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QUEST-CE QUUN DISPOSITIF? LANALYTIQUE SOCIALE DE MICHEL
FOUCAULT
Sverre Raffnse (Copenhagen Business School)
La notion de dispositif est dterminante dans lanalytique
foucaldienne de la
socit. Et pourtant, son tude demeure nglige par la rception
internatio-
nale. Aprs avoir discut brivement des difficults rencontres avec
la tra-
duction du terme de dispositif par Dreyfus et Rabinow dans
Beyond Structu-
ralism and Hermeneutics, larticle dveloppe une analytique
sociale partir
de la pense dispositionelle de Foucault. Lesquisse de lhistoire
du terme
de dispositif permettra, en outre, de mieux saisir la pertinence
de son usage
par Foucault.
Dans lintroduction bien connue luvre de Michel Foucault Beyond
Struc-turalism and Hermeneutics crite par les Amricains Hubert L.
Dreyfus et Paul
Rabinow, on trouve au passage une description trs courte du
dispositif. Ce-
pendant les auteurs commencent leur compte-rendu de ce concept
embarra-
sant en constatant quil ny a gure un pendant anglais
satisfaisant1. Mme avec le mot anglais apparatus il ne sagit
apparemment pas dun concept qui a un avenir rel dans le domaine de
lanalyse. Cest aussi pourquoi ils introdui-sent pour leur part le
terme interpretive analytics (analytique interprtative)
comme une sorte de substitution.
Dreyfus et Rabinow parviennent tout de mme dfinir la notion
de
dispositif avant de la rcuser. Ils indiquent que le dispositif
diffre de
lpistm, parce quil englobe aussi bien les pratiques non
discursives que les pratiques discursives. De plus cest un concept
htrogne puisquil comprend et ici ils citent Foucault les discours,
les institutions, les dispo-sitions architecturales, les rglements,
les lois, les mesures administratives, les
noncs scientifiques, les propositions philosophiques, la
moralit, la philan-
thropie, etc..2 Malgr ces caractristiques Dreyfus et Rabinow
reconnaissent
que Foucault na pas expliqu ce quil entend exactement par
dispositif3. Avec ce court expos critique Dreyfus et Rabinow ne
sont cependant
justes ni avec le dispositif ni avec lusage quen fait Foucault.
Et ce, pour plu-sieurs raisons. Premirement ils ne voient pas que
le dispositif ne parat pas
comme un nologisme fortuit chez Foucault pour la seule raison
quil a une prhistoire. Tout dabord il faut relever que dj avant
lutilisation du terme
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Quest-ce quun dispositif? 45
par Foucault, ctait un concept gnralement adopt en franais dont
lorigine remonte au Moyen ge. Et puis on peut souligner que la
philosophie franaise
contemporaine employait le terme avant que Foucault ne sen servt
pour la premire fois. Il ne sagissait pas seulement dun terme
gnralement rpandu, mais aussi dun terme philosophique actuel.
Deuximement et cest plus important le procs sommaire de Dreyfus et
Rabinow contre le dispositif ne rend pas justice lemploi quen fait
Foucault puisque, en y regardant de plus prs, le dispositif apparat
comme
un concept transversal et unificateur dans luvre de Foucault. Il
sagit dune catgorie primordiale qui est si fondamentale que pendant
ses sminaires au
Collge de France en 19784 il pouvait souligner la ncessit de
regarder toute
lhistoire comme une histoire du dispositif et proposait de lire
toute son uvre depuis lHistoire de la folie jusqu lHistoire de la
sexualit comme diffrents essais visant dvoiler et exprimer une srie
de dispositifs fondamentaux
forms par lhistoire et qui sont dterminants pour ce que nous
faisons au-jourdhui. Chez Foucault lhistoire peut tre comprise
comme la gense dun certain nombre de dispositif et en mme temps tre
conue comme une coordi-
nation entre de tels types de dispositifs toujours prsents. Mais
justement cest peut-tre parce que le dispositif est si
naturellement prsent chez Foucault
comme un phnomne unifiant trs rpandu quil est si facile ngliger
pour Dreyfus et Rabinow, et si difficile traduire. Surtout parce
que le dispositif
forme une continuit dans luvre qui la traverse et la relie
par-dessus les rup-tures radicales qui dominent linterprtation de
Dreyfus et Rabinow.
