CHANTS , M PARVIS : PARLE F. J.-B. COULON VÉN. DE LA L LA PERSÉVÉRANCE O. de Sanmiir ANGERS IMPRIMERIE DE J. LEMESLE, PLACE SAINT--MART I"N, 1 - X 8 >7 O
Feb 16, 2016
CHANTS,
M PARVIS :
PARLE
F. J.-B. COULON
VÉN. DE LA L LA PERSÉVÉRANCE
O. de Sanmiir
ANGERS
IMPRIMERIEDE J. LEMESLE,PLACESAINT--MARTI"N, 1-
X 8 >7 O
CHANTS DU PARVIS
ANGERS,IMPRIMERIE-LIBRAIRIEJ. LEMESLE,PLACESAINT-MARTIN,(
CHANTS
DU
PAR
F.\ J.-B. COULON
VÉN. DE LA L' LA PERSÉVÉRANCE
O. d.e Saurmir
,à ïl (G9 la 9
IMPRIMERIEDE J. LEMESLE, PLACESAINT-MARTIN,1-
1870
CHANTS DU PARVIS
A mon Fils et mon Frère
Maxidiilicn PIÉRON
1
Cen'était plus la voixdes foudresmenaçants,
Quipassait sur le monde; et les éclairsbrûlants,
S'éteignantpar degrédans la nue assombrie,
Nejetaient plus au cieldel'immense incendie
Quelespâlesreflets.Tousles spectresvengeurs
S'enfuyaientà l'aspectdes angesprécurseurs,
Douxmessagersde paix et de vie immortelle.
Au ciel, deschants d'amour, des bruissementsd'aile,
Et d'un nouvelEdenlesparfumséthérés,
Mêlaientleur harmonieaux effluvessacrés:
On eût dit la nature, à sonpremier sourire,
Couronnantl'hommeroi dans sonheureux empire.
Auxcélesteséclios: Justice et Vérité!
L'hommeavait répondu: Paixet Fraternité !
- 6 -
Tout l'univers s'émut à la bonnenouvelle,
Chaquemain se tendit à la main fraternelle.
L'hommequi, jusque là ployésousmillejougs,
Se nourrissait de haine et de soupçonsjaloux,
Sent qu'il meurtà l'étroit derrière ses frontières.
Pour les peuplesamis, il n'est plus debarrières.
Lesfilsde Quirinus, d'Herman, de Spartacus,
Ontdéposéle glaive.Il n'est plusde vaincus.
Frères dans l'homme-Dieu,toutautre nom s'efface,
Et nul ne gardeau front la tachede la race.
L'hommeen Dieu,Dieu dansl'homme, ineffableunité,
Indissolublechaîne et solidarité.
Il avait découvertsa loi. La conscience
Unissait l'hommeet Dieudans la mêmescience:
Dieus'expliquaitpar lui. Le despoteéternel
Partageait son empire et n'avait plus d'autel
Quela libre raison et le cœur; le miracle
N'était plus que la loi, notre raison, 1 oracle.
L'orgueilleuxsacerdoceallait finir: la foi
Dans l'hommeuniverselvoyaitleprêtre-roi.
Mystèressacro-saints,trépiedsdespythonissos,
Augures,talismans, terreurs et sacrifices,
Détestablesenginsde superstition,
S'effaçaient,s'abîmaientdans la communion"
Apprenantà s'aimer dansl'agape sacrée,
Esclave,patricienneà la stoledorée.
- 7 -
Grec,barbareouHomain,dansla fraternité,
Deshommesproclamaientla sainteégalité,
Et le vieuxprolétaire,auxportesdel'orgie,
Ne rongeaitpluslesosde la tablerougie.
Dansle painet le vincommuniez,mortels!
Plus de Dieux! L'amourseuldemandedesautels.
Hommeslibres,salut! 0 frères, tout-à-l'heure
Despeuplesj'entendaisla grandevoixqui pleure:
Monâmes'envolaitpar levasteunivers:
Partoutje ne voyaisquedesombresdéserts.
Là, chaquehomme,brisésoussa chaînepesante,
Secreusaitloinde l'hommeune tombevivante;
Là, l'égoïsmeimpie,ensa froideprison,
Renfermaitpourlui seulune fleur,un rayon,
Commesi le soleilrefusaitsa lumière,
Et commesi lesfleursne paraientplusla terre.
