
pent , s'adressant à Adam et à Eve , avait dé
jà été représenté comme parlant au pluriel :
vous serez comme des dieux; car le Seigneur
n'a fait de son côté que rappeler ce propos.
Il faut sentir véritablementquel'on défend
une mauvaise cause , quand on a recours à
des inepties pareilles à celles que L'on n'a pas
1E VRAI MESSIE. 20O.
craint d'avancer, quand on a voulu mainte
nir une trinité de personnes distinctes dans
l'essence divine. C'est ainsi que l'on s'est ac
croché à ce passage des Nombres ( vi, 24 ),
où est décrite la triple bénédiction que le
grand-prêtre devait donnera Israël dans cer
taines circonstances : Que JÉHOVAH vous
bénisse et qu'il vous conserve; que JÉHO
VAH <vous découvre son visage, et qu'il ait
pitié de vous ; que JÉHOVAH tourne son
visage vers vous ,^t qu'il vous donne la
paix.CeUe bénédiction peutsansdoute avoir
quelque rapport à la triple essence de JÉ
HOVAH, quand on le considère dans son
rapport avec l'homme; mais il y a loin de là
à une distinction réelle de personnes.
Terminons donc en déclarant de nouveau,
et solennellement, que dans tout l'Ancien
Testament il n'y a aucun vestige deladistinc-
tion dangereuse que l'on a faite dans les temps
modernes; que le MESSIE lui-même n'y est
jamais annoncé comme constituant une per
sonne à part, et qu'aucune vérité n'y est plus
souvent ni plus formellement répétée que
celle de L'UNITÉABSOLUEDEJÉHOVAH.
3i0 LE VRAI MESSIE.
CHAPITRE IL
Jésus-Christ d'après le Nouveau Testa
ment.
Saint-Luc est celui des évangélistes qui est
remonté le plus haut dansl'histoire de la vie
mortelle de JÉSUS-CHRIST; saint Jean, ce
lui quia pénétré le plus avant dans la nature
de son être. Avant donc de parcourir par
ordre tout l'évangile de saint Jean, citons
d'abord quelques passages de saint Luc.
Alors un ange du SEIGNEUR apparut
à Zacharie ( le grand-prëtre) , se tenant
deboutaucôté droit de l'autel desparfums.
Et Zacharie , en le voyant,fut troublé, et
la frayeur le saisit ; mais l'ange lui dit :
Zacharie, ne crains point, car ta prièr-e
est exaucée , et Elisabeth , tafemme, t'en
fantera unfils; et tu lui donneras le nom
^^v.
LE VRAI MESSIE. 2 M
de Jean. Il sera pour toi un sujet de joie
et de ravissement, etplusieurs se réjouiront
de sa naissance , car il sera grand devant
le SEIGNEUR. Il ne boira point de vin tii
d'autres liqueurs fermentées , et il sera
rempli du Saint-Esprit dès le ventre de sa
mère. Il convertira plusieurs des enfans
d'Israël au SEIGNEUR leur Dieu, et il
marchera devant lui dans l'esprit et lu
vertu d'Elié, pour tourner les cœurs des
pères vers les enfans, et les rebelles à la
sagesse des justes , afin de préparer au
SEIGNEUR un peuple parfait ( Saint Luc ,
du verset u au \^m° ).
Dans ce passage, il n'est encore question
directement que de la naissance du Pré
curseur : aussi ne le citons-nous que pour
mieux faire voir comment les deux Testamens
sontliés ensemble; comment le mémeplan est
partout poursuivi par le ciel, et annoncé à
la terre en termes emblématiques. Jean est
évidemment cet ange qui devait être en
voyé devant la face du SEIGNEUR pour
lui préparer sa voie , selon le prophète
Zacharie. On attribue ici à Jean les qualités
d'ÉuE, parce qu'il représentait le même
2 i2 LE VRAI MESSIE.
emblème que cet ancien serviteur de Dieu.
