S U S A N F O R W A R D „ D 0;S UA* FR A Z j ES L e c h a n t a g e a f f e c t i f Quand ce ux que nous a im ons no us m ani pul ent
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S U S A N F O R W A R D„ D0 ;S U A* FRA Zj ES
L e c h a n t a g e a f f e c t i f
Q u a n d c e u x q u e n o u s a i m o n s n o u s m a n i p u l e n t
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Susan Forward, Ph. D.
avec Donna Frazier
Le chantageaffectif Quand ceux que nous aimons
nous manipulent
Traduit de l’américain par Larry Cohen
L e G r a n d L iv r e d u M o is ,
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1/édition originale de cet ouvrage a été publiée aux Etats-Unis par Harper Collins
Publishers, sous le titre When the people in your life use fear, obligation and guilt to mani-
pulate you.Copyright © 1997 by Susan Forward. A ll rights reserved.
Published by arrangement with Harper Collins Publishers Inc.
t omvption tit* la maquette intérieure : Véronique Marcandier Cezard
© 1998, InterEditions/Masson, Paris, pour la traduction française.
Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés,
réservés pour tous pays.
Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé
que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l'autorisation del'éditeur, est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d'une part, les
reproductions strictement réservées £i l'usage privé du copiste et non destinées à uneutilisation collective, et d'autre part, les courtes citations justifiées par le caractère
scientifique ou d'information de l'œuvre dans laquelle elles sont incorporées
(art. I 122*4,1.. 122-5 et I.. 335*2 du Code de la propriété intellectuelle).Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec l'accord de l'éditeur.
S'adresser nu ; Centre français d'exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands-
Augusllns, 75006 Paris, tél. ! 01 44 07 47 70.
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Sommaire
Introduction, 7
PREMIÈRE PARTIE
COMPRENDRE LE M ÉCANISME
DU CHANTAG E AFFECT IF
I. Chantage affectif: le diagnostic, 21
2. Les quatre faces du chantage, 35
3. Un brouillard à couper au couteau, 56
4. Les ficelles du métier, 755. Le monde intérieur du maître chanteur, 92
6. Un jeu qui se joue à deux, 112
7. L'impact du chantage, 138
SECONDE PARTIE
DE LA CO MPRÉH ENSION
À L’A CTION
Introduction: l'heure des changements, 153
8. Les préliminaires, 157
9. L’heure des décisions, 178
10. Votre stratégie, 201
I I. Quand le brouillard se dissipe, 227
épilogue, 253
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Introduction
Quand j ’inform ai m on ma ri que j ’allais prendre des cours un soir par
semaine, il réagit avec cette agressivité subtile dont il a le secret. « Bon, dit
il, tu fais comme tu veux. Comme d’habitude, quoi. Mais quand tu rentre-
ras, tu ne me trouveras pas forcément là à t’attendre. Je suis pourtant tou-
jours là pou r toi. Pourquoi tu ne peu x pas fa ire de même pou r m oi ? » J ’ai
beau savoir que ses arguments ne tenaient pas debout, je me suis sentie ter-
riblement égoïste. À tel point que j'ai annulé mon inscription au cours.
Elisabeth
Je projetais de partir en voyage avec ma femme pendant les vacances de
Noël. Cela faisait plusieurs mois que nous y pensions avec impatience. Or,
lorsque je téléphonai à ma mère po ur lui dire que nous avions enfin pris les
billets, elle sembla tout à coup au bord des latines. Elle demanda : « Et le
repas en fam ille ? Tu sais bien que nous nous réunissons tou jours le
25 décembre. Si vous partez, vous allez gâcher la fête pour tous les autres.
Comment peuxtu me faire ce couplà, alors qu 'il ne me t'este plus beaucoup
de Noëls à fêter? » Bien évidemment, j ’ai cédé. Ma femme aura sûrement
envie de me tuer, mais je ne pou rra is jamais pro fite r de mes vacances si je
crou lais sous le poids de la culpabilité. Thomas
J ’ai été vo ir m on ch ef pou r le préven ir que, p ou r le gros pro jet sur lequel je
travaillais, il me fallait soit des collaborateurs supplémentaires, soit un
délai plus long. Dès que j ’ai laissé entendre que j ’avais besoin de souff ler un
peu, il a contreattaqué en disant : « Je sais que vous avez hâte de retrouver
votre famille, mais songez que même si vous leur manquez en ce moment,
ils finiron t par comprendre l ’importance de la prom otion que nous envisa-
geons de vous donner. Il nous faut une personne douée d’un fort esprit
d ’équipe. Cela me semblait être votre cas, mais enfin, si vous y tenez, libre à
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H I N I 11( ) I ) 111 I KHI
vous d e [ H i s s e r p l u s de temps avec v o s en fan t s. Ma i s n 'oub l i ez ; pa s que , si
t el l es sont vos pr ior i t és, n ou s p oi n t i on s êtr e am enés à r epenser vot r e pl a n
de car r i èr e. » J ’eus l ’im p r ess ion (p i e le p iège se re fe rma i t su r m o i . J e ne sa is
p l u s q u o i f a i r e. - Claire
Quelle est la dynamique à l’œuvre dans ces récits? Pourquoi cer
taines personnes ont-elles le chic de vous faire penser: « Ça y est, j'ai
perdu. Je cède à tous les coups. Je n’ai pas exprimé ce que j'éprouvais
réellement. Pourquoi est-ce que je ne parviens jamais à me faire com
prendre ? Pourquoi suis-je si incapable de me défendre ? » On sait que
l'on s'est fait avoir. On ressent un mélange de frustration et d'amertume
pour avoir renoncé à ce que l'on voulait afin de contenter quelqu'un
d'autre. Mais on ne voit pas comment y remédier. Comment se fait-il, sedemande-t-on, que certains individus arrivent à me dominer psychologi
quement, à me donner un tel sentiment de défaite ?
C'est que, dans ces situations dont on ne peut sortir gagnant, on a
affaire à des experts en matière de manipulation. Ils vous gratifient
d'une douceur rassurante quand ils obtiennent ce qu'ils veulent, alors
qu’ ils n’hésitent pas à vous menacer pour l'obtenir ou, face à un refus de
votre part, à vous remplir de doutes et de remords. Ils donnent ainsi
l'impression d'appliquer une stratégie bien conçue, mais, en réalité, ilsn'ont pas nécessairement conscience de la nature de leurs méthodes.
Certains d'entre eux peuvent même afficher une grande gentillesse et
une patience infinie qui désarment toute méfiance.
Il s'agit en général d'un seul individu - conjoint, parent, frère ou
sœur, ami - qui exerce avec une telle constance ses talents de manipula
tion que l'on en oublie les rudiments du comportement adulte que l'on
croyait pourtant avoir maîtrisés. Car, malgré les compétences qu'on pos
sède ou les réussites qu’on enregistre dans d’autres domaines de la vie,on ne ressent que désarroi et impuissance en face du manipulateur. Il
vous mène par le bout du nez.
Considérons le cas de Sarah, greffier au tribunal. La trentaine pas
sée, jolie et vivace, elle sortait depuis près d’un an avec Frank, entrepre
neur en bâtiment. Ce couple parut heureux et soudé... jusqu'au jour où
se posa la question du mariage. Depuis, affirme Sarah, «son attitude
envers moi a complètement changé. Il semblait vouloir me mettre ù
l'épreuve». Elle comprit la situation au cours d’ un week end qu'elleespérait idyllique passé dans le chalet de l'Vauk. «À notre arrivée,
raconte I elle, j'ai trouvé partout des luit lies cl des bidons de peinture II
m’a tendu tout de suite mi pim eau Ne sai liant pas comment réagir, ji*
me suis mise .1peindre IViidanl l<>11le la journée, l< >deux travaillèrent,
le |>111*. souvent eu mIciu c I nr,<|ii ils dccid* n ul d'a irétci, l i.ml .ortit
une lui y, ne de liniii,aille. -,cil le d’un ciioimc diamant
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I l i I I H M M I C I I O N 'I
1111ci l<) (|t lcr, St iral i lui d em a n da le su is de s on j 'csl e, « Il m 'a di i ,
i •11<11h I elle, <fu il avait eu b eso in de sav oi r s ’ il pou va it c o m p i e i sui
ni i l imi ne vol onté, si j 'a l lais as su me r ma pari di ' l 'e l ì or l c o m m u n .hi l ieu
di h con t ra ind re a t out l a i re dans no t r e c o u p le . » C om m e de b i en
■oli udn, l 'his toir e ne s ’arr ête pas là :
V< »//•• a vo ma f i xéla da t e et p r i s p i r i t i d ’a u t r e s d i s posi t i o n s , ma i s no t a - i r l a
n on in s ’es t pa s st ab i l i sée p ou r aut an t . Car , d côtéd r t ous 1rs cad eau x t p i 'i l
i n n / f n i i t , i l con t i n ua i t d t ue t est er . Si , pa r exemp l e, j e m on t r a i s peu d en t
l ' i . . . r i n r i i t () m 'o c c u p r r des en f an t s de sa sœu r un week -end , i l m e r r p i o
. I h i i i m on l<i i l )l r sans de la f a m i l l e et se dema nd a i t d h au t e voi x s 'i l ne va lu t !
p i r . i n i r i n r om p r e n o s f i a n ça i l l es. Qua n d j e p a r l a i d 'él a r g i r l e c h am p d r
m on ni t i v i tépr o f ess i onn el l e, i l a m is en qu est i on la f o r ce d r m on a t t a che u n u t i l I i i i . I nu t i l e de d i r e (p i e j ’a i r envoyéce p r o j et a ux ca lendes f f i r i qu i
( ¡'t i n t u n r su i t e i n i n t e r r om pu e d ’i n c i d r n t s de c r gen r e dan s I cs i p i el s r éta i t
t ou jou r s m o i i p i i céda is . Néa n m oi n s , je pers i s ta i s d m e ra con t a qu r c 'ét a i t
un t v pe f o r m i d ab l e (p i i a va i t j u s t e beso i n de se sen t i r u n peu p l u s r u s<‘<n
i l i r it\ r c m o i p o u r p o u v o i r va i n c r e sa p eu r d u ma r i a g e.
Sons l em app are nce c i v i l i s ée , l es me nace s de F rank se r évé lè r en t
I un» ’ i l ia .u i lc d'a uta nt plus re do ut ab le qu'e l l es alte rnai ent ave c une
h udn .se suf f is am men t t entante po ur broui l le r les cartes. C'est ainsi que
• uali t onl inu ait , à l ’ instar de la plupart d es gens d ans une tel le situ. i
....... i se lai sser man ipu ler .
Pou rqu oi ? Parce que, à cha qu e lo is , e l le croyait b ien la ne en c l ie i
h ml i le ren dre heur eux, tant l 'en jeu lui semb lai t imp orta nt. Fi l e avait
lu ,iu en vo ul oi r a Frank de b ra nd ir si souv ent des me nac es, el le just i l iai!
. «p i l l i la ! ions répétées pour le maint ien de la paix dans le couple
Dans une re lat ion de c i ' type, on concentre son at tent ion sur les be
■i r. d<- l’au tre, au dé tr im en t de s siens p rop res , et on se berci* di' l ' il lus ion
• |il i c i i i c i e d ’ av oi r ainsi a ch et é sa sécu rité . O n lait ba rra j’e aux dés aci <>i •Is,
.m .il ! i o u Ici l ient s . .. et à la pos sib il ité de c ons tru ir e une rolal ion s ain e
Des c i l i ante s exaspé rants c o m m e ceux q u ’a connu s Sara h co in pl ci il
.......... . les sources de I r ie l ion les plus courantes dans toute re lat ion pci
" l in ei l e , cl pourtant , i ls soni rareme nt ident i f iés et com pr is Dans bien
•h i .is, ou ra nj ’.e ces in ci den ts dans la ca té go ri e des « p ro b le m i" , de
■unii limi li al iou » O n se dit : <• Je suis une al le i li ve, al ors que lui, il .t un
i o l i lu", cé réb ral » ou « F.Ile .i tout si mp le me nt un .m li e état d ’esprit »
I >i ( ’ il i cal il e, le coi il lit ne .s’e xp li qu e pas pai une qu e l c on qu e dii ler ci n e
dr m od e de co m m ui i i ca t io u II n ldi |>1111<>I dan s le l.ul qu e Fi ni des
deu x ai le u r, i m po se sa vo lo nt é à l ' ind u II . ar.it de bien plus qu e d 'u ne
im p ie lue senti lite il i oli vie lit d m u i as de pal Ici de luttes dr |io|i
vol i , de lappo) Ih de Ion e
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Je m'attache, depuis de nombreuses années, à trouver leu mots pour
décrire ces rapports et le triste cycle de comportements qu'ils produi
sent. Selon mon expérience, il y a un déclic dans la tête de l'immense
majorité des personnes avec lesquelles j'en ai discuté dès que j'em ploie
l'expression de chantage affectif.
Le mot chantage, je le sais, évoque des images sinistres et inquié
tantes de malfaiteurs et d'extorsion, et c'est en partie pour cela qu'on a
du mal à s 'imaginer son mari, ses parents, son supérieur hiérarchique,ses frères et sœurs ou ses enfants dans ce rôle. Il n empêche : seul le mot
chantage rend bien compte des comportements dont il s'a git En raison
même de ses connotations extrêmes, il permet d'arracher le voile de
dénégation et de confusion qui recouvre.tant de relations.
Que l'on se rassure: ce n'est pas parce qu'une relation intime
contient des éléments de chantage affectif qu'elle est condamnée. Il faut
tout simplement avoir l'honnêteté de reconnaître la nature du problème
et le courage de corriger les comportements qui causent tant de détresse.
Ce faisant, on peut doter la relation d'une base plus solide.
QU'EST-CE QUE LE CHANTAGE AFFECTIF?
C'est une forme particulièrement puissante de manipulation par
laquelle un proche menace, directement ou indirectement, de vous punirsi vous ne satisfaites pas ses désirs. Au cœur de tout chantage affectif se
trouve une même mise en demeure dont seuls les détails varient selon les
circonstances : si tu ne te comportes pas comme je le veux, tu souffriras.
L'extorqueur professionnel menace de faire des révélations déshono
rantes sur sa victime et exige paiement d'une somme d'argent comme
rançon de son silence, alors que le maître chanteur affectif vous atteint à
un niveau plus profond. I l sait combien vous tenez à votre relation avec
lui. I l connaît non seulement vos points faibles, mais parfois même vos
secrets les mieux cachés. Et pour sincère et profond que soit son attachement, il exploite cette connaissance, chaque fois qu'il redoute de ne
pas pouvoir imposer sa volonté, pour formuler les menaces qui garanti
ront votre soumission.
Conscient de votre désir de conserver son amour et son estime, le
manipulateur af fectif menace de retirer, provisoirement ou définitive
ment, ces sentiments ou vous donne l'impression que vous devez,
d’ abord les mériter. Vous nimez à vous considérer comme quelqu’ un de
généreux et de chaleureux ? 11vous taxera tl1égoïsme lorsque vous n'ac-
céderez pas il) scs demandes. Vous attachez une grande importuner a ln
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h«3»»nil»“ économique et un bien-être matériel ? Il vous laissera entendre
(¡UK |h »tu prétendre à ce bonheur - ou pour éviter de le perdre -, vous
HVh# IiiIi'iîM À remplir certaines conditions préalables. Si vous ajoute/
fui A mi menaces, vous risquez d'être pris dans un engrenage sans fin
qui lut |mmiim I I rsi de vous dicter vos décisions et votre comportement.
Vimin vous trouverez entraîné dans la danse du chantage, une dansemum jitis et ¡ilix partenaires potentiels innombrables.
PERDU DANS LE BROUILLARD
( ’uniment su fait-il que tant de personnes par ailleurs intelligentes eti Hjuiblcw peinent à comprendre un mode de comportement qui semble si
tntilMpiU'tMil ? L'explication tient en partie à ce que le maître chanteur
»411*1• lit produit ù dessein un épais brouillard qui entoure ses agisse-
NI on le savait, on résisterait sûrement, mais, dans de telles
11 h h I tt lui i.m, on n'a tout simplement pas de visibilité. Ce brouillard cotn-
|Mirir> en lu11 trois éléments; la peur, Yobligation et la culpabilité. Un
j1111‘i t mi il des doses massives de brouillard dans ses relations person
nelle*, notre manipulateur réussit à intimider les autres. Ils craignent de
It* contrarier, Ne croient obligés de céder à toutes ses exigences et se sen-
i* ni terriblement coupables s'ils ne le font pas.
IUi raison de la difficulté qu'on éprouve à dissiper ce brouillard, h
mmminait ri* comme tel le chantage affectif que l'on subit, même après
l oup, l'ai dressé la liste suivante. Elle devrait vous aider à déterminer si
vol lu et cmla proie des manipulateurs.
* I . p n individus qui comptent dans votre vie menacent-ils de vous créerde*« difficultés si vous ne satisfaites pas leurs exigences?
* Menacent-Ils constamment de mettre fin à votre relation si vous necédez pas ?
* Donnent-ils ù entendre, explicitement ou non, qu’ ils se laisserontaller, qu'ils sombreront dans la déprime ou qu'ils se feront quelquechose de grave si vous ne vous conformez pas à leur volonté ?
* Demandent-ils toujours plus, en dépit de tous vos efforts?
* Se comportent-ils systématiquement comme si votre soumission ùleurs exigences ne faisait aucun doute?
* Montrent-ils régulièrement le peu de cas qu’ ils font de vos sentiments et de vos désirs ?
9 l oui Ils de grandes promesses que, ù leurs dires, ils ne tiendiont que sivolin avez le comportement souhaité mais qu’ ils respectent rarement?
* Vous traitent-ils d'égoïste, d’Individu avide ou insensible quand vousn’obtempérez pas?
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12 I N l i n . n u . i i o n
• Vous comblent-ils de louanges quand vous les satisfaites, alors qu'ilsretirent leur estime dans le cas contraire ?
• Se servent-ils de l'argent comme moyen de pression ?
Si vous avez répondu par l'affirmative ne serait-ce qu'à une seule deces questions, c'est que vous êtes victime du chantage affectif. Je vous
assure cependant que vous pouvez mettre tout de suite en pratique denombreux changements qui auront un effet bénéfique sur votre situationainsi que sur votre équilibre général.
L 'IND ISPEN SAB LE CLARTÉ
Avant de pouvoir opérer des changements, il faut dissiper la confusion qu'on éprouve sur la nature de ses relations avec les maîtres chanteurs. Il faut faire toute la lumière sur ce problème. C'est d'autant plusindispensable que, au moment même où l'on commence à percer lebrouillard, le manipulateur s’emploie à en produire encore, en nappesde plus en plus épaisses. En dépit de tous les progrès accomplis parnotre société dans la compréhension du psychisme humain et de la
motivation de l’ individu, on se trouve comme engourdi face au chantage: soudain, les antennes qui, d’ordinaire, permettent de se repérerdans la vie affective ne captent plus que des parasites. Le maître chanteur peut habilement dissimuler les pressions qu'il exerce, à tel point quel'on doute de sa perception du phénomène. Qui plus est, il existe souvent un gouffre entre les actions du maître chanteur et l'image bienveillante, voire affectueuse, qu’il en projette, tant à ses victimes qu’à lui-même. Résultat : on éprouve un mélange de perplexité, de désorientation
et de rancune. Mais on n’est pas seul. Le chantage affectif concernent denos jours des millions de personnes.
Tout au long de ce livre, vous rencontrerez plusieurs d'entre elles quisont aux prises avec le chantage affectif et qui trouvent les moyens d'ymettre un terme. Ce sont les récits d'individus réels qui vivent des sentiments et des conflits tout aussi réels. Vous vous identifierez sans mal àces hommes et femmes qui fonctionnent avec grâce et efficacité dansbeaucoup de domaines de leur vie mais qui sont tombés dans le piège
du chantage. Pour peu que vous les écoutiez avec le cœur, ils auronténormément à vous apprendre. Leurs histoires sont des labiés modernesqui peuvent vous servir de balises et de phares au cours de votre périplepersonnel.
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POUR JOUER AU JEU DU CH ANTAGE ,
IL FAUT ÊTRE DEUX
I Utun lu première moitié de ce livre, je mettrai au jour les ressorts du
• (mutage affectif et expliquerai pourquoi certaines personnes y sont par-ti» 11ll t̂ otunit sujettes. Je décortiquerai la transaction du chan tage enhhmiIi ni il ce que recherche chacune des deux parties, ce qu'elle obtienth( ilf •111<*11«' manière. J 'analyserai par ailleurs le psychism e du mattre11h «111 *<111 , (Ai’l ie qui semble de prime abord très difficile du fait des difféi p | i i ru tmmltlérables de caractère et de démarche que manifestent ceux
»l'il pi itllc|(ir*nt le chantage affectif. Certains sont passifs, d'autres ouver-tement agirsslls, On trouve des partisans des méthodes directes et desUiMUlpulateurN subtils. Il y a ceux qui font bien sentir les risques que l'on
hiiii I n les contrarier, et ceux qui insistent sur les souffrances qu'on leurI n f l i g e . Mnls, pardelà toute cette diversité superficielle, ils ont tous q uel-
que ii ulis fondamentaux en commun, ceux qui nourrissent leur cornI«*mirmeut manipulateur. Nous verrons l'usag e qu'ils font de divers• nutlU du métier», dont la peur, l'obligation et la culpabilité, et nousi Immi lirions il comprendre leur motivation.
li* démontrerai que tous les maîtres chanteurs ont un fond de peur :peni de lu défaite, peur du changement, peur du rejet, peur d'une perte
•I» po uvoir; chez certains, ces peurs plongen t leurs racines dans uneIniifiiH! histoire d’nnxiété et de doutes quant à leur propre valeur. Chez•I nulle*, elles naissent en réaction à des sources plus récentes d'incertl
fmli cl île stress qui ont miné la conviction qu'ils avaient d'être capablespl •h* vivre en sécurité. Comme nous aurons l'occasion de voir, le poten -tiel «lu chantage connaît une envolée spectaculaire dès lors qu 'augm en-
tent le* craintes dans la vie du maître chanteur. Enfin, je montrerai quedp« événements déclencheurs un amour non partagé, un divorce, la
|n'i le d'un emploi, le départ à la retraite, une maladie peuvent facile-ment Il 'a us l'on ner un intime en maître chanteur.
( ¿aidonsnous toutefois de supposer que ceux qui ont recours à des• liantup.cN affectifs se demandent tous les matins au réveil : « Que puisjelulie aujourd'hui pour m ieux détruire ma victime? » Ce sont plutôt desInillvUluN qui trouvent un sentiment de pouvoir et de sécurité dans la
manipulation. Quelle que soit l'assurance qu’ils peuvent afficher, touN lesmettre! chanteurs agissent à partir d'une lorte angoisse.
Mais voila : quand les autres leur obéissent au doigt et ft l'œil, Un se
tentent ti’ch puissants, du moins momentanément. I,e chantage devientle bouclier qui les protège de leurs peurs et de leurs peines.
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LE RÔ LE DE LA VICTIME
Et pourtant, le maître chanteur ne pourrait jamais se doter d'une
:elle arme sans le concours de sa victime. Eh oui : pour instaurer une
elation de chantage, il faut être deux. C'est une transaction. D'où l'im
ortance d'élucider le rôle qu'y joue la victime.Chacun apporte à toute relation dont il fait partie une redoutable
série de points sensibles : les rancunes, les regrets, les angoisses et les
âges accumulés au cours de la vie. Le chantage affectif ne peut fonc-
ionner que si l'on révèle à l'autre qu'il a bien découvert ces points sen-
»ibles et qu'on sursautera quand il les touche. Tout au long de ce livre,
îous verrons que ce sont en grande partie les expériences d'enfance qui
;e trouvent à l'origine des fortes réactions automatiques ayant créé cetteîypersensibilité.
C'est avec fascination et satisfaction que je constate l'évolution
’écente des idées en matière de comportement humain : contrairement à
a pensée traditionnelle, qui ne voyait que des victimes, les conceptions
ictuelles mettent l'accent sur la nécessité, pour l'individu, d'assumer la
esponsabilité de sa vie et de ses problèmes. Cette nouvelle vision n'a
îulle part une pertinence aussi grande que dans le domaine du chantageiffectif. Il est facile de se concentrer sur les torts des autres et de se dire
lue, si ces derniers s'amendaient, tout irait pour le mieux. Or, ce qu'il
aut en réalité, c'est trouver le courage et la volonté nécessaires pour
changer soi-même et modifier la nature de ses relations avec ceux qui
ispirent à s'imposer par la manipulation. Nous rechignons à avouer que,
:n capitulant, nous donnons au maître chanteur les moyens de nous
lominer, mais il n'empêche : cette soumission équivaut à une récom->ense donnée au manipulateur. Et chaque fois qu'on récompense quel
qu’un d'une action, on lui fait clairement comprendre, sans même le
ouloir, qu'il peut récidiver.
... ET SON COÛT
Le chantage affectif s'étend tel le liseron, Jusqu'il ce que ses vrilles
missent par s'enrouler autour de tous Ion aspects de la vie. Si l'on y cède
lans son travail, on risque, on rentrant le noir, de passer sa frustration
ur ses enfants. Il en va de même d’une mauvaise relation avec l'un de
es parents: on en lait « profiter * non » onjolnti Car, nia lheureu.se meut,
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faible ou plus vulnérable que soi.La plupart des manipulateurs sont des amis, des collègues ou des
membres de la famille avec lesquels on a des liens étroits que l'on tient àconserver. Parfois, on éprouve pour eux un amour qui se nourrit du sou
venir des bons moments passés ensemble, des rares occasions de complicité qui se produisent encore et d'un long parcours commun. On restealors convaincu qu'il s'agit d'une relation globalement positive que seulsles vents du chantage affectif font dévier de temps à autre. C'est ainsique, si l'on n'y prend pas garde, on est aspiré par le tourbillon du chantage, dans lequel on finit par entraîner toutes les personnes de sonentourage.
Car on paie le prix fort pour des capitulations répétées. Les paroleset les actes du manipulateur maintiennent la victime dans un état dedéséquilibre, de honte et de culpabilité. On a beau avoir conscience de lanécessité de changer la situation et se jurer encore et encore de le faire,on découvre à chaque fois qu'on est retombé dans le piège. On commence du coup à douter de sa capacité à respecter ses vœux personnelset à perdre confiance en son efficacité: rude épreuve pour l'amour-
propre. Qui pis est, chaque nouvelle reddition amenuise un peu laconviction qu'on a de sa propre intégrité, cette boussole interne qui aidechacun à déterminer ses valeurs et ses actions. Que le chantage affectifn’appartienne pas à la catégorie des atteintes graves à la personne nedoit pas pour autant vous conduire à en minimiser la portée. Subi régulièrement, le chan t age af f ect i f vou s dét r ui t à pet i t f eu da ns une escalade
qu i met de p l u s en p l u s en pér i l n on seu l emen t vos r ela t ions les pl us
import an t es, mai s aussi vot r e esti me de vous-même.
DE L A PR ISE DE CONSCIENCE
À L 'ACT ION
J'exerce le métier de thérapeute depuis plus de vingt-cinq ans aicours desquels je me suis occupée de plusieurs milliers de patients danîdes contextes différents. Mais en dépit de cette diversité, je peux néanmoins me hasarder à une généralisation, sans craindre de tomber dansla moindre contradiction : aucun autre vocable de notre langue ne faiaussi peur que le mot changement. Cette source universelle de frayeur sbien neu de partisans. à tel point que la plupart des individus, y comprii
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n
l'auteur de ces lignes, déploient par moments des trésors de créativitépour l'éviter. Si insupportable que soit le statu quo, on semble préférer lemaintenir plutôt que de faire les choses autrement.
Mais la vie professionnelle et la vie personnelle m'ont égalementappris cette certitude absolue : rien ne changera tant qu'on n'aura pas
modifié son comportement. La perspicacité à elle seule ne suffit pas. Lefait de comprendre pourquoi on se comporte de manière à miner sonpropre bien-être ne mettra pas fin à ce comportement si stérile. Ajoutonsqu'il est tout aussi inutile de harceler le manipulateur ou de le supplierd'arrêter. Non, il faut agir. Il faut faire le premier pas sur un chemininconnu.
POUR UN NOUVEAU LANGAGE
DU CH OIX
Mes livres précédents donnaient la priorité à la recherche de solu
tions, et celui-ci ne fait pas exception à la règle. Dans la deuxième partie,nous examinerons, étape par étape, le large éventail de choix dont ondispose quand on devient la cible d'un chantage affectif. Car, contrairement à ce que supposent la plupart des gens, on a souvent plus d'optionsqu'on ne le croit. C'est là une puissante source d'autonomie. Nous verrons des stratégies qui permettent à la fois de tenir bon, même dans descas de forte intimidation, et de se sentir bien dans sa peau. Des check-lists, des exercices, des scénarios hypothétiques et des techniques decommunication non défensives compléteront le tableau. Ce sont lesméthodes que, depuis un quart de siècle, j'affine et j'applique dans lecadre de mon travail. Et qui marchent !
Par ailleurs, et c'est tout aussi important, je vous aiderai à vousretrouver face aux grandes questions éthiques, morales et psychologiques qui se posent à tous ceux qui doivent affronter des chantagesaffectifs :
• Dans quels cas fais-je preuve d'égoïsme, et dans quels cas est-ce que j'agis au contraire par simple fidélité à mes désirs et à mes priorités ?
• Combien puis-je donner de moi-même sans sombrer dans l'amertume ou la déprime ?
• Fais-je violence à mon intégrité en cédant au maître chanteur ?
Je vous donnerai les outils permettant de déterminer, au cas par cas,
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Ce livre vous aidera par ailleurs ¡ï réduire et à maîtriser les sentiments de culpabilité que les manipulateurs vous inspirent. Vous apprendre/. à mieux supporter le malaise que l'on éprouve inévitablement lorsqu'on commence à modifier son comportement afin de se libérer d’uneculpabilité imméritée. Comme nous le verrons, celle-ci diminue au fur et
A mesure qu’on adopte un comportement sain d'affirmation de soi. Etsans culpabilisation, le maître chanteur n'a plus de pouvoir. Je vous accompagnerai tout au long de cette odyssée scandée par les
transformations internes qui vous permettront de vous débarrasser devos réactions spontanées au chantage affectif et de les remplacer par deschoix conscients et positifs. Vous établirez les limites que vous refuserez»le* dépasser pour satisfaire autrui au détriment de votre propre bien-
itre.Parallèlement à cette formation à la résistance, vous apprendrezaussi à détecter les incidents de chantage affectif qui ne méritent guèreUne véritable riposte ou face auxquels il serait même plus astucieux decomposer. Dans certaines situations extrêmes, bien sûr, le seul recourssensé consiste à rompre radicalement avec le manipulateur. Nous verrons pourquoi, dans ce cas, toute autre réaction est vouée à l'échec.
Lorsque vous aurez appris à vous libérer du cycle débilitant du chantage affectif, vous éprouverez une énergie et un enthousiasme auparavant inimaginables.
« J'ai enfin réussi à dire non à mon petit ami, m'a raconté unepiUicnte, et à me rendre compte du caractère irrationnel de ses exigences. Je n'ai rien fait pour le blesser, même s’il aimerait soutenir lecontraire. Et pour la toute première fois, je n'ai pas réagi en me fustigeant et en lui téléphonant un quart d'heure plus tard pour m'excuser. »
Ce livre est destiné à tous ceux qui s'efforcent de maintenir leursliens avec leur partenaire, un parent, un collègue ou un ami qui est en1rnin d'étrangler une relation par ailleurs positive avec les lianessinueuses de la manipulation.
Même si je ne peux être physiquement à vos côtés alors que vousenl reprendrez ces transformations profondes et parfois douloureuses, jevous offrirai un fort soutien moral à toutes les étapes. Je vous assisterai
dans la tâche primordiale qui consiste à construire de nouvelles relationssaines, non seulement avec les manipulateurs que vous connaissez, maisaussi avec vous-même.
11faut un courage indéniable pour affronter le chantage affectif. Celivre vous en donnera les moyens.
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P R E M I È R E P A R T I E
Comprendre
le mécanisme
du chantage
affect i f
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1
Chantage affecti f :
le diagnostic
Le monde du chantage affectif est bien déroutant. Si certains manipulateurs formulent des menaces on ne peut plus explicites, d'autres
manient tromperies et subterfuges avec une grande habileté. Ils émet
tent des signaux contradictoires, puisqu'ils se montrent le plus souventgentils et réservent le chantage affectif pour quelques rares occasions.
D'où la difficulté de déterminer si, oui ou non, une logique de manipulation s'insinue dans la relation.
Il existe certes des maîtres chanteurs vigoureux qui vous menacentrégulièrement et ouvertement en précisant le sort qui vous attend en cas
de refus d'accéder à leurs demandes. Quand quelqu’un vous dit : « Si tume quittes, tu ne verras plus jamais les gosses » ou : « Tant que vous nedonnez pas votre aval à mon projet, je ne transmettrai pas ma lettre derecommandation », il n 'y a pas de doute à avoir sur ses intentions.
Le plus souvent, cependant, le chantage affectif prend une forme
beaucoup plus subtile et se manifeste dans une relation ayant de nombreux côtés positifs. Connaissant l'autre personne sous son meilleur
jour, on laisse ses souvenirs agréables éclipser le soupçon tenace quequelque chose ne va pas. C'est ainsi que le chantage affectif vous prendpar surprise : imperceptiblement, il franchit la frontière séparant descomportements acceptables de rapports d’abord teintés, et ensuite saturés d’éléments qui compromettent votre bien-être.
Un comportement doit cumuler certaines caractéristiques avant quel’on puisse le qualifier de chantage affectif. I l convient donc d'en faire le
diagnostic à la manière d'un médecin qui cherche à identifier la maladiedont souffre son patient, en examinant les symptômes qu’il présente.
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5. Capitulation. Ne voulant pas perdre Patrick, Hélène se dit qu'elleavait peut-être tort de s'opposer à son installation chez elle, malgré l'appréhension qu'elle en éprouve. Résultat : ils ne parlent que superficiellement des inquiétudes d'Hélène, et Patrick n'essaie même pas de les apaiser. Au bout de quelques mois, Hélène rend les armes. Patrick s’installechez elle.
6. Répétition. Ce triomphe de Patrick inaugure une nouvellepériode de tranquillité. Ayant réussi à imposer sa volonté, il « lève lepied », et leur relation semble se stabiliser. Chez Hélène subsiste, certes,un malaise mais elle est en même temps soulagée de ne plus subir depressions et d'avoir regagné l'amour et la bienveillance de Patrick. Celui-ci a, pour sa part, vérifié dans la pratique toute l'efficacité de la stratégiede l’insistance culpabilisante, alors qu’Hélène conclut de l'incident que
c'est en cédant qu'elle peut se soustraire le plus rapidement aux pressions exércées sur elle. Les bases du cycle exigence-pression-capitulationont été jetées.
Les six caractéristiques que nous venons de voir se trouvent au cœurdu syndrome du chantage affectif. Nous aurons maintes fois l’occasion,tout au long de ce livre, d'y revenir et de les approfondir.
ET POURTANT,
CELA VOUS CRÈVE LES YEUX...
Ces symptômes semblent tellement évidents et si troublants que l'onpourrait supposer que, dès leur apparition, tous les clignotants se met
tront immédiatement au rouge. Or, il arrive souvent qu'on soit déjàempêtré dans le chantage affectif avant de s'en rendre compte. C'est enpartie parce qu'il ne fait que pousser à l'extrême un comportementqu'on utilise et qu’on rencontre sans cesse : la manipulation.
Il y a de nombreuses versions de celle-ci qui ne posent guère de problèmes. Tout le monde les emploie et les subit à l'occasion, car chacun aappris à jouer à une multitude de jeux permettant de manœuvrer les
autres pour qu'ils agissent de la façon souhaitée. L'un de mes préférésconsiste à dire à la cantonade : « Tiens ! Ce serait vraiment bien que quelqu’un ouvre la fenêtre », au lieu d'adresser cette demande explicite à unepersonne : « Pourriez-vous ouvrir la fenêtre, s'il vous plaît ? »
D'ailleurs, la difficulté qu'éprouvent beaucoup do gens à aborderiirectement des questions même de faible Importance, sans comoter
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celles dont l'enjeu est gros, a quelque chose d'étonnant. Pourquoi ne pas
demander tout simplement? Parce que c'est risqué, car l'autre personnepourrait refuser. Du coup, rares sont ceux qui osent exprimer clairementet sans détours leurs désirs et leurs sentiments, tant la peur de se trouver
en mauvaise posture est puissante. On risque, raisonne-t-on, de finir en
colère ou, pis, humilié. Si, en revanche, on ne demande pas ouvertementet que l'autre refuse, ce n'est pas un vrai refus qu'on essuie! Quand il
N’agit de vaincre un malaise, l'être humain n'est jamais à court d'arguments de ce type.
En utilisant la manière oblique, on évite en outre de paraître agressifOU demandeur. Il est bien plus commode d'émettre des signaux ambigusil ans l'espoir que ceux qui les reçoivent sauront malgré tout les interpré
ter correctement et deviner les désirs ainsi exprimés : « On dirait que lechien a envie de sortir... »
On y parvient quelquefois sans même prononcer un seul mot. UnNoupir, une moue, un regard de travers : tout le monde en fait et enreçoit, y compris dans les relations les plus harmonieuses. Il est toutefoisun seuil au-delà duquel la manipulation ordinaire prend un caractèrenuisible. La man i pu l a t i on devi ent chant age af fecti f dès lor s que la per -
t on ne s'en ser t de façon répétée pou r vou s cont r aindr e à accept er ses exi - l t*'nces, si besoi n est au dét r iment de vos désirs et de vot r e bi en-êt re.
LE DRO IT DE FIXER
DES LIMITES
Qui dit chantage affectif dit conflits, pouvoir, droits. Quand un individu veut quelque chose que l'autre refuse, jusqu'où chacun d'eux peut-ilraisonnablement insister? À partir de quel moment estime-t-on quel’autre exerce des pressions excessives? Compte tenu de l'importanceque chacun accorde à l'expression de ses sentiments et à la définition deses limites, on entre là dans un territoire aux frontières floues. N'ou
blions pas que ce serait une erreur de considérer comme chantage affectif tout conflit, toute expression d'un sentiment fort ou toute volonté deposer des bornes.
Afin de mieux faire ressortir cette distinction capitale, nous allonsd'abord examiner plusieurs situations dans lesquelles des limites légitimes sont établies, puis envisager le dénouement que pourraient avoir
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Sans chantage
Denise et Annie avaient été amies et collègues dans une agence de publi
cité avant de décider de se mettre chacune à leur compte. À l’ époque où
elle travaillait sur un livre de photos, Denise commença à se demander si
Annie ne lui faisait pas du chantage affectif.
Voic i ce récit :
Dès les pr emi er s jou r s de n otr e ami t ié, n ous pou vi on s par l er d e tout. Nou s
a von s pa ssédes heur es à échanger n os i mp r ession s su r l es déf i s d u t r avai l
in dépenda nt , q u i n ou s par ai ssai ent d 'au t an t pl u s énor mes qu e n ous a vion s
t ou t es l es deux débu tédans de gr osses soc iétés présen t an t des avan t ages qu i
con t in uen t pa r m oments de nous manquer . Nou s avou i ons volon t i e rs nos
cra in tes et pr at i qui ons sou ven t l ’entr aide. C’éta i t un e relat ion t rès for t e ju s
q u ’au jo u r où j'évoqu a i le l i vr e qu e je prépar ai s.
An n i e sembla i t cer t es cont ent e de la n ouvel l e, ma i s, p eu apr ès, el l e me
t if hf pli ona : <•l u sai s, je su i s u n p eu ja l ouse. Je m e démène act uel l ement , et
poi n t an t un1,s eff ort s n 'on t l 'a i r de débouch er sur r i en. J ’ai mer ai s qu e tu
n a t t e* pend an t l i n moment de nie détai l l er avec tel lement d ’ent h ousia sme
i l i ' i nl ei \ i>ionit'\ ( "es l un peu r etour ner l e cout eau dan s la pla ie . » J ’ac -
i tUlrtl aussit ôt <1 mi d eman de et, coin me si de ri en n ’étai t, nous avon s cha ngé
île lei t l k t ie et en (un i t / u ne conver sat ion su r le pr o je t qu i l ’occu p a i t à
(ijpSfMliDéfi ni * l in s, à cha que foi s qu 'i l m 'ar r i ve d'eff l eur er le sujet d e m on li vr e,
el le n ie coup e la pa r ole : « I l vaut m ieux ne pa s en parl er. » Not r e r ela t i on comm ence de ce fai t à deveni r u n peu tendue, m ai s, comm e je t i ens bea u
cou p à Ann i e, j'essai e de m 'a d apt er et de jou er sel on ses règles.
Il paraîtrait à première vue qu'Annie cherche à faire pression sur
Denise pour lui imposer sa volonté, qu'elle se permet de dicter les sujets
de conversation admissibles. Or, il n’en est rien. Annie avoue tout sim
plement ses vrais sentiments et essaie de se ménager en indiquant ses
limites quant aux récits qu'elle peut supporter de la part de son amie.
C'est entièrement son droit. Après tout, quoi de plus humain que de se
sentir jaloux quand quelqu'un d’autre réussit dans le domaine précis où
l'on essaie soi-même de percer, surtout si l'on a l'impression de faire du
surplace ? Tout individu vit des moments où il préfère éviter certains
sujets de discussion et, de même qu'Annie, il est fondé à fixer des limites.
De son côté, Denise a le droit de décider que les limites établies par son
amie ne lui conviennent pas et d'exprimer son déplaisir, ou de réduire le
temps qu'elles passent ensemble.
Dans cette situation, Annie n'a menacé Dc iiInc ni directement niindirectement au cas où elle ne donnerait pt«s Nuitc* û nu demande. Elle
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ti'ft pas exercé de pressions ; elle s’est bornée à communiquer ses besoins
et gai sentiments. Oui, il y a conflit, Oui, Denise admet difficilement cette
modification de leur relation. Oui, des émotions puissantes sont en jeu.
Mais on ne saurait parler dans ce cas de chantage affectif.
Dépassement des bornes
Reprenons à présent la même situation mais en y ajoutant un élément
de chantage affectif. Imaginons que, la première fois que Denise lui
parle du livre en chantier, Annie répond : « Je suis ravie de l'entendre !
Tu dois sûrement être débordée de travail. Tu ne trouves pas que ce
••mit chouette si nous y travaillions toutes les deux? Je pourrais être
ton assistante. »
Puis, quand Denise l’assure quelle n'a pas besoin d'aide, Annie luiillt : « Je croyais pourtant que tu étais mon amie. Tu sais à quel point je
i mue en ce moment. Déjà, j ’ai eu fort à faire pour digérer la rupture avec
Roger* et maintenant il y a le fisc qui me tombe dessus. Ça me déprime
tellement que j'a i franchement du mal à me mettre à l'ouvrage. Et moi
<|ili te prenais pour quelqu'un qui n'hésiterait pas à aider une amie dans
|t* besoin ! »
Constatant que Denise campe malgré tout sur ses positions, Annie
tWNNe à la vitesse supérieure en faisant appel à la générosité de sonamie : « Je ne vois absolument pas, dit-elle, en quoi cela te gênerait de
partager ton bonheur avec moi. Tu sais que je le ferais bien pour toi. »
H Ile commence à taxer Denise d'égoïsme et de radinerie, tout en insis
tant de nouveau sur l'aspect sombre de sa propre situation. Elle menace
alors de mettre fin à leur amitié si elle n’ est pas prise comme assistante.
Denise cède.Ce scénario comporte tous les ingrédients du chantage affectif : exi
gence, résistance, pressions, menaces, capitulation. Qui plus est, les deuxprotagonistes sont mûres pour une répétition.
U N C O N F L IT , D E U X S O L U T I O N S
Il n 'y a pas grand-chose à objecter à l'idée de demander à quelqu'un
de ne pas évoquer un sujet particulier. Mais si le conflit porte sur une
question plus sérieuse comme une liaison extra-conjugale d'un
conjoint, l'alcoolisme d'un ami, la malhonnêteté d'un collègue? Les
personnes concernées peuvent être amenées à se dire des mots difficiles
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à entendre et propres à susciter de fortes émotions. Dans ce cas-là, le
geste consistant à imposer des limites à la discussion risque de ressem
bler à une tentative de chantage. Mais même alors, il convient de recon
naître la différence nette entre l'établissement de limites légitimes et le
désir de manipuler, comme le montre le contraste entre les scénarios
qu i suivent.
Liaisons dangereuses
Je connais mon ami Jack et sa femme M ichelle depuis des années, et j'a i
toujours admiré leur relation. En dépit de la grande différence d'âge
entre eux - Jack a quinze ans de plus -, ils semblent liés par une rare
complicité, entre autres parce qu'ils sont tous deux des musiciens pro
fessionnels qui jouent dans le mêm e orchestre symphonique. Un soir,
Jack a proposé de m'accompagner en voiture à une réunion de l'asso
ciation des amis de 1* Opéra dont lui e t moi faisons partie. Sur le chemin
du retour, nous avons eu l'occasion de discuter. « Comment expliques-tu
l'entente phénoménale entre vous deux? Qui vous a révélé le secret du
mariage parfait ? » demandai-je.
Jack me fit une réponse que je n'attendais pas du tout.
À vr a i d i re , n otr e re la t ion n ’a p a s t ou jou r s étési géni a l e qu e cela , d u m oi n s
en ce qu i concer ne m on compo r t emen t . Je va i s t e r a con t er u ne h i s t o i r e que
peu de gens conna i ssen t . I l y a t ro i s ans , j ’a i fa i t un e bêt i se. J ’a i com m encé
un e l i a i son avec u ne j eu ne v i o l o n i s t e qu i j o u a i t à t i t r e excep t i o nn el d ans
l ’orch est r e. L'a ven t u r e a étéde cou r t e du rée, m a i s je m ’en su i s sent i t err i b le
m ent coupa b le . C’éta i t id i o t , ça n e r i m a i t à r i en . Su r tou t , j e ne suppor t a i s
pa s l ’ i dée de d i ss i m u l e r l es fa i t s à Mich e l l e et j e sava i s q u ’i l n ’y au r a i t p l us
ja m a i s d ’i n t i m i téréel l e en t r e n ou s si j e n e l u i c on f essa i s p a s l a vér i té. J ’a i
d on c déci déqu e, m a l gréles r i squ es qu e je cou r a i s, c ’ét a i t m on i n térêt d e l u i
en par l er .
Dan s un p r em i e r t emps, j ’a i c r u q u ’el l e a l l a i t m e t uer . E l l e m ’a à pe i ne
ad r esséla pa r o l e pend an t p l us i eu r s sema in es , e t n ous avon s com m encéà
fa i r e cham bre à pa r t . Pu i s el l e m ’a su rp r i s . E l l e m ’a a n non céque , ap r ès
m ûr e réf l ex i on , el l e s ’éta i t r endu com p t e q u ’i l n ou s fa l l a i t u n p la n p ou r
p ou vo i r r es t er ensemb l e j u squ ’à l a f i n de nos j ou r s . E l l e m ’a d i t que , en
dépi t d e sa r age, el l e a va i t envi e de m e p r op oser u n m a r ché: el l e la i sser a i t
pa sser cet i nc i den t et s ’abst i end r a i t de l ’exp l o i t e r comm e moyen d e p r essi on
cha que fo i s qu ’el l e vou la i t ob ten i r que lque chose (l e mo i . En con t repa r t i e , j e
deva i s m ’engager f erm emen t à u n e re la t ion excl usi ve, n i e r emet t r e défi n i t i
vem en t su r l a bonn e vo i e et a l l er vo i r un consei l l er con j uga l a vec el l e . S i j e ne me sent a i s pa s en m esur e de m'eH^a uet i l uns ce sens, el l e m e qui t t er a i t ,
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elle. Nou s a vons une bell e vie ensemble, et sur t out deux enfan t * magni f i ques.
Ma i s bon sang I El l e m e tra i te comm e s i j 'ava i s comm i s un cr i me cont r e l ’h u
mani té. El l e ne m e l ai sse pa s ou bl i er cett e hi stoir e u n seu l i nstant .
El l e l ’évoqu e ch aqu e f ois qu 'el l e veut qu el que chose de moi . Cel a l ui p er
m et d e d i c te r le m om ent où nou s accuei l l ons ses par ent s, le f i l m que n ous
i r ons vo i r ou les objet s que je do is l u i o f f r i r pou r la r end r e heureuse. E n ce
moment , el l e t i en t à fa i r e u n voyage a l or s qu 'u n e af fa i re jud i c ia i r e i m por ta nt e exi ge m a présence ic i . Pou r m a par t , je ser a i s r a v i qu 'el l e y ai l l e en
comp agn i e d'un e am i e, mai s el l e veu t ce q u ’el l e veut , qu a n d el l e le veut . I l
f a u t app a r emm en t que je lâche tou t et qu e je pa r t e su r -l e -cha m p , sous
prét ext e qu e je l ’a i t r om pée et t ra hi e. El l e me di t qu elqu efoi s : «Tu m e le
dois . Tu v ivr a i s mi l l e ans que tu ne pour r a i s tou jou r s pa s te fa i re pa r don
ner. » Si j e n ’accède pas à t out es ses exi gences, el l e n e rat er a pa s u n e occa
si on d e m e ra ppeler qu e j ’ai agi comm e un sal aud. El l e a même étéju sq u ’à
col l er u n Post -i t su r l ’a r m oir e à ph ar ma c ie avec l ’i nscr i p t ion «adul tère ».
Comm ent songer à ne p as céder ? J ’a i t r op p eur q u ’el l e m e qui t t e sin on. El l e
a r a i son : je l ’a i ef f ec t i vement t r ompée et je n ’en su i s p as f ier . Ma i s je ne
peux pa s con t in ue r a ins i . Comm ent sor t i r de ce bour b ier ?
À l'instar de Michelle, Stéphanie avait de quoi se mettre en colère. La
différence, c'est qu'elle a réagi à l'infidélité de son mari dans un esprit
vindicatif et autoritaire. En un mot, elle s'est livrée au chantage.Effrayée et déstabilisée par la liaison de Robert, Stéphanie a cru à tort
pouvoir se l'attacher fermement en le culpabilisant tellement qu'il lui
obéirait sans conditions. Elle s'obstinait à le présenter comme un être
moralement inférieur au comportement indigne, à se servir de sa trans
gression comme d'une arme. Sa menace était claire et constante : « Si je
n'obtiens pas ce que je veux, je ferai tout mon possible pour te rendre
malheureux», le message sous-jacent étant: « Désormais, c'est moi qui
commande. »
Une situation aussi complexe qu'une aventure amoureuse comporte
des dangers évidents, mais elle peut aussi ouvrir de nouvelles perspec
tives. C'est précisément pour cela qu'elle donne matière au chantage.
Michelle a profité de l'expérience pour recentrer son mariage et préciser
à Jack ce qu'elle attendait de lui, d'elle-même et de leur union. Stépha
nie, quant à elle, s'est empêtrée dans la rage et la soif de vengeance.
En somme, toute relation que l'on choisit de maintenir à la suited'une transgression sérieuse offre autant de possibilités de souffrances
que de guérison, qu'il s'agisse de la trahison d'un collègue, d'une
brouille profonde au sein d'une famille ou de la perfidie d'un ami. Mais
dès lors que l'un et l'autre protagoniste font preuve de* bonne volonté et
d'un désir sincère de dépasser la crise qui porte Atteinte à leur relation,
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IIAN I AOl A F F I G T I f ! LE DIAGNOSTIC
Q U E R E C H E R C H E N T -IL S
A U J U S T E ?
Comment savoir si l'autre se soucie réellement de résoudre le pro-blème ou si, au contraire, il ne vise qu'à vaincre ? Inutile de l'interroger,
ttU lu qu'il ne dira sûrement pas : « Je n'en ai rien à faire de tes désirs. Je
flierche tout simplement à imposer ma volonté. » Dans une situation de
flirte tension, d'ailleurs, on a de plus en plus de mal à y voir clair, sur
tout si l'on subit des pressions. D'où l'intérêt de la liste qui suit, qui
devrait vous aider à percer les intentions et les objectifs qui sous-ten-
»li lit le comportement de l'autre et, le cas échéant, à diagnostiquer le
i lumtage affectif.
Voici ce que fera celui qui cherche véritablement à régler un conflit
fit» laçon équitable et attentionnée :
• il parlera ouvertement du conflit avec vous ;• il s'informera de vos sentiments et de vos préoccupations ;
• il s'efforcera de découvrir pourquoi vous résistez à ses demandes ;• il reconnaîtra sa part de responsabilité dans le conflit.
Comme le montre l'histoire de Michelle et de Jack, on peut très bien
#lre fâché avec l'autre sans pour autant essayer de l'envoyer affective
ment au tapis. Des désaccords même très profonds n'ont pas besoin de
{{¿générer en insultes ou en condamnations sans appel.
Celui qui, par contre, est mû avant tout par le désir de vaincre agirailr lu manière suivante :
• il cherchera à vous dominer;• il ne fera aucun cas de vos protestations ;• il prétendra de façon répétée à une sorte de supériorité morale sur
vous ;• il déclinera toute responsabilité dans le conflit.
Quand vous constatez que l'autre essaie de s'imposer, quelles qu'en
noient les conséquences pour vous, c'est que vous êtes en présence du
comportement type du maître chanteur.
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DE LA SOU PLESSE
À LA PARALYS IE
Lorsqu'on se trouve dans une situation qui menace de glisser vers le
chantage affectif et qu’on s’efforce d’ analyser symptômes et intentions,
il convient de se poser cette question : combien de souplesse ai-je - etadmets-je - dans cette relation ?Dans une relation envahie peu à peu par le chantage affectif, on per
çoit un changement important d’ambiance. Comme dans le cas de
Robert et Stéphanie, la machine se grippe : pressions et menaces deviennent un phénomène quotidien, le froid s’installe et la souplesse qui per
mettrait normalement de bien naviguer entre les récifs semble largement
perdue.
Tant que cette souplesse est présente, elle paraît si naturelle qu'onpourrait presque oublier son existence. Tous les jours, sans difficultés et
sans drames, on négocie les innombrables détails de la vie, qu’il s’agisse
de choisir un restaurant où dîner, un film à voir, une couleur de peinture
pour le salon ou le site le plus agréable pour organiser un pique-nique.
Très souvent, d’ailleurs, la réponse importe peu, et c'est celui qui
exprime les préférences les plus fortes qui gagne, sans conflit sérieux.
Car, par-delà ces divergences et ces manipulations normales, il règne unclimat d’équilibre et d’équité, où chacun met du sien. Ceux qui vivent
une telle relation peuvent tranquillement faire beaucoup de concessions,
sachant qu’elles n’ auront guère d’ incidence négative sur leur amour-
propre ou leur dynamisme. En contrepartie, cela va de soi, ils attendent
de l'autre cette même bonne volonté.
Dès lors qu’elle vient à faiblir, cependant, le statu quo semble dicter
l'avenir de la relation. Tout se passe comme si l’on n’avait plus le droit
de changer, de quitter un rôle dans lequel, pourtant, on ne se retrouve
pas forcément en toute circonstance. Bref, on est figé, paralysé.
Pendant mon enfance, mes amis et moi-même jouions à une version
du « chat » dans laquelle le joueur touché doit instantanément se figer
sur place et ne plus bouger jusqu’à la fin de la partie. Du coup, un jardinoù se déroulait ce jeu finissait par présenter l’aspect d’une exposition de
sculptures en plein air, plusieurs enfants se tenant immobiles dans les
positions les plus invraisemblables. Le chantage affectif ressemble beaucoup à ce jeu... sauf qu'il n'amuse personne. Il suffit Qu'il frôle une rela
tion pour quelle se raidisse et que ses membre* Me trouvent pris dans un
cercle vicieux d’exigences et de capitulations, Plu# queNtion de changer
de pose ou de mieux s'équilibrer.
Arthur, patron d’une petite entreprise *i»* mobilier, eit un homme
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«>l drôle, mais il avait l’air plutôt catastrophé la première lois qu’ il vint
1110 voir pour parler de ses problèmes avec sa nouvelle épouse.
« Je pensais, dit-il, que Joséphine était exactement la femme qu’il me
Inlltill. Elle est ravissante, intelligente, pleine d’humour...
- Cela me semble bien, répondis-je. Mais pourquoi alors cette mine
d'enterrement? »
Je comm ence à me dema nder si ça va marcher, pou r sui vi t -i l . Je sai s qu ’ell e
m'aime, ma i s je m 'i nqu ièt e for t ement de la t our nu r e que pr end not r e r ela
t ion. Chaque f oi s que je pr opose que nous pa ssions un peu de temps sépa
rément - mes copa i ns m e ha r cèlent sans ar rêt pou r qu e j'a i l l e au ci néma
avec eux ou qu e je l es r ejoi gne au caféaprès le t r avai l -, el le se mont r e mor
t el l ement vexée. Avec un r egard r empl i d e t r i stesse, el l e me d i t : « Qu ’est -ce
qu 'i l y a ? Tu t 'embêtes avec m oi ? Je croyai s pou r t ant que t u m 'ad ora i s !Si j e fai s des pr ojet s, el l e boud e, me suppl i e et m e donn e cla i r ement
ent endr e combi en j e la r ends mal heur euse. Je ne m e dout ai s pa s qu'el l e
ser ai t si dépendant e. Pou r m a par t , cel a ne me dérange absol ument pas
qu'el l e sort e avec ses copi nes mai s, appar emment , ell e en a de moi n s en
moin s envie. On di ra i t q u ’el le veut m 'accomp agn er par t out . Un jour , j 'a i
quand même pr i s mon cour age à deux mai ns et je su i s sort i avec mes ami s.
Ell e a r efuséde m ’adr esser l a pa r ole pend ant un e semai ne. Je croyai s avoir t r ouvéla femme de ma vi e, et ell e est ef fecti vement super be, ma i s je com
mence à l u i en voul oi r . Not r e r el at i on a t el l ement de côtés fan t ast i ques, et
pour t an t , qu 'est -ce que cel a m ’énerve de devoi r l u i p asser t ous ses capr i ces J
Il arrive souvent que les individus très dépendants paniquent quleur amant ou conjoint essaie d'avoir des activités auxquelles ils ne par
ticipent pas. Ils sont submergés par la peur d'être rejetés et abandonnésmnls, au lieu d'en parler ouvertement, ils dissimulent leur angoisse. Un
ftdulte, « comme chacun sait », se doit d'être fort et autonome : il ne faut
lurtout pas apparaître comme un enfant effrayé. Se rendant compte du
déflir d’autonomie d'Arthur, Joséphine a certes exprimé ses sentiments,
mais seulement de façon indirecte. Elle a réussi à culpabiliser son maripour avoir manifesté une aspiration parfaitement normale, celle de sor
tir sans elle.
Arthur faisait de son mieux pour la comprendre. « Elle n'a pas eu
une enfance très heureuse, me confia-t-il, et je ne peux pas lui repro
cher ses sentiments d’ insécurité. Il y a d'ailleurs des jours où je me sens
comblé avec une femme qui a tellement besoin de moi qu'elle tient à
me garder toujours sous les yeux. Mais, pour être honnête, je dois
reconnaître que cela commence à me démoraliser. À force de me culpa
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Sans vouloir se l'avouer, Arthur se rendait néanmoins compte que,
derrière les regards implorants et les déclarations en apparence si affec
tueuses que lui faisait sa femme, il y avait une exigence d'autant plus
forte qu'elle s'appuyait sur des pressions efficaces. Joséphine voulait
qu'il passe tout son temps libre avec elle : c'était le seul rôle qu'elle l'au
torisait à jouer. Elle lui interdisait en substance d'avoir des activités ou
des centres d'intérêt à lui. Mais Arthur a réagi comme le font bonnombre de victimes du chantage affectif, surtout dans un premier
temps : il a laissé à Joséphine le bénéfice du doute. Mû par son amour et
sa compassion pour elle, il a cherché les racines de sa possessivité dans
son enfance difficile.
Par ailleurs, il a eu une autre réaction typique de ceux qui subissent
de telles pressions : il les a prises à tort pour l’expression de la profonde
affection que lui vouait sa femme. Comme nous aurons maintes fois l'oc
casion de le constater dans les chapitres à venir, la compréhension et lacompassion ne servent a rien face à un maître chanteur. Pis, elles ne font
qu'attiser les flammes du chantage.
Quand vous parvenez à identifier les symptômes du chantage affectif
dans une relation, vous pouvez avoir l'impression qu'on vous a coupé
l'herbe sous le pied. Soudain, vous vous rendez compte que vous neconnaissiez pas véritablement votre amant, vos parents, votre frère ou
vos amis. Quelque chose est perdu. La souplesse et les compromis d'hiersemblent pratiquement exclus. Le pouvoir dans la relation est déséquili
bré : vous n'avez plus la conviction que vous obtiendrez gain de cause la
moitié du temps. Auparavant, il n'était pas besoin de «payer» pour
avoir l'amour et l’estime de l'autre, alors que désormais, vous vous voyez
de plus en plus souvent contraint de céder aux exigences du maître
chanteur pour conserver ses faveurs.
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Les quatre faces
du chantage
2
« Si tu m'aimais vraiment... »« Attention ! Si tu me quittes, je vais... »
« Je pourrais tellement te faciliter la vie si seulement... »
Ces trois phrases sont autant de moyens qu'offre le langage du chan-pour émettre une exigence. Elles révèlent cependant des différences
NNR0S importantes, puisque chacune d'elles incarne un mode de chan-
iHgr bien particulier. Lorsqu'on se penche sur le sujet, on découvre
i)U im phénomène que l'on croyait unique présente en fait quatre ramifi-
« «lions aussi distinctes que les bandes de couleur qui apparaissentijiumd on projette un faisceau lumineux sur un prisme.
Les bourreaux, ceux qui vous font savoir exactement ce qu'ils veu-I* ni - et les conséquences que vous aurez à supporter si vous n'obtempé-
flfl pus - sont les maîtres chanteurs les plus flagrants. Qu'ils s'exprimentAgressivement ou qu'ils bouent en silence, ils dirigent toujours contrel'autre la rage qu'ils éprouvent quand ils sont contrariés. Les flagellants,
t|iil constituent la deuxième catégorie, retournent leurs menaces contreeux-mêmes et insistent lourdement sur la souffrance qu'ils éprouveront
nI on ne leur cède pas. Les martyrs excellent pour leur part dans l'art deculpabiliser. Ils vous obligent souvent à deviner leurs désirs et concluent
Infailliblement que c'est à vous de faire en sorte qu'ils obtiennent satis
faction. Enfin, les marchands de faux espoirs soumettent leur victime
t\ une série d'épreuves, en faisant miroiter quelque bonheur futur en¿change des concessions exigées.
Chacune de ces figures manie un langage différent et donne une
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cipales manifestations. Celui qui croit que tous les oiseaux rewNûmblcnt à
l'aig le sera peut-être bouleversé d'apprendre que le cygne qui vient d'ap
paraître appartient lui aussi à cette classe d'animaux. C'est une disso
nance cognitive du même ordre qui se produit lorsqu'une form e inatten
due de chantage affectif surgit dans votre vie.
Mais dès que l'on comprend les quatre faces de ce phénomène, on
peut com mencer à repérer ses signes avant-coureurs dans le com portement de l'autre et à mettre sur pied un système de première alerte per
mettant de prévoir le chantage affectif, de s'y préparer et même de le
tuer dans l'œuf.
L E B O U R R E A U
Si je commence cette introduction au quatuor du chantage par son
représentant le plus flagrant, ce n'est pas parce qu 'il s'agit de la catégo
rie la plus courante, mais tout simplement parce que c'est la plus évi
dente. Il n'est guère possible de se tromper de diagnostic, car le bour
reau se fâche dès qu'il perçoit la moindre résistance. Il peut exprimer
agressivement sa colère en proféran t des menaces ouvertes - je le1
désigne alors sous le nom de bourreau actif ou en laissant discrètement
filtrer la furie qui couve sous les cendres. Mais, indépendamment de ces
différences, tous les bourreaux visent à instaurer des rapports de force
totalement déséquilibrés. « On le fera à ma façon ou on ne le fera pas »
telle semble être leur devise. Quels que soient vos sentiments et vos
besoins, le bourreau y passe outre. Il les annule, et vous avec.
Le bourreau actif
« Si tu te remets à travailler, je te quitte. »
« Si tu refuses de reprendre l'entreprise familiale, je te déshérite. »
« Si tu demandes le divorce, je te préviens que tu ne verras plus
jamais nos enfants. »
« Si vous n'acceptez pas de faire des heures supplémentaires cette
semaine, vous pouvez faire une croix sur votre promotion. »Voilà des mots non seulement forts, mais aussi effrayants. Surtout,
ils ont une redoutable efficacité, car ils présentent un tableau on ne peut
plus parlant des conséquences qui vous attende ni en cas d'insoumission.
Le bourreau est capable de vous gâcher la vie nu, à tout le moins, de la
rendre bien désagréable. Il n'a pas fofcdmant eonsclence de l’impact de
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mi'n propos ou de la fréquence de ses menaces. Môme s'il se montre tou
A lait charmant pendant les périodes d'accalm ie et qu 'il ne met pas
exécution la totalité de ses menaces, celles-ci sont suffisamment grave
pour garantir que vous vivrez dans la crainte permanente.
