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Du gris jusqu’au bout des doigts Documentaire de création 1
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2006 Du gris jusqu'au bout des doigts

Apr 04, 2023

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Page 1: 2006 Du gris jusqu'au bout des doigts

Du gris jusqu’au bout des doigtsDocumentaire de création

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Page 2: 2006 Du gris jusqu'au bout des doigts

Synopsis

Madagne, une petite ville perdue au Nord de la Sibérie.

Vladimir, metteur en scène moscovite, n’en peut plus de cette ville

étouffante et se bat malgré tout pour monter sa pièce sur les camps de

travail.

Alors que les répétitions touchent à leur fin, il découvre que sa

fille a décidé de partir à Saint-pétersbourg et que sa femme ne le

rejoindra pas.

La nuit venue, tandis qu’il marche au bord de la mer pour essayer de

recouvrer ses esprits, il rencontre un homme étrange qui va le

poursuivre dans un rêve très mouvementé...

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Page 3: 2006 Du gris jusqu'au bout des doigts

Note introductive

C’est l’été. Le soleil ne se couche jamais ; le ciel devient gris

clair la nuit venue. Nous sommes dans la petite ville sinistre de

Magadane, au bord de la mer. On ne voit que des petites montagnes nues

à la terre noire tout autour de la ville. Elles s’étendent au nord sur

des kilomètres dans toute la région de la Kolyma.

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Page 4: 2006 Du gris jusqu'au bout des doigts

Scénario

1. EXT. NUIT (GÉNÉRIQUE)

Le gris du ciel est clair.

2. INT. Théâtre : Bureau de VLADIMIR - JOUR

VLADIMIR écrit sur des feuilles reliées, une cigarette aux

lèvres. C’est son livret. Il est assis derrière un bureau. C’est

un homme d’une cinquantaine d’années aux cheveux gris plaqués.

La lampe posée sur le bureau éclaire son large visage. Des

papiers en vrac et un manteau traînent sur une petite table

adossée au bureau.

VLADIMIR écrase sa cigarette d’un geste vif, se retourne

subitement, ouvre la porte d’une armoire derrière lui, prend un

livre sur une étagère, le pose aussitôt sur son bureau et

l’ouvre. VLADIMIR allume nerveusement une cigarette et se penche

sur le livre. On frappe à la porte, VLADIMIR reste penché sur son

livre la cigarette aux lèvres.

La porte du bureau s’ouvre, UNE SECRÉTAIRE d’un certain âge

entre, fait deux pas et s’arrête. Son visage sévère tranche avec

ses cheveux décolorés en coup de vent.

LA SECRÉTAIRE

(sèchement)

Votre femme a encore appelé plusieurs fois !

VLADIMIR est penché sur son livre, il tourne une page.

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VLADIMIR

(agacé)

Oui, oui…Tout est prêt pour la répétition de

demain ?

LA SECRÉTAIRE (OFF)

(sèchement)

Oui Monsieur.

VLADIMIR

(agacé)

Encore combien de jours ?

LA SECRÉTAIRE se tient toujours debout près de la porte d’entrée

ouverte.

LA SECRÉTAIRE

(sèchement)

Huit jours. Les costumes sont prêts. Vous n’avez

plus besoin de moi ?

VLADIMIR lève la tête de son livre, la cigarette au bout des

doigts.

VLADIMIR

(retrouvant à moitié son calme)

Merci.

LA SECRÉTAIRE (OFF)

(sèchement)

Bonsoir Monsieur.

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On entend la porte claquer. VLADIMIR écrase sa cigarette. Il ôte

maladroitement ses lunettes et les glisse dans la poche

intérieure de sa veste. Il se passe les mains sur le visage, puis

sur la tête. Il souffle, quelque chose le tracasse.

Il se lève assez vite, contourne le bureau pour attraper son

manteau tandis que le téléphone sonne, il retourne rapidement

derrière le bureau et, après une hésitation, attrape son livret

et éteint la lampe de bureau. Le téléphone sonne toujours.

3. INT. Théâtre : Couloir – JOUR

VLADIMIR marche lentement dans un long couloir éclairé tandis

qu’une étrange sonnerie de téléphone se fait entendre. Le manteau

noir jeté sur les larges épaules de VLADIMIR flotte légèrement.

