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Joseph Sumpf
A quoi peut servir l'analyse de discours ?In: Langages, 12e
anne, n55, 1979. pp. 5-16.
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Sumpf Joseph. A quoi peut servir l'analyse de discours ?. In:
Langages, 12e anne, n55, 1979. pp. 5-16.
doi : 10.3406/lgge.1979.1822
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1979_num_12_55_1822
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J. SUMPF Paris VIII - Vincennes
QUOI PEUT SERVIR L'ANALYSE DE DISCOURS ?
L'analyse de discours en France est la fois rpandue et
controverse. On trouve le terme discours dans des titres (le
Discours de la guerre de GLUCKSMANN, l'Ordre du discours de
FOUCAULT, etc.), dans l'usage courant (ROCARD parle du discours
bris de MARCHAIS) et dans la tradition linguistique franaise
(GUILLAUME, BENVENISTE). Analyse a trait des procdures proches de
l'analyse de contenu, de l'analyse documentaire, de l'analyse
componentielle, de l'analyse de rcit et de l'analyse de discours au
sens de HARRIS. Tout cela constitue un ensemble de textes vaste,
plus vaste que la Textlinguistik allemande et plus vaste que ce qui
se trouve sous le mot discours aux Etats-Unis. Il est vident que
l'extension de l'analyse de discours en France tient ce que, ds le
XIIIe sicle, l'Universit de Paris est le lieu privilgi de
l'explication de textes (la praelectio), pratique essentielle, avec
la disputatio, du modus parisiensis oppos au modus bolognensis.
Mais cette rfrence une diachronie longue n'appartient pas ou
appartient peu l'ensemble de textes appel analyse de discours . Il
serait malsant aujourd'hui, en France, dans l'Universit, de parler
d'explication de textes. C'est vieux, c'est commun, c'est un des
aspects de l'institution scolaire et l'institution scolaire c'est
le Pouvoir, la sclrose, l'oppression des professeurs et des
enfants. De ce fait, l'analyse de discours se garde de
l'explication de textes. Mais elle n'est pas la linguistique non
plus. Prcisment parce qu'elle est ample, mle, elle est marque comme
non- linguistique et ramene par certains linguistes ce dont elle
veut s'loigner : le Pouvoir, l'Institution. Il ne lui reste alors
qu' se sparer totalement de l'explication de textes ou bien faire
la thorie du discours du Pouvoir pour s'en sparer aussi par ce
biais interne, immanent. Mais on lui reprochera alors de se donner
une fausse scien- tificit puisqu'elle se donne, comme le Pouvoir,
l'apparence de l'objectivit dans le cadre, la sphre du pouvoir.
Ainsi l'attitude de Kuentz-Chevalier Aux frontires de la rhtorique
(n 18, mai 1975, de Littrature) consiste vouer l'analyse de
discours la fois au texte texte et une fausse objectivit qui
assoirait un Pouvoir. Il y a l une premire source de questions ou
tout au moins de controverses possibles, avec deux ouvrages de base
dont le second est le plus cit et le plus utilis : la Reproduction
de BourDIEU-PasSERON et l'article d'ALTHUSSER : Idologie et
Appareils idologiques d'tat (La Pense, juin 1970 ; repris dans
Positions [ditions Sociales]).
1. Le point politique. Analyse de discours et
Idologie-Pouvoir
II n'est pas dans notre propos d'examiner ces textes. Ce qui
nous importe c'est de voir quoi ils servent. Ils permettent de
poser les thses suivantes : 1) On peut distinguer science et
idologie. 2) L'idologie fait partie d'un ensemble d'appareils
d'Etat qui se divisent en appareils rpressifs d'tat et en appareils
idologiques d'tat (AIE). Rpression et idologie ne sont pas
identiques mais convergent vers une mme fonction : l'hgmonie.
L'appareil est l'ensemble des mcanismes qui permet
l'accomplissement de la fonction hgmonique.
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3) La fonction hgmonique de l'idologie est la reproduction de la
force de travail, c'est--dire qu'elle assure un flux continu et
adapt de travailleurs entrant dans la production. L'appareil qui
permet cette fonction est essentiellement l'cole. 4) L'idologie,
comme l'inconscient, n'a pas d'histoire. Tout se passe dans
l'appareil cole comme si un processus sans date et sans base de
classe devait ncessairement s'accomplir. Par exemple :
l'explication de textes. 5) L'idologie est un rapport imaginaire
des individus leurs conditions relles d'existence. Ce rapport
imaginaire induit des pratiques, des rituels en mme temps que
l'appareil les produit d'une manire contraignante. On ne peut pas
ne pas faire d'explications de textes. Mais, en mme temps, dans
cette pratique, je lis, je deviens plus ou moins, dans mon
comportement, cet tre qui lit PROUST, etc. Enfin, l'idologie me
constitue en mme temps qu'elle constitue les autres en sujets. 6)
L'analyse de discours est un renforcement de cette idologie par le
recours indu la scientificit de la linguistique.
Ces thses ne sont pas seulement le fait de tel ou tel auteur. Il
y a une sorte de mlange courant et constant de thses dues
ALTHUSSER, FOUCAULT, BOUR- DIEU, o les mots de pouvoir , de
pratique , de rel jouent un rle multiple. Pratique , par exemple,
signifie la fois : la pratique scolaire, la pratique politique et
administrative de l'Etat, le travail de la classe ouvrire, les
conditions de l'existence, la pratique de la thorie scientifique de
la socit, en l'occurrence le marxisme.