Elisabeth, une femme mince aux yeux noirs et à la voix douce, m'
consultée, à l'instar de tant d’autres femmes au fil des ans, dans l'espoilit* déterminer s'il restait quelque chose de récupérable dans ce be
iimour qui s'était transformé peu à peu en mariage froid et hostile.
l'Age d'un peu plus de vingt ans, elle avait fait la connaissance de Mar
nu cours d'un stage de formation pour commerciaux en informatiqu<
( ollaborant avec lui sur un projet, elle avait pu apprécier son ascendar
naturel sur les autres et son aptitude à identifier d'emblée le cœur d
II' Importe quel problème. Qu'il fût beau garçon ne gâchait rien.
Au dépar t , Ma r c m e pa r a i ssa i t t ou t s i m p l em en t géni a l , r acon t a -t -el l e ,
éta i t a t t ent i on né, sér i eu x et n ou s vi vi on s d es m om en t s t rès ag réabl es qt
n 'on t p as en t i èr emen t d i spa ru . C ’est p ou r cel a q u ’i l m 'a f a l l u s i l on g t em j
p ou r décou vr i r sa m a n i e de t ou t d i r i ger . Ap rès u n a n de mar ia ge, je m e su
t r ouvée encein t e de n os jum eau x . Les r ou t i n es et les ex i gences d e ta mat e n i téson t a l or s t r ès vi t e d even u es le cent r e d e m a vie. Pa r l a sui t e, q u a n d L
jum ea u x on t com m en cél ’écol e, j e m e su i s d i t qu e c 'ét a i t l e m om en t p ot
m oi d e r ep r end r e m a fo r m a t i on , d 'au t a n t que, d an s no t r e mét ier , cel u i q\
Ht se per f ect i on n e p a s est vi t e dépa ssép a r l es événemen t s. Or , Ma r c est i n
qu i ’ l a p la ce d 'u n e m èr e de jeun es en f an t s es t a u foyer , p o i n t à la l i gn
Ch aqu e fo i s qu e je le sond e su r les di f fér ent s m od es de gard e et l eur c oût ,
m 'envo i e p romener .J 'a i sen t i m on t er en m o i un e t el l e f r u s t r a t i o n que j 'a i f i n i pa r lâcher q
fe n 'ét ai s p l u s sûr e de vo u l oi r r est er sa f emm e. C'est à p a r t i r de là qu e t oux
basculé, et sér i eusement . H m 'a a n n on céque, si j e l e qui t t e, i l m e l ai sse
sans un cen t im e. On au r a i t d i t u n pa r f a i t i n conn u . «Tu a im es à v i v r e da
cet te bel l e m a i son, n ’est -ce p as ? » d em a n d a -t -i L «Ton m od e de v ie te p l a
n on ? Eh b ien , s i t u t 'av i ses mêm e de fa i r e le pr em i er pa s da ns le sens «
d i vor ce, j e f era i en sor t e que t u t e r et r ouves SDK E t qu a n d m on avoca t
au r a f i n i avec t oi , t u n 'au r as p l us ja ma i s l e d r o i t de t 'ap p r oche r des en f an
( i u b l i e don c cet t e h i st o i r e de d i vo r c e et cond u i s -t o i c omm e i l f a u t . » Comi
l 'i gn o r e s i c 'est d u b l u f f ou si , a u con t r a i r e, i l i r a i t j u squ e-là, j 'a i p réf i
cha r ger m on a voca t d 'ar rêt er la p r océdu r e de di vor ce. Da n s l 'ét at a ct ue l i
choses, j e ressens u n e h a i ne ter r i b l e p ou r Ma r c et j e n e sa i s pa s du t ou t q t
f u i ra .
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dus comme Marc qui, dans un moment de stress et de souffrance parti
culièrement éprouvant, menacent de rendre la vie de leur victime encore
plus insupportable en lui coupant les vivres ou en lui interdisant tout
contact avec les enfants. Et qui y ajoutent tout autre supplice qui leur
passe par la tête.
Inéluctablement, la victime se trouve entre Charybde et Scylla : si
elle résiste, elle court le risque de voir le bourreau mettre sa menace à
exécution, alors que, si elle capitule ou, à tout le moins, cherche à gagnerun répit, elle finit submergée dans un océan de rage, non seulement
envers le bourreau pour l'avoir enfermée dans une telle prison, mais
aussi contre elle-même pour n'avoir pas eu le courage de se défendre.
Retour involontaire à l ’enfance
On ne s'étonnera pas d'apprendre que bon nombre de ceux qui maîtrisent le mieux l'art de transformer des adultes par ailleurs parfaite
ment capables en enfants sont... des parents. Certains éprouvent le
besoin d'affirmer leur influence sur leurs enfants longtemps après que
ceux-ci ont quitté le nid. Ils estiment avoir le droit et le devoir de leur
dicter le choix d'un conjoint, la façon d'éduquer les enfants, le lieu de
leur domicile et même leur mode de vie. Pour mener à bien cette entre
prise, ils disposent d'un pouvoir énorme qui se nourrit de l'attachement
de leurs enfants et de la peur qu'ont ces derniers de les mécontenter.Peur qui ne peut que redoubler quand les parents agitent leur testament
ou font miroiter quelque récompense pécuniaire afin de mieux asseoir
leur autorité et de s'assurer l’obéissance de leurs enfants déjà adultes.
Jules, concepteur de meubles de trente-deux ans, a rencontré la
femme de sa vie, Béatrice. Depuis, il nage dans la félicité. Seule ombre
au tableau : son père.
Mon père, exp l i que Jul es, a t ou jou r s étét rès croya n t et, d ans not r e fami l l e,
t ou t l e m on d e se mar i e à l ’égli se. Ma n qu e de bol , je sui s t om béamou r eux
d ’un e ju i ve dont j ’a i fa i t la conna i ssance au gymn ase. Si je l ’épouse, m on
pèr e mena ce de ne p l u s êtr e cosigna t ai r e du crédi t qu e je compt a i s cont r ac
ter en vu e de l ’ext ension de m on act i vitéet don t t ous mes pr ojets dépendent ,
et d e m ’exclur e de son testament. Le pi r e, c ’est que je le cr ois bi en capable de
l e fai r e. Résu l t a t : je ne p eux p as emm ener Béat r i ce chez m es pa r ent s, ni
même l ’évoquer . C ’est f r an ch ement gr otesque. Cel a ne ser t à r i en d ’en pa r l er
à m on pèr e : ch aque f oi s qu e j ’essa i e, i l a n non ce qu e l e su jet est c l os et
qui t t e au ssit ôt l a pièce. J ’en vi ens à me poser pl usi eur s questi ons : p eut -on
m ’acheter ? À qu el pr i x consent ir a i s-je à vend r e m on âme ? Doi s-je r enoncer
à voi r mes par ent s, ou va u t -i l m i eu x con t i n u er à l eu r men t i r en f a i sa n / sct n-
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bla nt de ne pa s avo i r d e rel at i on st/r ieuse avec Béat r i ce ? Tout e cet te hi st oir e
ost en t r ai n d e me ronger . El l e ne se rédu i t pas non pl u s à une af fa i r e d ’a r
gent , J 'ai t ou jou r s étét rès at t achéà ma f am i l l e ma i s, en ce mom en t , j e ne
i wn v pa s r ent r er à la m ai son san s ment ir . J ’ai t r op peur des conséquences.
Nombre de parents bourreaux contraignent leur enfant à choisir
Pilll'g eux et d'autres personnes qui lui sont chères et, de ce fait, créentune situation dans laquelle tout choix sera vécu comme une trahison,
hiur Nü part, l'enfant s'accroche parfois au fantasme que, si seulement il
•v débarrassait de celui ou de celle qui n’a pas l'heur de plaire aux
jHiieulN, il parviendrait à restaurer l'harmonie perdue de la famille et à
I f Hi entrer par la suite un parti enfin acceptable. J'insiste sur le mot fayi
hi'iiii', car les parents qui ont recours à des chantages de ce type trouve-
Mml Inévitablement à redire aux choix de leur enfant, en qui ils voient
une menace pour leur pouvoir. Jules s'est mis en quatre pour apaiser son père, tout en cherchant à
nmivegarder ce qu'il voulait lui-même. Il avait beau retourner la ques
tion dans tous les sens, il ne voyait aucune solution qui ne compromette
I nih non intégrité. Il pouvait certes céder à son père, mais cette option
<Httll exclue d'avance, puisqu'il n'avait aucune intention de rompre avec
Mitntrice, ou feindre la soumission, auquel cas il devrait fonder sa vie sur
une mystification.
Lorsqu'on se croit obligé d'éviter à tout prix la colère du bourreau et
fct*N méthodes de manipulation agressives, on se découvre quelquefois
i npable de comportements - mensonges, secrets, dissimulations - aux-
<111cIs on se livre pour maintenir l'illusion de la docilité. Ainsi, aux
reproches qu'on se fait de lâcheté face au chantage s'ajoute le sentiment
humiliant de se conduire en adolescent sournois et de fouler aux pieds
*en propres valeurs.
Dus silences parlants
Le bourreau n'a pourtant pas besoin d'être éloquent, ni même de
prononcer un seul mot, pour faire passer son message. En effet, le bou
deur silencieux qui s'abrite derrière un mur de colère non déclarée peut
16 révéler largement aussi redoutable que le maître chanteur ouverte
ment agressif dont nous avons déjà vu quelques spécimens.Patrick, l'auteur-compositeur que nous avons rencontré au chapitre
précédent, s'est démasqué comme bourreau taciturne peu de temps
après son installation chez Hélène. Le récit que celle-ci m'a fait des pres
sions qu’elle a subies illustre ù merveille cette catégorie de chantage
alTcctii.
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Je ne sa is p l us qu oi fa i re, me conf ia-t -t 'l l t t un jour . Qua nd Pat r ick n 'est pas
cont ent de moi, i l se referme t otal ement et je le sens ina ccessib le. I l r efuse de
pa r l er de son mécont entement . L'au t r e soir , j e sui s r ent rée a vec u n ma l de
tête ca r abi né. Non seu l ement m es cou r s ava i ent étéexténuant s, ma i s l e ch ef
de m on dépar t ement me dema nd ai t de l ui rédi ger d ’ur gence un r ap por t su r
n os besoin s en personne l pou r qu ’i l pu i sse l ’ad joind re au budget q u ’i l deva i t
soum et t r e. Pa t r i ck ava i t prépa réle dîner et m e réser va u n a ccu ei l di gne
d ’u n e r ein e. J e f u s t rès t ouchée p a r sa gent i l l esse et sa gal an t er i e. Pu i s, qu a n d i l commença, u n p eu pl us tar d, à m e couvr i r de câl i ns su r le canapé,
je comp r i s qu 'i l ava i t en vi e de f a i r e l ’amou r . Norma l em en t , j ’en au r a i s été
ravie, m ai s j ’avai s encor e l ’i mp r essi on qu e ma tête al la i t exploser et je cont i
n ua i s à pen ser à t ou t l e tr avai l q u ’i l m e r estai t à fai r e, bref, ce n ’ét ai t vr a i
m ent pa s le mom ent . J ’essaya i d e l e-l ui fa i r e compr end r e avec déli catesse,
en l ’assur an t qu e ce n ’éta it qu e par t i e r emi se, mai s i l l e pr i t tr ès mal . Sans
u n mot , i l ser r a les dent s, m e l ança u n de ses fa meux regar ds noir s et s ’en
al la . Avan t que je pu i sse m e retourner , la p ort e de la p ièce vo is i ne cl aqua et j ’en t end i s l e son de l a ch aîne stéréo, qu i f on ct i on n a i t à p l ei n vol ume.
Le mutisme dur et froid d’un bourreau de ce type est si insupportable
que certaines victimes sont prêtes à vendre leur âme pour y mettre fin.
« Dis quelque chose ! » implorent-elles. « Crie si tu veux. Tout serait préfé
rable à ton silence ! » En général, cependant, plus on supplie le boudeur
d'exprimer sa mauvaise humeur, plus il se replie sur lui-même, effrayé
devant la perspective de devoir affronter l'autre ou sa propre colère.
J 'ai cu l pa bi l i séà mor t , p ou r su i vi t Hélène. Pa t r i ck ava i t étéu n séduct eur de
rêve, et moi , j ’a vai s réagi si f r oi dement . Je le r ejoign i s don c d ans l a pièce
d ’à côtéet ch er chai à di al oguer. I l m e r egar da san s réell ement m e voir , p u i s
i l d i t : «Ne m e par le pas. » U fa l la i t fa i r e quelque chose, et v i t e : enf i la n t ma
chemi se de n ui t la p l us af f r io lante, je re tour na i aup rès de lu i , le pr i s dans
mes br as et l u i d i s comm e je regret t a is mon comp ort ement . Et là, t out de
su i te, nou s a vons fa i t l ’amour . Cela peu t par aît r e oséou exci tan t , mai s je vou s assur e que, p ou r moi, i l n ’en étai t r i en. Mon ma l d e tête ne s’étai t t ou
jou r s pa s ca lmé, et j ’étai s t ot a l emen t à cr an . C ’éta i t af f r eux, ma i s j 'a va i s un
t rès gr and dési r de br i ser ce m u r d u si l ence a u qu el j e m ’étai s déjà heur tée
ta n t de fo is .
Le bourreau taciturne se protège derrière une façade si impénétrable
qu'elle lui permet de renvoyer sur ses victimes l'entière responsabilité de
ses sentiments. Comme Hélène, celles-ci connaissent une agitation permanente. Elles perçoivent la colère qui monte chez l'autre et s'en savent
la cible. Dans cette Cocotte-Minute de stress et de tension, le moyen le
plus rapide de réduire la pression est de céder.
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ldi double peine
Lorsqu'on se trouve dans une relation double - une histoire d'amour
ttvec Non supérieur hiérarchique, une association d'affaires avec son
meilleur ami -, les possibilités de chantage augmentent de façon expo
nentielle. Certains bourreaux n'hésitent pas, hélas ! à faire déborder les
conflits de l'une des deux situations sur l'autre.Sophie, une jeune femme ravissante et ambitieuse de vingt-huit ans,
Itâlt dans un état d'agitation extrême quand elle franchit pour la pre
mière fois la porte de mon cabinet. Elle cherchait à mettre fin à sa rela
tion amoureuse avec son chef. Cette cinéphile avait commencé comme
Minutaire dans une entreprises d'effets spéciaux, où elle fut rapidement
I »inouïe assistante du bouillonnant patron, réalisateur de cinquante-
tiflUX ans. Avec Charles, elle partageait notamment une passion pour le
» i n é m a muet et l'art moderne. Flattée de se sentir prise au sérieux, elle
ÉftpNiciait leurs discussions stimulantes. Qui plus est, la volonté de
t'hoi lcN de la mettre dans le secret des aspects les plus cachés de son
activité ne pouvait que renforcer leur complicité. Il la préparait depuis
fil UN Iturs mois pour le poste de responsable de production, qui lui don-
ttimilt la possibilité de participer aux réunions avec la clientèle et d'in-
(llUMlcer l'orientation de l'entreprise.
I . c n amis de la jeune femme lui avaient déconseillé de se lancer dansMlle relation intime avec son patron, d'autant qu'il était marié. Mais elle
thiuvait Charles plus intéressant que les hommes de son âge et, si elle
II1Avait pas eu le coup de foudre, les longues heures passées ensemble
i Ihiin un travail très prenant avait peu à peu donné naissance à un désir
||f>plus en plus fort qui avait fini par déboucher sur une intense passion
«Iflnuréuse.
Oui , je sai s bi en qu e la règle numér o u n, c ’est d e n e ja m a i s a voi r de l i ai son
ÜV9C vot r e pat r on, m ’a di t Sophi e. Ma i s Cha r les est qu elqu ’u n d ’except i on
nel . A u cu n au t r e h omm e n ’a réussi à m e f asci ner au t an t qu e lui . J e sui s
sidérée p a r sa vi va ci téd ’espr i t et sa gr ande expér i ence d u monde. H a tel l e
ment de choses à m ’appr endr e, et j ’a i l ’i m pr essi on q u ’i l m e cons idèr e
com m e sa mei l l eur e élève. J ’ad or e la comp l i ci téet Vin t im i téde not r e rela
t i on. Je sais en pl u s qu e nou s a vons l a même vis i on d ’aveni r p ou r l ’ent re
pr i se. I l ne peut p as par le r de son t r ava i l avec sa femme, qu i est cons ta m ment p er d u e dan s les br um es de l ’a l cool . Mêm e ava n t l e débu t d e not r e
hi stoi r e, i l d i sai t souven t que, dès q u ’el l e se ser ai t r emi se d ’ap l omb, i l la
qui t t era i t . Le m om ent étai t d onc pr opice.
Ainsi commença un amour griNant et sensuel qui se doublait d'une
ni tivlté professionnelle des pliiN su HnI Misa nies. Au bout de deux ans,
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. , ,»> . m i n i ' . M l Mi l i I I >111A d l Al I I ( I I l i
cependant, ( liai les n'avait toujours pas lait le premin pus pour se sép;i
rer de sa femme. Avec le temps, Sophie voyait de plus eu plus clairement
que ce mariage était loin d'être fini.
Après deux ans de promesses non tenues, racontatelle, j ’ai fin i par nu•
rendre compte que le fa it d ’av oir une épouse et une maîtresse convena it par
fa itement à Charles. Mais moi, je ne supportais pas d ’être reléguée à jamais
dans ce rôle. Je voulais fon der une vraie famille. Un so ir au restaurant, il
com mença à me pa rler des vacances q u ’il pro jetait de passer à Paris avec sa
femme et sa fille. I l savait combien je raffole de la Ville lumière et se rappe-
lait certainement que nous avions évoqué la possibilité de nous y marier.
C’est alors que j ’ai pleinement com pris à quel po in t je m ’étais bercée d’illu -
sions. Ce réveil dou loureux m ’a à m oit ié démolie. Un jo u r enfin, j ’annonçai
à Charles que je souhaitais revenir à la relation de simple c ollab ora tion que nous avions connue au début. Je lui dis que, malgré la tristesse de la situa-
tion, nous av ions tous deux besoin de ce changement pou r pou voi r avancer
dans la vie.
Charles s’était toujou rs m ontré si généreux et si gen til envers m oi que sa
réaction me coupa le souffle. Il me rétorqua que, si je mettais un terme à
notre liaison, je devrais prendre définitivement congé de lui... et de mon
poste. Or, je ne suis pas sûre de pouvo ir encaisser s im ultanément cette sépa-
ration et le chômage. J ’ai un travail qu i me passionne, et j ’ai peu r de me
retrouver à la rue. D ’un autre côté, si je restais avec lu i sur cette base, j ’au -
rais l’impression de me prostituer, et mon amourpropre s’effondrerait.
D ’ailleurs, je n ’en reviens pas d ’envisager une telle éventualité.
Ayant profité d'une relation qui, vraisemblablement, lui donnait un
sentiment de jeunesse et de vitalité, Charles réagit avec l'énergie du déses
poir à la perspective de la perdre. La violence de sa réponse choqua
Sophie mais, compte tenu de la situation - la fin d'un amour passionnel -,
elle avait quelque chose de typique.
Sophie s'est trouvée face à un problème courant et ancien, surtout
pour les femmes. Il est toujours périlleux de se laisser entraîner dans des
rapports intimes avec une personne qui a un pouvoir sur vous. Dès que
la relation entre en crise, vous risquez de découvrir, à la manière de
Sophie, que le stress et les déceptions qui en découlent provoquent des
représailles de la part d'un être qui, la veille, occupait une place centrale
dans votre vie et votre cœur. Mais, comme nous le verrons par la suite,
Sophie se trouvait moins le dos au mur qu'elle ne le supposait. Il lui restait encore des choix que nous allons considérer plus loin
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I ' I I I I I I I I A C I D IJ ( H A N I A (, I
/ .n >ti^lemeilt du bourreau... 11 la victime
ri»i les liens entre deux personnes sont forts, plus l’ enjeu est grand -
i i |«lii• on est vulnérable. On hésite à rompre avec un individu auquel on
• m i . . attaché depuis longtemps, voire pour la vie, ou dont on dépend
.. ......liqucment, comme c'était le cas de Sophie. On accepte donc de
• icimn 1er des épreuves considérables pour éviter l’affrontement. On se
. !■-ni» des histoires sur les raisons du comportement du bourreau, si
i -ni est en ferm ant les yeux devant des évidences. Ainsi, Jules ne
• ■ 'Il tout simplement pas que son père, tout en se récriant qu'il n'agis-
ii i|iir pour le bien de son fils, formulait des exigences entièrement
» i .i. qui ne tenaient guère compte des sentiments de l'intéressé.
• 111111111* d'ailleurs les exigences de la plupart des bourreaux.Abandon, froideur, perte de ressources, explosions de colère: lors-
qu il v .1 escalade, les conséquences dont vous menace le bourreau sont
n••11\« ni alarmantes. Dans les cas les plus extrêmes, il peut même s'agir
l- violences physiques. Les menaces les plus sourdes se transforment,
l h n ni, en actes d'intimidation et de cruauté mentale qui permettent à
.... .cule personne de dominer totalement la relation.
Aveuglé par l'intensité de ses besoins, le bourreau semble non seule-
*in ni inconscient des sentiments de sa victime, mais assez peu lucide sur
mm propre comportement. Il croit sincèrement à la justesse de ses
ni lions et à la légitimité de ses demandes, si bien qu'il a du mal à
n vouer qu 'il se livre en fait à des punitions. Il faut donc avo ir une
^iiiiule solidité pour affronter un bourreau, mais cela n'a rien d'impos-
*4il île Dès lors qu'elles disposent des outils adéquats et qu'elles ont été
Ilien conseillées, toutes les victimes de ce type qu'il nous a été donné de
■ -miaître ont finalement réussi à retrouver leur assurance d'adultes et à
■I1111mer - par la parole et par le geste - qu'elles ne céderaient plus au
•luntage.
LE FLAGELLANT
Tout le monde a connu la petite terreur de six ans qui annonce une
I*rosse colère en criant : « Si vous ne me laissez pas regarder le film jus-<|ii’;i lard ce soir, je vais retenir mon souffle! » Le flagellant adulte, pour
(‘lie un peu plus lin, n’en emploie pas moins une méthode tout à lait
\eml>l;il)lc II prévient les autres que, s’ ils n'obtempèrent pas, il sera tel
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lement contrarié qu'il risque de ne plus pouvoir fonctionner normale
ment. A des fins de manipulation, certains flagellants menacent de
gâcher leur vie ou de s'infliger quelque mal qui minera leur santé ou leur
bonheur. « Si tu me contredis, je tomberai malade ou je sombrerai dans
la déprime... », « Sois sympa avec moi ou je démissionne... », « Si tu
refuses de faire ce que je t'ai demandé, j'arrêterai de manger et de dor
mir, je me mettrai à boire ou à me droguer... », « Si tu me quittes, je me
suiciderai... » : le répertoire des menaces est vaste.
Arthur, le patron d'une entreprise de mobilier que nous avons ren
contré au chapitre 1, commençait peu à peu à se rendre compte que
lorsque sa femme, Joséphine, lui détaillait les malheurs qui lui arrive
raient si elle n'obtenait pas ce qu'elle voulait, elle usait en fait du chan
tage affectif. Sa volonté affichée d'accaparer le temps de son mari et son
refus de se livrer à des activités autonomes devenaient de plus en plussuffocants pour Arthur.
Mêm e si j e ne su i s pa s f or cémen t pr êt à envi sager d es mesur es ext rêmes, d i t -
i l , j e d oi s néanmoi n s a vou er qu e t out es mes tent at i ves se son t ju sq u 'i ci révé
lées in f r uct ueuses. Je suggèr e pa r f o is qu e not r e rel a t ion pou r r a i t m i eux
fonct i onner , m a i s el le fu i t la d iscussion . E l l e se tai t , pa r fo is avec la l a r me à
l ’œi l , pu i s el l e s ’enf erme da ns l a chambr e. Je la sup pl ie a lor s de sor t i r ; el le consen t en f i n à pa r le r ou , p lu tôt , el l e me t en ma r che l a m ach i ne à
reproches.
L e d er n i er i n ci d ent a étédéclen chépa r m on i n t ent i on d e r ejoin d r e ma
sœu r da ns son cha let pend an t quelques jou r s . On au r a i t d i t que je qu i t t a i s
la pl anèt e san s l ai sser d ’adr esse. El l e me di t : «Tu sai s per t i n emm ent q u e je
ne pou r r a i n i d o r m i r n i b i en t r ava i l l er en t on absence. J ’a i besoin de t ’a voi r
pr ès de moi . En p l us, j e t r aver se en ce mom en t u n e pér i ode pa r t i cul ièr ement st r essan te. Je compt e su r t o i p ou r m ’a i der à prépa r er la n ouvel l e sa i son
commer cia le . Si tu n ’es pa s là p ou r vei l le r au gr a i n , ce ser a le cha os. Sou
m i se à de t el l es pr essi ons, je n e pou r r a i ja m a i s régler t ou s l es p r oblèmes qu i
surg i r ont . Ça n e te fa i t r ien d ’app r end r e qu e j ’a i besoi n de t o i ? C’est ça qu e
t u veux , pe r t u r ber m a v ie en t ière tou t sim p lemen t p ou r pou vo i r p r end re u ne
semai n e de vacan ces ? »
Je lu i d i s al ors : «Ce n ’est qu a n d même pa s l a m er à boir e, n om d ’un e p i pe ! Je veux seu l ement pa sser u n m oment avec m a sœur ! » Dan s son espr i t ,
tout efo is, m on voyage r evena i t à u n aban don. Je l ’a i d onc an nulé. Au jou r
d ’hu i , j e fa i s semb lan t de n ’a vo i r eu que moyenn emen t env ie de par t i r . I l fau t
d i r e d ’ai l l eur s qu e, depu i s qu e j ’y ai r enon cé, J oséph i ne se mon t r e t el l ement
ad ora b le que j ’a i pr esque l ’im pr ession d ’êtr e de n ouveau en lu ne de mi el .
Ma i s je n ’oubl i e pa s p ou r au t an t ces mom ent s où j ’étouffü.
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I i* grand drame, l'hystérie, l'ambiance de crise (dont la laute - cel
va de soi - incombe toujours à l'autre) : tel est l'environnement dans
lequel vit le flagellant, qui s'avère souvent très dépendant et rongé par
iIcm sentiments d'insécurité. C'est un individu qui recherche des rapports
liiNlonnels et qui a le plus grand mal à se prendre en charge. Quand il
recourt au chantage, il justifie ses exigences en rejetant sur l'autre tous*e* maux, réels ou imaginaires. Qui plus est, il réussit en général sa
numœuvre de culpabilisation. Contrairement au bourreau, qui infanti
lise Na victime, le flagellant attribue à la sienne le rôle de l'adulte, du seul
ai lui te que compte la relation. À vous d’ accourir pour le réconforter
ijmmd il fond en larmes, de deviner la source de sa tristesse et d'en assu-
ier lu disparition. C'est vous la personne forte qui peut le sauver de lui-
nif'me, l'arracher à son désarroi et protéger cette fleur si fragile qu'estnon Ame.
la menace de la rechute
À l'époque où j'animais une émission de radio, il m'arrivait souvent
île recevoir des appels d'auditeurs désespérés qui me demandaient
Boniment faire face à un enfant déjà adulte qui se droguait, qui refusait
travailler ou de poursuivre ses études et qui pesait lourdement sur le
budget de la famille. Chaque fois qu'ils essayaient de modifier la situa
tion, me racontaient ces parents, ils essuyaient un tir nourri de
llipiittces du genre : « D'accord, je m'en vais. Je parie même que vous
iüie/ contents de me voir à la rue. De toute façon, vous ne m'avez
imitais aimé. » Autre variante : « Je devrai me prostituer. Comme ça,
Vutift aurez obtenu ce que vous vouliez. » Intimidés, les parents accep
t e n t de maintenir le statu quo, pour destructeur qu'il fût pour tous
|e»i Intéressés.
Kurine, ancienne infirmière qui approche de la soixantaine, suit une
lli<*ritpie avec moi dans laquelle elle s'efforce d'améliorer sa relation avec
I l lillc Mélanie, toxicomane et alcoolique. Pour aider celle-ci à décrocher
île l’héroïne, elle lui a payé une coûteuse cure de désintoxication, a
tin idc de consulter elle-même un thérapeute et a incité Mélanie à faire
lin Mage dans l'hôpital où elle avait auparavant travaillé. Karine n'es-
lomptait certes pas gagner de la sorte la gratitude de sa fille, mais elle ne
x1Mllendait pas non plus à des chantages.
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s'est mar iée, son mar i et ell e m ’on t d ema ndéde l eur pr êt er de l'ar gent p ou r
f i n a n cer l 'ach a t d 'u n e ma i son. Vou s voyez à peu pr ès à qu oi r essembl e la
r et r ai t e d ’u n e i nf i rmière, n on ? J 'au r a i s étéravi e de l es aider, ma i s je n e p ou
va is pas leur donn er gr and -chose sans v id er m on bas de la ine, per spect i ve
qu i m 'eff r a ya i t t r op. Or , Méla n i e me f ai sai t régul ièr ement sent i r qu e c'ét a i t
i n j us te que je ga rde cet a rgen t pou r mo i , pu i squ 'i l lu i fa l l a i t à t ou t p r i x la mai son q u ’i l s ava i en t en vue.
Je m ’i nqui èt e, ca r ell e ne m e semble pas encor e tot al ement à l ’a br i d ’un e
r echu t e n i suf f i samment f or t e p ou r résister à la tenta t i on . El l e m e di t en
su bst an ce : «Tu as i n térêt à me ménager . Si non , j e r i squ e de r eplonger . » Je
sens qu e je n ’a i pa s le ch o ix : je d o is l ’a i der à acheter la ma i son.
Nombre des victimes de chantage affectif qui me consultent évo
quent ce même sentiment. Or, en réalité, Karine avait plusieurs options,
mais i l lui fallait d'abord faire un certain travail sur elle-même avant de
pouvoir les voir et les utiliser. La menace de Mélanie de se remettre à
boire et à se droguer touchait un point sensible. Comme je l'a i signalé à
Karine, il s'agissait en fait d'un moyen de pression assez brutal qui
cadrait mal avec le portrait qu'elle traçait de sa fille comme quelqu'un de
faible. C'est derrière cette image de faiblesse que beaucoup de flagellants
dissimulent leurs manœuvres.
La menace la plus poussée
t w COMPR ENDRE LE MÉC ANISME DU CMANTAQN AFFECTIF
La menace la plus extrême que puisse proférer le flagellant ne laisse
rait personne indifférent : il donne à entendre qu'il envisage de se suici
der. Cette menace, qu'il ne faut jamais prendre à la légère, devient unehabitude chez certains qui en ont constaté l'efficacité. On redoute de
trouver un jour, après avoir entendu des menaces creuses des années
durant, une ambulance devant sa porte.
Ève, jeune et jolie artiste, vit avec Elliot, peintre très en vue. Leur
relation sembla bien démarrer mais, dès qu'elle s’installa chez lui, le
comportement qu'elle avait interprété comme du dévouement passion
nel s'avéra être une dépendance maladive. Dès le début, certes, elle avaitremarqué chez Elliot des sautes d'humeur qu'elle s'empressait de mettre
sur le compte de son tempérament d’« artiste sensible ». Du coup, elle
s'est trouvée totalement désemparée face à ses fréquentes périodes
dépressives et à son recours constant - pour ne pas dire son accoutu
mance - aux somnifères. Leur relation s'est considérablement disten
due : il n'y a plus ni intimité ni rapports sexuels. Eve travaille comme
.’assistante d’Elliot et il subvient à ses besoins économiques, mais ii
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I M i Ml Al MG P ACIH DU CHANTAGE 47
• le lui interd ire d 'exp o se r ses tab leaux san s qu e ses œu vres à lui so ien t
¿Miilenient présentes.
Vt* nie sui s enf in r endu compt e, exp l i que Ève, que je doi s m 'en al l er si je veux
vonst r u i r e u ne vi e di gne de ce nom . Le pr oblème c'est que, dès que je fa i s un
IHis da ns cet t e di r ect i on, El l i ot menace de pr end r e un e sur d ose de som n i -
(ênti,
t .a pr em ièr e fois, j ’a i f ai l l i r i r e. Je l ui avai s a n n on cém on i nt ent i on de
f ai m un st age de dessin . I l répond i t : «Dan s ce cas, i l ne me reste p l u s qu 'à
t ipwr . » I l peut êt r e tel l ement cabot i n qu e je pensa is q u ’i l m e fa isa i t m ar -
vliër. Ma i s i l con t i n u e à lâcher des ph r ases d u gen r e: « Je ne m ’en sor t i r a i
IHis san s t oi »o u : «Si t u m e quit tes, je ne peu x pa s ju r er qu e je t i endr ai t out I#m/. a Du coup , ça cesse d ’êt r e dr ôl e. Cel a m e d on ne p l u t ôt d es f r i ssons. Je
nuls r emp l i e d ’a m ou r et d e compa ssion à son égard, ma i s ces sen t imen t s se
ni f l lei i t à une sor t e de rage. Pou r qu oi m e m et-i l d an s un e si t ua t i on a ussi
i nsout enabl e ? Tou t ce qu e je voul ai s, c ’étai t su i vr e des cour s !
I ,es menaces d'Elliot sont typiques de cette forme de chantage e
iihin qu'elles exploitent le fort sens du devoir qui anime Ève. « Il a tou-(utirN montré une telle bonté envers moi, dit-elle, que je n'ai pas le cou-
ih fin de le quitter. S'il se faisait quelque chose de grave, je ne me le par-
ilntuirrais jamais.» Et d'ajouter avec une conviction d'acier: «Je
mourrais de remords. »
Si la plupart des flagellants ne vont pas aussi loin qu'Elliot, des
frictions aussi extrêmes ne sont pas rares. Mais le fait de rester avec
lit H1personne de ce type ne garantit pas, comme je l'a i souligné auprèsil'five, que vous parviendrez à la sauver. Car c'est elle, en dernier res-
«iii t, qui prend la décision de l 'autodestruction, pas vous. Vous pouvez
t!pi les aiguiller l'individu aux tendances suicidaires vers un soutien psy-
i II ilogique, mais demeurer avec lui à seule fin de le protéger de lui*
lliPme, c'est lui donner à coup sûr les moyens de ressortir cette forme
tel i lllante de chantage chaque fois qu'il désire renforcer son emprise
gur vous.
L E M A R T Y R
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pas, tu ne passes jamais me voir, tu as l’air d'avoir oublié ta mère. Si
c’est pour vivre comme ça, autant me jeter par la fenêtre. »
Le martyr estime que, s'il est triste, malade ou tout simplement
malchanceux, il n 'y a qu'une seule solution : vous devez satisfaire à ses
exigences, m êm e s 'il ne les a encore jamais formulées. Il ne menace pas
de faire de mal, ni à vous ni à lui-même. Il se contente de vous faire
comprendre que, si vous ne lui donnez pas satisfaction, il souffrira et ce sera votre faute. Cette conclusion reste souvent sous-entendue mais,
nous le verrons, elle peut avoir un effet redoutable sur la conscience de
la victime.
Une prestation hors pair
Tout à son malheur, le martyr a tendance à interpréter votre incapacité à lire dans sa pensée comme la preuve de la faiblesse de votre atta
chement. Si vous l'a im iez vraiment, laisse-t-il entendre, la cause de sa
souffrance vous sauterait aux yeux sans qu'il en dise un mot. Le jeu de
société dans lequel il est passé maître pourrait s'intituler: «D evine ce
que tu m'as fait. »
Muet, déprimé, souvent les larmes aux yeux, le martyr se replie sur
lui-même quand i l n'obtient pas ce qu 'il veut mais se tait sur les raisonsde son humeur. Il ne les dévoile qu'à sa convenance, c'est-à-dire après
vous avoir plongé dans une préoccupation angoissante pendant des
heures, des jours ou des semaines.
Patricia, fonctionnaire de quarante-trois ans, m'a raconté que,
chaque fois qu 'elle exprime son désaccord avec son mari, il se met au lit
d'un air théâtral.
I l es t ra r e qu e Joseph m e d i se ouve r t em en t ce q u ’i l veu t , exp l i que -t -el l e . E t
qu an d i l l e fa i t , m a l h eu r à m o i s i j e ne su i s pas d 'a cco r d ! Dan s ce cas, i l se
démora l i se e t sor t f a i re le t ou r d u qua r t i er . I l a les yeux les p l u s t r i stes du
m onde . Au t r e f oi s , n ou s av i ons des d i spu t es - s i o n peu t l es appel er a i n s i -
l o r sque sa mèr e souh a i ta i t passer à la ma i son , le p l u s souven t à u n m om en t
t r ès i nopp or t u n . J 'a i f i n i p a r je te r l 'épon ge pa r ce qu e je m e sens t el l em ent
cou pa b l e qu a n d je le vo i s d an s cet état .
Voi ci com m en t cel a se pa sse en génér a i J oseph p ou sse u n sou p i r exagéré et , qu a n d je l u i dema nd e ce qu 'i l y a , i l m e répon d d 'u n a i r pe i né: «Rien . » À
m o i de devi n er m on dern i e r c r ime . Je m 'ass i eds su r l e l i t e t l ’a s su r e que j e
n 'a va i s n u l l emen t l 'i n t en t i o n de l e con t r a r i er , pu i s j e l u i dema nde de m e d i r e
a u m oi n s en q u o i réside ma fau te . Au bou t d ’u ne h eur e à peu p rès, j 'ob t i ens
enf i n l a réponse. Un jour , p a r exemple, j ’a va i s eu le t or t de dire que nou s
n ’a vi on s peu t -êt r e pas les moyens de nous payer le nouve l ordinateur dont il
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rêvai t . C'ét a i t a pp a r emm en t le com bl e de l ' in sen s ib i l i téet d e la r ad in er i e
I I I en évi d emm en t , je m e su i s vi t e rét r actée et là, su r p r i se! I l s 'est t ou t d
su i t e raga i l l a rd i .
Comme l'idée de discuter avec Patricia de l'achat d'un ordinateu
mettait Joseph mal à l'aise, il essaya une autre tactique : prenant des air
dramatiques, il lui fit sentir qu'elle l'avait bouleversé à tel point (|
méchante!) qu'il en était malade. Quand le martyr se regarde dans li
glni o, il voit une victim e. I l assume rarem ent la responsabilité d<
il» ii-iuliv l'atmosphère ou de demander explicitement ce qu 'il veut.
I .c martyr a beau paraître faible, il règne en tyran, fût-il discret. I
•'«butient peut-être de crier ou de faire des scènes, mais son comporte
itiMiil blesse, mystifie et rend furieux.
I éternelle victime
Tous nos martyrs ne souffrent pourtant pas en silence, il s'en faut
• "i lu II is s'empressent même de vous informer de leur malheur, ne vou;Pli épargnant aucun détail et, à l'instar de leurs cousins silencieux, il:
Ml loi idc ut de vous la solution. Ils ne parviennent pas à s'épanouir? C'es
Bêtement parce que vous leur refusez pas un élément essentiel à leu
IjfrJfMi 'être !
Zoé, cadre dans une grande agence de publicité, m 'a consultée er
ml «»nu des problèmes qu 'elle avait avec une collègue de travail.
h i s i t ua t i on es t l a su i van t e, m e di t -el l e. Tess est l a p l u s jeu n e d e l ’équi pe, e
el le ou b l i e qu e la p l u p a r t d 'en t r e nou s o n t d û p a sser d es an nées à fa i r e de:
bou l o ts i ng r a t s et m a l pa yés a van t d 'a r r i ver à l eu r pos i t i on ac tuel l e. El i t
semble cr o i r e a voi r d 'em blée le d r oi t d 'a ssu m er l es tâches les p l u s i ntér es
Mantes, a l ors q u 'e l l e a p r ès d e qu i n ze an s d 'expér i en ce d e m oi n s q u e nou s
J 'a i essa yéde l e l u i exp l iquer , m a i s i l n 'y a r ien à fa i r e. En su i t e, el l e a vaut
i nen céà se d i spu t er a vec n ot r e pa t r on, s i bi en q u el l e a étép r i se d 'u n e peu\
pa r an oïa que de pe rd r e son post e. Tous l es j ou r s , el l e en t r a i t da n s m o i
bu r eau p ou r m e dét a i l l e r t ou t es les d i f f i cu l tés qu 'e l l e rencon t r a i t . À l 'en
t endr e, Da n i el , l 'u n d es a ssociés d e l a f i r m e, r ejet t er a i t systéma t i qu emen
ses i dées. E l l e sou pçon n e u n c l i en t i m por t a n t d e la fu i r , p u i sq u ’el l e n 'a r r i v i
pa s à te jo i n d r e pa r téléph one. Son or d i n a t eur n e ma r ch e pa s. Ah ou i ! El i t
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62 COMP RE NDRE LE MÉ C ANIS ME DU CHANTAQt: AFFECTIF
Après m'avoir assuré que ce ne serait que provisoire, il me dit que ce
serait une grave erreur de m ’enfermer dans mon rôle maternel alors que
j'éta is sur le point de percer. »
Ce fut un réveil brutal. Peu de temps après, Julie a rompu avec Alex.,
Elle ne pouvait plus s’aveugler sur la nature réelle de leur relation, faite
d'une série interminable d'épreuves et d'exigences. En marchand defaux espoirs classique, Alex prodiguait des promesses et des cadeaux
dont aucun n'était gratuit ( « Je t'aiderai si... » ). Julie se rendit finalement]
compte que sa «p ér iod e d 'essai» ne prendrait jamais fin. Dès qu'elle
s'approchait de la carotte, Alex la retirait. Le marchand de faux espoirs?
ne connaît pas la gratuité. Malgré leur bel emballage, tous ses cadeaux
exigent un lourd tribut.
Ventrée est payante
Certains marchands de faux espoirs font toutefois miroiter des
récompenses moins tangibles que celles dont se servait Alex pour appâ
ter Julie. Ils bâtissent plutôt des châteaux en Espagne remplis d'amour
et d'estime, de solides liens familiaux et de blessures cicatrisées. Pour
être admis dans ce monde de rêve, une seule condition : il faut céder auxexigences de l'autre.
Jeanne, la cinquantaine passée, divorcée depuis huit ans et mère de
deux fils adultes, a monté, à coups d'efforts et d'imagination, un com
merce de bijoux qui prospère et dont elle récolte désormais les fruits.
Seule ombre au tableau : sa relation avec sa sœur.
Dès l e début , exp l i que-t -el l e, Ca r ol e et m oi a von s eu d es ra pp or t s di f f i c i l es.
No s par en ts n ou s i nc i t a i en t à la r i va l i téet nou s réser va i en t u n t r a i t emen t t rès d i f fér en t . M o i , j ’ét a i s l a p référée de m a mèr e, m a sœu r ét a i t l a
ch ouch ou t e de m on père . Ma i s com m e pa pa dét ena i t l e s co r d on s de la
bou r se, i l se m on t r a i t r a d i n enver s m oi et t rès génér eux à l ’éga r d d e Car ol e.
E l l e sa va i t e xa c t emen t com m en t l e man i p u l e r . M on père ava i t u n besoi n
p r esque ma l a d i f de t ou t m aît r i ser e t ne supp o r t a i t pa s de se fa i r e con t es t er
p a r qu i con qu e. À ca u se d es règles exa gérées q u 'i l éd i ct a i t c on cer n a n t l es
sor t i es a vec les gar çons ou l ’h eur e à la quel l e nou s d ev ion s r ent r er , j e cr o i
sai s régul ièr em ent l e f er avec lu i , con t r a i r emen t à Car ole, q u i j ou a i t à f on d
les f t l l es obéi ssan t es. C ’ét ai t u n e st r atégie l ar gem ent p a y a n t e: i l l u i of f r i t
u n e vo i t u r e f l a m ban t n euve a l o r s q u ’el l e éta i t enco r e ado lescen t e, des
voya ges en Eu r ope, d es pr ogr am m es d 'ét ud es coût eux , bref , t out ce qu 'e l l e
dema nda i t . Du coup , el l e n 'a cqu i t jam a i s d 'au t onom i e vér i tab le, a l o r s qu e
m oi , j 'a va i s app r i s t r ès t ôt que, si je voul a i s (f twl t f t i u ch ose, je ne p o u v a i s
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Mêm e ap rès sa m or t , m on pèr e con t i n u a i t - d u f on d de sa tombe
qu elq u e sor t e - à m a r qu er sa préfér ence p ou r m a sœur . I l l u i légua l a q i
t ot a l i téde sa f or t u n e. J 'a i étéd ou bl em en t vexée : d ’a vo i r étélésée, et d u t
du Ca r o le de m e d on n er ne ser a i t -ce q u ’u n e pa r t i e in f i m e de son héri ta i
pa r t i r d e là, n ot r e r el a t i on , déjà t endue, com m en ça à se détér i or er sér i e n i (tn t . Pen d a n t p l u s ieu r s an nées, c ’est t ou t ju s te s i n ou s n ou s par l ion
en f i n m êm e ce con t a c t m i n i m e cessa en t ièr ement . E n u n m ot , m a sœt
mo i ne nou s a i m ons pa s beaucoup .
Pu i s , u n j ou r , l e m oi s der n i er , e l l e m e p a sse u n co u p de téléph one (
p làt ement i na t t end u . Pl eur a n t mi sèr e, el l e m e dem a nd e de lu i p r êt er 5
f r ancs. Son ma r i , qu i à le d on d e t ou t bâcler , a a pp a r emm en t gasp i l l
a rgen t en i nvest i s semen t s dou t eux . Ca r o le a m i s ses b i j ou x en gage
on t em p r u n téà m a mèr e a f i n de p ou vo i r c on t i n u e r à r em bou r s er
h ypo th èque. B re f , c ’éta i t l a ca t as t r ophe . Pou r t a n t , i l s n ’on t pa s m o
I pu r t r a i n d e vi e. L eu r Fer r a r i et l eu r c o l l ect i o n de t a b l eau x son t t o u j
il là.
Fa ce à m es rét i cences évi dent es, Car ol e a j o uéson a t ou t maît r e. El i t
d i t : «J e n ’a i p er son n e d ’a u t r e à qu i m ’ad r esser . J e su i s désespérée. E t qu i c r oy a i s que, da n s l e besoi n , on peu t t o u j ou r s comp t e r s u r s a f am i l l
I bu t à coup , je fa i sa i s de nou vea u p a r t i e de sa fam i l l e.
Dans un premier temps, Carole joua le rôle classique du martyr :
Himut un tableau désastreux de sa situation, elle fit comprendre à Jei
4|il'elle avait les moyens d'y remédier. Mais dès qu'elle se heurta
i l'ulNtance de sa sœur, elle changea de registre en agitant une nou6 nrotte.
/?Il e p r i t sou d a i n u n e vo i x t rès d ou ce, r a con t e J ea nn e, et m 'a n n on ça :
sa is , je ser a i s r av i e de t ’a vo i r sou ven t à la m a ison , à d în er et p ou r las j
Ce sera i t choue t t e comm e au t r e f oi s. » E l l e d su f a i r e vi b r e r l a c ou l e
si ble , m on f a n t a sm e d ’u n e bel l e ta b le de fêt e ent ou rée de vi sages r ad
d 'a u t a n t qu e m a mèr e se t r ouve seu l e et qu e j e n ’a i pa s d 'h om m e dan
vie. Car o le es t d on c la seu l e à a vo i r u n e v ra ie v ie fa mi l i a l e, a vec son
et ses en f a n t s a d olescen t s. Tou s les a n s à l 'a pp r och e des fêt es de f i n <
née, je m e sens u n p eu t r i s te en r a i son de la d i st an ce en t r e nous . J 'a i
sa v oi r d an s m on f o r i n tér i eu r qu e p l u s i e u r s de mes am i s c omp t en t l
cou p p l u s p ou r m o i qu e l es mem b res de m a fa m i l l e, dès qu e l es d i
I I n QUATRE FACES DU CHANTAGE
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COMPRENDRE LE MÉCANISME DU CHANTAGE AFFECTIF
Carole donna l'impression que sa sœur pourrait obtenir son retouqau bercail pour « seulement » 5 000 francs. C'était certes une sommfljmodique, compte tenu de l'importance que Jeanne attachait à la chaleuiid'une vie familiale, mais, à long terme, cette concession lui aurait coûta
cher. Non seulement Jeanne aurait été obligée de faire violence à son]
intégrité en permettant à Carole de conserver ses habitudes de désinvollture financière, mais elle aurait accordé sa confiance à une personne qui|l'avait déjà trompée tant de fois.
Il ne faudrait pourtant pas sous-estimer la tentation ressentie pan Jeanne. Il est difficile de résister au fantasme d'une vie de famille chaileureuse et harmonieuse, surtout.si celle qu'on a vécue est à mille lieues]de cette image. La perspective d'y accéder enfin vous attire tel uniaimant. Progressivement, j'ai pu faire comprendre à Jeanne que si, à ce]stade de sa vie, elle n'avait toujours pas obtenu la vie familiale dont ellejrêvait, il était peu probable qu'elle puisse un jour l'instaurer. Carole lui]avait fait miroiter une vision idyllique qui ne correspondait tout simple-]ment pas à la réalité. En dépit de ce que prétendent les spécialistes du
chantage affectif, on ne peut s'acheter la chaleur humaine, quel que soit]le montant du chèque qu'on est prêt à établir.
Les sentiments de culpabilité de Jeanne, l'attrait du rôle flatteur de la
sœur qui avait réussi sa vie et la promesse de liens familiaux renoués for-imaient un ensemble qui la mettait dans une situation très embarrassante. Mais, comme nous le verrons, cet incident de chantage flagrant
allait marquer un tournant et lui apprendre à refuser des manipulationsde ce type.
LE LABYRINTHE
DU CHANTAGE AFFECTIF
Il n'existe pas de frontières clairement dessinées entre les différentsmodes de chantage affectif et, comme nous l'avons déjà constaté,nombre de maîtres chanteurs en associent plusieurs. Certains, comme
Carole, alternent lamentations de martyr et évocations alléchantes. Toute forme de chantage affectif fait des ravages au bien-être de la
victime. On remarque facilement le bourreau, mais il ne faut pas nonplus sous-estimer l'effet corrosif des méthodes plus subtiles, celles quidétruisent comme des termites plutôt qu'à la manière d'une tornade.Silencieusement ou de façon spectaculaire, les uns et l'autre provoquentl'écroulement de la maison.
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| | QUATRE FACES OU CHANTAGE
inoiiNtres. Ils agissent rarement par malveillance mais, comme nous leverrons au chapitre 5, sont mus par des démons intérieurs. Dans la plu-Imii i des cas, ce sont des individus qui occupent une place centrale dans
|hvie de leurs victimes, qui aimeraient continuer à voir en eux des pro-lecteurs. D'où la grande difficulté qu'on éprouve à les reconnaître pouiVt» qu'ils sont. Il peut en effet être très douloureux d'analyser des com|M»Hcments qu'on a longtemps cherché à ignorer ou à pardonner et del'pu avouer les conséquences. Il n'empêche : c'est là une condition si m if mi non si l'on veut rém éré d'aplomb une relation en péril.
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3
Un brouillard
à couper au couteau
Le chantage affectif ne fonctionne que dans un brouillard qui s'étend juste au-dessous du niveau de compréhension, comme la couche nuageuse que l'on observe en bas depuis la fenêtre d'un avion. Dès que l'onperd de l'altitude et que l'on y pénètre, on se trouve dans un tourbillon
d'émotions qui empêche de voir clairement l'action du maître chanteuret ses propres réactions. Le discernement s'embrume.
Comme je l'ai indiqué dans l'introduction, ce brouillard est constitué de peur, d'obligation et de culpabilité, trois sentiments que tous les
manipulateurs, quelle que soit leur méthode, visent à intensifier chezleur victime. Il envahit tout, désoriente et fait disparaître tout sauf lemalaise persistant qu'il produit. Celui qui se trouve dans le brouillarddu chantage affectif cherche désespérément à savoir comment il a pu
en arriver là, comment s'y arracher et comment mettre fin à cet étatinsupportable.
Qui peut prétendre ne pas connaître ce trio de sentiments ? Chacunvit avec une myriade de peurs, grandes et petites. Tout individu a desobligations et, s'il est doté d'une conscience, il se rend compte des rap
ports d'interdépendance qui le relient à ceux qui l'entourent et de sesdevoirs envers sa famille et son milieu social. Enfin, personne n'échappeentièrement aux sentiments de culpabilité : on rêve de pouvoir reveniren arrière pour annuler tel ou tel acte qui a fait mal à quelqu'un, ou onse reproche d'avoir laissé en suspens des problèmes importants. Ces
émotions sont une conséquence inéluctable de la vie en .société, et la plupart des individus trouvent un équilibre dans lequel Un évitent de se laisser totalement dominer par elles.
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UN HROUILLAHD A COUPER AU UUUICAU
Or, le maître chanteur augmente le volume au point de produire union tellement assourdissant que sa victime consentirait à tout oupresque - y compris à des actes qui nuiraient manifestement à ses intérêts - pour revenir à un niveau sonore supportable. Les méthodesemployées provoquent des réactions aussi automatiques que celle quic onsiste à se boucher les oreilles dès qu'on entend hurler la sirène d'un
i (union de pompiers. On ne réfléchit pas, on ne fait que réagir, et c'est làla clé de la réussite du chantage affectif. Quand on subit des pressions deUP type, le délai entre l'apparition des symptômes et la première tenta-
llvc pour y remédier devient négligeable.Cette description pourrait faire penser qu'il s’agit d'une stratégie
*r I cm ment ourdie et mise en œuvre, alors qu'en réalité la plupart desn uiîtres chanteurs produisent leur brouillard sans en avoir conscience.
Toujours est-il qu'ils déclenchent de la sorte une invisible réaction
§n chaîne que l'on ne peut espérer arrêter que si l'on en comprend lemécanisme. La meilleure façon d'acquérir cette compréhension estd'examiner à la loupe les trois composantes du brouillard. Notonsrépondant que ce n'est que pour la commodité de l'analyse que j'aborde
ni'purément ces sentiments, car, dans la pratique, ils se chevauchent, semêlent et se renforcent mutuellement. N'oublions pas non plus qu'il y a
mitant de nuances de peur, d'obligation et de culpabilité qu'il y a d'indi-Vidus sur Terre, ce qui nous contraint à généraliser. Les mots et les actes1111i suscitent ces sentiments chez vous peuvent différer de ceux que jeprésente dans le passage qui suit, mais les effets sont toujours les
mêmes. Peu à peu, ils forment cette matrice de malaise qui incite à céderun chantage.
LA PEUR
Le maître chanteur fonde ses stratégies - conscientes et inconscientes - sur les renseignements qu'il glane sur vos peurs. Il remarqueles situations qui vous font fuir, qui vous rendent nerveux ou qui provoquent une crispation de vos muscles. Non pas qu'il s'applique à prendreîles notes et à les classer en vue d'une exploitation ultérieure. Il s'agit en
luit d'un rnode normal et universel d'absorption de connaissances surnulrui. Dans le chantage affectif, la peur opère des transformations chez
le manipulateur aussi (nous y reviendrons au chapitre 5). Disons, pournlmplifier, que la crainte qu'il éprouve de ne pas obtenir ce qu'il veutacquiert une telle intensité qu'elle rétrécit à l'extrême son champ visuel :Il voit avec une netteté étonnante le résultat visé, mais il est incapable de
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détourner son regard de cet objectif suffisamment longtemps pouf
s'apercevoir de l’ effet de ses actions sur sa victime.
À ce stade, l'information que le maître chanteur a engrangée su;
vous tout au long de votre relation se transforme en arme propre à impol
ser un marché qui se nourrit de part et d’autre de la peur. Les condition^
énoncées ont été définies en fonction des craintes qui vous sont spéci
fiques. Si vous acceptez de lui donner satisfaction, il s'engage à renonçai(selon le cas) :
• à vous quitter;• à vous retirer son estime ;• à vous priver de son amour;• à vous gronder;• à vous rendre malheureux ;• à vous soumettre à un affrontement désagréable ;
• à vous renvoyer.
Quels que soient les détails, ils découleront de la nature des peurs
que vous avez manifestées. D'ailleurs, l'un des aspects les plus douloul
reux du chantage affectif est cette trahison de la confiance qui vous avaii
permis de vous ouvrir au point de dépasser le stade des relations superfij
cielles avec le maître chanteur. Vous remarquerez, dans l'histoire qui
suit, la capacité du manipulateur à identifier les peurs dont l'exploitas]
tion lui garantit la réaction la plus forte.
La peur la plus fondamentale
La première rencontre avec la peur se produit dès la petite enfancel
quand vous vous trouvez littéralement incapable de survivre sans la
bienveillance de ceux qui s'occupent de vous. Cet état d'impuissanceinfantile crée une terreur de l'abandon dont certains ne se débarrassenu
jamais. L'être humain est un animal tribal pour qui la simple idée de
perdre le soutien et l'affection de ceux qu'il aime devient vite insuppor-i
table. La peur d'être abandonné figure donc parmi les angoisses les plus
puissantes, les plus envahissantes et les plus faciles à déclencher.
Élise, inspecteur des impôts approchant de la cinquantaine, se maria
il y a cinq ans avec Jeff, menuisier de quelques années son cadet. Elle me
consulta en raison de l'accumulation de toute une série de griefs et derancœurs à son égard, espérant trouver ainsi le moyen d'améliorer leur
relation. Compte tenu du salaire élevé d'Élise, ils avaient décidé d'un
commun accord que Jeff pourrait arrêter de travailler et s'occuper à
temps plein de la fermette où ils habitaient. Or, cet arrangement s'est
révélé une source constante de conflits.
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Nu l l e r el at i on n 'est pa s des p l u s équ i l i brées, a voue El i se. C'est m oi qu i fa
bou i l l i r l a ma rm i t e et c'est lu i qu i man ge. I l s ’occup e, bi en sûr, cle la me
* 011, i les bêtes, d u terr ai n, de moi, et c'est u n e sit ua t i on qu i me pl aît so,
vont , m ai s je ser a i s bea u coup pl u s à l 'a i se s 'i l fa i sa i t u n p et i t e f for t <
i *vh»r ch e de t r avai l . Le fai t est qu e c'est m oi qu i ap por t e l 'essent i el de n ot
l evenu , a l or s qu e lu i t r ou ve t ou jou r s l e m oyen de l e dépenser . Dès qu 'i l vei
qu el qu e chose, j e cède.
Ces der ni er s t emps, néanmoi n s, n ou s avon s eu des d i spu t es su r ne
fn 0 ) r i tés et l a gest i on de n ot r e ar gent . I l se m et à bou d er dès qu e n ou s t
t ombons pa s d 'a ccor d ou , pl u s préci sément , qu e je ne l u i d on n e pa s r ai soi
l 'ent end s cl a quer l a por t e d'ent rée, ju st e après sa voi x q u i m ’a n non ce so
in tent i on de sor t i r . I l sai t qu e je ne sup por t e pa s de le voi r s ’él oign er ai ns f iul%que je n ’ar rête pa s de l e sui vr e pa r t out . Ch aque f oi s qu 'i l qu i t t e la pièct
I oi pr esqu e l ’imp r ession d ’êt r e abandonnée. Après l ’écl a t ement de m on pr t
i oIpi mar iage, j ’ava i s sur t out h or r eu r de la sol i tu de, d e r egagner t ous le
nuira un e m ai son vide, et c ’est u ne s i t ua t i on qu e je ne veu x p l u s jam a i
\ 'Ivre. J 'en a i p a r léà Jeff , et au dépar t i l se m on t r a i t t rès com p réh en si f
l 'éfi ar d de m on besoi n de tendr esse. C ’est p ou r qu oi cel a m ’angoi sse de l
Vf i l r se sa u ver de cet t e f açon.
Ma p r em ièr e réact i on est de penser q u ’i l est t el l ement f âchéqu 'i l va m
quit ter. Int el l ectuell ement , j 'a i bi en conscience de l 'absur d i téde cett e cr ai nt e
pn dépi t de nos pr i ses de bec, n ou s n ou s a im on s p r of ondément et je sai s qu ’i
ni»part i r a pas. Et pour t an t , j ’a i peur . J e n e peux p a s m ’empêcher d e d i r e c>
que ¡'a i su r l e cœur , mai s ces di sput es son t en t r ai n de me r end r e fol l e.
Pline qualifie la solitude de « trou noir », de « puits de déprime » qu
i PHlJoulTre. C'est ce trou noir qui l'effraie plus que toute autre chose e
|ltl apparaît béant devant elle chaque fois que Jeff se retire.
I I v a eu un e cr i se ma jeur e l orsque son vi eux cam i on a r end u l ’âme et q u 'i l e
voi nmencéà fa i r e des al l usi ons à l 'impor t an ce de le r emp l acer p a r un cami ot,
neuf. I l prétenda i t pou voi r en pr of i t er p ou r t r ouver des pet i ts boul ots d an s les an t r es pr opr iétés de la vallée. Qua n d j e répond i s qu e n ou s n e pou vi on s peu t '
4hv pas n ou s l e permet t r e f i nan cièr ement , i l étai t i vr e de colère. J ’avai s beau
détester ces pr i ses de bec, je répétai s qu e nou s n ’en avi on s t ou t si mpl emen t
f ins les moyens. Au bou t d e quel ques jou r s de chamai l l er i es, t l m e r epr ocha de
ne m'in tér esser qu 'à l 'ar gen t et de fa i r e p eu de cas d e t ous ses eff ort s p ou r me
IVnr i t e l a vi e f aci l e et agréable. I l a jou t a qu e je l 'appréci er a i s peu t -êt r e m i eux
h m * u i i l m m \> f\ I . U I I I ' I II A U t Q U T E A U
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Jefl réagit comme une bête blessée: humilié par les rappels
constants de sa dépendance économique, il chercha à justifier, coûte que
coûte, sa place dans leur relation. Il convient de souligner que, en dépit
de toute l’évolution sociale accomplie ces dernières années, un couple
comme celui de Jeff et Élise demeure l'exception. Ainsi, à l'instar de bien
d'autres hommes dont la femme gagne plus qu'eux, Jeff se croyait dans
une position précaire qu' il fallait légitimer et protéger. Ils avaient décide'
à deux de leur division des rôles, mais, aux yeux de Jeff, Élise remettait
en cause cette décision chaque fois qu'il faisait une demande : soudain,
elle ne semblait plus admettre son statut d'homme au foyer. Déstabilisé
par cette douche écossaise, Jeff avait contre-attaqué afin de retrouver
son équilibre. 1
De son côté, Élise était passée d'un mélange de perplexité et d'ap
préhension à un état d'affolement extrême. Les relations intimes
réveillent souvent les peurs les plus terribles, car c'est là qu'on se sent le
plus vulnérable. Même celui qui, dans tous les autres domaines de la vie,
fait preuve d'une grande compétence risque de s'écrouler au premier
signe de rejet de la part d'un amoureux.
Après tant de supplications, Jeff fin it pa r rentrer à la maison, mais il ne di-
sait pas grandchose. I l y avait une telle tension dans l ’a ir que je sentais que
je devais vite fa ire quelque chose. Cela me rappelait mes parents : distants, \
froidement co léreux , faussement pol is . J ’avais toujours eu horre ur de leur
façon d ’être et je m ’étais juré que n ’aura is jamais une re la tion de ce type.
J’ai donc dû vaincre mes sentiments négatifs et me demander: « Q u ’estce
qu i com pte le plus, Je ff ou l ’argent ? » 1
Bientôt, Jeff se trouva au volant d'un camion neuf. S'y était-il
attendu? En tout cas, le fait de l'avoir obtenu lui donna l'impression
d'avoir conquis une plus grande égalité dans leur vie de couple, et il
savait par quel moyen il y était parvenu. Sans aller jusqu'à formuler
explicitement une stratégie d'exploitation de la peur qu'avait Élise de le
mettre en colère, de le plonger dans un silence renfrogné ou de le faire
fuir, il prit donc l’habitude de jouer son atout dès qu'il estimait ne pas
recevoir le traitement qu’il méritait. À partir de là, leur mariage fonc
tionna selon le modèle suivant: chaque fois que Jeff se repliait sur lui- ;
même, Élise cédait. Jeff avait compris qu’ il suffisait de l’ inquiéter par sa I
mauvaise humeur pour lui arracher les concessions qu’il voulait. II
n'agissait ni par méchanceté ni par cruauté. Il ne faisait qu’appliquer
une méthode qui avait montré toute son efficacité.
Puisque le chantage de .lel’l semble tourner autour de questions d ’ar
l’.enl, l ;,lise fait pari ois l'elle! d'une comptable maniaque qui inscrit ses
sentiments sm un bilan «lin d’évitei d ilïronlei l.i leiroui du Imu non
x.wivirm NURI II Mf- C AN IS MI OU CH AN I AUI Al I I Cl ll
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H II O U11 I AMI) A C O U I ’ I H AU COU I I AU ( i l
i i e l l e remâche s c s problèmes do l a y o n obsessionnelle en se disant:
!• l'adore, mais je me demande si je n’ irais pas mieux sans lui. Ne
>i ni i (■ pas une relation qui me coûte finalement trop cher? Il est tota-
l' nu ni dépendant de moi. »
< est pourtant avec une plus grande réticence qu’elle évoque sa
i-m -|nc dépendance affective : « Comment pourrais-je envisager de le quit-n i i i de recommencer avec quelqu’ un d’ autre? J’ai trop peur de me
•-111miver dans cet état de déprime que j ’avais vécu avant notre mariage. »
i' lui ai fait remarquer qu’ elle n’en était pas là. Certes, les questions
i» . >ih uniques étaient source de fortes tensions entre eux, mais la peur
i l lise d’être abandonnée l’aveuglait à tel point qu’elle perdait toute
Hli|n iivite dès que Jeff avait recours au chantage. Au lieu d’explorer les
• -n . d'un compromis sain, elle paniquait, cessait de raisonner et capi-
11iLiil, pleine de rancune.