Insensés,qui n'avezqu'un seulrayond'amour,
Une fleurpourvosfronts,venezdoncau grandjour!
Courez,libresenfin,et lesmontset lesplaines:
La moissonest à vous,recueillezà mainspleines,
Couronnez-vousd'épis,depampreset de fleurs!
Si leshommesvoulaient,verseraient-ildespleurs?
LesGésarset lesDieuxdansla mêmepoussière
Allaientenfindescendre.Alorsle grandmystère
Emergeantde la nuit, du sanget desdébris,
Allaitbrillerauxyeux, resplendirauxesprits:
- 8 -
Alorsse déchiraitpour tous le voileantique, -
Et le rayon perçaitla formesymbolique.
Ainsi l'humanité, libre desprêtres-rois,
De l'égalité seule.emprunte tous sesdroits,
Et demandeaubonheur les.loisde la justice.
La suprêmevertu n'est plus le sacriuce:
La vertu, c'est l'amour; le droit sacréde tous,
La solidarité. -
Maisle prêtre-jaloux
Vabriser ce destinavant qu'il s'accomplisse;
Il veut que l'hommeencoretremble, adoreet maudisse.
« Arrière les impurs! Néophytes,tremblez!
« Un Dieupour vouss'immole,il veut des immolés.
« Il faut de la pâleur au front, de la souffrance
« Au cceur: à ce prix seul, la célesteclémence
« A notre voixdescendet s'abaisseau saint lieu,
« Pour éleverlespurs jusquesà notre Dieu.
« Pâles initiés, le Dieuqui vousconvie,
« Ne sedonnequ'à ceuxqui lui donnentleur vie. »
Lesprêtres ont menti quand, brisant l'unité,
Exilant ici-basla "saintehumanité,
Ils ne l'ont rattachée au mondesolidaire
Que par un vain fantôme, unhomme-Dieuchimère.
Queparlent-ils encorde leur Communion,
Cesprêtres, qu'en font-ils? Voyez! dérision,
Mensonge! Que m'importe, au fonddu sanctuaire,
Ces mystiquesamoursqui dédaignentla terre?
-9-
Cetteuniond'un Dieu,cettestérilefoi,
Quirévoltentmes sens,maraison, toutmonmoi?
Oh! pauvrehumanité,danston rêveextatique,
Sur ton cous'alourditla chaîne tyrannique,
Et, quandtonœil au cielva s'égarer,en bas
L'égoïsmetriomphe,et tu ne le voispas.
Tropaveuglesmortels,vosâmesenivrées
S'envolentdansla nue aux régionsdorées,
Et depuissix milleans de cefatal sommeil,
Vousn'avezpointconquisvotreplaceau soleil.
Ils vousdonnentle ciel,disent-ils? Et la terre,Le sceptrepaternel,et la loi tutélairo,
La puissanceet le droit, l'honneur,la liberté,
A qui lesdonnent-ils?Ah! pauvrehumanité,
Quelcortégede mauxtu traînesd'âgeen âge!
Ignorance,misère,abaissement,outrage,
Sanget terreur: voilàtoutcequ'ils t'ont laissé.
Va prier maintenant,courbeton frontglacé,
Va, souffre,prie et meurs,éternellevictime!
Va,mais ne maudispas, car maudireest un crime.
11
LesDieuxs'en vont! QuandRome,ivre de sang,
Lassedevoluptés,râlante, inassouvie,
Courtisaneet giton,de l'Europeflétrie
Pressait encorele flancnu, frémissant,
- L'affreuxincube,affolédeluxure
Danssesinfâmeslupanars,
Haletantsur sa coucheimpure,
Priait lesDieuxet les divinsCésars.
L'encensfumait,et, du sangdesvictimes,
Le marbredeParos s'empourpraittouslesjours;
Et le peupleabruti,hurlant auxcarrefours,
Applaudissaitles dépouillesopimes:
L'or et la pourpreet les trésorsdesarts,
Lesblondsessaimsde Germanie,
Et lesbeauxgitonsd'Arménie.
Grâceà nosDieux,à nosdivinsCésars!
- 11 -
Et le bonpeuple,à soncirqueolympique,
S'ameutaiten l'honneuroudesVertsou des Bleus,
Oujetait dansl'arène, en égayantlesjeux,
Unnobleesclaveaux grandslionsd'Afrique.