Une femme de cinquante ans à la voix rauque (OFF)

HELENA va partir… La pauvre, comment a-t-elle fait

pour rester si longtemps !

VLADIMIR traverse un grand hall sombre.

Une femme de cinquante ans à la voix rauque (OFF)

… Écoute VLADIMIR, je sais que tu es très pris par

ton travail, mais j’espérais que tu allais rentrer

après ces deux années ! je pense que je ne pourrai

pas non plus supporter de vivre là-bas et qu’il

vaut mieux que je reste à Moscou.

VLADIMIR tourne dans un autre couloir éclairé, il s’enfonce dans

le couloir et tourne à nouveau. L’étrange sonnerie continue de

tinter. Le couloir est vide.

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4. EXT. Cour du Théâtre - JOUR

UN CHAUFFEUR debout à côté d’une voiture noire fume une cigarette,

au milieu d’une cour. La lumière est claire, un filet de ciel

apparaît au-dessus du grillage au fond de la cour.

VLADIMIR surgit brusquement et fait quelques pas rapides en

direction de la voiture tandis que LE CHAUFFEUR écrase sa

cigarette par terre et ouvre la portière arrière. VLADIMIR grimpe

dans la voiture, LE CHAUFFEUR ferme la porte.

5. INT. Cour du Théâtre : Voiture - JOUR

Une lumière douce éclaire le visage bien rasé de VLADIMIR, ses

yeux bleus clairs sont vifs. La lunette arrière de la voiture est

légèrement teintée.

VLADIMIR

(impatient)

Rue Octrabrskaïa !

LE CHAUFFEUR conduit. Il se rapproche de la porte d’entrée de la

cour du théâtre.

LE CHAUFFEUR

Bonne journée Monsieur Barlyaev ?

VLADIMIR observe le paysage à travers la vitre. Il se retourne et

souffle.

VLADIMIR

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(énervé)

Encore un an à tirer dans ce trou perdu !

LE CHAUFFEUR conduit toujours. Il regarde dans le rétroviseur.

LE CHAUFFEUR

Vous n’étiez pas obligé de rester !

VLADIMIR regarde droit devant lui.

VLADIMIR

(retrouvant à moitié son calme)

Si je m’en vais, il n’y a personne pour me

remplacer dans l’immédiat, et puis je me suis

engagé personnellement ! Je sais bien que personne

ne s’intéresse aux camps de travail et que l’art ne

sauvera rien, mais je tiens à continuer mon

travail, vous comprenez ?

LE CHAUFFEUR (OFF)

Vous tiendrez le coup !

Ils parcourent une large avenue, il y a peu de voitures, des

immeubles passent de chaque côté de l’avenue, la voiture ralentit…

Personne ne traverse au feu.

Ils parcourent à présent une rue calme, on voit au loin une place

spacieuse avec une statue imposante au milieu. Ils se rapprochent

de la statue. On reconnaît Lénine, un bras tendu.

Ils prennent une route en mauvais état qui descend, des entrepôts

puis des terrains vagues passent de chaque côté de la route.

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6. EXT. Rue Octrabrskaïa : Cité - JOUR

De jeunes adolescents traînent devant la cage d’escalier d’un

grand immeuble délabré. Ils échangent quelques mots et quelques

rires entre deux gorgées de bière. Un jeune s’assoit sur la cage

d’escalier, il roule un joint. Un autre sort du magasin

d’alimentation collé à la cage d’escalier avec des cannettes de

bière, il les distribue, des cigarettes s’allument. Les balcons

en bois se détachent de la façade de l’immeuble.

La portière de la voiture s’ouvre, VLADIMIR descend.

VLADIMIR

Attendez-moi.

On entend la portière claquer, VLADIMIR marche sur le sol en

terre battue cabossé, il passe devant les jeunes sans y prêter

attention, ouvre la porte de la cage d’escalier et entre dans

l’immeuble.

7. INT. Cité : Cage d’escalier - JOUR

Les marches d’une cage d’escalier sordide et sombre se succèdent,

le bruit des pas sur les marches résonne, les portes d’entrée

d’un étage surgissent, elles sont en acier, puis d’autres marches

se succèdent à nouveau.

8. INT. Cité : Appartement d’HELENA - JOUR

HELENA lève un bras en l’air, elle tient un billet au bout des

doigts, le billet tourne en l’air. C’est une jeune femme d’une

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trentaine d’années au visage dur, ses cheveux courts sont

décolorés.