I ,a peur favorise une pensée manichéenne, voire catastrophiste. Éliselit il persuadée que, si elle tenait tête à Jeff, il l’abandonnerait. Du coup,
II* \e rendait prisonnière de ce dilemme : lui donner tout ce qu’ il vou-
! m on rompre avec lui, auquel cas elle se libérerait certes du chantage
•ilIre! if, mais au prix d’un retour dans le trou noir tant redouté. Je lui ai
. spliqué qu'elle avait un troisième choix: nous allions nous concentrer
t ir.rmble sur l'aspect de leur relation qui leur posait problème à tous
.I. nx et essayer de soulager son angoisse d'abandon.
lu peur de la colère
I .1 colère semble magnétiser la peur: tel un aimant, elle la fait rapide-
11ir111monter à la surface, en provoquant chez l’ individu une réaction de
lu!le ou de fuite. La colère est une émotion que l’on a le plus grand mal à
rsprimer ou à vivre tranquillement, tant on l’assimile aux conflits, aux
perles, même aux violences. Ce malaise a, il est vrai, un côté raisonnable
rl protecteur, puisqu'il incite à esquiver ou à fuir des explosions de
i (»1ère qui risquent de dégénérer en agression physique. Mais, dans
loi il es les relations sauf les plus violentes, la colère n'est qu'un sentiment
I ui mi d'autres, ni bon ni mauvais en soi. Or, la plupart des individus ont
accumulé une telle angoisse face à leur colère et à celle des autres qu'ils
.< trouvent handicapés lorsqu'il faut affronter le chantage affectif.
Cette émotion - à vrai dire, toute émotion négative - paraît si dange-
i ruse qu'on en vient à la redouter sous quelque forme que ce soit, chez
aulrui ainsi que chez soi-même. Au fil des ans, il m'a été donné d'en-Irndre des milliers de personnes avouer leur peur de se mettre en colère :
rllrs risquaient, disaient elles, de faire mal aux autres, de perdre la maî
trise d'c llrs mêmes ou de .Vllondrer totalement. De même, la moindre
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trace d'irritation dans la voix de quelqu’un d*nuire éveille souvent 1(peur d'être rejeté, déconsidéré ou abandonné, voire, dans les cas les pluj
extrêmes, de subir des violences.
Jules, le concepteur de meubles que nous avons déjà rencontré, s<|
sent tellement acculé par l'hostilité de son père envers la femme qu’il
aime qu'il en est tétanisé. « Il suffit, raconte-t-il, que j'évoque le sujfll
pour que son comportement change radicalement. Aussitôt, il se crispa
et le volume de sa voix gagne vingt décibels. Lorsque je vois cette lueuË
noire dans ses yeux et que j'entends tonner sa voix, je suis tout intimidé!alors que je mesure dix centimètres de plus que lui ! »
Les parents ont une capacité remarquable à réactiver les peurs in farfl
tiles de leurs enfants. « Quand j'étais petit, se rappelle Jules, mon pèr*
poussait de tels cris de rage que je.craignais qu'ils provoquent l'écroule®
ment de la maison. Pour ridicule que cela puisse paraître, j'éprouve!
encore aujourd'hui la même peur chaque fois qu'il se montre mécontenjl
de moi, bien qu'il se soit radouci avec le temps. Je continue de réagi®
comme s'il était toujours cet être qui me terrorisait quand j'étais gosse.®
Les événements et les sentiments ayant marqué l'enfance somnolent!au fond de l'adulte, prêts à se ranimer en cas de stress et de conflit. Le]
côté adulte de la personne a beau savoir que les incidents redoutés!
remontent à une époque lointaine, son côté encore enfant les revifl
comme si c'était hier. Cette mémoire affective peut vous enfermer dansl
un mode de réaction fondé sur la terreur, même lorsqu'il n'y a rien dansl
la réalité présente pour le justifier.
Des réflexes conditionnés
Il arrive qu'on réagisse même au moindre soupçon d'un comportement
que l'on fuit. « Mon père n’a qu'à rougir de colère et froncer les sourcils,-
dit Jules, pour me faire reculer. Il n’a même plus besoin de crier. »
C'est le physiologiste russe Ivan Pavlov qui a livré la démonstration
classique de ce qu’on appelle les réf l exes cond i t i on nés. En étudiant le
cycle de digestion chez les chiens, qui commence par la réponse natu
relle de la salivation quand ceux-ci se trouvent en présence de nourriture, il a découvert que, s'il faisait tinter une cloche juste avant de leur
donner à manger, les chiens finissaient par associer le son de la cloche à
la nourriture et se mettre à saliver dès qu’ils l’entendaient, sans même
qu'il fût besoin de leur présenter des aliments. C'est de façon analogue
que, chez la victime de chantage affectif, toute expérience effrayante
déclenche à l'avenir un réflexe conditionné.
Tel mari met à exécution sa menace de quitter sa femme en partant
pour quelque temps; tel adulte, agacé par le comportement de ses
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JMihiIn, cesse de leur parler pendant plusieurs jours; telle femmeHftprvi' si lort avec son amie qu'elle se met à l'invectiver: après la■Hiltt Ilia lion, l'incident n'est pas pour autant oublié. 11se transformeh tyiiibole de la douleur éprouvée, et le maître chanteur, dès qu'il
ir, ravive la peur originelle en exerçant suffisamment de pressionM il HHMiirer la capitulation de sa victime.
f Phiin le cas de Jules, un regard courroucé de son père suffisait pouraU) Indiquer le parti qu'il fallait prendre : le mensonge. Tout en continuant
|jt* fi^quenter Béatrice, il ferait semblant d'avoir rompu avec elle. Mais,
ItyMi opportune que paraisse cette solution, Jules allait payer cher son
Ittllt I d'éviter de mécontenter son père. Car, comme le démontreront
ÉHinhro des histoires relatées dans ce livre, il jouait à un jeu dangereux
Kü« l ' o n pourrait appeler « la paix à tout prix ». Quel fut le prix pour
H f i ? Non seulement son amour propre en prit un coup, mais il dut sup-
I*imh»r l'épreuve physique et psychologique de sentir monter le niveau de
ftilh o, tant au fond de lui-même que dans sa relation avec son père.
I.tt peur s'épanouit dans l'obscurité, où, échappant à l'examen cri-
titlMU, elle s'empare néanmoins de l'imagination. Le corps et les parties
bu moins évoluées du cerveau l'interprètent comme un signal de fuite, et
Vint souvent ce que l'on fait, en évitant la situation redoutée parce qu'on
nuit au fond de soi que la survie est à ce prix. Or, comme nous le ver-
lnii’i, le bien-être psychique dépend au contraire de l'aptitude à faireb h la source de ses angoisses les plus aiguës.
L'OBLIGATION
Quand on arrive à l'âge adulte, on possède déjà un ensemble de
IIgles et de valeurs. On sait ce que l'on peut décider soi-même et ce pour
flUOi on doit se référer à des idéaux comme la fidélité, l'altruisme ou
T»1)1 légation. On adhère avec conviction à ces valeurs, que l'on consi
dère comme le fruit de sa réflexion individuelle, alors qu'en réalité elles
portent la marque de l'éducation familiale, religieuse ou sociale qu'on a
r e ç u e .
lin général, les idées qu'on a sur le devoir et la responsabilité sontI l upjiéçs au coin du bon sens, et elles constituent un socle éthique de la
vie dont on ne saurait se passer. Mais beaucoup d'individus ont telle
ment de mal à tenir en équilibre leurs besoins et les obligations qu'ils
es liment avoir envers autrui qu'ils pèchent par excès de devoir.Le maître chanteur n'hésite pas à faire appel au sen du devoir de sa
victime : il insiste sur les sacrifices qu'il a consentis pour elle, sur la dette
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C OMP HI NDH I II Ml ( A NIN MI I >U < 11/vN I A i , I AI I I ( III
qu'elle a envers lui, allant même parfois jusqu'à puiser dans des tradi
tions sociales ou religieuses qui renforcent ce message.
• « Une fille doit passer du temps avec sa mère. »• « Je me tue au travail pour le bien de notre famille; tu pourrais au
moins être à la maison quand je rentre le soir. »• « Il faut respecter son père et lui obéir. »• « Le patron a toujours raison. »• « Je suis restée solidaire de toi pendant toute la période où tu étais en
couple avec cet imbécile. Tout ce que je te demande, c'est de me prêter 10 000 francs. Je suis quand même ta meilleure amie ! »
Dépassant les bornes de la réciprocité, le spécialiste du chantage
affectif vous fait sentir qu'il vous incombe de céder à ses demandes, quevous le veuillez ou non. Cette exigence suscite une confusion encore plus
grande quand elle est formulée par une personne qui s'est montrée géné
reuse à votre égard. Mais l'amour et la bonne volonté peuvent facilemenl
s'effacer dès lors que le rappel des dettes et des devoirs prend le dessus.
Une femme qui m'a consultée il y a plusieurs années reste pour moi
l'exemple type de la victime de manipulations axées sur le sentiment
d'obligation. Maria, administratrice d'hôpital de quarante-sept ans, se
caractérisait comme une personne toujours disponible pour les autres.Elle passait à quatre heures du matin chez une amie déprimée qui sup
portait mal la solitude, et elle ne ménageait pas ses efforts pour aider
ceux qui l'entouraient, car faire don d'elle-même lui procurait une satis
faction profonde.
Son mari, chirurgien très réputé, a pleinement profité de cette qua
lité tout au long de leur mariage houleux. « J'appartiens à une généra
tion, expliquait Maria, pour laquelle la tâche la plus importante que
puisse accomplir une femme était de se marier, de faire des enfants etd'être une épouse dévouée, et c'est probablement en raison de cette
vision que Paul m'a épousée. J'adore mon travail à l'hôpital, mais mon
foyer constitue le centre de ma vie. J'ai fait un stage, il y a quelque
temps, qui m'a appris une idée fondamentale : il suffit des efforts d'une
seule personne pour maintenir une relation sur les rails. Dès lors qu'on
se donne à fond, on peut surmonter toutes les épreuves de la vie. En tant
que femme, je prends très au sérieux mes devoirs envers ma famille, et
Paul en a parfaitement conscience. »D e s a n n é e s d u r a n t , P a u l a e x p l o i t é c e s e n t i m e n t d ' o b l i g a t i o n f a m i -
l ia le , en s o u l ig n a n t e t p e u t ê t re e n c r o y a n t s i n c è r e m e n t q u e , e n d é p it
d e to ut c e q u e l 'o n p o uv ai t lu i rep r o c h er p ar a i l leurs , il res p e c ta i t à s o n
t o u r se s e n g a g e m e n t s en s u b v e n a n t l a r g e m e n t a u x b e s o i n s de* sa f ami l le .
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Il h it<il l l l I AMI) A COUI-'LM AIJ COU I I AU 65
/. ;;<’//s lions prenaient pour le couple parfait. Or, ce dont ils ne se ren-
daient pu s com pte, c'est que Pa ul a tou jours été un co ureu r de jupons.
I\iiut notre mariage, il me racontait en long et en large ses conquêtes et se
i tintait du nombre de femmes qui sou piraien t après lui ou qu i lui couraient
■i /h i 1s Je n ’avais pas spécialement envie d ’entetidre sa chron ique , mais cela
uir flattait de penser que, en ayant connu tant d’autres, il m'avait quand
mente choisie. Quelle naïveté!
( ombien de maîtresses atil eues depuis que nous sommes ensemble ?
h .ais en tou t cas q u ’il y en a eu un certain nombre. Tous ces congrès dans
./. villes lointaines, ces soirées où il restait tard au travail, les incohérences
In i/uetites dans le récit qu ’il m ’en faisait, son indifférence cro issante à mon
¿nard : les indices ne m anquaient pas. Pu is je com m en çai à recevoir des
tippels téléphoniques d ’« amis » qui prétendaient l’avoir vu en compagnie
il 'antres femmes. Si je pressentais que ces allégations n ’étaient pas sans fon
ileiiient, il me fallut néanmoins longtemps avant de po uv oir lu i demander
•/*• v comptes. Une foule d ’éléments contrad ictoires se bouscu laient dans ma
lele. J’estimais lui être redevable de toutes ces années de travail acharné
puni no tre famille .
Paul passa vite à l'offensive: il soumit Maria à de fortes pressions
<11111de la convaincre que c'était son devoir de rester avec lui dans n'im-
l***i li* quelles conditions.
II n tout nié, bien sûr. « E t tu oses croire toutes ces calomn ies ? » me lançat
il. « Depuis des années, je m ’échine au travail et me sacrifie pou r ma
famille. I l y a eu des tas d ’occasions où j ’aura is préféré ne pas rester tard à
l'hôpital, mais je l’ai fait pour toi, et voilà que tu me le reproches! Com-
ment peuxtu envisager de me quitter et de détruire notre famille ? Veuxtu
¡pie les enfants sombren t dans la délinquance du fait q u ’ils ne vo ien t jama is
leur père? Ouvre les yeux et compare ta situation avec celle des autres
/t înmes ! Je n ’arr ive pas à c roire que tu mésestimes tous les efforts q u ’il a
In/In pour obtenir le bienêtre qui est aujourd’hui le nôtre. » Quand il eut
lini, je m ’étais rangée à son po in t de vu e: je lui devais effectivement
confiance et dévouement. E t pu is il y a les gosses, que j ’aime si fort. Com-
ment pouvaisje les séparer de leur papa adoré ? Comment pouvaisje faire
éclater notre famille ?
Paul me posa alors les mains sur les épaules et me sou ffla à l ’oreille :
« Allez., mets cette robe noire qui me plaît tant. Je t’emmène au restaurant.
Mais je ne veux plus jamais entendre le mot divorce dans ta bouche. Tout cela, ce ne sont que des racontars q u i devraient te laisser te marbre. » Dans
mon désarroi, je me forçai () sourire et, enfilant ma robe noire, sortis dîner
avec lui comme s'il ne s'était tien passé.
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Paul avait identifié les points sensibles de Maria et, pour les atteindre,]
lui avait brossé un tableau sinistre des conséquences d'une séparationJ
Ce serait non seulement quitter un mari très travailleur, prévenait-il, mais]
aussi condamner ses enfants à une vie d'abandon et de criminalité.
Nombreux sont ceux qui, de peur de briser leur famille, restent danslune relation qui a tourné au vinaigre. Ils rechignent à perturber, voire Û
traumatiser les enfants, sachant qu'ils devront en outre faire face à leua
confusion et à leur souffrance. Certaines victimes du chantage affectiflprennent tellement à cœur leur responsabilité envers leurs enfanta
qu'elles renoncent, au droit d'avoir elles-mêmes une vie satisfaisante!
Pour malheureuse que fût Maria, la perspective de l'éclatement de sa]
famille l'effrayait au point de la paralyser.
Son sens du devoir avait pris de telles proportions qu'il devenait!
presque le trait marquant de son caractère. En raison de la grande fierté]
quelle en tirait, elle rejetait sommairement la moindre insinuation]
quelle n'avait peut-être pas vécu entièrement en accord avec ses prin-icipes. Elle se lança bientôt dans une spirale d'exagérations afín de sel
défendre des accusations de Paul, qui attribuait une importance si dis-l
proportionnée aux obligations de sa femme qu'elles éclipsaient totale!
ment sa propre infidélité. Selon sa vision, Maria avait des devoirs abso-l
lus à son égard, alors que c'était à lui de déterminer les limites des siens]
qui, en l'occurrence, excluaient la fidélité conjugale. Décidé à jouer le?
rôle commode du martyr ( « Comment peux-tu me faire ça? ») , Paul ne
s'interrogeait pas un seul instant sur la souffrance qu'il infligeait à sa:femme et à ses enfants, qui avaient déjà eu à subir le stress que ses liai
sons introduisaient dans leur foyer. Comme la vie serait belle si les
maîtres chanteurs faisaient preuve de la même sensibilité aux senti
ments de leurs victimes qu'ils exigent à l'égard des leurs !Paul refusait de reconnaître sa part de responsabilité dans la dété
rioration de leur relation et, a for t ior i , de s'amender en conséquence, en
prenant prétexte de son emploi du temps chargé. D'ailleurs, affirmait-il,
ce n'était pas la peine, puisqu'il n'avait rien fait de mal. Si Maria étaitmécontente, c'était à elle de «se faire soigner» pour qu'ils puissent
retrouver leur bonheur perdu. J'ai fait remarquer à Maria que, quelles que fussent les exigences de
Paul - ou de quiconque -, elle avait le devoir de s'occuper d'elle-même et
pas seulement des autres. Son esprit d'abnégation face au comporte
ment de son mari ne traduisait ni une forte estime de soi ni un examen
sérieux des options qu'elle avait : ce n'était qu'une réaction automatique
au chantage affectif.Comme chez tant d'autres qui se laissent manipuler de cette façon,
Maria veillait à agir dans l'intérêt de tous, mais pas clans le sien. Il n'est
jamais facile de fixer des limites aux obligations que l'on a envers autrui
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au passage une série de remarques désobligeantes sur son intégrité]
Prête à tout pou r le contraindre à rester, elle ne se b orna pas à souligna
sa dette envers elle, mais essaya de lui inspirer la même terreur qu'elli
avait éprouvée à son départ. Ayant abandonné son pouvoir dès lor i
quelle s'était mise à le rechercher désespérément et à le supplier dd
revenir, elle décida, pour le reprendre, de passer au rôle du maître chai»
teur, qui lui permettrait de dicter de nouveau ses conditions.
Une telle inversion des rôles n'est pas exceptionnelle dans la vi®affective, chacun se trouvant tantôt victime, tantôt bourreau. Même si
l'une des deux personnes utilise plus souvent le chantage que l'autre, elMfl
en a rarement l'apanage. Qui plus est, celle qui le subit dans une relatioij
peut très bien y avoir elle-même recours dans une autre. Ainsi, le salariaqui doit supporter les chantages 4e son supérieur hiérarchique ressenl
un dépit et une rancune qu'il n'ose pas exprimer dans le cadre de sod
travail mais qui le poussent à employer des méthodes analogues face Û
son conjoint ou à ses enfants afin de réduire son sentiment d'impuislsance. Ou encore, comme dans le cas de Jeff et d’Élise, le retournemenl
se produit au sein d'une seule relation : tel est pris qui croyait prendre.!
Le sens du devoir est un sentiment particulièrement difficile à mainitenir en équilibre. S'il descend au-dessous d'un certain niveau, on se met!à fuir ses responsabilités. Mais dès qu'il devient excessif - comme dans
la situation où Élise a commencé à « facturer » chaque contribution ài
leur relation -, on est écrasé sous le fardeau des dettes accumulées et duj
ressentiment qu'elles suscitent inévitablement. C'est alors que le chan^tage pointe son nez.
LA CU LPABIL ITÉ
La culpabilité est un élément indispensable de la vie de tout être dotéde sensibilité et du sens des responsabilités. Il s'agit d'un outil de laconscience qui, dans sa forme non pervertie, enregistre le malaise et les
remords que l'on éprouve quand on a agi en contradiction avec sa
morale, qu'elle soit personnelle ou commune à tout un milieu social. La
culpabilité vous permet de garder votre boussole éthique en état de
marche : étant pénible, elle accapare votre attention jusqu'à ce que vouspreniez des mesures pour la soulager. Puis, pour ne plus la subir à nou
veau, vous cherchez à éviter de faire mal à autrui.On a confiance en cet indicateur du comportement. On croit que, dès
que l'aiguille entre dans la zone rouge (autrement dit, qu'on se sent coupable), c'est parce qu'on a enfreint les règles auxquelles on s'était
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un! i pii il. Parfois, en effet, il en est a insi, cl les sentim ents de c ulp ab ilité
llHiliihi’ iii alors une réaction norm ale et justifiée à un acte m éch ant, illé
K'tl *mol ou m alhon nête.
Ni ces sentiments font partie de la trame de la vie de tout individu
t|iii mune conscience, ils peuvent malheureusement l'induire en erreur
tjlliinl A l’impact de ses actions. Tel un système d'alarme trop sensible
tjill, Mil lieu d'alerter le propriétaire d'une voiture en cas de tentative devitl, 'ie déclenche chaque fois qu'un camion passe à proximité, les « cap-li tlin » de culpabilité risquent de se dérégler. On ressent alors non seule-
ihhii cette culpabilité légitime dont je viens de parler, mais aussi ce que
|fH|'pp|le laculpabilité imméritée.IUiiis ce cas, les remords qui naissent n'ont plus grand-chose à voir
M i1l'identification et la correction de comportements nuisibles. Arme
4* l'hoix dans l'arsenal du maître chanteur, la culpabilité imméritée
(Héliporté une puissante charge de reproche, de remise en cause et de¡lîoi llflcation de soi. Disons, pour simplifier, que l'enchaînement qui
ilimitlt ft la culpabilité imméritée est le suivant :
1, Vous agissez.2. L’autre personne se vexe.), Vous vous estimez responsable de cette réaction, qu'elle soit la
conséquence de votre comportement ou non.4 . Vous vous sentez coupable.
Vous êtes prêt à tout pour faire réparation et, par là même, apaiservos remords.
Par exemple :
1. Vous informez une amie que vous ne pourrez pas l'accompagner aucinéma ce soir.
2. Elle se vexe.
3. Vous jugeant responsable de sa réaction, vous vous sentez terriblement coupable, pis, votre estime de vous-même dégringole.4. Vous annulez vos projets pour la soirée afin de pouvoir rejoindre voire
amie au cinéma. Soudain, elle va mieux et, de ce fait, vous aussi.
La culpabilité imméritée n'a rien à voir avec le mal que l'on aurait
luit ù autrui : elle a tout à voir avec la conviction que l'on a de lui en
«voir fait. Le maître chanteur vous incite à assumer l'entière responsa-
l»i II lé de ses griefs et de ses malheurs. Il s'attache à reprogrammer lesmécanismes de la culpabilité justifiée pour construire un système dont
les voyants clignotent en permanence : COUPABLE, COUPABLE, COU
PABLE.C'est un système d'une efficacité redoutable: compte tenu du désir
de chacun de se considérer comme un être foncièrement bon, la culpa-
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L'ART DE LA MAUVAISE FOI
À entendre le maître chanteur, vous péchez, dans vos conflits avec
lui, par manque de discernement et d'objectivité, alors qu’ il se présenta
comme un modèle de sagesse animé exclusivement de bonnes inten*
tions. Bref, c'est vous le méchant de l'histoire dans laquelle il se réservé
cela va de soi, le rôle du héros. De même que l'homme politique qui, sysitématiquement, accuse ses adversaires de tous les défauts imaginables!
le maître chanteur a le chic de s'auréoler, tout en insinuant que votre]
intégrité est des plus douteuses.
Anato mie d ’un e im posture
Margot, charmante femme d'une quarantaine d’années, m'a consultée!
dans l'espoir de sauver son mariage, qu'elle estimait en grave danger.!Elle était divorcée depuis cinq ans lorsqu'elle fit la connaissance d'Al-i
bert et, après une courte période de passion intense, ils se marièrent. Un
an plus tard, elle s'avouait perplexe et déprimée.
J 'a i beso i n d e savo i r s i c ’es t m o i ou l u i qu i a r a i s on . Je pensa i s a vo i r décro
chéle gros lo t : A lber t es t beau , i l a b i en réuss i sa v ie pr o fess ionn e l l e et , du
m oin s a u dépar t , i l m e sem b la i t excep t i on ne l l em en t gen t i l et a t t en t i onné.
En p l u s , n ous a vons l es mêm es va l eu r s . Im ag i nez donc m a cons t e r na t i o n
q u a n d i l m 'a n n o n c e, a u b ou t d e h u i t mo i s d e ma r i a ge, q u ’i l v o u d r a i t q u e j e
pa r t i c i p e à des pa r t ou ses avec lu i , ac t i v i téà la quel l e i l se l i v r a i t a pp a r em
m ent d epu i s des années. I l pr ét en da i t qu e c ’éta i t pa r ce q u ’i l m 'a i m a i t ta n t
q u ’i l t ena i t à pa r ta ger a vec m oi cet t e expéri ence exa l t an t e.
Je r épon d i s q u ’i l n ’en ét a i t pa s qu est i on , qu e Vidée mêm e m e répu gna i t .
D ’un a i r ch oqué, i l m e d i t q u ’i l a va i t t ou j ou r s ad o rém on côtésensue l e t
q u ’i l s ou h a i t a i t m ’i n i t i er à u n p l a i s i r vér i t a b l emen t e n r i c h i s s a n t I I sa va i t ,
pou r su i v i t -i l , qu e c 'éta i t p r end r e un r i squ e cons idér ab l e que d ’a bo rd er l e
s u jet , ma i s i l f a l l a i t y v o i r u n gage de so n a m ou r p ou r m o i . De m ême , m on c on s en t emen t a p p or t e r a i t l a p r e u v e d u m i e n p o u r l u i .
Devan t m on r efu s pers i s t an t , i l se m on t r a vexéet u n r i en fâché. I l m 'a f
f i r m a q u 'i l s 'ét a i t t r om pésu r m on comp t e . H m 'a va i t c r ue ou ver te , évoluée
et a f f ec t ueuse, sans se dou t er u n seu l i n s t an t de m a « p r u d er i e p u r i t a i n e ».
Ce n ’éta i t pa s d ’u n e fem m e de ce genr e q u ’i l éta i t t om béam our eux , m e d i t -
i l . Vi n t a l o r s l e c l ou : i l m 'a ve r t i t que , s i j e n 'a c cep t a i s pas d ’y pa r t i c i p er , i l
ava i t p l e i n d 'an c i ennes cop i nes qu i , el l es, sau t er a i en t su r l ’o c cas i on .
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Comme tous les spécialistes de ia mauvaise loi, Albert présentait scs
tînmes sous un jour on ne peut plus favorable et les réticences de Margot
lit* façon extrêmement négative. Le maître chanteur laisse entendre que
I?VnI lui qui mérite de l'emporter, puisque la voie qu'il trace est placée
Nimi n le signe de l'amour, de l'ouverture, de la maturité. C'est dans l'inté-
101 île l'un comme de l'autre et, en tout état de cause, il y a droit. Paral
lèlement, et peut-être sans en avoir l'air, il vous traite d'égoïste, de complexé, d'infantile, de niais, d'ingrat, de faible. La moindre résistance de
Votre part cesse rapidement d'être l'expression de vos désirs et se trans
it unie, dans ses mains, en indice de vos défauts.
Albert insinuait même que Margot l'avait induit en erreur par son
Comportement antérieur. Sous-entendu: elle pouvait rectifier le tir en
gédant à ses exigences et en démontrant ainsi qu'elle était malgré tout la
|rnune moderne et sensuelle qu'il lui fallait.
Confusion du vocabulaire
I •»h.sidérons les mots péjoratifs choisis par Albert pour qualifier la réac
tion de Margot. Ayant interprété leur désaccord comme le signe des
h ( omplexes » de sa femme, il mobilisa toute une série de qualificatifs
Itoiir donner force à ses arguments. C'est là une source de désorientation
IXtrême. Le maître chanteur emploie à votre égard des mots si différentsilt* eeux que vous avez coutume d'appliquer à vous-même que vous fini»-
ne/ par douter de votre vocabulaire et par intérioriser les doutes qu'il
('met sur votre intégrité, vos valeurs ou votre interprétation de la situation.
Vous vous trouvez soudain dans un brouillard de la pire espèce.
Je ne pa r ven a i s pa s à m e conva i n c r e q u ’A l ber t f ût à ce p o i n t d i f fér en t du
l 'h om m e qu e je c r oya i s avo i r épousé, d i t Ma r go t . Com m en t a u r a i s -j e p u m e
t r ompe r s i l o u r dem en t ? J ’a va i s pe i n e à l e cr o i r e. Su r u n t on pa r f a i t emen t
r a t i o nnel , i l m ’exp l i q ua i t qu e j e l u i a va i s d on néà en t end r e que j e ser a i s
pr êt e à t ou t f a i r e a vec lu i , e t i l répét ai t i n l assa b lem ent qu e cel a n ou s a pp or
tera i t t el l emen t en t an t qu e coup l e. Je m e m is à pense r qu e je ra t a i s e f f ec t i
vem en t qu e lqu e ch ose et que , s i seu l emen t j ’a r r i va i s à com pr end r e ses idées
su r l a sexua l i téde g r oupe, e l l es ne m e pa ra ît r a i en t p l u s au ssi choquan t es .
J 'ét a i s en pr o i e à u n t er r ib l e conf l i t in t ern e. Peut -êt r e qu e je su i s , a pr ès t out ,
u n p eu co in cée, u n p eu pr ud e, u n p eu t r ad i t i onn el l e, m e d i sa i s -je. Peu t -êt r e qu e j 'a i , com m e l ’a f f i r me A l ber t , u n p r ob lèm e et q u ’i l n 'y a pa s là de qu o i
f o u et t er u n ch a t .
Au départ, Margot avult été catégorique : la sexualité de groupe ne
pouvait avoir d'effet» bdiKMitiiiea, ni »ur elle ni sur leur mariage. Mai»
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78 COMPRENDRE LE MÉCANISME DU CHANTAGE AFFECTIF
l'insistance d'Albert finit à la longue par faire vaciller sa convictionjHabilement employée, la mauvaise foi amène celui qui la subit à s'inJ
terroger sur ce qui est véritablement dans son intérêt et sur F interprétaJtion qu’il a de son conflit avec le maître chanteur. Pourquoi y suc«]
combe-t-on? Parce qu'on veut croire que son ami, son conjoint, sonjcollègue est quelqu'un d'humain et d'estimable, et non pas un monstre]
insensible et cruel. On préfère faire confiance à l'autre plutôt que dejreconnaître comme telle sa stratégie de manipulation par la honte et le]
doute de soi.Margot s'évertuait à expliquer logiquement la situation en fonctiora
de l'image qu'elle s'était faite de leur vie à deux. N'y avait-il pas, se]demandait-elle, une dimension qu'elle ne comprenait pas encore et qui
rendrait acceptable la demande d'Albert? Car si, dans le cas contraire!ses inquiétudes s'avéraient fondées, que faudrait-il penser de lui et deleur mariage? C'étaient là des questions effrayantes que, sur un certain!
plan, Margot préférait fuir. Elle ne voulait pas s'avouer qu'elle s'était]trompée de partenaire. Il lui fut donc moins douloureux de se rallier à
l'interprétation d'Albert que de faire face aux aspects gênants de sa per-jsonnalité et de leur relation.
Outre le fait de semer le doute dans l'esprit de Margot, Albert sut:
exploiter à fond son sens du devoir. Étant son épouse, elle avait, selon,lui, l'obligation de participer à des partouses. On conçoit le désarroi deMargot quand il menaça de la remplacer par une autre femme prête à
satisfaire à sa demande somme toute « raisonnable ».Malheureusement, elle capitula. « J'ai moi-même du mal à croire, dit-
elle, que j'ai cédé à ses pressions juste pour lui faire plaisir. J'ai détestéchaque instant de l'expérience, j’en rougis de honte, j'ai l'impression
d’être sale. J'éprouve un mélange de colère et de démoralisation. »Le brouillard était si dense et Margot avait été à tel point déséquili
brée qu'il ne faut guère s'étonner si elle a fini par avoir un comportement qui, normalement, n' aurait jamais été le sien.
L’accusation de cruauté
Pour intensifier la pression sur leur victime, certains maîtres chanteursvont au-delà de la remise en cause des perceptions de celle-ci et émettentdes doutes sur son intégrité ou sa motivation. Ce stratagème est typiquedes conflits de famille, notamment de ceux dans lesquels des parents cherchent désespérément à conserver leur pouvoir sur leurs enfants désormaisadultes. Mettant un signe « égale » entre amour et respect d'une part etsoumission totale de l'nutre, le maître chanteur cric trahison dès le pre-
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I FIC EL LE S DU M ÉTIER
Infini de variations, se résume toujours à cette idée : « Tu n'agis de la sorteque pour me faire mal. Tu te moques de mes sentiments. »
Lorsque Jules tomba amoureux de Béatrice et commença donc àenvisager d'épouser une femme d'une autre religion que la sienne, il«avait sans doute que sa décision déplairait à ses parents, mais il ne
»'¿tait pas attendu à la véritable offensive que son père lança afin de le
faire plier. « Je n'en croyais pas mes oreilles ! À l'entendre, on aurait imaginé que j'avais ourdi un complot juste pour gâcher sa vie. Je le martyri-
inls, je lui brisais le cœur : du jour au lendemain, le fils exemplaire s'étaittransformé en brebis galeuse », dit-il.
En dépit des années d'absence du foyer familial, Jules réagit comme
le ferait n'importe qui à qui l’on reproche d'avoir blessé et déçu sesparents : il le prit comme un coup de poing.
Quand de tels mots sont prononcés par un être qui vous est proche,
Un perturbent le gyroscope interne qui guide vos actes, vous déstabilisent et minent votre assurance. Il n'est déjà pas facile de s'entendre taxer
il'égoïsme impitoyable par qui que ce soit; ce reproche est particulièrement éprouvant lorsqu'il vient d'une personne qu'on a considérée, pen-tlftnt les années formatrices de sa vie, comme un modèle de sagesse et devertu. En règle générale, un parent qui manie ainsi la mauvaise foi peutdémolir votre confiance en vous-même plus vite que quiconque.
LA PATHOLOG ISATION
Certains maîtres chanteurs vous assurent que c'est par folie que vousrésistez à leurs exigences. Si insupportable puisse être le jargon psychiatrique, il faut admettre" que le terme pa tho l og i sa t i on résume avec une
grande précision cette forme de manipulation. La racine grecque de ce
néologisme, qui se référait à l'origine à la souffrance, a pris le sens demalad ie dans nombre de vocables modernes. Pathologiser, c'est traiter
en malade celui qui refuse de céder : d'où le recours fréquent des maîtreschanteurs à des accusations de névrose, d'hystérie ou de déséquilibremental. Le pire, c'est que, en agissant de la sorte, ils détruisent la
confiance qui régnait entre vous, énumérant et vous jetant à la figuretous les moments malheureux que vous avez vécus ensemble afin devous convaincre qu'ils remontent tous à votre instabilité psychique.
C'est parce que la pathologisation peut porter un coup terrible à
votre amour-propre qu'elle constitue une arme de chantage meurtrière.
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Habilement employée, la mauvaise foi amène celui qui la subit à s'in
terroger sur ce qui est véritablement dans son intérêt et sur l’ interprétation qu'il a de son conflit avec le maître chanteur. Pourquoi y sudcombe-t-on? Parce qu'on veut croire que son ami, son conjoint, sonlcollègue est quelqu’un d’humain et d'estimable, et non pas un monstvflinsensible et cruel. On préfère faire confiance à l'autre plutôt que dJreconnaître comme telle sa stratégie de manipulation par la honte et ld
doute de soi.Margot s'évertuait à expliquer logiquement la situation en fonction]
de l'image qu'elle s'était faite de leur vie à deux. N'y avait-il pas, sa
demandait-elle, une dimension qu'elle ne comprenait pas encore et qui!rendrait acceptable la demande d'Albert? Car si, dans le cas contraire!ses inquiétudes s’avéraient fondées, que faudrait-il penser de lui et doj
leur mariage? C'étaient là des questions effrayantes que, sur un certaiïlplan, Margot préférait fuir. Elle ne voulait pas s'avouer qu'elle s’étailtrompée de partenaire. Il lui fut donc moins douloureux de se rallier a
l'interprétation d'Albert que de faire face aux aspects gênants de sa perlsonnalité et de leur relation.Outre le fait de semer le doute dans l'esprit de Margot, Albert sut!
exploiter à fond son sens du devoir. Étant son épouse, elle avait, selorfllui, l'obligation de participer à des partouses. On conçoit le désarroi deMargot quand il menaça de la remplacer par une autre femme prête à]satisfaire à sa demande somme toute « raisonnable ».
Malheureusement, elle capitula. « J'ai moi-même du mal à croire, dit-1elle, que j'ai cédé à ses pressions juste pour lui faire plaisir. J'ai détesté
chaque instant de l'expérience, j'en rougis de honte, j'ai l'impressiond'être sale. J'éprouve un mélange de colère et de démoralisation. »
Le brouillard était si dense et Margot avait été à tel point déséquili
brée qu'il ne faut guère s'étonner si elle a fini par avoir un comportement qui, normalement, n'aurait jamais été le sien.
Vaccusation de cruauté
Pour intensifier la pression sur leur victime, certains maîtres chanteursvont au-delà de la remise en cause des perceptions de celle-ci et émettentdes doutes sur son intégrité ou sa motivation. Ce stratagème est typiquedes conflits de famille, notamment de ceux dans lesquels des parents cherchent désespérément à conserver leur pouvoir sur leurs enfants désormaisadultes. Mettant un signe « égale » entre amour et respect d'une part et
soumission totale de l’autre, le maître chanteur crie trahison dès le premier signe de désobéissance. Son discours, fût-il répété avec un nombre
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jtttvui tic variations, sc résume toujours à cette idée : « III n'agis de la sortem |muh me l'aire mal. l \ i te moques de mes sentiments. »
Lorsque Jules tomba amoureux de Béatrice et commença donc à
(Mu l'uti'ci d’ épouser une femme d'une autre religion que la sienne, il
!Hva11 Nims doute que sa décision déplairait à ses parents, mais il ne
ftlttlt pus attendu à la véritable offensive que son père lança afin de le
ttih0 plier. « Je n'en croyais pas mes oreilles ! À l'entendre, on aurait ima-|g|tid que l’avais ourdi un complot juste pour gâcher sa vie. Je le martyri-
iSh, je lui brisais le cœur : du jour au lendemain, le fils exemplaire s'était
■Hmlormé en brebis galeuse », dit-il.Un dépit des années d'absence du foyer familial, Jules réagit comme
ferait n'importe qui à qui l'on reproche d'avoir blessé et déçu ses
iereiUN : il le prit comme un coup de poing.
Ou and de tels mots sont prononcés par un être qui vous est proche,II* perturbent le gyroscope interne qui guide vos actes, vous déstabili-
ItMli et minent votre assurance. Il n'est déjà pas facile de s'entendre taxer»1 i'i'mimuc impitoyable par qui que ce soit; ce reproche est particulière-
I iiH'iil ¿prouvant lorsqu'il vient d'une personne qu'on a considérée, pen-
lUnt les années formatrices de sa vie, comme un modèle de sagesse et de; VfMlu, En règle générale, un parent qui manie ainsi la mauvaise foi peut
ittmoltr votre confiance en vous-même plus vite que quiconque.
LA PATHO LOGISATION
Certains maîtres chanteurs vous assurent que c'est par folie que vous
i militez à leurs exigences. Si insupportable puisse être le jargon psychia-
ti I (lie, il faut admettre que le terme pa t h o l o g i s a t i o n résume avec uneurtutdc précision cette forme de manipulation. La racine grecque de cenéologisme, qui se référait à l'origine à la souffrance, a pris le sens de
Maladie dans nombre de vocables modernes. Pathologiser, c'est traitertMi malade celui qui refuse de céder : d'où le recours fréquent des maîtrest hauteurs à des accusations de névrose, d'hystérie ou de déséquilibremental. Le pire, c'est que, en agissant de la sorte, ils détruisent lacouiiunce qui régnait entre vous, énumérant et vous jetant à la figure
tous les moments malheureux que vous avez vécus ensemble afin devous convaincre qu'ils remontent tous à votre instabilité psychique.
C' est parce que la pathologisation peut porter un coup terrible àvotre amour-propre quelle constitue une arme de chantage meurtrière.
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L’amour comme exigence
La pathologisation se manifeste souvent dans des relations amoureusŒ
caractérisées par un déséquilibre des désirs. L’un des deux partenaire!
veut davantage que l’ autre - plus d'amour, plus de temps, plus d’ atterS
tion, plus de dévouement - et, constatant son échec à l'obtenir, essaie de]l'arracher en mettant en question l’ aptitude de l’ autre à aimer. Souli-I
gnons que nom bre d’ individus sont prêts à se donner beaucoup de malpour se prouver à la fois capables et dignes d'amour, au poin t même d<|
se dire à tort: « Si une personne m'aime, je devrais pouvoir l’a imer enj
retour, ou alors c'es t moi qui ai un problèm e. »
Roger, scénariste de trente et quelques années, s'est trouvé exposé ■
une véritable tempête de pathologisation quand il a décidé de prendrB
un peu de distance par rapport à Alice, une comédienne avec laquelle il
avait une liaison depuis huit mois.
Je sen s q u ’Al i ce m ’es t p l u s dévouée qu e qu i q u e ce soi t , d i t - i l . Ver s le débu t d e 1
n o t r e r el a t i on , s a c om p a g n i e a v a i t p o u r m o i q u e l qu e ch o se d 'e u p h o r i s a n t
E l l e p a s sa i t c h ez m o i e t s ’i n st a l l a i t s u r m o n l i t p o u r l i r e m e s ma n u s c r i t s , s ur \
l e sq u el s el l e s ’ex t a s i a i t . E l l e s em b l a i t c om p r en d r e p a r f a i t em en t c e q u e j e ,
r e ch e r c h a i s e t a i m e r m es éc r i t s a u t a n t q u 'e l l e m ’a i ma i t , m o i . J e s u i s t om béi
f o l l em en t am o u r e u x d ’el l e. I l n ’y a p a s d e f i l m q u ’el l e n ’a i t v u , el l e es t d rôl e,A
s u p e r b em en t bel l e, e t el l e p e n s e q u e n o u s s om m e s f a i t s l ’u n p o u r l ’a u t r e .
M a i s a u b o u t d e qu e l q u es m o i s, e l l e c om m en ça à i n s i s t er p o u r q u e n o u s ]
v i v i on s ensem b le . E l l e répéta i t t ou t l e t em ps q u ’el l e éta i t r a v i e qu e n ou s jn ou s s o y on s t r o u vés et q u ’eïle s a v a i t q u e c ha c un t r a n s f o rm er a i t l a v i e d e
l ’a u t r e . J e n ’a v a i s q u ’à aba nd onn e r t o u t e rés i st a n c e et q u ’à m e l a i s se r a l l e r i
p o u r q u e s ’épa n o u i s s e u n e r e l a t i o n f o rm i d a b l e . E l l e d i s a i t a v o i r c o n sc i en c e s
des rét i cences que je p ou va i s épr ouver , com p t e tenu de l a r u p t u r e do ü l ou - 1
r euse qu e j ’av a i s vécu e l ’a n née pr écéd ent e a vec m on a n c i en n e cop i n e , m a i s
el l e m ’i n c i t a i t à a f f r o n t e r m es p eu r s p l u t ôt q u e d e l es f u i r . Or , m êm e si t o u t
c el a m e p a r a i s s a i t a s sez r a i s on n a b l e, j 'a v a i s néan m o i n s l ’i m p r e ss i o n d e
br ûl er l es ét a pes.
Alice et Roger passèrent beaucoup de temps à discuter, dans un
esprit d'entraide, des efforts qu'ils faisaient pour améliorer la situation.
Mais Alice aimait à jou er les thérapeutes, surtout lorsque Roger évoquait
sa crainte d'a ller trop vite en besogne. Il cherchait à tout contrôler, affir-
mait-elle, alors qu’il devait cesser de freiner des quatre fers. Déjà à ce
stade, elle avait tendance à définir les hésitations de Roger comme un
vestige du comportement névrotique qu'il avait manifesté à l'époque où
il buvait beaucoup, fût-ce onze ans plus tôt. Il n'empêche que Roger pre-
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f in II II cou r scs critiques. Laissant de côté sa peur de se lancer trop vite
ilrtii’i mu' relation profonde, il décida de donner raison à Alice et l'invita
| l iüftlttller chez lui.
IHi > a v a i t u n e v i s i o n i n c r o y a b l emen t c l a i r e d e n o t r e a v en i r à deu x , a l o r s q u e
[ Mi»i l , j e p r éfér a i s a va n ce r à pa s com p t és. Ma i s q u a n d u n e p e r son n e vou s
Hl m* s i f o r t , el l e dégage u n e t e l l e éner g i e qu 'e l l e f i n i t p a r vou s en t r aîne r , m e m i n u t a R o g er e n t o r t i l l a n t n e r v eu s em en t l e br a c el et d e sa mo n t r e . J 'a r r i v a i s
i l u n i' tl y f a i r e f a c e, t a n t b i en q u e ma l . M a i s d e p u i s d e u x o u t r o i s m o i s , el l e
t H i n i n i en ce à pa r l e r d e f a i r e un en f an t . E l l e a t r e n t e -c i n q an s , e t s on dés i r d e
tm i l u r n i tépa r a ît t r ès sér i eu x . E l l e m ’a s su r e qu e n ou s ne d ev r i o n s p a s p ou r
H i i / n n t n o u s ma r i er , q u e ce s er a i t t o u t s im p l em en t l ’o c c a s i o n r êvée d 'e x p r i -
i IHi 'i t ou t n o t r e a m ou r e t t ou t e no t r e créat i v i t é. D epu i s p eu , el l e m e l i t à vo i x
I i h u / c d es pas sages de l i v r e s d e puér i c u l t u r e et s o r t des p h o t o s de m o i en f an t
f i n i i f m i eu x f a n t a sm e r su r l a têt e qu 'a u r a l e bébé. M o i , j e n ’e n peu x p l u s . J e M# wi i s pa s s i j e veux p a s ser l e r e st e de m a v i e a vec el l e, n i m êm e s i j e veux
éli t ) pèr e. J 'a i beso i n d 'espa ce e t d e t r a n qu i l l i t ép o u r p o u vo i r écr i re .
Ce n 'es t p a s q u e j e n e l 'a d o r e p a s . C ’es t ju s t e q u e j e d o i s d 'a b o r d y v o i r
ïh i l r , J e ne su i s p a s d u t ou t sûr d e r e ssen t i r l a m êm e chose p ou r el l e qu e ce
t (U 'vi l e r e ssen t p o u r m o i . C ’e st p o u r c el a q u e j e l u i a i a n n o n céqu e j ’a v a i s
I w v i I h d e p a s se r d u t em p s s eu l , n e ser a i t -c e q u e p o u r p r e n d r e d u r ecu l .
Cri acte de résistance déclencha une réaction furieuse de la part(l'Allir,
( Vt a i t a h u r i s sa n t . E l l e m e s or t i t q u e l q u e c h o s e d u g e n r e : «Tu m'effraies
i f u a i u l t u p a r l e s c om m e ça . T u a s d i t q u e t u m ’a im es, m a i s j e co n c l u s d es
p r o p o s q u e t u v i e n s d e t en i r q u e t u es u n f i e f fémen t eu r . J e n ’i g n o r e pas que
tu c r a i n s l 'i n t i m i t éap r ès t ou t l e gâch i s d e t a d e r n i èr e r el a t i o n , mais ¡0 te
l ' i o y a i s qu a n d m êm e en f i n p r êt à p r o f i t e r d u p résen t a u l i eu de v i v r e dans l e
passé. Je su i s qu e l q u ’u n d ’i n t e n se, j e l e sa i s bi e n , e t j e pen sa i s av o i r trouvé u n h om m e su r l a m êm e l o n g u e u r d ’o n d e. J e n ’a i sa n s d o u t e p a s l e droit de
('v u vo u l oi r , m a i s f r a n c h eme n t j e t e p l a i n s. T u a s t r o p p e u r d e l a v i e p o u r
p o u v o i r c o n n a ît r e l e g r a n d am o u r . T u n ’es à l ’a i s e q u ’a v e c l es p e t i t s f a n
t a sm es q u i p e u p l e n t t es scéna r i o s. A v o u e -l e : t u n ’es q u ’u n a l c o o l i q u e en
p h a s e d ’a b st i n e n c e, t o u t c om m e t o n c o u r e u r d e j u p o n s d e pèr e a v a n t t oi . »
Cette d i a t r i b e m e m i t sér i e u s em en t s u r l a déf en s i v e. J e l a r ep a s sa i s
en c or e et e n c o r e d a n s m o n es p r i t e n m e d em a n d a n t s i A l i c e n ’a v a i t f i n a l e
m en t p a s r a i s on . I l e st v r a i q u e j ’a i d u m a l à éta b l i r d es r el a t i o n s s t a bl es,
Peu t -êt r e que , ef f ec t i v em en t , j e n e su i s pa s capa b l e de v i v r e avec qu e l q u 'u n
q u i m 'a i m e vr a i m en t .
Je signalai à Roger qu'il fa isait là une erreur très courante: il se
noy a it «a n o rm a l» tout simplement parce qu 'il éprouvait des senti
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if in'upprét&is, me racontatelle, ù passer au temps partie l dans mon tra
Viifl ilf comptable afin de pouvo ir me concentrer sur la maîtrise que je pré
I ' . i h i i s , Ce changement était source de stress, mais surtout, je sortais d'un
|ii lire amoureux que je voulais comprendre. Aussi décidaije de faire appel
tin \ Mtrvices d'une thérapeute chaudement recommandée pa r une amie.
( et te femme avait un aspect quelque peu rébarbatif, mais je me rassurai
ih i Mit* disant que de toute façon i l fallait un certain temps pour s'habituer à
lu relation thérapeutique. I l n'empêche qu'elle semblait s'évertuer à me lan
t iM des coups de griffe. Par exemple, elle aimait à découper des articles de
ÿitfxxti sur des femmes « battantes » et à me les donner en début de séance,
indûment à titre d'inspiration. Or, elle ne réussissait de la sorte qu'à
Ml# casser le moral. Le message transmis était peu ou prou : « Voilà les
modules sur lesquels vous devriez vous calquer. Si vous suivez mes conseils, VOUSy parviendrez »
/lie m'engageait régulièrement à participer à l ’une des thérapies de
Un m f je organisées par ses soins. Peutêtre qu'elle avait raison sur les bien
(.11 que je pouvais en attendre, mais je refusais, car j ’étais déjà tellement
ocoupée avec ma maîtrise que j ’estimais ne pas avoir de temps à y consa
t fVK Elle réagit en me reprochant mon entêtement, qui était, selon elle, la
ciitise de tous mes problèmes.
\,w pathologisation est d'autant plus convaincante quelle est le fait
i l u n e ligure d’autorité comm e un thérapeute, un médecin ou un avocat.
\ it relation qu’on entretient avec ces personnes repose sur une forte
I h utilance, et on a tendance à les coiffer d’une auréole de sagesse qu'elles
ttt» méritent pas toujours. Car chacun a eu affaire, au cours de sa vie, à
tli’Hspécialistes qui semblent croire que leurs diplômes placent leurs opi
nions et leurs actions au-dessus de toute critique. Même s'ils ne vont pas
|M*qu’ à vous traiter ouvertement de « déséquilibré », ils parviennent, auil«'lotir d’un geste, d'un regard ou d’un mot, à vous faire comprendre que
lt*l est le cas.
f<e ton de sa voi x , l ’a t t i tu de de son cor ps, t ou t dénot a i t son mécont en t em ent
d m on égard , pou r su i v i t Ca th er i ne. Je r edou t a i s te r r i b l emen t sa m au va i se
hum eu r , q u i a u r a i t a p p o r tél a co n f i r m a t i o n f i n a l e d e mes i n su f f i sa n ces.
Pu i sq u 'on con si dèr e son t hér ap eute com m e l ’ar bi t r e en m at ièr e d ’équ i l ibr e
psych i que , on est ca t ast rophépa r t ou t s igne de désappr oba t ion de sa par t .
Qu i p l us est , j ’a i t ou jou r s eu peur de la co lèr e des au t res, e t cet t e peu r se mul t i p l i e pa r d i x f ace à u ne f igur e d ’aut or i té.
Du haut de leur position, des « experts » comme cette thérapeutelaissent entendre qu’ ils ne toléreront pas la moindre contestation. Vousayant assuré qu’ ils ont votre bien-être à cœur, ils voient dans vos réti-
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cences la preuve de votre obstination, de votre Ignorance ou de vca
angoisses. Ce sont eux les spécialistes, y compris en matière de connaissance du fond de votre personnalité. Défense de remettre en question
leur avis ou leur interprétation de la situation.
Des secrets bien cachés
Dans nombre de familles ayant vécu des expériences socialement!réprouvées - alcoolisme, suicide, maladie mentale, mauvais traitement*
des enfants -, il y a un accord tacite sur la nécessité de tenir les faits soufl
le boisseau, voire de ne jamais les évoquer, même en privé. Dès lors toul
tefois que l’un des membres de la famille brise cette loi du silence, osanfl
révéler le secret si bien caché et si longtemps dénié, il court le risque dfij
s'entendre qualifier de fou impitoyable et destructeur par les autres. J'atî
maintes fois rencontré cette variante de la pathologisation pendant les]
années où je me spécialisais dans la thérapie pour adultes victimes, dan«
leur enfance, de mauvais traitements ou de rapports incestueux. Au fun
et à mesure que ces personnes avançaient sur le chemin de l'équilibra
psychique, elles éprouvaient de plus en plus l’envie et le besoin de parlen
de leur expérience, mais leur famille faisait tout son possible pour les en;
empêcher.
De toute évidence, plus une famille a connu de troubles de ce genre!plus elle redouble d'efforts pour retenir ceux de ses membres qui
retrouvent une vie plus saine. Dans bien des cas, d'ailleurs, ce chantage!porte ses fruits. Des menaces d'abandon, d'exil, de punition, de repréfl
sailles ou de mépris irrévocable peuvent ébranler la détermination de
celui dont les tentatives de guérison ne lui ont attiré que des reprocher
culpabilisants.À l'âge de trente ans, Régine, cadre de télémarketing, souffre encore-
des blessures au cou et à plusieurs os que son père lui a infligées pendant
son enfance. Je fis sa connaissance quand elle fut hospitalisée à la suite
d'une dépression nerveuse dans l’établissement où je travaillais àl'époque. Très rapidement, elle m’avoua qu'elle ne supportait plus de
garder secret son martyre passé.Dans ses efforts pour affronter par la suite la réalité de son enfance,
Régine se tourna vers sa mère pour trouver confirmation de tout ce
qu’elle avait vu et vécu. Hélas ! Au lieu de la compréhension espérée, elle
ne rencontra que pathologisation.
J'essaya i, i l y a six m oi s à peu près, d 'abor d er l e sujet a vec m a mèr e en l 'i n
f or m a n t q u e j ’a vai s décou vert la persi st an ce de cer t ai nes lési ons résul t an t
d es cou p s qu e m on pèr e m 'a va i t d onnés. Sa réact i on m 'est om aqu a : el l e me
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u'fiKH'Iui de parler comme si mon [)ÙVQ avait fait une tentative de meurtre.
h> lui dis alors : « Te souvienstu du jour où papa m'attrapa par les cheveux,
010 fit tourner et me jeta sur le sol ? » Me regardant comme si j'étais un
mira terrestre, elle rétorqua: « Bon sang! D'où estce que tu sors tout ça?
On'estce que ces médecins te racontent? Astu subi un lavage de cerveau
nu quoi ? » Je répondis : « Mais enfin, maman! Tu as été témoin de la plu-
part des raclées que j'ai reçues! Tu restais sur le seuil de la porte à regar-
der 1»
C'en était trop pour elle. Perdant son sangfroid, elle m'accusa de fabuler
i»f me traita de folle. Comment pouvaisje calomnier ainsi mon père ? Elle
m 'annonça qu'elle n'entendait plus discuter avec moi tant que je ne me
ferais pas soigner et que je continuerais à raconter des mensonges aussi
éhontés. Cela me porta un coup terrible.
I .a mère de Régine se sentit tellement menacée par les souvenirs de
lillc que non seulement elle les nia, mais elle exerça des pressions sur
U | lne pour quelle fit de même et menaça de couper tout contact si elle
i'«visait de perturber de cette façon la tranquillité de la famille. Des
piloris salutaires comme ceux de Régine pour lever un coin du vo ile sont
Hmvcnt présentés sous un jour sinistre par les autres membres de la
Umllle, qui parlent d'exagérations, de fabulations et de produits d'un
fevprlt tordu. Pour faire face à ce tir nourri de pathologisation quitlj't oule de problèmes profonds et d'une longue histoire de violences au
kpkü d'une famille, il faut une bonne dose de détermination, de prépara
nt ai et de soutien, même lorsqu'on a désespérément besoin d'exprimer
ta vérité de son expérience.
Le « pathologisateur » vise les points faibles de sa victime, ceux
quelle a le plus de mal à défendre. Il est relativement facile de se proté-
I grr des critiques à l'égard de ses compétences et de ses réussites, car les
mnlirmations tangibles de celles-ci ne manquent assurément pas. Mais
qu'un maître chanteur fasse allusion à des faiblesses psychologiques et
• un risque de prendre son attaque pour une réaction rationnelle. On sait
qu'on ne peut être entièrement objectif sur soi-même; pis, on craint de
découvrir au fond de soi des démons jusqu'alors inconnus. Le « patholo-
liluateur » exploite cette crainte.
Tout comme la mauvaise foi, la pathologisation vous plonge dans lelimite quant à vos souvenirs, votre jugement, votre intelligence et votre
Intégrité. Mais, dans ce cas, l'enjeu est encore plus considérable : lapathologisation vous amène même à vous poser des questions sur votreNunté mentale.
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LA RECHERCHE D'ALLIÉS
Certains maîtres chanteurs, lorsqu'ils ne parviennent pas tout seuls!
leurs fins, font appel à des renforts. En mobilisant des tierces personne]
- amis, parents ou autres individus respectés par leur victime - quiabondent dans leur sens, ils espèrent étayer leurs arguments et l ’ empon
ter par la seule supériorité numérique. Ce n'est pas chose aisée que dltenir tête à un tel front uni.
Un soir, peu de temps après le début de mon travail avec Régine, j'ai
pu observer le fonctionnement de cette stratégie. Les parents de la jeun]
femme se présentèrent à une séance de consultation familiale, acconi
pagnés de son frère et de ses deux sœurs. Dès que je sollicitai leur réaJ
tion à la décision de Régine de parler ouvertement des mauvais traitjj
ments infligés par son père, ils s'empressèrent de serrer les rangs. Led
enfants échangèrent un regard, puis le frère - l'aîné de la fratrie - prit la]
parole.« Maman nous a demandé, dit-il, de venir vous raconter la vérité sua
nous. Nous avons une bonne famille que Régine s'applique à détruira
Vous savez aussi bien que nous combien elle est perturbée, vu ses
séjours répétés en hôpital psychiatrique et ses tentatives de suicide!
Cela ne m'étonnerait pas plus que ça qu'elle commence à avoir des haw
lucinations ou à entendre des voix. » Le sourire aux lèvres, il s'interj
rompit pour regarder autour de lui. Encouragé par les signes de tête)
affirmatifs que lui firent les autres, il poursuivit : « Elle a toujours eu degraves problèmes. Nous aimerions tous l'aider à les dépasser, mais nous
ne pouvons supporter qu'elle répande des calomnies sur notre compte!
Elle a inventé de toutes pièces cette histoire de mauvais traitements, et
il y a pas mal de gens qui semblent y croire. Tout ce que nous voulons]
c’ est nous laver de tout soupçon et lui procurer les soins dont elle a
besoin. »
Cette sinistre alliance rendait la tâche de Régine - celle de s’accro*]
cher, en dépit des dénégations de sa mère, à la vérité telle qu’elle la
connaissait - encore plus difficile qu’auparavant. Elle se trouvait désor
mais encerclée par un groupe soudé de maîtres chanteurs déterminés à
la réduire au silence. Leur porte-parole lui faisait comprendre qu’elle ne
pourrait revenir au bercail que si elle se rétractait. Ils retrouveraient
alors une vie de famille qui, malgré ses effets néfastes sur eux tous, les
rassurait car ils y étaient habitués.
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wHt rivée des renforts
IA§iiM, l'administratrice hospitalière que nous avons rencontrée au cha-
|iiin précédent, a dû elle aussi affronter une coalition semblable. Quand
h ||m découvrit les infidélités de son mari et quelle avoua envisager la pos-
wllillllr de le quitter, il ne recula devant rien pour l'en dissuader, allant
JUmiu'A battre le rappel de sa propre famille.
( uns ta ta n t q u e ses menaces , son nu mér o d e cha r m e e t t ous ses au t r es st r a
t agèmes ép r ou vés n e ma r ch a i ent p l us, Pa u l déci d a d e f ai r e d on n er l a ca va
l er i e l o u r de, m e d i t -el l e . I l sa va i t qu e j 'a d o r a i s m es beau x -pa r en t s , t a n t son
p i r e, méd eci n c om m e lu i , q u e sa mèr e, cet êt r e s i d ou x qu i m 'a va i t tém oig né
i l t s te dépar t u n e gen t i l l e sse excep t i on ne l l e . C 'es t a i ns i que , l o r sque m on
h ea u-pèr e m e téléph ona p ou r m e con vi er à u n e d i scu ss i on en fa m i l l e, je m e
sent i s obl i gée d ’y con sent i r , e n dép i t d e m es rét i cences.
Or , j 'a va i s à pe i n e f r a n ch i l a po r t e de l eu r m a i son qu e l a g r a v i téde m on
er r eu r m e sau t a a ux yeux . Ayan t p r i s so i n d ’a r r i v er à l ’a van ce, Pa u l a va i t ,
île t ou t e évi d ence, p répa rél e ter r a i n en r a con t a n t à ses p a r ent s qu e je m e
com por t a i s de f a çon dér a i sonn ab l e . Com m en t dès lo r s s ’a t t end re q u ’i l s fa s
sent pr euve d ’i m pa r t i a l i téà m on égar d ?
( e souci était pleinement justifié : compte tenu des circonstances, lespMimts de Paul ne pouvaient guère être objectifs, comme le montra la
nulle* de l’histoire.
Pend an t p l us d ’un e heu re , i l s m e ser i nèr en t q u e tou t m a r i a ge t r aver se des
cr i ses e t q u ’i l ser a i t fo l i e de p l i e r bagages d ès l e p r em i e r s i gne d e d i f f i cu l tés.
I l s m ’assu r èr en t qu e Pa u l s ’engagea i t à pa sser p l u s d e tem ps à la m a i son et
rt rédu i r e ses h eur es d e ser v ic e à l ’hôpi t a l , ce qu i , se lon eux , deva i t m et t r e u n
t er me à not r e pet i t e mésent ent e . I l suf f i sa i t , d i sa i en t -i l s , qu e je cesse d ’em
p l o yer l e m o t d i vo r ce p ou r qu e t ou t se règ l e da n s l a d i s crét i o n . I l s m e
dema ndèr en t s i j e vou l a i s v r a i m en t a vo i r su r m a consc i ence l 'éc la t em en t de
l a f am i l l e . Sa ch an t c om b i en Pa u l m 'a i m a i t , i l s se décla rèr en t na vrés de le
vo i r sou f f r i r a i n s i , san s com p t e r l e c r u e l des t i n q u e j e réser va i s à m es
e n f a n t s ! Com m en t p o u va i s -j e su p p o r t er l 'i d ée de r e n d r e m a l h e u r eu s es
a u t a n t d e p er s on n es , a l o r s q u e m on m a r i s e sa c r i f i a i t p o u r n o t r e a v en i r à
tou s ?
Qu a n d je l es i n t er r ogea i su r l es l i a i sons a m ou r euses de Pau l , l eu r réac
t i on m e révéla q u ’i l ne l es en a va i t pa s i n f o rmés. I l s eur en t l ’a i r s i m a l à
l 'a i s e q u e j e p en sa i u n i n s t a n t q u ’i l s c om p r en d r a i e n t u n p e u m i e u x l es r a i
sons d e m on i nsa t i s fac t ion . C 'est a l o rs qu e son pèr e m e f i t u n e répon se qu e
j e n ’a i t ou j ou r s p a s dlgdKtitt : « Cel a ne j u st i f i e pa s pou r a u t an t l a dest r u c t i o n
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liMfi comparaisons de ce type suscitent des sentiments d'infériorité.
■iimiuI on s'entend dire qu'on est moins bon, moins dévoué, moins
ÉumIiIi1 qu'un tel, on risque d'éprouver des sentiments d'inquiétude et
lp t u!|mhilité si forts qu'on est prêt à céder au maître chanteur pour
iiMMilit* ses accusations.
Depuis de nombreuses années, Léa subit, sous des formes diverses,
■ l |M»’WMions d'une mère experte dans l'art de la comparaison peu flat
tai»«,
/h m or t d e m on pèr e a l a i ssém a mèr e t ot a l emen t désempa rée, m e r a con t a
K, i P i h ' j eu n e cou r t ièr e en Bou r se. Ap r ès t ou t e u ne v i e pend a n t l a quel l e el l e
I u suit été p r i s e en ch a r g e p a r d e s h om mes, e l l e se t o u r n a v er m o i p o u r q u e j e
i em p l i s se cet t e fon c t i on .
Je ne t ar da i p a s à décou vr i r m es n ou vel l es obl i ga t i on s : p a sser én or m é men t de t emps a v ec el l e, l u i t r o u v er u n a v oc a t et u n c omp t a b l e, m ’o c c up er
i I ' i i i i g r a n d n om b r e de t âc hes qu ’el l e s er a i t p a r f a i t emen t c apab l e d ’a s s um er
h m t e seul e. Ma i s , com m e el l e sai t t rès bi en pa r a ît r e désar mée, je su i s t om
bée dan s l e pa nn ea u d ’au t an t p l u s fa c i l em en t qu e l es tâches en ques t i on ne
me posen t a u cu n p r ob lèm e. On se racon t e, da ns u n e s i t ua t i on d e ce gen r e,
q i l 'on s ’a t t i r era l ’a m ou r e t Ves t i me de l ’au t re , a l o r s q u ’en réal i téon ne p eu t
f uma i s en f a i r e a s sez p ou r c on t en t er u n e f em m e c om m e ma mère. Comm e
île b ien en t end u , l e com p t a b le coût a i t t r op c h e r et l ’a voca t ét a i t vér eux .
