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1 COMMUNICATION ENGAGEANTE Les limites de l'IEC montrent effectivement que les nouvelles connaissances ou attitudes ne sont guère efficaces pour modifier les comportements effectifs. Dans la même veine, Perloff (2003) conclut que « les messages n’atteignent pas, dans la majorité des cas, le public auquel ils sont destinés et surtout qu’ils sont inefficaces contre des attitudes fortement ancrées. » Cela ne signifie pas qu’informer ou qu’argumenter ne sert à rien (Brown & Albarracin, 2005). L’information et l’argumentation servent, très certainement, au fil du temps, à modifier les savoirs, les idées, les attitudes et à provoquer des prises de conscience. Mais, en tant que tels, l'information et l'argumentation sont nécessaires mais pas suffisantes ; on en a pour preuve, le décalage existant entre les idées et les actes. Le passage à l'acte s'appuie sur un processus psychologique qui est, selon Lewis, « l'acte de décision lui-même ». Les découvertes de Lewis sont le point de départ d'un nouveau paradigme du changement comportemental : la communication engageante. I. Concepts de base 1. Persuasion Il existe deux acceptions plus ou moins proche du terme persuasion : le sens strict et le sens large. La persuasion dans son sens large désigne l'ensemble des moyens permettant d'influencer, de changer les attitudes ou les comportements des individus vis-à-vis d'un sujet précis. Dans cette optique, la persuasion implique un effort conscient de la part de l'agent de persuasion et englobe une très grande partie des procédés visant à influencer le récepteur à travers un acte de communication. La persuasion au sens strict désigne l'ensemble des procédés utilisés dans l'objectif d'influencer le récepteur par l'argumentation (par des messages soigneusement préparés) et/ou la séduction, en recherchant un effet précis, c'est-à-dire une adhésion, un accord, une approbation, un comportement etc. (Benoît, 1995). En cela, elle est caractérisée par une recherche de crédibilité, souvent en mettant en lumière quelques arguments bien sélectionnés au détriment d'autres interprétations du même phénomène ou d'autres points de vue… (Billig, 1996). Le terme persuasion se réfère dans un premier temps à un courant permettant d'expliquer la conduite humaine et dans un second temps à la conception mentaliste expliquant les comportements par les cognitions. Ainsi, selon Miller (2002), la persuasion représente la transaction symbolique sous forme de messages faisant appel à la raison ou aux émotions de la personne dont on souhaite modifier les idées, les croyances, les opinions ou le comportement. Dans cette optique, la persuasion est finalement très proche de l'argumentation, définie par Philippe Breton (1996) comme une mise en œuvre verbale d'un raisonnement dans une situation de libre communication. Pour certains, il s'agit là de la communication persuasive "éthique", notamment du fait que la tentative d'influence est non dissimulée par l'émetteur et perçue en tant que telle par le récepteur. 2. Engagement Il existe trois acceptations de l’engagement : La première se réfère au lien (ou liaison de quelque chose ou quelqu’un, à quelque chose d’autre) spécialement dans le sens de transfert ou délivrance. La deuxième se rapporte à l’engagement dans un acte comme l’engagement dans un crime ; être engagé dans un acte s'oppose à s'engager dans une cause. La troisième définition considère l’engagement comme un lien de soi à un cours d’actions. L'engagement pourra être pris dans le sens de 'ce qui lie l'individu à ses actes' (Kiesler & Sakumura).
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00 Supportcours CE

Sep 06, 2015

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Document sur la communication engageante
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  • 1

    COMMUNICATION ENGAGEANTE

    Les limites de l'IEC montrent effectivement que les nouvelles connaissances ou attitudes ne

    sont gure efficaces pour modifier les comportements effectifs. Dans la mme veine, Perloff (2003)

    conclut que les messages natteignent pas, dans la majorit des cas, le public auquel ils sont destins

    et surtout quils sont inefficaces contre des attitudes fortement ancres. Cela ne signifie pas

    quinformer ou quargumenter ne sert rien (Brown & Albarracin, 2005). Linformation et

    largumentation servent, trs certainement, au fil du temps, modifier les savoirs, les ides, les

    attitudes et provoquer des prises de conscience. Mais, en tant que tels, l'information et

    l'argumentation sont ncessaires mais pas suffisantes ; on en a pour preuve, le dcalage existant entre

    les ides et les actes.

    Le passage l'acte s'appuie sur un processus psychologique qui est, selon Lewis, l'acte de

    dcision lui-mme . Les dcouvertes de Lewis sont le point de dpart d'un nouveau paradigme du

    changement comportemental : la communication engageante.

    I. Concepts de base

    1. Persuasion

    Il existe deux acceptions plus ou moins proche du terme persuasion : le sens strict et le sens large.

    La persuasion dans son sens large dsigne l'ensemble des moyens permettant d'influencer, de

    changer les attitudes ou les comportements des individus vis--vis d'un sujet prcis. Dans cette optique,

    la persuasion implique un effort conscient de la part de l'agent de persuasion et englobe une trs grande

    partie des procds visant influencer le rcepteur travers un acte de communication.

    La persuasion au sens strict dsigne l'ensemble des procds utiliss dans l'objectif d'influencer

    le rcepteur par l'argumentation (par des messages soigneusement prpars) et/ou la sduction, en

    recherchant un effet prcis, c'est--dire une adhsion, un accord, une approbation, un comportement

    etc. (Benot, 1995). En cela, elle est caractrise par une recherche de crdibilit, souvent en mettant

    en lumire quelques arguments bien slectionns au dtriment d'autres interprtations du mme

    phnomne ou d'autres points de vue (Billig, 1996). Le terme persuasion se rfre dans un premier

    temps un courant permettant d'expliquer la conduite humaine et dans un second temps la

    conception mentaliste expliquant les comportements par les cognitions.

    Ainsi, selon Miller (2002), la persuasion reprsente la transaction symbolique sous forme de

    messages faisant appel la raison ou aux motions de la personne dont on souhaite modifier les ides,

    les croyances, les opinions ou le comportement. Dans cette optique, la persuasion est finalement trs

    proche de l'argumentation, dfinie par Philippe Breton (1996) comme une mise en uvre verbale d'un

    raisonnement dans une situation de libre communication. Pour certains, il s'agit l de la communication

    persuasive "thique", notamment du fait que la tentative d'influence est non dissimule par l'metteur

    et perue en tant que telle par le rcepteur.

    2. Engagement

    Il existe trois acceptations de lengagement : La premire se rfre au lien (ou liaison de

    quelque chose ou quelquun, quelque chose dautre) spcialement dans le sens de transfert ou

    dlivrance. La deuxime se rapporte lengagement dans un acte comme lengagement dans un crime

    ; tre engag dans un acte s'oppose s'engager dans une cause.

    La troisime dfinition considre lengagement comme un lien de soi un cours dactions.

    L'engagement pourra tre pris dans le sens de 'ce qui lie l'individu ses actes' (Kiesler & Sakumura).

  • 2

    Selon Kiesler, lengagement est la force qui stabilise le comportement lorsque celui-ci est

    confront des obstacles difficiles ou la tentation offerte par une alternative intressante. Dans cette

    perspective, lengagement rfre au pouvoir, des actions passes, qui force lindividu continuer une

    ligne dactions, mme sil nexiste aucun attachement motionnel vis--vis de la chose, la personne ou

    la cause en question .

    Dfinir lengagement par le seul lien quun individu entretient avec ses actes revient le dfinir

    par la reprsentation qua cet individu dtre le producteur de son comportement. Cette dfinition a t

    discute par Joule et Beauvois (1998). Pour eux cest parce quil y a engagement quun lien va pouvoir

    stablir entre lindividu et ses actes, cet engagement tant tributaire des caractristiques de la situation

    puisque cest elle, en fonction de ses caractristiques objectives, qui engage ou pas lindividu dans ses

    actes et qui, par consquent, favorise ou entrave ltablissement dun lien entre lindividu et ses actes.