Cette sommation de choses aussi diverses ne peut se faire dans.
le texte que parce que pratique est identifi rel (avec la
mtaphorisation par la terre), si bien qu'un althussrien, par
exemple, peut dire la fois qu'il rend MARX sa terre, qu'il dnonce
avec le proltariat la pratique relle de la bourgeoisie l'cole et
que l'explication de textes a tel rsultat pratique, le tout
constituant un non-dit, une rpression, que FOUCAULT a montre propos
du systme pnitentiaire. En fait, la liaison entre pratique et rel
ne peut se faire que par le seul oprateur de degr. La pratique
relle de la bourgeoisie ne peut tre dvoile que par des consciences
plus relles, celles des marxistes. Plus rel signifie complexe,
structur certes, mais comme la conscience bourgeoise est elle aussi
structure, complexe (complexit des diffrents AIE, par exemple), la
vraie marque du rel marxiste c'est le rapport mtaphorique la terre,
une ide assez curieuse du proltariat et du travail. La terre c'est
la racine, c'est le profond et le radical la fois. Mais on peut
dire dans la mme hirarchie du moins rel au plus rel que tout n'est
que tissu, rseau ou bien' mer et drive et transgression ou
subversion ou bien, enfin, que toute criture s'accomplit en soleil,
etc. Plus gnralement, au nom de quoi se fait la critique de
l'analyse de discours ou son propre dpassement interne par une
thorie du discours du pouvoir ? Au nom du proltariat ? de l'enfant
? de la science ? Qui sont ces autorits critiques, ou, si l'on veut
tre plus prs des thses profres, quelles sont les bases au nom de
quoi s'opre cette critique ? On pourrait dj aller assez loin sur ce
point si l'on se demandait en quel sens le proltariat est une base
critique, et quel proltariat ? devant quel tat ? En mettant part
les analyses de POULANTZAS qui, parti de bases identiques, indique
tout de mme des choses connues, mais au moins concrtes, on ne peut
s'empcher de se poser une srie de questions : est-ce que l'enfant
est cette cire molle que 1 fait homme ? Qui a jamais pens, moins de
n'avoir aucune pratique ou une pratique toute narcissique de la
classe, que l'enfant est fait, que le matre fait ce qu'il veut et
non ce qu'il peut ? Plus thoriquement, le systme scolaire peut tre
dfini par ses textes ou par ses produits, qui sont des
comportements dfinissables statistiquement. L'cole produit des
producteurs mais aussi une raison lie une langue
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qui, autant qu'on le sache, moins de remonter une vision
pr-stalinienne de la langue, moins de confondre langue-culture et
socit (expression qui elle non plus n'est pas un hasard) n'a pas de
lien direct avec la situation de classes. Qui parle, qui critique ?
Quelles consciences pures rejettent l'analyse de discours dans
l'idologie ? Plus profondment, qui parle, dans quel discours, dans
quelle langue ? Cette question est trop vaste. Mais au moins on
peut poser la question suivante : quelle linguistique du franais
permet de parler de l'analyse du discours franaise en franais ? Trs
souvent le thme (parce qu'il ne s'agit pas d'un concept) de
dnonciation suffit tout : sociologie de la communication, structure
de la prononciation, thorie Vie l'aspect, etc. (voir ce sujet
l'article de DUBOIS, Langages, n 13). Mais il s'agit aussi d'une
question partir de la linguistique gnrale. Et l, curieusement,
c'est POPPER et sa thse des thmes scientifiques falsifiables qui
est voqu par des auteurs trs divers. Nous trouvons l un deuxime
point autour duquel la controverse, mais aussi la constitution de
l'analyse de discours franaise, se situent. Nous pouvons l'appeler
le point pistmologique pour le distinguer du point politique dont
nous venons d'esquisser les contours.
2. Le point pistmologique
1) Carnap ou Popper
La linguistique gnrale, telle qu'elle s'est dveloppe aux
Etats-Unis, de BLOOM- FIELD CHOMSKY, se meut dans un ensemble
thorique dont le centre n'est pas Karl POPPER mais Rudolf CARNAP.
Il serait trop long de montrer comment s'opre, travers
contradictions et ambiguts, par exemple, la construction du concept
(et de la mthode) de transformation entre CARNAP, HARRIS, CHOMSKY.
Il nous suffit, pour notre propos, de poser les ides suivantes : 1)
II y a un univers descriptible par une suite d'noncs. Tout sujet
parlant nonce quelque chose sur cet univers partir d'une exprience
qui est celle de la perception, et je puis toujours rfrer tout nonc
cette exprience. La description de l'univers par une suite d'noncs
non ambigus n'est que le dveloppement de ce qui est contenu dans
l'exprience perceptive. De ce point de vue, de RUSSELL BEVER en
passant par CARNAP, il y a continuit. Une notion comme la notion de
constituant de phrase telle qu'elle apparat chez BLOOMFIELD n'a pas
de sens en dehors du fait que la phrase est possible parce que le
sujet parlant, stimul par la perception des objets, organise,
construit, constitue une phrase parties par parties pour rendre
compte de son exprience autrui et pour viser un sens qui, lui
aussi, est fait des parties constitutives du monde. Cette
constitution emprunte des formes donnes, mais ce qui permet
l'analyse en constituants immdiats c'est que, dans ces formes
diverses et complexes, il y a ces lments semblables qui sont les
constituants et une relation : succession de . A partir de la forme
linguistique the qui, grammaticalement, indique le substantif qui
suit, dnote l'individu identifi d'une espce, par le moyen d'une
srie d'oprations de slection, d'inclusion, d'exclusion et de
dnombrement qui suscitent des rponses uniformes (donc semblables)
chez diffrentes personnes et dans diffrentes langues, et qui,
toutes, ont pour principe la substitution, on a la mathmatique. On
passe donc des formes aux constituants par une srie de
substitutions, on aboutit des rductions parce qu'il y a homognit en
tous points entre la perception, la communication et la phrase.