On an t à m o i , j ’a v a i s eu l ’o u t r ec u i d an c e d ’a n nu l e r u n d îne r a v ec el l e pa r c e
i f i i e j 'a va i s p r om i s à m on f i l s de l ’a i d er à répét er l e rôl e q u ’i l a l l a i t jou er
i lm i s u n e p ièce d e t héât r e.
Si le m oi n d r e de m es a ctes la issa i t à désirer , je p ou va i s êt r e sûr e qu e j 'a u
ra i s d e ses nouvel l es . E t ch a qu e f o i s qu e je m 'a v i sa i s de m 'él o i gn e r u n p eu
d 'el l e, el l e se ser v a i t d e m a cous i n e p ou r m e don n e r du r em o rd s. B i en t ôt ,
f eu s d r o i t à des rema r ques du sty l e : «Car o l i ne vien t sou ven t m e vo i r . E l l e se i i m i p or t e en f i l l e dévouée à m on égar d, à t el p oi n t q u ’el l e m e p a r a ît p l u s
t om m e un e vra i e f i l l e qu e toi . » Je m e dem a n d e s i el l e ava i t i dée d u car ac tèr e
b lessan t et cu l pa b i l i s an t d e ses p r opos . Résu l t a t : j e m e m i s à l u i consac r er
beau cou p p l u s d e t emp s qu e je ne souh a i t a i s e t à essayer de régler t ou s ses
p r oblèm es . N ’i m po r t e qu o i p ou r év i t e r la com pa r a i son a vec Car o l i ne .
Puisque la personne présentée en modèle semble bénéficier de
l'amour et de l'estime que l'on aurait voulus pour soi-même, quoi de|ilu» naturel que de se lancer dans la compétition afin de reprendre la
(Htmlère place? Dans le cas de Léa, toutefois, les comparaisons ne s'ar-
t f la lent jamais. Elle avait beau faire, elle ne pouvait rentrer en grâces.
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Des press ion s dangereuses
Dans la vie professionnelle, les comparaisons défavorables créent unfl
ambiance semblable à celle qui règne dans une famille aux rapports cttll
ficiles, faite de jalousie et de rivalités. On essaie en vain d'être à la hatil
teur des exigences impossibles d'un chef qui, à la manière d'un pèrJ
avec ses enfants, dresse ses subordonnés les uns contre les autres.
Quand Cécile me consulta pour la première fois, elle subissait dfll
pressions intenses de la part d'un supérieur hiérarchique qui utilisait
comparaisons négatives comme outil de « motivation ». La trentaine, elleeut le malheur d'avoir été engagée pour remplacer Marianne, figujrl
légendaire qui allait quitter la rédaction du magazine pour prendre jtfl
retraite.
Je su i s r el a t ivement ef f icace, m e di t Céci l e, j ’a i p a s m a l d e bon n es i dées et lm
co l l a bo ra t i on a vec les jou rn a l i s t es se pa sse b ien . Au t r ef o i s , j ’ad o ra i s m on
mét i er , m a i s m on ch e f ex i ge davan t age de m o i qu e des au t r es m em bres dn
l ’équ i pe , e t i l n e ra t e pa s u ne occas i on de m e com pa r e r à Mar i a nn e. Jfafl
l ’im p r ess i on que , en dépi t de t ous mes ef f o r t s , j e n e gagn er a i j a m a i s icfl
f a veu r s . S i j e m 'occu p e de qua t r e a r t i c l es en u ne sema in e, i l m e d i t : « Pas
ma l . C 'e st l a qu a n t i t éde t r a va i l q u e Ma r i a n n e a b a t t a i t en u n e sema i nm
c reuse. Son r eco rd ét a i t de h u i t ou n eu f a r t i c l es. » S i j ’a n n o n c e u n s o i r q uM
j e d oi s p a r t i r à l ’h eu r e p révu e au l i eu d e f a i r e un e jou r née d e di x o u onzM
heu r es com m e d ’hab i t u de , i l se p l a i n t de l a ba i s s e ca t a s t r o ph i q ue de l ’a m
d eu r a u t r a v a i l d on t s ou f f r i r a l a r éda c t i o n ap r ès l e dépa r t d e Ma r i a n n M
célèbr e p ou r sa p résenc e qu a si p er m a n ent e a u bur eau.
E l l e es t géni a l e, j ’en conv i en s , m a i s i l f a u t d i r e q u ’el l e bo i t én or mém enm
q u ’el l e n ’a pa s de f a m i l l e et qu e l l e ne v i t qu e p ou r son mét ie r . Je me t r ouvM
en con cu r r ence a vec el l e, a l o r s qu e mo i , j ’a i un e v ie en deho r s d u t r ava i l 1
No n seu l em en t j ’épr ouve le besoin de pa sser d u t emp s avec m on m ar i et mes 1
en f an t s , m a i s j ’a t t ache de l ’ im por t a n ce à m es ac t i v i tés assoc ia t i ves. Ma lA
heu r eusemen t , m on supér i eu r m e dema nde t ou j o u r s p l u s et , qu a n d i l m ’a sA
su r e que j e pou r r a i s êt r e l a f u t u r e Ma r i a n ne s i s eu l emen t j 'a s s um a i s u n p r oA
j et d e p l u s, j ’a i l a n aïvetéd e le cr oi r e. Cel a l u i d on n e u n p o u vo i r p r esqu A
i l l i m i tésu r m o i . Dès qu e je n e fa i s pa s ses qua t re volon t és, i l m e com p a ré
défa vora b lement à Mar i a n n e . .. ava n t d ’a j ou t e r qu e j ’a i b i en l ’éto f f e de d eve
n i r u ne v i r t uose com m e el l e, à cond i t i on d e f a i r e l e t r a va i l supp lémen t a i r e
qu 'i l m e demand e, q u ’i l f au t cons id ére r n on pa s com m e u ne cor vée, m a i s
com m e u n ga ge de sécu r i tépr ofession n el l e.
A in s i , m a f am i l l e se décha îne pa r ce que je n e su i s jam a i s à la m a ison , je
m e sens d e p l u s en p l u s épu i sée et je c om m en ce à a voi r m a l a u x br a s et au
cou , à fo r ce de pa sser l e p l us c l a i r de m on t emps devan t l 'o r d i n a t eu r . Le
p i r e, c 'est qu e je f i n i s pa r d ou t e r de mes compdt p i i cp* , Ma i s ¡e c ro i s néa n
90 COMPRENDRE LE MÉCANISMI DU C,HANTA())!?. AFFI C1IB
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Le monde intérieur
du maître chanteur
Le maître chanteur a horreur de perdre. Foulant aux pieds la notiorfl
de franc jeu, il estime que tous les coups lui sont permis, car il doii
vaincre, coûte que coûte. Garder votre confiance ? Respecter vos sent®
ments? Vous traiter équitablement? Il s'en moque. Pour lui, les règle!
du jeu n'existent tout simplement pas. C'est comme si, en plein miliefl
d'une partie, l'arbitre criait: « Mêlée générale! » et qu'un joueur sa
hâtait de prendre le dessus par tous les moyens sans laisser à son advei!
saire le temps de se retourner.
Comment se fait-il que le maître chanteur attache autant de prix à la]victoire ? Qu'il ait à ce point besoin de l'emporter qu'il songe à une venl
geance terrible en cas de défaite ?
LA FRUSTRATION, RAC INE DU M AL
Pour comprendre les raisons qui ont transformé un être proche en
petit tyran, il faut remonter à la source de son chantage affectif, c'est-à-]
dire nu moment où il vous fit une demande à laquelle vous avez refusé
d Accéder.Il nul pur!aitement normal de vouloir, de demander, de chercher les
moyen« d'obtenir ce que l'on désire. Il n'y a pas non plus de honte à
Ml HUliteiitcr, fi Insister, voire à supplier et à gémir, mais à une condition :
i|iif* |‘ini Accepte un refus net pour ce qu'il est. Ce n eut certes pas tou-
|mhi ■fuelle, et on ne peut exclure le risque de fâcherie mais, dans le
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le d'une relation foncièrement saine, la tempête finit par se calmer et
ilcux personnes s’ efforcent de dégager les voies d’un compromis.
Or, comme nous l'avons déjà vu, c'est tout le contraire qui se passe
n un maître chanteur. Sa frustration l'incite non pas à négocier, mais
Mrcer des pressions et à proférer des menaces. En un mot, il ne sup-
t le pas d'être contrarié.( e trait de caractère reste pourtant quelque peu mystérieux.. Après
Ut, la plupart des gens n'ont jamais besoin de tyranniser autrui pour se
ffliettre des déceptions dont aucune existence n'est exempte. Ils les
U initièrent comme de simples revers passagers qui ne les empêcheront
!»'• île continuer leur chemin. Dans la vie psychique du maître chanteur,
»pendant, la moindre contrariété acquiert une force symbolique telle
|u 11ne parvient pas à opérer un repli ou à changer de vitesse. La frus-Vrtllon ravive au fond de lui des angoisses profondes de perte et de pri-
YHlIon. Elle lui apparaît donc comme un avertissement: si je ne prends
|ttt* tout de suite des mesures énergiques, je me trouverai face à des
c onséquences intolérables.
DE LA FRUSTRATION
À LA PRIVATION
Superficiellement, le maître chanteur ressemble à tout le monde et
peut faire preuve d'une grande efficacité dans de nombreux domaines
île la vie. Mais, à bien des égards, son univers intérieur évoque la société
américaine pendant la crise des années trente, cette époque terrible où»1 Innombrables individus ont assisté impuissants à l'écroulement deleur bien-être, remplacé du jour au lendemain par des privationspxlrêmes. Nombre de ceux qui ont traversé cette période en demeurenttellement marqués qu'ils continuent aujourd'hui à faire des économiesde bouts de chandelle en prévision du prochain krach, cherchant ainsi àconjurer le risque d'un retour aux souffrances d'hier.
Quels que soient les outils employés, tous les praticiens du chantagewliectif ont en commun une mentalité de privation. On ne s'en aperçoit
toutefois que le jour où un événement vient ébranler leur sentiment deHlubilité et ranimer leur peur de perdre. Tel l'hypochondriaque qui interprète un mal de tête comme symptôme indubitable d'une tumeur aucerveau, le maître chanteur voit dans tout acte de résistance à sa volontéle signe d'un phénomène autrement plus grave. Il voit dans chaquecontrariété, pour faible qu’elle soit, le prélude à une catastrophe majeureet estime que, s'il n’y réagit pus avec agressivité, le monde - ou vous -
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Ève vivait en couple avec un artiste qui supportai! Ni mal la moindivfrustration qu'il menaçait fréquemment de se faire du mal dès qu’on.1(1contrariait. Une conversation avec la sœur de son ami l'éclaira enfin .sudles racines du problème.
Quand je lui demandai pourquoi, à son avis, Elliot avait si souvent dtm
crises, elle rit et m’informa qu’il était comme ça depuis la naissance. Si
ne lui mettait pas tout de suite le biberon dans la bouche ou qu'on tardûm un instant à le changer, il poussait des hurlements à faire trembler la mura
son. Par la suite, il a maintenu la terreur à coups de colères régulièfj^Ê
D'après elle, de telles réactions s'expliquaient tout simplement par sa natufÊ
profonde. Elliot avait été l’enfant le plus exigeant, qu'il lui fût donné <li ]
connaître.
L'enfant irascible continuait, à l'âge adulte, de faire des colères pouaimposer sa volonté. Une grande partie de son tempérament fondamental
s'était déjà manifestée dans la petite enfance, y compris son faible seuilde tolérance en matière de frustration.
De tels facteurs génétiques peuvent, bien entendu, trouver confirmŒtion dans les puissants messages que l'individu reçoit de la société et deijpersonnes qui comptent dans sa vie. Il y déchiffre son identité et le comlportement que l'on attend de lui. Des expériences déterminantes®vécues dans l'enfance, l'adolescence et même plus tard - créent des senltiments enfouis qui refont souvent surface, notamment en cas de stresfl
ou de conflit. On retombe dans ces vieux modes de réaction parce qu'ilsprésentent l'avantage d'être habituels. Pour douloureux qu'ils soient, ilssemblent prévisibles et, donc, rassurants. On se console par ailleurs en,se disant que, même si ces comportements n'ont pas, par le passé, donné!les résultats escomptés, ils finiront peut-être par marcher cette fois-ci. a
À l'instar de Joséphine, nombre de maîtres chanteurs se nourrissentdu fantasme que les sentiments de faiblesse et d'impuissance dont ilsont souffert au cours de l'enfance s'évanouiront à l'âge adulte et que,]comme par magie, ils seront enfin en mesure de vaincre leur malheur etde conquérir la sécurité qu'ils appellent de leurs vœux. Bref, ils espèrentpouvoir compenser certaines de leurs frustrations passées en agissant
sur le présent.
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LA CRISE COM ME CATALYSEUR
lincapacité à supporter la contrariété peut aussi être une réaction à
»1» situations récentes de stress et d'incertitude. Le potentiel de chan
tage affectif augmente de manière vertigineuse dans le cadre d'une crise,i)tl'Il s’agisse d'un divorce, de la perte d'un emploi, d'une maladie ou
il un départ à la retraite, qui sape le sentiment de dignité personnelle de
l‘ Individu. Dans la plupart des cas, le maître chanteur n'a même pas
conscience de ce réveil de ses angoisses anciennes. Son champ visuel ne
«Impasse pas ses désirs du moment et les moyens de les satisfaire.
Chez Stéphanie, le déclic se produisit le jour où son mari, Robert,
lui avoua qu'il avait eu une brève aventure galante. En dépit des effortsi considérables de ce dernier pour remettre leur mariage sur des bases
I mil ides, comme en témoigne la psychothérapie qu'il suivait assidûment,
Hl«'phanie continuait obstinément à revendiquer le droit de lui adminis
trer des doses massives de chantage affectif pour s'assurer de sa soumis-
I h |o i i . Si bien que, au bout d'un an de colères et de représailles, Robert
I oi*ui à deux doigts de jeter l'éponge. Je lui conseillai de proposer à sa
femme de l'accompagner à notre séance suivante. Elle y consentit.
Stéphanie commença par me déclarer avec passion : « Vous devriezI Comprendre mieux que quiconque. J'ai lu tous vos livres. Vous écrivez[ encore et encore qu'il ne faut pas se laisser faire, qu'il est capital de tenir
tête à l'autre et de fixer des limites. J'ai amplement le droit d'être fâchée,
lt Robert mérite un certain châtiment après tout le mal qu'il m'a fait. » Je répondis qu'elle avait effectivement le droit de se sentir blessée,
[ outrée, trahie, et que je ne voulais nullement minimiser sa douleur.Mais j'attirai également son attention sur la grande différence qu'il y a
f entre demander des comptes et recourir au chantage affectif. Le rôle dela femme trompée qui se venge lui procurait peut-être certaines satis-Iactions, poursuivis-je, mais parallèlement, leur mariage allait à vau-
I l’eau.Au fur et à mesure que progressait la séance, Stéphanie se montrait
de moins en moins sur la défensive. Quand elle raconta enfin, les larmesaux yeux, sa réaction à la nouvelle de l'infidélité de Robert, elle révélaun niveau plus profond de sa personnalité qui me permit de mieux cer
ner les raisons de sa crispation exceptionnelle et de sa soif de vengeance.
Ce n'est pas la première fois, ditelle, qu'un homme à qui je me suis donnée à fond me déçoit profondément, et Robert en était bien conscient. Comment atil pu songer à sortir avec une autre femme, alors qu'il savait à quel point l'infidélité de mon ex-mar i m'avait terrassée? Que doisje faire à présent?
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Com tuent puisje encore avoir confiance en lui ? Je ne ait* suis jamais sentit
aussi laide, aussi humiliée... aussi nulle !
Stéphanie avait à digérer non seulement l'infidélité de Robert, ce qui lui coûtait déjà de gros efforts, mais aussi le souvenir douloureux |ii
celle de son ancien mari. Ayant soudain perdu confiance en Robert et eraelle-même, elle riposta en le punissant à coups de chantage affectif, seul
moyen, à ses yeux, de maîtriser le chaos qui régnait en elle.
Des problèmes survenus dans son enfance avaient presque certain®ment joué un rôle dans ses réactions, mais je choisis néanmoins dfl
concentrer son attention sur les parallèles dans sa vie d'adulte. Dès qu’il]
lui fut apparu clairement que les blessures gardées de son mariage prq|
cèdent mettaient en danger une relation foncièrement positive, Stéphffl
nie accepta de consulter l'un de mes confrères. Aujourd'hui, Robert et!
elle s'attachent tous deux à dépasser cette crise et à s'en servir cornu»
catalyseur pour s'ouvrir à de nouvelles voies de communication et dd
connaissance de l'autre. Gageons qu'ils y parviendront.
BÉNI DES DIEUX
Il est une catégorie de maîtres chanteurs qui laisse particulièrement!
perplexe : ceux qui semblent avoir tout ce qu'ils désirent mais qui néan^Jmoins en demandent encore. On comprend mal comment ils pourraieriJM
redouter la privation, puisqu'ils l'ont si rarement vécue. Or, en réalitéjH
nombre d'individus qui ont été surprotégés ou gâtés n'ont guère eu l’o c<fl
casion de prendre confiance en leur aptitude à supporter des manques*
ou des pertes. Aussi s'affolent-ils dès qu'une telle perspective point à H
l'horizon. Pour y faire face, ils se saisissent de cette arme commodéfl
qu'est le chantage affectif.
C'était à coup sûr le cas de Paul, le médecin qui trompait sa femme, |
Maria. Mon travail avec celle-ci m'apprit que Paul était né coiffé. Après ■
des études de médecine réussies apparemment avec peu d'efforts, il 1s'était taillé une réputation de génie en mettant au point un certain «
nombre d'innovations chirurgicales et frayait désormais avec la haute 1société. Sa vie était celle d'un privilégié.
I l a eu une enfance proprement incroyable, affirma Maria. Pas de conflits, 1
pas de déchirures familiales, rien d’autre que l ’adoration de ses parents. Son 1
père, un homme étonnant qui avait été le premier de sa famille à dépasser I
l ’enseignement secondaire, avait pu faire ses études <fo mtitlëviiui grâce à un
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t i i t ' f u i t w d'aplomb et d'acharnement. Donnant à peine plus (le i leux heures
ftur nuit, il travaillait à temps partiel comme serveur, ce qui lui donnait assez
iïatnent pour pouvoir financer des sorties avec la mère de Paul. Il se jura
illors (¡ne son fils n'aurait jamais à traverser pareilles épreuves. Pas de doute :
l ’tiul était son enfant chéri. Lorsqu'il annonça son désir de devenir médecin,
u'% parents dépensèrent sans compter afin de lui offrir des panoplies de chi- miste et des stages d'éveil scientifique. Pas de petits boulots pour lui ! Tout lui
fut servi sur un plateau d'argent: des cours de tennis, des vestons en cache-
mire et, bien sûr, des filles à la pelle.
Paul avait connu une vie non seulement privilégiée, mais passable-
HUMil irréelle. Son père, tout à son souci de le mettre à l'abri de la pau-
VU»lc, n'avait guère veillé à préparer son fils aux revers et aux déceptionst|Mr chacun doit subir.
Cette belle vie com porte deux inconvénients. D'abord, ceux qui gran-
tt butent dans un environnement aussi protégé finissent par avoir des
HlU’ntes peu réalistes, car ils croient pouvoir obtenir sans le moindre
vfl'nrt tout ce qu'ils veulent. Ensuite, et c'est le plus grave, ils sont privés
il»* la possibilité d'acquérir les compétences indispensables pour affron
ta les contrariétés que réserve toute existence. Mû par les intentions les
phiH louables, le père de Paul l'avait en fait transformé en handicapé
nllcclif.
Ainsi, quand Maria contesta la conviction de Paul que tout lui était
ilù - carrière, famille, épouse et maîtresses -, c'était la première fois que
tjVielqu'un qui comptait dans la vie de Paul menaçait de lui ôter quelque
iliose d'important. Scandale! Quelqu'un avait osé modifier la règle du
jtU 1Pris de panique, Paul se mit à faire du chantage dans l'espoir de
i r conquérir la suprématie à laquelle il était habitué.
L' INTIME
DEVENU ÉTRANGE R
Le jour où Maria subit les pressions de ses beaux-parents pour la dis-HUader de divorcer, elle tomba des nues.
Mais qu'estce qui m ’arrive? se demandatelle, au désespoir. Ces êtres que j ’aime et que j ’estime tant se révèlent soudain dépourvus de la moindre
éthique. Estil donc p lus important de sauver les apparences que de respec- ter les sentiments d’autrui #( les normes fondamentales de correction ?
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Maria observait, incrédule, la métamorphose de Paul : le charmeurpour qui elle avait eu autrefois le coup de foudre se transformait à vuBd'œil en étranger sournois et manipulateur. D’ailleurs, le recours milchantage affectif de la part d'un être aimé produit souvent cette impreflsion d'une mutation radicale de sa personnalité, qu'elle s'accomplisseprogressivement ou du jour au lendemain. La souffrance et la confusionqui vous envahissent alors tiennent en bonne partie à cette douloureuH
prise de conscience : la personne que vous croyiez remplie de tendresse*votre égard se montre soudain capable de fouler aux pieds vos sentilments pour imposer sa volonté.
De toute évidence, ce n'est pas l'usage des « outils » détaillés au chaipitre précédent - reproches, menaces, comparaisons défavorables - quivous a entraîné au départ dans votre relation intime ni convaincu par lasuite d'y rester. Mais, quand le chantage affectif entre en jeu, vousdécouvrez des aspects peu reluisants de la personnalité de celui qui paritage votre vie, vos aspirations et vos secrets : son égocentrisme, sa suslceptibilité excessive, son obsession du triomphe immédiat, fût-il obtenilau prix d'une défaite à long terme, et son besoin de l'emporter coûte quôicoûte.
LE CENTRE DE L'UNIVERS
Tous les maîtres chanteurs que nous avons vus dans ces pages onten commun de se soucier exclusivement de leurs besoins et de leurs-désirs personnels, tandis qu'ils ne semblent éprouver que l'indifférencella plus complète envers ceux d'autrui.
Le maître chanteur évoque parfois un rouleau compresseur : dèsqu'il est contrarié, il écrase impitoyablement tout ce qu'il trouve sur sonchemin. Drôle d'amour que cet aveuglement total aux sentiments de
l'être prétendument aimé.S'il existait un oscar du narcissisme, je le décernerais certainement à Joseph, qui, nous l'avons vu au chapitre 2, s'est alité en prétextant uneversion moderne des « vapeurs » quand sa femme Patricia lui affirmaqu'ils ne pouvaient se permettre d'acheter un nouvel ordinateur. Dansun incident plus récent, il a fait preuve d'un égocentrisme sans égal.
Joseph gagne bien sa vie, dit Patricia, mais il dépense notre argent tellement vite que nous sommes généralement en retard dans nos paiements. La
semaine dernière , il m'incita, vu l'accumulation de factures impayées sur notre bureau, à téléphoner à ma tante pour lui demander un pvêt. Ma tante
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Il m'a parfois raconté que son père se plaignait en disant que l ’on ne s'occiM
pait pas assez de lui. La mère d’Elliot a dû être un véritable pionnier dans Im
monde des affaires. Elle dirigeait une petite entreprise de vêtements pouA
enfants qui représentait une belle réussite, sauf pour son mari, qui l ’avait en
horreur. Ettiot se souvient surtout de ne pas avoir beaucoup vu sa mère. Trèi\
affectueuse quand elle était présente, elle partait soudain en voyage d’affaires»
et elle lui manquait terriblement. Son père, qui était souvent en colère aved
elle, se lançait dans des diatribes du style : « C'est bien d'une femme ! Quand elle a besoin de toi, elle est prête à se mettre en quatre, mais, dès qu'elle com4
mence à s'en tirer toute seule, elle t'oublie complètement. » Je suppose que, si
vous entendez suffisamment souvent ce discours, il finit par pénétrer.
Le message transmis était on ne peut plus clair : une femme ne voua
donne de l'affection que si vous vous assurez de sa présence constante àj
vos côtés. Elliot se serait certainement défendu d'adhérer à un point de
vue aussi extrême, mais ses réactions excessives face à Ève révélaientque leur relation réveillait de vieux démons qui somnolaient au fond de
lui. Ève avait pris la place de sa mère en tant que femme avec qui il
vivait un rapport de dépendance affective et de fusion. Elle finirait ellefi
aussi par le quitter, à l'image de sa vraie mère, qui, imaginait-il, avait!
abandonné son père et lui-même en s'éloignant si souvent d'eux. C'esti
ainsi que, chaque fois qu'Ève faisait le moindre geste pour franchir laporte, la peur de l’abandon se ranimait au fond de lui.
Comme toutes les réactions excessives, celles d'Elliot ne manquaient
pas de bruit et de fureur, alors qu'elles exprimaient rarement les senti-;
ments réels qui en sont à l'origine. Elliot ne désirait rien autant que l'in
timité, mais ses sorties contre Ève la lui rendaient inaccessible.
Considérons le sens caché des mots qu'il prononça lorsque Ève lui
conseilla te consulter un thérapeute.
Elliot répond : « Toi, tu vas sortir à t'occuper de tes affaires et me
laisser tout seul ici. Pourquoi je continuerais à vivre ? Tu te moques éper
dument de ce qui peut m'arriver. »
Or, en fait, il veut dire : « J'ai peur de te voir changer. Au début, je tesuffisais, mais ce n'est plus le cas. Si tu fais une formation, tu risques de
faire carrière et de ne plus trouver de temps pour moi. Je crains aussi
que tu deviennes trop autonome ou que tu rencontres quelqu’un d'autre.
Tu n'auras plus besoin de moi ou tu me quitteras. »Elliot ne savait toutefois pas communiquer dans ce registre. S'il
l'avait su, il n'aurait pas eu besoin de recourir au chantage affectif.
Avait-il honte, comme tant d'hommes, d'avouer sa dépendance et ses
peurs? Quoi qu'il en fût, il n'imaginait pas d'autre moyen d’obtenir cequ'il voulait que de fulminer contre Ève chaque fois qu'ftllfi montrait la
moindre velléité de prendre son sort en main.
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vail sur elle-même. Du coup, elle a beaucoup soulagé la pression quel le
faisait subir à Roger et laisse désormais à leur relation le temps d'évoiluer naturellement.
DES VICTOIRES SANS LENDEMAIN
Le maître chanteur l'emporte souvent à l'aide de méthodes qui!ouvrent une fracture irréductible dans la relation. Pourtant, il prend savictoire d’un jour pour un triomphe définitif, comme s'il n'était nul]besoin d'envisager le futur.
« Je veux ce que je veux, et toute de suite » : telle est l'attitude quianime la plupart des maîtres chanteurs. Ils semblent souffrir d’une inca-jpacité infantile à voir le rapport entre actes et conséquences, à imaginer1
la situation dont ils hériteront une fois qu'ils auront obtenu la soumis-?sion de leur victime.
On a du mal à croire que les maîtres chanteurs déjà rencontrés dansce livre - Marc, Elliot, Alice, Paul, Stéphanie et les autres - puissent unseul instant penser qu’il leur resterait quelque chose de valable s'ils parvenaient à faire plier leur victime. Quelle relation le père de Jules s'attend-il à instaurer avec son fils s'il triomphe en obligeant celui-ci arompre avec la femme qu'il aime ? Quant à Albert, qui réussit finalement,à coups de pressions incessantes, à amener sa femme Margot à participer
à des partouses, il n'obtint ainsi que l'écroulement de leur mariage.Elisabeth gagna un répit en faisant semblant de céder aux menaces
de Marc.
J’ai appelé mon avocat, me racontatelle, pour lui demander de geler la pro-
cédure de divorce. Je m’accroche actuellement à Vespoir que Marc s’est calmé suffisamment pour accepter d’ouvrir un dialogue rationnel avec moi.
Il est vraiment adorable en ce moment parce qu’il croit que, ayant capitulé,
je finirai par rechercher la réconciliation. Or, en réalité, le cœur n’y est plus.
Je vis avec un homme pour lequel je n’éprouve même plus de sympathie, encore moins d’amour.
Tout esprit logique, toute aptitude à anticiper les conséquences deses actes, est refoulé, chez le maître chanteur, par le besoin urgent qu'ilressent de se cramponner à ce qu'il a. Il se perd ainsi dans le brouillardqu'il a lui-même créé et qui l'empêche de voir à quel point aes manièrestyranniques lui aliènent autrui. Trouver le moyen le pliin rapide d'apaiser
son angoisse du manque : tel est son unique souci.
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Il s'agit là d'une méthode couramment employée par les maîtres
i l uni leurs les plus furieux. Elle adoucit la douleur de l'affrontement et
Mille à minimiser le sentiment de perte. Mais le maître chanteur transmet par là un message totalement contradictoire à sa victime. C'est
Comme s'il disait : « Tu ne vaux rien, mais je ferai des pieds et des mains
pour te garder. » Contradiction qui traduit l'intensité de son désespoir.
Même si la dernière chose qu'ils souhaitent est de mettre fin à larelation, nombre de maîtres chanteurs prennent l'initiative de la rupture
lit's lors qu'ils s'aperçoivent que l'autre songe sérieusement à partir. Leur
agressivité leur permet de conserver le pouvoir. C'est cette bonne vieilleficelle que l'on utilise pour sauver les apparences : « Je vais démissionner
nvant de me faire renvoyer. »
UNE ÂME DE PÉDAGOGUE
Comme ces parents qui croient en les vertus éducatives des châti
ments qu'ils administrent à leurs enfants, le maître chanteur se persuade
qu'il fait œuvre pédagogique en vous martyrisant. Loin d'éprouver des
remords après avoir fait mal à une personne qu'il aime tant, il en tire
même une certaine fierté. Je l'aide à s'améliorer, se dit-il.Alex, le marchand de faux espoirs que nous avons rencontré au cha
pitre 2, estimait rendre un grand service à Julie en faisant miroiter ses
contacts dans les milieux du cinéma... auxquels il menaçait ensuite de
ne lui donner accès que si elle satisfaisait à ses exigences.
Il insistait, me dit Julie, sur les bienfaits que je tirerais du fait d’envoyer
mon fils habiter chez mon exmari. I l prétendait que toutes ses propositions
étaient dans mon intérêt, m ’assurant qu'il ne cherchait qu ’à m’aider à réa-
liser mon potentiel, alors que, en réalité, il voulait juste se débarrasser de
mon fils afin de m ’avoir pour lui tout seul. Voilà pour sa grande générosité.
Cette prétention d'altruisme, qui sert également à justifier des pro
pos blessants ou infantilisants, recèle généralement moins de méchan
ceté qu'on ne le croirait de prime abord. Car le maître chanteur croit
sincèrement vous donner une leçon inestimable. Charles parlait avec unsérieux parfait lorsqu'il dit à Sophie: «Tu dois apprendre la loyauté.
C'est ce qui compte le plus dans notre métier. »Élise et Jeff, qui se faisaient des chantages à tour de rôle, étaient eux
aussi persuadés de réformer la personnalité l'un de l'autre. « Il faut lui
faire comprendre qu'elle ne peut pas traiter les gens comme cela », me
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confia Jeff à la suite de l'une de leurs disputes, en se targuant de s o i«influence bénéfique, qui, selon lui, rendait sa femme moins « mégèrePour sa part, Élise croyait dur comme fer à son action pédagogique. « SI I
je l'humilie suffisamment, me dit-elle, il finira peut-être par se remuer!un peu et se mettre à la recherche d'un travail à temps partiel. Il y en i f lqui ont besoin d’un coup de pied au derrière pour bouger. »
En dépit de l'échec patent de ces méthodes - surtout aux yeux d o f l
celui qui en fait les frais - à produire le résultat escompté par le maîtr^Bchanteur, cette conviction erronée sur la fonction formatrice de la pun i-ltion offre des attraits notables. En effet, le maître chanteur peut toutflsupporter ou presque, tant qu'il réussit à donner de sa victime l'imagjHd'un imbécile. Cela lui permet de faire l'économie de l’introspection et ■de chasser le moindre soupçon qu'il y aurait quelque chose au fond de I
lui qui lui rendrait inaccessibles l'amour et l'attachement auxquelsaspire si fort.
VIEILLES BATAILLES,NOUVELLES VICTIMES
Nous avons déjà fait remarquer que des tensions surgies dans la vie
actuelle ravivent parfois de vieilles blessures. Dans ce cas, le maîtrechanteur s’en prend à une personne qui sert de remplaçant à une figurede son passé. C'est alors que la punition semble non seulement dispro-?portionnée, mais aussi totalement injustifiée.
Marc, peut-être le plus flagrant des bourreaux que nous ayons rencontrés dans ces pages, paraissait de plus en plus monstrueux à Élisa-beth qui, soumise à ses diatribes, avait l'impression de se trouver sousun bombardement aérien. Lorsque je lui demandai pourquoi, à son avis,
Marc s'acharnait à ce point sur elle, elle se tut quelques secondes avantde répondre
Vous savez, à bien y réfléchir je pense que Marc a toujours été comme une
poudrière prête à tout moment à exploser. Depuis l’âge de quatorze ans, il
travaille dur dans l'entreprise familiale. Du coup, il n ’a jamais eu de vraie enfance. H était très doué pour le sport, mais ses parents ne Vont pas laissé
s’y adonner. Il avait toujours des tâches à accomplir, que ce fût faire l ’in- ventaire, balayer par terre ou tenir la caisse.
Au cours d’un voyage à Chicago, au tout début de notre relation, il m’étonna en montrant une connaissance très poussée des ni amis bâtiments que compte cette ville. Il me révéla alors son vtou.v réve Ü'tfttidfav l'urchitec •
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l it re. Là encore, ses par ent n s'y opposèrent , et Ma r c fi ni t p a r y renoncer , car
i l a u n sens ai gu du devoir , Je sais qu 'i l l eur en veux ma i s qu 'i l n e l eur a
jama i s exp r i mésa r ancu ne et qu 'i l ne le fer a jamai s. Ma i s cel a ne l u i don ne
¡tas po u r au t an t le dr oit de se défoul er su r moi .
Convenant aussitôt qu'il n'y avait pas d’excuse pour les attaques et|p menaces qu'elle avait subies, je soulignai également que, pour diffi
cile que cela soit, elle ne devait pas se sentir personnellement visée parI»"» reproches de Marc concernant ses prétendus défauts. Et de fait,ijiiund Elisabeth n'en pouvait plus et qu'elle menaça de le quitter, lespunitions redoublèrent d'intensité. Comme elle l'avait bien diagnostiqué, la peur de la perdre qui tenaillait Marc avait mis le feu aux poudres.
Si Marc avait été capable d'exprimer ses sentiments véritables, ilmirait peut-être dit : « Ne me prive pas une nouvelle fois de mes rêves, jeI dn supplie! À partir de l'adolescence, je n'ai connu que déceptions et
blessures. Je n'ai jamais eu ce que je voulais. Personne ne s’est soucié delues désirs, de moi, et cela fait vraiment mal. Comment mes parents ont-IImpu détruire tout ce que je chérissais et me contraindre à accepter ceII uvail que je déteste ? Et voilà que maintenant, tu m’annonces ton inten-llon de partir! Je ne pourrai pas supporter une nouvelle défaite. J'aiquand même mes limites ! »
Ce serait là un discours vibrant d'émotions que Marc aurait dûAdresser à ses parents mais, ayant vécu depuis toujours sous leur domi
nation, il ne s'est jamais senti suffisamment en sécurité ou en positionde force pour s'y résoudre. Or, loin de disparaître, la tristesse et la colèreravalées pendant tant d'années ont fini par exploser dans sa vie d'adulte.Et Marc a confondu Élisabeth, qu'il aimait profondément, avec lesparents qu’il avait fini par haïr.
UN MOYEN
DE MAINTENIR LE LIEN
Pour paradoxal que cela puisse paraître, le maître chanteur réussit, àcoup de punitions, à maintenir de forts liens affectifs avec vous. Car ilsait que, en créant une ambiance très chargée, il stimule vos sentimentsà son égard et que, même si ces derniers sont négatifs, ils contribuent àvous attacher. En dépit de la rancœur, voire de la haine, que vous éprouvez envers lui, vous montrez, par l'attention que vous continuez à luiaccorder, que vous ne l'ave/, ni abandonné ni rejeté avec indifférence. Lapunition redonne pftllion ri lnlcnnité à une relation fissurée.
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COMPRENDRE LE MECANISME DU f lWANTA i AFFECTA
Isabelle s'acharnait sur Victor, son ancien mari, et de la façon la pluÉ
douloureuse possible : en prenant leurs enfants comme otages, l ia
avaient eu un divorce des plus acrimonieux. Leur mariage avait certflB
été source de stress et de peine pour tous deux, mais c'était Victor qufl
avait voulu y mettre fin, contre le gré d'Isabelle. Elle s'y opposait donJ
avec la dernière énergie. Ils avaient eu beau essayer plusieurs fois de sel
réconcilier, y compris en consultant des psychologues, rien n 'y fit.
El l e sa i t com b ien je t i ens à nos en fan t s, d i t Vi c tor . I l m e sem b le que beau coum
de gens ne se renden t pa s comp t e de l a s i t u a t i o n d 'u n h omm e qu i ne peu t voi n
ses gosses tous les jou r s , su r t ou t pend an t q u ’i l s g rand i ssen t . I l a f a l l u qu e /ffl
m e sépa r e d ’Isabel l e, m a i s je n e voût a i s pa s m e sépa r er d e m es enfa nt s. Au
dépar t , el l e m enaça i t d e fa i r e en sor t e que je n e les vo ie p l us ja m a i s s i je la
qui t t a i s. El le pa r l a i t d e pa r t i r d an s u n e au tr e région, vo i r e à l ’étr anger. J ’a i
com pl èt ement p a n i quéet je su i s d evenu in cap abl e d ’y pen ser r at ion néll emenm
J ’a i ef f e ct i v emen t co n n u des f emm es - et m êm e des hom m es - qu i on t eu
r ecou r s à des mét h od es d e ce genr e.
Tout finit par rentrer dans l'ordre et Victor obtint un droit de visitei
très correct. Isabelle et lui parvinrent à instaurer des rapports relative»;
ment courtois et elle respectait la décision du juge. Mais, dès que Victor!
se remaria, les chantages reprirent de plus belle.
El l e ne sup po r t e pa s V idée que j ’a i en f i n t r ouvéqu e lqu ’u n a vec qu i j e su i s
h eu r eux , m ’exp l i qua -t -i l . Peu t -êt r e q u ’el l e se d i sa i t que, ta n t q u e je r es ta i s
seu l , el l e ava i t enco r e un e cha nce. Je sa i s q u ’el l e con t i n u e de m ’en vou lo i r .
E l l e a don c cho i s i d ’u t i l i s er l es gosses p ou r se venger . Si , l e j o u r où j e d oi s
pa sser l es chercher , j ’a r r i ve avec d i x m in u t es de re ta rd , j e décou vre q u ’el l e
les a déjà emm enés ai l l eur s. J ’h abi t e p ou r t a n t à u n e heu r e de r ou t e de ch ez
eux , e t j e n e peux pa s tou jou r s y êt r e à u ne m in u te p rès. L a sem a i n e der
n ière , el l e m ’a f a i t p o i r e au t e r pend a n t p r ès d ’u n e heu r e et dem i e. À son
re tour , e l le m e la n ce : «J e n ’a l la i s pas t ’a t tend r e tou te la jour née. Je n ’ava i s mêm e pa s de ga ra n t i e qu e t u v i end r a i s v r a i men t . » E l l e veu t sa n s d ou t e q u e
j ’en ca i sse t ou t cel a sa n s rou spét er . Si , p a r con t r e, c ’es t m o i q u i d o i s m od i
f i e r u n t a n t so i t p e u m on p r o gr a mm e, el l e sor t d e ses g ond s . E t s i l a p e n s i o n
a l im en t a i re a r r i ve a vec n e ser a i t -ce q u ’u n j ou r de re ta rd , e l le m e téléph one
p ou r mena cer d e so l l i c i t er u n e réduc t i o n d e m on d r o i t d e vi s i t e. N om d ’u n
ch i en ! No u s n ou s pa r l o n s p l u s à l ’h eu r e ac t ue l l e q u ’à l ’époqu e où n ou s
ét i on s en co r e m a r iés !
De toute évidence, Isabelle n'a fait une croix ni sur Victor ni .sur leur
mariage. Et, à l'instar de la plupart des maîtres ehunieurd, femmes et
hommes, elle se sert de l'arme la plus terrible dont elle dlnpoie - leurs
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pi il ii nts - pour pérenniser le lien affectif avec son ancien mari. Leur
mariage a été légalement dissous, mais le divorce psychologique ne s'est
|i iujours pas produit.
IJutilisation des enfants comme moyen de pression sur celui qui n'a
|uiN le droit de garde compte parmi les formes les plus anciennes et les
iiIiin cruelles de chantage affectif. On ne saurait imaginer enjeu plus
tyuind. Si, en effet, cette méthode se révèle aussi efficace, c'est en raison
tin l'intensité des émotions exploitées. Elle condamne des êtres qui
tUtrefois s'aimaient à une lutte impitoyable dont nul ne sort vainqueur.
VOUS N ’ÊTES PAS CONCERNÉ
Quel est l'élément le plus important à retenir de notre visite de la vie
psychique du maître chanteur? C'est que, en dépit de toutes les appa
rences, le chantage affectif dont vous faites l ’objet n'a, fondamentalement,
aucun rapport avec vous. Il émane au contraire d'un lieu d'insécurité
ittué au fond de celui qui le pratique. Autrement dit, reproches, mau
vaise foi, pathologisation - toutes ces attaques qui vous ont tellement
mis sur la défensive que vous avez parfois capitulé - n'ont guère de validité. Elles traduisent avant tout des peurs, des angoisses et des insécuri
tés qui ne résident nulle part ailleurs que dans l'âme du maître chanteur.
Dans bien des cas, le chantage affectif trouve sa source non pas dans le
présent, mais dans le passé, et il nous éclaire surtout sur les besoins que
Non auteur cherche à satisfaire plutôt que sur les défauts qu 'il impute à
mh victime.Gardons-nous toutefois d'en conclure que vous ne jouez aucun rôle
da is la dynamique du chantage. Celle-ci ne pourrait en effet exister sansvotre assentiment. Le moment est donc venu d'examiner les facteurs au
fond de chacun qui permettent au chantage de prendre pied.
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Un jeu
qui se joue à deux
Pour qu'il y ait chantage affectif, il faut deux participants. C'est un 1duo, pas un solo, et il ne peut fonctionner sans le concours actif de celui 1qui en fait l'objet.
Ce n'est certes pas toujours l'impression qu'on a, et je sais combien»il est naturel de vouloir justifier son comportement. Par ailleurs, on se ■sent plus à l'aise à se concentrer sur les actions de l'autre qu'à recon-fjnaître sa propre contribution au jeu. Il n'empêche : pour dissoudre l'a s-1sociation entre maître chanteur-victime, il vous faudra recentrer votre vattention sur vous-même et analyser les éléments qui vous ont conduit, ■souvent à votre insu, à participer au chantage affectif.
Loin de moi cependant l'idée de vous culpabiliser. Quand je parle de I
pa r t i c i p a t i o n , c'est uniquement pour souligner que vous permettez au 1chantage d'exister. Vous ne vous rendez pas forcément compte du carac- 1tère déraisonnable des exigences de l'autre. Il peut même vous sembler 1que vous ne faites finalement que vous conduire en épouse dévouée, en Ifils modèle ou en salarié motivé en vous pliant, presque inconditionnel- !lement, aux exigences de l'autre, puisque c'est ainsi que vous avez été jéduqué.
Ou peut-être avez-vous conscience des pressions exercées mais vous i
estimez-vous incapable d'y résister du fait qu'elles déclenchent en vous j
des réactions programmées, automatiques et impulsives. Quoi qu'il ensoit, il convient d'insister sur un point: tout le monde ne cède pas auxtentatives de chantage. Faites-vous partie de ceux qui ne Houmettent?Dans ce cas, il importe de comprendre comment et pourquoi,
Pour commencer, il serait utile de réfléchir mii. x qut^lious qui sui-
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(tin* minutées. Mais, cIôn (|u'ou les examine à la loupe, leur rapport pro-l"inl avec les points aenilbl t l saute aux yeux. Le paradoxe veut que cet i l l eu l précisément ces qualités « protectrices » qui vous exposent aui lumlage affectif. Elles sont les suivantes :
• un besoin excessif d'être bien vu des autres ;
• une peur bleue de la colère ;• un désir de paix à tout prix ;• une tendance à prendre trop sur soi la responsabilité de la vie d'autrui ;• un doute profond de soi.
Aucun de ces traits n'est néfaste... à petites doses. Plusieurs d'entrepu,h passent même pour des qualités positives qui méritent récompense,lu ni qu'ils ne sont pas poussés à l'extrême. Mais, lorsqu'ils en viennent à
dominer l'individu au point de le détourner du côté rationnel et assuréîle sa personnalité, le terrain est préparé pour l'intervention des maîtresChanteurs.
Notre analyse de ces traits et des modes de comportement qu'ilsfavorisent montrera abondamment que les actes de la victime constituent en fait une réponse à des sentiments du passé. Nous verrons également que la victime se trahit souvent en raison même des réactionsqu'elle considérait comme le meilleur moyen de se protéger.
LE BESOIN D'APPROBATION,
UNE DROGUE
Quoi de plus normal que de vouloir gagner l'estime et la bien*veillance de ceux qu'on aime? Ce désir ne pose problème que s'il dégénère en manie : l'approbation d'autrui devient alors une drogue dont onne peut plus se passer. On braque ainsi les projecteurs sur un point sensible que le maître chanteur ne tardera pas à reconnaître comme tel.
Dans l'introduction, j'ai évoqué le cas de Sarah, qui était constamment contrainte à faire ses preuves aux yeux de son ami. Chaque foisqu'elle y réussissait, elle se délectait de l'approbation que Frank lui
témoignait. Mais, dès qu'elle montrait des réticences, il la lui retirait, cequi ne manquait pas de la rendre malheureuse. Sarah essayait donc des’assurer un flux ininterrompu d'approbation en cédant à toutes les exigences de Frank, y compris celles qui allaient nettement à l'encontre desçs principes.
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Pour libératrice que lût cette découverte’, Mm lu hésitait c m ic o i*<
approfondir ou à exprimer les convictions au(hcnl;jt|iics qu'elle trouvai
au fond d'elle, car elle sentait vivement le besoin d'être acceptée par l|
famille, ses amis et son milieu social. Cette femme qui exerçait (
métier, tenait un ménage impeccable, avait élevé deux enfants manu!1
fiques et participait activement à la vie associative se transformait |i
enfant désarmée dès que la perspective de perdre l'estime de son entou
rage pointait à l'horizon. Puis, au cours de notre longue recherche poui
trouver la source de sa soif d'approbation, Maria se souvint d'un inc!
dent à ses dires « sans importance » qui s'était produit pendant jsotl
avant-dernière année au lycée.
J ’ava i s t ou jou r s étéu ne sa i n t e n i t ouch e , m e con f i a -t -el l e . Ma i s u n jou r , w rl 1
l a f i n de Van née scola i r e, m on pe t i t am i , qu e je cons idér a i s com m e l ’homt t im
de m a vie, m ’assu r a qu e pe r sonn e ne s ’ en r end r a i t comp t e si nou s séch i o tÆ
le der n i er cou r de l a jou r née p ou r a l le r à la p la ge. C ’est ce qu e n ou s fîmes, é
après, je n ’y p ensa i p l us . Or , qu el ques jou r s p l u s ta rd , m on pèr e comm ença
à m e d em a n d er si je n ’a va i s p a s qu el qu e ch ose à l u i d i r e. Qu a n d j e répon d l Æ
qu e r ien n e me vena i t à l ’esp r i t , i l m e décla r a que , com m e i l n ’a r r i va i t pa s A1
c ro i r e qu e sa f i l l e lu i ment i ra i t , i l a l l a i t r épéter sa q uest ion .
M on cœur ba t t a i t l a cha ma de , m a i s j e n e p u s me résoud r e à a vouêfm
Apr ès u n m om en t d e s i lence, m on p èr e m ’i n f or ma , sa ns élever l a vo ix , q u ’i l I
a vai t r eçu u n co u p d e téléph one de l ’écol e et q u ’i l sa vai t t out . J e l ’a va i s m i t I
d a n s l ’emba r r a s , a i n s i qu e t o u t e n o t r e f am i l l e , m e d i t -i l . No n s e u l em en t
j ’a u r a i s à d em a n d er p a r d on à t ou t l e m on d e ce so i r -là à t abl e, m a i s jû I
devr a i s fa i r e un e réda c t i on sur l ’i m por t an ce d e la f ra nch ise.
Quel l e h on t e! Je m e sui s exécutée, bi en sûr, m a i s je n ’ou bl i er a i ja m a i s I
l ’h um i l i a t ion e t l e sen t i men t d ’i so lement to t a l qu e j ’a i épr ouvés a lo rs . J ’eus fl
l ’im p r essi on qu e Von m ’ava i t écr i t su r l e f r on t l e mo t men t euse, e t i l m t 1
sem b l a p e n d a n t p l u s i eu r s s ema i n e s q u e p l u s p er so n n e n e m e t r a i t a i t ■
com m e ava nt . C’est peu t -êt r e la d ern ièr e f oi s qu e je m e sui s écar tée d u d r oi t ■
chem in .
Ainsi, l'effort en soi louable de son père pour lui faire comprendre ■les conséquences d'une infraction aux règles de l'école et de la famille 1reçut, dans l'esprit de Maria, la traduction suivante :
Le sout i en qu e me d on nen t m a f am i l l e et l a sociétéest t rès cond i t i onn el . I l 1
peu t m ’êt r e ret i rédu jo u r au lendema in s i je n e les sa t i sf a i s pas. Je do is I
cons ta mm ent mér i t er l eu r appr oba t ion .
Ce n'est assurément pas le message que son père voulait lui trans
mettre, mais c'est celui qu'a retenu Maria toute sa vit* : h o u .succès était à
!
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H i ' i QU I SE J O U E A 01 u x
LA CONVICTION
D'ÊTRE RESPONSABLE DE TOUT
J'incite toujours ceux qui me consultent à assumer la responsabilité
•I» leurs actes. L'ennui, c'est que certaines personnes se sentent invaria-
plrincnt responsables de tous les problèmes qui surgissent dans leur vie,
Voire dans celle des autres, même quand elles n'y sont pour rien. Lemaître chanteur, cela va de soi, nourrit ce sentiment. I l exige même queVuus y adhériez sans conditions. S'il est mécontent, c'est forcément
Vol i c faute. Et, dans ce cas, solution rime avec capitulation.
1rs reproches les plus saugrenus
fîve eut l'impression que le monde s'écroulait autour d'elle le jour où
ÎOn compagnon prit une surdose de sédatifs à la suite de l'une de leurs
disputes. Elliot passa plusieurs semaines dans une maison de repos et, à
non retour, il mit tout sur le dos d'Eve : sa souffrance, ses problèmes et
lei angoisses.
I l ava i t comp lètem en t pe rd u la bou l e, r acon ta -t -el l e. I l n 'a r rêta i t pa s de
m ’accuser de t ous ses ma ux . I l me d i t : «Tu vo i s ? Ma in t ena n t que je su i s
f i ché, i l s von t b ien t ôt m ’en f er m er da ns u n hôp i ta l psych i a t r ique e t i l ne me
r ester a p l u s qu ’à m e sui c id er . Tou t ça à ca u se d e t o i ! » C ’ét a i t af f r eu x.
J 'ava i s le sen t im en t de le fa i re sou f f r i r d u s im p l e fa i t d 'êt r e m o i -mêm e.
J 'ét a i s a u désespoi r .
Selon tout critère un tant soit peu objectif, le comportement théâtrald’Elliot prêtait plutôt à sourire et ses accusations ne tenaient pas debout,A telle enseigne que l'on a quelque peine à croire qu'une jeune femme
aussi intelligente qu'Ève puisse les prendre au sérieux. Et pourtant, c'est
exactement ce qu'elle fit. Elle se persuada que les prévisions d'Elliot se
réaliseraient et qu'elle en porterait l'entière responsabilité.
Lorsque je lui demandai pourquoi, à son avis, elle se laissait influen
cer par des efforts de culpabilisation aussi flagrants, elle aborda pour la
première fois sa relation avec son père. Nous étions enfin sur la bonnepiste.
M on pèr e pa r l a i t t out le t emps de la m ort , m e di t -el l e. Je pense qu ’i l en éta i t
'^obsédé. Je n ’oubl i era i ja m a i s ce jo u r où - j 'ava i s h u i t a ns - n ou s r oul i ons
t ous l es deux en voit ur e. A u n m om ent donné, il s ’ar rêt a à un p assage p ou r
piét ons, se t our n a ver s m ol et m e il l t : « Si j 'a va i s u n i n f ar c tus, là, t out d e
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su i t e, t u n e sau r a i s pa s qu o i f a i r e , t t 'e st -ce p a s? Tu ser a i s i n capa b l e t lm
m 'a i d e r e t je m ou r r a i s sou s t es yeu x . » Pu i s i l r edémar r a. Le r est e d u tr ajéÊ
se dér ou l a d an s le si l ence te p l u s abso lu . Je m ’emp loy a i à com pt e r les p om
su r m a robe, t ou t en essayan t de n e pense r à r i en .
Or, bien entendu, la petite Ève ne put s’empêcher de penser longuB
ment à cette déclaration de son père qui résonnait dans son esprll
comme une mise en accusation : « À l'âge de huit ans, lui reprochait-il en!
substance, tu devrais être en mesure de me sauver, mais tu ne l'es p a s »Du coup, Ève en vint à se croire responsable de la survie de son père; loi
corollaire étant que ce serait sa faute s'il décédait. Pour un enfant^la
famille représente l'univers tout entier. La décevoir, faillir à son devoil
familial, c'est laisser cet univers s'effondrer et entraîner tout le mondi
dans sa chute.
« La vérité la plus sûre et la plus présente dans ma famille, se soûl
vient Ève, était que, si nous n'étions pas gentils avec papa, il mourraifl
J'y croyais dur comme fer. » Son père manifestait des traits extrêmemeiffl
bizarres qui auraient effrayé n'importe quel enfant. Comment sa fillJpouvait-elle évaluer objectivement le comportement d'Elliot, alors que
le bizarre était pour elle la norme ?
Cette expérience précoce avait préparé le terrain pour la tendanca
d'Ève à se croire responsable de tout, tendance qui continue de marqueij
fortement sa vie d'adulte. Il n'est certes pas toujours facile d'établir un
lien aussi clair entre l'enfance d'un individu et les difficultés qu'il
éprouve, adulte, face aux accusations et aux chantages mais, dans le casï
d'Ève, ce rapport saute aux yeux.
Le syndrome d'Atlas
Ceux qui souffrent du syndrome d'Atlas ont la conviction de devoir
résoudre tous les problèmes tout seuls, quitte à léser leurs intérêts per
sonnels. Comme Atlas, qui portait le monde sur ses épaules, ils se char
gent d'un fardeau beaucoup trop lourd : dans l'espoir d'expier ainsi des
transgressions passées ou futures, ils entreprennent de compenser les
erreurs et de ménager les susceptibilités des autres.Ce syndrome se déclara chez Karine, l'infirmière présentée au cha
pitre 2, pendant son adolescence, quand ses parents divorcèrent.
Ap r ès l e dépa r t d e m on pèr e, m a mèr e se ret r ou va t rès seul e, et ell e s ’at t en
da i t qu e j e com b l e ce v i d e. Sa f am i l l e vi v a i t à l 'a u t r e bou t du pa y s e t
m am a n a vai t t rès p eu d e vér i t ab l es am i s à pr ox i m i té, El i t ne sem bla i t pas
spécia lemen t m 'a i m er , m a i s el le ava i t beso in de mo i ,
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pu besoins alfcctils de l’autre* que l'on perd la capacité à évaluer la situa-
llmi cl à déterminer la façon la plus positive d'y réagir.
Comment se fait-il que certains aient la faculté de s'identifier à leur
pmi linin et de proposer utilement leur aide, alors que d’autres, frappés
lie compassion maladive, se sentent obligés d'arriver sur la scène en jus-I|i iri Nprêts à tout pour mettre fin à la souffrance, au prix même de leur
ëMiili4et de leur dignité? Comme c'était déjà le cas pour les problèmes
écrits aux paragraphes précédents, l'individu qui manifeste un tel
beioln irrésistible d'agir et des réactions automatiques qui se retournent
lndlcment contre lui recèle le plus souvent un point ultrasensible au
|i il tel de lui.
I,u force de la pitié
Patricia, la fonctionnaire dont nous avons fait la connaissance au chapi-111?2, grandit dans un foyer qui ne respirait pas le bonheur, c'est le moins
tjiii’ l'on puisse dire. Sa mère, qui semblait souffrir d'une dépression chro
nique, se retirait souvent dans sa chambre pendant des heures, voire des
Jours entiers. « Tout au long de mon enfance, elle a dormi », lance Patricia avec esprit. Elle se souvient cependant d'avoir toujours eu conscience
de la présence de sa mère et de la nécessité de jouer tranquillement pour
lie pas la déranger.
J 'ava i s bea u êt re au t on om e, r acon t e Pat r i c ia , je m ’i nqu iét ai s à son sujet.
Les aut res mam an s n ’éta ien t pa s cont in ue l lement mal ades, a lo rs q u ’i l su f f i
sa i t d ’u n e per t u r ba t ion in f i me p ou r que la m ienn e regagne son l i t . J ’éta i s à
l ’a f fût d e ses m oin dr es gestes. Je savais , en fon ct ion d u br u i t qu i m e p ar ve
na i t de l ’au t r e côtéde la por te , s i e l le vei l la i t o u s i el l e dorm ai t , s i son som
m ei l ét ai t pr of on d ou agi té. Qua nd el l e d or m ai t b ien, j ’ent r a i s je ter u n cou p
d ’œi l , en écout an t sa r espi r a t ion p ou r m ’assur er q u ’el l e n ’avai t r ien. Cela
fa isa i t pa r t ie des responsabi l i t és que je devai s a ssum er en l ’absence de m on père.
On ne pourrait guère imaginer de meilleur entraînement pour une
vie de compassion maladive. Lorsqu’on vit avec un proche qui est physiquement ou psychologiquement affaibli, on acquiert une grande sensibi
lité aux signaux transmis. Chaque mouvement de paupière, chaque petit
soupir, chaque modulation de la voix se charge de significations, si bien
que l'on en arrive même à guetter des nuances de respiration pendant lesommeil de la personne, comme le faisait Patricia. Or, malheureuse-
mentr un enfant ne peut rien faire dans ce cas pour aider le malade.
Comme nous l'avons déjà vu, il est extrêmement courant de prendre,
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I i 1syn d ro m e de ta pe tite f i Ht* sage
I nh* Zoé a passé en revue sa vie à la recherche d'éventuels points
IfRiiibles, elle n'a pas trouvé d'expériences particulièrement trauma-
|!(|ucs. Elle a au contraire le souvenir d'une enfance heureuse et d'une
lainille des plus encourageantes.
/¿?seul obst acl e à m on i ntégra t i on parf ai t e, di t -el l e, ét ai t q u e je n e cor r es
pond ai s pas à l ’i ma ge de la f i l le t te sage. J ’avai s l ’espr i t de com pét i t i on et j ’a i
t ou jou r s t enu à gagner . Cela déran geai t pr of on dément m es pa r ent s. Qu a n d
j ’ob t en a i s de bon n es not es à l ’écol e, i l s m e t r a i t a i en t d e m ’a s-t u -vu . Mes
sœur s, qu i sembl a i ent a voi r r eçu l e message ci n q su r cin q, se gar da ient bi en
d'excel l er , m a i s m oi, j ’ét ai s dif férente. Tout en se di san t f i ers de m oi, mes
pa r ent s m e r app ela i ent régu l ièr ement qu 'u n e jeu n e fi Ue bi en élevée ne se m et
pa s en a van t d e fa çon a uss i bruyan te .
Résultat : des années durant, Zoé s'évertua à ne pas trop se faire
remarquer1dans des milieux professionnels qui rechignaient encore àreconnaître aux femmes un rôle de premier plan. Son bon travail ne
passa toutefois pas inaperçu et, sans avoir songé un seul instant qu'elle
«e hisserait au rang de cadre, elle se trouve aujourd'hui à la tête d'un
•ervice de dix salariés.
Le ch em in a étél ong et a r du p ou r tou tes les femm es y comp r i s m oi , ma i s
j 'a i t ou j ou r s j u réque je f er a i s l es ch oses au t r em en t , d i t -el l e. J 'es t i m e qu e la
compa ssi on et le respec t d 'au t ru i on t tou te l eu r p lace dans le m ond e d u t ra
vail , et je t i ens à ce qu e mes su bor don nés m e consi dèr ent comm e un e am i e
au t an t qu e comm e un chef . Cela ne m ’in téresse pa s de fa i re l ’i mp or t an t e n i
d ’i m poser m a vol on téà m on équi pe. Je vi se la col l aborat i on, pa s la d om i
na t i on . Pou r qu o i fa u d r a i t -i l se débar r asser de son h um a n i tédès qu ’on
accède à u n p ost e d e di r ect i on ?
Zoé se targuait de savoir bien conseiller et encourager les femmes.
Voilà un domaine où elle se sentait parfaitement à l'aise : Zoé la noble,Zoé la généreuse, mentor indéfectible et amie toujours disponible. Affir
mant haut et fort sa compassion débordante, elle refusait de se séparer
de ses qualités les plus précieuses sous prétexte qu'elle avait grimpé
l'échelle sociale.Armée de cette ferme volonté, Zoé réussit à se lier d'amitié avec plu
sieurs membres de son équipe, dont Tess. Ensemble, les deux femmes
sortaient régulièrement au restaurant et surtout au théâtre, passion
qu'çlles partageaient. En raison de ce lien, Zoé avait beaucoup de diffi
cultés à jouer le rôle de chef et à rejeter les demandes de son amie.
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Comme le montre bien l'histoire de Charles et de Sophie, l'imbricatiol
entre vie personnelle et vie professionnelle, même lorsqu'elle ul
débouche pas sur des rapports amoureux, est source de complications clfinit généralement mal, surtout si l’une des deux personnes est mieuflplacée que l'autre dans la hiérarchie.
Le cas de Charles et de Sophie présente le scénario classique du
patron qui use de chantage affectif. Mais il n'en va pas de même de Z o é ]
ce cadre dont les points sensibles l'ont transformée en victime de ch o lflpour sa jeune subordonnée.
Tess m e deman d e san s r elâche de l u i c on f i er des r espon sabi l i tés élar gi t f l
r acon t e-t -el l e, en répét an t qu e je ne peu x p a s r efu ser d ’a i der u n e b on n A
ami e. Quan d j ’essa i e de l u i f a i re compr end re que l a quest i on de l 'am i t ié w 'a l
a u cu n r ap por t avec mes engagements envers l ’ent repr i se, el l e m e rét or qu é
qu e je m e la i sse gr i ser pa r m on pouvo i r . Ce re f ra i n -là, je n e le con na is q u i I
t r op bien. J e pa sse m a v ie à évi t er d ’in t i m i der l es au t r es ou de l eur pa r a ît ^ ^ k f r o i de et i nsensi b l e. Cel a va f i n i r pa r m e rend r e d i n gue !
Zoé n'avait pas encore réglé le conflit entre son désir de réussite et■son souci d'être aimée. Bref, elle souffrait du syndrome de la petite f i lia »
sage, cette maladie qui frappe tant de femmes de nos jours. En raison d e fl
son ambivalence quant au comportement qui lui convenait, Zoé avaitfl
laissé la porte grande ouverte au chantage affectif, et sa jeune collèguâH
s’y engouffra. Tess avait trouvé le parfait bureau des réclamations, puisque Z oéflacceptait d'écouter une suite sans fin de doléances. Mais dès que celle-c i«
avait elle-même une urgence qui l'empêchait de se rendre aussi dispo®
nible que d'habitude, elle se faisait rappeler à son devoir d'aider son9
amie, qui se déclarait incapable de rester à flot autrement. Et à chaque j
fois, ce rappel lui mettait du baume au cœur, car c'étaient sa compas-jH
sion, sa sollicitude et sa disponibilité qui lui avaient toujours valu l’af- j
fection des autres. Mais le baume en question n'avait pas que des effets ■
apaisants, pas en tout cas pour quelqu'un qui veut éviter le chantage I
affectif. Il fallait d'abord que Zoé élargisse sa conception de la sollici-1
tude pour se l'appliquer à elle-même.
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L E M A N Q U E DE C O N F IA N C E
E N S O I-M Ê M E
C’est un signe d'équilibre psychique que de reconnaître que l'on n'est
ni parlait ni au-dessus de toute erreur. Mais cette lucidité peut facilementdégénérer en dénigrement de soi. Face aux critiques extérieures, on finit,iprèft quelques mots de protestation, par se demander si sa machine à
Interpréter la réalité ne serait pas tombée en panne : comment puis-je
Hvoir raison dès lors que l'autre me soutient obstinément le contraire?