HELENA

(en riant nerveusement)

J’me casse, j’me casse de cette ville de merde.

VLADIMIR fume une cigarette, il est assis sur le bord d’un vieux

canapé.

VLADIMIR

(dérouté)

Et ton travail à la radio ?

HELENA s’assoit sur le canapé à côté de VLADIMIR, elle allume une

cigarette.

HELENA

(retrouvant à moitié son calme)

J’tiens plus ici, j’vais m’installer chez IRINA.

ELLIPSE

HELENA et VLADIMIR regardent devant eux, face à la fenêtre au

fond du salon. HELENA pose délicatement une main sur l’épaule de

VLADIMIR.

HELENA

(tristement)

Tu vas me manquer papa…

VLADIMIR

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Page 11: 2006 Du gris jusqu'au bout des doigts

(calmement)

Tu verras HELENA, le temps passe beaucoup plus vite

à Saint-Pétersbourg.

Le visage d’HELENA est posé sur l’épaule de VLADIMIR, des larmes

coulent sur ses joues.

9. EXT. Rue Octrabrskaïa : Cité – NUIT

Le visage dur d’un jeune adolescent, il recrache de la fumée, un

autre visage dur aux traits marqués, il tire sur une cigarette,

un autre visage balafré, puis un autre visage marqué. On

reconnaît les jeunes aux regards sombres et fixes qui zonent

dans la cité.

La voiture s’éloigne lentement sur une route qui monte.

10. EXT. Rue Nagaievskaïa - NUIT

VLADIMIR regarde devant lui, assis derrière la vitre de la

voiture qui passe devant nous. Elle s’enfonce lentement sur une

route déserte. Le grand ciel gris clair répand une lumière douce

sur la route qui s’amincit et rejoint la mer grise. Tout est gris

excepté les monts noirs au loin, disposés de chaque côté de la

baie. La voiture s’éloigne toujours. Ce sont les nuits blanches

de l’été à Magadane.

11. EXT. Baie de Nagaïevo : Plage - NUIT

VLADIMIR enjambe une flaque d’eau sur le sol humide, la voiture

noire tourne au loin.

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Page 12: 2006 Du gris jusqu'au bout des doigts

Il y a quelqu’un à une vingtaine de mètres, il est assis sur un

tronc d’arbre posé sur le sable.

Un phare à feu fixe éclaire au loin quelques immeubles derrière

lesquels s’étendent les monts noirs sous le ciel gris clair.

L’homme assis sur le tronc esquisse un geste en l’air comme pour

saluer.

VLADIMIR marche sur le sable, il se rapproche puis s’arrête pour

observer les monts noirs qui flottent au loin de chaque côté de

la baie, entre mer et ciel.

Des mèches de cheveux noirs dépassent d’une chapka usée. On

découvre le visage chétif d’un jeune homme asiatique. Il a une

vingtaine d’années.

LE JAPONAIS

(un léger sourire aux lèvres)

Cigarette ?

Sa main attrape le paquet de cigarettes que lui tend VLADIMIR.

VLADIMIR (OFF)

T’es d’où ?

Le visage du JAPONAIS se découvre à nouveau, une cigarette

allumée au bout des lèvres. Il tend le bras comme pour indiquer

au-delà…

LE JAPONAIS

D’en face…

…des monts noirs sous le ciel gris clair, à l’extrémité de la

plage.

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Page 13: 2006 Du gris jusqu'au bout des doigts

VLADIMIR se tourne pour observer à son tour les monts noirs sous

le ciel.

VLADIMIR (OFF)

Prisonnier japonais ?

LE JAPONAIS (OFF)

Tokyo.

Un bateau s’éloigne sur la mer.

VLADIMIR (OFF)

D’ici on peut s’échapper.

VLADIMIR n’attrape pas le paquet de cigarettes que lui tend LE

JAPONAIS.

ELLIPSE

LE JAPONAIS assis sur le tronc d’arbre fume tout en observant

VLADIMIR qui marche au loin et a presque rejoint le phare

éclairé.

12. EXT. Baie de Nagaïevo : Quai - NUIT

VLADIMIR marche sur un quai le long d’un bateau de pêche, il

rabat le col de son manteau et glisse ses mains dans les poches

comme s’il avait froid. On entend des chiens aboyer au loin.