    Aussi, Joule et Beauvois (1998) proposent-ils de dfinir lengagement ainsi : lengagement

    correspond, dans une situation donne, aux conditions dans lesquelles la ralisation dun acte ne peut

    tre imputable qu celui qui la ralis ou encore lengagement correspond aux conditions de

    ralisation dun acte qui, dans une situation donne, permet un attributeur dopposer cet acte

    lindividu qui la ralis (1998, p. 60). Lattributeur peut tre un tmoin oculaire, lacteur lui-mme,

    mais aussi nimporte quelle personne qui aurait eu connaissance de ce qui sest pass.

    Lengagement est donc un terme gnrique correspondant un ensemble de techniques issues

    du paradigme de la soumission librement consentie selon les termes de Joule et Beauvois (1998)

    traduisant ainsi l'expression originale "compliance without pressure" (Freedman & Frazer). Plus

    particulirement, lengagement part du postulat selon lequel, pour pouvoir modifier les ides, il est

    ncessaire de commencer par obtenir de nouveaux comportements correspondants aux attitudes que

    lon souhaite instaurer. On suppose que ces comportements sont susceptibles den amener dautres et,

    finalement, dtre lorigine de nouvelles attitudes et pourquoi pas de nouvelles mentalits.

    Malgr la place attribue par Kiesler au caractre interne de lengagement- essentiellement

    dtermin par limportance que revt lacte pour le sujet, Joule et Beauvois font rfrence un

    engagement de type externe, impliqu par la situation dans laquelle est ralis lacte problmatique.

    L'engagement est traduit en anglais par le terme "commitment". Il est employ pour dfinir

    deux concepts tout fait distincts, savoir d'un ct l'engagement externe dans un acte et de l'autre

    ct; l'engagement organisationnel de type interne (organizational commitment). La distinction entre

    ces deux engagements que l'on peut qualifier d'un ct de comportemental et de l'autre d'attitudinal est

    tablit depuis, de nombreuses annes. L'approche comportementale tudie les conditions extrieures

    particulires qui amnent les individus s'engager dans d'actions spcifiques. L'approche attitudinale,

    quant elle met l'accent sur le processus par lequel les individus examinent leur relations avec

    l'organisation et considrent jusqu' quel point leur propre objectifs et valeurs sont congruents avec

    ceux de l'organisation.

    Becker et Mowday et alii dfinissent l'implication organisationnelle globalement comme la force

    relative l'identification d'un individu et de son investissement dans une organisation particulire et

    prcisent selon trois aspect : une forte croyance et acceptation des objectifs et des valeurs de

    l'organisation, la volont de raliser des efforts considrables dans la poursuite ces objectifs et un fort dsir

    de rester membre de l'organisation. A partir des multiples travaux empiriques et thoriques, le concept

    implication organisationnelle est prsent comme un ensemble de prdispositions mentales ou tats

    psychologiques (sentiments et/ou croyances) caractrisant la relation entre un individu et son organisation

    et traduisant certes un dsir, mais aussi un besoin et/ou une obligation d'en rester membre ou non.

  • 3

    Nous retiendrons que l'engagement est le lien qui existe entre un individu et ses actes. C'est un

    phnomne d'adhrence de l'acte celui qui l'met. Seuls nos actes nous engagent et seules les

    dcisions s'accompagnant d'un sentiment de libert donnent lieu des effets de persvration,

    consquence de l'engagement.

    Synthse

    La persuasion et l'engagement reposent sur des stratgies diffrentes voire opposes : la

    communication persuasive cherche agir sur les esprits, modifier les croyances et les ides dans

    lobjectif de susciter les comportements attendus ; lengagement va directement agir sur les actes,

    introduire de nouveaux comportements pour, au final, aboutir un changement plus profond, celui des

    ides ce changement qui engagera lindividu dans un cercle vertueux et lentranera produire les

    comportements souhaits. Les travaux raliss dans le champ de la communication persuasive et, ceux

    raliss dans le champ de l'engagement ont t regroups dans un mme paradigme de recherche, celui

    de la communication engageante.

    3. Approche dfinitionnelle et champs recouverts

    Le concept de communication engageante est issu du couplage des paradigmes de la persuasion

    et de lengagement. Cela a conduit les chercheurs franais (Joule, Py & Bernard, 2004 ; Bernard &

    Joule, 2005 ; Joule, Girandola & Bernard, 2007) proposer ce nouveau concept de communication

    engageante. Relevant dune articulation entre les travaux sur la persuasion et lengagement, la

    communication engageante serait ainsi une nouvelle forme de communication d'action qui intgre,

    ct du message persuasif, un dispositif permettant dobtenir de la part des rcepteurs un acte dit

    prparatoire consonnant avec le contenu du message vhicul.

    Le schma suivant permet d'tablir un pont conceptuel entre l'engagement et la persuasion. Il

    montre que l'acte prparatoire doit s'avrer consistant avec les arguments ou les informations vhiculs

    par le message persuasif.

    Pont conceptuel entre l'engagement et la persuasion

    Source : Girandola, 2007

    La communication engageante est une communication qui implique, d'une part, la rception par

    la cible d'un message vise persuasive et, d'autre part, la ralisation par la cible d'un acte ou de

    plusieurs actes prparatoires . Aussi, la cible a-t-elle un double statut : un statut de rcepteur, mais

    aussi un statut d'acteur proprement parler.

    La dmarche de communication engageante comporte une caractristique particulire : aux

    artefacts communicationnels, produits sous le regard et avec limplication des parties prenantes, sont

    systmatiquement associs une logique et des dispositifs dactes engageants. L'horizon de l'action est

    donc toujours prsent. On peut considrer que les parties prenantes montrent une rceptivit la sphre

    de l'action.

    COMMUNICATION ENGAGEANTE

    Acte prparatoire

    engageant

    Argument persuasif Relation de

    consistance

  • 4

    Ainsi, dans le cadre du paradigme de la communication engageante, la question de l'action est

    troitement lie celle du sens, des valeurs, des savoirs et du lien, mme si, la perspective de la

    communication engageante dplace les schmes des relations habituelles entre action, sens et lien. Ce

    dplacement prend en compte l'ensemble des tudes qui montrent qu'un sujet peut modifier ses

    attitudes, opinions et croyances sans pour autant modifier ses comportements.

    Prenant appui sur l'apport de la thorie de l'engagement (Joule & Beauvois, 1998) et resserrant

    le lien entre la communication et l'action, le paradigme de la communication engageante (Bernard &

    Joule, 2004) permet de construire des dispositifs de communication susceptibles de produire, par le

    processus d'engagement des acteurs dans les actes raliss, des effets comportementaux conformes aux

    objectifs viss.

    Le paradigme de la communication engageante permet d'engager des acteurs dans une

    dynamique qui a aussi des effets cognitifs, sociaux et culturels (Bernard, 2006). Le paradigme issue

    d'une approche pluridisciplinaire entre Psychologie sociale et SIC (Bernard & Joule, 2004 et 2005)

    place "l'acte caractre public" comme support central favorisant l'association des logiques de l'action,

    des significations et du lien social.

    La notion de communication engageante peut tre envisage en terme de responsabilit sous

    l'angle de la responsabilit personnelle ou individuelle, dans son approche productive et entendu au

    sens de capacit raliser ce que l'on a dcid de faire, se porter garant pour, accomplir des actes en

    adquation avec les rsultats que nous dsirons obtenir, relever le dfi.

    L'auto-perception La responsabilit

    Les actes en rapport avec l'encadrement sont

    suffisamment coteux : temps, nergie, effort et

    argent consacrs la production de contenu et du

    suivi. Ce niveau d'implication qu'on peut juger

    lev favoriser l'auto-perception.