('ngirait-il d'un mirage ? On a beau être sûr d'avoir vu ou vécu tels ou tels
phénomènes, on se méfie de ses perceptions, parfois même au point de se
fftéfier de ses idées, de ses sentiments et de ses intuitions et de laisser aux
mitres le soin de dicter les comportements à avoir.Cette réaction est particulièrement courante face aux figures d'auto
rité comme les parents, mais elle se produit parfois aussi dans les rela
tions d'amour ou d'amitié... avec un maître chanteur. On investit cette
personne idéalisée d'un pouvoir, d'une intelligence et d'une sagesse que
l’on s’estime incapable d'égaler. Même si l'on trouve à redire à certaines
de ses actions ou de ses exigences, on cède, car on n’a pas suffisamment
confiance en soi-même pour remettre en cause l'autre ou sa vision de la
réalité. Soulignons au passage la fréquence de cette attitude chez lesImimes, dont bon nombre se sont entendu dire dès l'enfance que, étant
dominées par l'affectif, elles ne pourraient jamais prétendre à de hauts
niveaux de connaissance, alors que les hommes, eux, manifesteraient un
penchant naturel pour la raison et la logique.Dès lors que vous attribuez sagesse et intelligence à un autre indi
vidu, pas que l'on franchit inévitablement si l'on doute de soi-même,celui-ci n'aura guère de mal à entretenir votre manque d'assurance. Il
Muit tout, surtout quand il s'agit de déterminer vos intérêts.
Connaissances dangereuses
Le manque de confiance en soi-même pourrait dans certains cas se
résumer ainsi : « Je suis sûr de le savoir, sauf qu’ il ne faut pas que je le
sache. » On possède des connaissances qui mettent mal à l'aise et qui
semblent menaçantes du fait que, si on les prenait au sérieux, on seraitobligé d'opérer des changements que l'on n'a pas le courage d’affron
ter.Régine, cette jeune femme martyrisée par son père, puis désavouée
par le reste de la famille dès qu’elle se décida à en parler publiquement,
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avait le plus grand mal à s'accrocher à la vérité telle qu'elle la connati I
sait. Elle me dit un jour : « Toute la famille conteste ma version des fa it! I
Et si c'était moi qui me trompais ? Puis-je vraiment être la seule à avoir!
raison? Qui sait? Peut-être que j'a i imaginé ou, du moins, exagéré tou jHcette histoire. »
Les victimes de mauvais traitements ont souvent recours la rem is !«
en cause d'elles-mêmes afin de se blinder contre les horreurs du pass^^
« Peut-être que ce n'était finalement pas aussi grave que je le pensais..! », 1
« J'ai peut-être des réactions excessives... », « Peut-être que cela ne s 'est«
tout simplement jamais produit... », « Je l'ai peut-être rêvé... » : combiejH
de fois ai-je entendu des phrases de ce style !
Régine se cramponnait, avec l'éngrgie d'un naufragé, à la réalité«
mais, par moments, sa prise se relâchait dangereusement.
Je n e m e vo is pa s r omp r e avec tou te m a fam i l l e en ra i son d e cet t e a f fa i t w^Ê
af f i r ma-t -el l e. Tout e ma vie, j 'a i essayéd e réuss i r br i l la mm ent p ou r a t t i r e jR l eu r at t ent ion, m ai s en vai n. Mes pa r ent s tenai ent à m on f rèr e com m e à la !
pr un el l e de leur s yeux pa r ce que c'ét ai t le pr emi er , al ors q u e moi , j e n ’ét ai t 9
q u ’u n e pet i t e fi l le pot elée que m on pèr e r ejeta dès le jou r de sa na i ss a n c i i ]
Rien d e ce qu e je fa i s n 'a l ’h eur de leur p la i r e. I l s ne me cro ien t jama i s. Je ne !
dema nde pou r t a n t q u 'à êt r e aimée, et voi l à qu 'en ce m om en t i l s m e détes>^Ê
tent. Je doi s êt r e ci nglée de me soum et t r e à t ou t cela . Peu t -êt r e qu 'i l s on t ■
ra i son .
Sommée de choisir entre la rétractation et l'exil, Régine a failli capi-9
tuler. Elle était devenue le bouc émissaire de sa famille.
Ce n'est d'ailleurs pas rare. Dépositaire des secrets et des dén égà «
tions de sa famille, Régine devait absorber les reproches, la tension, la ■
culpabilité et les angoisses de tous afin de leur permettre de garder leu r*
équilibre. Ils n'auraient pu garder cet équilibre s'ils avaient été amenés à'fl
reconnaître à quel point leur situation était malsaine.
Pour difficile que ce fût de rester convaincue de la justesse de ses Iperceptions lorsque des êtres chers la traitaient sans arrêt de folle ou de 1
malade, Régine trouva malgré tout le courage de résister. Mais elle n'au- 1rait jamais pu se remettre de cette histoire si elle ne s'était pas débarras- 1
sée des doutes profonds sur elle-même qui l'avaient rongée pendant tant 1
d'années. À l'instar de tous les modes de comportement examinés dans 1
ces pages, celui de Régine ne l'avait pas servie : il l'avait enfermée dans |
une prison terrible.Votre combat personnel pour défendre votre vision des choses ou,
tout simplement, pour vous rendre compte à quel point vous vous êtesaveuglé intuitions ne prendra pas nécessairement le caractère drama
tique de l'expérience de Régine, mais il aura tout AUtttnt d'importance.
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Face aux pressions d'un maître chanteur, comment réagissez-voui®
• Vous demandez pardon.• Vous présentez des raisonnements.• Vous vous disputez.• Vous pleurez.• Vous suppliez.• Vous modifiez ou annulez des projets ou des rendez-vous importants,• Vous cédez, en espérant que ce sera la dernière fois.• Vous capitulez sans conditions.
Vous est-il difficile, voire impossible, de faire les actes suivants ? J
• Vous défendre.• Affronter la situation telle qu'elle se présente.• Fixer des limites.• Faire comprendre aux maîtres chanteurs que vous trouvez inadmisl
sible leur comportement.
Si vous avez coché ne serait-ce qu'un seul élément de ces deux
listes, c'est que, dans la comédie du chantage affectif, vous jouez le
double rô le d'entraîneur et de partenaire du personnage principal. Il ne
se passe pas un jour de la vie sans que vous appreniez aux autres com-'
ment vous traiter en leur montrant votre seuil de tolérance, les pro
blèmes que vous fuyez et les incorrections que vous laissez passer. Vous
croyez peut-être que le comportement déplaisant de quelqu’un dis
paraîtra dès lors que vous l'ignorez ou que vous vous abstenez*de faire des histoires, mais, en réalité, le message que vous transmettez
en réagissant de la sorte est : « Ça marche. Vous pouvez recommencer, üj
Ces petites concessions apparemment sans importance
w v i v i r n g i N u n c l e m i i ./m n i m v i i d u i . m a i n i /u i i « i i - u i m
Il faut se pénétrer de cette idée : le chantage affectif commence par une
série de tests. S 'il fait ses preuves à petite échelle, il y aura une nouvelle
tentative de plus grande envergure. Chaque fois que l'on cède à des pres
sions en acceptant une situation désagréable, on donne à leur auteur une
sorte de prime de manipulation. Lui permettre de porter atteinte à votre
dignité et à votre intégrité, c'est devenir son complice, c'est l'aider et
l'encourager à vous faire mal.
Selon une illusion très répandue, le chantage affectif fait irruption
dans votre vie, tel un tourbillon qui surgit soudain du néant et qui vous
renverse par sa force furieuse. On se demande: « Comment cette personne a-t-elle pu changer aussi radicalement ? Comment r*st-iI possible*
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IN H II QUI SE JOUI A l i l i i*
• inc la situation ait i i i imm I brusquement basculé? » Quelquefois, en effet,
If chantage démarre de façon inattendue, mais il arrive tout aussi sou
vent qu'il se développe très progressivement, gagnant peu à peu du ter-
ru In parce qu'on y consent.
Elisabeth débuta le récit de ses difficultés avec son mari en évoquant
|r*Nmenaces terrifiantes de punition qu'il lui adressait. Avec le recul,cependant, elle se rendit compte que, longtemps avant l'éclatement de
|»ur grande crise, elle avait déjà laissé passer de nombreux incidents de
ch mitage affectif plus équivoques.
Marc a toujours été d’une rigueur presque maniaque, ditelle. C'est le genre
à partir au bout de cinq minutes d’attente si la femme n’arrive pas à l ’heure
pour leur rendezvous, histoire de lui apprendre l ’importance de l ’exacti-
tude. J’aurais dû m’en douter quand il commença à disposer mes maga- zines en piles ordonnées sur la table basse et à se plaindre dès que l'un
d'eux ne se trouvait plus à sa place. Ses règles et i l en a dans tous les
domaines imaginables ont été source de friction dès le début de notre
cohabitation. Mais ce n’était encore rien à côté de ce que j ’allais vivre après
la naissance de nos jumeaux. Comment tenir un ménage impeccable lors-
qu’on a deux nourrissons à la maison? Or, ce réalisme importait peu à
Marc. Il revenait sans cesse à la charge pour me rappeler les principes à res-
pecter.
Comment s’y prenaitil? Je me souviens d’un jour où j ’avais laissé quel-
ques assiettes dans l’évier au lieu de les mettre aussitôt dans le lavevais-
selle. À mon retour à la maison, je découvris que Marc les avait empilées
par terre! Je n’en croyais pas mes yeux, mais je me tus et, ravalant mon
indignation, je les ramassai.
Elisabeth avait réagi en assumant d'emblée la responsabilité du problème et du mécontentement de son mari : elle était en train de le former
au métier de maître chanteur. Marc ne pouvait pas manquer de s'aper
cevoir de l'efficacité de sa punition.
Maintenant que j ’y repense, il me semble qu’il guettait en permanence la moindre occasion de corriger l ’une ou l ’autre de mes fautes. Un jour où
j ’avais quitté la maison sans refermer la porte du garage, Marc décrocha le
dispositif d’ouverture automatique pour m’obliger, à mon retour, à des- cendre de la voiture et à ouvrir manuellement la porte. On aurait dit l ’une
de ces punitions que vos parents inventent exprès pour s'assurer que vous
ne l'oublierez jamais. De cette manière, Marc avait réussi à me convaincre
que j'étais étourdie et irresponsable, surtout envers nos enfants. Submergée
par la culpabilité, je m'empressais à chaque fois de lui demander pardon.
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Considérons le cas de mou amie Lucie, qui prévoit depuis plus d'unMil de laire un voyage en Italie. Elle a déjà programmé des activités communes avec des amis et réservé des places à l'opéra. Il y a six mois,Cependant, sa fille Éliane est passée par un divorce des plus éprouvantset, de ce fait, Lucie essaie de l'aider, que ce soit financièrement ou enM'occupant de ses deux petits-enfants. Ni l'une ni l'autre de ces femmes
11'h eu la vie facile mais, depuis le divorce d'Éliane, elles se sont tellement: rapprochées que Lucie s'extasie sur leur nouvelle amitié.
« Je ne ferais jamais quoi que ce soit qui mettrait ce lien en péril, mellll-elle, et je suis certaine que, si j ’allais en Italie, elle s’en offusquerait etme prendrait pour une sale égoïste. Comment puis-je partir en vacances,llors que ma fille a tant besoin de mon aide? » Éliane aurait vraisemblablement peu de difficultés à admettre l’idée de ce voyage si sa mèrelui en parlait, mais, plutôt que de le reconnaître, celle-ci préfère reporter
(1rs vacances pourtant bien méritées.Combien de fois se prive-t-on d’un plaisir raisonnable et accessible
tout simplement parce qu'on craint la réaction d'une autre personne ? Onmet en sommeil ses rêves et ses projets, persuadé d’avance qu'il y auraune levée de boucliers, même si l’on n’a encore jamais tenté de présenternés idées. Ainsi, dès que l'on veut quelque chose, on y résiste ; on se soumetft des pressions en inventant des conséquences négatives qu’il faudraitlubir si on l’obtenait effectivement ; et on s'empêche de parvenir à ses fins.
Tout seul, on s'entoure de brouillard : on se fait son propre chantage.Bien sûr, on a pu avoir des expériences avec certains personnes quiexplique que l’on appréhende leurs réactions, mais il ne faut pas pouruutant en tirer des conclusions hâtives. Car on risque, dans ce cas, dereprocher à des individus des méfaits dont ils ignorent tout. Dans len o u c í de protéger ses points sensibles, on s'enferme ainsi dans une prison étanche de chantage... exercé contre soi-même.
AVERTISSEMENT
Un mot d’avertissement, toutefois : n'utilisez pas ce chapitre commemoyen de vous fustiger. Jusqu’ici, et comme tant d'autres, vous avez faitde votre mieux, compte tenu de votre conscience imparfaite des enjeux.
Je vous engage donc à jeter un regard indulgent sur la personne quevous avez été. Profitez de Ce chapitre pour approfondir votre compréhension de la transaction qui se trouve à la racine du chantage affectif.Réfléchissez au rôle que vous y avez joué.
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|*IMI'ACT DU CHANTAfll
Ce sont là des principes puissants et libérateurs à appliquer à vous-m^ine et, pour peu qu'llu correspondent authentiquement à votre façonM ire dans le monde, Ils vous donnent un équilibre inébranlable quipm i pêche les pressions et les agressions constantes de la vie de vous(I^Ntabiliser. Céder au chantage affectif, c'est rayer, un par un, les élé
ments de cette liste. C’est désapprendre ce qui vous convient. Et àt Inique capitulation, vous sacrifiez encore un bout de votre être.Quand on porte atteinte à cette indispensable conscience de soi, on
pmi l’une des balises les plus claires dont on dispose. On part à ladérive.
L'EFFET DU CHANTAGE
SUR VOTRE DIGNITÉ
Mou, lâche, dupe, raté : les mots ne manquent pas pour caractérisercelui qui - une fois encore - laisse faire le maître chanteur. Pris dans lebrouillard du chantage affectif, votre opinion de vous-même se trouble.
« Si j'avais un tant soit peu de courage, vous dites-vous, je ne lui céderaispus. Mais suis-je à ce point mollusque ? Qu'est-ce qui m'arrive donc ? »Il n'est pourtant pas besoin de vous tailler les veines tout simplement
parce que vous avez transigé sur une question de faible importance. Laplupart des gens se rendent compte d'ailleurs de la nécessité de jeter dulest parfois, d'autant que, dans bon nombre de situations, les concessions à faire ne portent guère à conséquence. Le seul ennui est que, sicette façon de réagir devient une habitude, elle finit par entamer
Pamour-propre de l'individu. Il existe toujours une limite: la franchir,c'est contrevenir à ses principes les plus fondamentaux.
Se desservir soi-même
Quand on méconnaît ses limites, on doit payer un lourd tribut, commeMaria devait le découvrir. Un jour, quelques mois après le début de sa
thérapie, cette femme d'ordinaire si extravertie me sembla soudainétrangement muette. Lorsque je l'interrogeai sur ce point, elle mit du
temps à répondre.
En ce moment, ditelle enfin, je suis furieuse pour plusieurs raisons. Bien évidemment, les aventures de Paul me sont restées en travers de la gorge. Mais ce qui m'irrite le plu*, ü'tit le mal que je me suis fait. Ici, nous avons
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IMPACT DU 1HANTA8 I 141
qui vient de subir une Intervention chirurgicale afin de lui demander de
l'urgent? »
Patricia n'avait certes pas renié ses convictions mais, dans son souci
il'éviter tout conflit avec Joseph, elle se comportait comme si elle l'avait
loi t. Résultat: elle était bourrelée de remords et remplie de mépris
pi i vers elle-même.Or, malheureusement, celui qui se met à se flageller de la sorte se
Voit bientôt entraîné dans un cercle vicieux. Soumis à des pressions, on
Agit d'une façon qui contredit ses valeurs intimes. Choqué et incrédule
fAce à son propre comportement, on commence à se demander si l'on
ne correspondrait pas finalement à l'image négative que renvoie, le
maître chanteur. Puis, ayant perdu son estime de soi, on devient une
proie d'autant plus facile que l'on a plus que jamais besoin de jouir de la
bonne opinion de ses bourreaux. On est peut-être incapable de respecter
nés propres principes mais, avec un peu de chance, se dit-on, on pourrait
*e montrer à la hauteur des leurs.
Je craignais, se souvient Patricia, de perdre l’amour de Joseph et de n'être
qu’une épouse indigne si je n’appelais pas ma tante. J’aurais failli à mon
devoir et il aurait cessé de m’aimer, alors que j ’avais tellement besoin de lui I
Patricia avait bien du remords après ce coup de téléphone, mais elle
préférait en souffrir plutôt que de dire non à Joseph. Contrainte de choi
sir entre la violation de sa morale et le risque de subir l'opprobre, elle
n'hésita pas longtemps à prendre son parti.
La justification après coup
Qui tient à défendre son intégrité se trouve souvent face à la peur et à la
solitude. Car on risque ainsi de s'attirer les critiques d'êtres qu'on aime,
voire de mettre en péril une relation. Margot, qui était prête à tout pour
garder Albert, a donc agi comme tant d'autres victimes du chantage pla
cées devant le choix entre la fidélité à leurs convictions et la soumission
aux désirs de l'autre : elle s'est mise en devoir de se justifier à tout prix.
Dans sa recherche de « bonnes raisons » pour sa capitulation, elle seracontait que, en fin de compte, ce n'était pas la peine de faire tout un
plat de la sexualité de groupe et qu'Albert - cet homme si merveilleux par
ailleurs - n'avait peut-être pas tort de lui reprocher sa pruderie et sa men
talité traditionnelle. Or, cette nécessité de produire autant de justifi
cations après coup aurait dû mettre la puce à l'oreille de Margot: de
toute évidence, elle dépassait les bornes de la vérité et du comportement
sain, tels qu’elle les entend» Il
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COMPRENDRE LE MÉCANISME DU C'HANÎAÛf AFFECTÉ
Il faut une énergie psychique hors du commun pour se persuadai
que l'on peut accepter des actes ou des situations que d'ordinaire l'on
refuserait catégoriquement. Dans le for intérieur de l'individu, une
bataille fait rage entre son intégrité et les pressions du maître chanteur:
et, comme dans toute bataille, il y a des victimes. Margot paya au prix
fort ses justifications. Nous avons dû travailler longuement avant do
pouvoir restaurer son respect d'elle-même, faire taire les critiques qu’ellds'adressait sans relâche et renforcer sa capacité à écouter sa voix inté
rieure.
En dépit du désarroi, des doutes sur soi-même et des sentiment!*mitigés qu'on éprouve dans ses rapports avec autrui, on ne parvient pal
entièrement à réduire au silence cette voix qui ne ment jamais. Certe»|j
on n'apprécie pas forcément le son de la vérité et on la laisse souvenu
murmurer juste au-delà de la conscience, sans prendre le temps de
l'écouter. Mais, dès qu'on y prête attention, cette voix conduit à lasagesse, à l'équilibre et à la lucidité. C'est elle, la gardienne de l'intégrité.
Ève s'était inscrite dans une formation qui devait l'aider à trouven
un emploi et à gagner un peu de sécurité économique en attendant que-
son travail d'artiste porte ses fruits. Mais, soumis aux pressions inces-Jsantés d'Elliot, ce beau projet s'écroula.
Tout ce que je veux, ditelle, c’est acquérir des compétences pour ne pas
vivre éternellement aux crochets de quelqu’un d’autre. Je pensais qu’un stage d’infographie ou une initiation à l’illustration me rendraient moins
tributaire des grosses commandes. Mais Elliot trouvait insupportable cette perspective et, le jour même où je devais passer le test d’informatique, il
menaça de prendre une overdose. J’en étais abasourdie : j ’avais l ’impression de vivre la réalisation du pire de mes cauchemars. Pendant que je le regar- dais, assis derrière une bouteille de whisky et une belle rangée de boîtes de médicaments, je me demandais comment je pouvais songer à maintenir mon projet, vu les circonstances. J’avais beau essayer de résister, je finis par craquer et je lui dis : « Écoute, je vais laisser tomber toute cette idée de for- mation. »
À l'instar de la plupart des victimes de chantage affectif, Ève avait
perdu de vue une notion fondamentale : parmi tous les engagements que
l'on prend, certains des plus importants sont envers soi-même. Or, mis
en balance avec les pressions qu'elle subissait et la conviction qu'elle
avait d'être responsable de la survie d'Elliot, ces vœux personnels ne
pesaient pas bien lourd.Même lorsque le maître chanteur exerce des prenions beaucoup
moins fortes que dans le cas d'Elliot, il arrive pnrfoll que la victime se
fasse « faux bond » à elle-même. L'une des coniécjuoncoi les phiN graves
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une menace potentielle pour l’équilibre psychique. Mais il peut égale»
ment comporter des risques pour la santé physique, surtout si la viCtiml
se pousse au-delà de ses limites afin de contenter le maître chanteur. <
La douleur physique comme signal d'alarme
Cécile qui, rappelons-le, s'épuisait à son travail de rédaction d'un m agtl
zine pour satisfaire aux exigences de son supérieur, fut réveillée au
milieu de la nuit par des douleurs lancinantes qui s'étendaient detf
épaules jusqu'aux poignets.
Bien sûr, je voyais venir cette crise, racontateîle, mais, cela vous arrivé]
pour de bon, c'est tout de même un choc. Pourquoi suisje incapable dt
reconnaître la gravité de la situation et de lever un peu le pied, c'estàditû
de ne faire le travail que d’une personne et non plus celui de deux ou trois } Parce que j ’entends déjà la voix de mon chef qui s'extasie sur les qualités dt
Marianne, et je suis décidée à prouver que je ne lui cède en rien Bref, et
salaud sait très bien me faire marcher. Mais le plus effrayant de l ’affain
c’est que c ’est moi qui me suis mise dans cet état.
Un corps qu'on a cessé de ménager transmet des signaux sous form©
de douleurs jusqu'à ce qu’on en tienne compte. Quant à Cécile, si elle
continue de se surmener, elle devra s'attendre à des crises à répétitionqui risquent de déboucher sur des problèmes autrement graves. Dans
son cas, l'identification de la cause et de l'effet ne pose guère de pro
blèmes : soumis à un travail intensif, stressant et interminable, son corps
a fini par se révolter.
S'il faut se garder de trouver des explications psychosomatiques à
tous les maux physiques, i l y a néanmoins lieu de supposer qu'esprit,
sentiment et corps sont intimement liés. La détresse psychologique crée,
en effet, un terrain favorable aux maux de tête, aux spasmes, aux affec
tions gastro-intestinales, aux troubles respiratoires et à encore biend'autres maladies. En ce qui concerne notre sujet, le stress et la tension
qui découlent du chantage affectif peuvent certainement se manifester
sous une forme physique dès lors qu'il n'existe pas d'autres exutoires.
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TRAHIR LES AUTRES
POUR APAISER LE MAÎTRE CHA NTEU R
La capitulation face au chantage affectif, on le sait, oblige la victime
ft no trahir, à piétiner son intégrité. Mais on oublie parfois que, obsédépur la nécessité d'apaiser le maître chanteur ou de prévenir sa désappro-
I Mil Ion, on peut aussi trahir des êtres auxquels on tient.
Nous avons déjà vu de nombreux exemples des répercussions du
chantage sur d'autres personnes qui comptent dans la vie de la victime.
( est le cas de Jules, qui cause un énorme chagrin à Béatrice du fait qu'il
I ticonte à ses parents - au mépris de la vérité - qu 'il a rompu avec elle.
Non seulement elle sent qu'il ne la protège pas, mais elle est persuadée
(Hio, le jour où la vérité transparaîtra, et ce jour arrivera fatalement, elledéclenchera une tempête bien plus violente que celle qu'il y aurait eu si
Jules avait montré un peu de courage dès le départ.
Pour sa part, Karine se trouva prise entre deux feux, car elle se voyait
hcculée à blesser soit sa mère, soit sa fille.
Je préparais une petite fête à l ’occasion des soixantequinze ans de ma
mère, ditelle. Sur sa demande, je me mis à décliner la liste des invités. Or,
quand j ’arrivai à Mélanie, ma mère me coupa la parole en déclarant: «Je ne
veux pas qu’elle en soit. Je sais que c ’est ta fille, mais, depuis un certain
temps, elle est odieuse avec moi. La dernière fois que je lui ai téléphoné, elle
a été trop occupée pour daigner me parler. Elle ne fait preuve de gentillesse
que lorsqu’elle a besoin d’un service. »
J’essayai d’arranger les choses en lui rappelant que Mélanie avait de gros
soucis en ce moment, mais ma mère ne voulait pas entendre raison. « Si tu
ne la rayes pas de la liste, me lançatelle, vous fêterez mon anniversaire sans moi. En tout cas, ce ne sera pas le premier que j ’aurai passé toute
seule. » Résultat des courses : j ’ai dû informer Mélanie qu’elle n’était pas la
bienvenue à la fête de sa grandmère.
S'étant laissée entraîner dans le conflit entre sa mère et sa fille,
Karine devint malgré elle la messagère, la courroie de transmission de
toute l'animosité existant entre ces deux femmes. Comme tant d'autres,
elle ne s'était jamais dotée de stratégies permettant de résister au chantage affectif. Elle s'imaginait donc face à ce cruel dilemme : céder à l'ul
timatum de sa mère, auquel cas elle vexerait sa fille, ou rester sur ses
positions et risquer de la sorte de contrarier sa mère.
Nombreux sont ceux qui, à l'instar de Karine, se trouvent dans la
situation intenable de devoir choisir entre deux personnes qu'ils aiment.
« Tes enfants ou mol » - Nomination malheureusement courante - est le
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cnoix qil'Alex donna A Julie quand il décida qu'elle consacrait trop ilt»temps à son fils.
Autre scénario assez connu: plusieurs membres d’une famillfessaient de se convaincre mutuellement de prendre parti pour l’un oul'autre des deux parents, notamment à la suite d'un divorce très con fHtuel. Dans ce cas, le chantage affectif prend en général la forme su!»vante : « Si tu ne romps pas définitivement avec ton père [ou ta mère]/ )#ne te parlerai plus jamais et je t'exclurai de ma vie [ou de mon testtl
ment !]. » Que la victime se range dans l'un ou l'autre camp, elle ne peutéviter la trahison d'un proche, acte qui ne fait qu'alourdir le fardeau Idflremords et de culpabilité qu'elle porte.
L’EFFET DU CHANTAGE
SUR VOTRE RELATION
Une relation marquée par le chantage affectif perd toute sécurité. | J'entends par là la confiance et la bonne volonté qui, seules, peuvent!convaincre l'individu de s'ouvrir à l'autre sans crainte de voir ses pen-1sées et ses sentiments les plus secrets traités avec mépris ou brutalité.';Que ces éléments indispensables disparaissent et il ne reste plus que desrapports superficiels, entièrement dépourvus de cette sincérité spontanée qui permet à chacun d'être soi-même avec l'autre.
Quand le niveau de sécurité baisse dans une relation, vous voustenez de plus en plus sur vos gardes, fuyant presque le maître chanteur.;Vous cessez de compter sur lui pour s’intéresser à vos sentiments, sesoucier de votre bien-être ou même vous dire la vérité, tant il a démontréque, quand il a une idée en tête, il est au mieux insensible et, dans le piredes cas, impitoyable. C'est l'intimité qui en fait les frais.
Le repli sur soi
Ève a évoqué en termes particulièrement poignants l’érosion d'intimitédont a souffert sa relation avec Elliot :
Je sais qu’il paraît bizarre, même désaxé, mais il n ’en a pas toujours été ainsi, ditelle. Pendant notre première année ensemble, nous vivions une
relation simple et chaleureuse. Elliot a du talent et de la vivacité d'esprit, et nous étions très amoureux. Ce n'est qu'après quit j'tus tittHténagé chez lui
qu
'il commença à montrer son côté fou.
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Aujourd'hui, c'eut l'ainblûttce cocotteminute, à tel point que j'ai du mal
() la décrire. C'est un pou 00 (/tic l'on ressentirait pour quelqu'un avec qui on
est fâché et qui annonce qu'il a une maladie grave. On découvre qu'on
l'aime malgré tout et qu'on ne peut être indifférent à son sort. Le problème,
c'est qu'il n'y a plus d'intimité véritable. Je ne parle pas des rapports
sexuels, mais de l'intimité affective. Il me semble si fragile que je ne peux plus lui révéler mes sentiments réels. Pas question non plus de lui parler de
mes rêves et de mes projets, car il y voit une menace. Or, quand il faut faire attention à tout ce que Von dit et éviter d'évoquer tant de sujets, l'intimité
n'existe plus.
Ceux qui subissent le chantage affectif s'habituent tellement aux cri-l iiIues, aux pressions et aux réactions excessives dont ils font l'objetqu' ils préfèrent, comme Ève, garder occultes des pans entiers de leur vie.
Voici une liste non exhaustive des domaines que l'on cesse du coupd’évoquer:
• des actes d'étourderie gênants, puisque le maître chanteur pourraitvous ridiculiser;
• des sentiments de peur, de tristesse oii d'insécurité, car le maîtrechanteur risque de les retourner contre vous pour démontrer quevous avez tort de résister à ses exigences ;
• des rêves, des espoirs, des projets et des fantasmes, le maître chan
teur étant capable de les dévaloriser ou de les citer comme preuve devotre incurable égocentrisme;
• des souvenirs douloureux, surtout de l'enfance, vu que le maîtrechanteur pourrait un jour en parler comme d'un signe de plus devotre manque d'équilibre;
• tout ce qui indiquerait une quelconque évolution de votre part, étantdonné qu'aucun maître chanteur n'accueille favorablement les changements.
Que reste-t-il d'une relation dès lors qu'il faut constamment marchersur des œufs ? Des propos insignifiants, des silences gênés, une tension àcouper au couteau. Sous les apparences idylliques - le maître chanteurétant momentanément apaisé -, il y a l'inquiétante réalité du gouffre quis'élargit de jour en jour entre les deux personnes.
La mère de Karine use de la manière forte pour contraindre sa fille àlui consacrer plus de temps, alors que, compte tenu du peu de tendressequi demeure entre les deux femmes, elle ferait aussi bien de s'adresser àun parfait inconnu. Dans les rapports rigides qu'elles ont désormais, iln'y a pas de place pour la véritable personnalité de Karine ou les préoccupations auxquelles elle attache de l'importance. Tout se passe commesi deux haies de barbelés les séparaient, l'une faite des reproches de lamère et l'autre des tentfttivei de la fille pour se protéger.
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Il est étonnant de constater la part colossale de son être qu'une vU4<time de chantage affectif accepte d'étouffer afin de gagner un nouvonrépit. Obsédée par la nécessité d'éviter des questions épineuses ou, pl|Jdes exigences, elle s'applique, dans chaque conversation, à change)constamment de sujet.
«J'ai arrêté de demander à Tess comment elle va, explique Z0(lparce que je sais que non seulement elle me racontera ses divers pro«
blêmes, mais qu'elle s'attendra que j'y remédie. J'essaie donc de limiternos échanges à des sujets anodins comme la météo, le dernier match oudes films, mais seulement les plus légers. »
C'est ainsi qu'une relation autrefois profonde - que ce soit avec luiami, un amoureux ou un membre de la famille - se vide de plus en plu»de sa substance à mesure que se réduit le répertoire des sujets de conver*sation sans risque.
Arthur, le patron d'une entreprise de mobilier présenté au chapitre I,
estimait que, en raison de l'extrême dépendance psychologique et deiréactions excessives de sa femme, il lui fallait être très vigilant sur leisujets qu'il abordait.
Je ne lui avouerai jamais des peurs ou des sentiments d’insécurité, ditil, puisqueydans notre couple, je suis censé jouer le rôle de l’homme fort. Pour» tant, Joséphine est ma femme, et j ’aimerais bien lui faire part des difficultés que je rencontre depuis un moment. L ’entreprise ne va pas très bien, lu chiffre d'affaires est en chute libre et j ’ai dû liquider des placements pour
pouvoir faire face à mes échéances. I l y a une petite usine que je voudrais visiter, car elle pourrait m’apporter des contrats qui me sauveraient la mise. Mais je n’ose même pas évoquer l ’éventualité d’un déplacement qui m’éloi• gnerait pendant quelques jours de la maison. Elle risque de devenir hysté- rique. En plus, il serait impensable d’aborder le problème de fond, puis• qu'elle s’affolerait aussitôt. Mince, alors ! Ce n'est pas un tandem, c'est un numéro solo !
Du fait qu'Arthur frappait de censure tous les sujets qu'il jugeaitinsupportables pour Joséphine, il se sentait terriblement seul, malgréleur vie à deux, privé de cette intimité qui naît de la possibilité de partager avec l'autre non seulement les moments les plus agréables, maisaussi les heures les plus sombres. Leur mariage était enserré dans unecamisole de force.
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! m générosité p e rd u e
Considérons l'un des grands paradoxes du chantage affectif: plus leHutître chanteur multiplie les demandes, moins on se sent capable dedonner. On s'interdit souvent d'exprimer la moindre tendresse de peurde la voir interprétée comme un signe de capitulation. Bref, pour éviter
de nourrir les espoirs ou les fantasmes de l'autre, on glisse dans la mesquinerie affective.
Roger, le scénariste, évoquait ce paradoxe très tôt dans sa thérapie,bien avant qu'il parvînt à donner une assise plus solide à sa relation avecAlice.
Alice et moi avons connu plein de moments sublimes ensemble, m'expliqua til, et je voudrais tellement pouvoir lui dire combien je l'apprécie ! Mais
j'évite soigneusement toute expression trop forte d’amour, parce que je sais qu’elle la prendra pour une demande en mariage, ou même qu’elle recom- mencera à parler de faire un enfant. Je suis normalement quelqu’un d’affec- tueux, mais il m’arrive souvent de me retenir afin de ne pas susciter de faux espoirs. Et à chaque fois, cela me démoralise, car je ne me sens pas du tout spontané et je sais qu’elle souffre de ma froideur.
À ce stade, donc, Roger n'osait pas exprimer ses sentiments réels -
pour positifs qu'ils fussent -, parce qu'il était sûr que ses mots passeraient par le prisme déformant des attentes irréalistes d'Alice et deviendraient des moyens futurs de chantage.
Dans certains cas, la victime doit étouffer sa joie tout autant que sonamour, étant donné qu'elle n'aurait des raisons de faire la fête que si elleparvenait à correspondre aux conditions de réjouissance imposées parle maître chanteur.
Jules ne peut manifestement pas communiquer sa félicité à sesparents, compte tenu de l'attitude de rejet total que son père affiche àl'égard de Béatrice. « I l ne veut pas en entendre parler», se lamente
Jules. « Je n'ai apparemment pas le droit de décider de ma vie. Il dit qu'ilm'aime, mais cela n'a pas de sens. Il ne me connaît même pas ! »
En effet, la relation que le père de Jules croit avoir avec lui n'existetout simplement pas, pas plus d'ailleurs que le fils obéissant de ses fantasmes. Quant à ce qu'il y a de réel - le bonheur que Jules a trouvé
auprès de Béatrice -, cela n'a d'existence qu'à l'abri du regard de sonpère. La relation entre Jules et son père repose sur une fiction, et il en vade même d'un grand nombre, pour ne pas dire la majorité, des relationsdurables avec des maîtres chanteurs.
Dès lors qu'il n'y a plus ni sécurité ni intimité, on prend l'habitudede jouer la comédie. On feint d'être heureux, on fait croire que tout va
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bien, on affecte l'enthousiasme et on feint d'aimer celui qui exerce dt*npressions, alors qu'on a de plus en plus l'impression d'avoir affaire à unétranger. C'est ainsi que la danse gracieuse de tendre sollicitude dégé*nère en bal masqué où les convives s'efforcent avant tout de dissimulerleur identité véritable.
Le moment est venu de transformer en actes les éléments de coni*préhension acquis jusqu’ici afin de pouvoir affronter le chantage affectilet ceux qui l'utilisent contre vous. Vous serez étonné de découvrir avecquelle rapidité vous pourrez retrouver votre intégrité et améliorer dofaçon spectaculaire votre relation avec le maître chanteur.
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V
E C O N D E P A R T I E
De la compréhension à Vaction
■
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Introduct ion
L'HEURE DES CHANGEMENTS
J'aime à raconter l'histoire de cet automobiliste qui aperçoit, en roulant, une femme à quatre pattes sous un réverbère. Comprenant qu'elleest en difficulté, il se range le long du trottoir et la hèle :
« Bonsoir ! On dirait que vous avez besoin d'aide.
- C'est gentil, répond-elle. En effet, j'ai perdu mes clés. »Au bout de quelques minutes de recherches infructueuses, l'automo
biliste pose une question :« Avez-vous une idée approximative de l'endroit où elles sont tom
bées?- Oui, oui, dit la femme. C'était à peu près à un kilomètre plus loin,
i - Mais alors, pourquoi Chercher ici ? demande-t-il, interloqué.- Parce que je connais mieux le quartier et que l'éclairage est
meilleur. »
Nombreux sont ceux qui croient pouvoir éluder leurs problèmes dechantage affectif en puisant dans un répertoire de comportementséprouvés. Acceptant les reproches du maître chanteur, ils battent leurcoulpe et, en fin de parcours, capitulent. Reconnaissons que cettedémarche ne manque pas de logique : on en a l'habitude et on sait d'expérience que la soumission apporte un soulagement immédiat. L'ennui,c'est que, à procéder de la sorte, on se prive de la possibilité de mettre lamain sur les clés, celles qui permettent d'en finir avec le chantage. Pourtant, elles se trouvent à un kilomètre de distance seulement, dans lemode de comportement affirmatif et non défensif que nous allons découvrir dans cette deuxième partie du livre.
Il est indispensable de s'éloigner des zones bien éclairées, faites de
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comportement. Au départ, vous douterez peut-être d’avoir changé enprofondeur car, l'ace à un maître chanteur qui multiplie les pressions,vous continuerez vraisemblablement à avoir des sentiments de peur,d'obligation ou de culpabilité. Mais vous aurez déjà appris à réagir avecune plus grande efficacité, et ce changement rejaillira nécessairementsur le reste de votre relation. Les résultats obtenus ne pourront que
vous enhardir.Parallèlement, nous allons prendre la piste affective. Plus longue quecelle du comportement, elle débouchera sur la transformation de votrevie interne, l'effacement de vos vieux points sensibles et la remise encause des idées erronées qui ont fait de vous une proie si facile pour lesmaîtres chanteurs.
Au risque de vous étonner, je prétends, malgré mes vingt-cinq ans depratique thérapeutique, que vous pourrez réaliser tout seul une bonne
partie de ce travail. Certes, si vous êtes victime de mauvais traitementsou que vous souffrez d'une dépression nerveuse, d’angoisses aiguës oud'une forte haine de vous-même, il convient de songer à l'une des multiples thérapies qui existent et que, je l'espère, ce livre prolongera utilement. Mais, dans la plupart des cas, il suffit d'avoir du courage et de ladétermination.
Jusqu'ici, vous avez réagi de manière automatique et prévisible auchantage affectif, discutant, expliquant, résistant et enfin cédant. Le
moment est venu de substituer à ces réactions une série de techniquesqui, outre leur efficacité, vous donneront un sentiment de'pouvoir et dedignité. Et si vous continuez à les utiliser jusqu'à ce qu'elles deviennent
une seconde nature, vous réussirez à mettre fin aux chantages.Il est bien probable que, au cours de votre lecture des chapitres à
venir, il surgira des situations de chantage affectif qui vous permettrontd'appliquer aussitôt les compétences nouvellement apprises. Profitez-en
donc: je vous assure que, quand vous aurez réagi de façon plusconsciente aux pressions du maître chanteur, votre opinion de vous-
même fera un bond.
Dès que vos craintes se seront apaisées et que vous aurez moins ten
dance à vous laisser manipuler par la peur, l’obligation et la culpabilité,
vous découvrirez le vaste éventail de choix qui s'offrent à vous. Vous
serez désormais en mesure de choisir les personnes avec lesquelles vous
désirez avoir des rapports d'intimité, de tracer les limites de votre responsabilité envers autrui et de décider de l’usage que vous voulez vrai
ment faire de votre temps, de votre amour et de votre énergie.
Soyez patient avec vous-même, et persévérez. Au départ, vous redou
terez peut-être d’avoir perdu Jamais votre dignité et votre intégrité en
raison des agressions liwurli qu'elles subissent depuis si longtemps.
Je vous conseille* dun«» *o « un d'y voir une simple perte temporaire et
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d'adopter les comportements qui vous aideront à retrouver ces qualité!momentanément éclipsées. Ensemble, nous nous attacherons à restaurer ce que le chantage affectif a usé, et je vous félicite d'ores et déjà devotre volonté de prendre des mesures concrètes afin de débarrasser votrevie de ce fléau.
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Les préliminaires
Une histoire très appréciée à New York relate qu'un touriste inter
pelle un passant portant un violon sous le bras et lui demande le cheminde Carnegie Hall, célèbre salle de concerts. Et le violoniste de répondre :« Vous voulez savoir comment arriver à Carnegie Hall ? À force de travail, jour et nuit ! »
Tout le monde ou presque reconnaît le rapport entre persévérance etréussite, dans quelque domaine que ce soit. Qui ne se souvient pas deses premiers tours de bicyclette ou de ses efforts laborieux pour s'initier
à la dactylographie ?Comme il est curieux que, dès qu'il s'agit d'opérer des changements
importants dans sa vie, on veuille obtenir des résultats instantanés ! Or,inéluctablement, l'assimilation de nouvelles compétences demande del'entraînement, et on a souvent besoin d'un certain délai avant de se sentir parfaitement à l'aise en les utilisant. De même qu'il faut porter pendant plusieurs jours des chaussures neuves pour qu'elles se fassent au
pied, de même on met du temps à s'habituer à un nouveau comportement. Selon toute probabilité, vous ne verrez pas de transformationsmiraculeuses dans votre vie dès le jour où vous vous promettrez de vouslibérer du chantage affectif, mais elles ne tarderont pas à se manifester.N'oubliez pas l'importance qu'il y a à tenir vos engagements enversvous-même.
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QUELQUES PRÉPARATIFS
Avant de songer à affronter un maître chanteur, il faut d'abord agir]sur soi. Je vous invite donc à consacrer, chaque jour de la semaine ¿1venir, un peu de temps - même un quart d'heure pourrait suffire - à ce
travail, qui met en jeu trois outils très simples : un contrat, une déclaraition d'intention et une série de phrases d'affirmation. Débranchez letéléphone, prémunissez-vous contre les interruptions et concentrez toutevotre attention sur vous. Certains prétendent ne trouver une plage detemps entièrement à eux que dans leur bain, dans la voiture ou à l'heure*du déjeuner. Et pourquoi pas ? L'effort en question ne nécessite pas d'endroit particulier.
Il convient de commencer par rédiger un contrat stipulant plusieurs!engagements que je vous demande de prendre envers vous-même : ce
sont les règles de base de notre travail. Peut-être doutez-vous à ce stadede votre capacité à respecter des vœux de ce type, surtout si vous avezdéjà essayé, sans succès, de vous opposer fermement au chantage affectif. Mais je vous prie d'oublier pour l'instant le passé et de vous tournervers l'acquisition d'une compréhension et d'un savoir nouveaux.
Ce contrat incarne votre volonté de changement et l'exprime d'unefaçon suffisamment tangible pour faciliter la clarification de vos objectifs.
Il peut s'avérer utile d'écrire ce document à la main, éventuellementà la première page d'un cahier consacré aux exercices que je présenterai.Et, si vous le souhaitez, n'hésitez pas à noter au fur et à mesure vosimpressions et vos sentiments.
Que vous décidiez de recopier le contrat ou tout simplement de lesigner de nouveau à chaque lecture, efforcez-vous, tous les jours de cettesemaine, de le lire à haute voix.
Ensuite, il importe d'apprendre et de vous entraîner à réciter unedéclaration d'intention. Il s'agit d'une seule phrase dont le rappel vous
aidera à tenir tête à un regain de pressions de la part du maître chanteur.Déclaration d'intention : je ne craquerai pas.Ces quatre mots ont peut-être l'air insignifiants mais, à condition
d'être employés à bon escient, ils peuvent se transformer en arme redoutable. Pourquoi ? Parce qu'ils contredisent la conviction qui vous incite àcéder à toutes les exigences du maître chanteur : je ne peux résister à sespressions.
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i l ' . PRELIMINAfWVV
CONTRAT AVEC M OI-M ÊM E
Je, soussigné, me considère comme un adulte disposant d'options etde choix, et je m'engage à œuvrer activement à libérer de tout chantage
affectif ma vie et mes relations avec autrui. Pour atteindre cet objectif, jel ais les vœux que voici :
•Jem'engageànepluslaisserlessentimentsdepeur,d'obligationetdeculpabilitédominermesdécisions.
•Jem'engageàassimilerlesstratégiesprésentéesdanscelivreetàlesmettreenpratique.
•Jem'engageànepasmeservird'échecsouderégressionséventuelsdemapartcommeprétextespourabandonnerlapartie.Jeconsidèrequ'un
échecquipermetd'apprendren'enestpasun.•Jem'engageàprendrebiensoindemoi-mêmetoutaulongdecetravail.
•Jem'engageàmeféliciterdetoutprogrèsréalisé,sipetitsoit-il.
DateSignature
• « Je ne supporte pas de le vexer. »• « Je ne supporte pas de l'entendre me parler ainsi. »• « Je ne supporte pas de me sentir coupable. »• « Je ne supporte pas mes angoisses. »• « Je ne supporte pas de la voir pleurer. »• « Je ne supporte pas sa colère. »
Chaque victime du chantage se dit sans arrêt des phrases semblableset, dès lors que vous en êtes persuadé - qu'il s'agisse de supporter deslarmes, des cris ou le rappel « anodin » de votre dette envers l'autre -,vous ne verrez qu’une seule issue possible : reculer, céder, maintenir lapaix. Or, cette conviction est le piège fondamental dans lequel on tombeencore et encore. Les mots « Je ne supporte pas... » deviennent ainsi unesorte d'incantation rituelle avec laquelle on s'inflige un véritable lavagede cerveau. Je vous affirme pour ma part que vous êtes beaucoup plus
fort que vous ne le croyez. Vous pouvez très bien résister aux pressionsdu maître chanteur, et le premier pas à faire consiste à chasser de votreesprit toute suggestion du contraire.
Le fait de répéter Ut phrase « Je ne craquerai pas » introduira peu àpeu un principe nouveau dans votre conscient et votre inconscient.Chaque fois, au couru de ipltr semaine, que la perspective de vous
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débarrasser du chantage affectif vous plongera dans la peur ou lo
découragement, vous allez vous arrêter, inspirer et expirer profonde*
ment, puis vous redire « Je ne craquerai pas ». Faites-le au moins dix
fois de suite.
Je vous conseille, comme entraînement, de vous imaginer face à un maître chanteur en train de vous soumettre à des pressions. Tel un CRS, vous portez un grand bouclier sur lequel est inscrite la phrase « Je no craquerai pas » et qui vous protège des mots et des messages non ver» baux qui vous sont adressés. Pendant ce temps, prononcez à haute voix la déclaration d'intention. Accrochez-vous à ces mots, malgré votre timi*. dité et votre impression d'être peu convaincant. Vous finirez par y croire, Ne s'agit-il pas d'un exercice par trop machinal, qui paraît de surcroîi plaqué artificiellement sur votre vie? Peut-être bien, mais n'oubliez pas que vos réactions habituelles ont largement fait la preuve de leur ineffi|
cacité, alors que je peux vous assurer que vous obtiendrez des résultats en répétant votre déclaration d'intention.
LA RUPTURE
AVEC LES HABITUDES DE SOUM ISSION
Sur le même modèle employé pour remplacer de vieilles convictions
par de nouvelles, vous allez à présent mettre au point une série dephrases d'affirmation de vous-même qui vous apporteront tranquillité,
force et audace. Mais considérons tout d'abord plusieurs phrases qui
résument les sentiments et les comportements typiques de la victime de
chantage affectif face à son bourreau. Certaines d'entre elles, voire
toutes, correspondent peut-être à votre façon de réagir, à tout le moins
dans vos relations avec des maîtres chanteurs. Cochez donc celles qui
s'appliquent dans votre cas.
• Je me raconte que ce n'est pas un drame que de céder.• Je me raconte que cela vaut la peine de céder si j'obtiens de la sorte
que l'autre personne me laisse tranquille.• Je me raconte que j'ai des exigences injustifiées.• Je me raconte que cela ne vaut pas la peine de lutter.• Je cède aujourd'hui en me disant que je m'affirmerai un jour.• Je me raconte qu'il vaut mieux céder que de vexer l’autre personne.• Je ne me défends pas.
• Je cède mon pouvoir.• J'agis de façon à contenter les autres et j'ai du mal À déterminer ceque je veux réellement.
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* J'acquicNce tacitement.* Je renonce h dev uinis ou à des activités que j'aime afin de faire plai
sir à l'autre personne.
Ces phrases font un effet assez triste, n'est-ce pas? Mais il ne faut
pas avoir honte de s 'y reconnaître. Jusqu'à il y a quelques années, la plu
part d'entre elles valaient pour moi aussi, en tout cas pour mon compor
tement dans certaines relations, et nombreux sont ceux qui pourraienten dire autant. Bref: en matière de chantage affectif, nous sommes tous
logés à la même enseigne. Penchez-vous donc sur les sentiments
qu'éveille en vous chacune des phrases que vous avez cochées. La liste
qui suit devrait vous aider à préciser toute la gamme d'émotions qui
accompagnent ce comportement. Soulignez les mots qui s'appliquent à
vous, et n'hésitez pas à ajouter des sentiments qui m'auraient échappé.
Lorsque vous réagissez de cette manière, qu'éprouvez-vous ?
gêne frustration persécution
froissement engourdissement agitation
honte tristesse peur
rage impuissance rancune
faiblesse apitoiementsurvous-même abattement
Avez-vous souligné le mot rage? Si c'est le cas, je ne m'étonnerais
pas de découvrir que vous dirigez ce sentiment contre vous-même, voire
contre moi pour vous avoir rappelé des aspects de votre comportement
que vous auriez préféré oublier. Profitez de cette irritation : elle vous
signale les côtés de vous-même qui nécessitent une attention particu
lière.
Reprenez à présent votre première liste de phrases et transformez
chacune d'elles en son contraire. Exemple :
Je me raconte que j ’ai des exigences injustifiées... devient Je demande ce que
je veux, quitte à contrarier le maître chanteur.
Version d'origine : Je cède aujourd ’hui en m e disant que je m ’affirme-
rai un jour.
Nouvelle version : Je tiens bon en m ’affirmant tou t de suite.
Version d'origine : J’agis de façon à contenter les autres et j ’ai du mal à déterminer ce que je veux réellement.
Nouvelle version : J'agis de façon à faire plaisir non seulement aux
autres, mais aussi à inoiinâme, et je sais exactement ce que je veux.
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Une autre possibilité consiste à mettre à l'imparfait les phrases d’ori«
gine. Ainsi :Je me racontais autrefois que j'avais des exigences injustifiées,
mais je ne le fais plus.
Essayez les deux méthodes afin de déterminer laquelle vous convien
le mieux, puis répétez à haute voix ces nouvelles phrases affirmatives en
vous disant qu'elles vous décrivent bien, même si vous pensez Mo
contraire. Car cet exercice présente l'avantage de vous donner un aperçade la vie que vous aurez quand vous ne serez plus dominé par la peun
l'obligation et la culpabilité. La reformulation de ces phrases à l'imparfait
ou dans un sens positif permet de les priver de leur force et de la ramené!
vers vous. Certaines des personnes qui me consultent ont trouvé très utile)
de se regarder dans un miroir pendant qu'elles récitent ces phrases. Elle®
parviennent ainsi à se vo ir - au sens propre - en train de s'affirmer.
Réfléchissez à l'effet que cela vous ferait de vous comporter en foncl
tion de ces nouveaux principes. Servez-vous de la liste qui suit pour cerlner les sentiments que vous auriez.
Ces mots vous aideront à vous imaginer en train d'affronter aved
assurance le maître chanteur. Comme tout changement commence par
une vision, il est très important de vous faire une idée claire du but à
atteindre. Puis, au fur et à mesure de notre travail, vous pourrez vous en
rapprocher en concrétisant cette vision par des actes. Vous aurez peut-
être envie de coucher sur le papier ou de répéter à haute voix une phrase
résumant cette conception, comme : « Je tiens bon face au chantage
affectif et j'a i un sentiment de force, d'assurance, de joie et de fierté. » Tous les jours de la semaine, il convient, pendant que vous passez en
revue vos expériences récentes et lointaines avec des maîtres chanteurs,
de consulter ces listes et, à chaque fois, de noter cinq ou six sentiments
qui naissent en vous. Vous remarquerez probablement que vos senti
ments se modifient avec le temps, qu'il devient de plus en plus difficile
de prononcer les phrases négatives et de plus en plus facile d'imaginer
votre résistance au chantage.
Au terme d'une semaine de travail sur ces trois exercices, vous devriezvous sentir suffisamment recentré pour pouvoir affronter directement
votre situation. Mais n'oubliez pas que, en dépit de votre impatience
d'avancer, il vaut mieux ne pas brûler les étapeN, Voua avez tout votre
temps : le maître chanteur ne s'envolera pas, pal plu* que m*s méthodes.
force
joie
affirmation
fierté assurance courage
triomphe animation espérance
puissance compétence
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LA NÉC ESSITÉ DE LAN CE R UN S O S
Dans les pages qui suivent, vous trouverez un sorte de mode d'emploi comportant les premières mesures à prendre avant de réagir aux
exigences du maître chanteur. Facile à retenir, il se résume fondamentale ment à cette idée : Dès l'instant où vous avez l’impression de vous noyer
iOUS l'effet du chantage affectif, il faut lancer un SOS.
Nul besoin de connaître l'alphabet morse ni d'agiter un drapeau de
détresse. Il suffit que vous vous souveniez de cette abréviation commode : suspension, observation, stratégie, soit SOS. Nous allons aborderdtins ce chapitre les deux premiers éléments de ce trio et laisser la question stratégique pour le chapitre suivant. N'omettez aucune étape : il est
Indispensable de construire votre riposte sur des bases solides.
PR EM IÈRE ÉTAPE :
L A SU SPE N S IO N
Patricia se montra interloquée quand je lui déclarai que toute victime de chantage affectif doit commencer par ne rien faire. Autrementdit, on ne décide pas de la réaction à avoir dès que l ’exigence est formulée.
Cette notion de suspension paraît simple, certes, mais elle peut vous
donner du fil à retordre, surtout si l'on vous somme de donner uneréponse immédiate. D'où l'importance d'une bonne préparation.
La mise en pratique de ce principe vous met-elle mal à l'aise au
départ ? Ne vous en faites pas. Continuez malgré votre embarras.
Qu’est-ce que c'est qup «ne rien faire»? Tout d'abord, il fautprendre le temps de réfléchir, à l'abri des pressions de l'autre. Cela vous
oblige donc à apprendre un certain nombre de phrases susceptibles deralentir les événements. Voici une liste de plusieurs réponses possiblesaux demandes que vous recevez, quelles qu'elles soient.
• Je n'ai pas de réponse pour l'instant. Il me faut du temps pour réfléchir.
• C'est une question trop importante pour que je tranche rapidement.Laisse-moi donc y réfléchir un peu.
• Je ne suis pas prêt à prendre dès maintenant une décision.• Je ne sais pas encore ce que je pense de ta demande. Nous en repar
lerons un peu plus tard.
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Utilisez des réponses de ce type dès que le maître chanteur affiche savolonté, et répétez-les encore et encore s'il vous presse de vous décidé!Quel délai convient-il de solliciter? Bien évidemment, plus l'enjeu estimportant, plus vous aurez besoin de temps. On peut très bien décider aupied levé d'un endroit de villégiature ou de l'achat d'un ordinateuï|sachant que, même si le choix s'avère moins judicieux qu'il ne semblaitau départ, les dégâts resteront limités. Mais lorsqu'il s'agit d'une quel!
tion vitale comme le sort d'un mariage, le désir d'avoir des enfants ou unchangement de métier, mieux vaut s'autoriser autant de temps qu’il fautpour envisager le problème sous tous les aspects possibles.
Ainsi, quand le maître chanteur vous réclame une réponse immédiate à une question d'importance secondaire, dites-lui que vous vouldriez un délai de vingt-quatre heures au moins. Vous profiterez de cerépit pour parvenir à une décision que vous serez capable de défendre*
Qui dicte le rythme des événements ?
Le chantage affectif a ceci de particulier : il se déroule sur fond du tic-tacimplacable d'une horloge imaginaire. Une demande a été formulée et ilfaut y répondre. Les pressions qu'exerce le maître chanteur tirent unegrande partie de leur force de la notion d'urgence absolue. Cette même*illusion de la course contre la montre rend si passionnants les films à|suspense que l'on oublie de s'interroger sur la réalité de ce rythme
effréné. Or, dès que l'on prend un peu de recul, on se rend compte que,dans l'immense majorité des cas, il n'y a pas d’urgence du tout, sauf*bien entendu, dans l'esprit du maître chanteur.
Qui entre sans réfléchir dans cet univers de l'action du dernier espoiroù s'inscrit généralement le chantage affectif subit des pressionsintenses. C'est pourquoi il faut recourir à des phrases d'ajournement :elles permettent d'arrêter le mécanisme d'horlogerie et de contemplerde l'extérieur le drame dont on est l'un des protagonistes. La remise
exceptionnelle sur le prix des voitures ou des ordinateurs ne dure-t-ellequ’une semaine ? Peu importe, puisqu'il y aura d'autres soldes à l'avenir.Peut-être le maître chanteur se sent-il effectivement tenu de respecterune échéance proche, mais cela ne vous concerne pas.
Vous possédez quelque chose que veut le maître chanteur. Le temps joue donc en votre faveur. Quand vous répondez par une phrase d'ajournement, vous ne demandez qu'un délai de réflexion, chose que la plupart des individus raisonnables vous accorderaient sans hésiter. Soulignons cependant que certains spécialistes du chantage affectifs'évertuent même à vous détourner, à l'aide de leur« technique« habituelles, de cette demande somme toute modéré®,
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« Rien de tout celft ne me paraît faux », me rétorqua Patricia vers ledébut de nos exercices axés sur les réponses d'ajournement, « mais legeul hic, c'est que vous ne connaissez pas Joseph. Dès que je l'informe demon désir de réfléchir, il se met à bouder, puis il me dit quelque chose duntyle : “Tu sais bien que l'offre spéciale se termine à la fin de la semaine.Ce n'est pas comme si nous pouvions nous permettre de traîner. Où est
donc le problème?"- Et que répondez-vous ?- J'essaie de lui faire comprendre que je ne suis pas encore prête à
prendre une décision, alors que je sais pertinemment qu'il n'en tiendraabsolument pas compte et qu'il me harcèlera à la manière d'un gosse enposant inlassablement la question : "Combien de temps faudra-t-il ?"
- Eh bien, vous répéterez vous aussi votre réponse : "Le temps qu'il
faudra" », lui dis-je.Le maître chanteur vous en voudra peut-être, et il ne rechignera pas àexercer des pressions plus ou moins subtiles, mais la simple répétition devotre exigence suffit le plus souvent à le convaincre de votre sérieux.
Un nouveau pas de danse
Ces phrases d'ajournement risquent toutefois de plonger le maître chanteur dans la perplexité et le désarroi, puisque, en ne cédant pas automatiquement, vous modifiez radicalement la donne habituelle. C'est commesi, en plein milieu d'un tango, vous vous mettiez soudain à danser lavalse, sans en avertir votre cavalier (ou cavalière). Le maître chanteurpourrait considérer ce manque d'empressement inattendu comme unacte de résistance ou une réponse négative et, de ce fait, augmenter toutde suite la pression. Par la simple phrase « Il me faut du temps », vousaurez bouleversé les rapports de force à l'intérieur de la relation et placéle manipulateur dans le rôle réactif et, de son point de vue, anormale
ment faible de celui qui doit attendre.Préparez-vous à ce stade à subir des pressions redoublées, car le
maître chanteur cherchera sûrement à reprendre sa position perdue.Aussi, pendant qu'il récite son texte que, désormais, vous connaissezpresque par cœur, tenez-vous-en à vos nouvelles réponses, tout en vous
répétant pour vous-même : « Je ne craquerai pas. »La force de l'habitude et l'habileté avec laquelle le maître chanteur
produit du brouillard ne facilitent nullement - c'est le moins qu'onpuisse dire - ce changement de comportement. C'est pourquoi il CNt
indispensable d'en préciser les raisons, surtout face à un bourreau quirechigne à renoncer h la moindre* parcelle de son pouvoir dans la relation. Vous pourriez doue Ronutu à lui dire quelque chose du style :
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• li ne s'agit pas d’une lutte de pouvoir.• Je ne cherche pas, par ce biais-là, à te dominer.• L'essentiel, c'est que j'ai besoin de temps pour réfléchir à ta demande,
À condition de vous trouver en présence d'un être à peu près ration
nel, vous transmettez ainsi un message sensé, rassurant et propre à désfti
morcer la tension.
Un sentiment d'échec malgré la victoire
Le fait de demander un délai et d'expliciter vos raisons vous sort de
votre rôle coutumier, et c'est pour cela qu'un vague sentiment de maW
adresse et d'échec peut vous envahir, même si vous avez bien appliqué
votre nouvelle méthode. C'était le cas de Zoé.
C'était affreux, se souvientelle. Tess me harcelait sans arrêt pour que je lui
confie le dossier de notre client dans l'industrie de la chaussure. Les princiy
paux associés de notre firme doivent bientôt venir de New York, et elle vou-
lait les épater, surtout Daniel qui, d'après eüe, projette de supprimer son
poste. À une semaine de leur arrivée, donc, elle exigeait cette mission. Touè
de suite. Pour l'obtenir, elle a tout essayé. Elle m 'a annoncé: « Je suis sûre
que je perdrai mon travail si tu ne me donnes pas cette mission, et je me
demande ce que je ferais si tu ne m'aidais pas. Cela me gêne beaucoup de
faire pression sur toi comme ça, mais j'a i vraiment besoin d'un coup de
main en ce moment. » Puis une larme lu i perlait au coin de l'œil.J'ai réagi selon vos indications en lui disant: « Je suis désolée, mais,
pour l'instant, je ne peux pas prendre une décision de cette importance. »
Or, Tess me rétorqua aussi sec : « Mais enfin ! Tu sais combien j'y tiens.
Nous sommes amies, n'estce pas ? Estce que tu ne me fais pas confiance ?
Tu sais bien que je ne te décevrai pas, et qu 'à ta place je te rendrais sans
hésiter ce même service. »
À ce stade, je commençais déjà à penser qu 'il y avait urgence, qu'elle
avait raison, que je lu i devais mon soutien et qu'elle aurait de graves ennuis si je le lui refusais. Mon cœur battait de plus en plus vite et j'avais aussi
l'impression de haleter. J'essayai de me calmer en répétant dans ma tête :
« Je ne craquerai pas. » Puis je lui répondis : « Je sais bien que tu attends
une réaction immédiate de ma part, mais j'a i besoin de temps pour y réflé-
chir. Nous en reparlerons demain. »
Me foudroyant du regard, Tess me lança : « Je te croyais mon amie, et
pas seulement mon chef. Je pensais que l'amitié comptait pour toi. » Sur
quoi elle tourna les talons et sortit du bureau. Je me suis sentie comme une
vraie garce, et j'a i encore l'impression de l'avoir lâchée. J'espérais que cette
méthode me ferait du bien, alors que je suis profondémunt démoralisée.
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« Mes félicitations, lui dla-je, car cela montre que vous êtes en train
de vous arracher aux IchémAS du passé. » Les mauvaises habitudes ont
pu effet quelque chose de rassurant... jusqu'au jour où leurs consé
quences se font sentir. Vous éprouvez peut-être des difficultés à
demander un temps de réflexion, mais, au fur et à mesure, cela devien
dra plus facile. Par ailleurs, comme je l 'ai rappelé à Zoé, vous ne faites
rien d'autre à ce stade que de retarder une prise de décision, de dicter un
nouveau rythme à la relation. Le maître chanteur parlera sans doute
d'une mesure extrême ; il n'en est rien.
Si vous continuez à employer vos phrases d'ajournement, le maître
chanteur risque de réagir avec un désëspoir grandissant. « Je le veux, et
lout de suite » : tel est, en substance, le sens de ses propos.
L'une des tâches les plus ardues qui soient est celle d'apprendre à
supporter le malaise dans l'intérêt d'une transformation bénéfique. Si,
auparavant, votre gêne préludait le plus souvent à votre soumission, il
n'en va plus de même dès que vous cherchez à modifier l'équilibre et à
récupérer votre intégrité. Il est donc parfaitement normal de vous sentir
en proie à l'incertitude et à l'angoisse, car tout se met à bouger, tant à
l'intérieur qu'à l'extérieur.
Ne vous laissez donc pas détourner de votre but.
Dialogue avec le malaise
Zoé avait de plus en plus de mal à maintenir sa nouvelle position face à
l'insistance acharnée de Tess, qui se posait en victime chaque fois que les
deux femmes se retrouvaient. Plus elle réfléchissait à la demande de sa
subordonnée, mieux elle se rendait compte de l'impossibilité d 'y accé
der. Mais cela ne faisait qu'accentuer ses sentiments de culpabilité.
Je n'arrive pas à me débarrasser de Vidée que je me comporte en monstre
froid et insensible, m ’avouatelle. Cette histoire me tracasse déplus en plus. Je ne fais rien, et cela me détruit à petit feu. Êtesvous sûre de l ’efficacité de
votre méthode ?
Le malaise compte parmi les principaux obstacles au changement :
on est tellement habitué à le considérer comme un incendie à éteindre
que l'on n'a jamais appris à en supporter les doses modérées et natu
relles qui accompagnent toute transformation. On le repousse, l 'étouffe,
le traite comme un élément n'ayant aucune place dans sa vie et, ce faisant, on s'interdit l'accès à bon nombre des choix les plus positifs dont
on dispose. Certaines personnes rechignent tant à analyser ce malaise
qu'elles se trompent sur le message qu'il envoie : au lieu de s'interroger
sur son sens, elles se contentent d’y réagir aveuglément.