De même que Moïse représentait toute la
loi, de même JElie, et après lui Jean, repré
sentaient tous les prophêtes. La loi et les
prophêtes, dit le SEIGNEUR, se terminent
dans la personne de Jean. Et cette circons
tance avait donné lieu à cette croyance po
pulaire répandue du temps de JESUS -
CHRIST , qu'Elie reparaîtrait immédiate
ment avant la venue du MESSIE.
Jean n'est plus compte au nombre des
prophètes proprement dits , parce qu'il a
montré du doigt CELUI qui devait venir.
77 est plus qu'un prophête ; il est le plus
grand des enfans des hommes, selon la dé
claration de JÉSUS-CHRIST. Et par-là, pour
le dire en passant, JÉSUS-CHRIST s'est dit
Dieu au moins indirectement ; car quel
autre pourrait être CELUI de qui ce même
Jean , le plus grand des enfans des hommes,
comme on vient de l'entendre, se recon
naissait néanmoins indigne de dénouer les
cordons des souliers /si ce n'est le PÈRE de
tous les hommes? Nous aurons plus d'une
fois occasion de remarquer combien estera-
tuile l'assertion de ces esprits superficiels qui
LE VHAI MESSIE. 2l3
prétendent que JÉSUS-CHRIST ne s'est
jamais déclaré Dieu assez ouvertement. Cent
passages paraissent aussi concluans, à cet
égard , aux yeux de l'homme exempt de pré
jugés, que celui qui contient la réponse de
JÉSUS-CHRIST au grand-prêtre, lorsque,
interrogé par lui, au nom du Dieuvivant^'A
est le CHRIST le FILS DE DIEU, il répond :
OUI, JE LE SUIS. De plus , vous verrez
le fils de l'homme assis à la droite de la
puissance de Dieu, venant dans les nuées
duciel. Saint-Marc rend par une affirmation
claire et catégorique cette expression usitée
anciennement, vous le dites, pour affirmer
une chose.
Or, ausixième mois, Dieu envoya l'ange
Gabriel dans une ville de Galilée appe
lée Nazareth, à une viergefiancée à un
homme nommé Joseph , de la maison de
David; et cette vierge s'appelait Marie.
Et i'ange étant entré dans le lieu où elle
était , lui dit : Je te salue, toi qui es reçue
en grâce; le SEIGNEUR est avec toi; tu
es bénie entre toutes lesfemmes. Et ayant
vu l'ange, elle fut troublée de son discours,
et elle pensait en elle-même ce que pouvait
2l4 EE VRAI MESSIE.
être cette salutation. Alors l'ange lui dît :
Marie, ne crains point , car tu as trouvé
grâce devant Dieu ; et tu concevras et
enfanterixs un fils à qui tu donneras le
nom de JÉSUS. // sera grand et sera ap
pelé le filsdu Très-Haut; et le SEIGNEUR
DIEU lui donnera le trône de David son
père. Il régneraÉTERNELLEMENT sur la
maison de Jacob; et il n'y aura point de
fin à son règne. Alors Marie dit à l'ange :
Comment cela sefera-t-il , puisque je ne
connais point d'homme ? Et Vange lui ré
pondit :LeSxiJfT-EspRiT surviendra entoi,
et la vertu du Très-Haut te couvrira de
son ombre : c'est pourquoi aussi /«chose
sainte qui naîtra de toi sera appelée le
fils de Dieu (St.-Luc, i, du v. 26 au 35).
Plus on examine ce passage, plus on est
frappé de son exact rapport avec tout ce qui
avait été prédit, depuis les paroles de JÉ-
HOVAH au serpent, jusqu'à celles du père
desaintJean-Baptiste dans son cantique d'ac
tions de grâces. Et si, d'après toutes les pro
phéties de l'Ancien Testament que nous
avons rapportées, le lecteur est persuadé
qu'un libérateur céleste devait paraître
LE VRAI MESSIE. 3l5
sur notre terre, il doit être persuadé éga
lement que ce libérateur n'était autre
que JÉSUS-CHRIST.