Dans ce qui suit, je vais essayer de dvelopper dune manire
beau-coup plus approfondie que ne lont fait Dreyfus et Rabinow la
caractristique du dispositif quon trouve chez Foucault ainsi que le
niveau danalyse spci-fique (dispositionnelle) quil choisit pour
esquisser les implications impor-tantes dune telle approche. Si on
choisit daccder luvre de Foucault dune manire que lon peut
qualifier de dispositionnelle, on aura la possibi-lit de la lire de
manire originale par rapport la division habituellement ad-
mise entre les phases archologique et gnalogique quon trouve
no-tamment luvre dans linterprtation de Dreyfus et Rabinow. En
choisissant la perspective dispositionnelle pour approcher lanalyse
sociale on aura la pos-sibilit daborder toute une srie dlments
diffrents et bien connus tel que discours, lois, expressions,
institutions, organisations, constitutions et pouvoir.
Un tel expos devrait ainsi satisfaire plus qu un intrt
philolo-gique pour luvre de Foucault, de mme quil devrait parvenir
autre chose que de reprocher Dreyfus et Rabinow leur rejet un peu
rapide du terme.
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46 Symposium: Revue canadienne de philosophie continentale
Nous croyons que lanalyse du dispositif chez Foucault est
primordiale. Il ne sagit pas seulement dune stratgie danalyse
productive quon peut appliquer dans une science sociale. Il sagit
aussi dune possibilit dexaminer ce qui est dterminant pour nous
aujourdhui. Il sagit aussi de donner accs une r-flexion
philosophique essentielle sur la socialit et sa nature
actuelle.
1. La prhistoire du concept: Le dispositif nest pas un nologisme
fortuit chez Foucault, mais au contraire la rinterprtation dun
concept gn-ralement admis en franais.
5 Dans le contexte militaire le mot signifie un en-
semble de moyens et de mesures rangs par rapport un projet ou
aux fins
stratgiques. Cest pourquoi on peut parler dun dispositif de
dfense et dattaque ou dun dispositif de sret et de scurit.
Dans un contexte juridique le mot dispositif signifie la partie
finale
dun jugement qui nonce les consquences juridiques du jugement,
contrai-rement la narratio qui rend compte des circonstances relles
la base du ju-
gement (faits et faits de droit). Un jugement comme dispositif
peut ainsi, la
suite dune condamnation pour ivresse au volant, statuer que
laccus sera d-tenu ou recevra une peine de travail dintrt gnral. Le
terme dispositif peut en droit aussi indiquer la partie
oprationnelle finale dun texte jurisprudentiel ou administratif qui
prcise la pertinence et leffet de ce qui est dcrt, la diffrence du
prambule qui contient lintention et le texte lgislatif lui-mme qui
formule des rgles. Dans le domaine des thories jurisprudentielles
une
disposition ou une dclaration dispositionnelle peuvent indiquer
plus gnra-
lement une expression verbale qui provoque des effets
jurisprudentiels la
suite du contexte de la dclaration, moins quil y ait des raisons
spciales qui lannulent. Par la suite on peut comprendre le nombre
total dactes juridiques et de pices de procdure valables comme des
dispositions en relevant la ma-
nire dont ils interviennent comme directives dans le domaine de
leur champs
dapplication. Les actes juridiques sont des dispositions, cest
pourquoi loi, tes-tament et promesse peuvent tre qualifis de
dispositifs. Il sagit ainsi dune signification trs gnrale qui
comprend toutes les procdures juridiques.
Dans une signification technique et gnralement rpandue du
mot
dispositif, ce dernier indique la manire dont les parties dun
appareillage sont rparties et qui ont pour rsultat que celui-ci
fonctionne dune certaine faon, ou encore la manire dagir dun tel
appareillage, la manire dont il agit sur son entourage.
Cet ventail de significations apparentes a d tre prsent lesprit
de Foucault quand il commence, dans la dernire partie de son uvre
des annes
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Quest-ce quun dispositif? 47
1970, employer le terme non seulement pour indiquer les
relations quil est en train de dcouvrir, mais aussi pour
caractriser une srie de rapports quil avait dj examins. Il emploie
le terme la suite des significations rpandues
en gnralisant le dispositif un terme sous-jacent. Chez Foucault
le dispositif
se rfre ainsi un appareil form dune srie de parties agences
entre elles de telle manire quelles influent sur le champ daction.