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J’ai dit à Zoé que, pour atteindre à l'intégrité, il convient parfois du
revendiquer même les côtés de soi avec lesquels on se trouve en conflit <*l
de les accepter comme des phénomènes normaux. Un moyen d 'y parvo»]
nir consiste à engager un dialogue avec eux, c'est-à-dire à les exposer fclA !
lumière du jour afin de mieux les connaître. Je proposai donc à Zoé de
choisir un objet qui, dans sa vie, était source de gêne physique ou morille
- un pull-over qui gratte, une photo peu flatteuse d'elle-mêm e - et do
l’ apporter à notre séance suivante.
Le jou r venu, je lui demandai de poser l'objet - c'était une paire do
hauts talons peu attrayants qui ne lui étaient jamais vraim ent allés - sur
la chaise vide en face d 'elle et de s'adresser à ce symbole de son malaise
comme s 'il s'agissait d’ une personne. Par la suite, elle devait inverser leu
rôles en donnant la parole au malaise.
Ne s'étant jamais livrée à un exercice de ce genre, Zoé se montrait un
peu réticente, même intimidée, comme on le comprendra aisément. Je
l'assurai toutefois que ce jeu de rôles allait beaucoup lui apprendre surcet état qui avait une telle emprise sur elle. Je ne peux que vous inciter à'
l'essayer à votre tour. Exprimez-vous librement. Dites vos sentiments
réels à l'objet, et posez-lui des questions.
Au fur et à mesure, Zoé se laissa entraîner par l'exercice. Voici quelJ
ques exemples des propos qu 'elle a tenus à son malaise :
Tu te crois sort i de la cuisse de Jupiter, hein ? Cela fa it bien longtemps q u i
tu mènes la barque et je commence à en av oir assez. Je fa i donné beau*\
coup de pouvoir, mais je te préviens aujourd ’hui que c ’est fini. Tu me sem
biais plus fort que moi, peutêtre même plus intelligent, mais quand je te
regarde maintenant, je vois jusq u’à que l po in t tu es faible, moche et source <
d’ennuis. D ’ailleurs, chaque fo is que tu prends le dessus, je deviens si molle
et si lâche que je ne sais plus qu i je suis. Cela suffit maintenant. Au fond, je
devrais tou t simplement te mettre à la porte !
J'in terrogeai Zoé sur l'effet que lu i avait fait cette expérience.
Je me sentais légèrement ridicu le au départ, ditelle, mais, au fu r et à
mesure, je découvrais que cet aspect de ma vie occupe très souvent le devant
de la scène. Ce n ’est qu ’une petite partie de moi, alors que je réagis comm e
si c ’était un gorille de deux cents kilos. Finalement, mon malaise ressemble
pas mal à ces chaussures. I l conv ient beaucoup moins à ma vie que je ne
pensais.
Pour la suite de l'exercice, Zoé s’installa face à moi en tenant leschaussures. Puis, s'imaginant à leur place, elle commença à répondre
aux critiques qu 'elle venait de leur adresser.
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Toi, tu vas nie mettre i) la ports? Bile est bonne, cellelà! Je n'ai pas la
moindre intention de bouuer, Je suis bien ic i et je ne partira i pas sans lutter.
Cette situation, c'est la planque : il suffit que je dise un o u deux mots pou r
que tu t'empresses de faire mes quatre volontés.
De cet exercice, Zoé retira un regard neuf sur un sentiment qu'elle
avait toujours cru insupportable et impossible à dominer. Je lui rappelai» (’pendant que cette seule prise de conscience ne changerait pas sa situa
tion du jou r au lendemain. Même si elle comprenait mieux sa tendance à
lu conciliation et à la capitulation, son malaise n'allait pas s'effacer sans
combat. Com me auparavant, elle avait encore pour tâche de modifier
non comportement, bien que se sentant mal à l'aise face au maître chan-
tcur. En attendant une amélioration, e lle pouvait continuer à rechercher
la cause de ce malaise, à explorer les moyens de le réduire à une simple
partie de la situation.
J'espère que vous vous livrerez à cet exercice. Si vous ne souhaitez
pas parler à un objet, vous pouvez écrire une lettre à vo tre malaise, ainsi
que sa réponse. Une variante consiste à réd iger un dialogue.
Les mots que vous emploierez et les découvertes que vous faites
seront peut-être très différents de ceux de Zoé, mais je suis sûre que vous
en bénéficierez largement. Il s'agit avant tout d'extérioriser votre
malaise, de l'examiner à la loupe et de trouver des moyens de l'affron ter
autres que la fuite. Comme Zoé, vous constaterez que votre malaise est
moins impressionnant et surtout moins menaçant qu 'il ne paraissait à
l'époquç où vous vous démeniez pour l'éviter.
Le refus du triangle
■VR rn B U IM I N A In IQg
Il y a une autre version de la tactique qui consiste à gagner du temps en
refusant. Elle peut se révéler particulièrement utile lorsque vous vous
trouvez au beau m ilieu d'un conflit entre deux autres individus ou que
quelqu'un vous fait du chantage dans l'intérê t d'une tierce personne:
vous vous écartez de la ligne de tir.
Dans le cas de Karine, qui était prise en sandwich entre sa mère et sa
fille, le choix de ne rien faire allait devenir le point de départ d'un travail
de véritable guérison pour toutes les trois.
Mettons, d it Karine, que je réussisse, en appliquant vos consignes, à gagner
un délai quand ma mère menace d'annuler sa fête si j'y invite Mélanie. Im a-
ginons que je trouve le courage de lu i répondre que je ne peux pas prendre
cette décision de façon aussi précipitée et que je devrai la rappeler plus tard.
Quelle sera la suite ?
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quiconque pout'Mulvul! des intérêts autres que les siens. Certaines desréponses que Je lui suggérai pourraient également vous aider à vousdégager de la pression des tiers.
B e lle m è r e : Nous souffrons terriblement de cette histoire. Nous ignorons ce qui se passe et ce qui nous attend. Nous nous préoccupons en permanence
pour Paul et pour toi, sans parler de nos petitsenfants. Combien de temps
te faudratil pour te décider ? M a r ia : Écoute, je n’ai pas encore pris de décision.B e lle m è r e : Et ce sera pour quand ?
M a r ia : Cela prendra le temps que cela prendra. Maintenant, si nous par- lions d’autre chose ?
Vous répétez encore et encore que vous n'avez pas encore décidé etque la décision sera prise quand elle sera prise, puis vous passez à un
autre sujet. Sans arrêt, on s'entend poser une multitude de questions, eton se sent souvent obligé de répondre tout de suite, alors qu'il n'en estrien. Il n'y a pas de mal à dire : « Je ne sais pas... » ou : « Je te ferai signedès que j'aurai pris une décision... » Et si les pressions continuent malgré tout, il est parfaitement légitime de changer de sujet. Même face àune personne autre que le maître chanteur et qui a votre estime et votresympathie, il faut s'en tenir au rythme qu'on a choisi et refuser de décider dans la précipitation, surtout lorsqu'il y va d'une question vitale.
Le besoin de distance physique
Le fait d’obtenir un délai vous donne la possibilité de vous mettre àl'écoute de vos pensées, de vos sentiments et de vos priorités. N'oubliezpas,que vous disposez désormais de cette bouée de sauvetage qu'offrentvos phrases d'ajournement. Et pour lassant que ce soit de les répéter à
longueur de journée, il est important de persévérer et de leur faireconfiance.
Mais si vous continuez malgré tout à vous sentir angoissé et acculéau point d'avoir envie de prendre des mesures pour soulager votremalaise, je vous conseille de vous éloigner. Il ne s'agit pas de tourner ledos à l'autre sans daigner lui expliquer votre geste. Je vous propose toutsimplement de vous excuser et de vous rendre dans une autre pièce oùvous aurez quelques minutes de tranquillité. Vous pouvez dire : « J'ai très
soif » ou : « Il faut que j’aille aux toilettes ; je reviens tout de suite. » Ou,si l'angoisse devient vraiment intenable, vous n'avez qu'à combiner cesdeux excuses.
Je voudrais Nouliijuci que uotti méthode est envisageable partout ou
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172* 1 K ,
DE LA COMPREHENSION A L ACTION ■
presque : à la maison, au travail, même à bord d'un avion. Mettre de ladistance physique entre le maître chanteur et vous, si petite soit-elle, permet en général d'atténuer le climat d'urgence et de prendre l'indispensable recul affectif.
J'entends par cette dernière expression une sorte de refroidissement de
vos sentiments. Sous l'effet du chantage, vos émotions peuvent prendreune telle intensité qu'elles vous empêchent de juger, de réfléchir ou mêmed'examiner calmement les options qui s'ouvrent à vous. Dans cette cacophonie affective parfois accablante, vous ne faites plus que réagir à l'aveuglette. Voilà pourquoi il importe d'accéder à un mode de fonctionnement,plus cognitif, plus détaché. Vous y parviendrez en prenant quelques minutes dont vous profiterez pour vous calmer, en vous répétant « Je ne craquerai pas » et en vous engageant à demander un nouveau délai.
DE UX IÈM E ÉTAPE :
L'OBSERVATION
Dès lors que vous aurez acquis un certain détachement par rapportau drame du chantage, vous serez à même de recueillir l'information quivous permettra de déterminer la riposte adéquate. Vous devrez donctirer parti du délai de réflexion gagné pour vous transformer en observateur de vous-même et de l'autre.
Une image utile
Afin de vous y aider, je vous propose de vous livrer à l'exercice suivant :imaginez-vous dans un ascenseur vitré qui est arrêté au rez-de-chausséed'une tour d'observation de cinquante étages. La cabine commence doucement à monter. Mais, en raison d'un brouillard qui tourbillonne prèsdu sol, vous avez du mal à obtenir une vue claire des étages au-dessous.De temps à autre, il s'y produit une trouée qui vous permet d'apercevoirdes objets et des personnes, mais leurs contours restent flous, surgissantet disparaissant au gré du mouvement des brumes. C'est là le domainedes sentiments bruts, ceux que le maître chanteur fait bouillonner aufond de vous.
L'ascenseur monte encore et, à présent, il s'est suflisumment éloignédu brouillard et l'on voit de mieux en mieux. Quand voun Arrivez au dernier étage, vous avez donc une vue panoramique. Voun vo i i n rendez ainsicompte que le brouillurd t p i i semblait tout envfthlr rente «m i l u i t limité à
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P R E l l M I N A I n r
la vallée dans laquelle se trouve l’entrée de la tour: ce n'est qu'un petitcoin du tableau d'ensemble. L'ascenseur a atteint un plan supérieur,celui de la raison, de la lucidité, de l'objectivité. Sortez donc sur la terrasse d'observation. Profitez du calme olympien et de la clarté de l'air.Surtout, souvenez-vous que vous aurez toujours accès à ce lieu.
Quand on subit les pressions d'un maître chanteur, il est bien utile
de quitter le niveau des tripes et de monter jusqu'à celui de la tête, caron tombe si facilement dans le piège de la peur, de l'obligation et de laculpabilité que l'on ne perçoit plus la vie que de façon fragmentaire oudéformée. Je ne vous demande pas de vous séparer de vos sentiments : ils'agit tout simplement de les compléter par la raison et la lucidité, d'empêcher l'affectif de dominer votre vie. Les deux sphères - intellectuelle etaffective - regorgent d'informations, et il faut s'attacher à faciliter leséchanges entre elles. Le but est de pouvoir penser et sentir en même
temps plutôt que de se débattre dans le seul domaine des émotions. Etdès que le chantage affectif se met en branle, vous avez besoin de montertout en haut de la tour.
Le moment de faire le point
Le moment est venu de réfléchir en toute tranquillité à l'exigence qu'aformulée le maître chanteur, en un mot, d'adopter le rôle de l’observateur. Vos sentiments n'ont pas disparu, mais vous vous en détournezmomentanément afin de pouvoir faire le point. Demandez-vous doncceci : qu’est-ce qui vient de se produire ? Je vous conseille de noter vosréponses aux questions qui suivent. Le fait de sortir vos connaissancesde votre tête et de les mettre par écrit devrait vous aider à prendre durecul. Mais même si vous préférez tout faire mentalement, ces questionsvous permettront d'y voir plus clair.
Commençons par la demande qui vous a été adressée.
1. Que voulait la personne ? 2. Comment a-t-elle exprimé sa demande? De manière affectueuse,
impatiente, menaçante? Recherchez les mots qui s'appliquent lemieux à votre situation.
3. Comment la personne a-t-elle réagi à votre refus de céder immédiatement ? Il convient de tenir compte de son expression, du ton de sa
voix, de l'attitude de son corps, en tâchant d'être aussi précis quepossible. Ses yeux bougeaient-ils ? Où se trouvaient ses bras, sesmains? Où la personne s'est-elle placée pour vous parler? Quelsgestes a-t-cllr fallu? Que révélait le ton de sa voix? Quelle a été lacoloration générale dp msnpropos? Exprimez par des mots les « instantané* » (|llf* von* n vp/ pi lu.
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Voici les notes que Patricia a prises à la suite d'une dispute aveo:
Joseph :
Il était très renfermé, boudeur, ne faisant pas mystère de sa contrariété •
Tout le langage de son corps témoignait de sa tristesse et de sa déception. Il
avait les bras croisés et i l évitait de me regarder dans les yeux. Il soupirait)
souvent et tripotait sans arrêt les peluches de son pullover. Quand il pre<
nait la parole, il donnait l ’impression de geindre. Puis il s’est levé, il est sorti de la pièce en claquant la porte et a mis la radio à fond dans la chambre à '
coucher.
Considérez ensuite vos réactions à sa demande.
1. À quoi pensez-vous?
Notez tout ce qui vous passe par la tête, en prêtant une attention parti-;
culière aux pensées qui reviennent souvent ou qui font irruption. Ellesvous éclaireront sur les attitudes que vous avez adoptées au fil des ans.
La liste qui suit donne quelques-unes des plus courantes chez les vic
times du chantage affectif :
• Il n'y a rien de gênant au fait que je donne plus que je ne reçois.• Quand j’aime quelqu'un, je suis responsable de son bonheur.• Tout être généreux et affectueux doit s'efforcer de rendre l'autre heu
reux.• Si j'agis selon mes désirs, l'autre me trouvera égoïste.• Il n'y a rien de pire pour moi que de me sentir rejeté.• Si personne d'autre n'entreprend de régler le problème, c'est à moi
de le faire.• Je ne l'emporte jamais face à lui.• L'autre est plus fort et plus intelligent que moi.• Ce n'est pas la mer à boire, et puis, il a tellement besoin de moi.• Ses besoins et ses sentiments comptent davantage que les miens.
Lesquelles de ces affirmations vous semblent vraies ? Dans lesquelles
vous retrouvez-vous le plus? Posez-vous cette question : d'où est-ce que
je sors cette idée, et depuis combien de temps est-ce que j'y crois ?Aucune de ces convictions - et je dis bien aucune - n'est vraie, et
pourtant : on s'y accroche parce que c'est ce que l'on a cru pendant de
longues années. Comme je l'ai déjà indiqué, on croit souvent avoir choisi
de telles idées, alors qu'elles nous ont inculquées à chaque étape de la vie
par des figures d'autorité, que ce soient des parents, des enseignants ou
des amis. Il est indispensable d'identifier les convictions qu'on a sur soi
lorsqu'elles refont surface sous l'effet du chantage affectif car ce sont
les précurseurs des sentiments à venir.
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170 DE LA COMPRÉHENS ION A L 'ACT ION
en un ou deux mots tout au plus. Dès l'instant où vous dites : « Je mesens... » ou : « J'ai le sentiment que... », vous glissez dans le domaine des
pensées et des convictions. Or, comme l'objet de l’exercice est de distin
guer entre ces deux sphères, il faut tâcher d'être clair.
Exemple : la phrase « J'ai le sentiment que c'est toujours mon mari
qui l'emporte... » est une conviction. Pour atteindre le sentiment qu'elle
conditionne, il vaut mieux dire : « Je crois que c'est toujours mon mariqui l'emporte, et cela me décourage. »
Passons ensuite à l'examen de votre corps.
Quand vous descendez, la liste de vos sentiments, il convient d'iden-1
tifier le lieu précis où vous éprouvez chacun d'entre eux. Avez-vous le
ventre agité ? Le cou ou le dos tout noués ? Les joues brûlantes ? Prêtezune grande attention à ces réactions physiques.
Quelquefois, le corps vous dit des vérités que l'esprit ignore. Vous
vous racontez peut-être que vous n'êtes pas angoissé... jusqu'à ce quevous remarquiez que vous êtes en nage. Tout va bien, pensez-vous, mais
comment se fait-il alors que j'aie le cœur qui bat la chamade ? Les réac
tions du corps balaient justifications et dénégations : elles ne mentent
jamais. Chaque fois que vous prenez conscience de votre colère ou de
votre ressentiment, vous recevez une alerte qui vous dit de vous méfier
de certains aspects de la demande qui vous a été faite.
3. Quels actes produisent le déclic ?Les paroles et les gestes du maître chanteur résonnent de façon particu
lière en chaque victime, et il faut savoir lesquels produisent un déclic
affectif chez vous. L'expression de son visage, le ton de sa voix, l'attitude
de son corps, ses mots et même son odeur peuvent activer des convic
tions et des sentiments qui vous amènent à lui céder. Ce sont les fils élec
triques conduisant tout droit à vos points sensibles. Mieux vous connaî
trez leur source, mieux vous serez en mesure de les débrancher.
Remémorez-vous des incidents de chantage affectif dans votre vie,puis dressez la liste des comportements qui vous ont le plus perturbé.
En voici quelques-uns que j'ai souvent rencontrés :
• les cris ;• les portes claquées ;• certains mots (comme « égoïste » ) qui vous blessent dans votre
amour-propre ;• les larmes ;
• les soupirs ;• le visage contrarié (teint rouge, sourcils froncé», grlmm o do colère);• le mutisme délibéré.
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Ensuite, mettez ces comportements en rapport avec des sentiments
précis : quand le maître chanteur fait _____ , je me sens _____ .
Lorsque je demandai à Jules de se livrer à cet exercice, il commença
à s'apercevoir que c'était bien plus l'apparence de son père que ses pro
pos qui le submergeait d'angoisse.
« En faisant mes listes, me dit-il, j'ai remarqué que chaque fois que
mon père devient tout rouge - avant même d'ouvrir la bouche -, jeprends peur. J'ai beau chercher un mot plus élégant, celui qui résume le
mieux mon sentiment reste effrayé. Quand j'éprouve cette frayeur, je me
trouve devant un choix : lutter ou fuir. Je retombe dans des réactions
purement instinctives. »
Dans votre travail d'examen, essayez d'être aussi franc que possible
avec vous-même. Ne jugez pas vos sentiments, ne les évaluez pas, ne
cherchez pas à déterminer leur validité ou leur légitimité. Déconnectez
la machine à analyser et contentez-vous d'observer. Certaines personnestrouvent utile de préfacer leurs remarques par des locutions comme :
• Je commence à me rendre compte que...• Je suis frappé de constater que...• Il m'apparaît de plus en plus clairement que...
Ainsi, Jules remarqua que son angoisse et son attitude défensive
diminuaient quand il se disait : « Je suis frappé de constater que, chaquefois, que mon père devient tout rouge, je prends peur. » C'est une affir
mation bien plus objective que la phrase : « Je prends peur chaque fois
que mon père devient tout rouge. » Cette objectivité favorise un regard
plus cognitif sur la situation et aide à résister à l'envie de tout se repro
cher. « Dès que j'a i formulé de la sorte ma réaction, dit Jules, je me suis
senti moins infantile, moins lavette. »La tournure « Je suis frappé de constater » lui rappelait en effet que
les mots suivants n'étaient que les remarques d'un observateur. Elle luipermettait donc de prendre du recul par rapport à son censeur intérieur,
si prompt à critiquer et à étiqueter ses réactions.
N'arrêtez votre travail d'observation que lorsque vous aurez com
mencé à entrevoir les liens entre vos convictions, vos sentiments et lescomportements qui les suscitent. Le maître chanteur a déjà réussi à les
établir, tant de manière intuitive que sur le plan intellectuel, et il en pro
fite pour assurer son ascendant sur vous. Mais, à présent que vous avez
vaincu votre handicap de départ, cette information jusque-là cachée està votre disposition. Dans le chapitre suivant, vous allez découvrir les
outils permettant de transformer votre préparation et votre prise de
conscience en stratégies qui bouleverseront les rapports de force entre lemaître chanteur e t v o u n .
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9
L’heure
des décisions
Jusqu'à présent, vous avez généralement réagi par l'acquiescement
automatique aux exigences de l'autre, dans une espèce de réflexe conditionné. Mais, grâce au répit que vous avez su gagner, vous allez désormais vous payer le luxe de réfléchir à vos besoins et à vos désirs. Si je ne
suis pas en mesure de prendre les décisions à votre place, je peux en
revanche vous suggérer certaines questions pénétrantes qui devraient vous permettre d'analyser objectivement les demandes dont vous faites
l'objet et de décider en connaissance de cause si vous préférez y accéder ou y résister. À partir de là, je vous révélerai des moyens efficaces de présenter votre décision au maître chanteur et d'affronter sa réaction.
LES TROIS CATÉGORIES
DE DEMAND ES
Je vous demanderai tout d'abord de reprendre l’exigence de l'autre
et de répondre à plusieurs questions la concernant. Notez vos réponses,
mais sans autocensure ni crainte d’être engagé définitivement par les
mots couchés sur le papier. Si vous changez d'avis ou que de nouvelles idées vous viennent par la suite à l'esprit, rien ne vous empêche de raturer, de modifier ou de développer votre réponse de départ.
• Y a-t-il quelque chose dans sa demande qui me met nuil il l'aise? Si oui, qu'est-ce que c'est ?
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• Quel avpect tir lit demande me puralt acceptable, et quel uNpcct me lait l'elTet contraire?
• La satisfaction de .sa demande me portera-t-elle préjudice?• Portera-t-elle préjudice à un tiers ?• Sa demande tient-elle compte de mes désirs et de mes sentiments ?• Sa demande ou la façon dont elle est présentée comportent-elles un
élément qui provoque chez moi des sentiments de peur, d'obligation ou de culpabilité ? Si oui, qu'est-ce que c'est ?
• La satisfaction de sa demande m'apportera-t-elle quelque chose ?
Vous constaterez parfois, en analysant une demande, que vous pouvez tout accepter hormis une ou deux de ses composantes. Par exemple, votre mari exige que vous l'accompagniez jusqu'à l'autre bout du pays
pour rendre visite à ses parents. Cette perspective vous aurait normale
ment enchantée mais, en raison de la surcharge de travail que vous
subissez actuellement, vous jugez le voyage inopportun. C'est là un élé
ment qui doit entrer en ligne de compte au moment de lui répondre.Vous commencerez peut-être à vous inquiéter si vous répondez par
l'affirmative à la question de savoir si la satisfaction de la demande aura
des conséquences néfastes pour vous ou pour quelqu'un d'autre. C'est
votre baromètre d'intégrité qui vous annonce l'approche d'un orage.Vous découvrirez que la plupart des demandes se répartissent en
trois catégories :
• les demandes dont la satisfaction n'aurait pas de conséquences particulières ;• les demandes portant sur des questions importantes qui mettent en jeu votre intégrité ;
• les demandes concernant un choix de vie primordial ou dont la satisfaction serait source d'ennuis pour vous ou pour un tiers.
Chaque catégorie appelle, bien entendu, des décisions et des
réponses différentes. Dans les pages qui suivent, nous allons voir la
manière d'évaluer vos réponses et considérer les options qui conviennent dans chaque cas.
IL N ’Y A PAS DE QUOI
FOUETTER UN CHAT
Dans la plupart des relations, il faut prendre quotidiennement depetites décisions. L© coût et l'opportunité d'un achat, le meilleur endroitpour passer scs vacant cm , 1équilibre à trouver entre responsabilités pro-
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essionnelles et vie privée : on pèse sans cesse le pour et le contre.
Comme il ne s’agit pas de questions de vie et de mort, il n'est pas rare
qu'un désaccord en la matière laisse les deux personnes relativement
indifférentes. Car quoi qu’il arrive, nul ne subira de désagrément#importants. Si une friction surgit, elle s'explique vraisemblablement par
les moyens de pression exercés par le maître chanteur plutôt que par le
contenu de sa demande. Aussi certains cèdent-ils automatiquement aux
demandes de ce type en se disant que, tout compte fait, il n'y a pas dequoi fouetter un chat.
Certes, mais il convient néanmoins de faire preuve de prudence dansce domaine. Il faut essayer, dans la mesure du possible, de chasser le
mot automatique de vos rapports avec le maître chanteur. Pour insigni
fiante que semble l'affaire, examinez‘de près la demande et surtout la
façon dont elle vous est adressée. Faites-vous une idée claire des élé
ments qui, le cas échéant, vous gênent et replacez cet échange dans le
contexte de la relation dans son ensemble.
Mise en route du procédé
Quand Léa, la courtière en Bourse dont la mère débitait un flux continude comparaisons désobligeantes à son égard, m’avoua que, en raison
notamment des difficultés quelle rencontrait alors dans son travail, ellene supportait pas la perspective de devoir sortir dîner avec sa mère dansquelques jours - sur l'insistance de celle-ci, cela va de soi -, je l'invitai à
appliquer mon procédé.
« Mais enfin, s'exclama-t-elle, c'est ridicule! Bon, je suis effective
ment fatiguée, mais ce n'est pas comme si un seul repas avec elle allait
m'achever.- Je vous demande tout simplement de descendre la liste, lui dis-je.
Qui sait ce que vous allez trouver.
- D'accord, dit-elle, un peu à contrecœur. Je le ferai vite. Le seulaspect de l'affaire qui me dérange est que, lorsque je lui signalai ma
fatigue, ma mère répondit que ma cousine Caroline trouvait toujours dutemps pour elle. Cela ne me gêne pas de sortir avec ma mère, et ce serait
absurde de penser qu'accéder à sa demande ferait du tort à quiconque.
Se soucie-t-elle de mes sentiments ? Eh bien, pas tout à fait, mais d'un
autre côté, ce n’est qu'un dîner. Pourquoi le transformer en casus belli ?
Est-ce que, dans cette situation, ma mère me fait peur? Non. Est-ce que
je me sens obligée ? Un peu quand même. Coupable ? En quelque sorte,
oui. Et alors ? Je finirai probablement par y aller et par bien m'amuser,
car pour incroyable que cela puisse paraître, nous ptissoun en général un
bon moment ensemble. Qu'est-ce que cela m'apporte de céder à sa
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demande ? Cela me permet de contenter ma mère, ce qui me (ait tou
jours plaisir. » J'interrogeai Léa sur l'état physique dans lequel l'avait mise cette
liste de questions.« J'ai l'impression d'avoir le cou crispé et la mâchoire un peu ser
rée », dit-elle.
Son travail d'observation avait déjà attiré son attention sur l'importance de ces deux parties de son corps comme sièges de tension en cas
de colère.Contrairement à tant de maîtres chanteurs, qui, nous l'avons vu au
chapitre 5, excellent dans l'art de souffler sur les braises, nombre de
leurs victimes, dont Léa, ont tendance à dédramatiser les conflits
qu'elles vivent. Cela les amène souvent à minimiser ou à nier leur gêne,
si besoin est en faisant des acrobaties intellectuelles pour se persuaderdu peu de consistance de leurs objections aux exigences d'autrui.
Je conseillai à Léa de se poser quelques questions supplémentaires
sur la nature de la demande de sa mère afin de mettre en lumière sa
façon habituelle de réagir. Il ne s'agit certes pas de mettre sous la loupe
la moindre conversation ou de tuer, à coups d'analyses incessantes, toute
spontanéité dans vos rapports avec les autres. Mais, dès lors que vous
avez le sentiment de vous faire tyranniser, il convient de porter un regard
plus critique que d'ordinaire sur votre relation. Si vous vous soupçonnez d'être de ceux qui minimisent la gravité des situations, je ne peux
que vous inciter à vous poser les questions suivantes :
• Suis-je en train de prendre un pli ?• Est-ce que je réponds habituellement par des phrases du style « C'est
sans importance...», «Je n'ai pas de préférence...» ou «C'estcomme tu veux... » ?
• Si cela ne tenait qu'à moi, que ferais-je ?• Mon corps me transmet-il un message autre que celui que je reçois
de mon esprit? (Exemple: vous vous dites qu'il ne s'agit finalementque d'une sortie au cinéma et que vous irez même si vous n'en avezpas spécialement envie... puis vous remarquez que vous avez desaigreurs d'estomac.)
Si vous répondez par l'affirmative à ces questions, c'est qu'il est
temps de vous affirmer et d'exprimer vos propres désirs. Peut-être déciderez-vous malgré tout de céder, mais vous devez préalablement identi
fier les éléments de la demande qui vous chiffonnent et vous résoudre à
en informer l'autre. Autorisez-vous à dire : « Je ne veux pas... » ou : « Je
n'ai pas envie... », sans vous sentir obligé de fournir de longues explica
tions. Ne vous interroge/, pas sur votre droit de refuser une demande qui
semble sans grande importance. Le fait de vous défendre sur des ques-
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lions secondaires vous donnera l'occasion d’uiilncT les compétencéfl
qu'il vous faut pour tenir bon quand l'enjeu sera de taille.N'oubliez pas que c'est parfois la manière dont la demande est pfn
sentée qui paraît le plus irrecevable. La forme devient alors le contenu,
et l'on ne saurait en sous-estimer la portée.
Écoutons encore Léa :
Franchement, cela ne m’embête pas du tout de sortir avec ma mère. Ce qui
me fait royalement suer, ce sont les moyens par lesquels elle a obtenu mon accord. J’ai horreur de m’entendre comparer à Caroline, et je veux qu'ellt
arrête de le faire.
Les pressions exercées par le. maître chanteur peuvent avoir uncaractère blessant, agaçant ou humiliant. Il est donc indispensable de ne
pas les minimiser ou les laisser passer sous prétexte que le fond de l'af
faire a si peu d'importance que, de toute façon, vous ne comptiez pas
soulever d'objections. Dans le cas de Léa, il fallait surtout faire com4
prendre à sa mère que ses comparaisons négatives suscitaient une amer*tume grandissante. Oui, Léa pouvait l'emmener au restaurant, puis
qu'une soirée à deux ne lui posait pas de problèmes, mais elle avait
besoin d'expliquer à sa mère qu'il existait des moyens autres que lechantage affectif de solliciter sa compagnie.
Vacquiescement conscient
L'acquiescement conscient est le oui que vous prononcez après avoirmûrement réfléchi à la demande de l'autre et désactivé le mécanisme de
l'acquiescement automatique grâce au travail réalisé sur vos convictions,
vos sentiments et vos préférences. Utilisé à bon escient, il offre lesmeilleurs chances d'obtenir les résultats que vous souhaitez. Mais dites-
vous bien que cette forme de consentement ne peut être que le fruit
d'une réflexion rigoureuse et qu'elle découle des étapes de suspension et
$ observation présentées au chapitre précédent.
L'acquiescement conscient est le bon choix dans les cas suivants :
• Ayant examiné la demande de l'autre, vous concluez que la satisfairen'aurait pas de conséquences négatives. Elle s'est peut-être accompagnée de comportements déplaisants (lamentations ou bouderie,par exemple), mais ceux-ci ne sont pas habituels chez la personne etle recours au chantage ne caractérise pas votre relation dans l'ensemble. Qui plus est, pour fastidieuse que la demande puisse voussembler, elle n'est pas de nature à faire du tort il quiconque. Vousêtes donc fondé à considérer votre décision d’y AOCidtr comme l’ex-
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pression de* lu i«'« i|M«n i i «̂ dont se signale toute bonne relation, comme un utie de h ^ii ^io n Ii î qui, selon toute probabilité, vous sera rendu en retour.
• Ayant examiné la demande, vous jugez que la satisfaire n’aura pas deconséquences négatives tant qu’elle fait l’objet d'un échange équitable. Vous vous conformerez cette fois-ci aux désirs de l’autre s’ils'engage à vous laisser prendre à l'avenir une décision de valeuréquivalente. Par exemple, c'est son tour de choisir le lieu de vos
vacances ce sera le vôtre l'année prochaine. Ce n’est pas mon proposde vous engager à tenir une comptabilité mesquine de l’actif et dupassif de votre relation. Mais, dès lors que l'analyse de vos rapportsrécents avec l'autre vous révèle que la plupart des concessions sontde votre fait, vous saurez qu'un déséquilibre commence à s’ instaurerentre vous. Il faut le corriger avant qu'il ne s'accentue.
• Ayant examiné la demande, vous estimez que, sans que cela portepréjudice à quiconque, vous pourriez dire oui, mais seulement à certains de ses éléments. L’acquiescement conscient passe dans ce caspar la conclusion d’un marché : vous acceptez les aspects qui vousconviennent à condition que l’autre retire ceux qui vous gênent.
• Ayant examiné la demande, vous décidez d’y accéder pour une duréedéterminée, et ce, à des fins de stratégie. Vous savez pourquoi vousdites ou i et vous réfléchissez aux moyens de modifier les aspects de lusituation qui vous semblent inacceptables.
Les deux premiers cas de figure ne nécessitent pas d'explications
particulières : vous estimez que satisfaire à la demande ne vous poserai!
pas de gros problèmes, qu'il n'y aurait ni regrets, ni ressentiments, ni buts inavoués, ni déséquilibre ni affrontement. Vous avez la conviction
que, si vous parvenez à un compromis - ton choix aujourd'hui, le mien
demain -, l’autre le respectera.
Mais, comme les deux autres cas de figure sont d'une plus grande
complexité, il convient de les analyser à fond.
« Oui mais... »
Quand Léa se mit à réfléchir aux moyens de rendre moins pénible le
dîner à venir, elle se rendit compte qu’elle ne s’accordait qu'une seule
option : passer une soirée entière en compagnie de sa mère.
Je lui suggérai alors que ce ne serait pas la fin du monde si elle
annonçait son désir de rentrer rapidement après le repas. « Pensez-vous vraiment que je peux faire cela? demanda-t-elle.
Bien sûr ! répondisje. Il suffit de lui raconter que vous avez eu un<
semaine éprouvante et que vous la priez de vous excuser une fois l
dîner terminé. Vient ensuite le plus important de tout : il faut dire à volt
mère que vous ne voulez plui Mro comparée à Caroline dès que voi
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refusez d'accéder à l'une de ses demandes. Faites-lui comprendre qwânon seulement c’est une source de contrariété et de rancune, mais qutfcela vous dispose encore moins à lui consacrer du temps. Enfin, prévdnez-la que, chaque fois qu’elle recommence, vous taperez du poing sur lutable. Voilà le marché que vous allez lui mettre en main. »
Cette solution, pour évidente qu’elle paraisse, n’avait jamais effleupflLéa. Car les évidences lui échappaient, comme à tant d’autres individu!
perdus dans le brouillard du chantage affectif. D’où l’importance d'arrêter le jeu, de prendre du recul et d’observer. C’est ainsi que l'on parvientà explorer ce vaste territoire, juste au-delà de l'acquiescement immédiatdonné habituellement au maître chanteur. À partir du moment où, avantde répondre, on a acquis un point de vue lucide sur la décision àprendre, on peut généralement trouver“un compromis satisfaisant pourl’un et l’autre.
QUAND ON JOUE GROS JEU
Quelquefois, cependant, l’ examen de la demande qui vous est adressée révèle que si, il y a effectivement de quoi fouetter un chat. Même sivotre assentiment ne déclencherait pas forcément une grave crise, ilferait violence à vos principes et à votre dignité. Bien avant que vous en
preniez conscience, d’ailleurs, le malaise commence à s'emparer devous. La demande comporte décidément quelque chose qui va à rencontre de votre nature et, ne serait-ce que de façon confuse, vous pressentez que vous ne pouvez l’accepter placidement.
Comme bon nombre de victimes du chantage affectif, Zoé se montrait très imaginative quand il s'agissait de trouver des explications rassurantes à sa gêne et à ses doutes. Mais, dès qu’elle se mit à étudier deprès le caractère des exigences que lui faisait Tess, elle comprit le peu de
fondement de ses propres justifications.
Tess a beau m’assurer qu’elle est capable d’assumer ces nouvelles responsa- bilités, ditelle, je n’y crois pas. Et pourtant, j ’aimerais, en tant qu’amie et en tant que supérieur, lui donner sa chance. Voilà pourquoi je me sens si tiraillée. Je ne veux pas la décevoir ou paraître insensible, mais cela m’in- quiète de lui confier un client aussi important pour notre société. Au départ,
je me soupçonnais de perfectionnisme, alors que le fond de l'affaire, c’est
que ce n’est pas une mission pour une débutante, un point, c'est tout. Cela nous mène au point de savoir si cette décision porttrait priffudice à quel- qu'un. La réponse, c ’est que moi, je risque d’en souffrir si nous ne parve
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l ions qu'à un fin vu II médiocre, et que plusieurs autres collaborateurs pour- raient en sortir avec leur réputation ternie.
Le simple fait de vous poser une question comme « Accéder à cettedemande aurait-il des conséquences négatives pour moi ou quelqu’unil*autre? » vous aidera parfois à dépasser la vue myope de la situation
que le maître chanteur cherche à imposer. C'est de cette manière queZoé a découvert qu'elle ne pouvait confier des responsabilités accrues à Tess sans compromettre son intégrité personnelle et professionnelle etqu’elle devait donc faire preuve de fermeté.
L’argent n ’achète pas tout
Jeanne était très tentée par le marché en apparence alléchant que luiproposait sa sœur. Elle n'aurait qu'à avancer 5 000 francs à Carole pourpouvoir réintégrer la famille qui lui faisait tellement défaut.
S’il y a des chances, même faibles, que ce prêt nous rapproche, ditelle, je ju- gerai que cela vaut la peine de le lui consentir. Je sais que c'est peu probable, compte tenu de notre passif, mais d'un autre côté, Carole a peutêtre changé. Peutêtre que cette foisci tout ira bien. En plus, j ’aiderais ainsi ses enfants. Je
ne risque de perdre que 5 000 francs. Ce n’est quand même pas une fortune.
Jeanne voulait bien prêter cette somme pourtant considérable, quitteà ne plus jamais la revoir, car elle s'estimait capable de la passer parpertes et profits. Mais ce à quoi elle ne pouvait se permettre de renoncer,c'était son intégrité.
«Je vous prie de ne pas me parler d'intégrité en ce moment, selamentait-elle, car je dois me décider tout de suite. Carole m'a prévenuequils vont bientôt se trouver à la rue. Sans vouloir vous vexer, je vous disque toutes ces élucubrations psychologiques n'ont rien à voir dans cetteaffaire.
- À mon avis, c'est parce que vous subissez des pressions énormesque vous avez cette impression, répondis-je. Je vous demande donc unpeu de patience. Parcourez la liste de questions et jugez par vous-mêmesi elles continuent de vous sembler sans pertinence. »
Pour aider Jeanne à comprendre le rapport entre un concept aussinébuleux que l'intégrité et la décision quelle devait prendre, je lui proposai de répondre aux questions présentées ci-dessous. Nombre de ceuxqui m’ont consultée les trouvent utiles quand une demande provoquechez eux un vague maluUc difficile à cerner ou lorsqu'ils souhaitent évaluer le coCtt réel d'une décision^
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186 DE LA COM PRÉHEN S ION A L 'ACT IO
En disant oui dans ce cas, est-ce que...
• ... j'ai le courage de mes convictions ?• ... je permets à la peur de dominer ma vie ?• ... j'affronte ceux qui m'ont déjà fait du tort ?• ... je définis mon être plutôt que d’en laisser le soin à autrui ?• ... je tiens mes engagements envers moi-même ?
• ... je veille à mon bien-être physique et psychique ?• ... je trahis quelqu’un ?• ... je dis la vérité ?
Comme vous l'aurez remarqué, ces questions ont en commun dereposer sur la notion d'intégrité : elles permettent de tester votre fidélité
à vous-même. Certaines d'entre elles ont bien donné à réfléchir à Léa. J
Estce que j ’affronte une personne qui m’a fait du tort ? Cette question m'a
atteinte comme une douche froide, ditelle, puisque je considère Carolé , comme quelqu’un qui m’a souvent blessée. D’ailleurs, elle agit de même aveù 1les autres, sauf qu’ils ne le lui disent jamais. Puis la question sur mes engct*' gements envers moimême : le fait est que, à la suite de notre dernière disputé financière, je m’étais juré que je ne la laisserais plus me mener par le bout du nez •En matière d’argent, elle n’est tout simplement pas digne de confiance
Mais la question la plus terrible a été celle qui porte sur la vérité. Carole n’a pas changé, pas plus que notre famille dans son ensemble. Ce serait donc
folie d’imaginer qu’il suffirait de rédiger un chèque et de donner un coup de baguette magique pour instaurer un climat de chaleur et de bonheur par- tagé. Estce que je trahirais quelqu’un si je lui cédais ? Oui : moimême.
Après un long silence, Jeanne demanda :
Comment aije pu fermer les yeux sur tous ces éléments et faire comme s’ils n’avaient jamais existé? Cette idée me déprime beaucoup plus que mon
empressement à jeter 5 000 francs à l ’eau.
Lorsqu'on sollicite de vous un prêt, il semble en général que votre
décision dépende de la réponse à cette double question : en ai-je les
moyens, et puis-je compter sur le sérieux de mon débiteur? Or, en réalité, une affaire d'argent n'est pas qu'une affaire d'argent quand elle
concerne des intimes. C'est un symbole puissant d'amour, de confiance,
de compétence, de victoire et de défaite. Des amis ou des proches vivant
à des niveaux différents de réussite économique éprouvent souvent des
jalousies et des ressentiments qui empoisonnent leurs rapports. Par ail
leurs, il arrive couramment que les membres d'une fûmlllfl s'enferment
dans une distribution rigide des rôles: le sauveteur héroïque, l'enfantirresponsable et d'autres encore.
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187
Jeanne se rendit compte que c'était le cas dans sa famille. S'esti
mant désormais en mesure de décider en connaissance de cause, elle
refusa la demande de sa sœur, car elle savait que céder à ce chantage
serait une tentative pour acheter un bonheur qui n'existait pas. En
outre, elle aurait ainsi permis à Carole de continuer dans la voie de
l'étourderie financière quelle et son mari suivaient depuis des années.
(Je lui rappelai que des chantages de ce type ont rarement un caractèreunique, la première demande d’argent libérant le plus souvent une ava
lanche d’ autres demandes.) Enfin et surtout, Jeanne aurait été
contrainte de nier des vérités durement conquises et de transgresser des
vœux auxquels elle tenait beaucoup, au détriment de sa dignité person
nelle. L'accroc à son intégrité aurait un prix bien supérieur aux 5 000
francs sollicités.
L’intégrité dans l'intimité
C'est notamment dans l'arène sexuelle que l'on perd pied face à des pres
sions ou à des attentes différentes des siennes. Il n'existe guère de
domaine où l'on soit aussi vulnérable, aussi nu, où l'on désire aussi
ardemment être accepté, et accepter. Si vous ne dites pas à votre partenaire ce qui vous plaît et ce qui vous déplaît, ce qui vous excite et ce qui
vous gêne, il ne peut y avoir d'intimité réelle. En revanche, on ne veut pasvexer l’ autre ou se fermer aux jeux et aux expériences. On sait que chacun
a un niveau de désir et de détente qui lui est propre, et l’on tient à respec
ter celui de son partenaire. On connaît aussi la puissance de la sexualité
comme moyen de conquérir celui ou celle que l’ on désire... et de mani
puler l’ autre en refusant de lui donner satisfaction. C’est pourquoi on
risque, si l’on n’y prend garde, de décider de son comportement sexuel
pour de mauvaises raisons : pour prouver sa capacité de séduction. Pour
se montrer libéré et spontané. Pour faire valoir ses « droits de propriété »sur l'autre. Pour punir. Pour échapper au brouillard du chantage affectif.
Comment vous orienter dans un domaine aussi sensible, aussi
trouble ? Il n 'y a pas de règles du jeu en dehors de celles que votre parte
naire et vous-même définissez. D'où la nécessité d'avoir une idée très
claire de vos désirs et besoins et de bien examiner les demandes dont
vous faites l’objet. Puis, comme dans le reste de votre vie, vous devez
évaluer l’ impact sur votre intégrité de toute demande que vous jugez
gênante et trancher en fonction de cette évaluation. Vous semble-t-il queles questions de vie sexuelle sont trop délicates ou trop complexes pour
se prêter à la même rigueur analytique que nous avons appliquée jusqu'ici? Vous verrez bientôt qu'elles sortiront indemnes de cet examen,
de même que vous.
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S’agitil d’amour ou de pouvoir ?
188 DU LA COMPREHENSION A L ACTf t)|
Comme une relation sexuelle est par essence affaire de réciprocité, il n' ya pas de mal à donner tout simplement pour faire plaisir à l'autre, Pap
exemple, un homme veut un jour faire l'amour au réveil, alors que an |femme, encore à moitié endormie, n'en a pas vraiment envie, mais fille* |accède à sa demande parce qu'elle est contente de le satisfaire. Elle litf perd rien, et son intégrité n'est pas en jeu, sauf si cette situation, oii 1
l'homme décide et la femme s'y soumet sans désir ni enthousiasmé«
devient la norme dans leurs rapports. Mais dans toute relation équili- |brée entre partenaires sexuellemenjt compatibles, des concessions de ct l
type ne devraient pas porter atteinte à votre intégrité tant qu'ellei 1
demeurent exceptionnelles et qu'elles n'acquièrent pas le caractèrfl d'une corvée désagréable. De même, une femme peut demander à son]
partenaire de se prêter à l'un de ses fantasmes (« Mets tes bottes de cow? ] boy... »). Cela ne correspond peut-être pas aux fantasmes de l'hommB
mais, dans une relation saine, chacun demande du plaisir et en donne.»
Il faut toutefois se sentir suffisamment libre pour pouvoir se protégera
face à une demande qui paraît extrême ou dangereuse. Hélène (le pro-j
fesseur de lettres rencontré au premier chapitre) me fit part de la gênfl
terrible qu'elle éprouvait le soir où elle accepta de faire l'amour avecl Patrick à seule fin de récupérer son affection, alors quelle s'écroulait de ] fatigue et de stress. « J'ai senti, me dit-elle, que je touchais le fond. Il me 1
culpabilisait tellement que j'ai fini par céder, même si j'étais sur les | rotules. J'adore faire l'amour, mais je n'ai absolument pas pris de plaisii*!
ce soir-là. J'ai eu l'impression de me faire utiliser, d'être invisible. »Je rappelai à Hélène que c'est une chose d'être accommodant avec 1
l'autre un soir où l'on aurait plutôt envie de lire tranquillement, mais 1 que c'en est une autre d'accepter, après avoir subi des pressions, de faire 1 l'amour quand on va mal. Saisissant rapidement la nuance, elle m'an- \ nonça : « J'aime Patrick, mais ma décision est prise. C'est la dernière fois j
que cela se passera comme ça. » Elle me demanda cependant de l'aider à tenir bon, et dans le chapitre suivant, vous découvrirez les réponses que
je lui ai conseillées de donner au cas où ce scénario se reproduirait.
Harceler un partenaire peu disposé à faire l'amour pour l'amener à
céder est un acte particulièrement hostile. Celui qui est tenté de capitu
ler dans ce cas doit donc se poser cette question : quel est le véritable
enjeu de la situation? Est-ce l'amour, ou le pouvoir, la domination, le
triomphe de l'un sur l'autre? Si c'est l'amour, l'autre personne mon
trera un peu de compassion envers son partenaire. Dans le cas
contraire, il faut impérativement que ce dernier protêgt? sa dignité et
son intégrité.
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besoin de la part de Frank ainsi que les comportements qu'elle jugeait admissibles et inadmissibles. Elle me demanda : « Est-ce que ça va si Jflfais deux listes, d'abord celle où je traite quelqu'un de tous les nomflJ
puis la vraie liste ? Je sens que j'a i besoin de me défouler. »
Si vous avez pris l'habitude de refouler vos doutes et de chasser votrf
contrariété à coups d'arguments prétendument rationnels, il vouiconviendrait vraisemblablement de faire de même - ou de rechercher un
autre exutoire anodin pour votre frustration - avant de vous attaquer A
votre liste. Car pour simple que vous paraisse l'énumération de vol
besoins et de vos désirs, il faut souligner que nombre de victimes du
chantage a ffectif rentrent depuis si longtemps leur ressentiment qu'ellei
se trouvent au bord de l'explosion.
Un moyen particulièrement efficace de décharger des émotions vio*,
lentes consiste à vous installer face à une chaise vide et à imaginerl'autre personne assise dessus (le cas échéant, en y posant une photo
d'elle). Ensuite, vous direz tout haut les pensées et les sentiments que
vous avez refoulés. Exprimer ainsi votre colère en l'absence du maître
chanteur présente le double avantage de libérer de l'énergie et de clari- i
fier les enjeux dans votre esprit, alors que, si vous commenciez par ful
miner en sa présence, non seulement vous parviendriez difficilement àdétendre l'atmosphère, mais vous risqueriez au contraire de la charger
encore davantage.Voyons la façon dont Sarah s'y est prise :
Je ne comprends pas ce qui nous arrive, Frank. Tu me traitais si bien au
début. Je te croyais vraiment attaché à moi. Mais l ’amour n'est pas une épreuve. Je suis ton amie, ton amoureuse, et un jour peutêtre je serai ta
femme, mais je trouve tout simplement monstrueux le nombre de condi• <
tions que je dois remplir pour pouvoir prétendre à ton amour. Quoi ? Tu ne
veux plus m’épouser parce que je ne fais pas de babysitting pour ta sœur ? Quelle mesquinerie! Comment osestu m’évaluer en fonction d’un tel cri-
tère ? L’amour ne s’achète pas, Frank, et quelles que soient les pressions que tu fais, je refuse d’acheter le tien. Non, mais ! Tu me prends pour qui ? Com- ment peuxtu être aussi ignoble ? Arrête ! Je te dis d’arrêter!
À la fin de sa diatribe, Sarah haletait. Puis elle se tourna vers moi, lesourire aux lèvres et dit : « Bon. Je suis prête à dresser ma liste. »
J'ai tenu à lui préciser qu'il ne faut pas confondre affirmation de ses
attentes et volonté de domination. Tout ce qu'il faut faire, c'est dire ensubstance: «Voilà ce qui rendrait notre relation plus satisfaisante pourmoi. »
Sarah élabora donc la liste suivante :
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1. Les mis®» h l'éprouve sont terminées. Soit tu veux m'épouser, soit
lu ne veux pas. Je t'aime et j'ai envie de me marier avec toi, mais je ne
ferai plus de prouesses pour t’en convaincre. Si tu doutes à ce point de
moi, parle-m'en et nous chercherons ensemble à aplanir les difficultés.
2. Je t’aime, et je souhaite aussi élargir le champ de mon activité pro
fessionnelle. J'estime que l’un n’exclut nullement l’autre. Mais si tu n’espas du même avis, c’est qu'il y a un problème fondamental dans notre
relation. Mieux vaut le savoir dès maintenant plutôt que de le découvrir
par la suite.
3. Il faut que tu cesses d'utiliser mes réticences à céder à toutes tes
exigences comme prétexte pour mettre en cause la profondeur de mon
attachement. Il n’y a aucun rapport entre ces deux questions.
4. Si tu veux quelque chose de moi, demande-le, et je ferai mon pos
sible pour te donner satisfaction tant que je n’y vois pas d’ inconvénient
majeur. Mais j ’ai besoin de me sentir suffisamment à l’aise pour refuser
clans certains cas, sans pour autant avoir l’ impression de commettre un
crime contre l’humanité.
« Je suis vraiment contente d’avoir dressé cette liste, me dit Sarah,
mais je commence à m’inquiéter. Que faire s'il éclate de rire ou s'il merétorque qu’il n’en est pas question ?
- Vous ne le saurez que si vous sautez le pas. Vous pouvez répéter
toute seule votre discours jusqu’à ce que vous soyez à l’aise, et ensuite le
lui prononcer en observant sa réaction. N'oubliez pas que vous en êtes
encore au stade du recueil d'information, où il faut éviter d'avoir desidées arrêtées mais où vous devez quand même rester très attentive.
Poür l’instant, vous prenez deux décisions : vous allez d’une part infor
mer Frank de vos besoins, et d’autre part attendre de voir sa réactionavant de vous décider sur l’ avenir de votre relation. »
Le désamorçage d'une crise de couple
l 'H E U RE DES n i t i R I f i f i1i
Élisabeth, qui rentrait sa colère depuis des années, eut une réaction
excessive quand Marc protesta contre son projet de se remettre à tra
vailler. L’un et l’ autre avaient proféré des menaces : elle avait parlé de lequitter et lui avait juré de la laisser sans argent et de la séparer à jamais
de leurs jumeaux. Plus elle considérait l’exigence de son mari - qu'elle
reste femme au foyer-, mieux elle comprenait qu'elle ne pouvait y accé
der sans renoncer à une dimension vitale de son être.
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Je proposai à Élisabeth d'écrire une lettre à Marc dans laquelle c exprimerait ses sentiments et exposerait une nouvelle fois ses attentes, elle estimait lui devoir des excuses, c’était l'occasion de les lui présent
et je r incitai à se garder, à l'instar de Sarah, de toute acrimonie.Il s'agit là d'un mode d'expression assez judicieux, surtout lorsq
les rapports avec le maître chanteur se sont sensiblement dégradés, vous protège contre le risque de vous troubler à tel point que voi
oubliez ce que vous vouliez dire et il vous aide à définir les questions q
comptent le plus pour vous. Bref, c'est un moyen de maintenir une cc
taine élégance dans des conditions de stress.
Voici la lettre d'Élisabeth :
CherMarc,
Pourquoi ai-je choisi demettre parécritmespenséesetmessentimentsaulieudechercheràtelescommuniquerdirectement?Pourplu
sieursraisons,dontlaplusimportanteestquej'ensuisvenueàcraindre
leséclatsdecolèreauxquelsj'aidroitchaquefoisquej'essaied'aborder
lesujetdenotrerelation.Depuisquetuascommencéàmemenacerdes
conséquencesterriblesquej'auraisàsubirsij'entreprenaisdedivorcer,
mescraintes ont redoubléd'intensité.Dans cesmomentsdecrise, je
cessed 'yvoirclair, tout sebrouilledans ma tête etje n’arrive plusà
m'exprimerdefaçoncohérente. Ilfaut direquetumecoupes laparoledèsquej'effleureunproblèmedonttuneveuxpasentendreparler.C'est
pourcelaquejepréfèret'écrire.Peut-êtrequecelamedonneralapossi
bilitédestructurermesidéesetdebienlesprésenter.
J'espèrequetulirascettelettredudébutàlafinetquenouspourrons
parla suite endiscuter tranquillementet rationnellement, sans tomber
danslepiègedel'affrontement.
Jeneveuxpastequittertantquejevoisunechancedereconstruire
notrerelationetdel'asseoirsurdesfondationsplussainesquifavorisent
l'amouretl'égalité.Jecontinued'éprouverénormémentd'amourpour
toiendépitdetout lemalquetum'asfait cesdernièresannées, etje
saisquetuaslesmêmessentimentsenversmoi.Tupeuxêtrel'homme
le plus chouette (et le plus séducteur!) du mondemais, pourque je
reste, ilfau tquetuassumes50%delaresponsabilitépourlamauvaise
tournure qu'a prise notremariage et 50 % de l'effort requis pour leremettresurlesrails.
Jem'engageàenfaireautant.D'ailleurs,jecommencetoutdesuite:
je reconnais quema réaction a été excessive quandtu essorti de tesgondsenapprenantmon intentionde reprendre ma formation. Jesais
égalementque le faitquej ’évoque l'éventualité dudlvorct at que je
consulteunavocatacontribuéàtacolèreetàtonattitudemenaçante, Il
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sembledoncqueohacundenousaitjetédel'huilesurlefeu,alorsqueni
toi nimoi n'avons réussi à communiquernossentiments réels. J'étais
déterminée ô te montrerque tu nepouvais pas dirigerma vie, etje
regrettesincèrementdem’yêtresimalprise.Avantd'avoircommencémathérapie,jenetrouvaispaslesmotspour
caractériser notre relation, mais cen'es t plus lecasaujourd'hui. Celas'appelle chantage affectif, et pour nous cela remonte loin. Déjà à
l'époque, certes, jejugeaisinfantilese tinsultantestes petitespunitionscommelefaitdedécrocherledispositifd'ouvertureautomatiquedu
garage,maisellesnemesemblaientpaspeserbienlourdparrapportà
touslescôtésformidablesdenotremariage.Jemerendscompteaujour
d'hui dema partde responsabilité: j'auraisdûte fairecomprendre le
caractèrehumiliantdecesactesetmonrefusd'ensupporterd'autresà
l’avenir. Et maintenantquetes chantages ont atteint le niveau de la
menace etdel'ultimatum, il fautdes transformationsprofondesdansnotremariage,fautedequoijeseraiobligéedepartir.
Je m'applique, dans ma thérapie, à retrouver ma dignité, et je
découvrepeuàpeucequ'ilyaaufonddemoiquim'apermisd'accepter
pendanttellementlongtempslechantageaffectif.Maisjenepeuxyarri
vertouteseule.Jeconnaisbienlamanièreincisiveaveclaquelletuaimes
résoudrelesproblèmes.Jevaisdonct'indiquercequi,demonpointde
vue, doit sepasserpourquenousayonsunechancede sauvercette
relationquiavaitsibiencommencé.
1. Lesmenacese tlescomportements tyranniquesdoiventcesser
immédiatement. Cette revendication n'estpas négociable. Commeje
saisquetun'espasenmesuredegarderpourtoitoutnotreargentetles
enfants,jet'assurequetudépensestasalivepourrien.Situesencolère
contremoioueffrayéparla perspective demeperdre, tu peuxme le
dire, maisje nete permettraipasdemetraitercommeunenfantdéso
béissantet,siturecommences,jequitterailapièce,oumêmelamaison
s'il lefaut. (Jenesuispourtantpassûrequetuparviendrastoutseulà
maîtriserta colèreou le côtédetoi qui te pousseàagirainsi, et c'est
pourcelaquejeSeraisraviesituconsultaisunthérapeute.)
2.Jeveuxquenousréservionstouslessoirsunmomentaprèsque
lesenfants sontcouchéspendantlequelnousnousparleronsavecdou
ceuret correction.Nousavonstousdeuxdesdoléances, etjenem'at
tendspasà des transformationsinstantanées,maisnousdevonsnéan
moins en discuter à fond afin de rechercher des compromis et des
solutions.
3.Jemerendscomptequetutiensbeaucoupplusàl'ordrequemoi
etqueje laisseeffectivementtraînerpasmal d'affaires. Je consentirai
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DE L A COMPR ÉH EN S ION A L ' A C T IQ
doncuneffortderangement,maisjeteprieencontrepartied'assouplirquelquepeutesnormesetdediminuerlapressionsurlesenfantsetsurmoi.Plutôtquedemepunir,tupourraispeut-êtresongeràm'aider.
4. Jeneveuxplust'entendrehurler.Nonseulementtescrisontquelquechosedeprofondémentblessant,maisilsmerappellenttroplecomportementdemonpère,etcelamefaitpeur.
J'espèredetoutmoncœurquecesconditionsteparaissentacceptables.Sic'estlecas,tupeuxcomptersurmoipourytravailleravectoi.Jeteproposeunepérioded'essaidedeuxmoisauboutdelaquellenousferonslepointdesprogrèsréalisésetdenossentiments.Encemoment, j'aiassezpeur,maisj’aiaussibonespoir.Jecroisque,sinoussavonsenprofiter,cettecrisepeutnouspermettrededégagerlavoied'unmariage
bienmeilleur.TonÉüsabeth
Comme Marc s'était auparavant comporté de manière vindicative et
hargneuse, Élisabeth ne pouvait prévoir sa réaction à ce message de
revendication et d'espérance. Mais, en tout état de cause, le fait de
l'avoir écrit représentait pour elle un grand pas en avant.
Face au chantage dans la vie professionnelle
Lorsque l'on subit des chantages dans le cadre de son travail, on craint
parfois de se trouver face à un problème insurmontable, surtout lorsque
le chantage est le fait d’un supérieur. Les récits sur les « chefs cauche*i
mardesques » ne manquent pas, et le déséquilibre de pouvoir qui leâ
sous-tend ne fait que renforcer l'indignation qu'ils soulèvent. Sachantque ses moyens de subsistance sont entre les mains d'un maître chan
teur, on cède à celui qui tient les cordons de la bourse. De même que
dans une relation amoureuse, on laisse parfois passer certains incidents,
leur permettant ainsi de s'accumuler et de s'aggraver au point que l'on
estime finalement n'avoir plus d'autre choix que de démissionner.
Élargir la gamme des options
Cécile, la rédactrice de magazine rencontrée au chapitre 4, avait l'im
pression de vivre en état de siège :
Je n’en peux plus. Je passe ma vie au bureau, où tttêM n io în i sont devenues
de simples appendices de l'ordinateur et du télépltOU 0<Ji suis tellement
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épuisée qup ¡t> n 'arrive plus à penser, et mon chef ne me lâche pas avec ses comparaisons désobligeantes. Il me demande d'atteindre un niveau qui est
hors de portée. Contrairement à certains de mes collègues, je ne suis pas une fana du travail. Cela veut dire que, si je ne tiens pas cette cadence effré-
née, je glisserai bientôt vers la liste des collaborateurs que cette entreprise
cinglée est en train d’établir pour la prochaine charrette de licenciements.
Je ne vois guère d’autre issue que de chercher un autre travail. Mais toute cette expérience a tellement miné ma santé physique et mentale que,
quand je rentre chez moi le soir, je dois faire un énorme effort pour éviter de
fondre en larmes ou de crier après quelqu’un qui ne le mérite pas. Je ne
peux pas arrêter de travailler, nous avons trop besoin de mon salaire. Le
mot enfer commence à avoir un sens très précis pour moi.
De toute évidence, les choses ne pouvaient pas rester en l'état. Les
exigences de son travail mettaient en danger la santé de Cécile, et pourtant, elle avait réduit à zéro ses options en disant « Je ne vois guère
d'autre issue que... » Pour sortir de l'impasse, elle devait se résoudre à
définir par elle-même ses besoins et ses désirs, puis se mettre à réaliser, lût-ce peu à peu, les changements qu'elle jugeait primordiaux.
Nous avons pris pour point de départ les exigences de son supérieur.« Je ne sais même pas par quel bout commencer, se lamenta Cécile,
puisqu'il ne s'agit pas d'une seule demande, mais d'une suite ininter
rompue d'exigences. I l me croit capable de travailler sans relâche, mai»
il a tort.
- À quoi se résument alors toutes ses exigences ? demandai-je.
- À cette idée : faites ce que je vous dis, sinon...
- Sinon, quoi ?
- Sinon, je vous mettrai à la porte ou, du moins, j'annoncerai à qui
veut l'entendre que vous n'arrivez pas à la cheville de Marianne, cette
rédactrice sans pareille. Or, dès l'instant que je ne suis plus indispen
sable, je n'aurai plus qu'à attendre ma lettre de licenciement.-Vous évoquez souvent les comparaisons négatives qu'il fait avec
Marianne, mais qu'est-ce qui vous permet de penser que, si vous n'ac
ceptez pas chaque tâche qui vous est assignée, votre poste sera menacé ?
Votre chef a-t-il tenu des propos explicites à ce sujet ?
- Pas vraiment, mais cela se sent quand même. Tous les collabora
teurs de la revue savent qu'ils n'ont pas intérêt à tomber en disgrâce.
- Lui avez-vous déjà parlé des douleurs que votre travail vous donne
aux bras et au cou ?-Vous plaisantez? s'exclama-t-elle. Dans cette entreprise, chacun
n'est qu'un simple rouage de la machine. »
Je fis remarquer à Cécile qu elle agissait à partir de plusieurs hypo
thèses qu 'elle n'avait guôftf tr ’.uv. Knsuite, je lui proposai de définir ce
r L'HEURE DES D tC lIIO N R 185
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Cela s'appelle stratégie
Si, d'après voire expérience avec votre supérieur, toute tentative de dialogue ou de résistance de votre part risquerait de vous attirer de gravesennuis, vous pouvez, bien sûr, envisager de vous plier provisoirement.
Comment parvenir à un modus vivendi avec un chef qui, en plusd'être maître chanteur, se montre irrationnel, soupe au lait et superbe
ment méprisant? Même si la plupart des individus ne se sentent nicapables ni disposés à faire violence à leur personnalité juste pour gagnerleur vie, il semble parfois que c'est précisément ce que l'on exige d'eux. Ilsreconnaissent la nécessité de mettre un terme à une situation intolérable,mais, à moins de posséder d'importantes réserves ou d'avoir reçu uneautre offre d'emploi, ils ne peuvent s'offrir le luxe d'un départ fracassant.
La réponse à notre question est qu'il faut rebaptiser votre comportement : au lieu de l'appeler adaptation ou soumission, vous lui donnerez
désormais le nom de stratégie. Grâce à ce seul changement de vocabulaire, vous vous verrez beaucoup moins comme une victime désarmée.Le mot stratégie comporte l'idée d'un choix, d'un plan élaboré dans votreintérêt, et il doit en être ainsi. Est-ce de la malhonnêteté que de fairesemblant de se plier pendant que l'on cherche la sortie de secours ? Pasdu tout. C'est tout simplement veiller à sa survie.