Mais c'est ici le lieu où nous nous som
mes réservé d'expliquer définitivement ce
qu'il faut entendre par ces mots fils de '
Dieu , en parlant du SAUVEUR DU MON
DE, que nous prétendons être JÉHOVAH
lui-même en personne.
Sans rappeler que dans les temps anciens
le mot defils était extrêmement vague, et ne
signifiait très-souvent qu'une relation quel
conque^ non-seulement parmi les animaux,
mais même parmi les choses inanimées,
ainsi que le prouvent les expressions âefils
de celle qui est sous lejoug , defils du car-
quois , fils de la mort , fils du tonnerre,
fils de la lumière, etc.; dans un sens plus
restreint, fils de Dieu, signifiait ancienne
ment un homme vertueux : en ce sens,
nous disons encore enfans de Dieu, par o[>-
positions aux enfans de Bélial. Fils de
Dieu signifiait aussi dans l'Ancien Testament
un voyant, un prophête, un ange, un
envoyé de Dieu , comme celui qui apparut
au milieu des trois jeunes gens dans la four
ai 6 LE VRAI MESSIE.
naise, quand Nabuchodonosor dit : N'ai-je
point fait,jeter trois hommes liés dans ce
Jeu? d'où vient donc que j'en vois un
quatrième semblable à un fils de Dieu?
Les prophètes étaient appelés du nom de
fils de Dieu1 comme des personnes chéries
de DieUj et du nom de fis de l'homme,
comme des envoyés de Dieu près des hom
mes. Ces mêmes dénominations étaient enfin
transportées à l'image emblématique , sous
laquelle JEHOVAH apparaissait aux patriar
ches en extase, surtout quand cette image,
au lieu d'être un simple phénomène, comme
le buisson ardent ou lesfeux de Sinaï, re
présentait la forme distincte de l'homme
ou de l'ange. Tel Daniel décrit JÉHOVAH
sous le nom de \ancien des jours, s'as-
séyant sur son trône defeu et de flammes ,
ayant un vêtement blanc comme la neige,
et une chevelure éclatante comme la laine
la plus pure (Daniel vu, 9, 1^), donnant,
au eils DE i'hommb , qui arrive avec les
nuées des cieux et se lient devant lui,
unedominationéternelle etunr-ègne qui ne
finira point; quand , malgré l'apparition de
ces deux personnages, le prophète ne conçut
IE VRAI MESSIE. 2i7
jamaisl'idée d'aucune duplicité de personnes
divines; l'ensemble de cet emblème impo
sant étant pour lui JÉHOVAH, le vieillard,
comme emblème particulier du CRÉA -
TEUR éternel , et le fils de l'homme,
comme emblème particulier du MESSIE
futur, ou du CRÉATEUR devant s'incarner
un jour. Tel JÉHOVAH fut également vu
d'Ézéchiel quaud il dit : Quelqu'un m'ap-
parut commeunfeuardent; depuis les reins
Jusqu'en bas, ce n'était qu'uneflamme, et
depuis les reins jusqu'en haut, il parais
sait un airain mêlé d'orétincelant de lu
mière. Ici encore, outre ce prejnier person
nage, un autre, qu'Ézéchiel appelle éga-;
lemei\tfils /Je l'homme, toucha les lèvres du
prophète. Deux emblèmes, qui, comme le
précédent, et comme les trois anges d'A-,
braham. ou les deux de Sodom-e , se confon
daient si bien dans l'esprit d'Ézéchiel, etgé-
néralementdetousles prophêteSjque jamais
ils n'eurent la moindre idée de multiplier
pour cela la personnalité divine ( Ëzéçhiel,
vin, 2). Dans le Nouveau Testament,
JÉSUS-CHRIST, vrai//* de l'homme, en
tant que PROPHETE et SAUVEUR, fut
2l8 LE VRAI MESSIE.
transformé de la même manière sur le Tha-
bor, en un emblème vivant de JEHOVAH
DANS SA GLOIRE, resplendissant comme
le soleil, et communiquant cettelumière di
vine même à ses vêtemens (Saint Matthieu,
xvn, 2 ), quand une voix partit de la nue,
( et non du Père distinct demeuré au ciel ,
comme on le croit communément ), et dit:
Cest ici mon Fils Bien-Aimé, écoutez-le.
