1 UNIVERSITE PARIS 12-VAL DE MARNE UFR DE SCIENCES DE LA VIE ET DE LA SANTE Thèse de Doctorat Physiologie et Physiopathologie des Appareils Respiratoires AUTEUR : Pierre-Régis BURGEL TITRE : Hypersécrétion de mucus dans l’épithélium respiratoire humain : rôles du récepteur de l’epidermal growth factor (EGF) et des polynucléaires éosinophiles dans la synthèse de mucine par l’épithélium des polypes naso-sinusiens. Thèse dirigée par : Professeur Daniel DUSSER/ co-direction Professeur Jay A. NADEL Soutenue le 18 décembre 2006 Jury : Monsieur le Professeur Thierry Chinet Monsieur le Professeur Bruno Crestani Monsieur le Professeur André Coste
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UNIVERSITE PARIS 12-VAL DE MARNE
UFR DE SCIENCES DE LA VIE ET DE LA SANTE
Thèse de Doctorat
Physiologie et Physiopathologie des Appareils Respiratoires
AUTEUR : Pierre-Régis BURGEL
TITRE :
Hypersécrétion de mucus dans l’épithélium respiratoire humain :
rôles du récepteur de l’epidermal growth factor (EGF) et des polynucléaires éosinophiles
dans la synthèse de mucine par l’épithélium des polypes naso-sinusiens.
Thèse dirigée par : Professeur Daniel DUSSER/ co-direction Professeur Jay A. NADEL
Soutenue le 18 décembre 2006
Jury : Monsieur le Professeur Thierry Chinet
Monsieur le Professeur Bruno Crestani
Monsieur le Professeur André Coste
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REMERCIEMENTS
Au Professeur Daniel Dusser pour son soutien et sa confiance sans cesse renouvelée. Merci de
m’avoir ouvert tant d’opportunités.
Au Professeur Jay Nadel. Thank you for all your help and support! You will always be a
model for me.
Aux Professeurs Thierry Chinet, Bruno Crestani et André Coste pour avoir accepté de juger
ce travail
Au Dr Estelle Escudier et au Pr André Coste pour m’avoir appris que l’épithélium respiratoire
ne s’arrêtait pas à la partie supérieure de la trachée.
A tous les membres du Laboratoire du Pr Nadel à San Francisco: Iris Ueki, Jae Jeong Shim,
Kioshi Takeyama, Suil Kim, Matt Shao, Dominic Tam, Trang Dao-Pick. Let there be light !
A tous les membres de L’UPRES EA2511: Clémence Martin, Sophie Danel, Isabelle Fajac,
Guity Thévenot, David Montani, Anh-Tuan Dinh-Xuan pour leur aide et leur bonne humeur.
A mes parents qui m’ont donné très tôt le goût du travail et m’ont toujours encouragé.
A Jean-Stéphane, Lydie, Alexia et Elias.
A Nadia, Edmond, Jean et Nadi.
A Reem sans qui la vie ne serait pas la même.
Aux organismes qui m’ont permis de poursuivre la recherche au sein l’UPRES EA2511 à
l’Hôpital Cochin : La Chancellerie des Universités de Paris (Legs Poix), l’association Vaincre
la Mucoviscidose, le Collège des PU-PH de Pneumologie, l’association Cardif.
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TABLE DES MATIERES :
1ère Partie : Revue de littérature
1. Mucus et hypersécrétion de mucus en pathologie respiratoire.
1.1. Mucus et mucines dans les voies aériennes normales.
1.2. Hypersécrétion de mucus en pathologie respiratoire.
1.2.1. Manifestations cliniques de l’hypersécrétion de mucus.
1.2.2. Conséquences de l’hypersécrétion de mucus dans l’asthme.
1.2.3. Conséquences de l’hypersécrétion de mucus dans la BPCO.
1.2.4. Conséquences de l’hypersécrétion de mucus dans la mucoviscidose.
1.3. Traitement de l’hypersécrétion de mucus : de nouvelles molécules sont nécessaires.
2. Mécanismes de la synthèse et de la sécrétion des mucines.
2.1. Mécanismes de la sécrétion des mucines.
2.2. Régulation de la synthèse des mucines.
3. Rôles du récepteur de l’epidermal growth factor (EGF) en pathologie pulmonaire.
3.1. Récepteurs et ligands de la famille des récepteurs de l’EGF.
3.2. Rôles du récepteur de l’EGF dans la synthèse de mucine et la réparation épithéliale.
3.3. Autres rôles du récepteur de l’EGF en pathologie pulmonaire humaine.
3.3.1. Rôles du récepteur de l’EGF dans les cancers broncho-pulmonaires.
3.3.2. Rôles du récepteur de l’EGF dans la prolifération des fibroblastes et la fibrose
pulmonaire.
3.4. Cibler l’hypersécrétion de mucus avec des antagonistes du récepteur de l’EGF en
étude clinique humaine.
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4. Rôles des cellules inflammatoires dans la synthèse de mucines.
4.1. Rôles des polynucléaires neutrophiles.
4.2. Rôles des polynucléaires éosinophiles.
5. Intérêt de la polypose naso-sinusienne pour l’étude de l’hypersécrétion de mucus des
voies aériennes.
2ème Partie : Travaux originaux
1. Stratégie générale de la thèse.
2. Rôle du récepteur de l’EGF dans la synthèse de mucine par l’épithélium des polypes
naso-sinusiens.
2.1. Expression de la mucine MUC5AC et du récepteur de l’EGF dans l’épithélium nasal
normal et l’épithélium des polypes naso-sinusiens (publication originale [1]).
2.2. Effets d’activateurs et d’antagonistes du récepteur de l’EGF sur la synthèse de
mucines sur des cellules épithéliales de polypes naso-sinusiens en culture primaire.
3. Rôle des éosinophiles dans la synthèse de mucine par l’épithélium respiratoire.
3.1. Les éosinophiles humains activés induisent la synthèse de la mucine MUC5AC dans
l’épithélium respiratoire par activation du récepteur de l’EGF (publication originale
[2]).
3.2. Etude de l’effet des corticoïdes intranasaux sur l’infiltration par les polynucléaires
éosinophiles et la synthèse de mucine MUC5AC dans la polypose naso-sinusienne in
vivo chez l’homme (publication originale [3]).
3ème partie : Conclusion générale et perspectives.
Bibliographie.
Curriculum vitae.
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1ère Partie : Revue de littérature
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1. Mucus et hypersécrétion de mucus en pathologie respiratoire
1.1 Mucus et mucines dans les voies aériennes normales.
Physiologiquement, l’épithélium des voies aériennes de conduction est recouvert d’une fine
couche de mucus qui permet l’hydratation des cellules épithéliales et joue un rôle de barrière
contre les agressions. Le mucus est un mélange complexe de protéines, de lipides et d’une
phase liquidienne composée d’eau et d’électrolytes. Le gel formé par le mélange de ces
composants tapisse la surface de l’épithélium des voies aériennes de conduction. Les
particules et les micro-organismes inhalés s’adsorbent dans le gel de mucus, et les
mécanismes de clairance des sécrétions bronchiques (clairance muco-ciliaire, toux)
permettent leur évacuation vers les voies aériennes supérieures où elles sont expectorées ou
dégluties. Ce mécanisme de défense primitif contre les agents pathogènes participe de façon
importante à la défense de l’organisme et fait partie de l’immunité innée.
Les mucines sont des glycoprotéines de poids moléculaire élevé; elles doivent leur nom au
fait qu’elles ont été historiquement identifiées comme le constituant principal du mucus chez
l’homme [4]. Les études montrent en effet que les glycoprotéines constituent environ 40 à
50% du poids total du mucus (dialysé puis lyophilisé) prélevé chez des sujets normaux [5].
Les mucines sont constituées d’un noyau protéique et de chaînes d’hydrates de carbone. La
structure protéique des mucines (appelée MUC Protein Backbone ou apomucine) est riche en
résidus sérine et thréonine qui sont des sites de O-glycosylation (assurant la liaison avec les
oligosaccharides) [6]. Les sucres constituent jusqu’à 80% de la masse totale des mucines et
leurs confèrent une forme allongée et une structure rigide qui participent aux propriétés
rhéologiques et viscoélastiques du mucus [4]. Une représentation schématique d’une
glycoprotéine de mucine est montrée sur la Figure 1.
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Figure 1 : Représentation schématique d’une glycoprotéine de mucine [4].
A ce jour, 19 mucines différentes ont été identifiées chez l’homme. Ces mucines sont
exprimées dans les muqueuses en rapport avec le milieu extérieur, en particulier les voies
respiratoires, digestives et les organes reproductifs (voir Figure 2).
Figure 2 : Expression des mucines chez l’homme (reproduit de la référence [7])
8
La classification des mucines repose sur leurs caractéristiques structurelles et sur leurs rôles
biologiques. Cette classification permet de différencier les mucines sécrétées et les mucines
ancrées dans la membrane. Les mucines sécrétées sont subdivisées en fonction de leurs
propriétés de former un gel au contact des sécrétions liquidiennes (voir Tableau 1).
Tableau 1
Classification des mucines chez l’homme (d’après [7])*:
Mucines Membranaires
Mucines sécrétées formant un gel
Mucines sécrétées ne formant pas de gel
MUC1 MUC2 MUC7
MUC3 MUC5AC MUC8
MUC4 MUC5B MUC9
MUC12 MUC6 MUC19
MUC13
MUC14
MUC15
MUC16
MUC17
MUC20
*MUC11 est non classable.
Les mucines membranaires possèdent un domaine transmembranaire permettant l’ancrage
dans la membrane cellulaire où ces molécules participent aux mécanismes d’adhésion
cellulaire, à la reconnaissance des pathogènes et à la transmission de signaux vers le domaine
intracellulaire [8]. Les mucines membranaires peuvent être clivées par protéolyse et être
sécrétées dans la lumière bronchique ou synthétisées sous forme sécrétée du fait d’un épissage
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différentiel [9]; Cependant la contribution de ces mucines à la formation du gel de mucus et à
sa viscosité semble peu importante.
Les mucines sécrétées sont de structure proche de celle des mucines membranaires mais ne
possèdent pas de domaine d’ancrage transmembranaire. Les mucines sécrétées sont d’abord
synthétisées et stockées sous la forme de granules intracytoplasmiques où les molécules de
mucines existent sous une forme condensée et déshydratée. La sécrétion des granules de
mucines préformés vers l’extérieur de la cellule est un mécanisme actif (exocytose) en
réponse à une stimulation extra-cellulaire [10]. Lors de leur sécrétion, les mucines vont être
hydratées et augmenter de taille d’environ 1000 fois au contact des sécrétions liquidiennes
[11]. Certaines de ces mucines sécrétées ont la propriété de former un gel au contact des
sécrétions liquidiennes. Ces mucines sécrétées formant un gel contiennent des domaines
riches en cystéines qui peuvent s’associer au sein d’une même molécule de mucine ou entre
des molécules différentes, ce qui explique la polymérisation des molécules des mucines et la
formation d’un réseau moléculaire. Les mucines sécrétées formant un gel contribuent de façon
majeure aux caractéristiques viscoélastiques et rhéologiques du mucus [8]. Afin de simplifier
la nomenclature utilisée dans cette thèse, nous utilisons le terme « mucine » pour qualifier les
mucines sécrétées ayant la capacité de former un gel.