    Le cot lev de l'acte a suffit pour

    dclencher l'auto-perception. La premire requte

    accepte par le sujet, conduirait ce dernier

    infrer qu'il est la personne qui soutient la cause

    contenue dans la requte. Le souci de conformit

    cette auto-perception initiale amne le sujet

    tre favorable la seconde requte. La

    production d'un comportement observable en

    congruence avec le contenu de la requte

    prparatoire accrot la probabilit de faire une

    auto-perception car le sujet est confront son

    acte et au sens qu'il doit en donner. De plus,

    l'auto-perception sera d'autant plus forte que le

    sujet est mis dans une situation o l'infrence sur

    son comportement se rpte.

    la responsabilit est active par

    l'engagement dont la persistance temporelle

    augmente la rponse subsquente.

    L'engagement initial rsultant de

    l'acceptation d'une requte prparatoire

    suffisamment impliquante, augmente la

    probabilit de produire des actes ultrieurs.

    Faire commence dj par l'engagement de faire.

    , nous enseigne la sagesse commune.

    L'engagement selon Kiesler, serait le lien qui unit

    l'individu ses actes. En s'engageant donc, mme

    verbalement, on active une pression de nature

    psychologique qui conduit tenter d'accomplir ce

    quoi on s'est engag. Les expressions

    consacres comme : on finit toujours ce que

    l'on a commenc , fais ce que tu dis ,

    rsument elles seules ce sur quoi repose

    l'engagement : la promesse de faire et le fait

    d'avoir commenc le faire.

    La communication engageante, fonde sur une logique de communication participative et

    cooprative permet d'envisager les changements en termes d'action et de faciliter les changements en

    actes. Elle contribue la mise en uvre de projets-actions, au dveloppement de nouvelles cultures

    sociales, comme celle de responsabilit socitale (Bernard, 2006), qui peut potentiellement rpondre

    une ncessit de mobilisation des actions au niveau socital ; communiquer un projet socital de

    changement, c'est situer l'action localement et par les actes.

  • 5

    Le potentiel symbolique du contexte de la communication engageante rside sur l'imaginaire

    collectif qui se constitue autour des valeurs et d'utopies partages telles que l'engagement dans le

    projet, la construction collective des savoirs, dont l'ambigut et l'ambivalence sont fondatrices de

    l'action commune.

    Les techniques engageantes semblent pouvoir conduire non seulement au changement

    comportemental, mais galement la responsabilisation des acteurs par des actes raliss dans un contexte

    de libert et par leur rationalisation ultrieure. On retiendra de ce prcde que le paradigme de la

    communication engageante est constitu de deux tapes : une phase engageante et une phase

    persuasive. Les actes engageants peuvent prendre plusieurs formes. Ils permettent de rendre les

    individus plus rceptifs aux informations diffuses dans les campagnes de persuasion et augmentent

    ainsi la probabilit que les individus acceptent des actes plus coteux. La phase persuasive peut

    galement prendre plusieurs formes : le message peut tre crit ou donn oralement eux individus. Par

    ailleurs, ce paradigme confre un nouveau statut aux destinataires des campagnes de sensibilisation qui

    deviennent acteurs et participent activement au processus de persuasion. Lefficacit de la

    communication engageante a t dmontre dans de nombreux domaines : la sant ou

    lenvironnement.

    Phases persuasive et engageante

    Source : Girandola, 2007.

    Remarques

    Premire remarque

    L'engagement propose un renversement de l'approche classique pour surmonter les rsistances

    auxquelles se heurte cette approche en termes d'information, de sensibilisation ou de persuasion.

    Approche classique

    Source : Girandola, 2007.

    L'approche classique se fonde sur l'amlioration des connaissances sur le problme tudi et sur

    les moyens de s'en prmunir. Cette approche sert au fil du temps modifier les savoirs, les opinions ;

    provoquer des prises de conscience, mais pas ncessairement un changement de comportement.

    COMMUNICATION ENGAGEANTE

    Acte prparatoire

    engageant

    Argument persuasif

    Relation de

    consistance

    ENGAGEMENT

    Actes

    prparatoires

    PERSUASION

    Informations et

    argumentation

    COMMUNICATION ENGAGEANTE

  • 6

    L'approche de l'engagement ncessite la participation active du ou des individus. Cette

    approche augmente les chances d'obtenir ce qu'on souhaite du sujet partir d'un acte peu coteux

    librement dcid.

    Approche propose par l'engagement

    Source : Girandola, 2007.

    Les actes peu coteux augmentent la probabilit d'acceptation d'autres actes similaires plus

    coteux. Les rcepteurs deviennent acteurs.

    Deuxime remarque

    Aux dires de Franoise Bernard (2007), parmi les problmatisations associes au paradigme de

    la communication engageante, deux ont t identifies comme centrales. Premirement, la

    communication engageante est tudie dans sa dimension instituante en regardant plus

    particulirement le rle des nouveaux medias. Deuximent, les dispositifs de communication

    engageante conus et tests s'inscrivent aussi dans les logiques de construction de rseaux hybrides qui

    participent aux dynamiques instituantes.

    Troisime remarque

    Selon Franoise Bernard (2007), le paradigme de la communication engageante semble avoir

    deux intrts :

    i) Permettre une meilleure comprhension thorique de lefficacit et de linefficacit des

    projets et actions de communication visant la promotion de nouveaux comportements ;

    ii) Permettre la conception de projets communicants et dactions de communication plus

    efficaces.

    Ce paradigme relve dun rapprochement entre des champs de recherches traditionnellement

    disjoints dans la littrature : il sagit, dune part, des travaux sur la communication (Sciences de

    lInformation et de la Communication) et sur la communication persuasive en particulier (Psychologie

    sociale) et, dautre part, des travaux sur lengagement (Psychologie sociale exprimentale). Dans la

    continuit de ces apports, les chercheurs ont tout particulirement travaill les trois questions suivantes

    : celle des "actes prparatoires", celles de "l'identification de laction" et celle de "lapport des

    nouveaux mdias". (Kiesler, Joule & Beauvois, 1998, 2002).

    II. Principes et objectifs

    La revue de littrature effectue a montr que la communication engageante comporte aussi

    bien des principes que des objectifs mis au point par les chercheurs.

    1. Principes

    Il existe quatre principaux principes de la communication engageante : le principe de

    renforcement de surcrot, le principe de naturalisation-dnaturalisation, le principe de verrouillage

    dcisionnel et le principe de rversibilit dcisionnelle.

  • 7

    - le principe de renforcement de surcrot : ce principe est fond sur le fait de rapprocher la

    personne de son acte. Ce principe consiste amener quelqu'un raliser, dans un contexte de libert,

    un acte visible et da quelque importance, en se gardant de lui fournir des justifications d'ordre externe,

    traites comme des facteurs causaux de la conduite. C'est la personne qui doit tisser un lien entre elle et

    ses actes grce un fort engagement.

    - le principe de naturalisation-dnaturalisation : il stipule qu'on procde toujours en une

    sanction positive du producteur ou en une sanction ngative de la production. Le premier aspect de ce

    principe consiste crer un contexte d'appropriation du bon rsultat par l'individu dans l'acte pos.

    C'est un processus psychologique de naturalisation : il est dans la nature de Ce principe revient

    sanctionner positivement le producteur lorsque le comportement ralis correspond aux attentes ; le

    but tant de favoriser la naturalisation du trait en rapport avec la production du comportement

    dsirable.

    Le second aspect de ce principe consiste dnaturaliser l'chec et viter ou diminuer son effet

    inhibiteur. On vite ainsi d'tablir un lien entre l'individu et le comportement indsirable ralis ne

    correspondant pas aux attentes. Ainsi convient-il lorsque la production est mauvaise, de couper le lien

    que l'individu pourrait tre tent d'tablir entre lui et la mdiocrit de son acte.

    - le principe de verrouillage dcisionnel : ce principe pose comme fondement qu'il faut se

    donner les moyens de concrtisation de dcision. Ce principe consiste ne jamais laisser prendre une

    dcision sans s'tre donn les moyens de la concrtiser.