Le même être adorable reparaît enfin dans
l'Apocalypse : Au milieu des sept chande
liers d'or, dit saint Jean , je vis quelqu'un
qui ressemblait au fils de l'homme. //
êtaitvêtu d'une longue robe,et ceint d'une
ceinture d'or au-dessus des mamelles. Sa
tête et ses cheveux étaient blancs comme
la laine pure et comme de la neige , et ses
yeux paraissaient comme uneflamme de
feu. Ses pieds étaient semblables à de Vai
rain fin, quand il est dans une four
naise ardente (Apoc. i, i3, i4 ? *5)-
Ici, le personnage que Jean désigne par
le mot quelqu'un, n'est évidemment autre
que le CRÉATEUR apparaissant sous une
forme emblématique. Il ressemblait au
FILS DE L'HOMME, parce que JÉSUS
LE VRAI MESSIE. 2i9
CHRIST n'était qu'un être identique avec
ce même CRÉATEUR. L'agneau, dit ail
leurs Jean , vint recevoir le livre des mains
de CELULqui était assis sur le trône; où évi
demment Vagneau ne représente que l'hu-
» inanité de.ÏÉHOVAH, c'est-à-dire, le Dieu
incarné/le CHRIST ou Roiparexcellence;
et CELUI qui est assis sur le trône, la divi
nité du même Etre.
Dans tous ces passàges,les mots defils de
Dieu sont généralement appliqués aux di
vers emblèmes sous lesquels JEHOVAH s'est
montré, et avec lesquels il s'était plus ou
moins identifié. Car JEHOVAH se montre à
chacun selon sa capacité, ou selon l'idée
qu'il est essentiel de lui communiquer dans
le moment. Moïse, homme passionné,
voit Dieu dans une épine enflammée , et le
peuple d'Israël, qui ne connaît que le senti
ment de sa crainte, le voit dans une tem
pête. Chaque ange même du ciel doit voir
Dieu d'une manière un peu différente, selon
le degré de sa sagesse ou de son amour.
Et pour le dire en passant, les descrip
tions elles-mêmes de ces prophètes, vivant
à des époques si éloignées, commesont celles
10.
330 LE VRAI MESSIE.
do saint Jean et d'Ézéchiel, descriptions
toutefois d'une ressemblance si parfaite,
suffiraient pour démontrer à l'esprit le plus
préoccupé que JÉHOVAHetJÉSUS-CHRIST
ne sont qu'une même personne et qu'un
même être, appelé tantôt PÈRE, tantôt FILS,
tantôtJÉHOVAH, tantôt le MESSIE, tantôt
FILSDE DIEU, tantôt FILS DE L'HOMME,
selon les diverses manières de l'envisager.
D'après tout cela , et vu Vunité absolue
de l'ÊTRE DIVIN, inculquée si fortement
par toute l'EcriturerSainte, la seule vraie si
gnification des motsJïls de Dieu appliqués
à JÉSUS-CHRIST, doit être celle-ci : le Dieu
de gloire, le Dieu créateur, c'est JÉ-
HOVAH PÈRE; le verbe, la par-oie, le
Dieu incarné et rédempteur, c'est JÉ-
HOVAH FILS; en tant qu'amour, ou puis
sance, ou volonté éternels, Dieu est PÈRE ,
en tant qu'éternelle sagesse ou éternelle
vérité, il est FILS; en tant que moi uni
versel, il est PÈRE , en tant que moi person
nifiéparticulièrement en Judée, il est FILS;
enfin, en tant que né immédiatement par
la vertu du Tres-Haut, il est FILS DE
DIEU, en tant que né par amour pour
LE VRAI MESSIE. 22 1
les malheureux mortels , il est FILS DE
L'HOMME: par où l'on voit que la qualité
de FILS DE L'HOMME est réellement su
périeure à celle de FILS DE DIEU; l'une
ne se rapportant qu'au VERBE ou à la VÉ
RITÉ, l'autre à ï'AMOUR. Mais quant à Vu-
nitéïïêtre, comme de^emm/2e,ellea tou
jours été une, indivisible et absolue dans
Vessence divine, et le sera éternellement.