Chez l’homme, les mucines sécrétées dans les voies aériennes inférieures sont synthétisées
par les cellules productrices de mucines (ou cellules caliciformes) de l’épithélium des voies
aériennes de conduction et par les cellules à mucus des glandes bronchiques qui sont situées
dans la sous-muqueuse (Figure 3).
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Figure 3
Identification des mucines sécrétées dans l’épithélium et les glandes bronchiques des
voies aériennes humaines.
Une coloration par le bleu d’Alcian/PAS a mis en évidence les glycoprotéines de mucines sur
les tissus bronchiques obtenus chirurgicalement chez un sujet non-fumeur. A gauche, l’étude
de l’épithélium à fort grossissement montre la présence de quelques cellules caliciformes,
(identifiées par des flèches). A droite, à plus faible grossissement, les glandes sous-
muqueuses bronchiques (têtes de flèches) contiennent des cellules productrices de mucines
(colorées en bleu) et des cellules séreuses (non colorées). Les barres horizontales représentent
50 µm.
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Douze gènes de mucines sont exprimés dans les voies aériennes : MUC1-4, MUC5AC,
MUC5B, MUC7-8, MUC11, MUC13, MUC20 et plus récemment MUC19 [4]. Parmi ces
mucines, les mucines sécrétées pouvant contribuer à la formation d’un gel sont MUC2,
MUC5AC et MUC5B [4], mais les principales mucines formant le gel de mucus semblent être
MUC5AC et MUC5B [8]. En effet, l’ARNm de MUC2 est mis en évidence dans les voies
respiratoires hautes [12] et basses [13][14] ; cependant la protéine MUC2 n’a jamais pu être
isolée de façon convaincante dans les sécrétions respiratoires humaines [15][16]. La mucine
MUC5AC est, au moins quantitativement, la principale mucine sécrétée dans les voies
respiratoires humaines [15][17]. MUC5B est également retrouvée en grande quantité dans les
sécrétions respiratoires humaines [18]. Plusieurs études ont suggéré une ségrégation de ces
deux mucines dans des types cellulaires différents avec une expression exclusive de
MUC5AC par l’épithélium respiratoire [19][20] et une expression de MUC5B par les glandes
sous-muqueuses [20][21].
1.2 Hypersécrétion de mucus et mucines en pathologie respiratoire.
1.2.1 Manifestations cliniques de l’hypersécrétion de mucus
Au cours de nombreuses maladies respiratoires (asthme, bronchopneumopathie chronique
obstructive, mucoviscidose), une quantité excessive de mucus est produite et sécrétée [22].
Les manifestations cliniques de l’hypersécrétion sont variables en fonction de la localisation
anatomique du mucus. Dans les voies aériennes proximales (bronches cartilagineuses), les
mucines sont sécrétées par l’épithélium et les glandes bronchiques. Les canaux excréteurs des
glandes bronchiques sont situés à proximité des récepteurs de la toux [23]. De ce fait, l’
hypersécrétion de mucines à ce niveau, à partir d’une hyperplasie des cellules caliciformes
et/ou des glandes bronchiques, est probablement responsable d’une symptomatologie
associant une toux et une expectoration. Dans les petites voies aériennes, qui ne contiennent
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pas de glandes bronchiques ni de récepteurs de toux, les mucines sont sécrétées par
l’épithélium ; la sécrétion de mucines à ce niveau ne provoquerait pas de toux. Par contre, du
fait de la petite taille de ces voies aériennes, la sécrétion de mucines peut entraîner
l’obstruction complète des bronchioles par des bouchons de mucus. Chez le sujet normal, les
bronchioles contribuent peu à la résistance totale des voies aériennes [24], et les modèles
expérimentaux prédisent qu’il faut une obstruction de plus de 75% des bronchioles avant que
des modifications de la fonction respiratoire ne soient détectables par les épreuves
fonctionnelles respiratoires de routine [25]. L’obstruction des petites voies aériennes par des
bouchons de mucus pourrait donc survenir sans provoquer de symptômes cliniques jusqu'à un
stade avancé.
1.2.2 Conséquences de l’hypersécrétion de mucus dans l’asthme.
L’obstruction bronchiolaire par des bouchons de mucus et l’hyperplasie des cellules
caliciformes de l’épithélium bronchiolaire sont décrites depuis longtemps chez les patients
décédés d’asthme aigu grave [26][27][28]. Kuyper et coll. ont récemment analysé les
bronchioles sur une cohorte historique de 93 patients décédés d’asthme aigu grave et conclu
que l’occlusion des petites voies aériennes par des bouchons de mucus était retrouvée chez
quasiment tous les patients décédés d’asthme [29]. Il est probable que l’occlusion extensive
des petites voies aériennes par les bouchons de mucus a provoqué une insuffisance
ventilatoire aiguë conduisant à l’asphyxie et au décès.
Chez les patients ayant un asthme chronique modéré, l’hyperplasie des cellules à mucus dans
l’épithélium des bronches proximales est retrouvée par l’étude des biopsies bronchiques
[17][28][30]. La sécrétion de mucus dans les bronches proximales pourrait contribuer à la
toux fréquemment retrouvée chez les patients asthmatiques. Il est également possible que
l’occlusion bronchiolaire par des bouchons de mucus joue un rôle dans l’apparition d’un
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trouble ventilatoire obstructif chronique chez certains patients asthmatiques. Cette question
reste en suspens car les prélèvements pulmonaires contenant des bronchioles sont difficiles à
obtenir chez les patients ayant un asthme chronique.
Figure 4 : Hypersécrétion de mucus chez un patient décédé d’asthme aigu grave
Légende : Coupe histologique de poumons prélevés lors d’une nécropsie chez un patient
décédé d’asthme aigu grave. A faible grossissement (A), la coloration par le bleu
d’Alcian/PAS (violet) identifie des glycoprotéines de mucines dans les glandes sous-
muqueuses (Gland) et leur canal excréteur (Duct) ainsi que dans l’épithélium de surface
(Epith.). Un bouchon de mucus (plug) obstrue la lumière de cette bronche proximale. A plus
fort grossissement (B), on visualise l’hyperplasie des cellules caliciformes (« goblet cells »,
G.C.) dans l’épithélium. Le mucus contenu par ces cellules caliciformes est en continuité avec
le mucus sécrété dans la lumière bronchique. Les barres représentent 50µm. Photographie
reproduite de la référence [31].
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1.2.3 Conséquences de l’hypersécrétion de mucus dans la bronchopneumopathie
chronique obstructive (BPCO).
L’effet de la présence d’une toux et d’une expectoration chronique, des manifestations
probablement liées à l’hypersécrétion de mucus dans les voies aériennes proximales, sur
l’évolution de la BPCO a fait l’objet de nombreuses études. Les études initiales débutées dans
les années 1960 au Royaume Uni avaient conclu à l’absence de relation entre la présence
d’une toux et d’une expectoration chronique et la mortalité chez les patients atteints de BPCO
[32]. Les auteurs avaient suggéré que l’hypersécrétion de mucus soit un élément mineur dans
la physiopathologie de la BPCO [32]. Cette conclusion a été reconsidérée sur deux arguments.
Premièrement, Vestbo et coll. ont montré que la présence d’une toux et d’une expectoration
chronique était associée à une décroissance plus rapide du VEMS, à une augmentation du
risque de pneumopathies et de décès par infection pulmonaire chez les patients atteints de
BPCO [33]. Deuxièmement, Hogg et coll. ont récemment montré que la présence de
bouchons de mucus dans les bronchioles des patients atteints de BPCO était associée à la
baisse du VEMS [25]. Saetta et coll. ont montré une hyperplasie des cellules caliciformes
dans les bronchioles des sujets atteints de BPCO [34]. Ces données suggèrent que
l’hypersécrétion de mucus contribue à la progression de la maladie (dégradation de la fonction
respiratoire) et à la survenue de complications infectieuses.
1.2.4 Conséquences de l’hypersécrétion de mucus dans la mucoviscidose et les dilatations
des bronches.
La mucoviscidose et les dilatations des bronches sont caractérisées par la présence d’une toux
et d’une expectoration chronique. L’hyperplasie des cellules productrices de mucines est
présente dans les voies aériennes proximales [35] et dans les bronchioles [36]. Les mucines
sécrétées participent à l’obstruction bronchiolaire par les bouchons de mucus et
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contribueraient ainsi à la dégradation de la fonction respiratoire chez les patients atteints de
mucoviscidose [36]. Les bouchons de mucus présent dans les voies aériennes pourraient
également avoir un rôle majeur dans la persistance de l’infection bactérienne. Worlitzsch et
coll. ont montré par immunohistochimie que Pseudomonas aeruginosa, la principale bactérie
responsable d’infection bronchique chronique dans la mucoviscidose, était localisée dans les
bouchons de mucus à distance de l’épithélium [37]. Ces auteurs ont montré que le
microenvironnement hypoxique des bouchons de mucus favorisait la croissance de la bactérie
et le développement d’un phénotype bactérien muqueux contribuant à la résistance aux
antibiotiques [37].
1.3. Traitement de l’hypersécrétion de mucus : de nouvelles molécules sont nécessaires.
Nous avons montré précédemment que l’hypersécrétion de mucus pourrait contribuer de
façon majeure à l’aggravation des maladies respiratoires chroniques des voies aériennes de
conduction (asthme chronique, BPCO, mucoviscidose) et à la mortalité dans certaines
situations aiguës (asthme aigu grave) [31]. L’idée d’utiliser des thérapeutiques visant à
diminuer la synthèse et/ou la sécrétion des mucines pour prévenir l’obstruction des voies
aériennes par les bouchons de mucus est donc séduisante. Cette stratégie n’est pas
consensuelle car le mucus est un élément important de l’immunité innée [38]. La suppression
complète du mucus des voies respiratoires pourrait donc avoir pour conséquence une
réduction de la défense muqueuse vis à vis des agents irritants et des pathogènes inhalés [38].
Cette situation est jusqu’à présent théorique car aucun traitement disponible ne permet de
diminuer sensiblement l’hypersécrétion de mucus en pathologie humaine. La réponse à cette
interrogation légitime ne pourra être apportée que par la réalisation d’essais thérapeutiques
avec des molécules réduisant efficacement la synthèse et/ou la sécrétion de mucus.
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Certaines thérapeutiques utilisées dans le traitement des pathologies respiratoires associées à
une hypersécrétion de mucus sont réputées avoir des effets sur la synthèse et/ou la sécrétion
de mucus. Parmi ces thérapeutiques, les corticoïdes sont utilisés pour le traitement de
l’asthme et de la BPCO pour leurs effets anti-inflammatoires variés, mais leurs effets sur la
synthèse de mucines sont controversés [39]. Les données disponibles in vitro montrent que la
dexaméthasone, un glucocorticoïde, diminue l’expression de l’ARNm de la mucine MUC5AC
sur des cultures de cellules épithéliales tumorales [40] et non tumorales des voies aériennes
[41]. Cet effet de la dexaméthasone serait lié à une action du récepteur des glucocorticoïdes
(activé par la liaison à la dexaméthasone) sur deux sites GRE situés en cis du promoteur du
gène MUC5AC [41]. Cependant, l’effet de la dexaméthasone sur la transcription des gènes de
mucines ne s’accompagne pas d’une diminution de la synthèse de protéines de mucines dans
un modèle de culture de cellules épithéliales de rat [42]. Les résultats des études animales sur
des modèles murins sont difficiles à interpréter car les corticoïdes peuvent réduire
l’hypersécrétion de mucus ou rester sans effet en fonction des protocoles de traitement
utilisés, des stimuli utilisés et du fonds génétique des souris [43][44][45]. L’effet des
glucocorticoïdes sur la synthèse de mucine est donc très incertain. En particulier, l’effet des
traitements corticoïdes inhalés, qui sont couramment utilisés dans le traitement de l’asthme et
de la BPCO, sur la synthèse de mucines n’a jamais été testé de façon satisfaisante en étude
clinique humaine. Cette constatation est à l’origine de notre étude présentée plus loin sur
l’effet des corticoïdes intranasaux sur l’expression des mucines dans l’épithélium des polypes
naso-sinusiens [3].