Un dispositif indique un arrangement qui a un effet normatif sur
son environnement puisquil y introduit certaines dispositions. Le
dispositif cre une propension certains
types dactes, une tendance ce que certaines choses arrivent. Le
terme a pu tre encore plus prsent lesprit de Foucault parce
quil venait de le penser comme un concept suprieur dans
plusieurs uvres philosophiques trs connues. Comme le titre de
louvrage de Lyotard Des dis-positifs pulsionnels (1973) le montre,
le terme jouait un rle suprieur dans
lconomie libidinale. Non seulement la pens marxiste trs rpandue
est ca-ractrise de dispositif, mais aussi les pratiques
psychanalytiques et di-piennes ainsi que le rductionnisme
reprsentatif quil essaie de vaincre.6 Lalternative recherche, qui
prend son lan notamment partir de lAnti-dipe (1972) de G. Deleuze
et F. Guattari, est aussi caractrise comme tant un dispositif. Dj
dans le renouveau un peu plus ancien du marxisme dve-
lopp par Althusser, le dispositif occupait une place centrale.
Dans luvre de Foucault le terme va jouer un rle encore plus
important.
2. Le devenir de linstitution de larme par la transformation de
la disciplinarisation: Prenons lexemple de lhistoire de larme comme
illus-tration concrte et, selon Foucault, archtypique de ce qui
arrive quand un cer-
tain type de dispositif, la discipline, gagne du terrain. Au
dbut du XVIe sicle,
larme tait en gnral un phnomne provisoire. On formait ou levait
une arme et commenait une campagne quand loccasion se prsentait. De
telles campagnes taient saisonnires et priodiques. Elles se
droulaient en t et se
terminaient souvent avant que les batailles naboutissent dans
une victoire vi-dente pour une des parties. On semblait ainsi
constamment se trouver dans un
tat de guerre qui allait commencer ou finir et dune paix qui
allait tre rom-pue, et on rencontrait toujours une arme qui tait
sur le point dtre renvoye, leve de nouveau et reforme. Larme
sinscrivait dans les conflits communs et actuels. Un espace
militaire fixe et permanent ntait pas encore constitu.7
Quand larme engageait le combat au dbut du XVIe sicle, on
ras-semblait les fantassins en blocs o les plus forts, les plus
intrpides et les plus
prouvs taient placs lextrmit tandis que les plus faibles, les
plus crain-
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48 Symposium: Revue canadienne de philosophie continentale
tifs et les plus incapables taient placs au centre, de faon ce
que ceux-ci
puissent donner du poids et du volume ceux-l. Un tel
positionnement rv-
lait quon traitait les soldats comme une masse uniforme. La
force du corps militaire semblait dpendre de la densit et de la
pesanteur de la masse hu-
maine.8 Lhabilet, le soldat et le mercenaire lobtenaient tout
dabord par la
pratique de leur mtier, cest--dire par leur participation aux
combats fr-quents, o les masses indiffrencies saffrontaient.
Le caractre ouvert, transitoire et relativement indiffrenci de
larme se rvle aussi dans les descriptions contemporaines du bon
soldat. Celui-ci
tait dcrit, au dbut du XVIIe sicle, comme une personne facile
reconnatre
puisquil jouissait dune srie de qualits qui le distinguaient. Le
bon soldat portait dj dans son corps et son allure des signes
vidents de son courage, de
sa vaillance et de sa force.9 Dans lunivers militaire le bon
soldat figurait
comme une nature gnrale et reprsentative que larme devait
considrer comme tablie.
Par contre, dans la dernire moiti du XVIIIe sicle le bon
fantassin ne
figurait plus comme quelquun dont lidentit est prdfinie par
larme, mais comme quelquun que larme fabrique.10 La machine de
guerre effective dont on avait besoin devait tre forme de masse
brute et enrle. Il sagissait dexpulser le comportement rustre en
veillant lpanouissement corporel spontan des restrictions et en le
travaillant en dtail, de sorte quil adopte de nouvelles manires
dagir qui continuaient de simposer puisquelles taient dj prsentes
un nouveau pr-rflchi. Ainsi on essayait de crer un soldat
partir du paysan.