JÉSUS-CHRIST , dit l'apôtre Paul lui-même,
étant dans la forme de Dieu, .n'a pa.s craint
de s*anéantir et de paraître sur la terre sous
la forme de l'esclave ; en d'autres termes ,
JÉHOVAH apparaissant dans le ciel sous la
forme d'un homme divin, n'a pas craint de
se montrer sur la terre sous la forme d'un
faible mortel. C'est donc le même ETRE
ineffable, la même PERSONNE DIVINE,
qui nous a créés et qui nous a rachetés ; qui ,
comme créateur, nous a montré sa puis
sance, et qui, comme réparateur, nous a
prouvé son amour. Quand on s'en tient stric
tement aux expressions simples de l'Évan
gile, Dieu manifesté en chair , leverbefait
chair,etqu'on ne réunitpas toutce que l'es
prit humain a de plus sophistique pour les
222 1E VRAI MESSIE.
embrouiller, tout demeure clair et intelligible
dans la grande démarche de JEHOVAH pa
raissant en roi au milieu de ses enfans.
QueMarie soitrestéevierge,malgrésa con
ception, la chose est fort claire, puisque l'E-
TRE CRÉATEURs'estincarnélui-même, par
saproprevertu créatrice, appeléeSaint-Esprit
par l'ange. JEHOVAH, le, roidegloire, est lui-
même,en un sens,leyt>ère deJÉHOYAHhumi-
lié et anéanti dans le sein de Marie : JEHO
VAH es,t, pour ainsi dire,fils à lui-même; ce
qui se conçoit parfaitement, malgré la singu
larité de l'expression : tandis que, dans la mar
nière ordinaire d'entendre ce mystère, l'ab
surdité saute aux yeux : outre l'idée funeste
d'une multiplicité de dieux, qu'une distinc
tion ree//edepersonnesnepeutquefaire naî-
tre,ilya encore là cetinconvénient,quela per
sonne du CHRIST serait plus véritablement
fils de la personne appelée Saint-Esprit,
que de celle appelée Père, puisqu'il est dit :
elle conçut du Saint-Esprit.
Mais ce qui prouve jusqu'à l'évidence que
notre explication est la seule vraie, c'est que
l'ange lui-même répète deux fois , que CE
LUI qui naîtra de Marie ne sera ^w'appe
• LE VRAI MESSIE. 223
lé Fils de Dieu; c'est que pour faire voir que
Marie ne fournira que la chair mortelle du
Û4ESSIE , il se sert des mots, la chose sainte
qui naîtra de toi, évitant de dire, Venfant
qui naîtra de toi.
Et en consignant ici, pour la première fois,
une vérité aussi importante, nous osons con
jurer le lecteur, au nom detout ce qu'il y a de
plus sacré, de ne jamais plus entendre que le
même et unique JEHOVAH, sous le nom de
Fils comme sous celuide Père, s'il veut con
server des idées claires sur la Divinité, et ne
point s'exposer à perdre entièrement la foi
au Dieu créateur aussi bien qu'au Dieu ré
dempteur, en divisant et en multipliant
dans son esprit l'ÊTRE DES ÊTRES.