Les autres thérapeutiques couramment utilisées pour le traitement des pathologies
bronchiques chroniques (anticholinergiques, β2-agonistes, méthylxanthines) n’ont pas d’effets
cliniques prouvés sur l’hypersécrétion de mucus [46]. Les traitements dit mucolytiques (N-
acétylcystéine et dérivés), utilisés pour leurs propriétés à fluidifier les sécrétions bronchiques
17
et éventuellement antioxydantes n’ont pas d’effet majeur démontré sur la synthèse et la
sécrétion de mucines dans les voies aériennes humaines. Certaines thérapeutiques comme la
rhDNAse recombinante et les aérosols de sérum salé (NaCl hypertonique) ont été proposés
dans la mucoviscidose pour améliorer la clairance muco-ciliaire [47]. Leurs effets sur la
synthèse et la sécrétion de mucines chez les patients atteints de mucoviscidose n’ont jamais
été étudiés.
L’absence de molécule disponible ciblant spécifiquement l’hypersécrétion de mucus en
thérapeutique humaine justifie les recherches menées depuis une quinzaine d’années pour
identifier les mécanismes moléculaires conduisant à la synthèse et à la sécrétion des mucines.
L’objectif de ces recherches est d’identifier les étapes conduisant à la production et à la
sécrétion des mucines afin de développer des thérapeutiques innovantes ciblant sélectivement
ces étapes. Les mécanismes identifiés par ces recherches sont décrits à la section suivante.
2. Mécanismes de la synthèse et de la sécrétion des mucines.
L’hypersécrétion de mucines comporte deux mécanismes distincts : la synthèse et la sécrétion
de mucines. La régulation de ces deux événements n’est pas forcément coordonnée :
l’augmentation de la synthèse de mucines sous l’effet d’un stimulus n’est pas toujours
associée à une augmentation de la sécrétion des mucines [8]. La synthèse de mucines
nécessite une succession d’étapes comportant la transcription d’un gène MUC en ARNm sous
l’effet de facteurs de transcription activés, puis la synthèse d’une protéine MUC à partir de cet
ARNm et sa modification post-traductionnelle sous l’effet de glycosyltransférases (GT) dans
l’appareil de Golgi. Une fois synthétisées, les mucines matures (glycosylées) sont stockées
dans les granules intracytoplasmiques des cellules productrices de mucines. La sécrétion des
mucines stockées fait intervenir des mécanismes d’exocytose en réponse à une stimulation
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extracellulaire par un secrétagogue. Ces mécanismes sont illustrés par le schéma ci-dessous
(reproduit de la référence [4]).
Figure 5 : Synthèse et sécrétion de mucine par une cellule caliciforme.
2.1 Mécanismes de la sécrétion des mucines.
La sécrétion de mucines est un mécanisme actif d’exocytose des vésicules cytoplasmiques qui
contiennent des mucines préformées et condensées sous une forme déshydratée. La sécrétion
des mucines préformées implique la liaison d’un stimulus à son récepteur membranaire,
déclenchant la fusion des vésicules intracellulaires avec la membrane cellulaire et la sécrétion
des mucines dans la lumière bronchique. Les mécanismes moléculaires conduisant à la fusion
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des vésicules intracellulaires avec la membrane cellulaire et à la sécrétion des mucines ont été
décrits dans une revue récente [8]. Parmi les stimuli pouvant déclencher la sécrétion des
mucines (appelés « secrétagogues ») on retiendra les neurotransmetteurs et les neuropeptides
(substance P, vaso-intestinal peptide (VIP), les stimulations adrénergiques et cholinergiques,
le calcitonin gene-related peptide (CGRP)), les protéases des mastocytes (chymase) et des
distributeur VWR, Fontenay sous Bois, France) seul ou associé au Tumor Necrosis Factor
alpha (TNF-α humain recombinant, 10 ng/mL, Calbiochem). En effet, le TNF-α, une
cytokine proinflammatoire présente dans les voies aériennes des patients atteints de
pathologies pulmonaires chroniques [115], augmente l’expression du récepteur de l’EGF et
potentialise l’effet du TGF-α sur la synthèse de MUC5AC dans une lignée tumorale de
cellules épithéliales respiratoires [67]. Les concentrations de TGF-α et de TNF-α utilisées ont
été choisies par référence à des études publiées [67][116]. Compte tenu du nombre limité de
cellules épithéliales disponibles pour chacune des expériences, nous n’avons pas testé l’effet
de différentes concentrations de TNF-α et de TGF-α.
Dans certaines expériences, les cellules ont été prétraitées 30 minutes avant la stimulation par
un inhibiteur sélectif de la tyrosine kinase du récepteur de l’EGF, la tyrphostine AG1478 (10-5
M ; IC50 = 3 nM pour la tyrosine kinase du récepteur de l’EGF, Calbiochem) [117].
L’inhibiteur était laissé dans le milieu de culture pendant toute la durée de l’expérience. Un
composé inactif de la classe des tyrphostines, l’AG9 (10-5
M ; IC50 = 1250 µM pour la
tyrosine kinase du récepteur de l’EGF, Calbiochem) a été utilisé comme contrôle négatif de
l’AG1478.
Pour juger de l’expression de la protéine MUC5AC nous avons réalisé un marquage
immunohistochimique pour la mucine MUC5AC et mesuré par méthode ELISA les
concentrations de la protéine MUC5AC dans les lysats cellulaires. Pour l’évaluation de
l’expression de la protéine MUC5AC les expériences ont été arrêtées après 24 heures de
traitement. Les temps d’expériences ont été déterminés d’après les données de la littérature
[61].
48
Détection de la protéine MUC5AC par immunohistochimie
Après 24 heures de stimulation par le TNF-α et/ou le TGF-α, les cultures cellulaires ont été
lavées avec du PBS, fixées dans du paraformaldéhyde à 4% pendant 30 minutes puis
conservées dans du PBS à 4°c. Pour l’immunomarquage, nous avons utilisé un anticorps
monoclonal de souris dirigé contre la mucine MUC5AC (clone 45M1; dilution 1:500,
Neomarkers). L’immunomarquage a été réalisé selon la technique décrite précédemment. Les
lames ont été contre-colorées avec de l’hématoxyline afin d’identifier les noyaux cellulaires.
Enfin, les inserts ont été découpés et les filtres montés entre lame et lamelle permettant leur
analyse au microscope optique.
Quantification de la coloration immunohistochimique pour la protéine MUC5AC
L’analyse a été effectuée à l’aide d’une caméra numérique (Leica microsystems, Wetzlar,
Allemagne) reliant le microscope optique à un ordinateur. Pour chaque insert, nous avons
photographié 20 champs microscopiques choisis de façon aléatoire à un grossissement de
200X. Les cellules ont été comptées sur l’écran de l’ordinateur par un investigateur ignorant
les conditions de culture à l’aide d’une grille de lecture. Cette grille comprend 6 carreaux de
taille identique et permet une évaluation non biaisée de la densité cellulaire [118][119].
Chaque carreau est tracé avec deux côtés en pointillés et deux côtés en trait continu (voir
exemple, page suivante). Nous avons compté les cellules dont les noyaux (contre colorés avec
l’hématoxyline) étaient situés à l’intérieur des carreaux ou touchaient les côtés tracés en
pointillés. Les cellules dont les noyaux étaient situés hors des carreaux ou faisaient
intersection avec les côtés tracés en trait continu n’ont pas été comptées. Pour chaque
condition de traitement (dupliquées), nous avons compté le nombre de cellules positives pour
la mucine MUC5AC et le nombre total de cellules. La méthode a été décrite sur l’exemple de
champ de comptage ci-dessous.
49
Exemple de comptage sur une photographie d’une culture cellulaire de cellules épithéliales de polype colorées par un immunomarquage pour la protéine MUC5AC (granules bruns) et contre colorées à l’hématoxyline (noyaux bleus) :
La grille comportant 6 carreaux est appliquée sur l’écran et les cellules sont comptées comme
décrit précédemment (voir ci-dessus). Ainsi, on compte 5 cellules positives pour la mucine
MUC5AC (flèches non barrées). Les cellules situées au contact des traits continus (flèches
barrées) ou les cellules situées hors des carreaux n’ont pas été comptées. Grossissement initial
200X, barre = 50 µm.
Compte tenu de variations du nombre de cellules positives pour MUC5AC (MUC5AC+) entre
les cultures obtenues à partir de polypes issus de patients différents, les résultats du comptage
des cellules MUC5AC+ ont été exprimés en pourcentage de variation par rapport au nombre
de cellules positives dans la condition Contrôle (cellules de la même expérience, cultivées en
milieu sans sérum seul).
50
Mesure de la protéine MUC5AC par méthode ELISA
Après 24 heures de traitement, les cellules ont été lysées dans chaque insert par 500µL d’une
solution de PBS contenant du Triton X (1% ; Sigma) et de l’acide déoxycholique (1% ;
Sigma). Les filtres ont été grattés à l’aide d’une pointe de pipette et les lysats cellulaires ont
été collectés dans des microtubes et conservés à -80°C. Après décongélation, les lysats
cellulaires ont été centrifugés à 1500 rpm pendant 10 minutes. Cinquante microlitres de
chaque surnageant additionnés de 50 µL de tampon carbonate-bicarbonate (Sigma) ont été
déposés dans un puits de la plaque d’ELISA (Maxisorp Nunc; Fisher Scientific, Santa Clara,
CA). La plaque a ensuite été placée dans un four à 37°c jusqu’à séchage complet. Après triple
lavage avec du PBS, 100 µL/puits d’une solution d’albumine bovine à 2% dans du PBS ont
été appliqués pendant une heure à température ambiante, de façon à saturer les sites de
fixation protéique non spécifique. Après un triple lavage des puits avec du PBS, 100 µL/puits
d’une solution d’anticorps monoclonal dirigé contre la MUC5AC (clone 45M1; dilution
1:500) dilué dans du PBS contenant 0.05% de Tween-20 et 1 % d’albumine bovine ont été
déposés. Après une heure d’incubation à température ambiante, les puits ont été lavés trois
fois avec du PBS et 100 µL d’une solution d’anticorps de chèvre anti-IgG de souris conjugué
à la peroxydase (1:10 000 ; Sigma) ont été ajoutés dans chaque puits pendant 1 heure à
température ambiante. Après un triple lavage avec du PBS, la réaction colorée a été
développée en déposant 50 µL d’une solution de 3,3',5,5'-tetramethylbenzidine (TMB)
peroxydase (Sigma). La réaction a été surveillée par une lecture de la densité optique à 650
nm jusqu’à stabilisation de la densité optique (environ 40 minutes) puis bloquée avec 50 µL
d’une solution molaire d’acide sulfurique (H2SO4, Sigma) et lue à 450 nm. Pour chaque
mesure, les concentrations de MUC5AC (mg/mL) ont été déterminées par rapport à une
courbe standard obtenue à l’aide de concentrations connues de mucine bovine purifiée (Type
I, Sigma). Du fait de variations des concentrations de mucines mesurées entre les cultures
51
issues de polypes de patients différents, les résultats ont été exprimés en pourcentage de
variation par rapport à la concentration mesurée dans la condition contrôle (cellules de la
même expérience cultivées en milieu sans sérum seul).