Cette notion de constituant, on la
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retrouve dans le premier grand crit de CaRINAP, Der logische
Aufbau der Welt (la Constitution logique du monde). Certes, il y a
une volution ensuite chez CARNAP, comme il y a une volution gnrale
dans la thorie de la rfrence, mais il nous semble que la base reste
la mme. Le mot base lui-mme, tel qu'il apparat chez CHOMSKY,
ressortit des concepts de facult de langage, d'universel, de
catgorie. La rgle permet d'analyser ce qui est, pour ainsi dire, dj
structur dans la suite de composants catgoriels. La rgle est un
mcanisme de base auquel on peut rduire toute phrase. Or chez POPPER
le mot base ne renvoie pas un nonc ou une rgle, mais un ensemble de
traits de comportements ( Behavior of a physical body ) d'une donne
physique qui est plus qu'une phrase, qui est dj une thorie.
2) II y a un systme de tous les noncs possibles vrifiables. Ce
systme, encore une fois, varie entre Der Aufbau et Meaning and
Necessity mais une ide demeure toujours prsente. Il y a une
encyclopdie possible qui a au moins exist l'tat de projet, projet
pour lequel ) a publi un texte sur la nature du discours
scientifique. Au-del du projet, l'intention encyclopdique anime la
pense de CARNAP de bout en bout parce qu'elle constitue une
solution au problme du nominalisme. Toute la tradition linguistique
amricaine, dont la base est aussi le nominalisme, participe de
cette intention, en ce sens qu'il y a non seulement des entres
lexicales mais un dictionnaire ou une smantique qui peuvent tre
constitus en systme. Pour POPPER, le rve encyclopdique est un rve
mtaphysique au premier chef. On ne peut produire qu'une suite de
thories plus ou moins testables sans qu'il y ait une limite. Pour
prendre les choses du point de vue de la thologie, dont on sait
quel rle elle a jou dans la constitution de la linguistique, POPPER
dirait, comme KANT, qu'on ne peut pas montrer Dieu ; l'ensemble de
l'cole de Vienne, dont CARNAP, dirait qu'on peut au moins numrer la
suite de phrases o se trouve Dieu , donner les rgles de
constitution de ces phrases et donc crire un article de
dictionnaire qui aurait pour entre Dieu .
3) Si les thories sont plus ou moins vrifiables ou falsifiables,
il n'y a pas, pour POPPER, de mtalangue partir de laquelle on
pourrait dfinir telle ou telle langue, tel ou tel langage, tel ou
tel type de discours. POPPER pousse leur terme les thses de GDEL,
de TarsKI, et en tire (indment) l'ide que toute mtalangue conduit
des paradoxes. De ce fait, il n'est pas possible, comme le fait
RUSSELL, de rsoudre les paradoxes par une thorie des types. Plus
modestement, on ne peut pas totalement liminer les pseudo-phrases,
on peut encore moins en donner une thorie par l'intermdiaire de la
thorie du mlange des types (CARNAP, DRANGE). Or la linguistique se
fonde en partie sur le problme et la thorie de l'ambigut. Elle se
donne de diverses faons une mtalangue (langue artificielle ou
algbre). Elle tente comme toute science humaine de dfinir une
typologie. Quelles que soient ces typologies, elles sont
tributaires, comme la thorie des types de RUSSELL, de la notion de
rang. En sociologie, par exemple, toute typologie est un condens de
variables dont on estime qu'il reprsente une population statistique
dfinie par des proprits, des comportements. Ces proprits, ces
comportements peuvent tre un ensemble de traits historiques comme
chez WEBER ou un ensemble de comportements, d'actions comme chez
LazaRSFELD, ou un ensemble de facteurs dpendants les uns des autres
comme chez DURKHEIM. Mais dans tous les cas le type condense ces
ensembles en un ensemble li et permet une certaine prcision. Dans
tous les cas : traits, facteurs ou actions, la constitution du type
est prcde par une tude smantique plus ou moins explicite. On peut
dire, en un sens, que toute l'volution rcente de la sociologie (par
exemple : les tudes amricaines sur le suicide) va dans le sens
d'une explicita- tion et d'un raffinement de l'analyse smantique.