Joseph aussimonta de Galilée en Judée,
savoir, de la ville de Nazareth à la ville
de David, nommée Bethléhem, parce qu'il
était de la maison et de lafamille de Da
vid, pour être enregistré avec Marie , son
épouse, qui était enceinte. Et pendant
qu'ils étaient là, le temps auquel elle de
vait accoucher arriva. Et elle mit au
monde son premier né; et elle l'emmail-
lotta et le coucha dans une crèche, parce
524 LE VRAI MESSIE. •
qu'il n'y avait point de place pour eux
dans l'hôtellerie. Or, il y avait dans la
même contrée des bergers qui couchaient
auoc champs, et qui gardaient leurs trou
peaux pendant les veilles de la nuit. Et
tout à coup un ange du SEIGNEUR se
présenta à eux,et la gloire du SEIGNEUR
resplendit autourd'eux, et ilsfurent saisis
d'une grande peur. Alors l'ange leur dit :
N'ayez point de peur, carjevous annonce
unegrandejoiequiserapourtout le-peuple:
c'est qu'aujourd'hui, dans la ville de Da
vid, un SAUVEUR, qui est le CHRIST, le
SEIGNEUR, vous est né; et vous le recon
naîtrez à ceci : c'est que vous trouverez
LE PETIT ENFANT EMMAILLOTTÉ ET COUCHÉ
dans une crèche. Et au même instant il
y eut avec Vange une multitude de l'armée
céleste, louantDieu et disant : Gloiresoit à
Dieu au plus haut des cieux , paix sur la
terre aux hommes de bonne volonté ( Saint
Luc, du verset 4 au i4me )•
D'après l'Ancien Testament , ainsi que
nous l'avons vu, le MESSIE devait naître à
Bethléhem, et malgré cela, être appeléNa
zaréen ; il devait être SEIGNEUR, CHRIST
-X
LE VRAI MESSJE. 223
el SAUVEUR , DOMINATEUR, ROI et RÉ
DEMPTEUR, et paraître en même temps
si humble et si pauvre^ qu'à peine il pût être
remarqué. N'est-ce point là l'Etre étonnant
dont les anges annoncent ici à des bergers
la réjouissante naissance, et dont l'histoire
nous a transmis depuis des détails Si divins
sur sa vie et sur sa mort?—Et vous le recon
naîtrez à ceci : c'est que vous trouverez
LE PETIT ENFANT EMMAILLOTTÉ ET
COUCHÉ DANS UNE CRÈCHE! — Philo-
sophesdudix-neuvièmesiècle, quelle marque
pour reconnaître le Dieu de l'univers! ! ! —
De grands hommes toutefois, et des hommes
qui se piquaient de philosophie comme vous,
l'ont reconnu. Et encore tous les jours de
profonds génies, admirés comme tels de l'u
nivers civilisé, deviennent so\i\ent chrétiens
àforce de philosophie , sans que leurs fri
voles contemporains s'en doutent. Le mo^1
ment même n'est pas éloigné où plus d'un
de ces hommes vraiment grands, vraiment
philosophes, déconcerteront le siècle incré
dule et vain par une déclaration franche et
éclatante. Nous nous attendons du moins à
une conduite aussi belle et aussi noble de la
22Ô LE VRAI MESSIE.
part de ceux qui nous ont fait l'honneur de
nous entretenir en particulier de _eette im
portante matière , et de nous avouer qu'ils
étaient chrétiens. Quant à nous-mêmes,
nous n'avons acquis aucun droit à nous mêler
dans leurs rangs : jusqu'ici nous ne sommes
connu dans le monde que par une démar
che que quelques personnes ont bien voulu
appeler courageuse : qu'on nous permette
toutefois de déclarer ici que, tout en conti
nuant d'admirer plus d'une page de Jean-Jac
ques, nous ne laissons pas d'être devenu un
chrétien plus décidéque ne l'était cethomme
immense qui se surprenait quelquefois à
prouver le pour et le contre, mais qui évi
demment était encore cent fois plus chré
tien que tous ses prétendus disciples du
dix-neuvième siècle, qui, ou ne l'ont jamais
/«-, ou ne l'ont jamais compris (i). Nous