Ailleurs,un mime, aux beauxcheveuxépars,
Enseignaitsesposeslubriques,
Ou les gladiateursstoïques,
Prêts à mourir,saluaientlesCésars.
Romepriait. Sesdieuxétaientpropices,
Les divinspourvoyeursdel'Empire immortel
Gorgeaientles lupanarset l'arène et l'autel
Devoluptéset d'affreuxsacrifices.
Sur les septmonts,derrièresesremparts,
Par cent légionsprotégée
Contresa victimeoutragée,
Homepriait les Dieuxet lesCésars.
Surprise,unjour, dansl'orgieeffroyable,
Rome,la glaceau cœuret la sueurau front,
Entendit: «Levieuxmondeestmort! LesDieuxs'envont! »
Puis, à l'appelde l'oracleimplacable,
On vit unpeuplede spectreshagards,
Revomispar les catacombes.
Dansla nuit entr'ouvrirleurs tombes,
Criant : «LesDieuxs'envont! Plus de Césars! »
- J2-
Frères, les Dieuxs'en vont! Laconsciencehumaine
S'affirmeen elle-mêmeet danssa liberté;
Affranchide sesDieux,l'hommea brisé sa chaîne,
Et recouvrésa loi, sonmoi, sa royauté.
Maîtrede sondestinpar un effortsuprême,
Il devientsongrand-prêtreet sonlégislateur:
Lui seulest son oracleet sonrévélateur,
Et, pourposséderDieu,se possèdelui-même.
Non, il ne lui faut plusde tonnantSinaï,
Oùse gravesa loi sur la tabledepierre;
Debout,et faceà faceavecAdonaï,
Sajusticeest sa foi, sondroit est saprière.
Quandil cherchecedroitdansla sainteéquité,
Qu'ilpoursuitl'ignorance,épouvantele crime;
Que,libre, au sacrificeil se jette en victime,Etprodiguesa vieà la fraternité;
Il peut répondreà Dieu,fortde sa conscience:
« GrandEtre, je ne puisme comparerà toi,teMaiscommetoi, je suisForce,Beauté,Science.
« Je saissouffrir,aimer. Aimes-tucommemoi?
« Lesprêtres font nomméle Dieude la vengeance;« Ils disentqu'àmourir l'hommefut condamné;
<t Quesoncrime,il est vrai, par toi futpardonné,a Maisquetonbraspoursuit l'éternelle sentence.
« Blasphème!Eh!qu'ontdoncfait,pournaîtreetpoursouffrir,« Cesgénérationsqui n'étaientpas encore?
* Qu'a fait contreceDieu,l'enfance,pourmourir?
—13—
« Qu'afait cetembryonmortavantqued'éclore?
c 0 docteurs,dites-moipourquoil'herbedeschamps
« Seflétritauxrayonsdel'astre dela vie,
« Etpourquoila corolle,à peipeépanouie,
a Exhalesesparfumsle matin d'un printemps?
« Pourquoi,dansnosforêts,lechêneséculaire,
a Quibrave,dédaigneux,le souffledesautans,
- a. Secouche-t-ilenfinsousla planteéphémère,
« Parasited'unjour descadavresgéants?
« Pourquoi,si l'avalancheouVulcainla secoue,
« La sierravoitcroulersessommetsorgueilleux?
« Pourquoil'astre puissantest broyédanslescieux,
« Commeun grainde gravierqu'écraseun tour de roue?
C'estquetout doitmourirpourrenaître: un tombeau
Estle creusetdivinoù l'être s'élabore,
Oùle pur diamantde sesfeuxse colore,
Et del'indéfinila mortest leberceau.
Desêtresrelatifs,formidablerouage,
Quemeutl'Etre absoludanssapérennité,
La mortn'est pointd'un Dieula vengeanceoul'outrage:
C'estla vieen progrèsdans l'immortalité.
III
Frères, les Dieuxs'en vont! leur vieillemajesté,
Qu'enivreencorl'encensde la crédulité,
Sur les foudreséteints,aux sanctuairesvides,
S'endortbéatementdans sesrêvesstupides.
L'aiglechauvea perdu sesonglesmenaçants,
Usésaux flancsd'airain desmodernesTitans.