Le glissement fut possible puisque, au cours du XVIIe sicle on
avait
commenc organiser de vastes armes permanentes. En mme temps
le
changement rpondait des nouveaux acquis dans le domaine de la
technolo-
gie de guerre. Lapparition des fusils pierre permettait par
exemple de frap-per plus juste et on pouvait les charger plus vite
que les anciens fusils plomb
ou les anciens fusils mche. Plus tard on construisit aussi des
canons dune plus grande capacit.
11
Ces changements rendaient possible et mme ncessaire que le
soldat
traverse un processus dapprentissage. Pour tre utile il devait
tre capable de charger vite, tirer juste et se placer correctement.
Cet investissement dans le
soldat montrait la valeur de celui-ci. Le fantassin cessa de
figurer comme
simple chair canon et fut plutt une personne avec des qualits
acquises
spciales quil fallait garder et protger pour lui donner
loccasion de pratiquer ce quil avait acquis. Le processus engag
tait ainsi auto renforant.
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Quest-ce quun dispositif? 49
Dans le cadre du dressage de chaque soldat et de sa manire dagir
se dveloppa durant la guerre de Trente ans les premiers lments de
lexercice militaire. Ce qui distinguait celui-ci tait une division
lgard du lieu et du temps des actions corporelles qui devaient tre
ralises dans des units toutes
simples. La division tait lorigine dun apprentissage et dun
perfectionne-ment des fragments dactions dvelopps par une rptition
continuelle. Lanalyse aboutissait enfin une reconstitution de
laction projete quon pou-vait maintenant pratiquer beaucoup plus
vite et avec plus defficacit parce quelle avait t incorpore comme
un automatisme complet. Par lexercice on dressait le corps de
chaque soldat si bien quil adoptait une nature nouvelle et
commenait fonctionner comme une machine pr-rflchie.
En sefforant de profiter des nouvelles conqutes dans le domaine
de la technologie de guerre et en prenant soin du nouvel individu
si mritoire, et
pour profiter le mieux possible de sa valeur de combat en vitant
quelle se perde, on dveloppait la tactique moderne et plus subtile.
La tactique moderne
tait la science militaire qui considrait chaque soldat mobile
comme lunit fondamentale et qui cherchait oprer avec cette unit
dune manire opti-male. La tactique rompait avec lancienne faon de
voir linfanterie comme une masse uniforme. Elle oprait dornavant
avec une gomtrie compose de
segments spars quon pouvait replacer chacun part ou en groupes,
et for-mer des configurations nouvelles de sorte quon puisse
profiter le mieux pos-sible de la force de chaque unit. La tactique
moderne rompait avec la tech-
nique de la masse, qui avait jusqualors guide lart de la guerre,
au profit dune division plus fine de larme en sections quelle
regroupait dans de nou-velles units qui formaient un systme
hirarchique. Dans la tactique, les
troupes armes (hostes) prissaient comme des masses indistinctes
pour res-
susciter comme une arme qui fonctionnait comme une machine sans
friction
compose dun trs grand nombre de parties spares. On dcouvrait et
utilisait le corps comme un physique manipulable
faisant lobjet dun traitement dtaill et spar pour obtenir une
prestation ac-crue qui se dveloppait selon des lignes directrices
nettement dtermines et
fixes davance. Lvolution laissait peu peu ses traces depuis les
automa-tismes rudimentaires de chaque soldat en passant par ses
dispositions gnrales
jusquau dispositif de combat suprieur. Grce cette transformation
larme devenait comme un domaine spcifique dans le social qui tait
dlimit du
reste en vertu du fait quelle possdait son propre ordre interne.
Avec cette transformation larme devient en outre une institution
particulire.