"devenons même chrétien tous les jours da-
(i) Il est impossible, en lisant certains passages de
Jean-Jacques sans prévention, de ne pas reconnaître
en lui certaines convictions chrétiennes. Jamais un hy
pocrite, n'eût trouvé ce ton; une incrédulité absolue
n'eût jamais parlé avec cette chaleur, Jean-Jacques ,
d'ailleurs, hypocrite! quel blasphème ! Ah ! si l'homme
Le vrai messii*. "2'ï+j
vantage, à mesure que nous nous élevons
mieux au-dessus de tout fanatisme et de
toute superstition. Oh! que ne nous est-il
donné de faire connaître de même de tous
nos contemporains cet antique JEHOVAH
de l'univers, devenu aujourd'hui JESUS-
CHRIST; cet EHEJEH de Moïse, ce DIEU
$Abraham, SIsaac et de Jacob , qui
parlait autrefois, et qui maintenant nous
est présent ! Que ne nous est-il donné de
faire connaître de tous les hommes ce Dieu
caché des prophètes , manifesté en chair,
ce Dieu métaphysique des philosophes i
devenu saisissable , cet ETRE DES ÊTRES,
en un mot, que nous cherchons souvent si
loin, tandis qu'il est à notre côté! Malheu
reux! vous voulez seulement oue Dieu soit
puissant, vous ne voulez pas qu'il soit BON
aussi! Juifs modernes, vous seriez peut-
être prêts à adorer JÉHOVAH dans quelque
grand conquérant terrestre revêtu de pour
rie la nature a déclaré que la mort de JÉSUS-CHRIST
luiparaissait la mort d'un DIEU , nous pouvons bien
l'en croire. Et quand on accorderait que Rousseau
doutait, toujours sera-t-il qu'il n'avouera jamais pour
ses disciples des hommes qui ne doutent de rien»
228 LE VRAI MESSIE.
pre et entouré de flatteurs; mais vous ne
voulez point le reconnaître dans ce héros
de l'évangile qui n'avait oà reposer sa
tête. Depuis quand donc un acte de bonté
et de vertu, depuis quand un sentiment
de bienveillance et iïamour , ne sont-ils
pas plus grands que la conquête de l'u
nivers?
L'emblème de berger est assez facile à
deviner, aussi bien que la raison pour la
quelle des pâtres furent informés de la nais
sance du RÉDEMPTEUR préférablement
aux monarques de la terre. La naissance
dans une crèche est un problème plus dif
ficile à résoudre; à moins qu'elle n'ait un
rapport éloigné avec la nourriture, et, par
suite, avec l'état de dégradation morale
dans lequel le RÉDEMPTEUR a trouvé le
genre humain à son arrivée; dégradation
telle , que les hommes s'étaient rangés au
niveau des brutes.
SEIGNEUR, dit le vieillard Siméon, tu
laisseras maintenant mourir ton servi
teur en paix selon ta parole; car mes
yeux ont vu ton SAUVEURque tu aspré
paré pour être exposé à la vue de tous les
1E VAAI MESSIE. 2^g
peuples^pour être la lumière quidoit éclai
rer les nations et la gloire de ton peuple
Israël. . . V^oici, cet enfant est mispour être
une occasion de chute etde résurrection de
plusieurs en'Israè'l(Si. Luc, il, v. 29 au 34).
Qui ne reconnaît ici l'apparition réelle de
ce LIBÉRATEUR si long-temps promis et
si long-temps attendu? Qui ne reconnaît
avec Siméon dans cet ENFANT PRÉCIEUX
qu'il tient entre les bras, la pierre d'achop
pement , lapierre de Vangle, dont parlaient
les prophètes?
Mais passons à saint Jean, surnommé avec
raison le Théologvsn, parce qu'il a le mieux
compris la nature de son Maître, probable
ment pour l'avoir le mieux aimé. Tâchons
de suivre cet aigle s'élançant d'un vol assuré
vers le soleil éternel : nous ne ferons que
nous confirmer de plus en plus dans toutes les
vérités que nous avons reconnues jusqu'ici.