Auxtabernaclesd'or, dansvoscieuxsolitaires,
VieuxJéhovahstonnants,déitésdébonnaires,Dormez,mystérieux,votredivinsommeil,
Oucherchezdescroyantssous1111autre soleil.
A l'hommelibre il faut unDieudont la puissance,
Respectesa raison et sonindépendance,
Dontl'immuableloi gouverneles mortels,
Augustesanctiondes décretséternels.
Il ne veutplusd'un Dieuqui, pourparleren maître,
Attendun vœutimideo-nle signald'un prêtre,
1 15 -
D'uncréateurjaloux,qui ne saitpoint finir.
Et, sansmédiateur, pardonneroupunir.
Gardez,Dieuxfainéants;vosministressans nombre:
Entre le mondeet Dieul'hommene veutpoint d'ombre
L'hommelibre.à son frontde roi.
Veutceindreenfinle diadème
Dela justiceet de la loi.
Devantleur tribunal suprême,
Découronnésde leur splendeur,
Les Dieuxsommésde comparaître,
A la raisonvontrépondresans prêtre,
Sansoraclementeur.
L'oiseau, qui voledansl'espace.
Peut-il demanderau destin
Pourquoisa pauvreaileselasse
Danssoninvisiblechemin?
La rose,qu'un rayoncolore,Peut-ellese plaindrequ'unjour.
Sousle rayonelle meured'amour.
D'unbaiserqui dévore?
Non.Maisl'oiseau,qui planeauxci eux,
Peut maudirela loi cruelle
Qui,par un capricedesDieux,
— 16 -
Feraitle videsoussonaile.
Maisla rose, quiva mourir.
Seplaindrait-elleavecjustice,
Si le destinflétrissaitsoncalice
Sansrayonni zéphir ?
L'êtrea sa loisainte,immortelle,
L'embryonla porteen son sein;
Il naît, vit etmeurtavecelle,
Et par elle renaîtdemain.
LeTempsnel'a pointenfantée,
LeTempsne sauraitla changer,
Et nullevoixnepeutinterroger
Le Dieuqui l'a dictée.
L'hommeseul,dontle braspuissant
Désarmale Dieudu tonnerre.
Et sur le Caucasesanglant
Desonvautourlima la serre ;
Qui,demain,deséclatsvengeurs
Desa formidableparole,
VafoudroyerdunouveauCapitole
LesDieuxUsurpateurs;
L'homme,dontle divingénie
Est arméde la liberté,
Verrait-il sa forceinfini*
Liée à la fatalité?
- 17-
Et la faiblesseou l'ignoranceDu Dieud'imbécilescroyants
Prétendrait-elle,en ses libres élans
Briserla conscience?
Hommelibre, il est temps,lève-toi! Plus deDieux,
Quel'appeld'un dévotfait descendredescieux,
Pour étoufferl'esprit sousd'absurdesoracles
Et violer la loi par d'insolentsmiracles.
Plus de Dieuxinclinésducélesteséjour,
Pour flairer quel encens,quel parfumdeprière,
S'exhalentchaquejour dans le vieuxsanctuaire,Et dispenserà l'hommeoula haine oul'amour.
Homme, les Dieuxs'en vont! L'éternelleJustice,
Quiveutque tout devoirettout droit s'accomplisse,
Homme,voilàton Dieu! Souriantau berceau,
A la vie, à la mort, dans l'ombredu tombeau.
Elle n'abdiquepoint sa puissanceinflexible.Elle estparce qu'elleest, consolanteou terrible,
Fleur oumonstre hideux, ténèbresourayon,
Chantjoyeuxde l'oiseaudans lenid du buisson,
Au chevetdu tyran cri du fantômeblême;
L'immuablejustice, ordre, vertu suprême,
Unique,universelle,elle émanede toi,
Règnesur toi, surJe^Nm Dieu, c'est ta loi
IV
Frères,lesDieuxs'enveut! Lespeuplesétonnés
Voientrajeunirenvainleurstemplesruinés;
Sousleursarcsflamboyantset leursrichesportiques
Renaîtredesvieuxtempslesmerveillesgothiques;
Surlemarbreet sur l'or destablesdela loi
Nerevitplusl'espritdeleurantiquefoi!