Statistiques
Les données obtenues par comptage des colorations immunohistochimiques pour la protéine
MUC5AC (nombre de cellules positives pour MUC5AC et nombre total de cellules) ainsi que
les concentrations de protéine MUC5AC mesurées par ELISA ont été analysées à l’aide d’un
test ANOVA pour les mesures répétées afin d’identifier des différences entre les conditions
de cultures. Lorsqu’une différence a été identifiée dans le test ANOVA, une analyse post-hoc
(test de Student-Newman-Keuls) a permis de préciser cette différence. Une différence
observée a été considérée comme significative lorsque le P était inférieur à 0,05.
En raison de la variabilité de l’expression de MUC5AC dans des cultures issues de patients
différents, les résultats (nombre de cellules positives pour MUC5AC, concentrations de la
protéine MUC5AC dans les lysats cellulaires) ont été standardisés en pourcentage de variation
par rapport à la condition Contrôle (cellules de la même culture cultivées en milieu sans
sérum seul). Les données sont représentées sous la forme de Moyenne ± Ecart type.
52
Résultats
Effet de l’activation du récepteur de l’EGF sur la synthèse de la protéine MUC5AC
L’immunohistochimie pour la protéine MUC5AC sur des cellules épithéliales de polypes
naso-sinusiens cultivées pendant 24 heures après la confluence en milieu sans sérum seul
(Contrôle), identifie des cellules MUC5AC+ dans toutes les cultures (10,2 ± 5,2 % du nombre
total de cellules ; n = 5 expériences en conditions dupliquées) (Fig. 1a et 1b). De même,
l’ELISA pour la protéine MUC5AC dans les lysats cellulaires de cellules cultivées en
condition Contrôle, retrouve des concentrations mesurables dans toutes les cultures (0,30 ±
0,14 mg/mL ; n = 3 expériences en conditions dupliquées).
Le traitement des cellules en culture pendant 24 heures par le TGF-α, un ligand du récepteur
de l’EGF, induit une augmentation du nombre des cellules MUC5AC+ et un allongement des
cellules épithéliales en immunohistochimie (Fig. 1a). L’analyse morphométrique quantitative
de l’immunohistochimie révèle un doublement du nombre de cellules exprimant la protéine
MUC5AC dans les inserts traités par le TGF-α (Fig. 1b) (P < 0,05 par rapport au Contrôle ; n
= 5 expériences). De même, le TGF-α entraîne une augmentation de la concentration de la
protéine MUC5AC mesurée par ELISA dans les lysats cellulaires (P < 0,05 par rapport au
Contrôle ; n=3 expériences) (Fig. 1c). L’augmentation du nombre de cellules MUC5AC+ par
le TGF-α se fait sans modification du nombre total de cellules par rapport au Contrôle :
12,4.103 ± 4,7.10
3 cellules/mm², vs 12,0.10
3 ± 5,1.10
3 cellules/mm² respectivement (P > 0,05 ;
n = 5 expériences).
Le traitement des cellules par le TNF-α n’augmente pas le nombre de cellules MUC5AC+ en
immunohistochimie (Fig. 1b) et ne change pas la concentration de la protéine MUC5AC dans
les lysats cellulaires (Fig. 1c). Le TNF-α ne potentialise pas l’effet du TGF-α sur l’expression
de la protéine MUC5AC en immunohistochimie et sur les mesures en ELISA (Fig. 1b et 1c).
Fig. 1a : Photographies représentatives de l’effet du traitement par le TGF-αααα et/ou le TNF-αααα sur l’immunomarquage pour la protéine MUC5AC :
Les cellules ont été cultivées pendant 24 heures en milieu sans sérum seul (Contrôle) ou additionné de TNF-α (10 ng/mL) et/ou de TGF-α (10 ng/mL). Après
fixation, un immunomarquage avec un anticorps anti-MUC5AC a été réalisé (marquage sous la forme de granules bruns, flèches) et les lames ont été contre
colorées à l’hématoxyline afin d’identifier les noyaux cellulaires (colorés en bleu). Les photographies sont représentatives de 5 expériences indépendantes (n=5
patients), réalisées en conditions dupliquées. Notez le changement de forme des cellules (allongement) après traitement par le TGF-α associé à l’augmentation du
nombre de cellules marquées positivement pour la protéine MUC5AC par rapport au Contrôle. Le TNF-α n’augmente pas l’expression de MUC5AC et ne
potentialise pas l’effet du TGF-α. Grossissement initial 400X, barre = 50 µm.
54
Nombre de cellules MUC5AC+
(% de variation par rapport au Contrôle)
*, P < 0,05 par rapport au Contrôle; †, P > 0,05 par rapport au TGF-αn = 5 expériences réalisées en conditions dupliquées
Contrôle TNF-αααα TGF-αααα TGF-αααα+
TNF-αααα
0
40
80
120
160
* *, †
Nombre de cellules MUC5AC+
(% de variation par rapport au Contrôle)
*, P < 0,05 par rapport au Contrôle; †, P > 0,05 par rapport au TGF-αn = 5 expériences réalisées en conditions dupliquées
Contrôle TNF-αααα TGF-αααα TGF-αααα+
TNF-αααα
0
40
80
120
160
* *, †
Contrôle TNF-αααα TGF-αααα TGF-αααα+
TNF-αααα
0
40
80
120
160
* *, †
Fig. 1b : Effet du traitement par le TGF-αααα (10 ng/mL) et/ou le TNF-αααα (10 ng/mL) sur l’expression de la protéine MUC5AC : Les cellules confluentes ont été cultivées pendant 24 heures en milieu sans sérum seul
(Contrôle) ou additionné de TNF-α (10 ng/mL) et/ou de TGF-α (10 ng/mL). Après fixation et
immunomarquage pour la protéine MUC5AC, les cellules ont été comptées par un
investigateur ignorant les conditions de culture (voir Méthodes). Les résultats sont exprimés
en pourcentage de variation du nombre total de cellules marquées positivement pour la
protéine MUC5AC par rapport au Contrôle ± Ecart type.
55
Contrôle TNF-αααα TGF-αααα TGF-αααα+
TNF-αααα
0
40
80
120
Concentration de la protéine MUC5AC
dans les lysats cellulaires
(% de variation par rapport au Contrôle)
*, P < 0,05 par rapport au Contrôle; †, P > 0,05 par rapport au TGF-αn = 3 expériences réalisées en conditions dupliquées
*
*, †
Contrôle TNF-αααα TGF-αααα TGF-αααα+
TNF-αααα
0
40
80
120
Concentration de la protéine MUC5AC
dans les lysats cellulaires
(% de variation par rapport au Contrôle)
*, P < 0,05 par rapport au Contrôle; †, P > 0,05 par rapport au TGF-αn = 3 expériences réalisées en conditions dupliquées
*
*, †
Fig. 1c : Effet du traitement par le TGF-αααα et/ou le TNF-αααα sur la concentration de la protéine MUC5AC : La concentration de la protéine MUC5AC a été mesurée par ELISA dans les lysats cellulaires
de cellules confluentes cultivées pendant 24 heures en milieu sans sérum seul (Contrôle) ou
additionné de TNF-α (10 ng/mL) et/ou de TGF-α (10 ng/mL). Les résultats sont exprimés en
pourcentage de variation par rapport au Contrôle ± Ecart type.
Page 56
Effet d’un antagoniste du récepteur de l’EGF sur la synthèse de la protéine MUC5AC
Le prétraitement des cellules par un inhibiteur sélectif de la tyrosine kinase du récepteur de
l’EGF (AG1478, 10-5
M) prévient l’effet du TGF-α sur le changement de forme des cellules
(Fig. 2a) et sur l’augmentation du nombre de cellules MUC5AC+ par rapport au Contrôle
(Fig. 2a et 2b). De même, le prétraitement par l’AG1478 inhibe l’augmentation de la
concentration de la protéine MUC5AC induite par le TGF-α mesurée par ELISA (Fig. 2c).
La tyrphostine AG9, un composé inactif de structure chimique proche de l’AG1478 (10-5
M)
ne prévient pas les effets du TGF-α sur le nombre et l’aspect des cellules MUC5AC+ (Fig. 2a
et 2b), ni sur la concentration de la protéine MUC5AC (donnée non représentée). Le nombre
total de cellules n’est modifié ni par l’AG1478 ni par l’AG9 (n=4 expériences, données non
Fig. 2a : Photographies représentatives de l’effet d’un antagoniste du récepteur de l’EGF sur l’immunomarquage pour la protéine MUC5AC :
Les cellules ont été cultivées pendant 24 heures en milieu sans sérum seul (Contrôle) ou en présence de TGF-α (10 ng/mL). Dans certaines
expériences, les cellules ont été prétraitées par la tyrphostine AG1478, un antagoniste sélectif du récepteur de l’EGF (10-5
M), ou par la
tyrphostine AG9, un composé inactif (10-5
M). Après fixation, un immunomarquage avec un anticorps anti-MUC5AC a été réalisé (marquage
sous la forme de granules bruns, flèches) et les lames ont été contre colorées à l’hématoxyline afin d’identifier les noyaux cellulaires (colorés en
bleu). Les photographies sont représentatives de 4 expériences indépendantes (n=4 patients), réalisées en conditions dupliquées. Le traitement par
le TGF-α provoque un allongement des cellules et une augmentation du nombre de cellules MUC5AC+. Ces effets sont prévenus par l’AG1478
mais pas par l’AG9. Grossissement initial 400X, barre = 50 µm.
Page 58
Contrôle Contrôle
+
AG1478
TGF-αααα TGF-αααα+
AG1478
TGF-αααα+
AG9
-40
0
40
80
120
Nombre de cellules MUC5AC+
(% de variation par rapport au Contrôle)
*, P < 0,05 par rapport au Contrôle
†, P < 0,05 par rapport au TGF-αn = 4 expériences réalisées en conditions dupliquées
*
*
†
Contrôle Contrôle
+
AG1478
TGF-αααα TGF-αααα+
AG1478
TGF-αααα+
AG9
-40
0
40
80
120
Nombre de cellules MUC5AC+
(% de variation par rapport au Contrôle)
*, P < 0,05 par rapport au Contrôle
†, P < 0,05 par rapport au TGF-αn = 4 expériences réalisées en conditions dupliquées
*
*
†
Fig. 2b: Effet d’un antagoniste du récepteur de l’EGF sur l’expression de la protéine MUC5AC : Les cellules ont été cultivées pendant 24 heures en milieu sans sérum seul (Contrôle) ou en
présence de TGF-α (10 ng/mL). Dans certaines expériences, les cellules ont été prétraitées par
la tyrphostine AG1478, un antagoniste sélectif du récepteur de l’EGF (10-5
M), ou par la
tyrphostine AG9, un composé inactif (10-5
M). Après fixation et immunomarquage, les
cellules MUC5AC+ ont été comptées par un investigateur ignorant les conditions de culture
(voir Méthodes). Les résultats sont exprimés en pourcentage de variation par rapport au
Contrôle ± Ecart type.