Au commencement était la PAROLE,
et la PAROLE était avec DIEU , et la PA
ROLE était DIEU. Elle était au commen
cement avec Dieu. Toutes choses ont été
faites,par elle , et sans elle rien de ce quia
étéfait n'a étéfait. En elle était la viE,ef
23o LE VRAI MESSIE.
la vie était la lumière des hommes; et la
lumière luit dans les ténèbres; mais les
ténèbres ne l'ont point reçue... Et la PA
ROLE A ÉTÉ FAITE CHAIR, elle a ha
bitéparmi nous; et nous avons contemplé
sa gloire, une gloire comme d'un Fils uni
que du Père, plein de grâce et de vérité
( Saint Jean, i, i , a, 3, \, 5,... i4)-
Jusqu'au verset 5, saint Jean parle de
JÉHOVAH comme manifestant seulement
son essence divine par l'action, ou la créa-
tion (i),etson influence sur les êtres comme
vie et comme lumière. De là ce verbe , cette
parole , que l'on a eu raison depersonnifier,
mais que l'on n'eut jamais dû distinguer de
la personne même de l'ÊTRE CRÉATEUR.
LayôrroedeDieu n'est que son essence vue,
autant qu'elle peut l'être; et cette essence
ne peut être vue que comme vérité, puis
que la bonté manifestée devient vérité ,
ainsi que saint Jean l'exprime par ces mots :
La PAROLE était avec DIEU au com
mencement, et cette PAROLE était elle-
(i) La création n'est elle-même qu'une manifesta
tion ; car , comme nous l'ayons dit , créer , pour Dieu >
n'est que montrer.
LE VRAI MESSIE. 23 i
même DIEU (i). A quoi il ajoute que les
ténèbres n'ont point reçu cette PAROLE ,
parce que les intelligences créées , égarées
par le sentiment de leur propre excellence,
n'ont plus voulu reconnaître pour leur
CRÉATEUR ce VERBE, ou cette FORME
DIVINE qui leur apparaissait comme PÈRE.
Et c'est alors que cette PAROLE , ou VERBE,
s'est fait chair, pour forcer ainsi l&foi
des êtres les plus enfoncés dans la matière.
Si, par ce qu'il appelle la PAROLE, saint
(i) Cetfe vérité, comme nous l'avons vu dans la
première partie, était déjà renfermée implicitement
dans le nom ÏÏAdonaï donné à Dieu dans l'Ancien
Testament : ce qui a fait dire, depuis, à saint Paul,
que JESUS -CHRIST est le commencement de ta
créature de Dieu; en d'autres termes, qu'il est une
substance produite spontanément , par opposition à ce
qui est réellement créé. C'est le genitum non factum ,
le lumen de lumine du Concile de Nicée. C'est même ,
si l'on veut, l'ange de M. Brouwer, dont il a été ques
tion il y a quelque temps dans les feuilles publiques ;
car évidemment cet auteur, dans sa dissertation, a
plutôt entendu parler de Informe angélique, insépa
rable de Dieu manifesté, que d'un individu distinct
de sa personnalité divine , en qui Dieu se serait trans
formé préalablement à son apparition sur notre
globe.
23a 1E VRAI MESSIE-
Jean avait entendu un Filsproprement dit,
et personnellement: distinct de Dieu , il l'eût
déclaré sans détour, et n'eût point employé
ce mot vague de parole , susceptible de tou*
les sens qu'on veut bien lui donner. Parole,
en grec, Aoyeç, en hébreu, -ot (Dabar),
signifiait anciennement chose, essence in
connue, substance dont on ignore les at
tributs ou principes constitutifs , et dont
un sonfugitif, un vain son, était en effet
l'emblème le plus naturel : il y avait loin de
là à l'idée du Concile de Nicée. Platon lui-
même , qui a donné lieu à l'erreur de la plu
ralité des personnes, déclare, en propres
termes, que par le Logos il n'entend que la
sagesse de Dieu. Le ternaire par lequel
Platon exprimait la triple essence dela divi-
vinité, en tant que perçue par l'homme,
était AyaQov , . bonté, Nous , intelligence,
et Hav^rt, vie (i). Rien n'était plus vrai,
(i) Il est des auteurs qui donnent d'autres noms
aux trois principes de Platon. Le premier, selon eux ,
est ïlpuroi Qiof, le second, Attftiovpyos ; le troisième,