Cette tude smantique se situe
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toujours sur le mme rang. Si je veux tablir le type de l'lecteur
giscardien, je puis grouper des traits religieux, culturels,
conomiques, mais ces traits sont toujours compts comme explicatifs
du vote giscardien. C'est tel aspect de la croyance catholique, par
exemple la charit, l'amour d'autrui, la non-agressivit comme formes
d'une politique qui, oppose l'aspect agressif du communisme,
conduira au vote giscardien. Si je spare l'attribut non -agressivit
puisse conduire aussi au refus de toute politique. Tester de telles
typologies implique qu'on repasse par le chemin des propositions
rponses un questionnaire. Il faut dmontrer que le vote catholique
giscardien. Si je spare l'attribut non -agressivit de sa causalit
politique, si je ne mets pas, la base du type, la proposition union
de tous les Franais , je ne puis expliquer que la non-agressivit
puisse conduire aussi au refus de toute politique. Tester de telles
typologies implique qu'on repasse par le chemin des propositions
rponses un questionnaire. Il faut dmontrer que le vote catholique
giscardien, par exemple dans telle rgion plus catholique qu'une
autre, passe par cette proposition. Si ce n'est pas le cas, il faut
changer de proposition. L'administration de la preuve est
circulaire. Mais c'est presque toujours le cas en sociologie o,
comme le dit LazarsFELD, on se soulve avec ses propres lacets de
soulier... Nous dirons que le travail de confirmation nous semble
plus carna- pien que popprien. En effet, on se donne une mtalangue
: il y a des votes. Il y a des actes, des paroles, des groupes
religieux. Il y a une probabilit x pour qu'il y ait corrlation
entre groupes, actes et votes condition que, dans le cadre de la
mtalangue, certaines propositions, un dictionnaire et une syntaxe
donns se manifestent. POPPER, lui, dirait que le type est testable
condition que le contenu du vote giscardien soit religieux,
c'est--dire que GISCARD soit un dieu ou Dieu. Comme le dit trs
justement CARNAP en reprenant une formule de FRE(E : tout est bas
sur la non -distinction de ce qui est distinct, sur la base d'un
contenu informatif qui globalise l'ensemble statistique vote
giscardien catholique en un comportement unique. Le test, c'est le
comportement vu d'une manire globale. Pour CARNAP, le test c'est
l'isomorphie tat du monde, mtalangue, langue.
2) Retour sur le discours politique franais Nous avons nous-mmes
propos il y a longtemps {Langages, n 13) une typolo
gie des discours. Cette typologie n'tait qu'un ensemble de
directions de recherche que nous nous sommes employs depuis
parcourir. Mais nous avions fait figurer aussi dans ce numro un
mmoire dirig par Jean DUBOIS (celui de MELEUC) et un mmoire dirig
par nous (Genevive CHAUVE AU). Revenons sur ce problme de
socialisme chez JAURS et plus gnralement sur l'ide d'un discours
politique franais type. Bien entendu ce que nous disons ne touche
en rien le mrite et l'originalit du travail de Genevive AU
VEAU.
1) II y a une mtalangue dfinie par un ensemble d'vnements. Il y
a un x appel JAURS. Jaurs parle. Jaurs dit y. Dans l'ensemble des y
il y a social , socialisme , socialiste .
2) A partir de l, on peut se poser diffrents problmes et entamer
diffrentes recherches. On peut se poser un problme de dictionnaire
(date, emplois) du mot socialisme . On peut se poser un problme
d'encyclopdie et c'est en gros ce que fait DURKHEIM dans son
ouvrage Le Socialisme qu'approuvait JAURS. Socialisme est dfini,
dans cet ouvrage, par organisation de la socit . Organisation
trouvant son contenu essentiellement dans la pense de SAINT-SIMON.
Organisa-
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tion signifie au moins organique, organisateur. Organisation et
socialisme se diffrencient, selon DURKHEIM, de communisme , qui
s'identifie justice . On peut compliquer encore le schma en
reprenant et en prcisant la formule de R. ARON : la sociologie,
contrepartie scientifique du socialisme . Il y a encyclopdie dans
la mesure o l'ensemble des vnements donn dans la mtalahgue se
constitue en modle, c'est--dire en un ensemble de formules qui sont
des hypothses aux yeux de la sociologie, hypothses qu'on peut
tester statistiquement. Est socialisme l'ensemble des Franais qui
disent ce mot, s'engagent dans une srie de phrases et d'actions au
nom de ce mot et sont reconnus comme tels par les non-socialistes.
DURKHEIM avait trs bien vu cela en dfinissant le socialisme comme
un mouvement dnot par un genre (et non une espce sociale). On peut
aussi se poser un problme socio-linguistique et ce, selon les deux
tendances existantes en ce domaine : dans la tendance
KjOELSETH-FlSHMAN, socialisme correspond une question sur socit ,
cette question comporte une suite de rponses qui convergent vers
une conclusion la fois linguistique et sociale. Il est donc
possible de faire le tableau des rponses successives selon les
milieux, les formes de parler, les groupes constitus, etc. Dans la
tendance sociologie des conflits laquelle on pourrait rattacher
LABOV, socialisme est un terme ambigu qui contient plusieurs
questions (parti socialiste, socit, etc.). Il n'y a pas de rponse
ces questions mais un ensemble de phrases toujours ambigu en un
point, si bien qu'il y a des conflits, des mouvements, des formes
de compromis quasiment bilingues, etc. On peut enfin se poser un
problme d'analyse de discours. Nous avions propos de grands axes
constitutifs d'une typologie : vague-opaque, philosophie-rhtorique.
En analyse de discours, on passe alors de la phrase Jaurs parle la
phrase J'affirme que le socialisme c'est la justice . Ni justice ni
socialisme ne peuvent tre rduits une mtalangue d'vnements dfinis.
Par contre, ils peuvent tre rduits une suite, une enumeration de
phrases suivies ou non d'actes : il est juste que l'ouvrier
travaille moins d'heures soit 40 au lieu de 50. Ce qui ne peut tre
rduit, c'est l'opacit incluse dans renonciation et l'auxiliaire tre
. Mais cette opacit doit tre conserve dans l'analyse car elle est
peut-tre constitutive du discours de JAURS et, plus gnralement
peut-tre, de tout discours politique. Est constitutive aussi de
tout discours politique une philosophie politique. La formule
politique la plus simple : assurer la scurit des Franais par
exemple, ne va pas sans une philosophie politique, en l'occurrence
le paradigme des nominaux en t ( scurit , libert , galit , etc.).