Elleestmorte,sansnom,vieuxmythes,vieillepoudre
QuelnouveauSinaïferaitgrondersa foudre
Pourcourberaujourd'huil'hommepar la terreur,
Auxpiedsd'unvice-Dieu,prêtreexterminateur?
Lafoulepasse,et rit, quandun vieillardmystique
Tonneen sombreJupindel'Opéra-Comique.
Non,il nesuftitplusdebâtirdespalais.
D'oindreroiset prélats,d'entasserà grandsfrais
Desmarbresprécieuxqu'unservilegénie,
Pourlacrédulité,transformeet déifie;
Non,il ne suffitplusaucultedesmortels
Deredorerun sceptreoud'ornerdesautels:
- Hl-
Royauté,droitdivin,prestigieuxmiracles.
Lois,révélations,infailliblesoracles,
LasévèreRaison,s'armantd'un droit égal.
Oseles citer tousdevantsontribunal.
Frères,un jour encor,le fanatismeimpie,
Délirantà songré, peutrêverqu'il expie
Dansdestorrentsde sangimpur et détesté,
L'irrémissibleoutrageà sa Divinité.
Qu'il tendeen frémissantversle Dieuqu'il adore
Desesauto-da-féla torchetièdeencore!
QuelGuzman,aujourd'hui,pourrait la rallumer?
Le Saint-Officeestmort, et nepeut plusarmer
Toussespieuxbourreauxde Madridet de Home.
Si l'onexcommunie,il faut respecterl'homme.
En vain, poursecondercettesaintefureur,
Au monstrevient s'unir soninfernalesœur.
La voici: c'est la loucheet pâlehypocrisie.
Ellemarche, en rampant, sur la dallemoisie,
Et se glisseen sifflant: reptilevenimeux,
Elleenrouleà l'autel ses replis sinueux;
Denoirspoisonsse teint sa lèvredevipère,
Et sonœilclignotantredoutela lumière.
« Tu ne saisplusrégnersur cepauvreunivers,
» Lui dit-elle, et déjàtes templessontdéserts.
» L'hérétiqueinsolentbravele Saint-Office,
- 20 -
» Et l'Indexoffreseulà Dieusonsacrifice.
» Veux-turégner encor?Veux-tu,commeautrefois,
» Jusque dansleurs palais,faireblémir les rois?
DIncline tonorgueil,assouplistongénie,
» Sur la feintedouceurasseoisla tyrannie.
» Laisse-làcesbûchers, cescachots,cespoignards,
t De ta fauveprunelleadoucisles regards;
» Devantl'hommepuissantque ton genouse plie,
» Queton âmemaudisse,et que ta lèvreprie.
» Je sais ton ennemi,je connaissa fierté,
» Sonfronthaut et superbe: il a nomLiberté!
» Il rit de ta colère,et son antiqueaudace
» Ne s'abaissajamais à te demandergrâce.
» Maismoi,je saisle vaiincre: à sesfièresardeurs
» J'opposemessoupirs,ma tendresseet mespleurs,
» Et l'Herculeinvincible,oublieuxde sa force,
» S'endorten savourantcetteenivranteamorce.
» Combiende fois,dormantet bercésur monsein,
» N'a-t-il pas recueillimonperfidevenin?
» Combiende fois,la nuit desluttes triomphantes.» N'ai-je pas distillédans sesveinesbrûlantes,
» Del'inerte sommeilles languissantspoisons,» Oude feuxinconnusla fièvreet les frissons?
» Partageonsle pouvoir,je te cèdemes armes,» Monvisage,ma voix,mescaresses,mescharmes. »
Alors,vouseussiezvu, dansun hymen affreux,
Lesdeuxmonstress'unir par d'effroyablesnœuds,
- 21 -
Et, la bouchelivide,écumantde luxure,
Desanget depoisonsmêlerleurbaveimpure.
Le monstrehermaphrodite,évitantle grandjour,
Sousla guimpeou le frocse cachetour-à-tour;
Courtisaneeffrontéeoudamerepentie.
DeSatan et deDieuménageantlapartie,
Il sejoueà la foisdes faibleset desforts,
Et de la libertédissouttousles ressorts.
Soussa marcheimprudentehabilementil mine,
Et de sonsolmouvantpréparela ruine.