Page 59
Contrôle Contrôle
+
AG1478
TGF-αααα TGF-αααα+
AG1478
-40
0
40
80
120
Concentration de la protéine MUC5AC
dans les lysats cellulaires
(% de variation par rapport au Contrôle)
*, P < 0,05 par rapport au Contrôle
†, P < 0,05 par rapport au TGF-αn = 3 expériences réalisées en conditions dupliquées
†
†
*
Contrôle Contrôle
+
AG1478
TGF-αααα TGF-αααα+
AG1478
-40
0
40
80
120
Concentration de la protéine MUC5AC
dans les lysats cellulaires
(% de variation par rapport au Contrôle)
*, P < 0,05 par rapport au Contrôle
†, P < 0,05 par rapport au TGF-αn = 3 expériences réalisées en conditions dupliquées
†
†
*
Fig. 2c : Effet d’un antagoniste du récepteur de l’EGF sur la concentration de la protéine MUC5AC : La concentration de protéine MUC5AC a été mesurée par ELISA dans les lysats cellulaires de
cellules confluentes cultivées pendant 24 heures en milieu sans sérum seul (Contrôle) ou en
présence de TGF-α (10 ng/mL). Dans certaines expériences, le milieu a été additionné
d’AG1478, un antagoniste sélectif du récepteur de l’EGF (10-5
M). Les résultats sont exprimés
en pourcentage de variation par rapport au Contrôle ± SEM.
60
Principales conclusions et discussion
L’association d’une surexpression de la mucine MUC5AC et de l’expression du récepteur de
l’EGF dans l’épithélium des polypes naso-sinusiens a fait suggérer une relation de causalité
[1]. Dans cette étude, nous avons étudié directement l’effet de l’activation du récepteur de
l’EGF par l’un de ses ligands, le TGF-α, sur la synthèse de la mucine MUC5AC par des
cellules épithéliales de polypes naso-sinusiens humain. Nos résultats indiquent que le
traitement par des cellules épithéliales de polypes par le TGF-α provoque l’augmentation de
la synthèse de la protéine MUC5AC. L’utilisation d’un inhibiteur sélectif de la tyrosine kinase
du récepteur de l’EGF bloque cet effet, indiquant que l’action du TGF-α est liée à l’activation
du récepteur de l’EGF. Ces résultats démontrent pour la première fois l’implication du
système du récepteur de l’EGF dans la synthèse de mucines par l’épithélium des polypes
naso-sinusiens. Une étude préalablement publiée montre que l’inhibition sélective de la MAP-
Kinase ERK bloque la synthèse du gène MUC5AC dans des cellules épithéliales de polypes
[120]. De façon intéressante Takeyama et coll. ont montré que la synthèse de MUC5AC
dépendante de l’activation du récepteur de l’EGF est liée à une activation de la voie ERK
[92].
La source d’activation potentielle du récepteur de l’EGF dans l’épithélium des polypes naso-
sinusiens en pathologie humaine nécessite une discussion. Premièrement, les cellules
épithéliales nasales humaines expriment le récepteur de l’EGF et ses principaux ligands [121].
La synthèse de mucines dans l’épithélium des voies aériennes en réponse à des stimuli variés,
fait intervenir le clivage des pro-ligands (par exemple le pro-TGF-α) ancrés dans la
membrane des cellules épithéliales, par des métalloprotéases membranaires [122]. De façon
intéressante Lam et coll. ont montré une surexpression du TGF-α dans l’épithélium des
polypes naso-sinusiens [123]. Nous avons confirmé par immunohistochimie la présence de
TGF-α dans les cellules épithéliales de polypes naso-sinusiens en culture (donnée non
61
représentée). Ainsi, les ligands du récepteur de l’EGF produits par les cellules épithéliales des
polypes pourraient contribuer à l’activation du récepteur de l’EGF et à la synthèse de
mucines. Deuxièmement, la polypose naso-sinusienne primitive est caractérisée par une
infiltration massive du stroma et de l’épithélium par des cellules inflammatoires. La
population majoritaire des cellules inflammatoires des polypes est représentée par les
polynucléaires éosinophiles qui expriment le TGF-α [105]. Ces données suggèrent que les
polynucléaires éosinophiles puissent provoquer la synthèse de mucine MUC5AC dans
l’épithélium des voies aériennes par activation du récepteur de l’EGF.
Les mécanismes conduisant à l’expression du récepteur de l’EGF dans la polypose naso-
sinusienne sont inconnus. Plusieurs études ont montré que la cytokine pro-inflammatoire
TNF-α augmente l’expression du récepteur de l’EGF dans l’épithélium respiratoire [67][124].
Takeyama et coll. ont montré que le traitement d’une lignée de cellules épithéliales humaines
(NCI-H292) par l’association de TNF-α + TGF-α augmente l’effet du TGF-α sur la synthèse
de mucine [67]. Dans notre étude le traitement par l’association TNF-α + TGF-α n’a pas
montré d’effet supérieur au TGF-α seul sur la synthèse de la mucine MUC5AC. Il est possible
que le TNF-α ait peu d’effet sur l’expression du récepteur de l’EGF dans l’épithélium des
polypes naso-sinusiens. Il est également possible que l’expression du TNF-α était déjà
maximale sur ces polypes ou que l’effet du TNF-α recombinant nécessite un temps
d’expérience plus long que celui choisi dans nos expériences (24 heures). Dans cette étude
construite pour montrer l’effet de l’activation du récepteur de l’EGF sur la synthèse de
mucine, nous n’avons pas évalué l’effet du TNF-α sur l’expression du récepteur de l’EGF.
L’augmentation de la synthèse de la protéine MUC5AC en réponse à l’activation du récepteur
de l’EGF se fait sans variation du nombre total de cellules. Cette observation suggère que la
synthèse de mucine soit liée à un mécanisme de différenciation des cellules épithéliales en
l’absence de prolifération cellulaire. Les données actuelles suggèrent en effet que l’apparition
62
de nouvelles cellules productrices de mucines se fait par conversion de cellules progénitrices
de l’épithélium en cellules produisant des mucines et non par prolifération des cellules
caliciformes. Ainsi, le prétraitement par la colchicine (qui bloque la métaphase) ne prévient
pas l’hyperplasie des cellules à mucus provoquée sur les cavités nasales du rat par de
l’endotoxine bactérienne [125]. Nous avons prévu de réaliser des expériences d’incorporation
de BrdU afin d’établir si les cellules contenant la mucine MUC5AC sont issues d’une
différenciation cellulaire (BrdU négatives) ou d’une prolifération cellulaire (BrdU positives).
En conclusion, nos résultats indiquent que l’activation du récepteur de l’EGF par son ligand,
provoque la synthèse de la mucine MUC5AC par l’épithélium des polypes. Les résultats de
cette étude suggèrent que les antagonistes du récepteur de l’EGF puissent être utilisés pour
prévenir l’hypersécrétion de mucus dans la polypose naso-sinusienne. Ainsi, nos résultats
permettent d’envisager la réalisation d’essais cliniques ciblant l’hypersécrétion de mucus avec
des inhibiteurs de la tyrosine kinase du récepteur de l’EGF administrés par voie locale chez
des patients atteints de polypose naso-sinusienne. De plus, le modèle de culture primaire de
cellules épithéliales de polypes naso-sinusiens peut-être utilisé pour tester l’effet
pharmacologique de nouvelles molécules sur la synthèse de mucines.
63
3. Rôle des éosinophiles dans la synthèse de mucine par l’épithélium respiratoire.
3.1. Les éosinophiles humains activés induisent la synthèse de la mucine MUC5AC dans
l’épithélium respiratoire par activation du récepteur de l’EGF.
Introduction
L’infiltration de l’épithélium respiratoire par les polynucléaires éosinophiles est
caractéristique de l’inflammation des voies aériennes dans l’asthme [126] et la polypose naso-
sinusienne [100]. Elle est également observée aux des exacerbations respiratoires chez les
patients atteints de BPCO [127]. L’augmentation de la production de mucines, liée à une
hyperplasie des cellules épithéliales à mucus (cellules caliciformes), est également décrite
dans l’asthme aigu grave [128], dans l’asthme chronique [17][30] et dans la polypose naso-
sinusienne [1]. L’analyse histologique des voies respiratoires de patients décédés d’asthme
aigu grave objective la présence d’éosinophiles dégranulés, particulièrement dans l’épithélium
respiratoire et dans les bouchons de mucus [129]; de plus, une corrélation positive entre
l’éosinophilie dans le lavage broncho-alvéolaire et la quantité d’expectoration quotidienne a
été décrite chez des patients asthmatiques [130]. Expérimentalement, la stimulation
allergénique dans des modèles murins d’asthme allergique se traduit par une intense
inflammation à éosinophiles dans les voies aériennes et une hyperplasie des cellules
épithéliales à mucus [131]. Ces données suggèrent l’implication des éosinophiles dans la
production de mucines au cours des pathologies respiratoires d’origine allergique. Cependant,
des études animales récentes remettent cette hypothèse en question : le transfert de
lymphocytes Th2 dans les voies aériennes de souris déficientes pour l’interleukine-5 (IL-5)
provoque une hyperplasie des cellules à mucus en l’absence de recrutement des éosinophiles
dans les voies aériennes [93], conduisant les auteurs à considérer que les éosinophiles ne
participent pas à l’hyperplasie des cellules à mucus. Plusieurs études récentes suggérant
64
l’existence de différences fonctionnelles majeures entre les éosinophiles murins et humains
[132][133], la relation entre les éosinophiles et la production de mucus en pathologie humaine
demeure inconnue.
Dans l’épithélium respiratoire, l’activation du récepteur de l’EGF par ses ligands (par
exemple EGF, TGF-α) provoque la synthèse du gène et de la protéine MUC5AC dans les
cellules épithéliales NCI-H292 [67]. De plus, des antagonistes sélectifs du récepteur de l’EGF
inhibent la synthèse de mucine induite par l’EGF et le TGF-α dans les cellules NCI-H292 in
vitro, ainsi que l’hyperplasie des cellules à mucus induite par une stimulation allergénique
chez le rat sensibilisé [67].
Le recrutement des éosinophiles au site de l’inflammation s’accompagne de leur activation
[134]. Les éosinophiles recrutés dans les tissus expriment le TGF-α dans certaines tumeurs
humaines [71] et dans les polypes naso-sinusiens [105]. Les éosinophiles humains, isolés dans
le sang périphérique et activés par des cytokines in vitro, produisent et sécrètent du TGF-
α [135][136][137].
Hypothèses et Objectifs de l’étude.
Nous avons émis l’hypothèse que les éosinophiles activés induisent la synthèse de mucine
dans l’épithélium respiratoire par activation du récepteur de l’EGF. Pour tester cette
hypothèse, nous avons étudié l’effet de l’activation d’éosinophiles humains, isolés à partir du
sang périphérique de sujets allergiques, sur la production de la mucine MUC5AC dans la
lignée cellulaire épithéliale respiratoire NCI-H292, ainsi que l’effet d’antagonistes du
récepteur de l’EGF dans ce modèle. Le choix d’une lignée cellulaire (NCI-H292) plutôt que
d’une culture primaire de cellules épithéliales a été dicté par des contingences pratiques : il est
en effet très difficile d’obtenir des cellules épithéliales en culture primaire au même moment
que des éosinophiles purifiés. Ce choix a par ailleurs permis de limiter la variabilité inhérente
65
à l’étude de cellules (éosinophiles et cellules épithéliales) isolées à partir de patients
différents. Cette étude a fait l’objet d’une publication originale qui insérée à la page
suivante[2].