Et, bien entendu, toutes les formes rhtoriques autour de socialisme
et justice sont possibles..., par exemple la mtaphorisation : le
socialisme c'est la lumire . Pour aller vers plus de prcision, on
peut dire que dans la langue franaise telle qu'elle peut tre dcrite
aux XIXe et XXe sicles, c'est--dire dans la priode qui suit 89 et
voit se dvelopper cette suite d'vnements qu'on appelle socialisme
ou question sociale , il y a un ensemble de phrases dites ou crites
par JAURS, l'intrieur duquel je puis dterminer un sous-ensemble
dont je dirai qu'il est typique et que je dfinirai comme didactique
. Qu'est-ce dire ? Nous dirons qu'il y a type parce qu'il y a choix
chez JAURS, choix dont nous dgagerons la structure plus ou moins
consciente chez JAURS. Il y a des variables exclues. Les variables
non exclues sont condenses dans le choix. Ce qui est condens, c'est
les rgles de constitution d'un dictionnaire de JAURS et des rgles
syntaxiques. Le type permet la prdiction en ce sens qu'on suppose
non seulement qu'il peut tre test statistiquement, mais encore
qu'il constitue la base du discours jauressien, sinon de tout
discours politique franais. Ce qui est exclu c'est, par exemple,
l'injure. JVlAURRAS dirait socialisme c'est popu , et pourrait
faire la phrase Popu gueule : socialisme ! Justice ne peut gueuler
. Ce qui est condens, c'est le paradigme des SN2. L'ensemble des
SN2 est limit, structur. Ce qui est condens aussi, c'est le type de
phrase SNj Aux SN2, dont on peut dire qu'il
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est didactique en ce sens qu'au moins intentionnellement il est
dfinitionnel. Tout se passe comme si, un ensemble d'entres
lexicales tant donn, fourni par l'histoire, JAURS transmettait ces
entres lexicales en les organisant autour de socialisme , qui
trouve, dans ces entres lexicales, son explication. L'ensemble des
phrases de JAURS de ce type ressortit une mtalangue thique qui
pourrait tre schmatiquement formule de la manire suivante : il y a
des SN tels qu'ils sont ncessairement lis en structure profonde des
performatifs, c'est--dire :
a) II y a des SN + PERF. On dit : Que la justice soit. Que le
socialisme soit. Socialisme vaincra.
b) II y a des tres. Si je reviens la phrase :
Le socialisme c'est la justice. ' S est Z
et si je me pose le problme du statut de socialisme , peut-on
dire que socialisme soit la nominalisation de tre socialiste ?
Comment rendre compte avec socialiste de la phrase Le socialisme
c'est la justice ? Peut-tre avec les phrases :
Les socialistes feront tre le socialisme. Le socialisme a comme
tre la justice. Car, si je prends l'hypothse : socialisme = tre
socialiste, j'aurais la phrase : Etre socialiste, c'est le
socialisme, la justice,
phrase qui ne rend pas compte de l'ambigut de tre , de sa
liaison avec le performa- tif, etc.
Si je me pose le problme de la mtaphorisation par lumire , je
dois aussi, pour expliquer l'quivalence, poser : il y a un tre la
base qui peut tre nomm socialisme et qui pourrait tre nomm lumire ,
puisque je puis dire :
Le socialisme claire l'avenir. Dans tous ces cas, socialiste
n'est pas la base de la nominalisation socia
lisme . On voit que l'analyse de discours connat, comme la
linguistique, des problmes de syntaxe complexes (voir, par exemple,
dans le mme ordre d'ides, Paul SCHACHTER, A Nontransformational
Account of Generative nominals in English , Linguistic Inquiry,
vol. 7, n 2, Spring, 1976, pp. 205-242). Nous dirons plus :
l'analyse de discours permet de poser ces problmes dans leur
dimension historique et cela comporte un certain intrt thorique
gnral. Non seulement je puis tester la dure du type didactique de
discours politique, je puis tester sa valeur explicative pour tout
discours politique franais, mais, plus profondment, le choix de
JAURS se situe dans une langue donne, une poque donne. Pour
reprendre l'exemple de la nominalisation, non seulement il est
intressant d'en montrer l'ampleur au XIXe sicle, comme l'a fait Alf
LOMBARD, mais encore cela nous dit quelque chose sur la grammaire
du franais, celle d'avant le XIXe sicle, car social existe ds le
XIVe sicle, et celle du franais compar l'anglais et l'allemand. On
peut se demander, par exemple, si socialisme comme phnomne
inter-langues n'est pas la nominalisation du latin socialis . Pour
rester dans notre propos, constatons simplement que l'analyse de
discours largit la fois et restreint une langue donne les problmes
de linguistique gnrale.