13. INT. Baie de Nagaïevo : Hangar - NUIT

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Page 14: 2006 Du gris jusqu'au bout des doigts

VLADIMIR contourne les flaques d’eau devant l’entrée d’un grand

hangar à quelques mètres du quai.

Le hangar profond est désaffecté et sombre mis à part de larges

ouvertures qui découvrent l’horizon. On entend des sons lointains

qui rappellent étrangement le cri des ours d’Asie.

VLADIMIR se dirige vers le mur du fond où quatre fenêtres

éclairent des escaliers sur plusieurs niveaux. Les sons étranges

continuent de tinter. VLADIMIR arrive à la hauteur des escaliers,

Il monte lentement les marches.

À travers l’ouverture d’un mur épais et sombre, la ville à moitié

illuminée apparaît au loin entourée de ciel, de mer et de terre

noire. On entend à présent des pas qui se rapprochent.

VLADIMIR vient devant la fenêtre et cache à moitié le paysage,

laissant monter la fumée de sa cigarette. La fumée se dissipe. On

entend l’aboiement lointain des chiens.

VLADIMIR écrit sur son livret, tout près d’un tabouret où repose

une bougie allumée, il est assis sur un grabat au ras du sol. Des

restes de bougies traînent par terre.

La main de VLADIMIR écrit sur une page du livret, on peut lire au

fur et à mesure Le soldat impassible range les mains des évadés dans son sac et

essuie sa hache.

VLADIMIR ferme son livret, le glisse à l’intérieur de son manteau

et souffle sur la bougie. Il s’allonge sous une couverture et

s’endort.

NOIR

14. INT. Baie de Nagaïevo : Hangar – NUIT (RÊVE)

Il y a quelqu'un au pied du grabat. VLADIMIR se redresse subitement, attrape la bougie

restée allumée sur le tabouret et éclaire le visage inquiétant d’UN HOMME. Son teint

cadavérique contraste avec ses lèvres bleues et ses yeux noirs.

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Page 15: 2006 Du gris jusqu'au bout des doigts

VLADIMIR (OFF)

(légèrement affolé)

Qui es-tu ?

L’HOMME

Je suis le Temps, tu me cherches depuis un certain temps.

VLADIMIR (OFF)

(légèrement affolé)

Je sais.

L’HOMME

Tu as l’air inquiet, es-tu prêt ?

15. INT. Route de la Kolyma : Camion - JOUR

VLADIMIR se redresse subitement, il est dans un camion. Ses yeux bleus clairs sont

grands ouverts.

VLADIMIR

Où allons-nous ?

Une route défile de l’intérieur du camion, derrière le visage cadavérique de l’HOMME. Ses

yeux noirs sont menaçants, un large sourire exhibe des dents en or.

L’HOMME

(après un temps mort)

Au bout du voyage, sur une route qui ne mène nulle part…

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Une route défile de l’intérieur du camion, des monts violets et noirs se rapprochent, ils

s’étendent à perte de vue. Le ciel est clair, tout est silencieux. C’est le grand jour ensoleillé

des monts de la Kolyma.

16. EXT. Route de la Kolyma : Route - JOUR

VLADIMIR marche avec peine sur une route en terre battue comme s’il y avait du vent. Les

monts ensoleillés se rapprochent lentement. On entend le chant d’oiseaux.

L’HOMME se tient debout sur le seuil d’une porte, au milieu de la route. Les monts

ensoleillés s’étendent toujours au loin à perte de vue. VLADIMIR le rejoint avec peine, il lui

fait un geste. Tout est silencieux.

17. INT. Route de la Kolyma : Camion - JOUR

De l’intérieur du camion, on voit l’HOMME toujours au seuil de la porte qui a été rejoint

par HELENA. Un voile est noué autour de son visage et une pèlerine de laine protège ses

épaules. Autour d’eux, un vaste cimetière, de simples croix autour de la route. Le camion

démarre lentement, HELENA se met à courir.

Le camion dépasse un homme, il pousse une brouette, il se retourne, on reconnaît LE

JAPONAIS une cigarette aux lèvres.

La femme de VLADIMIR à la voix rauque (OFF)

Reste là-bas sale con ! j’espère que tu vas tu vas y laisser ta peau!