66
Principales conclusions et Discussion
Dans cette étude, nous avons émis l’hypothèse que les éosinophiles provoquent la synthèse de la
mucine MUC5AC par l’épithélium respiratoire. Pour tester cette hypothèse nous avons isolé des
éosinophiles humains du sang périphérique et nous avons testé l’effet de l’activation de ces
éosinophiles sur la synthèse de mucines par la lignée épithéliale des voies aériennes NCI-H292.
Nos résultats indiquent que les éosinophiles humains activés induisent la synthèse de la mucine
MUC5AC dans les cellules NCI-H292 in vitro. De même, le surnageant d’éosinophiles activés
provoque la synthèse du gène et de la protéine MUC5AC dans les cellules NCI-H292 (voir
Figure 1 et 2 [2]), démontrant que l’effet des éosinophiles activés est lié à un produit sécrété.
L’effet du surnageant de culture des polynucléaires éosinophiles activés sur la synthèse de
mucines implique la phosphorylation du récepteur de l’EGF (voir Figure 3 et 4 [2]).
Les ligands du récepteur de l’EGF (par exemple, le TGF-α) se lient au récepteur de l’EGF et
activent la phosphorylation de ce récepteur dans son domaine intracellulaire, conduisant à la
synthèse de mucine [67]. Les éosinophiles [71] et les cellules de l’épithélium respiratoire (dont
les cellules NCI-H292) [138] exprimant le TGF-α, nous avons examiné le rôle du TGF-α dans la
synthèse de mucine provoquée par les éosinophiles activés. Tout d’abord, confirmant des
données publiées, nous avons montré que les éosinophiles activés sécrètent du TGF-α (voir
Figure 5). Ensuite, nous avons examiné l’effet des éosinophiles activés sur l’expression et la
sécrétion de TGF-α par les cellules épithéliales respiratoires. Le surnageant d’éosinophiles
activés provoque une importante augmentation de l’immunomarquage pour TGF-α sur les
cellules épithéliales ainsi qu’une augmentation de la concentration de TGF-α soluble dans le
surnageant de culture des cellules NCI-H292. De façon importante, un anticorps bloquant dirigé
contre le TGF-α diminue la synthèse de mucine induite par les éosinophiles activés. Ainsi, cette
étude démontre pour la première fois que les éosinophiles humains activés induisent la
production de mucine par des cellules épithéliales respiratoires humaines par activation du
67
récepteur de l’EGF, en partie liée au TGF-α. Cependant, nous n’avons pas déterminé quelle part
de l’effet de TGF-α était liée à sa sécrétion par les éosinophiles ou par les cellules épithéliales.
L’inhibition de la tyrosine kinase du récepteur de l’EGF a bloqué complètement la synthèse de
mucine induite par les éosinophiles activés, mais un anticorps bloquant anti-TGF-α diminue
seulement cette production de mucine, suggérant que l’activation du récepteur de l’EGF dans ce
contexte fait intervenir, outre l’activation par le TGF-α, d’autres mécanismes. D’autres ligands
du récepteur de l’EGF (par exemple l’ Heparin-Binding (HB)-EGF, qui est exprimé par les
éosinophiles activés [139] ou des molécules pouvant provoquer la transactivation du récepteur de
l’EGF (par exemple les radicaux libres de l’oxygène [92]) pourraient également être impliqués.
Le TGF-α est une protéine de 50 acides aminés dérivant d’un précurseur membranaire de 160
acides aminés [140] ou pro-TGF-α [141]. Le pro-TGF-α est clivé par des enzymes
protéolytiques, provoquant la libération du TGF-α soluble [142][143]. La forme soluble du TGF-
α a une activité plus puissante que son précurseur membranaire [144]. Dans cette étude, nous
avons trouvé que le surnageant d’éosinophiles activés provoque l’apparition d’un intense
immunomarquage pour TGF-α sur les cellules épithéliales respiratoires (voir Figure 6 [2]),
suggérant qu’un produit sécrété par les éosinophiles induise la synthèse de TGF-α dans
l’épithélium respiratoire. Ensuite, nous avons mesuré le TGF-α soluble dans le surnageant de
culture des cellules NCI-H292, et nous avons trouvé des concentrations de TGF-α soluble qui,
bien que faibles, étaient plus élevées après incubation avec le surnageant des éosinophiles
activés. Les cellules NCI-H292 expriment le récepteur de l’EGF [138]; après liaison du TGF-α
au récepteur de l’EGF, l’ensemble ligand-récepteur est internalisé et le TGF-α est dégradé [145].
Ainsi, les concentrations de TGF-α soluble mesurées dans le surnageant de culture des cellules
NCI-H292 dépendent de la quantité de TGF-α soluble libérée (par protéolyse du pro-TGF-α) et
du captage du TGF-α soluble par le récepteur de l’EGF. C’est pourquoi les concentrations de
68
TGF-α mesurées dans le surnageant de culture des cellules NCI-H292 ne correspondent pas à la
quantité réelle de TGF-α soluble libérée par les cellules épithéliales. Néanmoins, ces données
suggèrent qu’un produit libéré dans le surnageant d’éosinophiles activés clive le pro-TGF-α sur
la membrane des cellules épithéliales, provoquant la libération de TGF-α soluble. Les
éosinophiles sécrètent de l’élastase [146] et des métalloprotéases [147] qui pourraient jouer un
rôle dans le clivage du pro-TGF-α. Cependant l’étude des mécanismes de sécrétion du TGF-α
soluble en réponse à la stimulation des cellules épithéliales par le surnageant d’éosinophiles
activés nécessite des investigations complémentaires.
Plusieurs études ont retrouvé une corrélation entre l’hyperéosinophilie (dans le sang [148] et dans
les voies aériennes [130]) et la quantité d’expectoration quotidienne chez des patients
asthmatiques, suggérant l’implication des éosinophiles dans l’hypersécrétion de mucus. De
même, chez des patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), Saetta
et coll. [127] ont retrouvé un hyperéosinophilie dans l’expectoration au cours des exacerbations,
et Haraguchi et coll. [149] ont rapporté une corrélation entre le nombre d’éosinophiles dans les
voies aériennes et l’existence d’une hyperplasie des cellules épithéliales à mucus (cellules
caliciformes) chez des patients décédant de bronchospasme (« asthma-like attacks »). L’absence
de corrélation entre hyperéosinophilie et hyperplasie des cellules à mucus dans certains modèles
animaux a fait conclure à l’absence d’implication des éosinophiles dans l’hypersécrétion de
mucus. Ainsi, la stimulation allergénique chez des souris sensibilisées conduit au recrutement des
éosinophiles dans les voies aériennes et à l’hyperplasie des cellules à mucus, suggérant
initialement une relation entre les deux phénomènes [131]. Cependant, la stimulation
allergénique de souris C57BL/6 déficientes pour l’interleukine-5 conduit à une hyperplasie des
cellules à mucus alors que le recrutement des éosinophiles dans les voies aériennes n’existe plus,
amenant les auteurs à conclure que les éosinophiles ne sont pas des éléments important pour la
survenue d’une hyperplasie des cellules à mucus [93]. Ces résultats sont à interpréter avec
69
précaution. En effet, les éosinophiles murins (en particulier ceux des souris C57BL/6)
n’apparaissent pas dégranulés après une stimulation allergénique in vivo [132][150], alors que les
éosinophiles retrouvés sur les prélèvements histologiques dans les voies aériennes de patients
asthmatiques sont massivement dégranulés [129]. In vitro, la stimulation (cytokines, agents
chimiques) provoque la dégranulation des éosinophiles humains mais pas des éosinophiles
murins [132][133]. Il semble donc exister des différences importantes entre les éosinophiles
murins et les éosinophiles humains et les résultats obtenus chez la souris pourraient ne pas être
transposable à l’homme. Depuis la publication de nos résultats [2], deux nouvelles études sur des
souris ont cherché à établir l’effet de l’abolition du recrutement des éosinophiles sur l’hyperplasie
des cellules caliciformes dans l’épithélium respiratoire provoquée par une stimulation
allergénique [151][152]. Lee et coll. ont étudié des souris transgéniques exprimant la toxine
diphtérique A sous le contrôle du promoteur de la péroxydase des éosinophiles (souris PHIL)
[151]; Ces souris, qui sont dépourvues d’éosinophiles, ont une protection partielle contre la
survenue d’une hyperplasie des cellules caliciformes. Humbles et coll. ont étudié des souris ayant
une délétion pour un site de liaison de haute affinité dans le promoteur du facteur de transcription
GATA-1 (souris ∆dbl GATA-1) [152]. Ces souris sont également dépourvues d’éosinophiles
mais ne sont pas protégées contre l’hyperplasie des cellules caliciformes liée à une stimulation
allergénique. La différence de conclusion entre les deux études pourrait être expliquée par des
différences de lignée génétique (les souris PHIL sont créées à partir de souris BL6, alors que les
souris ∆dbl GATA-1 sont créées à partir de souris Balb/c) ou par le fait que les manipulations
génétiques effectuées chez les souris ont d’autres effets que la simple suppression des
éosinophiles [153]. Ces données soulignent la nécessité d’interpréter avec prudence les données
obtenues sur des modèles murins. Nos résultats obtenus in vitro avec des éosinophiles humains
démontrent que les éosinophiles humains activés peuvent provoquer la synthèse de mucine.
Seules des études cliniques humaines avec des molécules inhibant complètement le recrutement
70
des éosinophiles dans les voies aériennes permettront de définir de façon définitive le rôle des
éosinophiles dans la synthèse de mucines par l’épithélium.
71
3.2. Effet des corticoïdes intranasaux sur l’infiltration épithéliale par les polynucléaires
éosinophiles et l’expression de la mucine MUC5AC dans les polypes naso-sinusiens
humains.
Introduction
L’hyperplasie des cellules productrices de mucus et la surexpression des mucines sont
présentes dans l’épithélium des polypes naso-sinusiens [1] ; cependant aucune thérapeutique
ciblant directement l’hypersécrétion de mucus n’est disponible en thérapeutique humaine.
L’infiltration par les polynucléaires éosinophiles est caractéristique de la polypose naso-
sinusienne [100]. Les polynucléaires neutrophiles sont recrutés dans les voies aériennes dans
les maladies respiratoires associées à une hypersécrétion de mucus (par exemple, la BPCO, la
mucoviscidose et les dilatations des bronches, l’asthme aigu grave) et sont également
retrouvés dans les polypes naso-sinusiens [154]. L’expression des chimiokines responsables
du recrutement des polynucléaires neutrophiles est augmentée dans ces pathologies [155] et
l’interleukine 8, une puissante chimiokine des polynucléaires neutrophiles, est présente dans
les polypes naso-sinusiens [156]. Les polynucléaires neutrophiles pourraient jouer un rôle
important dans la production des mucines : les radicaux libres oxygénés dérivés des
neutrophiles [92] et l’élastase neutrophile induisent la synthèse de mucine [65][90]. Nous
avons montré précédemment que les polynucléaires éosinophiles sécrètent également des
facteurs qui induisent la synthèse de mucines dans l’épithélium des voies aériennes [2]. De ce
fait, les polynucléaires neutrophiles et éosinophiles pourraient jouer un rôle dans la
surexpression des mucines retrouvée dans la polypose naso-sinusienne [1].