    - le principe de rversibilit dcisionnelle : ce principe stipule qu'il faut se donner les moyens

    de changement de dcision. Ce principe revient ne jamais prendre une dcision ou ne laisser

    prendre une dcision sans s'tre pralablement donn les moyens d'en changer.

    2. Objectifs

    Nous listons ci-aprs les objectifs de la communication engageante, tels qu'identifi par les

    recherches dans le domaine. Les auteurs distinguent entre autres :

    - Conduire lindividu ou le groupe raliser un acte engageant prparatoire ;

    - Exposer lindividu ou le groupe une argumentation persuasive allant dans le mme

    sens que lacte prcdemment ralis (principe de la consistance) ;

    - Eduquer par l'information et la sensibilisation ;

    - Favoriser des changements de comportements qui seraient associs des prises de

    conscience ;

    - Envisager les changements en termes d'actions et faciliter les changements en actes ;

    - Dvelopper de nouvelles cultures socitales comme celle de la responsabilit

    personnelle d'abord et de la responsabilit socitale ensuite.

    Ces objectifs peuvent tre rangs en deux orientations principales : i) obtenir des individus un

    acte prparatoire engageant et ii) exposer les individus une argumentation persuasive.

    Pour la premire orientation, Lolita Rubens (2011) explique que ces actes prparatoires

    engageants peuvent prendre plusieurs formes. Ils permettent de rendre les individus plus rceptifs aux

    informations diffuses dans les campagnes de persuasion, et augmentent la probabilit qu'ils acceptent

    des actes plus coteux, lorsqu'ils sont consistants avec le comportement prparatoire.

  • 8

    Pour la seconde orientation, et toujours selon l'explication de Lolita Rubens (2011),

    l'argumentation persuasive doit tre consistante avec l'acte effectu prcdemment. Elle est construite

    selon les connaissances issues des thories de la persuasion ; diffrents facteurs sont pris en compte

    pour renforcer le potentiel persuasif du message : les caractristiques de la source, la conception du

    message, son contexte, mais galement les caractristiques du rcepteur .

    En plus de ces principes, objectifs et orientations, des thories fondatrices ont t ncessaires

    pour construire les axes d'volution et dfinir les processus associs la communication engageante.

    III. Thories et processus associs

    Les thories mobilises relvent pour la plupart de la psychologie sociale. Quant aux processus, ils

    appartiennent au champ de la communication pour le changement.

    1. Thories

    1.1. Thorie de la dissonance cognitive

    La thorie de la dissonance cognitive, due Festinger, est directement issue du schma suivant

    :

    Un tudiant E et son voisin V sont en relation R ds leur attribution de chambre (individu,

    norme, etc.). L'tudiant V est lui mme en relation avec un lment F (fumer). Selon la nature des

    relations entre les trois termes (E, V et F) ainsi dfinis, la situation sera quilibre ou non. Si elle ne

    l'est pas, V ou F tendra rtablir l'quilibre en modifiant certains termes de la relation R :

    Si la relation entre E et F (fumer) est positive, la situation est stable car quilibre. Mais si la

    relation entre E et F (fumer) est ngative, la situation n'est pas quilibre du point de vue cognitif. Il y

    aura apparition de comportements dicts par la structure (E, V et F). Pour E, soit il modifie sa

    perception de V, qui il pourra par exemple reprocher son intransigeance, soit il modifie sa

    reprsentation du comportement "fumer", en admettant que V a de bonnes raisons de fumer.

    Les deux options qui se prsentent ainsi E seront alors :

    - Mcanisme du conformisme : "E se met fumer" et accepte ainsi la norme tablie dans le

    binme par le comportement de V.

    L'autre issue possible, toujours selon le mcanisme du conformisme, consiste pour V adopter

    la norme "ne pas fumer" dfinie par E, qui aurait ainsi influenc son voisin V.

    - Mcanisme de rejet : "conflit de cohabitation"

    Pour ne pas subir la norme que cherche imposer V, E ne peut qu'entrer en conflit avec ce

    dernier. Ce conflit peut entraner l'exploration de plusieurs ventualits dont : une raffectation ou un

    changement de chambre l'amiable.

    Dans cette situation voque, un individu est confront des forces positives et/ou ngatives,

    ayant pour origine un autre individu, une norme, des croyances, etc. Lorsqu'il y a conflit entre les

    besoins rsultants de ces diffrentes forces (c'est a dire une impossibilit de satisfaire la fois des

    besoins gnrant approche et vitement), l'individu va adopter un comportement visant au maintien ou

    au rtablissement de l'quilibre entre les forces en prsence, sous peine de provoquer une tension

    interne qui mette en danger son quilibre psychique.

    La thorie de la dissonance cognitive1 s'intresse aux cas o deux lments cognitifs ont en

    rapport pertinent entre eux ; c'est--dire qu'ils sont soit consonants, soit dissonants. Il y a consonance

    1 Le concept de la dissonance cognitive a t labor par Lon Festinger en 1957. Le principe, peut se rsumer ainsi : l'existence

    simultane d'lments de connaissance qui ne s'accordent pas (dissonance) entrane de la part de l'individu un effort pour les faire, d'une

    manire ou d'une autre, mieux s'accorder (rduction de la dissonance).

  • 9

    entre deux notions si l'une des deux notions dcoule de l'autre ou si elles sont cognitivement et

    psychologiquement compatibles entre elles. Il y a dissonance en cas d'incohrence (logique interne,

    incompatibilit dcoulant des expriences prsentes et passes) entre les deux notions.

    La dissonance cognitive est donc dfinie comme un tat de tension dsagrable d la

    prsence simultane de deux cognitions (ides, opinions, comportement) psychologiquement

    inconscientes. L'hypothse fondamentale de Festinger est que la dissonance cognitive provoque chez

    l'individu une tension psychologique qu'il va s'efforcer de diminuer afin de restaurer la consonance.

    La thorie de la dissonance cognitive suppose donc que l'individu a un besoin particulier, celui de la

    cohrence cognitive. Pour combler ce besoin, l'individu a plusieurs possibilits : augmenter le nombre

    et l'importance des notions consonantes, restreindre le nombre et l'importance des notions dissonantes,

    modifier une des notions, et acqurir de nouvelles ou viter d'en recevoir d'autres.

    Pour rduire la dissonance due un comportement, il faut soit changer de comportement

    (ralit physique)1, soit changer une notion ou opinion qui lui est associ. Du fait de l'irrversibilit de

    certains actes, ce qui entrane la non modificabilit de tout comportement, il ne reste qu'aux individus

    qu' changer une ou plusieurs notions en rapport avec le comportement mis.

    Dans le cas o l'acte pos dpend d'une ralit sociale, c'est--dire d'un certain consensus

    partag par les membres du groupe au quel appartient l'individu, l'individu peut toujours modifier

    certains lments de cette ralit sociale s'il ne peut pas modifier son acte. Ainsi, il agira sur les

    opinions de son groupe pour les amener changer en accord avec l'acte produit, soit ou il quittera ce

    groupe pour s'affilier un autre groupe dont les opinions sont consonantes avec son comportement.

    En fait, l'intrt de la dissonance cognitive rside dans l'analyse des mcanismes de rduction

    de la dissonance.

    Le mode le plus usuel pour rduire la dissonance rsultant d'un choix selon Festinger, est de

    rvaluer les ventualits. En modifiant la valeur subjective qu'il accorde aux ventualits entre

    lesquelles il a choisi, l'individu peut rsoudre le conflit intrieur. Mais quelles sont les conditions

    particulires sous lesquelles un choix cre chez l'individu un tat de dissonance ? La thorie de

    l'engagement, initialement dveloppe par Charles Kiesler, permet de rpondre cette question.