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3) Linguistique gnrale et analyse de discours
En un sens, les phrases de la linguistique gnrale ne donnent pas
l'impression d'tre dates. Dire que les langues vivent, ou ne vivent
pas, parler de grammaire compare n'est pas un signe d'archasme
absolu, alors que parler de mouvement, de perception, de socit est,
certains gards, aux yeux de la recherche de pointe en psychologie
ou en sociologie, un archasme. Cela signifie ou bien que la
linguistique connat une dure continue ou bien qu'on a affaire un
continuel et inutile ressasse- ment sur un fond qui ne serait
jamais totalement formul. Et de fait, les dimensions implicites de
la linguistique : culture dans tous les sens du terme, science,
sont normes, si bien qu'on peut se demander s'il ne faut pas
adopter la deuxime thse. Cependant il est vrai que si l'on limine
la considration du contexte, il y a des choses qu'on peut appeler
langue-culture-peuple, que ces choses sont circonscrites dans des
domaines relativement prcis : linguistique-anthroi 'o^: ^L que
l'tude de ces domaines, en prenant beaucoup de prcautions, ne pose
pas, au niveau formel, de problmes graves de traduction. Mais les
concepts de base, eux, posent des problmes de traduction : par
exemple comptence , generate . Comptence est un terme emprunt
l'embryologie. La comptence dfinit le champ embryologique dans
lequel s'exerce l'action de l'inducteur. Ce qui peut s'appliquer et
se dcrire en biologie devient mtaphorique en linguistique
(Qu'est-ce qui est inn ? Un champ ? Une capacit de rgles ?) et pose
videmment un problme de traduction, comptence du franais ne
contenant absolument pas le mme sens que capacit , habilitation ,
disposition , etc. Il y aurait donc, en linguistique, d'une part
des concepts passe-partout, d'autre part des concepts-clefs. Est-ce
que ces concepts- clefs sont justiciables d'une epistemologie ? Il
est vrai que comptence , par exemple, marque, l'intrieur d'une mme
tradition amricaine, le passage d'une dfinition du sujet parlant
partir du comportement (Behavior) une dfinition du sujet parlant
partir de la connaissance (Knowledge). Et l, en un sens contre
CARNAP, se manifeste chez CHOMSKY un retour KANT, FREGE. Plus
globalement, alors que l'encyclopdie tait, chez CARNAP, la rponse
aux problmes du nominalisme, que chez HARRIS la rponse est dans une
algbre, chez CHOMSKY la rponse est dans le modle reprsentationnel
Aspects qui donne une sorte de topographie de la connaissance et de
son mcanisme, une sorte de logique naturelle qui deviendra aprs
Aspects la pomme de discorde dans l'cole. Ceci dit, les
pistmologies ne servent rien. En aucun cas CARNAP ni ANT ne
permettent d'tudier concrtement le problme de la nominalisation. Si
l'on peut parler d'un programme carnapien ou d'un programme
kantien, si un certain niveau ce programme permet au linguiste de
se dterminer, son objet est ailleurs. Est-il dans une philosophie
du langage, c'est--dire dans une formulation philosophique
(dictionnaire et syntaxe spcifiques) de l'intuition du locuteur
natif ? Peut-tre ? Mais c'est l une instance extrmement complexe
dterminer. Dans quelle mesure ce qui pourrait s'appeler
linguistique cartsienne dtermine-t-il, en franais, une vision neuve
de la langue l'intrieur de la langue franaise telle qu'elle fonde
ce franais du XVIIe sicle que nous comprenons aujourd'hui ? En fait
le linguiste se sert du programme, a l'intuition souvent mle d'une
philosophie du langage mais, fondamentalement, se heurte un objet
rebelle aux mthodes d'analyse qui sont en sa possession. Peut
s'instaurer alors un discours polmique, le recours au programme ou
la philosophie mais le fond est toujours l'objet rebelle.
Non-traductible ? Traductible ? Personnel ? Gnral ? Tout est vrai
la fois. En un sens, il n'y a pas de linguistique, il n'y a que des
linguistes tant l'approche de la langue, ce qu'on peut faire de
concepts comme morphme, phrase, sont divers. De ce fait, la plupart
des dictionnaires de linguistique sont faits de citations rduites
et traduites. D'autre part, tout linguiste est un artisan, voire un
bricoleur. Mais en
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mme temps, dans des conditions donnes, un linguiste obsd d'un
point, d'un objet rebelle, peut remettre en cause l'acquis,
formuler un programme gnral, relativement traductible, faire de la
polmique l'occasion et proposer des mthodes traductibles elles
aussi. SAUSSURE, Suisse, lve de WUNDT, en tout cas spectateur de ce
que peut tre un grand laboratoire, dgag des proccupations
politiques, religieuses ou pdagogiques de BRAL par exemple, se pose
le problme de ce que fait le linguiste, de ce que l'on peut tudier
dans une langue. Il propose une ide assez dialectique de la
structure, cette dialectique tant finalement plus saisie
intuitivement, et opratoire ce titre, que rellement explicite et
formative. Il s'ensuit un texte qui est une vision plus qu'un
programme ou une philosophie. Cette vision sert JAKOBSON ou
HjEMSLEV, et ce trs diversement. Elle va de SAUSSURE BenVENISTE
sans heurt. Elle ne sert rien Tesnire.
Il n'y a pas, dans cette vision, une seule ide de grammaire qui
fasse avancer un problme prcis. A la fois cela ne sert rien et cela
sert comme une vision, une attitude d'esprit que la linguistique
amricaine ignore peu prs compltement, ce qui ne l'empche pas
d'avancer. Nanmoins tout est toujours traductible, transposable.
Bien plus, on est dans tous les cas en prsence de textes lisses,
clairs, alors qu'en sociologie, par exemple, WEBER et DURKHEIM sont
totalement spars, qu'en psychologie, jusqu' FREUD, la tradition
franaise n'a rien voir avec l'allemande ou l'anglaise. Pourquoi ?