Les corticoïdes intranasaux sont les traitements de référence recommandés pour le traitement
médical de la polypose naso-sinusienne. Plusieurs études ont montré que les corticoïdes
locaux permettent une diminution de la taille des polypes naso-sinusiens [157][158] et une
72
diminution importante de l’infiltration tissulaire par les polynucléaires éosinophiles [159]; par
contre, leurs effets sur la synthèse de mucines dans l’épithélium des polypes n’ont jamais été
étudiés.
La mucine MUC5AC semble être la principale mucine capable de former un gel synthétisé
par l’épithélium des voies aériennes chez l’homme [17]. Nous avons montré dans notre
première étude sur les polypes naso-sinusiens [1] que la mucine MUC5AC est une mucine
majeure de l’épithélium des polypes naso-sinusiens. L’activation du récepteur de l’EGF et les
facteurs sécrétés par les leucocytes ont tous les deux été impliqués dans la synthèse de
MUC5AC par l’épithélium respiratoire. Dans cette étude, nous avons testé l’effet de la
fluticasone intranasale sur l’expression de la mucine MUC5AC et du récepteur de l’EGF ainsi
que sur la présence de leucocytes dans les polypes naso-sinusiens. Pour chaque sujet étudié,
nous avons prélevé chirurgicalement un polype avant tout traitement et un autre polype après
8 semaines de traitement par la fluticasone intranasale. Nous avons tout d’abord évalué
l’efficacité de la fluticasone sur la réduction de la taille des polypes (évaluée par la mesure de
la résistance nasale) et sur la diminution du nombre d’éosinophiles infiltrant les polypes, ces
deux effets ayant été précédemment décrits avec la fluticasone [159]. Nous avons ensuite
évalué l’effet de la fluticasone sur l’expression de l’ARNm et de la protéine de mucine
MUC5AC et sur l’expression du récepteur de l’EGF par des techniques d’hybridation in situ
et d’immunohistochimie sur les polypes prélevés. Sur ces polypes nous avons également
évalué par immunohistochimie la présence de polynucléaires neutrophiles ainsi que
l’expression de l’interleukine 8 et du TNF-alpha. Cette étude a fait l’objet d’une publication
originale qui est insérée à la page suivante [3].
73
Principales conclusions et discussion
Les corticoïdes sont efficaces pour le traitement de la polypose naso-sinusienne mais leurs
effets sur la synthèse des mucines est inconnu. Nous avons étudié l’effet d’un traitement de
deux mois par une dose usuelle d’un corticoïde intranasal, la fluticasone, sur l’expression
(immunohistochimie et hybridation in situ) des glycoprotéines de mucine dans l’épithélium
des polypes naso-sinusiens obtenus chirurgicalement avant et après le traitement [3]. Dans
cette étude, nous avons montré que la synthèse de la mucine MUC5AC n’a pas été modifiée
par un traitement corticoïde intranasal administré à des doses usuelles (voir Figures 3 et 4
[3]). L’absence d’effet de la fluticasone sur la production de mucine par l’épithélium des
polypes ne peut être expliquée par une non-administration du produit (due à une mauvaise
observance thérapeutique ou un dépôt inadéquat du médicament) car le traitement par la
fluticasone s’est accompagné d’une diminution de la taille des polypes (démontrée par une
diminution des résistances nasales) (voir Figure 1 [3]) et d’une diminution de l’infiltration
des polypes par les polynucléaires éosinophiles (voir Figure 2 [3]). Cette étude avait été
conçue avec pour contrôle positif de l’administration du traitement ces effets bien établis des
corticoïdes, car retrouvés par de multiples études randomisées contre placebo
[157][158][159][160][161].
A notre connaissance, l’évaluation de l’effet des corticoïdes sur la synthèse de mucine par
l’épithélium des polypes naso-sinusiens n’a jamais été décrite jusqu'à présent. Dans
l’épithélium des voies aériennes inférieures de patients asthmatiques, les données publiées
montrent des résultats contradictoires concernant l’effet des corticoïdes inhalés sur
l’hyperplasie des cellules à mucus et l’expression des mucines. Laitinen et coll. ont étudié des
biopsies bronchiques obtenues chez 7 patients ayant un asthme sévère avant et après un
traitement de 3 mois par le budésonide (600 µg matin et soir), un autre corticoïde inhalé
[162]. Ces auteurs ont montré une augmentation du rapport nombre de cellules ciliées/nombre
74
de cellules à mucus après administration du traitement par le budésonide. Dans cette étude
aucune donnée concernant l’expression des gènes ou des protéines de mucines n’était
disponible. Groneberg et coll. ont rapporté l’absence de changement de la protéine MUC5AC,
étudiée par l’analyse semi-quantitative d’un immuno-marquage sur des biopsies bronchiques
de patients asthmatiques, après 1 mois de traitement par le budésonide par voie inhalée [28].
De même, Fahy et coll. ont rapporté qu’un traitement corticoïde inhalé d’un mois par la
béclométhasone ne modifiait pas les concentrations de glycoprotéines mesurées dans
l’expectoration induite chez des patients asthmatiques [163]. Notre étude est la première à
avoir examiné l’effet des corticoïdes locaux sur l’expression du gène et de la protéine
MUC5AC par l’épithélium des voies aériennes en essai clinique humain avec une analyse
morphométrique quantitative. Nos données indiquent que la quantité de la mucine MUC5AC
dans l’épithélium des polypes naso-sinusiens n’est pas modifiée par un traitement de deux
mois par des doses usuelles de corticoïdes intranasaux. La présence de mucine dans
l’épithélium des voies aériennes est la résultante de la synthèse de mucines par les cellules
épithéliales (qui augmente le contenu épithélial en mucine) et de la sécrétion de mucines à la
surface de l’épithélium (qui diminue le contenu épithélial en mucines). De ce fait, la
persistance de la présence de mucines dans l’épithélium des polypes après un traitement par la
fluticasone peut s’expliquer par des effets sur la synthèse et/ou sur la sécrétion de mucines.
De façon notable, nous avons montré par hybridation in situ que la synthèse de l’ARN
messager de MUC5AC n’était pas bloquée par le traitement corticoïde. Les modalités
expérimentales de notre étude ne permettaient pas l’étude des mucines sécrétées dans la cavité
nasale. Cependant, dans une étude préalable, McGregor et coll. ont mesuré les mucines
sécrétées dans le lavage nasal de sujets normaux traités par corticoïdes et ces auteurs ont
conclu que les corticoïdes intranasaux augmentaient la sécrétion de mucines [164]. Ces
données suggèrent que l’administration locale de corticoïdes ne diminue ni la synthèse ni la
75
sécrétion de mucines dans l’épithélium des voies aériennes et que le développement de
nouvelles thérapeutiques ciblant l’hypersécrétion de mucines est nécessaire.
L’expression et l’activation du récepteur de l’EGF sont impliquées dans la synthèse de
mucines dans l’épithélium des voies aériennes en réponse à des stimuli variés (voir Revue de
la Littérature) [165]. Nos données morphologiques et en culture cellulaire de cellules de
polypes suggèrent que la synthèse de la mucine MUC5AC dans l’épithélium des polypes soit
liée à l’activation du récepteur de l’EGF. Dans cette étude, nos données indiquent que le
traitement par un corticoïde intranasal n’a eu d’effet significatif ni sur l’expression du
récepteur de l’EGF ni sur l’expression de la mucine MUC5AC. Ces résultats sont concordants
avec les données montrant l’absence d’effet des corticoïdes inhalés sur l’expression du
récepteur de l’EGF dans l’épithélium bronchique de patients asthmatiques [78].
Le recrutement de polynucléaires éosinophiles et neutrophiles est retrouvé dans de
nombreuses maladies inflammatoires des voies aériennes s’accompagnant d’une
hypersécrétion de mucus [31]. Cette association entre la présence de cellules inflammatoires
et l’hypersécrétion de mucus a fait suggérer un rôle potentiel des cellules inflammatoires dans
la synthèse et la sécrétion de mucines par l’épithélium des voies aériennes. Les études
animales s’intéressant au rôle des éosinophiles dans l’hypersécrétion de mucines sont non
consensuelles. Cohn et coll. ont montré que l’hypersécrétion de mucus induite par le transfert
de cellules exprimant des cytokines de type Th2 chez des souris invalidées pour l’IL-5 (et
donc dépourvues d’éosinophiles dans les voies aériennes) par comparaison à des souris
normales était indépendante de la présence d’éosinophiles [93]. Cependant, Shen et coll. ont
montré que le transfert d’éosinophiles dans les voies aériennes de souris invalidées pour l’IL-
5 majorait l’hypersécrétion de mucus induite par une stimulation allergénique à l’ovalbumine
[166]. Dans notre étude, le traitement corticoïde a permis une diminution sensible du nombre
d’éosinophiles dans l’épithélium respiratoire sans modifier considérablement l’expression du
76
gène ou de la protéine MUC5AC, suggérant que la synthèse de mucines puisse survenir
indépendamment de la présence d’éosinophiles dans l’épithélium des polypes. De façon
notable, le recrutement de polynucléaires neutrophiles n’était pas diminué par le traitement
corticoïde et ces cellules pourraient contribuer à la synthèse et à la sécrétion des mucines.
En conclusion, cette étude montre qu’un traitement intranasal par la fluticasone à des doses
usuelles sur une période de 2 mois s’est accompagné d’une réduction significative de la taille
des polypes et de l’infiltration épithéliale par les polynucléaires éosinophiles. Cependant ce
traitement n’a pas modifié la synthèse de la mucine MUC5AC, l’expression du récepteur de
l’EGF et l’infiltration de l’épithélium par les polynucléaires neutrophiles. Ces données nous
conduisent à suggérer l’intérêt de tester des thérapeutiques ciblant le récepteur de l’EGF ou
inhibant le recrutement et l’activation des polynucléaires neutrophiles pour diminuer la
synthèse de mucines dans l’épithélium des voies aériennes.
77
4ème Partie : Conclusion générale et perspectives
1. Réalisation d’études cliniques ciblant l’hypersécrétion de mucines dans la polypose
naso-sinusienne
Nos études sur les polypes naso-sinusiens ont permis d’établir les éléments suivants:
• L’existence d’une hyperplasie des cellules productrices de mucine est associée à une
surexpression de la mucine MUC5AC dans l’épithélium des polypes naso-sinusiens.
• L’expression du récepteur de l’EGF dans l’épithélium de certains polypes a suggéré
un lien de causalité entre l’activation du récepteur de l’EGF et la synthèse de la
mucine MUC5AC.
• L’activation du récepteur de l’EGF par un de ses ligands, le TGF-α, provoque la
synthèse de la protéine MUC5AC dans des cultures primaires de cellules épithéliales
isolées à partir de polypes naso-sinusiens.
• Bien que les polynucléaires éosinophiles humains activés puissent provoquer la
synthèse de mucines par activation du récepteur de l’EGF in vitro, la diminution de
l’infiltration des polypes par les éosinophiles à l’aide un traitement corticoïde
intranasal ne s’accompagne pas d’un effet important sur la synthèse de mucine.
• Le traitement corticoïde intranasal n’affecte pas l’expression de la mucine MUC5AC.
De même, ni l’expression du récepteur de l’EGF et ni le recrutement de polynucléaires
neutrophiles dans l’épithélium des polypes ne sont influencés par les corticoïdes.