    1.2. Thorie de l'engagement

    C'est en 1971 que Charles KIESLER2 pose les bases de la psychologie de l'engagement. Kiesler

    estime que la dissonance cognitive provoque par une dcision ou un acte augmente

    proportionnellement l'engagement de l'individu dans l'acte ralis. Il donne de l'engagement la

    dfinition suivante : "l'engagement est le lien qui unit un individu ses actes comportementaux"

    (Kiesler & Sakumura, 1966). Selon Kiesler, il s'agirait d'une forme d'auto-attribution causale, c'est--

    dire de la possibilit pour l'individu de s'auto-attribuer une caractristique de personnalit ou un trait de

    caractre correspondant l'acte ralis.

    La dfinition de KIESLER nous apprend 2 choses :

    - seuls les actes sont engageants,

    - l'individu peut tre engag a des degrs divers : dans une condition de libre dcision,

    l'engagement sera plus fort ; dans une condition de soumission force, l'engagement sera faible.

    Si pour Kiesler l'engagement est plutt d'ordre interne, Joule et Beauvois (1998) mettent davantage

    l'accent sur la situation dans laquelle l'acte est ralis, donc sur un engagement d'ordre externe (conditionn

    uniquement par les circonstances et non par l'individu). Dans leur livre, " Le petit traite de manipulation a

    1 La ralit physique est constitue des faits tablis directement par vrification empirique. 2 Cette thorie a t prsente par C.A. Kiesler de l'universit du Kansas en 1971.

  • 10

    l'usage des honntes gens ", Joule et Beauvois font la prcision suivante : l'engagement d'un individu

    dans un acte correspond au degr auquel il peut s'assimiler cet acte . Ils ajoutent plus loin :

    l'engagement correspond aux conditions de ralisation d'un acte qui, dans une situation donne, permettent

    un attributeur d'opposer cet acte l'individu qui l'a ralis .

    La thorie de l'engagement s'inscrit dans le cadre de la conception technologique du

    changement et elle repose sur la notion de persvration d'une dcision. Lorsqu'on veut obtenir d'autrui

    qu'il modifie ses ides ou change ses comportements, il est souvent plus efficace d'opter pour une

    stratgie dite "comportementale", qui consiste obtenir d'autrui des comportements prparatoires ce

    changement, plutt que d'adopter une stratgie reposant sur la persuasion (conception rhtorique du

    changement)1.

    La thorie de l'engagement aide comprendre les mcanismes psychologiques sur lesquels

    repose l'efficacit des stratgies comportementales ; la thorie de l'engagement porte sur les conditions

    et les effets de l'engagement.

    Les conditions de l'engagement : pourquoi un individu se sentira-t-il engag par son acte ? Les

    facteurs ncessaires sont les suivants :

    - le sujet doit tre engag dans son acte ;

    - il doit avoir eu le sentiment de choisir de faire ce qui lui tait demand de faire ;

    - l'acte doit avoir des consquences ;

    - l'acte doit tre public et non anonyme.

    Les effets de l'engagement : la thorie de la dissonance cognitive n'avait fait intervenir que des

    actes problmatiques, la thorie de l'engagement porte galement sur des actes non problmatiques,

    non susceptibles de gnrer de la dissonance, mais tout autant gnrateurs de modification de

    croyances, d'opinions, de comportements nouveaux. Kiesler gnralisera la notion d'effet

    d'engagement des actes non problmatiques en montrant que de tels actes ont des effets de stabilisation

    systmatique sur les lments du domaine cognitif (croyances, valeurs, normes, etc.) et sur les

    comportements.

    Pour Charles Kiesler, ce sont nos actes qui nous engagent, et pas nos ides, nos convictions ou

    encore nos croyances (autrement dit notre attitude). Le passage lacte permet de concrtiser une

    attitude, de la conforter et de diminuer les dissonances cognitives (lcart entre ce que lon fait et

    les valeurs que lon dfend plus ou moins explicitement). Pour Joule et Girandola (2007) il importe

    donc dobtenir de la part des gens des actes, en commenant modestement par des actes dits

    prparatoires , peu coteux, mais qui rendent plus probable la ralisation2 ultrieure dactes plus

    engageants.

    1 Mme si une personne est convaincue quune action est positive, elle ne laccomplit pas pour autant. Ce constat simple a t dmontr

    dans le cadre de nombreuses expriences, dont lune des plus clbres fut mene par Kurt Lewin durant la seconde guerre mondiale aux Etats-Unis. L'exprience mene par Kurt LEWIN porte sur les changements alimentaires durant les annes 40. A cette poque o les

    ressources se faisaient plus rares et plus chres, une opration de promotion fut initie auprs des mnagres tasuniennes afin de les

    inciter utiliser et consommer les bas morceaux de boucherie. L'exprience a montr que la stratgie qui consiste obtenir des actes,

    prendre une dcision qui engage, est plus efficace. La conclusion tire par Kurt Lewin est donc quil faut aider les gens franchir le pas, les amener prendre librement les dcisions que lon souhaite les voir prendre. Cela ncessite de transformer le spectateur en acteur, par une dcision dagir qui engage moralement et publiquement la personne, et "gle" ainsi sa dcision (Joule & Girandola, 2007). La motivation changer de comportement ne suffit donc pas changer effectivement. Entre la volont et le passage lacte, il y a lacte de dcision quil est possible de solliciter, comme le prouve lexprience. Et cette dcision dagir peut-tre stimule par une forme dengagement moral. 2 Freeman et Fraser introduisirent la notion de soumission sans pression : c'est--dire obtenir d'un sujet qu'il mette un comportement coteux sans exercer sur lui de pression, mais par un moyen dtourn qui consiste obtenir pralablement

    un comportement peu coteux qui a peu de chance d'tre refus.

  • 11

    Nous retiendrons que pour la thorie de lengagement, lengagement modifie l'amplitude de la

    dissonance. Pour (Beauvois & Joule, 1981, 1996), et linverse de Charles Kiesler, lengagement ne

    modifie pas lamplitude de la dissonance. Ils proposent de ce fait, une version radicale de la thorie de

    la dissonance cognitive : la rationalisation.

    1.3. Thorie de la rationalisation

    Parmi d'autres prcisions et dveloppements apports la thorie de Festinger, Beauvois et

    Joule insistent sur le fait que le processus de rduction de la dissonance n'est pas toujours dirig vers la

    cohrence cognitive comme seule possibilit de retour l'quilibre, ce n'est qu'une des deux voix

    possibles du processus de restauration de la valeur du comportement. Ils proposent donc la thorie de

    la rationalisation qui stipule qu' ct de la rduction de la dissonance se manifestant par un

    changement d'attitude post-comportemental, il existe un autre mode savoir la rationalisation

    comportementale, dite rationalisation en acte.

    Dans le cas o la dissonance ne peut tre rduite par la voie cognitive, le comportement

    gnrateur de dissonance est rationalis par la ralisation d'un second comportement allant dans le sens

    du premier acte problmatique et donc consonant avec ce dernier.

    La thorie de la rationalisation de Beauvois et Joule suggre que la cohrence cognitive de

    l'individu ne vient pas de la consonance rationnelle de ses connaissances mais de la possibilit qu'il a

    de trouver des justifications rationnelles ses propres actes. Joule et Beauvois poursuivent dans la

    mme veine en dclarant que l'individu n'agit pas en fonction de ses connaissances, mais en fonction

    des actes que les circonstances lui ont imposs (Joule et Beauvois, 2002).

    2. Processus de changement et attitude

    Le processus de changement sopre toujours dans un contexte marqu par de fortes

    diffrences de maturit entre individus : certains sont prts et ont anticip le changement, alors que

    dautres y sont au contraire trs rticents (Nature Humaine, 2009).