Comment arriver apprhender cette immense quantit de textes du XIXe
sicle, ce qui nous semble tre une condition de l'apprhension
correcte de la tradition linguistique, la fois dans son unit, dans
sa diversit et dans son rle l'intrieur de la constitution des
modles scolaires ? N'en dplaise aux tenants de la mort de l'homme,
on ne peut s'empcher de poser que la linguistique est d'abord
tributaire de la constitution, au XIX1' sicle, d'une anthropologie
universelle caractrise d'abord, et plus que par l'apparition de
l'histoire, par l'utilisation d'un vocabulaire leibnizien, d'une
srie de correspondances , leibniziennes elles aussi. Si tel est le
cas, si nous arrivons force d'analyse de discours sur des points
topiques dmontrer dans son contenu dtaill cette hypothse, l'analyse
de discours peut tre, par rapport la linguistique gnrale, tout en
tant au dpart plus troite, un ' rappel la conscience de ses
origines. Curieusement et contre les hypothses les plus courantes,
le XVIIe sicle a t plus conscient des problmes de traduction que le
XIXe. En ce sens, il faut, partir d'une conscience aigu des
bilinguismes du XVIIe sicle, aborder l'apparente universalit de
l'anthropologie du XIX1" sicle, dont la linguistique est le produit
le moins li au contexte. En mme temps on peut prparer les
conditions d'une vritable interdisciplinarit.
3. Analyse de discours et interdisciplinarit
Dcrite de la manire dont nous venons de le faire, l'analyse de
discours est un mythe. Mais il y a des mythes utiles pour
l'avancement de la science. La perception, par exemple, entit trs
globale, a permis en psychologie des rflexions globales,
quelquefois utiles, et des recherches rellement opratoires : la
perception des couleurs, par exemple. A quelles conditions ? A
l'intrieur d'un projet mythique d'ancrage de la linguistique dans
la nature spcifique de la langue franaise, nous pouvons mettre en
place, articuler les diffrents niveaux. Cela implique deux choses :
1) rien de ce qui a t trouv dans cet immense domaine ne doit tre
considr comme sans intrt ; 2) il faut trouver le chemin d'une
vritable interdisciplinarit. En ce qui concerne le premier point,
considrons nouveau l'explication de textes. De nombreux chercheurs
ont tent d'en tablir le modle. En gros il s'agit, partir d'indices
marqus les uns par rapport aux autres, de passer l'me indfinie de
l'auteur,
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l'homme. Mais dans ce cadre vou l'exercice scolaire, nous
pouvons trouver une mmoire de l'auteur, irremplaable dans de
nombreux cas. A dfaut de programmes plus formaliss, rien ne peut
remplacer la mmoire du spcialiste de tel auteur qui a enregistr des
phrases, des variantes pendant de nombreuses annes. Cette mmoire
est structure par des hypothses qui peuvent tre testes, non
seulement par la citation, mais avec un petit coup de pouce formel
par des structures linguistiques. Prenons le cas des textes
politiques de ROUSSEAU. Les recherches de V. GOLDSCHMIDT nous
conduisent une thorie rhtorique et linguistique de la ngation.
Celles de Michel LAUNAY nous conduisent une image de la socit qui
peut tre teste par un dictionnaire. Par exemple, abus est toujours
dans l'environnement d'un agent actif. La phrase Les abus sont
invitables est ambigu car elle peut tre :
x \ eT!te. > l'abus que fait y [ n vite pas J
x ne peut viter l'abus, l'arbre, etc. Les abus sont le fait d'un
agent ou sont une ralit ncessaire.
Plus gnralement, du fait de sa liaison avec le systme scolaire,
l'explication de textes correspond de grands axes du systme
scolaire narration-description, et ces grands axes nous amnent de
grands problmes syntaxiques : temps des verbes, adjectifs, par
exemple.
En ce qui concerne l'interdisciplinarit, les deux obstacles
majeurs nous paraissent tre le manque d'information, la croyance
que la polmique sert quelque chose. On rduit, par exemple, la
sociologie de l'ducation aux essais de BOURDIEU- PASSERON, la
psychologie LACAN ou PlAGET, etc. La polmique ne fait pas avancer
la science. Ce qui fait avancer la science c'est, comme le montrent
KUBU et les sociologues de la science aux tats-Unis, la
constitution d'un front scientifique dfini d'abord par le nombre de
la complexit des citations ou par la circulation des concepts.