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50 Symposium: Revue canadienne de philosophie continentale
Cette transformation peut tre dcrite comme une
disciplinarisation de
ce domaine limit.12
Au cours de lge classique dj une discipline sintroduisait dans
larme qui devenait toujours plus considrable et qui im-prgnait le
corps de toute larme. La prsentation de larme discipline ou de la
discipline dans larme avait lieu pendant linvention contemporaine
de la parade militaire. La parade tait la prsentation officielle et
idale de la disci-
pline interne de larme.13
3. Un dispositif de discipline de grande envergure: Lexemple de
larme ntait cependant pas exceptionnel. Ainsi, pendant la mme
priode, dautres institutions se formrent qui traversaient des
processus semblables. Une volution parallle se faisait, selon
Foucault, dans la transformation pro-
longe des relations entre matre et lve qui avaient pour
consquence quon passait de lapprentissage artisanal et la charge de
matre de confrences du Moyen ge lcole moderne. Une rvolution
semblable des relations dans le domaine de la production avait pour
rsultat quon passait dun artisanat orga-nis en corporations une
manufacture industrielle.
14
La nouvelle rationalisation, qui commenait de faire son effet
dans les
relations premire vue diffrentes comme la guerre, le lien entre
matre et
lve et les rapports dans la production, constituait un effort
pour discipliner
les relations mentionnes.15
Rtrospectivement on peut dcrire ce mouvement
de rationalisation historique en fonction de ce qui serait son
rsultat, cest--dire dune installation de la discipline dans ces
relations qui changent dorna-vant de caractre.
Si on dcrit lvolution historique comme la formation dun
dispositif de discipline, il sera possible de relever un niveau
gnral o la srie dactions isoles se laissent combiner lune avec
lautre.16 Lexpression dispositif de discipline signifie une
description rcapitulative de la rgularit qui se crait
lentement dans les relations nommes et dans les nouvelles
manires de se
comporter qui taient introduites dans ces relations. La
discipline symbolise
une rationalit qui pntre les secteurs particuliers en les
transformant. Le mot
signifie cependant aussi une affinit dans la manire de se
comporter avec le
monde qui commenait simposer dans ces secteurs. La
disciplinarisation si-gnifie quun niveau stablissait peu peu et
rendait possible, de plus en plus largement, le fait de regarder
les parties (corps) spares (guerre, lien entre
matre et lve, rapports dans la production) comme des parties dun
domaine uni. On peut aussi distinguer un modle qui se retrouve dans
ces institutions
diffrentes et qui les unit dans un arrangement, mme sil faut en
mme temps
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Quest-ce quun dispositif? 51
insister sur la manire dont le modle commun sinflchit dans les
institutions respectives travers chacune de leur ralisation
concrte.
Les traits communs de la manire dont la discipline agit peuvent
tre
prsents comme la technologie modelante de la discipline. Comme
il a t il-
lustr dans lexemple de larme, la disciplinarisation tait capable
de partir dun corps humain considr comme une masse indiffrencie et
en faire lobjet dun examen. Il sagissait dune technologie qui avait
comme domaine daction la matire humaine considre comme une masse
varie et cohrente, quelle soumettait un traitement physique.17
La discipline soccupait dune manire nouvelle et intense des
dtails des parties du corps politique quelle traitait. La
discipline pouvait analyser ou dsarticuler le corps social dans un
certain nombre dunits qui navaient pas t spares auparavant. En mme
temps la discipline travaillait avec soin et
transformait ces units dans une mesure jusque l inoue afin de
former une
technologie du dtail.
Le traitement auquel la discipline soumettait la foule de gens
dabord uniforme partait dune division spatiale.18 La discipline
introduisait un quadril-lage dans lespace qui divisait celui-ci en
de petites units spares. Une tech-nique premire et dcisive
permettait la discipline dtablir des tableaux de distribution
spatiaux et de former ce qui devait tre distribu en le pliant
ceux-ci. De cette manire la discipline tait capable danalyser le
nombre de gens trait dans des lments nettement limits. Ces lments
pouvaient tre
localiss chacun sa place dans le rseau ainsi tabli. Le rseau de
divisions se
laissait, en principe, affiner linfini. La discipline
introduisait une division spatiale dans la masse indiffrencie qui
distribuait celle-ci dans des units
singulires et localisables dont on pouvait caractriser la
particularit.
Grce la rpartition spatiale et la localisation du corps social
le
corps humain caractristique apparaissait. Il se montrait comme
lunit dans laquelle on pouvait diviser la masse humaine, pour
lincorporer dans les es-paces de disciplinarisation. De cette
manire la masse humaine devenait un
phnomne dont on pouvait prendre soin. La discipline tait une
technologie
qui ne traitait plus le corps humain comme un tmoignage sacr de
culture,
mais comme une simple matire premire quon pouvait soumettre un
trai-tement qui le transformait radicalement et qui rformait sa
manire dagir compltement.