    Dans l'attitude profonde, on retrouve les motivations et les principaux lments de la

    personnalit de l'individu. Les attitudes sont le fruit de la socialisation dans la famille et le groupe

    social. Elles ont une certaine permanence et sont orientes soit positivement, soit ngativement ; elles

    apparaissent donc comme des variables latentes qui influencent les comportements. Habituellement et

    au plan empirique, les liens entre les attitudes, les opinions et les comportements suivent la squence

    suivante :

    une attitude s'exprime dans une opinion et s'actualise dans un comportement

    J'aime les choses

    sucres

    J'aime les fruits sucrs J'achte les bananes douces

    J'aime les boissons sucres J'achte les canettes de sprite

    Si les attitudes sont relativement stables, les liens avec les opinions exprimes et les

    comportements effectifs peuvent bien ne pas l'tre. Mme si le changement d'attitude ne dbouche

    vritablement sur de nouveaux comportements que dans des situations o les problmatiques abordes

    ne ncessitent pas de grande implication de la part des sujets, force est de constater que la formation et

    le changement des attitudes sont rgis pas quatre fonctions essentielles :

    - fonction de connaissance ou pistmique : les attitudes jouent un rle cognitif, elles participent

    mettre en place un systme de connaissance pour comprendre le monde.

  • 12

    - fonction d'adaptation : l'attitude remplit la fonction d'intgration au groupe ; l'individu tend

    rechercher autour de lui ce qui lui est agrable ou le valorise.

    - fonction expressive : la prsence d'attitude donne l'individu un moyen de s'exprimer, de

    mettre en valeur le type de personnage qu'il souhaiterait reprsenter.

    - fonction de dfense de soit : l'individu labore des processus de protection pour viter de

    prendre conscience des ses propres faiblesses ou de la ralit qui n'est pas son avantage.

    Le modle de Shannon et Weaver, purement rductionniste a un caractre behavoriste qui se

    manifeste dans le fait que le rcepteur est considr comme un simple rceptacle qui change ou ne

    change pas d'attitude ou de comportement. Ce paradigme qui se focalise sur l'impact persuasif d'un

    message s'est dvelopp pour donner naissance deux modles d'orientation cognitiviste (Romma,

    2010). Ce sont : le Modle de Probabilit d'Elaboration (ELM) et le Modle Heuristique Systmatique

    (HSM). Dans cette perspective cognitiviste, les individus ont dornavant un rle jouer ; ils

    participent leur propre persuasion en traitant cognitivement l'information reue. Ils deviennent ainsi

    des participants actifs du processus de communication. Thierry Meyer (2000) explique que dans cette

    participation active au processus de communication, deux niveaux de traitement des messages

    persuasifs sont distingus :

    - la reconnaissance, rapide et de faible cot cognitif, base sur des schmas disponibles en

    mmoire et ;

    - l'analyse dtaille de l'information mobilisant de nombreuses ressources cognitives.

    L'identification de ces deux niveaux est l'origine des modles duaux de traitement de

    l'information dvelopps dans le domaine de l'influence persuasive que sont le modle ELM et le

    modle HSM.

    Les deux modes de traitement cognitif de linformation peuvent agir isolment ou bien

    fonctionner en parallle. La possibilit dintervention conjointe des deux modes de traitement constitue

    la principale caractristique distinctive du modle HSM par rapport au modle ELM de Petty et

    Cacioppo o les deux stratgies de traitement sont considres comme plutt indpendantes, bien

    quelles puissent parfois sinfluencer mutuellement. La co-occurrence des deux traitements peut

    influencer la formation des attitudes de diffrentes faons : d'abord addition des effets (lorsque les

    conclusions issues des deux traitements sont concordantes) ensuite l'attnuation (lorsque les

    conclusions issues des deux traitements sont contradictoires) et enfin le biais (lorsquun des

    traitements influence les conclusions de lautre).

    Le choix de la voie emprunte lors du traitement d'un message persuasif est dtermin par

    l'importance du sujet trait aux yeux de l'individu au moment de son exposition au message, ainsi que

    par la prdisposition mentale de l'individu recevoir et valuer les arguments au moment o le

    message est transmis. Pouvoir identifier la voie que lindividu emprunte lors du traitement cognitif

    dun message persuasif et laquelle le conduit modifier ou non ses attitudes est primordial pour une

    meilleure comprhension de la dynamique persuasive. Grce cette information, il serait notamment

    possible de prdire la stabilit des nouvelles attitudes, mais aussi la prennit des comportements

    suscits par la communication persuasive.

    Mme le mode de traitement heuristique qui ne ncessite pas d'effort de traitement est

    galement utile car il convient pour les personnes sensibles l'innovation ; les personnes s'extasiant

    faces aux prouesses des nouvelles technologies ne feront pas d'efforts particulier pour utiliser la plate

    forme. L'exploitation de ce mode heuristique de traitement de l'information sera utiliser pour

    provoquer une forte adhsion la plate-forme.

    La mise disposition d'information pour le public constituera une voie permettant aux

    personnes justifiant d'une exprience dans le domaine du numrique de procder un traitement

  • 13

    efficace de l'information persuasive dans la logique du "mode heuristique" ou de la "voie centrale" (en

    rfrence aux modles ELM et HSM).

    Les changements d'attitude ou les intentions de changement ne conduisent pas au changement

    effectif de comportement. Le message persuasif incite au changement par le biais de l'information et de

    l'argumentation qui provoquent des prises de conscience mais pas ncessairement un changement

    observable de comportement. Pour augmenter les chances d'obtenir ce qu'on souhaite du sujet, il faut

    des actes engageants. Ces actes ne peuvent s'obtenir que par le recours aux facteurs contextuels et

    stratgies qui conduisent un acte prparatoire et ensuite d'autres actes engageants.

    IV. Facteurs et stratgies d'engagement

    Nous tudierons ici les facteurs et les stratgies d'engagement tels qu'explicits par Kiesler,

    Joule et Beauvois.

    1. Facteurs

    Le sens de la variation de la force du lien entre l'individu et ses actes est donn par des facteurs

    dits explicatifs ; ce sont les caractristiques objectives de la situation qui peuvent transformer un acte

    en acte engageant. Kiesler utilise le terme "variable" permettant de prdire le degr d'engagement de

    l'individu dans un acte et il propose cinq variables : le caractre explicite de l'acte, l'importance de

    l'acte pour l'individu, le degr d'irrvocabilit de l'acte, le nombre d'actes mis et le degr de libert.

    Joule et Beauvois utilisent le terme "condition" permettant de susciter ou non l'engagement. Ils

    proposent une classification plus fine de ces conditions en deux catgories : la taille de l'acte et la

    raison de l'acte.

    1.1. Classification de Kiesler

    Nous listons ci-aprs les cinq variables explicatives de la classification de Kiesler :

    - Le caractre explicite de l'acte : un acte explicite est plus engageant qu'un acte ambigu ;

    - l'importance de l'acte pour l'individu : un acte est d'autant plus engageant qu'il est important

    pour l'individu ;

    - le degr d'irrvocabilit de l'acte : plus la personne peroit qu'elle ne pourra pas faire marche

    arrire (sentiment qu'elle ne pourra plus revenir sur le comportement qu'elle est sur le point d'mettre),

    plus elle est engage ;

    - le nombre d'acte mis allant dans le mme sens : un acte que l'on rpte est plus engageant

    qu'un acte qu'on ne ralise qu'une seule fois ;

    - le degr de libert : un acte ralis dans un contexte de libert (sentiment qu'une personne se

    voit libre de faire quelque chose ou de ne pas la faire) est plus engageant (plus elle le fera) qu'un acte

    ralis dans un contexte de contrainte.

    La seconde classification est de Joules et Beauvois ; elle retient deux grandes catgories avec

    plusieurs composants.

    1.2. Classification de Joules et Beauvois

    Les deux grandes catgories sont : la taille de l'acte ou caractristiques de l'acte et les raisons

    de l'actes ou caractristiques du contexte dans lequel l'acte est ralis. Nous en donnons les lments

    constitutifs dans le tableau ci-aprs. Les auteurs deux auteurs expliquent travers ces conditions que

    l'engagement augmente avec la taille de l'acte ; de plus un acte est plus engageant qu'il est socialement

    visible et important pour l'individu. Les raisons de l'acte peuvent engager ou dsengager l'individu. En

    outre, Joules et Beauvois ont dcrit les techniques ou les stratgies de la communication engageante.