Ces données suggèrent que les corticoïdes, qui sont utilisés dans le traitement de nombreuses
pathologies bronchiques associées à une hypersécrétion de mucus sont peu efficaces pour
diminuer cette hypersécrétion. Nous suggérons l’intérêt de réaliser des études cliniques
humaines avec des inhibiteurs de la tyrosine kinase du récepteur de l’EGF dans les
pathologies associées à une hypersécrétion de mucus. Les molécules inhibant le recrutement
78
et/ou l’activation des polynucléaires neutrophiles pourraient également avoir un intérêt dans
ce contexte.
La réalisation d’études cliniques avec des molécules ciblant l’hypersécrétion de mucus dans
les maladies respiratoires humaines se heurte à de nombreux obstacles.
• Premièrement, l’absence de certitude quant au rôle exact des mucines dans l’altération
de la fonction ventilatoire dans les maladies respiratoires chroniques rend risqué le
choix de critères de jugement physiologiques (amélioration du VEMS….) pour
déterminer l’efficacité des ces molécules.
• Deuxièmement, comme nous l’avons discuté plus tôt, l’hypersécrétion de mucus ne
s’accompagne pas nécessairement de symptômes cliniques ; L’évaluation de
l’efficacité des traitements sur les modifications de la toux et de l’expectoration, des
critères classiquement considérés comme des marqueurs de l’hypersécrétion de
mucus, est non seulement peu précise mais également d’une pertinence discutable.
• Troisièmement, la mesure de la concentration de mucines dans l’expectoration ou le
lavage bronchoalvéolaire est de réalisation pratique difficile. Les mucines sont des
molécules de structure hétérogène et leurs propriétés viscoélastiques rendent difficile
leur purification [39]. De ce fait, la standardisation des méthodes de mesure est
complexe. De plus, la dégradation enzymatique (par des protéases ou des
glucosidases) des mucines dans les voies aériennes des patients atteints de pathologies
pulmonaires chroniques pourrait compliquer encore le problème. Par exemple, la
présence de fortes concentrations d’élastase neutrophile dans l’expectoration des
patients atteints de mucoviscidose pourrait expliquer la relative diminution des
concentrations de mucines mesurées dans les expectorations de ces patients [4][167].
La meilleure approche pour juger de l’efficacité des traitements ciblant l’hypersécrétion de
mucus pourrait être histologique. Ordonez et coll. ont montré la faisabilité de quantifier
79
l’expression des gènes (RT-PCR quantitative) et des protéines de mucines (analyse
morphométrique quantitative de colorations immunohistochimiques) sur des biopsies
bronchiques de patients ayant un asthme modéré [17]. Cette technique pourrait être utilisée en
pour juger de l’effet de molécules inhibant la synthèse de mucines. Nous suggérons que la
polypose naso-sinusienne, compte tenu de la localisation anatomique favorable des polypes
qui permet leur ablation de façon relativement non-invasive sous anesthésie locale, puisse
également permettre d’évaluer les nouvelles thérapeutiques ciblant l’hypersécrétion de mucus
lors d’essais cliniques chez l’homme. L’un des intérêts de cette approche est la possibilité
d’administrer les traitements par voie locale (intranasale) avec un minimum de passage
systémique des thérapeutiques et donc un risque d’effets secondaires plus modéré. La
diminution de l’hypersécrétion de mucines dans l’épithélium des polypes naso-sinusiens
pourrait s’accompagner d’une amélioration des symptômes de la maladie (rhinorrhée,
obstruction nasale) qui participent à l’altération de la qualité de vie dans cette pathologie. Il
faut par ailleurs noter qu’aucun traitement ne permet actuellement une efficacité complète
pour supprimer les polypes naso-sinusiens. Le récepteur de l’EGF est exprimé dans
l’épithélium des polypes mais aussi dans les cellules endothéliales des vaisseaux sous-
épithéliaux (donnée personnelle non publiée). L’un des effets des antagonistes du récepteur de
l’EGF pourrait être de diminuer la perméabilité vasculaire et l’hypervascularisation des
polypes conduisant à leur régression. Ces hypothèses pourront être testés lors des essais
cliniques programmés avec des antagonistes du récepteur de l’EGF dans la polypose naso-
sinusienne.
80
2. Apport des cultures primaires de cellules épithéliales de polypes naso-sinusiens à
l’étude de l’hypersécrétion de mucus des voies aériennes.
Lors de nos études sur les cellules épithéliales de polypes naso-sinusiens, nous avons établi
que ce modèle permet l’étude des mécanismes de la synthèse de mucine in vitro, sur un
épithélium non tumoral polarisé. Les applications de ce modèle sont multiples :
• La culture de cellules épithéliales de polypes peut être utilisée pour tester in vitro
l’efficacité de molécules ciblant la synthèse et/ou la sécrétion des mucines.
• Les mécanismes moléculaires de la synthèse de mucines ont été établis sur des
cultures de cellules tumorales et sur des cultures primaires non polarisées [122]. Ces
mécanismes font intervenir l’activation du récepteur de l’EGF par ses ligands. Les
cellules tumorales expriment à la fois les ligands et les récepteurs de l’EGF sur les
mêmes cellules, cette caractéristique étant importante dans l’acquisition du caractère
tumoral. Des données récentes indiquent une ségrégation entre les récepteurs HER et
leurs ligands entre le pôle apical et le pôle baso-latéral des cellules épithéliales [168].
Les implications de ces données sur la synthèse de mucines par l’épithélium non
tumoral polarisé des polypes naso-sinusiens sont en cours d’investigation dans notre
laboratoire.
• Certaines maladies génétiques de l’épithélium des voies aériennes (mucoviscidose et
dyskinésie ciliaire) sont associées à la fois à une hypersécrétion de mucus des voies
aériennes mais également au développement d’une polypose naso-sinusienne.
L’obtention de tissus bronchiques ou bronchiolaires et leur mise en culture est difficile
dans ces pathologies et les mécanismes de la synthèse de mucines dans des cultures
primaires polarisées dans ces pathologies ont été peu étudiés. Nous prévoyons
d’étudier les mécanismes de la synthèse de mucines dans la mucoviscidose et les
dyskinésies ciliaires à l’aide de ce modèle de culture.
81
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Burgel PR, Camara P, Collet-Burgel C, Soko TO, Hovette P. L’intoxication au ditakh : une
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une forme méconnue de borréliose. Presse Med 1998; 27:1219
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associées au paludisme. Rev Pneumol Clin. 1998;54:340-345.
105
Sociétés Savantes
Membre de la Fédération des CRCM (Société Française de la Mucoviscidose) depuis 2004.
Membre de l’European Respiratory Society depuis 2004.
Membre de la Société de Pneumologie de Langue Française depuis 2002.
Membre de la Société de Pneumologie d’Ile de France depuis 2002.
Activités Diverses
Expert bibliographe pour la “Conférence de Consensus pour la prise en charge des infections
respiratoires basses” Mars 2006
Investigateur principal du protocole MUCO-VNI: Etude multicentrique (11 centres) évaluant
l’intérêt de la ventilation non-invasive dans la prise en charge de l’insuffisance respiratoire
chronique de la mucoviscidose de l’adulte (depuis Juin 2005).
Membre élu pour 3 ans du Conseil Scientifique de la Fédération des CRCM (Société
Française de la Mucoviscidose, depuis Juin 2005).
Responsable du groupe de travail sur l’insuffisance respiratoire chronique de la Fédération
des CRCM (depuis Juin 2005).
Membre du groupe de travail sur la cancérologie thoracique du GHU ouest (depuis 2004).
Membre du comité de rédaction de la revue: Réflexion en Médecine Oncologique (depuis
2004).
Membre fondateur du Groupe Initiatives BPCO (visant à promouvoir des protocoles de
recherche multicentriques sur la BPCO) (depuis 2004).
106
RESUMES
Hypersécrétion de mucus dans l’épithélium respiratoire humain : rôles du récepteur de l’epidermal growth factor (EGF) et des polynucléaires éosinophiles
dans la synthèse de mucine par l’épithélium des polypes naso-sinusiens.
L’épithélium des voies aériennes est recouvert de mucus qui joue un rôle de protection
contre les agents pathogènes. La sécrétion excessive de mucus contribue à la pathogénie des
maladies bronchiques chroniques et de la polypose naso-sinusienne. L’activation du récepteur
de l’EGF provoque la synthèse des mucines, des constituants essentiels du mucus, sur des
modèles expérimentaux, mais l’existence de ce mécanisme en pathologie humaine n’est pas
démontrée. Le rôle des polynucléaires éosinophiles, qui sont présents en grand nombre dans
les polypes naso-sinusiens, dans la synthèse de mucines est controversé. Dans ce travail, nous
montrons que l’épithélium des polypes naso-sinusiens exprime la mucine MUC5AC et le
récepteur de l’EGF et que l’activation de ce récepteur par ses ligands provoque la synthèse de
mucine dans l’épithélium des polypes naso-sinusiens en culture primaire. Nos données
indiquent que les éosinophiles humains, isolés à partir du sang et activés in vitro, sécrètent des
molécules conduisant à l’activation du récepteur de l’EGF et à la synthèse de mucine par
l’épithélium. Les antagonistes du récepteur de l’EGF n’ayant pas d’autorisation d’utilisation
dans la polypose naso-sinusienne, nous avons testé l’effet des corticoïdes sur ces mécanismes
en étude clinique humaine. Les corticoïdes locaux diminuent la taille des polypes et
l’infiltration épithéliale par les polynucléaires éosinophiles mais n’ont pas d’effet sur
l’expression des mucines ou du récepteur de l’EGF. Les études présentées ouvrent la voie à la
réalisation d’essais cliniques avec des antagonistes du récepteur de l’EGF ciblant
l’hypersécrétion de mucus dans la polypose naso-sinusienne.
Mots clefs : épithélium respiratoire, mucine, MUC5AC, polypose naso-sinusienne,
hypersécrétion de mucus, EGF.
Mucus hypersecretion in human airway epithelium : Roles of epidermal growth factor (EGF) receptor and eosinophils
in mucin synthesis by nasal polyp epithelial cells
Airway epithelium is covered by a thin layer of mucus that plays a protective role against
inhaled pathogens. Mucous hypersecretion contributes to the pathophysiology of chronic
airway diseases including nasal polyposis. Activation of the EGF receptor induces mucin
production in experimental models but the relevance of this pathway to human diseases is
unknown. The potential role of eosinophils, which are recruited to nasal polyp epithelium, in
mucin synthesis is controversial. Here, we show that nasal polyp epithelium expresses mucin
MUC5AC and EGF receptors. Importantly, we show that activation of the EGF receptor by its
ligands induces mucin MUC5AC production in primary cultures of nasal polyp epithelial
cells. We also show that human eosinophils, isolated from peripheral blood and activated in
vitro, release products that induces activation of the EGF receptor leading to mucin synthesis.
Because EGF receptor inhibitors are not yet approved for use in subjects with nasal polyps,
we assessed the effects of corticosteroids on mucin and EGFR expression in a clinical study.
Intranasal steroids reduced polyp size and eosinophilic infiltration but had little effects on
mucin and EGF receptor expression. In conclusion, these studies suggest that EGF receptor
regulates mucin synthesis in polyp epithelium and that EGF receptors inhibitors could be
useful for targeting mucous hypersecretion in nasal polyps.