En plus du quadrillage de lespace la discipline introduisait une
divi-sion prcise du temps dans des segments spars. Une division
temporelle
compltait aussi peu peu la division spatiale. La discipline
empchait un em-
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52 Symposium: Revue canadienne de philosophie continentale
ploi accidentel de chacun des segments temporels spars en vouant
le temps
un emploi exclusif et uniforme de quelque chose qui tait fix
davance, sou-vent en forme dun exercice rpt. laide de la fixation
externe de lemploi du temps la discipline formait ceux qui taient
objet du traitement, de sorte
quils acquraient certaines qualits au dtriment dautres. En mme
temps quon limitait les activits spontanes des manipuls, on
incorporait ces nou-velles dispositions prrflexives de faon ce que
les gens tendaient toujours
spanouir conformment aux ordonnances de la discipline. Ce
comportement ainsi faonn tait en mme temps lobjet dune scansion
temporelle plus minutieuse. Laction laquelle on avait vou son temps
tait de son ct divise dans un certain nombre dunits fondamentales
qui se succdaient dans un cadre fix davance. On dcernait chaque
unit une certaine dure dans le cadre de laction entire. Ainsi
laction tait analy-se et fixe comme une mthode prcise. Cette
analyse de laction mme qui devait tre faite servait de base
lexercice de laction. Le temps scand de la discipline tait ainsi
intgr dans le corps manipul et dans ses automatismes
acquis et prrflexifs ou dans ses habitudes.
Par son traitement, la discipline dcompose les corps
particuliers qui
apparaissaient comme autre chose et plus quune matire infiniment
manipu-lable. Les corps se prsentaient comme des phnomnes qui, pour
une large
part, taient capables de se subordonner la discipline; mais ils
se distin-
guaient aussi comme des phnomnes qui refusaient ce qui tait
radicalement
incompatible avec eux. Avec cette tnacit et cette inflexibilit
les corps mani-
puls attiraient lattention sur une logique particulire que la
discipline devait respecter. Par le traitement de la discipline, le
corps organique tait dgag
dans le corps manipul qui montrait son propre comportement
naturel. Cette
nouvelle naturalit se montrait dune manire ngative dans la forme
dune r-sistance la discipline, dune disposition limite, mais cette
limite pouvait, la longue, tre cartographie et implique dans le
projet de disciplinarisation
comme un phnomne pouvant donner des lignes suivre la
disciplinarisa-
tion en empchant que cette dernire ne devienne trop
artificielle, cest--dire inadquatement restreignante.
la suite de telles expriences, la discipline adoptait une forme
plus
raffine. Si on cherchait dans les versions prcdentes de la
disciplinarisation
immdiatement prescrire la mthode adquate, on ralisait peu peu
quon arrivait au mme but dune manire plus rationnelle par un petit
dtour. Puisque la disciplinarisation travaillait le corps dune
manire si insistante, on se rendait compte quil y avait une limite
la disciplinarisation absolue qui se
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Quest-ce quun dispositif? 53
heurtait une opposition, mais que le corps avait, par contre,
une facult de se
laisser former graduellement. Peu peu une discipline se formait
qui tait
adapte aux diffrents niveaux dans lesquels se trouvait lobjet
manipul. En mme temps que cette discipline prenait soin que les
disciplins sorientent dans la bonne direction, elle cherchait les
forcer suivre un mouvement o
les routines acquises se soutenaient et se dveloppaient
mutuellement dans un
mouvement accumulant. Au temps scand et segment de la mthode, la
disci-
pline ajoutait peu peu un temps gradu de lapprentissage compos
de par-ties qui se suivaient temporellement et logiquement en
devenant sriel Mais il
tait galement cumulatif puisque les parties entraient dans une
collaboration
les unes avec les autres o elles se renforaient mutuellement un
niveau de
plus en plus haut. Ainsi la discipline tablissait un espace de
temps qui avait le
caractre dune progression toujours gradue quon construisait, il
est vrai, en tenant compte des disciplins, mais qui tait en mme
temps impose ceux-ci
du dehors.