Frères,depuislongtempsl'infâmeDéité
Dansl'ombreeût immoléla sainteLiberté,
Si, descendantenfindanslanuit oùnoussommes,
L'augustesouveraineet desdieuxet deshommes
Desesyeuxobscurcisn'eût levéle bandeau,Et sur l'abîmeouvertalluméson flambeau.
Dela terre et du cieldouceet puissantereine,
Vérité,conscience,à Laclartésereine,
Chaqueêtre suit sa loi dansl'immenseunivers,Del'espaceéthéréjusqu'auxsombresenfers.
Tonmagiquemiroirdécouvreaux yeuxdu sageDel'ordreuniversell'inaltérable image.Par quelqueuoiuque l'hommeait voulut'appeler.La raisonet le CŒuront su te révéler :
Générateurdu monde,éternelleHarmonie,
Moidu Grand-Tout,Puissanceet Sagesseinfinie,
Dieu,Justicesuprêmeet Solidarité,
Je n'ai, pourtenommer,qu'un seul mot: Vérité.
99
Frères, lesDieuxs'en vont, mais la Véritéreste,
Qui,seule, indépendante,elle-mêmes'atteste:
Dans l'hommeet malgrél'homme,elle affirmeses lois,
La consciencehumaineen est l'écho,la voix;
Maisl'âme universelle,originepremière,
L'absoludans le vrai, pèrede la lumière,
N'emprunterien de l'homme: hier, commeaujourd'hui,
Il estparcequ'il est, et n'attend rien de lui.
Frères, lesDieuxs'en vont,mais l'Amour, sur la terre,
Noueentre leshumainsle lien solidaire
Quirattacheau Grand-Tout, dansla communion.
L'ensembleharmonieuxde la création;
Del'être indéfinimystérieusechaîne,
Dontle premieranneau part de la race humaine.
Pour unir les amoursde l'Universentier,
Etjusqu'à l'Absolurattacherle dernier.
COMMÉMORATION DES MORTS
COMMÉMORATION DES MORTS
A mon F. Amédée De la TOURETTE
Onnousa dit: Pleurezaux tombeauxde vosfrères
Dansl'insondableabîmeà jamais descendus,
Gouffresilencieuxd'ombreset de mystères.
Oùforce,esprit, amour, se perdentconfondus,
Côtoyantle néant et remontantà l'être,
Atomestriturés par le sombredestin,
Pêle-mêlede vie unis sans se connaître,
Êtres dans le présentetmortssans lendemain.
Poudre,restessans nom,mais fantômespasmême,
Pas mêmel'ombre,hélas! quej'appellela nuit,
Pour qu'ellediseencorceque là-haut elle aime,
Et qui, me souriant,montrele ciel et fuit !
Non,pas mêmecela, fantôme,ombresacrée.
Commentdire au tombeaucequi reste de toi,
Martyr,grandcitoyen,mère, viergeadorée?
Qu'es-tu? Le ver répondde la tombe: C'estmoi!
Voilàdonctout l'effortde la philosophie!
Cequi rend l'homme grand, intègre,généreux.
- 26-
Del'honneur, du devoir,fait esclavela vie,
Et nous dit : Homme,vis, souffre,et meurs vertueux!
Sousl'inflexibleloide l'austèrejustice,
Dudévouementpieux,du sanglantsacrifice,
Voilàdonc,dites-vous,filsde la liberté,
- Cequi courbevosfronts? Destin,fatalité!
Destin!non, je le sais,cemotvousimportune.
Eh bien! changeonsle nom: Nature et Loicommune,
EternelleGenèseet Cercleillimité,
Où la vieet la mort fontl'immortalité:
De quelquenompompeuxquecenéant senomme,
Il fautrépondreenfin. Quefaites-vousde l'homme?
Le grain de sableaussi, commenous, suit sa loi,
Maismaloi souveraine,immuable,c'estmoi;
Cemoimystérieux,régulateursuprême,
Quijuge l'universetsejugelui-même,
L'hommeenlin, toutentier, lapersonnalité,
Demi-dieuresponsable,esclaveet majesté:
Qu'enfaites-vous,penseurs! Levez-vous,Marc-Aurèie,
Lincolnou Washington! Quellerègleimmortelle
Granditle citoyenet faitcourberlesrois?
Oùse trouveici-basla sanctiondeslois
Quivousontenchaînésdanscettenobleétude
De conduireaubonheurla vilemultitude?