  • 14

    Tableau : Classification de Joule et Beauvois

    Catgories Facteurs

    principaux Facteurs secondaires Commentaires

    Taille de l'acte

    ou

    caractristiques

    de l'acte

    Visibilit

    sociale

    Caractre public ou

    anonyme de l'acte

    Un acte rendu public est plus engageant

    qu'un acte anonyme.

    Caractre explicite ou

    ambigu

    Un acte ne souffrant d'aucune ambigut

    est plus engageant qu'un acte prtant

    plusieurs interprtations.

    Irrvocabilit

    Un acte ou une dcision irrversible sont

    plus engageants qu'un acte ou une

    dcision rvocable.

    Rptition de l'acte

    L'engagement augmente avec le nombre

    de fois qu'un acte identique ou similaire

    est ralis.

    Importance

    de l'acte

    Consquences de

    l'acte

    Un acte est d'autant plus engageant

    qu'on peut lui associer des consquences

    relles bien tangibles.

    Cot de l'acte L'engagement augmente avec le cot de

    l'acte.

    Catgories Facteurs

    principaux

    Facteurs secondaires Commentaires

    Raisons de l'acte

    ou

    contexte dans

    lequel l'acte est

    ralis

    Raison

    d'ordre

    externe

    Les raisons d'ordre externe

    (rcompenses et punitions) ainsi que les

    raisons d'ordre fonctionnel (objectifs

    prcis l'avance) crent de la distance

    entre l'individu et son acte. Ces raisons

    dsengagent.

    Raison

    d'ordre

    interne

    Les raisons d'ordre interne engagent, car

    elles rduisent la distance entre

    l'individu et l'acte ralis.

    Contexte de

    libert

    La dclaration de libert est un puissant

    facteur d'engagement, voire une

    condition ncessaire l'engagement.

    2. Stratgies d'engagement

    Les stratgies appeles aussi techniques de la communication engageante ont t labores

    partir des modles de changement de comportement proposs par la thorie de l'engagement. Nous

    regroupons certaines en catgories dont la catgorie "Cration d'un contexte interpersonnel favorable"

    et "Formulation de la demande" ; les autres sont exposes telles quel. Le tableau ci-aprs, conu

    partir de la littrature spcialise dans le domaine de la communication engageante, en fait un

    descriptif concis. L'intrt des techniques de communication engageante est de conduire la

    responsabilisation des acteurs qui en arrivent prendre librement les engagements que l'on attend

    d'eux, les assumer, et intrioriser les traits ou les valeurs qui vont assurer la prennit de leurs

    nouvelles conduites.

  • 15

    Tableau : Rcapitulatif des techniques de la communication engageante

    Techniques ou

    catgories Composantes Dfinition de principe

    Application dans le domaine de

    l'enseignement

    Cration d'un

    contexte

    interpersonnel

    favorable

    Le toucher ou Yeux-

    dans-les-yeux

    Etablir un contact physique en formulant la premire requte

    explicite

    Toucher l'paule de l'tudiant lors de la

    demande de passage au tableau pendant

    un TD

    Pied-dans-la-bouche Demander d'abord "Comment allez-vous ?" L'usage veut une

    rponse positive. Effectuez une autre demande.

    Pendant un TD : Quelle heure est-il ? et

    enchaner aprs la rponse de l'tudiant,

    Pouvez-vous traiter l'exercice suivant ?

    Crainte-puis-

    soulagement

    Aprs une motion de peur, de crainte, la personne est plus

    apte faire n'importe quoi.

    Distribuez des feuilles de copie, type

    examen sans prcisions Dire aprs un

    laps de temps : En fait, ce sont des

    feuilles de brouillon pour le TD

    Formulation de

    la demande

    Etiquetage On qualifie la personne de ce quoi on veut qu'elle ragisse. Vous tes des tudiants ponctuels et

    studieux

    Vous-tes-libre-de Demander quelque chose en prcisant " Vous tes libre

    d'accepter "

    Nous allons faire un schma pour ce

    concept Vous tes libre de passer au

    tableau.

    Un-peu-c'est-mieux

    que-rien Prciser qu'un petit geste, c'est mieux que rien.

    Faites des recherches sur chaque

    thmatique propose, c'est mieux que

    rien

    Ce-n'est-pas-tout Proposer quelque chose et pour le mme cot rajouter des

    choses en plus.

    La photocopie du document vous

    reviendra 500 F CFA Ce n'est pas

    tout, un autre y est inclus pour le mme

    montant.

    Source : inspir de Pascal Lafourcade (2010) et adapt par nos soins

  • 16

    Tableau 9.4 : Rcapitulatif des techniques de la communication engageante (suite et fin)

    Techniques ou

    catgories Variantes Dfinition de principe Commentaires

    Pied-dans-la-

    porte

    Demande explicite

    Faire accomplir un acte prparatoire peu coteux pour ensuite

    obtenir un acte ou d'autres actes plus coteux suite une ou

    des demandes explicites.

    Demander aux tudiant : Qui peut lire le

    questionnaire pour nous ?

    Aprs la lecture, demander au mme

    tudiant : Peux-tu passer au tableau ? Demande implicite

    Faire accomplir un acte prparatoire peu coteux pour ensuite

    obtenir un acte ou d'autres actes plus coteux suscits par des

    circonstances particulires incitant l'individu l'action.

    Pied dans la

    mmoire

    Demander d'abord quelque chose de peux coteux puis

    remonter dans la mmoire et faire voquer un acte coteux

    effectu. Effectuer ensuite une autre demande en relation.

    As-tu russi l'exercice sur les annonceurs

    ? Donne-nous les noms de deux

    annonceurs.

    Amorage Omission d'un paramtre qui sera rvl une fois l'accord de

    la personne obtenu.

    Pouvez-vous prparer un expos en deux

    jours ? Aprs l'accord des tudiants

    ajouter : l'expos porte sur la publicit en

    Cte d'Ivoire.

    Leure Prvoir quelque chose qui finalement n'aura pas lieu, puis

    proposer alors autre chose.

    On va faire une pause. Aprs deux

    seconde, dire : Continuons pour terminer

    ces deux pages une fois pour toute.

    Porte au nez Demander un service trs coteux pour ensuite demander un

    service moins coteux.

    Nous ferons 5 sorties sur le terrain pour

    ce cours. Aprs l'accord, dire : non nous

    n'en ferons que deux.

    Source : inspir de Pascal Lafourcade (2010) et adapt par nos soins

  • 17

    Parmi les techniques prcites, nous mettrons l'preuve dans le contexte particulier de notre

    recherche, la stratgie du pied-dans-la-porte qui a retenu l'intrt des chercheurs.

    2.1. Pied-dans-la-porte

    L'ide sous-jacente cette stratgie tait que la prparation psychologique de la personne

    faciliterait l'acceptation de la requte finale dans une proportion bien suprieure celle que l'on

    obtiendrait si cette requte avait t formule directement. C'est cette orientation qui conduit utiliser

    cette technique des fins de modification ou de cration de certains comportements dans plusieurs

    domaines dont la sant, la formation et la rinsertion proportionnelle.

    Cette stratgie peut tre illustre par l'expression doigt dans l'engrenage (Nicolas Gugen,

    2002). Cet engrenage commence par l'excution d'un acte dit prparatoire et se poursuit par d'autres

    actes plus coteux.

    2.1.1 L'acte prparatoire

    L'acte prparatoire est formul par deux type de demandes : demande explicite et demande

    implicite.

    Acte prparatoire avec une demande explicite (pdp direct)

    C'est un comportement non-problmatique e peu coteux obtenu suite une requte explicite.

    Ceci se fait dans une situation o le sujet peut exercer son libre arbitre ; ce qui conduit un fort

    engagement. La dynamique de changement est ainsi enclenche. C'est la raison pour laquelle ces petits

    comportements, qui sont la base mme du processus de changement sont appels actes

    prparatoires ou comportements prparatoires .