Voici les quelques règles de base de cette «stratégie d'adaptationprovisoire » :
1. Ne tolérez rien qui risque de nuire à votre santé.S'il y a un domaine où vous devez impérativement vous protéger,
c'est bien celui-ci. Pas question d'accepter des demandes qui mettraienten péril votre équilibre physique ou psychique.
2. Appliquezvous à redéfinir pour vousmême votre travail.Plutôt que de vous répéter que votre entreprise, c'est le bagne, com
mencez à envisager votre collaboration comme un simple moyen d'atteindre un objectif librement choisi. À titre d'exemple, vous vous direz :« J'ai décidé de rester dans cette situation jusqu'au jour où j’aurai suffisamment d'économies pour pouvoir m'en éloigner. » Si vous vous trouvez vers le bas de la hiérarchie, mettez toute votre énergie dans l'acquisition de nouvelles compétences en profitant des formations proposéeset du contact avec des collègues expérimentés. Bref, transformez votreinsatisfaction en projet.
3. Établissez un programme et un calendrier.On ne saurait confondre celte règle avec l'idée de supporter indéfini-
ment une situation éprouvant». Il N'ugit au contraire de réfléchir auxmesures à prendre pour la ijuIium. Pensezvous rechercher un autre
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emploi? Suivre une formation? Demander votre intégration dans uneautre équipe ? Viser une promotion ? Mettre de l’argent de côté ? Tâche/d'être le plus précis possible quant à l'effort à consentir et aux délaisprévoir, puis engagez-vous à respecter votre programme.
4. Envisagez des actions modestes mais susceptibles d ’améliorer la
situation.
Inutile de précipiter l'affrontement avec un chef irrationnel ou tyrannique, surtout si vous avez la conviction que cette option mettrait en jeuvotre emploi. En revanche, vous pouvez très bien prendre des mesures deportée limitée afin de tâter le terrain et de clarifier votre position. Ainsi,Cécile pourrait se détourner de son comportement habituellement soumis en annonçant à son supérieur que, en raison des projets importantsqu'elle avait pour tel jour, elle ne serait pas disponible au moment où ilavait besoin de son concours. Peut-être découvrirait-elle à sa grande surprise qu'il voulait bien essayer de l'arranger plutôt que de la déranger^
Quelquefois, le pire tyran finit par céder face à une résistance déterminée!Et pour paradoxal que cela puisse paraître, on force ainsi son respect.
À partir du moment où vous avez décidé de tirer le meilleur partid'une situation difficile, vous remarquerez une nette diminution duniveau de votre stress. N'oubliez pas que vous protégez votre intégritéen veillant à votre bien-être et en faisant des choix dictés par uné réflexion stratégique plutôt que par la peur.
Face au mur infranchissable
Dans certains cas, cependant, il faut savoir dire « Stop ! » Ayant essayéde fixer des limites et de bien communiquer ses attentes à l'autre, on sevoit néanmoins contraint de dresser un constat d’échec.
Maria chercha pendant plusieurs mois à travailler avec Paul à lareconstruction de leur mariage : en vain.
Je lui ai donné toutes les possibilités que je pouvais, me racontatelle. Nous avons parlé et encore parlé. Je lui ai demandé de m’accompagner ici, chose
à laquelle il a consenti une seule fois, et nous avons discuté du problème
avec un ami intime. Mais Paul lui a fait son numéro de charme, mentant de
façon éhontée pendant toute la conversation.
Une relation ressemble à du lait frais : à condition de le remettrerapidement au réfrigérateur, on réussit parfois à le conserver encore,mais, dès qu'il commence à tourner, c'est sans remède. Je* demandai àMaria si cette image correspondait à son expérience avec Pnul.
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Je craint que oui, réponditelle. Je ne peux pas le laisser me traiter de la
sorte. En plus, ce serait condamner les enfants à vivre dans une ambiance
de tension permanente. Je suis à deux doigts de craquer et, quand je les
observe, j ’ai l ’impression qu’ils le sont eux aussi. C’est déjà difficile d’avoir
une maman aussi malheureuse que moi, mais imaginez le modèle que leur
propose ce père menteur et coureur de jupons !
Je vous le dis carrément: j ’ai considéré cette situation sous tous les angles possibles afin de trouver le moyen d’éviter l’éclatement de ma famille.
Je souffre le martyre du fait de devoir prendre cette décision. J’ai l ’impres-
sion de me couper un bras. Mais j ’ai compris que ce sera finalement le choix le moins mauvais pour les enfants aussi. Comme moi, ils auront à
long terme une vie meilleure. Chaque fois que je parviens à me calmer, je
vois clairement que je ne pourrais rien leur infliger de pire que l ’obligation
de vivre avec un père comme Paul et une mère triste et aigrie, une m a t e r
dolorosa. Nous avons tous besoin de chasser ce poison de notre vie. C’est la
seule façon de guérir.
Je rassurai aussitôt Maria en lui expliquant que, ayant observé d'innombrables familles au cours des années, je ne doutais pas un seul instantde la justesse de sa décision. Bien des couples se croient obligés de resterensemble « dans l’intérêt des enfants », alors que l’expérience m'a montré
qu'il est beaucoup plus traumatisant et déstructurant pour ceux-ci d'assister quotidiennement à l'animosité réciproque de leurs parents malheureux et désespérés que de vivre la rupture nette que permet le divorce.
Maria avait atteint la sagesse qu'il lui fallait pour commencer àretrouver sa paix intérieure. Mais il lui restait encore la nécessité dedéfendre sa décision.
Défendre la vérité telle qu'on la connaît
Régine aboutit elle aussi à la conclusion qu'une rupture s'imposait. Ellene pouvait tout simplement plus maintenir le contact avec sa famille.
Pour moi, ditelle, il est vital qu’ils admettent et qu’ils croient ce que je raconte sur les violences que mon père m’a infligées au cours de mon enfance.
Cela n’a aucun sens de fixer des conditions à la poursuite de notre relation, car ce sont des gens que je connais depuis toujours et dont je devine déjà la
réaction. Ils contesteront la vérité de mon enfance et me traiteront de folle.
Vous les avez rencontrés. Vous savez aussi bien que moi qu’ils font cause
commune face â moi et que je ne peux pas leur donner ce qu’ils demandent,
c'estàdire accepter leur version de la réalité. Pas en tout cas si je veux éviter
la démence. Je pense ou fond que, ait le départ, vous avez eu raison sur l'ai
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tentative devant laquelle je me trouve : ma famille ou ma santé mentait. I\h bien, moi, je choisis ma santé.
Régine décida de convoquer sa famille à une réunion avec mol 4
organisée dans l'environnement relativement neutre qu'est l'hôpital -
pour lui communiquer son choix. Tout au long de cette période doulou
reuse, elle put donc bénéficier de l’assistance du personnel hospitalier,de sa thérapeute et de tout son entourage social. Dès qu'elle eut annoncésa résolution, et en dépit des critiques de sa famille, elle se sentit plui jlibre, plus légère, plus équilibrée.
Si vous avez eu, à l'instar de Régine, une histoire de violences ou dedépression et de fragilité psychologique et que vous avez décidé de voui !éloigner, du moins provisoirement, de certaines personnes, il est capitalde mettre en place un réseau de solidarité. En l'absence d'un thérapeutfl*
vous devez vous assurer le soutien d'individus dont l'engagement à vos ï côtés ne fait pas de doute, qu'il s'agisse de votre conjoint, d'un amiintime, d'un frère ou d'une sœur. Informez-les de votre décision et dites- ]leur que vous aurez besoin de leur aide et de leur bienveillance pourpouvoir traverser cette mauvaise passe.
Il n'est guère de situation plus stressante que la nécessité de faire unchoix de vie primordial. Ambivalence, incertitude et angoisse sont, à detels moments, des états d'esprit parfaitement normaux. Aussi convient- 1il, pour réduire votre niveau de stress, de vous rappeler que vous avez } abandonné votre attitude réactive au profit d'une stratégie active.
Continuez à vous répéter votre déclaration d'intention - « Je ne era-1querai pas » - et à vous imaginer en train de quitter la zone turbulente 1de l'émotion pour le domaine tranquille de l'observation. Ces deux tech-1niques vous donneront sérénité et stabilité dans une période difficile. Il !ne faut pas non plus négliger le large éventail d'activités qui permettent 1de réduire le stress. Le yoga, la méditation, le sport, les cours de danse 1
ou tout simplement des sorties avec des amis stimulent le flux des endor- 1phines, ce qui a pour effet d'augmenter les sensations agréables et de idiminuer les sensations désagréables. Enfin, il existe de nombreuses thérapies peu onéreuses et de bonne qualité dont vous pouvez profiter.
Mais indépendamment de la nature de la décision que vous devezprendre, utilisez les techniques présentées dans ce chapitre afin de vousménager un répit, de vous recentrer et d'examiner calmement les événements et les demandes qui vous sont faites. Dès lors que vous commen
cez à agir en fonction de vos critères plutôt que d'accepter ceux dumaître chanteur, vous aurez porté un coup terrible à la dynamique duchantage affectif. Le moment est donc venu de transformer votre décision en action.
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10
Votre stratégie
L'annonce de votre décision au maître chanteur est l’aboutissementde tout le travail de préparation que vous avez effectué. Cette seule perspective suscite, je le sais bien, des angoisses et des tiraillements, signes
quasi inévitables d'un bouleversement en matière de comportement. Je vais vous proposer plusieurs stratégies qui vous permettront de
présenter vos arguments et de ne pas en démordre, quelles que soient lesréactions en face. Je vous garantis que la mise en œuvre des quatre stratégies fondamentales expliquées dans ce chapitre - la communicationnon défensive, la transformation de votre adversaire en allié, l'échangeet l'humour - fera basculer le rapport de forces au sein de votre relation.Ce sont à ma connaissance les moyens les plus efficaces d'en finir avec le
chantage affectif. J'aimerais tant me tenir à vos côtés au moment de vérité, mais cen'est pas possible. Ce que je peux faire en revanche est de vous fournir -à vous, le protagoniste de la pièce - un texte à apprendre et à employerdans vos rapports avec le maître chanteur.
Notons cependant que, si vous comptez quitter la personne mais quevous la jugez imprévisible et potentiellement dangereuse, il ne faut pas laprévenir de vos intentions. Bornez-vous à vous protéger et à partir, à
chercher refuge dans votre famille, chez vos amis ou, à défaut, dans uncentre d’accueil érigé à cette fin (tel qu'une maison pour femmes battues). Il ne serait ni réaliste ni sérieux de ma part de vous assurer de l'efficacité de mes qua tre stratégies lace à un individu ouvertement violent.
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STRATÉGIE 1 :
LA COMMUNICATION NON DÉFENSIVE
L'autre, nous l'avons vu, a réussi jusqu'ici à imposer sa volonté k
coups de cris, de bouderies, de menaces et de critiques. Vous y avez réagi
pour le mieux, vous servant des moyens du bord, afin de dresser une barrière entre vous et les sentiments de peur, d'obligation et de culpabilité
que ses manœuvres éveillent en vous :
• Vous avez contesté l'image qu'il vous renvoie en disant: « Ce n'estpas moi qui me comporte en égoïste, c'est toi. Comment peux-tu mafaire ce reproche, alors que je me mets régulièrement en quatre pourtoi ? Par exemple, ce jour où... »
• Vous avez essayé de deviner le fond de sa pensée quand il sembla
souffrir en l'implorant: « S'il te plaît, raconte-moi ce qui ne va pas,Qu'est-ce que j'ai fait? Allez, dis-moi comment je devrais m'yprendre pour te rendre plus heureux. »
• Vous avez tenté d'acheter sa bienveillance en disant : « Eh bien, sicela te contrarie à ce point, je peux modifier mes projets (renonceraller à mon cours, à accepter cet emploi, à retrouver mes amis...). »
• Vous avez présenté explications, objections et excuses pour leconvaincre de votre point de vue, en répétant : « Mais enfin, sois raisonnable ! Ne vois-tu pas que tu as tort ? Que tes demandes sont
absurdes, irrationnelles, vexantes ? »
Or, des réponses de ce genre ont un double inconvénient : elles sont
défensives et contribuent même à augmenter l'intensité affective de la
situation. À essayer de vous protéger, vous ne faites que jeter de l'huilesur le feu.
Mais que se passerait-il si les étincelles produites par les reproches etles menaces du maître chanteur tombaient sur un sol mouillé ? Si, au
lieu de vous évertuer à influencer l'autre personnage, vous optiez pour
un scénario entièrement nouveau ? Concrètement, cela veut dire quevous réagiriez aux pressions par des phrases comme celles-ci :
• Je suis navré de te voir aussi contrarié.• Je comprends que tu puisses avoir cette impression.• Tiens ! C'est intéressant.
• Ah bon?• Tes cris (menaces, bouderies, larmes) ne marchent plus et, de toute
façon, on ne résoudra rien comme cela.
• Nous en reparlerons quand tu te seras calmé.
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quai-je, il convient de créer une situation qui vous met relativement ftl'aise et qui dispose l'autre à vous écouter dans un esprit d'ouverture, ilQuand on a une décision importante à annoncer, il est capital de se doterde tous les atouts disponibles. Cela vous interdit, par exemple, d'enta*mer la discussion lorsque vous interlocuteur paraît fatigué et stressé ouque les enfants se déchaînent dans la maison.
S'il s'agit de votre conjoint ou partenaire, le premier pas consiste à leprévenir de votre désir de discuter, après quoi vous devez prévoir unmoment de tranquillité où il n'y a pas de risque d'interruption. À cettefin, n'hésitez pas à débrancher le téléphone. Si vous n'habitez palensemble, convenez de retrouver la personne dans un endroit où vouiêtes à l'aise. On ne saurait trop insister sur l'importance de ce facteur)|ce serait une grave erreur de choisir un lieu peuplé des fantômes devotre passé ou de souvenirs qui vous rappellent, dès que vous franchissez
la porte, votre situation de faiblesse vis-à-vis de l'autre.« Je pourrais les inviter à dîner chez moi, dit Jules, mais je sais que
ce n'est pas très commode pour eux. En plus, ils sont deux, alors quemoi, je serai tout seul. Je ne vois donc pas d'inconvénient à passer chezeux. »
Je lui demandai si la maison de ses parents ne regorgeait pas d'ob jets ou de photos susceptibles d'évoquer son enfance. « Pas du tout,répondit-il, puisque ce n'est pas la maison dans laquelle j'ai grandi.
Mes parents ont acheté un appartement qui, d'ailleurs, ressemble plusà une suite d'hôtel qu'à notre maison d'autrefois. Il ne faut quandmême pas les prendre pour des monstres. Ils sont juste un peu fermés,c'est tout. »
Dès que le rendez-vous est fixé, il convient de centrer votre attentionsur les propos précis que vous comptez tenir. Je conseillai à Jules decommencer par prier ses parents de l'écouter sans interruption nicontradiction, puis de les assurer qu'ils auraient toute latitude pour s'ex
primer après lui. À la suite de ce préambule, il pouvait annoncer sa décision. Ensemble, nous avons mis au point le discours suivant :
Papa, maman, je vais vous demander de vous installer et de m’écouter jus-
qu'au bout. J'ai du mal à vous dire les mots que vous allez entendre, mais j ’y ai longuement réfléchi et, par amour et par respect pour vous, je vais vous parler avec franchise et mettre fin à cette ambiance désagréable qui s’est instaurée entre nous. Je veux vous annoncer que j ’ai décidé de me
marier avec Béatrice. J’ai bien honte de vous avoir caché mes intentions au cours de ces derniers mois. Si j ’ai agi ainsi, ce n’est pas parce que j ’ai peur de vous, mais parce que j ’ai peur de votre colère et de votre attitude de rejet. En ce moment même, je suis mort d'angoisse.
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Par cette seule entrée en matière, Jules accomplit déjà un énormepas un avant. Ayunt établi les conditions dans lesquelles doit se dérouler
la réunion, il exprime ses sentiments, tant ceux qui ont conditionné son
comportement récent que ceux qui découlent de la situation présente. Il
avoue aussi son hypocrisie antérieure et insiste sur son désir de ne plus y
céder. Enfin, il annonce sa décision.
Sachez qu'il n ’y a rien que vous puissiez dire ou faire pour m’en dissuader. C'est ma vie, et c'est à moi qu‘appartient cette décision. Je vais rapidement découvrir si, oui ou non, vous tenez plus à avoir raison et à imposer votre volonté qu'à maintenir votre relation avec moi. J'espère de tout mon cœur que ce n'est pas le cas. Je regrette d’être tombé amoureux d'une femme non catholique mais que disje ? Je ne le regrette absolument pas ! Vous pouvez accepter cet état de fait et vous intégrer donc à ma nouvelle famille, ou le refuser. Je vous aime tous les deux, et je vous conseille de vous laisser le temps qu’il faut pour déterminer le parti à prendre.
Jules s’en tient à sa décision et donne à ses parents le choix de l’ ad
mettre ou non. Et, fait positif, il finit sur une proposition : il les engage à
réfléchir à ses propos plutôt que de lui répondre tout de suite.
Anticiper les réponses
J’ai incité Jules à répéter son discours comme s'il s’ agissait du texte quele comédien doit apprendre par cœur. Vous pouvez faire ce travail en
présence d’un ami, face à une chaise vide ou même en vous adressant à
une photo du maître chanteur. Il faut vaincre le malaise ou le sentiment
de ridicule que cet exercice ne manquera pas de provoquer dans un pre
mier temps, car il vous aidera peu à peu à prendre suffisamment d'assu
rance pour pouvoir, le jour venu, affronter un être qui a si bien réussi
par le passé à vous dominer.Si vous entendez présenter une série de conditions, il n'y a pas de
mal à les noter sur une feuille de papier pour la consulter ouvertementau cours de votre discours. Mais attention: lors de la « répétition », ne
vous contentez pas de lire votre texte en silence. Il doit être prononcé à
haute voix. Cette préparation donnera un grand coup de fouet à votre
moral.
« Je veux bien répéter mon texte, dit Jules, même si je ne redoute pasparticulièrement de tomber en panne avant la fin. Ce qui m'inquiète, par
contre, c'est leur réaction. Ce sera déjà assez pénible de voir mon père
bouillonner en face de moi. » J’ai cherché à apaiser les angoisses de Jules en me livrant à des jeux
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de rôle avec lui et en l'entraînant à répondre aux questions et mmremarques qu'il craignait le plus. Là encore, vous pouvez faire cet oxncice tout seul ou avec la participation d'un ami.
«À votre avis, quelle réaction vous posera le plus de problèrnc*NMdemandai-je.
- Celle où mon père dira : "Tu sais que cela veut dire que je ne pour
rai plus soutenir ton entreprise."- Et quelle sera votre réponse ?
- "Va te faire f... ! Je me passerai de ton argent !”- Nous pourrions peut-être trouver une formulation un peu molli*
brutale.
-D'accord. Que pensez-vous de celle-ci: "C'est dommage que luvoies les choses ainsi, mais ma décision est prise...” ? »
Nous avons envisagé toute une gamme de réponses possibles :
Moi (dans le rôle du père). - Nous ne pouvons tout simplement pan ]accepter ce mariage. D'ailleurs, cela me choque et me vexe que tu m'aies Imenti.
Jules. - Je ne suis pas fier de t'avoir menti, papa. J'avais peur. C'e.itdommage que tu voies les choses ainsi, mais je vais quand même épouser Béatrice.
M oi. - Et que dira ta mère ?
Jules. - Je parie que les premiers mots à sortir de sa bouche seront :
« Mais que se passera-t-il quand vous aurez des enfants ? Auront-ils unebonne éducation religieuse ? » Nous ne sommes même pas encore 1mariés, et déjà elle pense au long terme.
M o i. - Et vous répondrez... Jules. - Écoute, maman. Nous les élèverons dans l'amour, en leur
inculquant les valeurs de la dignité humaine.Moi (dans le rôle de la mère). - Moi, je veux savoir s’ ils seront catho
liques ou juifs !
Jules. - Nous nous occuperons de ce problème quand il se poseradans les faits, maman. Mais pour l'instant, c'est le cadet de mes soucis.
Le soir où il devait annoncer sa décision, Jules n'en menait pas large,mais il ne dévia pas d'un pouce de son texte, sans jamais laisser sesparents le mettre sur la défensive.
Notre soirée n ’a pas marché comme sur des roulettes, c ’est le moins qu’on
puisse d ire! Mon cœur battait tellement fort que j ’étais sûr qu’ils l'enten- daient, et j ’avais un peu mal au cœur. Je me rappelais sans cesse de bien
respirer et je me répétais dans ma tête la phrase « Je ne crtiqueral pas ». Tout
cela m'aidait, mais l'affaire n'était pas nagnée pour autant . !)*• son côté,
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mon pire mit lu* bouchées doubles. Il commença par demander: « Pour-
quoi tu nous fais ça ? Comment peuxtu nous causer tant de chagrin ? #
J'avais l'impression de prendre un coup de couteau en plein cceur, mais
tout ce que je lui répondis fut : « C'est dommage que tu voies les choses
ainsi, papa. » Bien que surpris sur le coup, il ne tarda pas à reprendre : « SI
tu épouses cette fille, tu ne feras plus partie de notre famille. Cette histoire
est en train de tuer ta mère. » Et moi de répondre : « Tes menaces à toi sont en train de tuer notre relation. Je sais bien que tu es fâché et ennuyé. » A ce
stade, i l me sortit une phrase que j'avais bien prévue: « Je n'en reviens pas
que tu m'aies menti. » Ce à quoi je répliquai : « J'ai menti parce que j'ai peur
de toi. J'espère que nous pourrons un jour y remédier. »
Ayant raté la cible plusieurs fois de suite, il changea de registre : « Après
tout ce que ta mère et moi avons fait pour toi... » Je lui dis aussitôt: «Je
vous en suis reconnaissant, papa, mais pas suffisamment pour vous auto-
riser à choisir la femme que j'épouserai. » Enfin, il me compara, en déses- poir de cause, à mon frère Éric qui, lui, s'est marié avec une catholique qui
lu i a donné une flopée de bons petits catholiques. Je lui répondis : « Je ne
peux pas être comme Éric parce que je ne suis pas Éric, je suis moi. »
Je vis alors qu 'il bredouillait, apparemment à court d'arguments. Je sui-
vis donc votre conseil: je lui suggérai qu'il avait sans doute besoin de temps
pour mieux y réfléchir.
Mon père fin it sur ces mots : « Là, tu me demandes vraiment beaucoup,
J'ai des principes et des croyances qui jouent un rôle primordial dans ma vie, et je ne sais pas si je peux accepter ta décision. » Je me levai pour partir
et ils m'accompagnèrent jusqu'à la voiture. Juste avant de démarrer, j'abais-
sai la vitre, et mon père me dit : « Bon, c'est vrai que je t'ai appris à défendre
tes intérêts, mais je ne me doutais pas qu'un jour tu tes défendrais face il
moi. » Un petit sourire se dessinait sur ses lèvres.
Jules avait affronté sa peur la plus terrible, celle de contrarier ses
parents. Et l'issue de l'histoire? Il n'y eut ni mort d'homme ni apocalypse. Ce n'avait certes pas été une partie de plaisir pour Jules, mais
cette expérience devait lui apporter un grand soulagement et un senti
ment de dignité retrouvée.
« J'ai l'impression d'avoir grandi de trois mètres ! » jubila-t-il.Il avait récupéré son intégrité perdue.Dans la vie réelle, où se meuvent des êtres en chair et en os, les sen
timents et les rapports entre individus sont généralement trop com
plexes pour permettre des happy end hollywoodiens. J'aimerais pouvoirannoncer que la famille de Jules a chaleureusement accueilli sa nouvellefemme, mais il n'en est rien. Car, si son père s'est rendu compte durisque qu'il courait de perdre son fils, il n'a pas encore pleinementaccepté Béatrice, sans parler de lui témoigner une quelconque affection.
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Pour sa part, Jules cherche, malgré sa déception, à éviter la rupturetotale avec ses parents, mais la tension qui continue d’exister entre euxl'oblige pour l'heure à réduire le temps passé en leur compagnie. Ilespère ardemment que le temps finira par les radoucir, peut-être quandleurs petits-enfants naîtront. Toutefois, que cet espoir se réalise ou pas, Jules a fait le bon choix. Non seulement il a retrouvé sa dignité et sonintégrité, mais il est infiniment plus en paix avec lui-même qu'àl'époque où il mentait à ses parents et manquait à ses engagement«envers Béatrice.
Dans certains cas, bien sûr, les autres transigent à la fin. Mais leplus important, c'est ce que vous entreprenez pour vous-même, ainsique le niveau d'assurance que vous aurez atteint lorsque viendra le jourdécisif.
Quelques parades aux réactions les plus courantes
Puisque vous connaissez très bien l'autre personne, anticiper la bordéede réponses qui accueillera vos propos ne devrait guère vous poser deproblèmes. Mais si, comme tant de victimes du chantage, vous avez peud'expérience en matière de communication non défensive, vous risquezde mettre du temps à trouver la bonne réplique, d'autant que vous serez
peut-être tenté de choisir des mots susceptibles de calmer le jeu.Ne vous inquiétez pas de la lenteur avec laquelle vous répondez :
vous avez tout votre temps pour réfléchir. Par ailleurs, ce n'est pas unemauvaise idée de laisser un peu de place au silence avant de reprendre laparole. L'essentiel, c'est de résister à la tendance à retomber dans vosréactions habituelles, pour surmonter votre angoisse et pallier les difficultés que vous avez à vous exprimer. Dans cette optique, je vous propose un certain nombre de parades aux réactions les plus courantes.
Encore une fois, je ne saurais insister assez sur l'importance de l'entraînement, seul moyen de parvenir à les employer sans malaise.
Considérons une à une les réponses que, selon toute probabilité,vous entendrez.
1. Prévisions sinistres et menaces. Pour vous faire abandonnervotre position, un bourreau - comme d'ailleurs un flagellant - vous accablera peut-être d'une longue liste des conséquences désastreuses qu'au
rait, selon lui, l'application de votre décision. Il n'est jamais facile derésister à la peur de voir malgré tout se réaliser de telles prophéties, et cel'est encore moins quand l'autre ne cesse de souligner votre entière responsabilité en cas de malheur. Il n'empêche : il ne limI pan lâcher prise.
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Réaction du nu ill ic chanteur
• Si tu arrête» de t'oc cup er de moi, je Unirai à l'hôpital (à la rue, inca-pable de travailler...).
• Tu ne reverras plus jamais tes enfants.• Tu vas détruire notre famille.• Tu n'es plus mon enfant.• Je te déshérite.• Je tomberai malade.• Je ne peux pas m'en sortir sans toi.• Je te ferai souffrir.• Tu le regretteras.
Votre réplique :
• C'est toi qui l'auras choisi.• J'espère que tu n'en arriveras pas jusque-là mais, de toute façon, ma
décision est prise.• Je sais que tu es très remonté en ce moment. Quand tu auras eu l'oc
casion d'y réfléchir, tu changeras peut-être d'avis.• Il vaudrait mieux attendre que tu sois moins énervé pour en reparler.• Tu n'obtiendras plus rien à coups de menaces (de souffrances, de
larmes...).• Je suis désolé de te voir aussi énervé.
2. Injures et accusations. Quoi de plus naturel que de vouloir sedéfendre des injures et des accusations de l'autre? Le seul ennui, c'estque, à réagir de la sorte, vous tombez dans le piège d'un échange parfai
tement stérile du genre : « Ce n'est pas vrai ! C’est toi qui... » Mieux vautdonc inspirer profondément et laisser votre raison couvrir les voix de lapeur, de l'obligation et de la culpabilité qui résonnent au fond de vous.
Soùvenez-vous : lorsqu'il s’agit de présenter et de défendre votre point
de vue, ce sont vos paroles qui comptent, non pas vos sentiments. Il
importe tout d'abord de modifier votre comportement. Nous nous tournerons par la suite vers ce que vous ressentez réellement.
Réaction du maître chanteur :
• Je suis stupéfait par ton égoïsme. Cela ne te ressemble pas.• Tu ne penses qu'à toi. Tu ne te soucies jamais de mes sentiments.• Et moi qui te croyais si différent(e) des autres hommes (ou femmes)
que j'a i connu(e)s !
• Je n'ai jamais rien entendu d’aussi absurde de ma vie.• Tout le monde est d'accord pour dire que les enfants doivent respecter leurs parents.
• Quel manque de dévouement !• Arrête don c de raconter des âneries !
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Votre réplique
• Tli as le droit d’être de cet avis.• C'est sûrement l'idée que tu t'en fais.• Cela se peut.• Tu as peut-être raison.• J'ai besoin de réfléchir encore à la question.• Nous n'arriverons à rien si tu continues de m'insulter.
• Je suis désolé de te voir aussi énervé.
3. Interrogations fatales. L'autre vous sommera éventuellement do
vous expliquer et de justifier votre décision. Vous verrez peut-être dftnicette demande l'occasion rêvée de tout déballer, de lui dire enfin votre
amertume, votre colère et votre refus de supporter un seul jour de plu«
son comportement. Le maître chanteur ne vous offre-t-il pas cette
chance inespérée de mettre en place un vaste système de défense ? t
Ne mordez pas à l'hameçon ! Tenez-vous-en à votre stratégie. VQUI
vous êtes proposé d'annoncer votre décision, point, à la ligne. Ce sentit
donc une erreur que de vous laisser entraîner dans une discussion sur le
contenu de votre conflit. Ce n'est ni le choix d’un lieu de villégiature ni
votre générosité qui sont en cause. Le fond de l'affaire, c'est que votre
relation fonctionne selon cette logique bien particulière : l'autre cherche
immanquablement à imposer sa volonté et vous finissez tout aussi
immanquablement par lui céder. Ainsi, puisque vous êtes déterminé à
sortir de cette logique, gardez-vous de discuter, d'expliquer ou de justi
fier. À une question commençant par le mot « Pourquoi », ne répondezpas « Parce que... ».
Réaction du maître chanteur :
• Comment peux-tu me traiter comme ça (après tout ce que j'ai faitpour toi) ?
• Pourquoi essaies-tu de saccager ma vie ?• Pourquoi te montres-tu si têtu (si égoïste) ?
• Qu'est-ce qui te prend?• Pourquoi agis-tu comme ça ?• Pourquoi veux-tu me faire souffrir ?• Pourquoi en fais-tu une affaire d'État ?
Votre réplique :
• Je me doutais que tu ne serais pas content de ma décision, mais c'estcomme ça.
• Ce n’est pas une histoire de bons et de méchants. C'est tout simple
ment que nous ne poursuivons pas les mêmes buts.• Je ne suis pas prêt à endosser plus de 50 % de lu rt'NponNubilité en la
matière.
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• Je com prend* Ut déception (ton énervement), mais ce point n'est pas
à débattre.• Nous n'avons pas la même vision de la situation.
• C'est sûrement ainsi que tu vois les choses.
• Je suis désolé de te vo ir aussi énervé.
La riposte au silence
Mais que faire face au maître chanteur qui, plutôt que de laisser éclatersa colère, boude en silence ? Nombre des victimes du chantage affectiftrouvent ce mutisme mille fois plus exaspérant que des attaques
ouvertes.Il semble par moments qu'il n'y a pas de moyens de déjouer des
manipulations de cet acabit et, effectivement, c'est quelquefois le cas.
Mais vous augmenterez malgré tout vos chances de réussite dès lors que
vous resterez fidèle aux principes de la communication non défensive etque vous garderez présente à l'esprit la liste suivante des réactions à pré
férer et à proscrire.Face à un maître chanteur qui boude en silence, il ne faut jamais :
• compter sur lui pour faire le premier pas ;• le supplier de vous dire ce qui ne va pas ;
• le presser de vous répondre (ce qui ne ferait que renforcer son attitude fermée) ;• analyser, critiquer ou interpréter ses mobiles, son caractère ou son
incapacité à s'exprimer directement;• assumer la responsabilité de la situation qui le contrarie (quelle
qu'elle soit) afin de le mettre de meilleure humeur;• lui permettre de changer de sujet de conversation ;• vous laisser intimider par l'ambiance de tension et d'hostilité qui
plane sur votre entretien ;
• lancer, par dépit, des menaces que vous ne voulez pas mettre à exécution (exemple : « Si tu refuses de me dire ce qui ne va pas, je ne teparlerai plus jamais... ») ;
• supposer que, s'il finit par demander pardon, ce geste sera suivid'une transformation importante de son comportement;
• vous attendre à de grands changements dans sa personnalité, mêmes’ il vous donne raison et qu'il s'engage à s'amender, car le comportement de l'individu a beau évoluer, sa personnalité fondamentale, elle,reste généralement inchangée.
Il convient en revanche :
• de vous rappeler que vous avez affaire à un être qui se sent faible etimpuissant et qui redoute votre capacité à lui faire du mal ou àl'abandonner;
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• de ne l'affronter que lorsqu’il paraît relutlvement disposé à vousentendre (une possibilité consiste à lui écrire une lettre, forme (lecommunication qui pourrait lui sembler moins menaçante) ;
• de l'assurer de votre volonté de 1*écouter sans riposter quand il est Wî
colère ;• de faire preuve de tact et de diplomatie afin de lui montrer que voui
n'allez ni exploiter ses points faibles ni l'accabler de récrimination* |• de lui tenir des propos rassurants (du style : « Je sais bien que tu en
en colère, je propose donc que nous en reparlions dès que tu seraliprêt... »), et ensuite de le laisser tranquille ;
• de commencer par exprimer des sentiments positifs à son égard,sans pour autant reculer devant la nécessité de mettre en cause soncomportement (exemple : « Je t'aime beaucoup, papa, et je te considère comme l'une des personnes les plus intelligentes que jeconnaisse, mais cela me gêne terriblement de te voir te raidir et sortir de la pièce chaque fois que nous nous trouvons en désaccord,C'est en train de saper notre relation, et j’aimerais donc que nous enparlions un peu... » ) ;
• de vous concentrer sur le problème que vous avez identifié ;• de vous attendre à être contre-attaqué dès que vous exposez vol
griefs, puisque l'autre ressent chaque objection comme une attaquepersonnelle ;
• de lui indiquer que vous vous rendez bien compte de sa colère et quevous êtes disposé à faire des concessions afin de la diminuer («Jesuis navré de te voir aussi contrarié par mon refus d’héberger tesparents quand ils viennent nous voir. Je veux bien prendre le tempsde leur trouver un petit hôtel agréable et éventuellement assumer
une partie des frais... » ) ;• d’accepter le fait qu'il vous appartiendra le plus souvent, voire danstous les cas, de faire le premier pas ;
• de laisser passer certaines choses.
Ce sont là les seules réponses capables d’ interrompre le cycle infer
nal que lance le maître chanteur renfrogné et qui revient en substance à
des reproches comme celui-ci : « Regarde dans quel état tu m’as mis ! À
toi de deviner le mal que tu as fait et de trouver le moyen d’y remédier. »
Je sais combien il est rageant de devoir afficher une rationalité à touteépreuve quand on a envie d’étrangler l'autre, mais je ne connais pas
d’autre façon de créer une atmosphère propice au changement. La
tâche la plus ardue est de maintenir coûte que coûte la communication
non défensive et de convaincre celui qui bout en silence qu’ il peut très
bien rester en colère, alors que depuis toujours il est persuadé du
contraire.
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Le sangfroid malgré la fureur
Nous avons vu les moyens d'affronter la colère du maître chanteur. Mais
comment rester sur la voie non défensive lorsqu'on se sent soi-même au
bord de l'explosion? Victor, dont la femme se servait de leurs enfants
pour se venger, m'a parlé de l'immense frustration qu'il éprouvait dans
cette situation apparemment insoluble.
La semaine dernière, me ditil, j ’ai emmené les enfants faire du camping et,
quand nous sommes revenus, Isabelle s’est tout de suite mise à crier qu’ils
étaient épuisés et sales. Les enfants s'étaient bien amusés, mais elle prétend
que je les avais poussés jusqu'à la limite de leurs forces. Puis elle me prévint
que, si je continuais à m'occuper aussi mal d'eux, elle envisagerait de
demander une restriction de mon droit de visite. Je sais que je n'aurais pas
dû, mais j'ai laissé éclater ma colère, et nous voilà en train de hurler comme deux forcenés. Il faut dire qu'elle l'avait bien cherché. Comment osetelle
menacer de m'empêcher de voir mes enfants ? Et qu'estce que je vais faire
maintenant ?
Il est des situations pour lesquelles il n'y a pas de solutions faciles.
Isabelle avait très mal vécu leur divorce et, puisque ses attaques contre
Victor s'étaient intensifiées après qu'il se fut remarié, il semblait évident
à ce dernier que, pour modifier l'attitude de son ex-femme, il seraitobligé de se rendre lui-même malheureux, pas qu'il refusait de franchir.
En revanche, il pouvait bien contrôler ceux de ses actes qui augmen
taient la tension entre eux.
« Je comprends votre rage, lui dis-je, mais il faut quand même que
vous appreniez à la calmer. Vous avez déjà assez bien réussi à utiliser lu
communication non défensive avec votre nouvelle femme. Pourquoi don
ne pas l'essayer avec Isabelle ? Le plus difficile, c'est de garder son sang-
froid alors qu 'on a des envies de meurtre.
- Vous m'avez très bien formé, répondit-il avec un large sourire. Je
parie que vous allez me dire que la seule personne que je puisse changer,
c'est moi.
- En effet. Votre tâche consiste essentiellement à vous retenir de lui
répondre sur le même ton, pour hargneuse qu'elle soit, et, suivant les
circonstances, à vous borner à dire : "Je suis désolé de te voir t'énerver
sur cette excursion, mais le fait est que les enfants se sont follementamusés. Est-ce que cela t'irait mieux si, à la prochaine occasion de ce
type, je t'expliquais notre programme pour que tu saches à quoi tu pourras t'attendre?" Vous m'avez également signalé que, lorsque vous passez prendre les enfants, elle ne les a pas préparés pour l'heure convenueet que, dans certains c r i , voui ne trouvez personne à la maison. Il y a là
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■de quoi enrager, bien sûr, mais le fait d'avoir le droit de garde lui donne
beaucoup de latitude. Vous devrez donc trouver le moyen de vous y rési
gner, parce que sinon, vous vivrez dans un état permanent de rage etd'amertume.
Reprenez certaines de nos phrases lénifiantes et, au lieu de déchar*|ger votre colère, inspirez profondément et dites: “Cela m’ arrangerait
énormément si tu veillais à ce que les enfants soient prêts quand j ’arrive,
S'il y a quelque chose que je peux faire pour te faciliter la tâche, dis-le-
moi." Je suis incapable de prédire sa réaction, mais je vous garantis que
vous aurez beaucoup moins l'impression de jouer le rôle de victime. » 1
214 DE LA COM PRÉHEN SION À L'ACTION]
STRATÉGIE 2 :
LA TRANSFORMATION
DE VOTRE ADVERSAIRE EN A LLIÉ
Lorsque la discussion se trouve dans l’impasse, il s'avère parfois
utile d'impliquer le maître chanteur dans vos efforts pour résoudre les
problèmes de votre relation. En sollicitant de l'aide, des renseignementsou des propositions, vous pouvez découvrir des possibilités qui vous
avaient jusque-là échappé. Qui plus est, l'être humain met généralement
plus de bonne volonté à exécuter une décision qu'il a contribué à élabo
rer qu'une décision prise sans sa participation. Enfin, pour peu que vous
abordiez l'autre dans un esprit de curiosité et d'ouverture, vous aurez de
bonnes chances de redresser une conversation qui menace de dégénérer
en une série d’attaques et de contre-attaques.
Les questions suivantes devraient permettre une nette diminution de
la tension et de l’ animosité :
• Peux-tu m’aider à comprendre pourquoi tu y attaches autant d’ importance ?
• Pourrais-tu me proposer quelques moyens de résoudre ce problème ?• Veux-tu bien m’aider à trouver des idées pour améliorer notre rela
tion?• Peux-tu m’aider à comprendre pourquoi tu es tellement fâché ?
Par ailleurs, je vous conseille vivement d’employer ce que j'appelle
Y outil conjectural. Il s'agit d’amener l’autre à se joindre à vous dans
votre tentative pour imaginer l’effet que feraient une modification de vos
rapports ou la .solution du problème eu dtacuNsion.
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VOTRE STRATÉGIE
• Je me demande ce qui se passerait si...• Je me demande si tu ne pourrais pas m'aider à...• Je me demande de qüelle façon nous pourrions aboutir à...
Lancer des interrogations de ce type, c'est libérer l ’imagination et
même l'esprit ludique. C'est transformer la communication non défen
sive en plaisir: si l’on n'aime pas être attaqué, on est souvent disposé à
aider quelqu'un à résoudre un problème.
À Vaffût de solutions
Victor a une relation beaucoup moins compliquée avec Julia, sa seconde
femme, qu'avec Isabelle, car ils s'aiment et tiennent à rester ensemble.
Mais il a eu tout de même du mal à s'adapter à la forte dépendance que
manifeste Julia envers lui. Après avoir essayé plusieurs jours de lui faire
comprendre que son travail allait le contraindre à des déplacements qui
l 'éloigneraient d'elle, il vint me consulter.
Je ne sais pas comment m'y prendre pour l ’empêcher de s'affoler lors de mon prochain départ, me confiatil. Je ne peux tout de même pas lui annoncer : « Je me moque de tes sentiments et de ta souffrance. Je dois faire ce déplacement, et je le ferai. » Car, dans ce cas, j'aurai à me soucier non seulement du déroulement de mon voyage, mais aussi de ma femme en
pleurs.
Je lui dis que sa décision provoquerait peut-être moins de stress s'il
demandait à sa femme ce qui, d'après elle, réduirait son angoisse de* vu ni
la perspective de se retrouver toute seule. Je soulignai par ailleurs qu'il
ne lui appartenait ni de « guérir » Julia ni de se pencher sur les tnuiiiim
tismes de son enfance qui l'avaient rendue si dépendante. Il fftilAit
qu'elle accomplisse elle-même ce travail pour faire de leur marlutfe un
partenariat et non une relation de parent à enfant. En revanche, il pou
vait, en attendant, la transformer en alliée. À cette fin, nous nous
sommes livrés à des exercices utilisant l'outil conjectural et les questions
destinées à solliciter la participation de l'autre.
« Bon, dit Victor, je vais commencer ainsi : "Écoute, Julia. Je dois
faire un déplacement professionnel de plusieurs jours. Avant que tu t'af
foles, je me demande si tu ne pourrais pas m'expliquer pourquoi tu as
des réactions aussi névrosées chaque fois que je m’éloigne ne serait-ce
que pendant quelques secondes."
g Non, Victor, ç& ne va pas, répondis-je. Il ne s’agit pas do la mettre* ______ «- 11 D'uilloum.
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un coup dt> mlllttr en cas de besoin et ralentir le tempo quand ma vie et ma santé l'exigent.
Par ailleurs, nous avons mis au point le discours suivant pour aider
Cécile à mettre un terme aux pressions délibérées qu'elle subissait :
Vous n'en avez pas forcément conscience, ditelle à son chef, mais j ’ai remar-
qué que vous me comparez sans arrêt à Marianne. Cela m'a souvent incitée à
dépasser mes limites, mais je vous préviens que cela ne marchera plus. Je
continuerai à me donner à fond tant que cela ne nuira pas à ma santé, parce
que cela me convient et que j'aime mon travail. Je suis contente d’avoir votre
estime, et je vous assure de la mienne. Mais je vous demande de bien vouloir
cesser de m’infantiliser. Nous sommes tous deux adultes, et je ne suis pas
votre fille. J’ai même trois ans de plus que vous! En outre, Marianne n’est
pas ma sœur. J’annonce donc la dissolution de cette famille à problèmes.
Pour Cécile, comme d'ailleurs pour tous ceux qui écrivent aisément
leurs idées mais qui se trouvent soudain en panne dès qu'ils doivent les
verbaliser, il était vital de s'entraîner. Elle demandait conseil à son mari,
fit appel à une amie qui accepta de se livrer à un jeu de rôle et répétait à
haute voix son texte pendant qu'elle roulait en voiture. Résultat des
courses : elle le prononça, le jour venu, avec un aplomb à toute épreuve.
STRATÉGIE 3 :
L 'ÉCHANGE
Lorsque l 'on souhaite convaincre l'autre de modifier son comporte
ment et que l'on reconnaît en même temps que l'on doit en faire autant,
il convient peut-être de songer à l'échange. Dès l'enfance, on prend l'ha
bitude de renoncer à une chose afin d'en obtenir une autre de valeur
égale, troquant deux bandes dessinées contre un livre ou un sandwich
au jambon contre des biscuits au chocolat. Le grand avantage que pré
sente l'échange explicite comme moyen de réduire le chantage affectif
est qu 'il efface l'impression selon laquelle il incomberait à une seule des
deux personnes de changer. Dans le troc, chacun donne et chacun
reçoit : il n 'y a ni gagnant ni perdant.
J'ai eu l'occasion il y a peu de vérifier toute l'efficacité de cet usagede l'échange face à une situation de chantage entièrement bloquée lors
qu'un couple m'a consulté pour la première fois. Barbara était furieuse
contre Max, qu’elle accuNttit de l'ignorer.
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V I L A C O M P R E H E N S I O N A l A r T M
I l me traite comme si j'étais invisible, s'insurgeatelle. Il se lève le matin, ê$
rend à son travail, rentre dîner en prononçant à peine un mot, puis i ’Inê*
talle devant la télévision jusqu'à l'heure où il faut se coucher. Cela fait iltH
semaines qu 'il ne m'a pas touchée, et je ne me suis jamais sentie a wml
seule.
De son côté, Max considérait l'embonpoint de Barbara comme lu
véritable source de leurs difficultés.
Elle n'est plus la femme que j'ai épousée. On dirait que, depuis quelqn$
temps, son activité principale est de manger et, comme vous pouvez h
constater, cela a donné des résultats tout à fait prévisibles. J'avoue que Cfhl
ne me plaît pas. Elle me reproche de ne plus être attiré par elle, et elle a ml»
son. Pas en tout cas quand je la vois comme ça. Je ne vais pas faire stnb
blant de ne pas y attacher d’importance.
Leur relation s’était détériorée à tel point qu'ils ont commencé à Hd
lancer des menaces du style : « Si tu ne montres pas un peu plus d'affec
tion, je te quitterai » ou : « Si tu ne maigris pas, je resterai froid afin de If
punir. » Ils n’ont pas mis à exécution leurs menaces mais, d'un autre
côté, ils n'avaient nullement besoin de le faire : leur comportement suf fi
sait largement pour transmettre le message.Barbara mangeait trop pour compenser son sentiment de rejet, cl
Max la rejetait en raison de sa boulimie. Chacun reprochant son mal
heur à l'autre, l'impasse était totale. Je leur proposai donc ce marché : i
Barbara allait se mettre dès le lendemain au régime et Max consacrerait!
tous les soirs une demi-heure à discuter avec elle et à rétablir le contact. I
Bien sûr, Barbara ne perdit pas dix kilos en une semaine, pas plus que
Max ne se transforma instantanément en communicateur modèle. Mais J
ils purent néanmoins faire des progrès considérables qui devaient les î
sortir partiellement de l’ impasse et, à long terme, les aider à réparer leur a
relation en panne.
Personne n’aime donner - ni avoir - l’ impression de capituler, et
c’est cette répugnance pour les solutions unilatérales qui empêche la
plupart des individus de faire le premier pas vers l’ autre. L’échange ]
négocié crée en revanche une situation d’ autant plus facile à accepter ]
que les deux parties en sortent gagnantes. Il permet également de se libé
rer du cycle sans fin de souffrance, rancune et vengeance qui pousse à
punir l’ autre avant de lui concéder quoi que ce soit et qui rend si difficilela résolution des problèmes. La conviction de se trouver dans une dyna
mique de concessions mutuelles aide à oublier ses ressentiments.
Bref, l’échange donne à chacun la possibilité d'obtenir satisfaction
sans devoir passer par les reproches qui pèsent sur tant de conflits.
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Découvrir le nœud de l'affaire
C'est précisément de cette façon que Jeff et Élise ont réussi à abandonner
les moyens de pressions dont ils avaient tous deux usé. Ils se sont accor
dés pour considérer la disparité de leurs ressources financières comme le
grand problème non résolu de leur mariage. En dépit de la gêne que ce
déséquilibre continuait de susciter chez Élise, ils commencèrent peu à
peu à se voir de nouveau comme des êtres humains et non plus comme de
nimpies sources de contrariété. Chacun est arrivé dans mon cabinet avec
une proposition de paix, et tous deux se sont efforcés de s'exprimer de la
manière la moins défensive possible. C'est Élise qui a parlé la première.
Je reconnais que j ’ai encore du travail à faire sur la question de l ’argent,
ditelle. Selon l'accord que nous avons conclu au tout début de notre rela-
tion, je me suis engagée à ne pas te reprocher ton manque d’indépendance
financière et à ne pas te traiter comme un gamin à qui l'on donne de l’ar- gent de poche. Je tiens aujourd’hui à respecter cet engagement. Ce que je te
demande en contrepartie, c’est d’admettre, quand une question comme
l ’achat d’un camion se pose, qu’il s’agit d’une décision à prendre à deux en
fonction des ressources dont nous estimons disposer. En clair, je ne veux
plus t’entendre menacer de me quitter si tu n ’obtiens pas gain de cause. I l
faut par ailleurs que tu m'expliques pourquoi tu pars sans me dire où tu
vas, alors que tu sais que cela me rend folle.
Jeff eut cette réponse :
Quelquefois, cela me fait tellement bouillir de me voir obligé de quémander
quelque chose dont j ’ai besoin que je sens que, si je ne sors pas de la mai-
son, je risque de commettre un acte que je regretterai. Je dois décompresser
et, au moment de partir, j'ignore le temps qu’il me faudra pour y parvenir.
Très souvent, je ne sais même pas où je vais.
Élise lui dit alors :
Je suis sincèrement navrée que mon attitude envers l'argent t ’ait si souvent
exaspéré, et je promets de faire un effort pour la changer. Je crois que, si je
continue à en discuter ouvertement avec toi plutôt que de m'accrocher à
mes sentiments négatifs et d’exploser de temps en temps, nous finirons par
résoudre ce problème. Mais tu dois au moins m’informer de ton intention
de partir et m'indiquer en gros combien de temps durera ton éloignement. Je
conçois que ce soit parfois difficile à déterminer, mais essaie quand même.
Et quand tu le sauras, pourquoi ne pas me passer un coup de fil pour me dire où tu es et quand tu rentreras. Cela me ferait beaucoup de bien.
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220 DE LA COMPRÉHENSION À L'ACHÎ
Et Jeff de répondre :
Tu sais que je t’aime et que je ne m’absenterai jamais longtemps. Mais si h ht
te semble important, je veux bien te préciser le lieu et la durée dt mi»Habsence. Et tu as peutêtre raison de dire qu’il est temps de remettre à plut Ih question de nos finances. Nous le ferons ensemble je m ’y connais t t i l t t m
que tu ne le crois -, car j ’ai déjà en tête plusieurs activités susceptible </*>
rapporter un peu d’argent. Dernièrement, j ’envisageais un élevage dë cht «vaux, mais j ’étais tellement en colère contre toi que je ne l’ai même pas tfvfi
qué. Je pensais que tu te moquerais de moi du fait que je continuerais mal#ft |tout à gagner moins que toi et que, probablement, cela ne changerait jamais
Jeff et Élise avaient encore besoin de beaucoup discuter, écouter <Mnégocier, mais leur recours à l'échange avait ouvert la voie.
Plus de paroles, mais des actes
Sophie, dont le patron menaça de la renvoyer dès qu'elle annonça son
intention de mettre fin à leur liaison, choisit de lui communiquer trolldécisions qui, à son sens, présentaient des avantages pour l’un et l’autre.
D'abord, point non négociable, elle refusait dorénavant de coucher avec
lui : c'était la question de l'intégrité qui se posait. Ensuite, elle se disaitnéanmoins prête à rester dans l'entreprise le temps de mener à terme lei
projets sur lesquels elle travaillait déjà et d'aider Charles à trouver et ftformer la personne qui la remplacerait. Enfin et en contrepartie, elle lesommait de lui présenter des excuses pour l'abus de pouvoir auquel il
s’était livré et de s'engager désormais à faire preuve de correction.
Bien sûr, ditelle, je craignais très fort qu’il me mette aussitôt à la portt,
mais je m ’étais longuement entraînée afin d’éviter la moindre hésitation. Jt crois d ’ailleurs que mon attitude intrépide Va beaucoup étonné. Au début, It
message qu’il semblait transmettre était: «Sans rapports sexuels, plus dt travail! » Mais, quand je lui rappelai que je ne transigerais pas sur ce point,
il fit machine arrière en me disant : « Je ne sais pas si je supporterai de te voir tous les jours sur cette base. Moi aussi, j ’ai des sentiments. Cela n'a
pas été pour moi que l ’aventure d’une seule nuit. » Je proposai alors unt
période d’essai, et il acquiesça. Je pense que le fait de lui tendre la main plu •
tôt que de lui tirer dessus à boulets rouges a pas mal contribué à calmer It jeu. Et comme je m'occupe en ce moment de plusieurs projets que je pour-
rais difficilement confier à un collaborateur Nouveau, Châties semble avoir
compris que c'était dans son intérêt de tnt laisser allet jusqu'au bout au
lieu dt tnt rtnvoytr surltchamp,
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Or, malheureusement, cette entente ne se traduira pas dans le com
portement ultérieur de Charles.
Cela commence à mal tourner, avoua Sophie. I l me critique en présence des
clients et ne rate pas une occasion de me donner un coup de griffe. Contrai-
rement à moi, il ne respecte pas son engagement. Je ne sais vraiment pas
quoi faire.
Je lui ai répondu quelle n avait guère d'autre choix que de signaler à
Charles cette déloyauté flagrante. Dans ce cas, cependant, les mots ne
suffisent pas : ils doivent être relayés par des actes. Nombre de maîtres
chanteurs s'empressent de s'excuser et de promettre des changementsmais ont du mal à tenir leurs promesses. Il faut les leur rappeler en
disant, par exemple : « Tu as donné ta parole, et je te saurais gré de la
respecter. »Sophie s'y est prise avec douceur, sans tomber dans le travers du ton
défensif :
Je lui ai dit : « Tu n'as peutêtre pas conscience du caractère blessant de tes
petites réflexions mais, quoi qu'il en soit, je voudrais que tu arrêtes de les
faire. » Il n’avait évidemment pas besoin de me demander de quelles
réflexions je parlais, puisqu'il le savait pertinemment. Avec un léger sou-
rire aux lèvres, i l me lança : « Tu étais si gentille avant le début de ta théra- pie... »
Même lorsque, à l'instar de Sophie, on cherche à se dégager d'une
situation désagréable, il importe de rester vigilant et de contraindre
l'autre au respect de ses engagements tant que durera la relation.
ST RA TÉ G IE 4 :
L ' H U M O U R
Dans une relation foncièrement bonne, l'humour permet souvent de
révéler à l'autre l'impression que fait son comportement. Considérons
plusieurs exemples.Un jour, pendant qu'elle se plaignait des airs de la victime que pre
nait Joseph, Patricia lâcha cette phrase : « Il faudrait vraiment lui décerner l'Oscar du meilleur martyr ! »
« Qu'attendez-vous pour le faire? » lui demandai-je.Cette idée lui plut à tel point qu'elle se rendit aussitôt dans un maga
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sin de trophées et acheta une copie d'Oscar. Puis, lorsque Joseph relit
son numéro habituel de boudeur, Patricia se mit à applaudir et, avec un
large sourire, lui tendit son trophée en disant : « Quelle superbe prestn
tion! J'ai surtout apprécié le petit soupir à la fin. » Soudain, la situation
parut si ridicule que tous deux éclatèrent de rire. Depuis lors, Joseph n u
pas véritablement réussi à retrouver son rôle de martyr.
Sarah, dont la relation avec Frank restait, malgré tout, grosso modo intacte, décida d'utiliser un peu d'humour pour attirer son attention sur
la nature de leurs problèmes. Un jour où Frank assortit de nouvelles
conditions leur projet de mariage, elle sortit un vieux hula-hoop qui traî
nait depuis des années dans le placard et demanda :
« Tu veux bien me tenir ça pendant que j' essaie de passer à travers ?
- Attends, je ne comprends pas, répondit-il, interloqué.
- Eh bien, expliqua Sarah, j'a i remarqué que tu as l'habitude do
m'obliger à exécuter des numéros de cirque pour que je me prouve digne
de toi. Si nous en parlions ?- Mais qu'est-ce que tu racontes ? Jamais je ne t'ai demandé de faire
ça.- J'imagine que tu ne t'en rends pas compte, et je sais bien que tu
m'aimes, mais j'ai la nette impression de devoir subir une suite sans fin
d'épreuves.
- Des numéros de cirque, hein? D'accord, discutons-en. »Puis Frank lui demanda, avec un sourire jusqu aux oreilles : « Mais
avant de passer aux choses sérieuses, est-ce que tu pourrais sautercomme prévu à travers le cerceau ? »
Il n'y a rien de tel pour renforcer la complicité entre deux personnes
que le fait de partager un gag intime. Le rire crée des liens, et le souvenir
commun d'expériences drôles fait souvent partie du tissu d'une relation
solide. Le recours à l'humour comme moyen de communiquer votre
point de vue au maître chanteur peut déboucher sur une ambiance
décontractée qui rappelle à l'un et l'autre le plaisir que vous avez eu à
être bien ensemble. L'humour guérit : il réduit la tension artérielle etpeut désamorcer un conflit.
Si l'humour a déjà sa place dans votre comportement de tous les
jours et que vous l'employez sans gêne, il vous offre un merveilleux
moyen d'expression. Je ne vous garantis pas qu'il marchera à tous les
coups, mais il ne peut que rendre votre situation moins sinistre.
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dans le comportement de l'autre. Lorsqu'il y va de l'avenir d’une rela
tion, il convient de lui donner du temps - je conseille un délai de trente à
soixante jours - puis de guetter ses réactions, exprimées tant par le geste
que par la parole. Il ne suffit tout simplement pas que l'autre vous
déclare : « Pardonne-moi. Et maintenant, passons l'éponge. »
Qu' est-ce qui suffirait?
Le maître chanteur doit :
• avouer avoir exploité vos sentiments de peur, d'obligation et de culpabilité pour imposer sa volonté ;
• convenir qu'il y a de meilleures façons de présenter ses demandes ets'engager à les assimiler;
• reconnaître que ses méthodes trahissent une certaine insensibilité etqu'elles vous ont fait souffrir;
• consentir à collaborer avec vous dans la définition d'une relation
plus équilibrée, y compris en faisant appel à des professionnels encas d’impossibilité de résoudre un problème à deux;• reconnaître votre droit de penser, de sentir et de vous comporter'autrement que lui, sans porter de jugement de valeur sur cette différence ;
• promettre de renoncer à la production délibérée de « brouillard »telle qu’il l’a pratiquée par le passé (plus de comparaisons défavorables, plus de menaces de partir en cas de non-satisfaction de sesexigences, plus de culpabilisation et ainsi de suite).
La modification des comportements enracinés - ceux du maîtrechanteur ainsi que les vôtres - demande du temps et des efforts. Faites-lui, faites-vous ce cadeau indispensable.
VOUS EN SORTIREZ GAG NANT
Il est effrayant d’annoncer à l’autre : « Voilà qui je suis, voilà ce que je veux. » Il l’est encore plus de devoir s’en tenir à cette vérité affirmée,c'est-à-dire à son intégrité, comme il le faut quand on somme l'autred’accepter les décisions et les divergences qu'on a affirmées. Il peut parfois sembler qu'exprimer ses besoins équivaut à avancer des revendications, mais n'oublions pas qu'il s'agit d'une demande parfaitement rai
sonnable : l'arrêt des manipulations. Sa satisfaction ne ferait de tort ni àl’un ni à l'autre.
De nombreuses personnes retardent l'annonce de leurs décisions, depeur des conséquences. Si c'est votre cas, prenez un peu de recul et
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posez-vous cette question : qu'est-ce qui peut m'arriver de pire ? Certainsredoutent la destruction irrémédiable de la relation. Or, à refuser de vousdéfendre, vous ne faites que hâter votre perte. Vous glisserez peu à peudans une confusion grandissante sur votre identité, vos désirs et vosvaleurs. L'essence de votre personnalité rétrécira comme une peau dechagrin.
Dès lors que la survie d'une relation dépend de votre capitulationsystématique au chantage affectif, vous devez vous demander si le jeu envaut la chandelle. Si vous acquérez une santé, une vigueur et une assu-france nouvelles et que cela gêne le maître chanteur, sa réaction n'en dit-elle pas long sur la qualité de la relation que vous vous évertuez à sauver ? Sur quoi repose-t-elle fondamentalement ?
Dans ce chapitre, nous avons vu plusiéurs relations qui se sont améliorées ainsi que d'autres qui n'ont pu perdurer. Mais dans tous les cas,la victime a réussi à se libérer du chantage affectif et à doter son inestimable intégrité d'une assise plus solide que jamais. Nul ne peut prévoirl'issue d'une dynamique de changement, mais je vous promets que lamise en œuvre des stratégies présentées dans ces pages vous donnera -quelles qu'en soient les conséquences pour votre relation - une force etune santé mentale insoupçonnées.
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11
Quand le brouillard se dissipe
Si vous avez commencé à employer les outils présentés au chapitreprécédent, c'est que vous êtes déjà en voie d'acquérir de nouveauxmodes de communication et de comportement. Le moment est doncvenu de découvrir le moyen de « désensibiliser » vos points sensibles.
Peut-être avez-vous déjà enregistré quelques succès dans votre résistance aux pressions de l'autre et apercevez-vous des changements,autant chez vous que dans la relation. Vous savourez, avec une sensa
tion de puissance retrouvée, cette réaffirmation de votre intégrité. Etpourtant, vous remarquez dans le même temps que certains des sentiments de peur, d'obligation et de culpabilité qui vous ont tant gâché lavie n'ont pas disparu, loin de là. Tout se passe comme si un belimmeuble neuf se construisait à la place d'un vieux taudis mais que lesinsupportables locataires de la cave refusaient de partir.
Or, il ne faut pas vous en inquiéter. Les dispositions psychologiquesne se transforment pas du jour au lendemain. Tapis au fond de vous
depuis très longtemps, les sentiments en question ont mis des annéespour cristalliser sous forme de points sensibles, et ils ne se laisseront pasexpulser sans livrer combat. Mais c'est une lutte que vous allez remporter, car je vous montrerai des moyens directs et pratiques de refermerles plaies qui vous ont rendu si sujet au chantage affectif.
Je vous rappelle que, en dépit de mon recours à l'expérience de mespatients pour illustrer mon propos, rien ne vous empêche de faire toutseul les exercices et les techniques exposées.
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VIEUX SENTIMEN TS,
NOUVELLES RÉACTIONS
Ceux qui ont lu mes ouvrages précédents, surtout Parents toxiques, seront peut-être étonnés de découvrir que le travail proposé dans ce cha
pitre ne suppose pas nécessairement un retour aux expériences lointaines qui sont à la racine des fragilités actuelles. Chacun porte, certes,les cicatrices de son passé, et on a généralement une idée, si vague soit-elle, de leurs auteurs et des circonstances dans lesquelles elles se sontproduites. Si, en outre, on s'est livré à une thérapie ou à un effort d'introspection, on a probablement su identifier les liens entre blessuresd'hier et comportements d'aujourd'hui.
Mais comment se fait-il alors que, malgré cette lucidité, on se trouve
toujours à la merci des maîtres chanteurs? L'explication est que l'onréserve, en quelque sorte, un traitement de faveur à ses blessures. Onsabote son bien-être en cédant au chantage afin de fuir des sentimentsgênants plutôt que d'apprendre à les dépasser. Ce comportement rappelle celui de la personne qui, s'étant foulé la cheville, continue de boiterlongtemps après l'accident, de peur de la douleur qu'elle pourrait éprouver en reprenant une démarche normale. Dans les passages qui suivent,
j'évoquerai, comme auparavant, certaines expériences de l'enfance. Mais
l'essentiel, à ce stade, c'est d'acquérir de nouvelles réactions à de vieuxsentiments, de rester dans le présent en se concentrant sur les individusqui les ravivent aujourd'hui.
Avant d'aller plus loin, cependant, je voudrais insister particulièrement sur un point. Il est des situations qui réclament l'intervention deprofessionnels. Si vous souffrez de dépressions répétées, d'angoissesparalysantes, d'alcoolisme ou de toxicomanie ou encore des séquellesd'une enfance jalonnée de mauvais traitements, vous seriez bien inspiré
de faire appel à l'une ou l'autre des nombreuses possibilités d'aide médicale ou psychothérapeutique à votre disposition. Des thérapies de courtedurée, de nouveaux antidépresseurs et des séminaires de développementpersonnel, pour ne citer que trois exemples, ont bouleversé ce domaineau cours des dix dernières années, si bien que, désormais, ceux qui cherchent de l'aide en trouvent.
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R E T O U R AUX SENTIMEN TS
Il y a de fortes chances pour que vous connaissiez déjà vos réactionslorsque l'un de vos points sensibles est touché. Peut-être faites-vouspreuve d'un empressement maladif à l'égard des autres ou êtes-vous toutde suite reconnu dans le passage de ce livre sur le syndrome d'Atlas.
Peut-être craignez-vous la colère comme la peste. Mais quel que soitvotre penchant, je vous demande de profiter du travail présenté dans cespages pour essayer d'identifier les aspects du brouillard auxquels vousêtes le plus sensible. Il suffit pour cela de faire un inventaire rapide encochant les éléments de la liste suivante qui s'appliquent dans votre cas.