Philosophes,parlez! VoiciLéonidas,
OuDesaix,ou Marceau,Beaurepaireoud'Assas:
Ils sontlibres, et vontmourir pour la patrie,
- 27-
A quelleloifaut-ilqu'ilsimmolentleur vie?
La gloire,avez-vousdit?La solidarité?
Un illustrerenomdansla postérité?
Laconscience? - Honneur,renom,vertu, morale,
Qu'est-cequetout celasousla tombefatale,
Oùnedescendraplusl'échod'aucunevoix,
Oùvérité,justice, amour, devoirset droits,
Ne serontplus, demain,que d'illustresfantômes,
Oula communeLoiquipèseles atomes?
Qu'est-ceque toutceladansla vie? Un semblant.
Qu'est-cequetout cela,dansla mort? Un néant.
Le renom! demandezau vertueuxSocrate
Si sa cendrevaut mieuxquecelled'Erostrate?
Meurtrierd'Agrippineet de Britannicus,
Ton âmeestau niveaudecellesdesGracchus;
DesPhryné, des Laïs,oud'uneCornélie,
L'âmeest demêmeboueengendréeet pétrie.
- Maisla vertu, du moins,centuplele bonheur!
D'enivrementssecretselleravitle cœur,
Del'orphelinqui pleureaimeà sécherleslarmes,
Et de la charitésait goûter tousles charmes;
Elleapporteaux mortelsd'ineffablestrésors,,;
Et, par elle, le cœurpeutjouir sansremords.
- Vousle dites,c'estbien. Mais, lorsquela misère,
L'infâmepauvreté,funesteconseillère,
- 28 -
Vient s'asseoirchaquejour à mon triste foyer,
Et qu'il n'est plusde Dieuque je puisseprier;
Quandla haine et l'orgueil,sourdsà mon infortune,
Mechassent,dédaigneux,de la tablecommune,
Lebonheur, dites-vous,rend l'hommevertueux? '- J
Maisqu'estdoncla vertu pour l'hommemalheureux?
Un mot, une chimère,un vain mirage, un songe.
Plus odieuxencore: un outrage,un mensonge.
Ah! je vousreconnais,disciplesde Malthus!
C'estvousqui nous disiezhier: 1Malheuraux vaincus!
a Si vousêtes de tropau banquetde la vie,
« Arrière! c'estpournousque la table est servie.
« Vospleurs feraientici grimacerle plaisir:
« Allez, filsduhasard, il fautsavoirmourir.
« Sur ce seuil fortunémalheur à qui succombe!
« Il n'est plusqu'un festin: c'est celui de la tombe. »
Vousditesaujourd'hui: a Justice, queveux-tu?
« C'estdans l'égalité, le droit et la vertu,
« Quenouscherchons la loidu bonheur. Oh! sans doute,
« Plus d'un vaillantmarcheur expiresur la route,
« Lacaravanepasse. en avant, pèlerin!
« Sapoitrine est en feu, lesroncesdu chemin
« Ontdéchirésespieds, dontla trace sanglante
« Guided'un plusheureux la marche triomphante.
« Il s'arrête. 0 malheur! Il tombeen maudissant.
« Lacaravanepasse. Enavant! en avant!
« Puisun autre, après lui. puis encor. Grâce! grâce!
a Enavant,pèlerin! c'est le destinqui passe!
• Il emporteaveclui l'humanité, debout!
- 29 -
« L'individun'est rien, l'humanité,c'est tout.
« Amour,haine, douleur,plaisir, vie, agonie,
« Sontles notesd'accordde la grandeharmonie. »
— Ordre,harmonie!Achève:encore un mot, penseur!
C'estla terreur du crime, et la foidu malheur.
Seul, il peut m'expliquerle noblesacrifice,
Leviceet la vertu; ce grandmot,c'estjustice!
Aveclui je comprendsle droit et le devoir,
L'esclaveet le tyran, tout jusqu'au désespoir
Maudissantun vainqueur,ou fiertésouveraine,
Sur le frontdu puissantbrisant sa lourdechaîne.
Liberté!conscience!alorsje vouscomprends:
Si vosdroitssontniés, ailleursje vousattends.
Donnez-moicestroismots: justice, ordre,harmonie,
Le resteimportepeujj^-rottsolonne
ma vie.