Le camion accélère, HELENA court toujours au loin, elle tend les bras.

18. INT. Baie de Nagaïevo : Hangar - NUIT

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VLADIMIR possède UNE JEUNE FEMME aux cheveux longs, elle jouit, ses doigts s’enfoncent

dans le dos de VLADIMIR qui fait des va et viens rapides.

On reconnaît le grand hangar sombre au bout duquel un grand feu est allumé. On

entend à nouveau le hurlement des chiens.

VLADIMIR effondré tient sa tête entre les mains, il pousse un cri déchirant.

19. EXT. Avenue Karl Marx : Théâtre - JOUR

La voiture s’arrête sur une avenue devant le Théâtre d’Art

Dramatique. VLADIMIR descend de la voiture et se dirige

rapidement vers la grande porte d’entrée.

20. INT. Théâtre : Bureau de VLADIMIR - JOUR

Une affiche est dépliée sur le bureau, on y voit un mirador le

long d’une route entourée des monts qui s’étendent au loin. Des

grosses lettres indiquent Vladimir Alekseevich Barlyaev présente LES CAMPS

DE L’EXTREME NORD.

VLADIMIR observe l’affiche une cigarette au bout des doigts, il a

l’air distrait. UN HOMME se tient à ses côtés.

VLADIMIR

(se reprenant)

Très bien, très bien.

L’HOMME enroule l’affiche rapidement et sort du bureau tandis que

LA SECRÉTAIRE entre, elle tend un dossier à VLADIMIR qui

l’attrape à contrecœur.

LA SECRÉTAIRE

(sèchement)

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Les comédiens sont prêts.

VLADIMIR

(énervé)

Oui, oui, j’arrive…(il laisse tomber le dossier sur le bureau)

LA SECRÉTAIRE quitte le bureau, VLADIMIR écrase sa cigarette. Il

se passe les mains sur le visage, il a l’air épuisé. Il contourne

avec hâte son bureau.

21. INT. Salle des répétitions - JOUR

Deux grands totems sculptés de bois se font face autour d’une

porte. Elle s’ouvre, VLADIMIR entre d’un pas précipité, il

rejoint les trois comédiens qui discutent à quelques mètres.

VLADIMIR

(chaleureusement)

Bonjour, je suis encore en retard. Bien, on

reprend.

La gueule souriante d’un totem exhibe d’énormes canines. On

dirait un dragon.

Deux comédiens jouent sur scène, deux grands totems se font face

à chaque extrémité de la scène. UN JOLI GARCON de dix-huit ans

environ gratte en souriant la plante du pied d’UN HOMME AU TORSE

TATOUÉ d’une trentaine d’années vêtu d’un jean, il est allongé

sur les planches du haut d’un châlit. Le sol en marbre tranche

avec le plafond en damier.

L’HOMME AU TORSE TATOUÉ

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Fous le camp MARIA, tu n’as aucune tendresse.

LE JOLI GARCON s’allonge sur les planches du bas d’un autre

châlit. Le troisième comédien surgit au milieu des deux châlits,

il porte des lunettes et une écharpe autour du cou. Il a l’air

effaré, c’est un jeune homme d’une vingtaine d’années.

L’HOMME AU TORSE TATOUÉ

Alors PLATONOV, on t’a interrogé ?

PLATONOV

(affolé)

On vient de me réaffecter aux travaux pénibles.

L’HOMME AU TORSE TATOUÉ

On va t’expédier sur la lune…(il rit d’une manière

sadique)

PLATONOV s’effondre au pied du châlit et pleure.

L’HOMME AU TORSE TATOUÉ

…Donnes-moi ton écharpe, tu n’en auras plus besoin…

VLADIMIR (OFF)

(autoritaire)

…Bien, on arrête.

VLADIMIR rejoint PLATONOV au pied du châlit.

VLADIMIR

(captivé)

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Écoute, on ne sent pas assez le désespoir, on est

en 38, tout le monde sait que Moscou a ordonné que

ces criminels exterminent les intellos, et toi tu

es un intello qu’on ramène à l’or, sur le front de

taille…Tu es perdu, tu comprends ?

PLATONOV

Oui, oui.

On voit une autre gueule de dragon aux dents longues et pointues.