Peut-on dire que l'analyse de discours constitue un front
scientifique ? Je serais assez tent de rpondre oui, mais plus grce
aux disciplines voisines que grce la linguistique. En histoire, en
psychologie, en sociologie, en thorie de la littrature, l'tat
d'esprit qui conduit se donner un champ smantique ou un ensemble,
un problme syntaxique topique progresse tant quantitativement que
qualitativement. La condition d'un progrs me parat tre la pleine
conscience que chaque discipline a son type de preuve. A cet gard,
le travail de Jean-Marie MARANDIN nous parat remarquable par
l'articulation, non pas de disciplines diffrentes, mais d'approches
diffrentes. Plus profondment, l'analyse de discours nous conduit un
type de radi- calit peut-tre nouveau. Considrer une grande masse de
phrases comme un corpus manipulable, segmentable dans tous les
sens, nous situe un niveau plus radical que les exemples de la
linguistique generative classique. A cet gard l'article de Yves
LECERF et quelque chose d'analogue aux tats-Unis comme l'article de
E. S. WILLIAMS : Discourse logical form {Linguistic Inquiry, volume
8, n 1, Winter 1877. pp. 101 140) nous semblent bien suggestifs. Ce
que propose Yves LECERF, c'est un nouveau point de dpart : on se
met devant un univers ou un espace dfini par des suites et l'on se
demande ce qui peut tre coup et ce qui ne l'est pas. D'autre part,
en commenant par l'adresse, on se donne une mthode et un problme,
celui de l'ordre des mots, qui est beaucoup plus qu'un problme de
style, qui est peut-tre un problme plus radical que celui de
l'analyse de la phrase puisqu'il est le problme de la phrase
elle-mme dans l'univers des suites. Point de dpart et mthode
dfinissent un programme l'intrieur duquel peuvent prendre place un
certain niveau aussi bien TESNIRE que K.AYNE. Ils dfinissent aussi
un problme et une mthode en
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syntaxe l'intrieur des problmes en cours de la syntaxe. Mais il
ne s'agit pas de manifestations l'intrieur de la reprsentation en
arbre, considre la fois comme matriau, comme structure et comme
preuve, mais de la recherche de problmes rellement cruciaux,
c'est--dire des problmes d'oprateurs fondamentaux. LECERF examine
le fonctionnement et la porte de l'oprateur je dis bien , dont
l'analyse classique se ferait en termes de renvoi l'nonciateur et
de formule mtalinguistique. Mais en quoi bien est-il
mtalinguistique ? On pourrait tenter dans le mme ordre d'ides
l'tude de l'oprateur comme en ce qui concerne la mtaphorisation au
lieu de recourir des ensembles smantiques fonds en paraphrase ou en
stratgie perceptive. Enfin, il montre sur un problme aussi complexe
et aussi important pour l'analyse de discours que celui de la
coordination, qu'il s'agit l aussi d'un problme d'oprateur trs
gnral. Si nous reprenions la phrase : Le socialisme c'est la
justice , nous avons videmment la phrase :
Le socialisme, je dis bien le socialisme, c'est la justice. Le
socialisme c'est, je dis bien c'est, la justice. Le socialisme
c'est la justice, je dis bien la justice.
Ce je dis bien don't nous avons dj indiqu la difficult d'analyse
en mtalan- gue peut se trouver clair par l'tude de la coordination
par et aussi .
1) Le socialisme et la Rpublique aussi c'est la justice. 2) Le
socialisme c'est la justice et la Rpublique aussi. Dans chacun des
deux cas il y a deux adresses, mais soit partir de socialisme,
soit partir de justice . Mais socialisme et justice , dans
chaque cas, correspondent une place diffrente du dictionnaire, une
ralisation syntaxique diffrente, par exemple avec le verbe faire .
Dans 1) socialisme et Rpublique sont des ensembles historiquement
dfinis, ce qu'est socialisme dans Le socialisme, je dis bien le
socialisme (et non le radicalisme ou le communisme). Dans 2)
socialisme et Rpublique ne sont pas sur le mme plan. Socialisme
reste sur le plan historique et Rpublique glisse au plan thique, ce
qui est le cas de le socialisme, c'est la justice, je dis bien la
justice . Au niveau syntaxique je puis dire :
Le socialisme et la Rpublique feront demain mais pas :
Le socialisme et la Rpublique font puisque socialisme n'existe
pas aujourd'hui.
Je puis dire : Le socialisme fait la justice et la Rpublique
mais fera sera mieux accept. Ce ne sont l que quelques
indications lexicologi- ques qui ne remplacent pas une tude complte
des nombreuses phrases possibles. Bien plus, l'approche
lexicologique n'atteint pas l'essentiel. Ce qui est fondamental en
effet, c'est que dans le discours politique rel avec ses pauses,
ses formes d'emphase, toutes ces formes, dont celles que nous avons
indiques, s'emploient ensemble, dans la mme phrase ou dans deux
phrases coordonnes. Ni le codage, ni le dcodage politiques ne sont
POSSIBLES sans cette structure coordonne et ambigu de surface. Or
ce qui semble ne pouvoir tre un objet que recueilli sur le vif (le
discours trs dcousu et trs complexe d'Edgar FAURE, par exemple) est
beaucoup plus accessible comme sous-ensemble d'une grammaire
d'adresses que comme ensemble lexicologique ou syntaxique donn. Si
l'on objecte qu'il s'agit, d'un certain point de vue, d'une
gnralisation des grammaires de dpendance, il faudrait examiner si
ce
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type de grammaire est rellement prim, s'il ne convient pas
particulirement bien au franais, etc.
C'est dans le mme esprit d'tude d'une complexit qu'a t
entreprise l'tude sur l'image de la Chine en France. Dans le
domaine de l'information, on peut distinguer les vnements qui se
rptent et les vnements qu'on rapporte. (Ex. : les mares une grande
mare, la mare du sicle). Dans lt\> vnements qu'on rapporte, une
complexit trs grande (complexit que n'assure absolument pas la
presse franaise) tient au fait qu'il s'agit de phrases traduites.
La phrase La Chine est immense comporte au moins une traduction :
Chine . On peut se donner une mtalangue partir de l'ensemble des
intersections possibles entre discours-source et discours traduit.
On peut, comme le fait MARANDIN articuler savoir et manire de
parler comme suite de rgles spcifiques d'un objet : PEYREFITTE, ces
rgles n'tant ni stylistiques ni rhtoriques mais formes de drivation
d'un dictionnaire propre. Le problme pos par les deux recherches de
LECERF et de MARANDIN est celui de la base partir de laquelle peut
se construire soit un systme d'adresses soit un systme de
rgles.
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InformationsAutres contributions de Joseph Sumpf
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Plan1. Le point politique. Analyse de discours et
Idologie-Pouvoir 2. Le point pistmologique 1) Carnap ou Popper 2)
Retour sur le discours politique franais 3) Linguistique gnrale et
analyse de discours
3. Analyse de discours et interdisciplinarit