Quand je cède à quelqu'un qui exerce des pressions sur moi, c'estparce que :
• je crains de le mécontenter ;• je redoute sa colère ;• j’ai peur de perdre son amitié, son amour ou même d'être aban
donné ;• je le lui dois ;• je ne peux pas refuser, compte tenu de tout ce qu'il m'a donné;• c'est de mon devoir;• je me sentirais coupable si je ne cédais pas ;• j'aurais l’impression d'être égoïste (froid, mesquin);• je me sentirais mauvais si je ne cédais pas.
Vous aurez remarqué que les trois premières phrases concernent lapeur, les trois suivantes le sentiment d'obligation et les trois dernières laculpabilité. Il se peut que la plupart d'entre elles, voire toutes, valentpour vous. C'était le cas d'Ève : elle craignait d'être mal vue des autres sielle cherchait à se dégager de l'étreinte étouffante d'Elliot, s’estimaitredevable envers lui du fait qu’il subvenait à ses besoins économiques etse sentait pétrie de culpabilité à la simple idée de le quitter.
Chez d'autres personnes, les points sensibles se résument plutôt à unseul sentiment dominant, même s'il faut reconnaître que, dans les faits,les trois états se chevauchent en partie. Ainsi, Elisabeth ne se sentait niredevable ni coupable, mais elle avait peur des éclats dont Marc s'étaitmontré capable. La liste que nous venons de voir devrait vous aider àdéterminer lequel de vos points névralgiques est le plus à vif et les éléments du brouillard qui exigeront le plus d'efforts de votre part.
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DÉSENS IB ILISATION , PREMIER ACTE
LA PEUR
La peur est le mécanisme primordial de survie qui a pour finalité de
vous éloigner du danger. Elle relève à la fois de l'inné et de l'acquis, do
l'instinct et de la raison. Face à deux hommes armés et encapuchonné»qui exigent votre argent, vous avez peur, de même que lorsque votreconjoint menace de vous quitter en embarquant les enfants.
Cela dit, nombre des craintes que l'on éprouve dans des situations dechantage affectif surgissent en prévision de périls qui n'existent pas for
cément. Le maître chanteur tire intuitivement parti de ces peurs et le»
amplifie même. Des images de désastre se bousculent dans l'esprit de sa
victime, acquérant une telle intensité qu'elles finissent par paraître
réelles. On modifie donc son comportement afin de se protéger descoups que l'on attend d'un moment à l'autre. Voilà pourquoi il faut tout
d'abord apprendre à se détourner des scénarios catastrophes que l'on a
coutume d'échafauder et de mettre à leur place des options positives.
Vous avez laissé votre imagination se déchaîner à votre détriment;
l'heure est venue de la faire travailler en votre faveur.
La peur d ’être m al vu
Cette crainte a beau sembler sans grande importance, elle est parfois
Nonrce de souffrances affreuses. Dépassant de loin la simple envie de
rentrer sous terre au moindre froncement de sourcils, la peur d'être mal
vu fait partie du tissu même de l'image que l'on a de sa dignité person
nelle. À partir du moment où l'on laisse définir son être par l'approba
tion et la désapprobation d'autrui, on ne peut que s'attribuer de gravesdéfauts dès le premier signe de mécontentement.
Tout le monde aime à recevoir des éloges, au point même qu'ils peu
vent sembler indispensables. Il y a longtemps, avant d'avoir fait mes
études de psychothérapeute, j'étais comédienne professionnelle. Je me
délectais à l'époque des louanges et des applaudissements que me valaitparfois mon interprétation... et me précipitais dans l'abîme du désespoir
quand elle ne les suscitait pas. J'évaluais la qualité de mon travail exclu
sivement en fonction du jugement d'autrui. Avec l'âge, cependant, j'aifait une découverte merveilleuse. Ayant pris de nombreux risques au
cours de ma vie, j'ai constaté que je peux supporter la désapprobation
muette et même la critique impitoyable à condition de garder le contact
avec mon intégrité.
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Je ne souV'Oitlme pas la difficulté de l’entreprise, surtout lorsqu'on
se heurte à une opposition acharnée, mais je prétends néanmoins qu'elle
n’a rien d’ impossible.Sarah notait une amélioration constante de sa relation avec Frank
depuis qu’elle avait attiré son attention sur les innombrables épreuves
qu’ il lui faisait subir.
Nos discussions ont beaucoup aidé, mais je n’arrive toujours pas à me libé- rer de Vidée que, sans son approbation, je ne serai jamais à Vaise avec mes
décisions et avec moimême. J’ai beau me répéter qu’il est temps de devenir
adulte et de tourner la page, cela ne .marche pas. J'ai surtout peur de finir
comme ma mère, qui n'osait pas traverser la rue si elle n'avait pas l'autori-
sation préalable de mon père.
Un courage d’un type particulier
Pour s'affranchir de la peur d'être mal vu, il faut d'abord parvenir à distinguer entre les opinions et les valeurs auxquelles on adhère véritable
ment et celles qui ont été imposées de l'extérieur, et ensuite savoir
défendre ses idées et ses désirs, au besoin en bravant la désapprobation
d'autrui.C'est sur un ton très animé que Sarah me raconta qu'elle y avait jus
tement réussi :
Vous m'avez demandé dépenser aux meilleurs côtés de moimême. Eh bien, en haut de la liste, j 'ai placé ma vivacité et ma volonté de relever les défis.
Or, comme c'est à travers mon travail que je donne libre cours à ces deux
traits, il ne m'a pas fallu longtemps pour conclure que je devais développer
encore mon activité professionnelle. Je tiens beaucoup à Frank, mais ma
vie ne se résume pas à ma relation avec lui. Je lui ai dit que quelques
minutes de réflexion lui montreraient à coup sûr qu'il aurait infiniment
plus de plaisir à vivre avec une femme qui se passionne pour son travail. Il
, a ronchonné un peu, mais j ’ai néanmoins continué à lui répondre par des
phrases non défensives, et il a compris que je n'entendais pas lâcher prise.
Résultat: il Va très bien intégré. J'ai l'impression d'être en vacances !
Ève vivait, quant à elle, une situation assez différente. Contrairementà Sarah, qui avait à son actif une vie professionnelle en pleine expansion
et une relation potentiellement solide, elle devait affronter bon nombre
d'inconnues, sans compter la tâche de trouver un nouvel équilibre. Etpourtant, elle commençait elle aussi à maîtriser sa peur d'être mal vue.
Cela fait tellement longtemps que j'entends des voix qui me traitent d’imbé-
cile ou de monstre froid et insensible. Mais j ’ai décidé de ne plus me soucier
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autant de ce que pensent les autres, surtout pareil qu'il tour arrive quelque «
fois de vous sortir des idées assez bizarres. I l y en a même qui se demandent
si l ’Holocauste a bien eu lieu !
Aux antipodes de la peur d'être mal vu se trouve la liberté de rêver etde mettre sur pied une vie qui vous appartient réellement. Sans minimi*
ser les difficultés de cette voie, j'affirme néanmoins que chaque fois que
vous prenez la résolution d’être seul maître à bord, à la manière deSarah et d'Eve, vous faites un pas de géant vers une existence fondée sur
votre conception des choses, pas sur celle des autres. À partir de là, vous
serez en mesure de « décrocher » de votre besoin excessif d’approbation.
La peu r de la colère
Marc avait bien tenu sa promesse de faire un travail sur sa colère, maisÉlisabeth ne tarda pas à comprendre qu’ il n'était pas le seul à avoir des
difficultés face à cette émotion.
L’autre soir, ditelle, il a trébuché sur un jouet que les enfants n ’avaient pas
rangé, et i l a commencé à jurer et à crier. J’étais dans une autre pièce et je
savais que ses cris ne me visaient pas, mais rien que le son de sa voix a accé-
léré le battement de mon cœur. I l s’efforce vraiment de changer, et je pensais
que tout s’arrangerait dès qu’il aurait appris à mieux maîtriser sa colère, mais je constate que je reste trop sensible. Je ne veux pas continuer jusqu’à
la fin de mes jours à paniquer chaque fois que quelqu'un élève la voix.
Élisabeth ne redoutait pas de violences physiques. Elle avait certes
entendu des invectives par le passé, mais elle n'avait jamais douté que
les choses en resteraient là. Comment expliquer alors sa réaction viscé
rale à la moindre expression de contrariété ?
Pour mieux comprendre, je lui posai trois questions :
• De quoi avez-vous peur ?• Que peut-il vous arriver de pire ?• Quel est votre fantasme de cette situation redoutée ?
Je crois au fond que j ’ai peur qu’il me passe dessus comme un rouleau com-
presseur. C’est difficile à expliquer. J’ai un peu la sensation d'être aussi
désarmée qu’une gamine de deux ans. Quand il se met en colère, je sens
comme une vague de chaleur qui m’engloutit...
Le son des cris de Marc transportait Élisabeth loin en arrière. Ces
sant brusquement d'être une femme de trente-cinq ans, elle* redevenait
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une petite fil lu pour qui les cris signifient le danger. 11ne faut d'ailleurs
pas s'en étonner, puisqu'elle avait grandi dans une famille où les hurle
ments annonçaient la nécessité de se mettre à l'abri. Mais, à l'instar de
tant d'autres victimes du chantage affectif qui se mettent en quatre afin
d'apaiser ou d'éviter la colère, Élisabeth confondait constamment passé
et présent. C'est ainsi que, tout en lui demandant de centrer son atten
tion sur les « rechutes » de Marc, je lui conseillai de parler un jour ou
l'autre à son père et à son frère de la terreur qui l'envahissait si souventpendant l'enfance.
Personne ne vous apprend la manière de réagir à la colère d'autrui,
et la plupart des individus ont, dans ce domaine, un répertoire assez
limité. Face à un spécialiste de la vocifération, il convient d'attendre un
moment de calme pour le prévenir en ces termes : « Je n'admets pas que
l'on me crie dessus. La prochaine fois que tu le feras, je quitterai aussitôt
la pièce. » De cette façon, vous vous placez d'emblée en position de force
tout simplement en prenant une initiative dans votre intérêt. Mais atten
tion : dès que l'incident se reproduit, il faut mettre à exécution votre
menace pour montrer que ce n'étaient pas des paroles en l'air.
Au moment de vous retirer du champ de bataille, dites, sur un ton
vigoureux, une phrase du genre : « Ça suffit ! » ou : « Arrête ton char ! »Quand j'indiquai cette possibilité à Élisabeth, elle me regarda, les yeux
grands ouverts, et demanda : « Est-ce que je peux vraiment faire ça ?
- Pourquoi pas ? répondis-je, vous avez mon autorisation. »
On imagine souvent que la colère de l’autre s'emballera à tel point
qu'il ne sera plus maître de ses actes et se livrera à des violences.(Notons au passage que, si vous redoutez réellement de recevoir des
coups, vous n'avez plus rien à faire dans une relation avec cette per
sonne.) Mais on se pose rarement la question de ce qui se passerait si
l'on réagissait avec une force et un aplomb auxquels on n'a pas habitué
l'autre. Dès lors, en effet, que vous quittez le rôle de l'enfant effrayé et
qüe vous assumez pleinement celui de l'adulte que vous êtes, vous avez
déjà commencé à vaincre votre peur de la colère.
Réécrivez l’Histoire
Un exercice qui, d'après mon expérience, aide grandement les victimes
du chantage affectif à affronter avec assurance la colère consiste à
reconstituer un incident récent pendant lequel vous avez cédé par peur.
Fermez les yeux. Rappelez-vous les mots que l'autre a prononcés,
puis les vôtres. Évoquez l'angoisse, le battement de votre cœur, les
jambes flageolantes, les images apocalyptiques qui se sont bousculées
dans votre esprit lorsque vous vous figuriez la rage qui allait se déchaî
ner contre vous.
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Ensuite, repassez la scène, muis en la récrivant à partir de la montéede la colère de l'autre. Annoncez-lui fermement: « Non, je ne céderaipas! Arrête de faire pression sur moi! » Répétez ces phrases jusqu'à cequ'elles vous paraissent convaincantes, étant donné que l'on commencele plus souvent sur un ton hésitant. Écoutez-en le son, et remarquez laforce accrue que vous sentez en vous. Oui, vous pouvez dire ces mots.Oui, ils vous investissent d'une puissance nouvelle.
Récrivez autant d'incidents de chantage que vous voulez, et aussisouvent que vous le souhaitez, afin de libérer votre imagination et devivre cette reconquête de votre pouvoir sur votre vie. Cet exercice prendra une importance particulière si vous subissez les pressions d'un bourreau, compte tenu des méthodes employées par cette catégorie demaîtres chanteurs : la peur est le principal outil de leur métier.
De l'utilité de jouer le rôle du maître chanteur
« Si la colère m'effraie à ce point, expliquait lèlisabeth, c'est en partieparce que j'ai l'impression que la personne qui l'exprime disparaît. Il n'ya plus de Marc, mais seulement cette bouffée de rage qui me frappe. »
Je lui demandai alors de prendre momentanément le rôle du maîtrechanteur en me faisant une imitation de Marc sous son jour le plus terrifiant.
« Vous plaisantez, n'est-ce pas ? Je ne peux pas faire ça, répondit-elle.
- Si, si. Oubliez un instant votre gêne et essayez pour voir ce qui se
passe, lui dis-je. L'expérience de se trouver à la place d'un maître chanteur,ne serait-ce que pour quelques minutes, peut être riche d'enseignements. »Après un démarrage assez hésitant, Élisabeth se laissa peu à peu
entraîner par ce jeu et finit par donner une interprétation très vivanted'une crise typique de son mari.
Tu crois pouvoir me quitter comme ça ? Eh bien, détrompetoi : pas ques-
tion que tu détruises notre famille. Si tu essaies, je te promets que tu le
regretteras ! Tu n'auras pas un centime, et je ne te laisserai pas non plus les enfants ! Tu m'entends ?
À la fin, Élisabeth se tut pendant un bon moment. Puis elle me dit :
Quelle expérience bizarre ! En proférant ces menaces, je n'avais pas du tout une impression de pouvoir. J'ai éprouvé au contraire un sentiment de ter-
reur et d'impuissance, comme si on allait me priver de quelque chose qui
me tenait à cœur et que le seul moyen d’éviter d’éclater en sanglots était de
pousser des hurlements. J'ai eu l'impression d'être un enfant en colère qui crie parce qu'il ne trouve pas les mots pour dire ce qu’il ressent,
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SI, en revanche, le maître c h a n t e u r d u u n votre vie e x p r im e b»par un mutiimo renfrogné, adoptez à votre tour ce comportement etobservez ce qui vous arrive. Efforcez-vous de ressentir votre peur de lacolère et votre sentiment de faiblesse.
Quelle que soit la nature de la rage que vous cherchez à interpréter,vous découvrirez que celui qui a toujours semblé détenir le pouvoir n’esten réalité qu'un lâche. L’individu sûr de lui n’a nullement besoin detyranniser autrui pour obtenir ce qu'il veut ou démontrer sa force. Et
même si vous en étiez déjà conscient sur le plan rationnel, le fait de« devenir » cette personne pendant quelques brefs instants vous permettra d'étoffer cette conscience en lui donnant une assise affective.
Que vous décidiez en fin de compte de maintenir votre relation avecl'autre ou pas, cette expérience vous aidera à mieux affronter la colère.
Tant le bourreau enragé que le boudeur sont au fond des enfants effrayés.Si cette conviction ne rend pas pour autant plus acceptable leur comportement, elle peut bien lui ôter une bonne partie de son caractère terrifiant.
La peur du changement
Personne n'aime accomplir de grosses transformations dans sa vie. Onse sent à l'aise avec les repères habituels, pour démoralisants qu'ilssoient, car on connaît au moins les comportements que l'on doit avoir etceux qu’on attend des autres.
Maria avait beau être décidée à quitter Paul, elle redoutait terrible
ment l’ avenir qui se dessinait.
J’ai peur d’être une femme divorcée dans ce vaste monde. J’ai peur de la
douleur et du chagrin. De l ’incertitude. De devoir recommencer ma vie. De
ne pas savoir donner toute seule un sentiment de sécurité à mes enfants.
J’ai peur de l ’opinion des autres, qui risquent de me rendre responsable de
tout et de m ’accuser d’avoir gâché une situation enviable. Je suis presque
tentée d’arrêter la procédure de divorce et de revenir à cette tristesse si fami-
lière. Au moins je connais la partition par cœur.
Maria jouait avec brio son rôle d'épouse soumise et de mère dévouéeet savait se retrouver dans des situations habituelles. Or, c’était justement l’attachement aux habitudes qui posait problème : elle avait du malà leur tourner le dos. Dès que l’on envisage un changement important,on est gagné par la panique, celle dont se nourrissent les maîtres chanteurs les plus destructeurs. On préfère donc s'enfermer dans un modede comportement bien connu et s'accrocher à une relation néfaste pourcalmer des angoisses qui menacent de prendre le dessus.
L
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Je révélai à Maria que j'étais restée des années malheureuse ouménage parce que je souffrais à l'époque des mêmes angoisses qu'elle.
« Je suis vraiment soulagée de l'apprendre, dit-elle, de savoir que J|ne suis pas bizarroïde du fait que j'éprouve ces sentiments. »
Le maître chanteur tire parti de la peur universelle du changementen sortant des phrases comme celles-ci :
• Tu vas te sentir très seul sans moi.• Tu regretteras ta décision mais ce sera trop tard.• La femme célibataire trouve difficilement sa place dans notre société,• Comment peux-tu faire cela à nos enfants ?• Tes propos me semblent tellement incohérents que je me demande il
tu sais toi-même ce que tu veux.• Tu n'as qu’à regarder tous ces divorcés malheureux.
Il n'y a pas de mal à lui avouer vos craintes, à condition de réitérer
par la même occasion votre volonté de changer la situation. Exemple :« Tu as peut-être bien raison. Je sais que ce ne sera pas facile, mais jetiens malgré tout à demander le divorce. » Ou, dans le cadre d’une relation d'un autre type, vous pourriez vous contenter d'une réponse laconique du style : « C'est gentil de t'en inquiéter comme ça. » Si l'autres'obstine à brosser un tableau sombre de l'avenir auquel vous vousseriez, selon lui, condamné, il convient de revenir à la communicationnon défensive en disant: «Je n'ai plus envie d'en discuter. » N'oubliez
pas : vous avez, au même titre que Vautre, le droit de parler ou de ne pas parler de tel ou tel sujet !
Lorsqu'on décide de s'éloigner d'une personne qui joue un rôleimportant dans sa vie, on entre dans une période de crise, c'est-à-dired'incertitude et de bouleversement affectif. Mais il ne faut pas réduire lacrise à sa seule dimension de grave perturbation. Car pour peu qu'onl'affronte avec courage et intelligence, elle offre une occasion en or de sedévelopper et de se construire une vie meilleure.
C'est le moment idéal pour se mettre à la recherche d'un groupe depersonnes vivant des situations semblables à la vôtre. Commencez parinterroger des amis ou des connaissances auxquels un stage ou une thérapie a manifestement fait du bien. Une réserve, cependant : assurez-vous que les membres de la structure dans laquelle vous pensez vousintégrer ne se contentent pas de se répandre en lamentations et de seraconter à qui mieux mieux leurs expériences malheureuses, mais qu'ilsœuvrent réellement à améliorer leur sort. Un groupe d'individus sou
cieux de s'entraider dans les moments difficiles et de retrouver ensembleleur assurance perdue dégage souvent une étonnante énergie réparatricequi fait d'un besoin de changement un défi à relever plutôt qu'unennemi à redouter.
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La peur d'être abandonné
On pourrait presque qualifier la peur de l'abandon de mère de toutesles angoisses. Selon certains spécialistes, elle est génétiquement enco-dée et constitue le point d'arrivée de toutes les peurs qui se rapportentaux relations avec les autres, dont la peur d'être mal vu et celle de lacolère. Que Ton y voie un phénomène inné ou acquis, ou encore unmélange des deux, le fait est que tout le monde l'éprouve. Et, si cer
taines personnes supportent relativement bien cette peur, elle gâche lavie de bien d'autres. Lorsque, sous son effet, on capitule de façon répétée, même au mépris de ses propres intérêts, on communique en substance ce message : « Je ferai tout ce que tu veux si tu promets de ne pasme quitter. »
Élise trouva un grand réconfort dans l'engagement de Jeff de ne pluspartir à la suite d'une dispute sans lui indiquer l'endroit où il allait et ladurée de son absence. Mais la peur d’être abandonnée qui l'habitait
depuis tant d'années ne disparut pas du jour au lendemain.
Voilà ce qui continue de me bloquer. Si quelqu'un se fâche avec moi, je pres- sens qu’il va finir par me quitter, et c’est pour cela que je cède à tous les coups. Je sais que c’est de la lâcheté, mais je n’y peux rien.
Entre le déplaisir de l’autre et son départ définitif, il y a certes ungouffre logique mais, de toute façon, les idées noires n'obéissent pas à la
logique. Pis, elles s’emballent facilement, transformant un simple désaccord en saut dans l’abîme.Si, comme Élise, vous êtes vite entraîné dans un tourbillon d'images
cataclysmiques, vous feriez bien de limiter consciemment le temps etl’attention que vous leur accordez.
Le robinet aux idées noires
J’aimerais que, au cours de la semaine à venir, vous consacriez du tempsà vos peurs d’abandon. Donnez libre cours au « simulateur de catastrophes » en laissant défiler à toute allure les images les plus terrifiantesqui vous hantent. Mais seulement à une condition : que vous programmiez un minuteur pour qu’il sonne au bout de cinq minutes et que vousrestreigniez à cette durée vos idées noires de la journée.
Vous n’avez qu’à considérer ces cinq minutes comme votre dosequotidienne de mauvais sang. À leur expiration, priez vos pensées néga
tives de bien vouloir regagner la sortie, comme on le ferait avec un visiteur importun. Si elles reviennent au cours de la journée, dites-leur
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cju'ellcs ont déjà eu l'audience promise et que vous les retrouverez le lendemain. Puis, tâchez de réduire progressivement Je temps que vous leuraccordez, de manière qu'il retombe, le cinquième jour, à une seuleminute. Je sais bien que cela paraît simpliste, mais n'oubliez pas quetout sentiment remonte à une pensée, si éphémère soit-elle. On maintient ses angoisses en éveil du fait qu'on leur consacre une attention
constante. En fermant, comme je vous le conseille, le robinet des idéetf *noires, vous coupez en amont le flux pensée-sentiment-comportement et
étendez votre maîtrise de la situation.
Le trou noir
Cet exercice de fermeture du robinet des idées noires aida Élise à éviter
des dérapages irrationnels, mais elle n'avait toujours pas affronté son
angoisse devant ce quelle appelait le « trou noir », cet abîme dans lequel
elle craignait de tomber - sans jamais pouvoir en ressortir - si Jeff la
quittait. Ce n'était d'ailleurs pas la première fois que j'entendais cette
expression dans la bouche de mes patients. Il s'agit vraisemblablement
d'un avatar contemporain et universel de l'enfer.
Aussi loin que remontaient les souvenirs d'Élise, le trou noir faisait
partie des images qui passaientpar son esprit. Connaissant intimement la
(erreur qu'il suscitait, elle ne tenait pas à franchir le seuil et à y pénétrer.
Et pourtant, c'était, je l'en assurai, exactement ce quelle devait faire.« Je ne suis pas sûre d 'y parvenir, ditelle d'une voix hésitante.
- Si ce n'est pas pour aujourd'hui, ce sera pour quand ? demandai-je.
Allez, donnez-moi la main. Nous allons entrer ensemble dans le trou
noir. Qu'est-ce que vous y voyez ?
- Un endroit sombre et glacé. Pas de contact humain, pas de com
munication, rien que de l'isolement. Je suis coupée de tout le monde.
Sans compagnie, les jours sont si longs... Les murs se referment sur
moi... Personne ne m'aime, personne ne s'intéresse à moi, on ignoremême que j'existe. »
Quand le seul autre choix possible semble être de tomber dans cet
état sinistre décrit par Élise, qui n'opterait pas pour la capitulation ? Par
ailleurs, on s'expose aux pires manipulations dès lors qu'on met tous ses
espoirs de survie affective dans un seul individu.
« Bien, disje à Élise, vous m 'y avez conduite. Maintenant, je vous
demande de me trouver la sortie.- Oui, c'est ça, ironisa-t-elle. Il suffit d'un coup de baguette magique
po u r fa i re disparaître mes angoisses.- Vous y arr iverez, j'e n suis certaine.
- I l n 'y a que Je f f qu i pu isse me sortir de là.
- Je ne suis pus d'accord. Ce chemin-là, vous devr/ If1trouver toute
nr i a rriTTv/rrrir111 N.'üoN A l A CTIO N i
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seule ou II ne vous servira à rien. Je ne cherche pas à minimiser l’ impor
tance de votre relation avec Jeff, mais ce n'est malgré tout qu'un des
multiples éléments capables d'enrichir votre vie. Commençons donc par
un effort d'imagination. Pour vous, ce serait quoi, le contraire du trou
noir ? »
Élise ferma les yeux avant de répondre.
« Je vois devant moi les autres personnes qui comptent dans ma vie -
ma famille, mes amis, quelques collègues sympas - et des activités que j'adore... Attendez ! Je me souviens d’une journée très spéciale. J'ai douze
ans et mon père vient de m'offrir mon tout premier cheval, un magnifique alezan doré à crins blancs. Je n'en revenais pas ! Un cheval pour moi
toute seule ! Je me rappelle l'odeur du foin, le soleil sur mon visage... Je
crois bien que c’est le plus près que j'aie été du bonheur intégral.
- Et vous pouvez y retourner chaque fois que vous commencez à
paniquer, lui dis-je. Quand vous le voulez, vous retrouverez tout le plaisir
et toute l'exaltation d’alors. Surtout, vous vivrez d’autres journées aussifabuleuses que celle-là. Vous avez un mari et d’autres personnes qui
vous aiment, une bonne carrière et une sensibilité hors du commun.
Quels atouts extraordinaires ! Vous voyez ? Vous êtes tombée sans le
savoir sur la sortie du trou noir ! »
Des exercices de ce genre sont utiles chaque fois que la peur s’em
pare de vous. Asseyez-vous, fermez les yeux et inspirez quatre ou cinq
fois de suite. Maintenant, remémorez-vous l’une de ces journées excep
tionnelles de votre vie. Il s'agit peut-être d’un moment de votre enfanceoù vous n’aviez pas le moindre souci, ou alors d'un endroit merveilleux
que vous avez visité et dont la beauté féerique a touché tous vos sens.
Laissez votre esprit et votre corps absorber les images, les odeurs et
l’ ambiance de ce jour lointain, jusqu’à ce que son souvenir vous calme.
Pensez que vous pouvez toujours reprendre cet exercice afin d’ illuminer
le rou noir.> La peur de l’ abandon qui se manifeste dans les relations amoureuses
est la version adulte de celle que l'on a sentie au cours de l’enfance, lors
qu'on était incapable de survivre tout seul. Malheureusement, nombred'adultes continuent de croire qu'ils connaîtront une espèce de mort
psychique si un être proche les quitte. Or, en réalité, le trou noir n'existe
que dans l'imagination. C’est un mensonge qui se fait passer pour la
vérité.
Les individus et les expériences qui vous apportent joie et bien-être
ont tendance à s’effacer de votre esprit dès que vous prenez peur. Mais
elles restent à votre disposition, tant dans la vie réelle que dans le travail
de la mémoire et de l’imagination. Si la peur vous fait l’effet d’unesombre rivière qui vous parcourt, il suffit d’y placer ces pierres de gué
pour pouvoir la traverser.
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DÉSENSIBILISATION, DEUXIÈME ACTE
L'OBLIGATION
Comme la vie serait simple s'il existait un barème de l'obligationqui déterminerait, à la manière des tranches d'imposition, la partincombant à chacun! Grâce à ce mode de calcul objectif, on n'aurait
plus besoin de se torturer pour savoir combien on doit à autrui. Et, pendant que l'on y est, pourquoi ne pas imaginer un ensemble de règlesindiquant les plafonds et les planchers à ne pas dépasser, les situationsdans lesquelles l'altruisme risque de faire plus de mal que de bien ou lesmoyens d'équilibrer obligations vis-à-vis d'autrui et engagementsenvers soi-même ?
Le sens du devoir n'est pas présent dès la naissance de l'individu:on l'apprend au contact de ses parents, à l'école et, plus généralement,
par le biais de la culture ambiante. Par ailleurs, le fait d'être périodiquement bombardé de nouvelles règles n'arrange rien non plus. Après unelongue période pendant laquelle l'altruisme et l'esprit de sacrifice passaient pour des qualités admirables, on a eu droit à la génération du« moi d'abord », qui applaudissait tout ce qui semblait relever de l'avancement individuel. Puis, ce fut de nouveau un grand mouvement debalancier, et vive la compassion! Faut-il s'étonner de la confusion quirègne à l'heure actuelle ?
Il est tout sauf facile de retrouver l'origine des idées que l'on a faitessiennes en matière d'obligation. En fin de compte, d'ailleurs, cela n'aguère d'importance. Ce qui compte, c'est que l'on y adhère et que certaines de ces idées créent un terrain favorable au chantage affectif. Sivous partez du principe que les besoins des autres doivent passer avantles autres, si vous avez pris le pli de vous attribuer systématiquement ladeuxième place, quitte à vous épuiser physiquement, moralement etfinancièrement, il est grand temps de remettre à plat vos valeurs et de les
modifier.
Où estil écrit . . . ?
Un excellent moyen de remettre en cause les idées qui produisent tant destress et d'amertume dans votre vie consiste à les écrire noir sur blanc.
Commencez par dresser la liste des exigences de l'autre envers vous.
Par exemple, Untel veut en substance :
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• que J'accoure aussitôt qu’ il m'appelle ;• que je m'occupe de lui sur le plun physique, affectif ou financier;• que je me plie toujours à des souhaits concernant les vacances et les
loisirs ;• que j'écoute le récit de ses problèmes, quelle que soit ma disposition ;• que je le tire systématiquement d'affaire ;• que je n'accorde qu'une place secondaire à mon travail, à mes amis
et à mes centres d'intérêt;
• que je ne le quitte jamais, même s'il me rend malheureux.
Récrivez ensuite chaque phrase en la précédant de ces mots enmajuscules : OÙ EST-IL ÉCRIT... Notez l'énorme différence entre l'affirmation « Mon mari tient à ce que nous passions toutes nos vacanceschez ses parents » et l'interrogation « OÙ EST-IL ÉCRIT que je dois mecontenter de vacances médiocres du fait que je me trouve avec la famillede mon mari? » OÙ EST-IL ÉCRIT en effet qu'il faut privilégier les
besoins d'autrui au détriment des vôtres ? Que vous devez sacrifier votrebien-être afin de prendre en charge un parent exigeant qui serait parfaitement capable de se passer de vos soins ? OÙ EST-IL ÉCRIT ? Ces règlesen apparence immuables qui vous empêchent de vous traiter avec neserait-ce que le quart des égards que vous réservez aux autres ne figurent sur aucune table de la loi. Elles n'existent que dans le système denormes et de valeurs qui ont été gravées dans votre esprit.
L’indispensable commutation de votre peine
Karine avait le plus grand mal à abandonner son sens du devoir vis-à-visde sa fille, tant elle se flagellait à l'idée de porter l'entière responsabilitédes malheurs de celle-ci. De toute évidence, il fallait qu'elle examine lesracines profondes du sentiment de devoir qui la rongeait.
Se jugeant coupable d'un crime qu'elle n'avait pas commis - l'accident de voiture dans lequel son mari avait trouvé la mort -, Karines'était condamnée à la réclusion à perpétuité dans une prison du devoir. Je lui demandai de rechercher la définition du mot accident dans le dictionnaire. Elle se mit à m'en faire la lecture :
« C'est un événement imprévu, soudain et... »Elle s'arrêta net, et je vis des larmes perler dans ses yeux. Puis elle
reprit :«... non voulu ! »
Je lui conseillai de se répéter très souvent ces mots clés. Elle n'avaitni souhaité ni programmé cet accident : elle n'y était pour rien. Je luirappelai par ailleurs que, en dehors de quelques auteurs de crimes
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LJP LA C O M r n r HENSI ON A L ACTI ON
exceptionnellement barbares, tous les condamnés finissent un jour ou
l'autre par sortir de prison. Comment justifier dès lors son maintien en
détention ?
Karine avait une riche vie intérieure. Outre les réunions des « Alcoo
liques Anonymes » qu'elle fréquentait assidûment, elle pratiquait le
yoga et méditait tous les jours. Mais, pour paradoxal que cela puisse
paraître, son introspection ne lui avait pas permis d'aller jusqu'à se pardonner.
Je lui demandai d'évoquer une figure dotée du pouvoir requis pour la
remettre en liberté et dont elle pourrait interpréter le rôle dans un jeuavec elle-même.
« Hum, dit-elle, je ne me vois pas très bien comme le Bon Dieu, mais
je crois quand même avoir quelque part un ange gardien. Je pourraisinterpréter son rôle.
- Parfait, répondis-je. Maintenant que vous êtes votre ange gardien»
vous allez asseoir Karine dans la chaise en face et faire ce qu'il faut pour
la sortir définitivement de cet horrible cachot. Je veux que vous com
menciez par dire : "Je te pardonne." »
Les larmes déjà aperçues dans les yeux de Karine coulaient désor
mais sur ses joues.
Je te pardonne, Karine. Tu n'étais pour rien dans la mort de ton mari. C'était un accident. Tu as été une bonne mère qui a élevé ses enfants dans l'amour et la sécurité, une fille dévouée et une superbe infirmière. Tu t’intéresses sincère-
ment aux autres, mais il est temps de commencer à bénéficier toimême de ta générosité. Je te pardonne, ma chérie, je te pardonne...
Karine n'avait jamais réussi à se dire ces mots, mais, dans le rôle de
son ange gardien, elle put enfin se donner la validation et la libération
dont elle avait tant besoin. Je ne saurais trop chaudement recommandercet exercice. Si l'image de l'ange gardien ne vous convient pas, vous pou
vez interpréter le rôle d'une personne qui montre une grande affection à
votre égard. L'essentiel est d'identifier le moment précis où a débuté
votre enfermement dans la prison du devoir, puis d'en ouvrir la porte et
de sortir.
La séance que nous venons de voir allait marquer un tournant pour
Karine. Vers la fin, elle posa cette question : « OÙ EST-IL ÉCRIT que je
dois dilapider ma retraite tout simplement parce que ma fille estimeavoir besoin d'acheter tout de suite une maison ? »
Je lui dis qu'elle n'avait aucune raison d'hésiter à aider financière
ment Mélanie tant qu'elle pouvait réellement se le permettre et qu'elleétait mue par l'amour et la générosité et non pas pur lu pour de repré
sailles. Elle m'avoua Alors que la somme que Mélsnit lui demandait -
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25 000 francs - dépassait pour l'instant ses moyens, mais qu'elle serait
prête à donner le tiers.Quand je lui demandai ce qu'elle ferait si Mélanie protestait, elle
sourit, prit une profonde aspiration et répondit :« Eh bien, ce ne sera pas la première fois, ni sans doute la dernière.
Pour ma part, je me bornerai à lui dire que je ne peux pas donner plus et
que, si elle veut à tout prix accuser quelqu'un, elle peut s'en prendre àvous, puisque c'est vous qui m'avez lancée dans cette dynamique de
changement. »Les individus deviennent adultes et évoluent au cours de leur vie,
mais leurs valeurs ne suivent pas toujours le mouvement. Comme
Karine, vous avez le droit de vivre selon les principes auxquels vous
adhérez librement et consciemment plutôt que de continuer à appliquer
sans réfléchir ceux que vous aviez adoptés dans un passé lointain.
Jusqu'où pousser la générosité?
Ève avait beau savoir qu'elle devait quitter Elliot, tous les éléments dubrouillard la maintenaient dans la paralysie.
H a tellement besoin de moi, puisque je fais tout pour lui. En plus,, je lui
suis redevable. Je n’arrive tout simplement pas à franchir le seuil de la
porte.
Cette jeune femme belle et talentueuse avait renoncé à tant de choses
afin de pouvoir s'occuper d'Elliot que son compte affectif se trouvaitdangereusement à découvert. Coupée de ses amis, privée des activités
qui lui avaient autrefois procuré du plaisir, ayant subordonné ses aspira
tions professionnelles à celles d'Elliot, elle vivait désormais dans un uni
vers terriblement rétréci.
Plus vous avez de ressources personnelles, plus vous êtes à même dedonner: ce n'est pas plus compliqué que cela. Dès lors que votre vie
regorge de richesses - des êtres qui vous aiment et que vous aimez, une
vie professionnelle et affective qui vous comble, des amis, des joies, des
moyens financiers suffisants -, vous pouvez beaucoup offrir sans courir
le risque de compromettre votre bien-être. Si, à l'inverse, vous vous trou
vez en instance de divorce, dans une situation professionnelle conflic
tuelle et avec des fins de mois difficiles, vous aurez peut-être du mal à
consacrer du temps et de l'énergie à la satisfaction des besoins d'autrui.Eh oui : vous ne pouvez sauver quelqu'un de la noyade si vous ne parvenez pas vous-même à maintenir la tête au-dessus de l'eau.
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DP LA CO M I 'I II I I I NS ION A L AC T ION -
DÉSE NSIBILISATION, TR O ISIÈM E ACTE :
LA C ULPAB ILITÉ
La culpabilité tire une grande partie de son emprise de l'énorme dif
ficulté que l'on éprouve à distinguer entre culpabilité justifiée et culpabilité imméritée. On croit aisément que, si l'on se sent coupable, c'est qu'il
y a forcément une raison.
L'euphorie qui s'était emparée de Victor à l'idée de pouvoir aborder
en toute sérénité le sujet du déplacement professionnel qu 'il projetait de
faire ne dura guère plus de cinq minutes. Presque aussitôt, il se trouva
tiraillé entre sa conviction d'avoir pris la bonne décision et le grand
malaise que suscitait en lui la perspective de transformer aussi radicale
ment ses rapports avec sa femme.
Bien sûr, Julia avait accepté de rester à la maison et elle semblait bien vivre
la situation, mais cela ne m ’a pas pour autant empêché de me sentir terri-
blement coupable. Je l ’imagine toute seule, recroquevillée sur le canapé
devant la télé, pleurant à chaudes larmes et sursautant au moindre b ru it
U s sentiments de culpabilité ne surgissent pas du néant On peut me repro-
cher beaucoup de choses, mais je ne suis pas de ceux qui regardent tran- quillement souffrir leur femme.
Pour aider Victor à déterminer si ses sentiments de culpabilité se jus-lllinlent ou non, je lui demandai de répondre à cette série de questions :
• Y avait-il de la malveillance dans vos actions ou vos intentions ?• Y avait-il de la cruauté dans vos actions ou vos intentions ?• Vos actions ou vos intentions avaient-elles un côté vexant, méprisant
ou humiliant ?• Vos actions ou vos intentions étaient-elles de nature à porter atteinte
au bien-être de l'autre ?
Si vous répondez par l'affirmative à l'une ou à plusieurs de ces ques
tions, c'est qu'il y a bien lieu de vous sentir coupable, mais à une condi
tion : que ce sentiment vous remplisse de remords plutôt que de haine devous-même. La voix de l'intégrité exige que vous preniez la responsabilité
de vos actes et que vous fassiez le nécessaire pour réparer vos torts. Elle
ne vous oblige pas à vous considérer comme un monstre dépravé.
M ais s i, à l 'ins tar de Victor , vous a gissez dans votre intérêt sans po u r
a u t a n t c h e r c h e r à l é s e r l ' a u t r e , v o s s e n t i m e n t s d e c u l p a b i l i t é p e r d e n t
touto Justif ication et m éritent un exam en sérieux. C ar en l 'ab sen ce de cet
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finit par devenir un élément discret et pourtant permanent de votre vie
quotidienne, tel le papier peint de votre chambre à coucher.
Victor a donné une réponse négative à toutes les questions, mais une
certaine ambivalence continuait de caractériser ses sentiments lorsqu'il
partit tout seul en voyage d'affaires.
C’est la première nuit qui a été la plus dure.Comme je le craignais,elle pleu-
rait pendant notre conversation téléphonique. J'allais d'abord lui proposer des tas d’activités - sortir, aller voir des amis ou sa famille , mais je com-
pris que la seule façon de l ’aider était d'arrêter de lui donner des conseils et
de lui permettre de rechercher ses propres solutions. Je me bornai donc à
dire qu’elle me manquait, que tout se passait bien et que je rappellerais le
lendemain soir.
Le deuxième jour a été le tournant. Quand je téléphonai, elle n’était pas
à la maison. Inquiet, je laissai un message. Elle me rappela un peu plus
tard pour m’informer qu’elle avait été au cinéma avec une amie. Elle avait l ’air en pleine forme. Je me demandai tout d ’un coup si je ne m ’étais pas
fait un sang d'encre pour rien. Au cours de la semaine, elle eut certes des
hauts et des bas, mais elle trouva à s’occuper et se montra finalement à la
hauteur. Je ne prétends pas que tout cela ait été un jeu d’enfant, mais cha-
cun s’en est quand même bien tiré. Cela veut d'ailleurs dire que ce sera net-
tement plus facile la prochaine fois.
Reposez-vous les questions que j'ai soumises à Victor chaque fois
que vos sentiments de culpabilité semblent, comme les siens, disproportionnés avec les faits les ayant suscités. Une conscience équilibrée pro
duit normalement la dose de culpabilité appropriée. Une femme qui
couche avec le mari de sa meilleure amie devrait effectivement se le
reprocher, et ma liste n' a nullement pour but de blanchir les auteurs
d’actes inexcusables. Mais il ne faut pas non plus vous sentir coupable
tout simplement pour avoir brûlé le pain grillé du matin ou proposé d'al
ler voir un film qui s'est révélé ennuyeux. Encore moins pour avoir voulu
quelque chose qui pourrait enrichir votre vie, même si votre aspiration
n'a pas l'heur de plaire à l'autre.
La distinction entre fait et opinion
Ceux qui ont recours au chantage affectif ne s'embarrassent pas, eux, de
distinctions de ce type. Ils vous culpabilisent de la même façon, que
leurs reproches portent sur des faits gravissimes ou des bagatelles.
Hélas ! Nombre de leurs victimes s'empressent d'ouvrir toute grande laporte pour laisser la culpabilité s'y engouffrer.
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Léa, qui avait dit À sa mère à quel point cela la vexait d'être
constamment comparée à sa cousine, pouvait se féliciter de l'attitude
réceptive qui semblait avoir accueilli ses propos. Mais les veilles habi-
tudes ont la vie dure. Constatant, à une autre occasion, que Léa rechi
gnait à satisfaire l'une de ses demandes, sa mère essaya une nouvelle
form e de pression.
Elle voulait que je parte en weekend avec elle chez mon frère et sa famille,
raconta Léa, mais j'avais déjà pris des billets de théâtre et cela m’aurait
ennuyée de renoncer à ma sortie. Je lui dis qu'elle était assez grande pour s'y
rendre toute seule. Je lui proposai même je reconnais que c’était vache d 'y
aller avec Caroline. Elle se retint de faire son numéro habituel de comparai-
son avec ma cousine, mais elle ne se priva pas pour autant de me dire : « Tu
es apparemment trop occupée pour passer du temps avec moi. Il n’y a que ta
propre vie qui compte pour toi. Cela me scie de voir à quel point tu es deve-
nue égoïste. » J’ai beau savoir que c ’est de la manipulation éhontée et que
ma mère joue à fond les martyrs, je me sens quand même coupable, peut être pas autant qu'auparavant, mais plus que je ne voudrais. J'ai même envi-
sagé un instant d'annuler mon rendezvous et d'offrir mes billets à des amis.
Mais, je ne l'ai pas fait, et je suppose que c'est le signe d'un progrès.
Ce l'est incontestablement : en dépit des pressions quelle continuait
de subir, Léa avait modifié son comportement mais, comme tant
d'autres, elle sous-estimait sa réussite du fait qu'elle s'attendait en paral
lèle à une transformation tout aussi rapide de ses sentiments. Pour
réduire plus vite ses sentiments de culpabilité, elle devait apprendre à
distinguer entre les jugements négatifs de sa mère et les faits.
Je demandai à Léa de me faire la liste des qualificatifs les moins
amènes que sa mère avait prononcés au fil des ans dans ses moments de
contrariété. Comme je l'avais prévu, les mots qu'elle m'indiqua étaient
parmi ceux que les victimes de chantage affectif s'entendent reprocher.
Voici une partie de sa liste :
• insensible;• égoïste;• cavalière;• maladroite;• obstinée;• méchante;
• insensée;• incorrecte.
Contrairement à ce que croient certains, les mots peuvent faire mal,
d'autant plus qu'on les entend dans la bouche d'êtrti proches. Il faut
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\ j c un wrv/M T* n n n np i n i wn i t \ i a o i i u i n
pression sur vous et qui vous paraissent injustes et manipulateurs. Ins-crivez chaque remarque sur une feuille à part que vous glisserez dans la
boîte.À la fin de la semaine, scellez-la comme pour l'expédition en y ins
crivant le nom et l'adresse de votre marchand de culpabilité, ainsi que
les vôtres au dos. Marquez ensuite, de préférence en gros caractères
rouges, l'indication « RETOUR À L'ENVOYEUR ». Puis, avec autant decérémonie que vous voulez, débarrassez-vous de la boîte, que ce soit en
l'enterrant, en la brûlant et en éparpillant les cendres ou encore en la
jetant dans une benne à ordures. Le but demeure, dans tous les cas, lemême : ne plus accuser réception de sentiments de culpabilité qui ne
vous appartiennent pas. Ils ne vous concernent pas, refusez de signer.
Un paradoxe bien utile
Ève finit, malgré tous les démons qui la tiraillaient, par prendre son cou
rage a deux mains et quitter Elliot de la façon la plus humaine possible.
Elle annonça bien à l'avance la date de son départ et resta suffisamment
longtemps pour l'aider à trouver une nouvelle assistante qui assumerait
bon nombre des tâches dont elle s'était occupée. Elle entra par ailleurs
en contact avec les membres de la famille d'Elliot afin de les prévenir de
l'état dépressif dans lequel il sombrait et obtint de plusieurs d'entre euxla promesse qu'ils veilleraient sur lui et qu'ils s'appliqueraient à le
convaincre de faire une thérapie.
Je soupçonnais cependant que, en dépit de tous les progrès qu'elle
avait réalisés, Ève se libérerait difficilement du lourd fardeau de culpabi
lité imméritée qu'elle portait. Elle s'était installée provisoirement chez
sa mère, situation qu'elle vivait plutôt bien, et avait commencé à cher
cher du travail. Mais chaque fois qu'Elliot lui téléphonait en plein désar
roi, elle s'enfonçait de nouveau dans le brouillard.Plaçant une chaise vide face à Ève, je lui demandai d'imaginer qu'El
liot y était assis. Je l'invitai ensuite à s'agenouiller devant la chaise et à
dire : « Je sais que je ne peux pas m'en sortir sans toi. Je resterai donc à
tes côtés pour toujours. Je reviens et je ne te quitterai plus jamais. Pourtoi, je renoncerai à mes rêves, à mes aspirations, à ma vie. Je ne
demande rien pour moi. Jusqu'à la fin de mes jours, je me consacreraientièrement à toi. »
Ève me regarda incrédule. Puis elle me cria : « Mais, vous êtes folle,ou quoi ? Jamais je ne dirai des choses pareilles !
- Allez 1Passez-moi juste cette fantaisie », répondis-je.
Elle le fit, bien qu'à contrecœur. Parvenue à la moitié de son dis
cours, elle s'arrêta et s’exclama: «Attendez! Jt* me lins ptulultcment
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ridicule. Je veux bien reconnaître que je inc lais facilement rouler, mais
je ne suis quand môme pas complètement débile) Non! Je ne retourne
rai pas auprès de lui ! À partir d'aujourd'hui, je vais m'occuper de moi !
Ce n’est pas moi qui ai créé ses problèmes. Pourquoi devrais-je les
résoudre ? »
C'est ce qu'on appelle la thérapie paradoxale, méthode d'une effica
cité étonnante. Pour absurde qu'il puisse paraître, un paradoxe recèle
souvent du vrai. Comme nous venons de voir, le caractère insensé desaveux que j'avais incité Ève à faire la frappa tant point qu'elle se révolta.
Or, même si elle n'avait encore jamais prononcé ces mots précis devant
Elliot, son comportement récent avait bien transmis un message équiva
lent. Le recours au paradoxe l'obligea à pousser jusqu’au ridicule ses
sentiments de culpabilité et, de ce fait* à comprendre que rien ne les jus
tifiait.
Quelques semaines plus tard, Ève m’ informa qu'elle avait été engagée dans une agence de publicité. Elle me sembla tout d'un coup très
différente de la jeune femme aux abois qui s'était adressée à moi cinq
mois plus tôt. Je lui demandai si elle se souvenait d'avoir dit que, si elle
quittait Elliot, elle éprouverait de tels remords qu'elle en mourrait sûre
ment.« À vrai dire, répondit-elle, je n'ai jamais entendu parler de quel
qu'un qui serait mort de culpabilité, et je n'ai pas l'intention d'être la
première à le faire. Ce qui m'importe désormais, c'est de devenir plusforte et autonome financièrement. J'ai suffisamment de compétences
pour y arriver. Il me faut juste un deux pièces et une voiture. Je suis
capable de me procurer ça, et je vais bien. »
Elle avait raison.
L’imagination contre la culpabilité
Jeanne était assez perplexe le lendemain du jour où elle avait annoncé à
sa sœur qu’elle refusait de lui prêter de l’argent.
Je sais que c'est le bon choix, mais je n’arrive pas à me débarrasser de l’im- pression que j ’ai fait quelque chose d’horrible. Sa situation est désespérée. Quand j'y pense, tous ces vieux clichés me passent par la tête : la voix du
sang est la plus forte, il faut pardonner et oublier, passons l’éponge, etc. Je
me dis qu’en dernière analyse c'est ma sœur, qu’elle a des ennuis et que je ne peux pas la laisser en plan.
Une lutte terrible faisait rage au fond de Jeanne : la compréhension
rationnelle contre les espoirs qu'elle ne pouvait s'empêcher de nourrir.
" ■ ^ ± » * 1
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DE L A C O M P R E H E N S I O N A L A C T I O N
Tout se passait comme si la sagesse durement acquise après tant d'an
nées de rapports avec sa sœur ne parvenait pas à pénétrer suffisamment
en profondeur pour affronter ses sentiments de culpabilité.
Lorsque l'inconscient résiste à des changements salutaires, il s'avère
souvent plus facile de l'atteindre à coups de récits et d'allégories qu'en
recourant aux méthodes de thérapie classiques. Pour faciliter cette tâche
à Jeanne, je lui demandai donc d'écrire un conte de fées mettant en
scène sa relation avec sa sœur.
« Le mien, ironisa-t-elle, risque d'effrayer les enfants. Comment dois-
je m 'y prendre ? »
Je lui dis qu'elle éta it libre d 'y mettre tout ce quelle souhaitait, mais
à condition d'em ployer le langage et les images typiques des contes - la
narration à la troisième personne étant obligatoire - et de faire en sorte
que son histoire se termine, sinon dans le bonheur absolu, du moins sur
une note d'espoir.
Le conte que Jeanne a écrit me paraît si extraordinaire que je tiens à
le reproduire en entier :
II était une fois deux petites princesses. L'une était la préférée du roi, et ses
placards étaient remplis d’habits splendides et de bijoux étincelants. Elle se
déplaçait en carrosse d'or, et il suffisait qu ’elle exprimât un vœu pour qu ’il
fu t exaucé. L’autre princesse était, quant à elle, la favorite de la reine. Elle
avait du courage et de l ’intelligence, mais i l ne semblait plus rien rester
pour elle, car sa sœur avait raconté des mensonges au roi afin de la rabais-
ser à ses yeux. Aussi la pauvre petite princesse étaitelle condamnée à porter
les vêtements dont sa sœur ne voulait plus et, lorsqu’elle demanda au roi de
lu i donner des jouets ou des carottes pour son cheval (elle avait un poney à
la place d ’un carrosse), i l lui répondit : « Proposetoi comme apprentie chez
quelque artisan. » C’était là une manière élégante de dire : « Va donc tra-
vailler! » C'est ainsi que la pauvre petite princesse se plaça comme élève du joaillier du village, qui lui apprit à faire de jolies choses et louait son talent
et son assiduité.
Quand les deux sœurs devinrent grandes, la favorite se maria avec un
crapaud qui n'était poin t gêné par le peu d'aptitudes de son épouse pour la
cuisine ou le travail. I l était plutôt beau, certes, mais il était aussi dépensier
et propre à rien. I l l ’aimait pour sa fortune, qu'il comptait investir dans des
châteaux en Espagne. Bientôt, donc, la princesse n'eut plus de bijoux, et le
crapaud et elle se virent contraints de mendier. Quelle humiliation pour la favorite !
Entretemps, la pauvre petite princesse avait beaucoup travaillé et bien
réussi sa vie. Arrivant sur ses vieux jours, le gentil joaillier du village l ’avait
laissée reprendre sa boiUitiiw, si bien qu'elle acquit un umtul renom pour
its bannes et ses couronner, considérées comme les plus belles du irtyaumt,
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Elle avait désormais sa propre niarf/tw luimmarcialisée sous franchise les
Joyaux de la Couronne S.A. - et tirait une grande fierté de son succès. La
seule note de tristesse dans sa vie était le souvenir de la dureté que son père
et sa sœur lui avaient témoignée pendant son enfance.
Un jour, la favorite Vint frapper à sa porte pour quémander quelques
bijoux. C’était, selon elle, le seul moyen de lui épargner la saisie du carrosse
royal et du château hérité de leur père. La princesse travailleuse se trouva ainsi devant un terrible dilemme. Sa sœur la suppliait de voler à son
secours. « Je sais, ditelle, que je n ’ai jamais été gentille avec toi, mais si tu
partageais une petite partie de la fortune que tu as gagnée à la sueur de ton
front, tu découvrirais en moi la sœur la plus dévouée qui soit. »
La princesse travailleuse voulait tant la croire, car elle avait toujours
rêvé d’avoir une sœur affectueuse ! Hélas ! la sienne ne l ’avait jamais été, et
la princesse travailleuse doutait qu’elle eût changé. Aussi, pour mettre de
l ’ordre dans ses idées, elle fit une promenade dans les bois jusqu’à une mare cristalline. Elle s’assit au bord, regarda son reflet dans Veau et lui
demanda : « Que faire ? Que faire ? Je sais que ma sœur gaspillera tout ce
que je lui donne, mais comme je serais comblée de connaître enfin l ’amour
d’une sœur! » Pendant qu ’elle parlait, une larme coula le long de sa joue et
tomba dans la mare. Quand la surface de Veau eut retrouvé son calme, la
princesse y vit, à la place de son reflet, celui de sa meilleure amie.
« Je t ’aime comme une sœur, dit le reflet, et je m ’occupe de toi bien
mieux que ta sœur. Tu auras toujours des parents comme moi. »La princesse travailleuse sentit combien ces paroles étaient justes. Aussi,
à son retour à la maison, annonçatelle à la princesse gâtée : « Tu n ’auras
point les bijoux de ma boutique. Tout ce qui t ’a été offert, tu Vas gaspillé.
J’aurais aimé être proche de toi, mais ce n’est pas le cas et ne le sera peut
être jamais. Tous les bijoux du monde n’y pourraient rien faire. »
L'écriture de ce conte se révéla d’une importance décisive pour Jeanne :
Cela m ’a ouvert les yeux. Ma sœur ne changera jamais. La somme de 5 000
francs ne pourrait même pas commencer à réparer les dégâts. Déjà quand
nous étions toutes petites, Carole avait tendance à s'approprier des choses
et à raconter des mensonges à nos parents pour me créer des ennuis. I l n’a
jamais existé de lien fort entre nous et je doute qu’il y en ait un jour. Mais
quel soulagement d’avoir vu apparaître de vraies sœurs sous ma plume !
Avec mes deux meilleures amies, j ’ai une relation beaucoup plus intime que
celles que j ’ai connues avec ma famille. Bref, je n ’ai rien perdu, à part une tonne de culpabilité
L'écriture à la troisième personne permit à Jeanne de prendre le
cul nécessaire pour porter un regard lucide sur sa relation avec sa
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sœur. Car le choix du conte de fées comme mode d’expression libère la
créativité et l'humour, ces merveilleux remèdes contre la culpabilité.
L'imagination est aussi légère que la culpabilité est lourde : elle fait péné
trer le soleil jusque dans les sentiments les plus noirs.
Je ne peux que vous encourager à écrire à votre tour un conte de fées
pour acquérir une vision plus riche d'une relation qui vous cause du
souci. Cet exercice, nous l'avons vu, a une grande efficacité dans le cadrefamilial, mais il peut également s'appliquer aux relations amoureuses ou
d'am itié ( « Il était une fois un roi et une reine. Chaque fois que le roi
n'obtenait pas ce qu'il voulait, il partait bouder dans la forêt... »). Vous
serez agréablement surpris par la force de révélation de votre histoire.
En l'écrivant, vous acquerrez une vue claire de votre situation que la cul
pabilité avait jusque-là rendue impossible.
J'ai bien conscience de vous avoir bombardé, dans ce chapitre, d'in
formations et d'exercices qui risquent de remuer des sentiments puissants. Vous éprouverez peut-être une certaine tristesse à la perspective
de perdre la sécurité d'une relation, sans parler de la rage que vous ne
manquerez pas d'éprouver contre le maître chanteur qui a si longtemps
réussi à vous dominer. Le travail que vous effectuerez pourrait même
rouvrir des dossiers de votre enfance si douloureux qu'ils étaient restés
en suspens.
Soyez donc indulgent envers vous-même, et écoutez attentivement le
message que transmettent vos sentiments. Si vous craignez, à unmoment donné, de ne plus être à la hauteur, il convient d'envisager une
thérapie brève ou de demander le soutien moral de personnes sur les
quelles vous savez pouvoir compter. N'oubliez pas qu'il n'est pas besoin
de tout régler en vingt-quatre heures. Avancez à votre rythme et choisis
sez les exercices qui semblent le mieux s'appliquer à votre cas. Je vous
garantis que vous serez récompensé de vos efforts.
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Ép i l ogue
La modification du comportement ne se fait pas de façon linéaire, et
encore moins du jour au lendemain. Vous découvrirez que, même après
avoir intégré à votre vie les compétences expliquées dans ce livre, vous
vous heurterez encore à des difficultés. Quelquefois, vous prendrez peur,
trébucherez et tomberez, comme tout le monde. Mais vous continuerez
à apprendre, en tirant les leçons de vos échecs ainsi que de vos
triomphes.
Vous avez entrepris en quelque sorte de gravir une montagne dontnul n’atteint jamais le sommet. Car on ne saurait avoir une maîtrise de
sa vie interne et de ses sentiments suffisante pour trouver à tous les
coups les mots justes pour contrer les pressions et les menaces d'autrui.
D'où l'importance de rester clément envers vous-même. Au cours de
votre ascension de cette montagne, il vous arrivera sans doute de lever
les yeux vers les cimes et de vous exclamer : « Mon Dieu ! C'est encore si
Loin ! » Or il suffit, dans ce cas, de jeter un regard vers le bas pour vous
rendre compte de la distance déjà parcourue. Vous aurez sûrement dumal à apercevoir votre point de départ.
LE MIRACLE DU CHANGEM ENT
Dès lors que l'on cesse d'attendre que les autres évoluent et que l'on
s'attelle à la modification de son propre comportement, des miraclespeuvent se produire. L'emploi même d'un seul des outils présentés dans
ces pages diffuse des vagues de changement dans une relation, quelle
qu'elle soit, comme le montre l'expérience de Marc et d'Elisabeth.
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« Je n 'en revicriN pus de le vo ir si différen t, dit Kliaubeth. Avant, je n’ y
croyais qu'à moitié.
M ais lequel de vous deux a chan gé le premier ? demandaije.
- Je pense quand même que c'est m oi. J'avais mes doutes quand
vous m’assuriez qu'il fallait passer par là, mais je comprends aujour
d'hui que, si j'avais continué à réagir comme d'habitude, notre relation
n'aurait pas survécu. »Puis, avec un large sourire, elle ouvrit son sac à main et sortit une
feuille de papier plié. « C 'est une lettre que Marc a écrite dans le cadre de
sa thérapie et qu 'il m 'a demandé de vous montrer », dit-elle.
Et quelle lettre !
Au maître chanteur en moi :
Bonjour!
Il faut que je te parle d'une affaire que j'estime primordiale. Je te
demande donc de m'écduter avec toute ton attention.
Depuis un certain temps, tu es la cause de grands ennuis dans ma vie. Je
n'en pris véritablement conscience que quand Elisabeth et mon thérapeute
m'eurent signalé ta présence. C'est comme cela que j'ai acquis une vision
beaucoup plus claire de la situation. L'heure de la mise au point a sonné. '
Je souffre actuellement en raison de la tension et du malheur que j'ai
créés sous ton influence. Lorsque je pense que j'ai failli perdre tout ce quim'est le plus cher au monde tout simplement parce que je croyais bêtement
pouvoir me sentir fort, comme celui qui fait la loi, en tyrannisant ma femme,
je suis envahi par un sentiment de rage indignée à ton égard.
Avec le recul, mon insensibilité me laisse sans voix. Que j'aie pu humilier
ma femme avec une telle méchanceté, une telle cruauté tout en me racontant
que je redressais ainsi des torts, que j'aie pu occasionner tant de souffrances,
passer à côté de tant de joies, agir de façon tellement contraire à mes convic
tions et à mes sentiments, que j'aie pu surtout bafouer cette chose si précieuse qui s'appelle la dignité humaine, tout cela me peine profondément.
Il faut que tu le saches, monsieur le maître chanteur: tes méthodes et toi-
même n'avez plus votre place en moi. Ma décision est prise et je refuse de
transiger.
Je ne sous-estime pas les obstacles que je devrai franchir. Il reste bien
des leçons à apprendre, des habitudes à vaincre, des peurs à surmonter.
Mais j'ai déjà triomphé de difficultés dans des domaines auxquels j'attachais
beaucoup moins d'importance qu'à celui-ci, et je me fais fort d'y réussirencore. Tu n'as plus d'avenir. À partir d'aujourd'hui, je commence une nou
velle vie.
Adieu.Marc
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À l'instar de la plupart des victimes du chantage affectif, Elisabethavait misé sur la docilité comme moyen d'acheter la stabilité. Elle nepouvait deviner que, à suivre cette voie, elle ne faisait que renforcer lescomportements de Marc qui détruisaient leur relation. Mais dès qu'elle
eut appris à réagir autrement, elle ouvrit la porte aux rapports d'intimitédont l'un et l'autre avaient toujours rêvé.
« Eh bien, dit Élisabeth, si une transformation de cette ampleur est
possible, je veux bien croire aux miracles. J'ai récupéré Marc, et moi-même aussi. »
Je ne vous jurerai certes pas que l'application de ma méthode vousgarantira une issue aussi heureuse que celle qu'a connue Élisabeth. Mais
pensez que, même si les autres ne changent que modérément, vous-mêmene serez plus comme avant et la vie vous paraîtra très différente. Voussaurez notamment qu'une relation dont la survie dépend de votre sou
mission constante au chantage affectif ne vous apportera aucun bonheur.
L E RET O U R À SOI
Vous retrouverez un sentiment merveilleux d'équilibre et d'harmonie dès que vous aurez appris à disperser le brouillard qui vous entoureet à mettre un terme aux comportements tyranniques que vous avezsubis. La confusion et la tendance à tout vous reprocher qui ont dominévos réactions et l'image que vous avez de vous-même feront place à une
assurance tranquille et à un sentiment renouvelé de dignité.Chaque progrès vous rapprochera de l'essence de votre être : votre
intégrité. Vous la pleuriez, mais elle n'était pas perdue. Elle n'était
qu'enfouie.Elle vous attend depuis toujours.
Le cabinet de Susan Forward se trouve à Los Angeles, en
Californie. Son numéro de téléphone est le (818) 986.11.61.
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« S i s e u l e m e n t t u m ’a i m a i s , t u n e f e r a i s p a s c e v o y a g e . »
« S i t u a v a i s p l u s d e c œ u r , t u n e t ’o p p o s e r a i s p a s a i n s i à t a m è r e . »
« S i v o u s v o u l e z d é c r o c h e r c e t t e p r o m o t io n , i l v a f a l l o i r r e v o i r v o s h o r a ir e s . »
« S i t u t i e n s à é p o u s e r c e t t e fe m m e , t u n e s e r a s p l u s n o t r e f i l s . »
« A p r è s t o u t c e q u e j ’a i f a it p o u r to i , c ’e s t c o m m e ç a q u e t u m e r e m e r c ié s ? »
P a r f o i s , c e u x q u e n o u s a i m o n s s e l iv r e n t a u chantage affectif : i ls e x i g e n t d e n o u s d e s c h o s e s q u i h e u r t e n t n o s c o n v i c t io n s o u d o n t n o u s s a v o n s , a u f o n d d e n o u s -
m ê m e , q u ’ e l l e s n o u s f e r o n t d u m a l. M a i s , b i e n s o u v e n t , n o u s n o u s c u l p a b i l i s o n s ,
n o u s t r a i t a n t d ’é g o ï s t e e t p a r a m o u r o u p a r c r a in t e d e s r e p r é s a i ll e s n o u s