78 PSYCHOLOGIE POSITIVE LE YOGA DU RIRE « Nichée dans une profonde vallée du parc national des Pyrénées, la station thermale de Luz-Saint-Sauveur évolue dans ses pratiques en proposant des cours hebdomadaires de yoga du rire. La séance se tient dans une salle spacieuse, parcourue sur toute la longueur par une baie vitrée qui offre une vue grandiose sur les montagnes alentour, baignées dans la lumière apaisante des matins d’automne. Nous sommes quatorze femmes rassemblées autour de Pascale, professeure certifiée en yoga du rire auprès de l’Institut français du Yoga du rire & du rire-santé. De sa voix claire, elle commence, souriante, par délivrer quelques recommandations. Sur le plan physiologique, elle nous conseille d’inspirer en gonflant le ventre pour libérer le diaphragme et de nous arrêter si un exercice est douloureux sur le plan respiratoire ou émotionnel. Sur le plan affectif, elle demande à chacun de faire preuve de bienveillance envers les membres du groupe, avant de déclarer : « Si vous vous sentez ridicules, c’est que vous êtes sur le bon chemin ! » Elle nous explique que le cerveau ne fait pas la différence entre un rire simulé et un rire vrai. Les bienfaits physiologiques et psychologiques sont les mêmes. Il s’agit donc bien de rire sans raison (et sans parler), ce qui représente pour moi une véritable prouesse ! Notre rédactrice Marine Laclédère a testé… L’immersion La séance commence : placées en cercle, nous nous lançons dans un exercice vocal qui consiste à chanter des « ah oh ah ah oh ». Nous nous mettons ensuite en mouvement ; toujours en lançant des « ah » et des « oh », sourire aux lèvres, nous tapons des pieds et des mains pour stimuler les terminaisons nerveuses (les sumos le font trois cents fois par jour) et, lorsque nous nous croisons, nous maintenons le regard. Un petit temps d’étirements et le moment appréhendé arrive ! Chacune prend une grande inspiration et se met à rire. D’une voix qu’il faut mener jusqu’au bout et qu’il ne faut pas laisser s’éteindre avant de ne plus avoir de souffle. Je me sens complètement déstabilisée ; je me rends compte que je ne sais pas faire. Rire sans y injecter du sens n’est pas une tâche facile ! Ma voix a du mal à sortir, elle est comme coincée entre un visage authentique et un masque social. Puis je regarde autour de moi et je m’aperçois que les sourires, les rires font pétiller les yeux, illuminent les visages de chacune, leur donnent une attitude rassurante, bienveillante et enveloppante. Mon esprit se détend LE CONCEPT En 1995, le médecin indien Madan Kataria, pionnier du mouvement du rire à travers le monde, a développé une nouvelle technique d’accession au bien-être : le yoga du rire. Il a ensuite fondé le premier club du rire dans un parc public en Inde. Ces clubs sont aujourd’hui répandus dans soixante-douze pays. et mon corps aussi. Je commence à aborder les choses sereinement, même si je ne sais pas encore tout ce que cette séance me réserve ! Le voyage allégorique La voix rassurante de Pascale nous accompagne vers un nouvel exercice : il s’agit d’enlever un masque, de le regarder, de s’en moquer et, dans un grand mouvement, de le jeter et d’en rire. « Comme nous avons plusieurs masques empilés, nous le faisons plusieurs fois », explique-t-elle. Dans un rire qui, la séance avançant, devient de plus en plus collectif, chacune se libère, se moque de soi, prend de la hauteur et accepte d’être simplement là. Les exercices, qu’on pourrait qualifier de saynètes, s’enchaînent jusqu’à faire disparaître la notion d’étrangeté et d’étranger. J’assiste à la mutation de ma relation à moi-même, à l’autre, au lieu, et me sens parfaitement bien. Cette séance commence à me plaire ! Nous respirons ensuite une fleur imaginaire au parfum hilarant, nous passons une pommade qui fait rire, essayons de tenir un verre qui grossit… Nous voilà embarquées dans un véritable voyage allégorique au cours Qu’il soit provoqué par l’esprit ou par le corps, le rire est un euphorisant naturel et un véritable remède contre la morosité. Oublié les frimas de l’hiver, la pression du travail et les angoisses personnelles… Voyage antistress au cœur d’un phénomène biologique vieux comme l’espèce humaine.