    Acte prparatoire avec demande implicite (pdp indirect)

    Le comportement ou l'acte recherch n'est pas demand explicitement ; il est suscit par des

    circonstances particulires incitant l'individu l'action mais dans une situation de libre arbitre. En

    d'autres termes, le sujet est amen s'engager dans l'acte recherch sans demande formelle dans le

    processus de rationalisation de son engagement.

    la lumire de la mta-analyse (Burger, 1999, cit par Girandola, 2010), les principales

    caractristiques dun comportement prparatoire efficace peuvent tre ainsi rsumes :

    le comportement prparatoire doit tre effectivement ralis (il ne faut donc pas se

    contenter dintentions comportementales) ;

    il est bon daider la personne tablir un lien entre ce quelle vient de faire et ce quelle

    est, en recourant un tiquetage (attribution interne) ;

    le comportement prparatoire doit avoir un certain cot ;

    le comportement prparatoire et le comportement faisant lobjet de la requte finale

    doivent relever de la mme identification de laction ;

    il vaut mieux que ce ne soit pas la mme personne qui sollicite le comportement

    prparatoire et qui formule la requte finale ;

    le comportement prparatoire ne doit pas tre li une compensation financire, et de

    faon plus gnrale, quelque promesse de rcompense.

  • 18

    Les comportements prparatoires que les sujets sont amens mettre librement sont

    susceptibles de fournir le soubassement engageant le plus mme de dboucher sur le niveau

    d'identification de l'action souhaite et par ricochet sur les conduites recherches.

    2.1.2 L'acte plus coteux

    Le comportement ou l'acte coteux est cohrent avec le premier ou doit l'tre. Ce

    comportement, obtenu suite une deuxime requte, n'est en fait qu'une gradation dans l'intensit de

    l'acte par rapport la premire demande. Le sujet tant engag dans ses actes, de manire relativement

    forte, puisqu'il a pris l'engagement en toute libert, il sera enclin dmontrer l'effet de gel et justifier

    da premire dcision en acceptant la deuxime requte plus coteuse. On assiste en fait une sorte de

    persvrance, qui est le moteur de cette technique du pied-dans-la-porte. La requte est dite plus

    coteuse, car difficilement recevable si elle tait adresse directement sans la premire.

    De ce qui prcde, nous pouvons dire que la premire requte dbouchant sur un comportement

    dit prparatoire savre suffisante pour rendre plus probable la ralisation dun ou dautres

    comportements similaires plus coteux, quils fassent lobjet dune requte explicite (pied-dans-la-

    porte classique) ou suscits par des circonstances particulires incitant lindividu laction (pied-dans-

    la-porte avec demande implicite). Il sagit donc de la procdure qui se droule en deux tapes : faire

    une demande peu coteuse qui sera vraisemblablement accepte avant de formuler une demande plus

    coteuse. Cette seconde requte sera alors plus facilement accepte.

    De la mme manire que les techniques voques prcdemment, le phnomne du pied-dans-

    la-porte trouve son explication dans la thorie de lengagement (Joule, 1987). Ainsi, le sujet ayant

    ralis un acte engageant ajuste son comportement ultrieur de faon ce que celui-ci corresponde ou

    soit consonant avec limage que le sujet a de lui-mme. Cette image se construit en partie partir de

    dcisions et dactes de toutes sortes, mis dans le contexte de libert, et pour lesquels lindividu ne

    peut trouver quune explication interne. Lacte engageant fait partie de ces comportements rcents

    mis par lindividu de son propre gr. Et puisque loccasion se prsente assez rapidement de le

    rationaliser en acte, la probabilit est forte que lindividu profite de cette occasion en mettant un

    nouveau comportement allant dans le sens du premier, et donc identifi de la mme manire.

    Une bonne technique du pied-dans-la-porte se basera sur une approche du sujet, avec une

    demande pralable dont on sait que, soit cause des normes sociales, de l'histoire du sujet, de ses

    convictions, de sa position etc., il la recevra positivement.

    Nous avons retenu une seule technique de la communication engageante parmi les douze

    consigns dans le tableau. Nous nous intressons aux tapes de la dmarche qui rgissent la

    communication engageante dans sa mise en uvre sur le terrain.

    3. Etapes de la dmarche de communication engageante

    Ce type de communication met le destinataire non dans une position de rcepteur passif, mais

    dans celle du partenaire. Cette dmarche de communication passe par quatre tapes :

    i. Prise de contact : tre polie, sans effet de surprise, avec la volont ouverte d'engager la

    conversation.

    ii. Argumentation : faire un expos du problme, rfrence la problmatique gnrale ; fournir

    des exemples et dmonstration.

    iii. Demande d'engagement : faire le bilan des comportements actuels, proposer une palette de

    gestes positifs montrant l'adhsion la thse de l'argumenteur.

    iv. Identification et valorisation : faire le rappel de la finalit valorisante de l'action, procder

    un engagement public manifest un acte sollicit.

  • 19

    Les techniques exposes ci-dessus, reposent de manire gnrale, sur les processus

    psychologiques lis l'acte de dcision ou plus prcisment, sur les effets de la persvration

    du comportement rsultant d'une dcision. L'intrt de ces techniques est de conduire la

    responsabilisation des acteurs qui en arrivent prendre librement les engagements qu'on attend d'eux,

    les assumer, et intrioriser les traits ou les valeurs qui vont assure la prennit de leurs nouvelles

    conduites.

    4. Effets de l'engagement

    Les effets de l'engagement ont t observs la fois sur le plan des attitudes et sur le plan des

    comportements.

    1. Sur le plan des attitudes

    L'engagement dans un acte contre-attitudinal (cest--dire en dsaccord avec nos attitudes)

    dbouche sur un changement dattitude, dans le sens de la rationalisation (meilleur ajustement de

    lattitude lacte), et lengagement dans un acte attitudinal (conforme nos attitudes) dbouche sur

    une consolidation de lattitude. Dans ce dernier cas, on observe une meilleure rsistance aux tentatives

    ultrieures dinfluence. Par exemple, la simple signature dune ptition en faveur dune cause qui nous

    est chre, nous permet de mieux rsister aux attaques lendroit de cette cause.

    2. Sur le plan des comportements

    Lengagement dans un acte dcisionnel, conduit celui qui a pris une dcision rester sur sa

    dcision (effet de gel), et lengagement dans un premier acte peu coteux rend plus probable la

    ralisation dactes ultrieurs, mme sils sont plus coteux, pour peu quils relvent du mme cours

    daction (effet de pied-dans-la-porte). De tels effets sur les attitudes et sur les comportements ne sont

    toutefois observs que si le premier acte (acte prparatoire) a t ralis dans certaines conditions

    dengagement, un mme acte pouvant tre plus ou moins engageant, voire ne pas tre engageant du

    tout. Pour engager une personne dans ses actes, il faut cerner le contexte de libert dans le quel l'acte

    doit tre ralis. Cet acte sera plus engageant en dehors de toute contrainte que dans des circonstances

    de coercition. De plus, cet acte doit tre ralis publiquement, de faon rptitive et non sporadique.

    Les raisons de cet acte doivent tre internes l'individu.

    CONCLUSION

    Les outils habituels de la CCC ne suffisant plus, il a fallut avoir recours la communication

    engageante. L'accent est mis sur la persuasion, les actes prparatoires engageants et sur les acteurs

    coteux fort engageants dans un processus d'engrenage. Les modles ELM et HSM puiss dans la

    psychologie sociale de l'engagement, ont t exploits pour expliquer le processus de changement

    d'attitude. Les facteurs d'engagement et les stratgies de ce type de communication confrent au site un

    caractre engageant qui est exploit par le biais du support en vue d'une sensibilisation en ligne. Cette

    sensibilisation est renforce par des stratgies en face--face.