VLADIMIR (OFF)

Bien, on enchaîne.

L’HOMME AU TORSE TATOUÉ fume un vieux mégot, il est assis sur les

planches du haut.

L’HOMME AU TORSE TATOUÉ

MARIA, montes, viens t’asseoir.

LE JOLI GARCON grimpe sur le châlit et s’assoit à côté de L’HOMME

AU TORSE TATOUÉ qui lui fait de la place et lui tend le mégot.

Ils sont collés l’un à l’autre. LE JOLI GARCON tire avec rage sur

le mégot.

L’HOMME AU TORSE TATOUÉ

Maintenant tu vas me raconter quelque chose de bien

long…(il glisse une main sur le visage du JOLI GARCON)… de bien

mordant.

L’HOMME AU TORSE TATOUÉ reprend le mégot.

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LE JOLI GARCON

(d’une voix fébrile)

En tout c’est le destin qui nous mène, et nul ne

peut lui échapper…

Le visage de VLADIMIR est attentionné, une lueur de gaîté se lit

dans son regard.

VLADIMIR

(captivé)

…C’est ça, reprend-le encore une fois !

LE JOLI GARCON (OFF)

(d’une voix fébrile)

… En tout c’est le destin qui nous mène, et nul ne

peut lui échapper. Partout c’est lui qui nous

emmène, et nous allons, dociles, où il nous dit

d’aller…

22. EXT. Place Lénine - JOUR

Les toits dorés et arrondis d’une cathédrale blanche brillent

sous le ciel clair.

LE JOLI GARCON (OFF)

(d’une voix moins fébrile)

…Et celui qui possède la force de lutter, qu’il

lutte jusqu’au bout contre sa destinée.

La cathédrale tourne lentement sur elle-même.

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23. EXT. Rue Proletarskaïa - JOUR

Un immeuble sous un filet de ciel, un mont au loin, un autre

immeuble, un terrain vague et les monts au loin, un autre

immeuble. Les immeubles se ressemblent tous, gris et délabrés.

24. EXT. Avenue Lénine : Voiture - NUIT

De l’intérieur d’une voiture on voit un casino aux devantures

illuminées, quelques personnes marchent sur le trottoir, une

petite chapelle, les grilles d’un parc derrière lesquelles des

arbres s’élèvent, l’entrée spacieuse du parc, il est fermé.

ELLIPSE

VLADIMIR est assis à l’arrière de la voiture à côté du JOLI

GARCON, ils se tordent de rire. La voiture s’arrête.

LE JOLI GARCON

(joyeux)

Merci de m’avoir raccompagné, reposez-vous VLADIMIR

!

LE JOLI GARCON sort de la voiture.

VLADIMIR

(chaleureusement)

De rien, bonsoir OLEG, à demain.

La portière claque et la voiture redémarre. Le visage de VLADIMIR

est détendu.

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25. EXT. Rue Nagaievskaïa - NUIT

On voit à nouveau la route qui rejoint la mer, et les monts noirs

qui ont l’air de flotter de chaque côté de la baie au loin. La

voiture noire s’enfonce une nouvelle fois sur la route. Le ciel

est gris clair.

26. EXT. Baie de Nagaïevo : Plage - NUIT

VLADIMIR marche à nouveau sur le sable, il frappe violemment du

pied une canette de bière qui traîne au sol. Il rejoint le phare

qui éclaire les immeubles au loin.

27. EXT. Baie de Nagaïevo : Cabanon - NUIT

VLADIMIR marche les mains dans les poches vers un cabanon en

ruine, il arrive devant l’entrée sans porte. Il regarde la

fenêtre délabrée avant d’entrer.

De l’intérieur du cabanon, VLADIMIR fume tout en regardant devant

lui, à l’entrée. Il tousse et se racle la gorge. Il sort du

cabanon.

Il fait quelques pas, arrive à l’angle du cabanon et se dirige

vers un lavabo de fortune à quelques mètres. Il s’asperge la

figure d’eau.

Les gouttes d’eau dégoulinent sur le visage de VLADIMIR penché

sur le lavabo. Il a l’air à moitié inquiet.

Les monts noirs au loin ont l’air une nouvelle fois de flotter de

chaque côté de la baie.

28. EXT. NUIT (GÉNÉRIQUE)

Le gris du ciel est clair.

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