Dans les versions trs raffines et trs gradues on pouvait
organiser
une volution qui se prsentait sous la forme dune acquisition
daptitudes des niveaux toujours grandissants. Une telle gense tait
maintenue comme un
engagement commun qui sadressait chacun dans une forme
diffrencie et adapte. La demande de dveloppement des facults des
aptitudes pouvait
tre maintenue comme une obligation commune dans la diversit.
Par
larrangement de la discipline non seulement apparaissait un
corps quon pou-vait isoler dans lespace quadrill, et qui avait sa
propre manire dagir, mais un corpus se prsentait aussi qui tait
compos des corps qui se distinguaient
les uns des autres en montrant chacun sa logique de dveloppement
particu-
lire.
La discipline rendait chaque corps indpendant pour le soumettre
un
traitement qui maximisait sa prestation dans certains cadres.
Dans la discipline
le corps tait trait comme une puissance quil sagissait de
renforcer et de d-ployer, mais lpanouissement quon devait
simultanment soumettre des restrictions et guider, ainsi que la
capacit maximise de produire des change-
ments, donnaient des rsultats opportuns. Ainsi on parvenait
profiter pleine-
ment des capacits de chacun. La discipline rendait chaque corps
indpendant,
de sorte que la manipulation maximise simultanment sa capacit et
sa docili-
t. La manipulation produisait des corps qui abandonnaient
deux-mmes leur propre individualit.
Larticulation du corps comme une machine tait normative pour la
disciplinarisation. La proccupation visant former le corps
individuel de sorte
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54 Symposium: Revue canadienne de philosophie continentale
quil devienne une puissance univoque tait contrebalance par une
aspiration similaire porte sur la masse humaine dans son ensemble.
La discipline ne trai-
tait pas seulement chaque individu, mais aussi cette masse comme
si elle de-
vait rpondre la ncessit den construire une machine dont la force
et leffet taient maximaux. Le corps individuel, localisable et bien
disciplin devenait
un lment quon devait incorporer et reclasser de la meilleure
faon dans une gomtrie plus large. En rorganisant, de cette manire,
les parties disciplines
entre elles on pouvait rendre la disciplinarisation aussi
tendue, complte et
cohrente que possible. On sefforait de construire un espace
entirement di-vis selon la logique de la disciplinarisation, et on
pouvait chercher organiser
le temps daprs les divisions de la disciplinarisation. La
redistribution jouait un rle principal dans la technologie de la
dis-
ciplinarisation. Les efforts pour coordonner ce quon traitait de
manire for-mer un ensemble compos de forces optimises semblaient,
en fin de compte,
constituer ce qui motivait le traitement auquel la discipline
soumettait les ob-
jets particuliers quelle faisait natre. La discipline semble
ainsi, ds le dbut, avoir divis et travaill lobjet de ces oprations
en vue de le reconstituer. La reconstitution apparaissait comme la
technique vers laquelle les autres tech-
niques taient orientes et qui les runissait. Mais ce qui en tait
la base ctait que la discipline figurait comme un principe
dindividuation distribuant son champ opratoire dans une srie dunits
particulires identifiables.
Lanalyse du dispositif de discipline montre comment nous avons
his-toriquement commenc nous comporter les uns avec les autres dune
manire discipline et diviser les groupes dhommes que nous
rencontrons en indivi-dus particuliers qui doivent tre soumis des
mesures ducatives.
Dans Surveiller et punir, comme dans pratiquement tous ses
ouvrages
dailleurs, Foucault montre comment le dispositif de discipline
dvelopp en un sicle peine (de la fin du XVIII
e sicle jusquau dbut du XIXe sicle) fut
soutenu dans le domaine de lcole, de la manufacture et de larme,
ainsi que dans lvolution belliqueuse de la socit comme dans ses
relations dapprentissage et de production. Mais il cherche aussi
montrer comment le dispositif de discipline devenait un dispositif
dune influence dominante qui commenait envahir le domaine des
changes sociaux. Cest pourquoi on pouvait, commencer regarder la
socit du milieu du XIX
e sicle comme un
tablissement pnitentiaire.19
4. Des esquisses dune typologie de lhistoire du dispositif: En
mme temps quil soutient dans ses sminaires au Collge de France en
1978
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Quest-ce quun dispositif? 55
la ncessit danalyser lhistoire comme un dispositif ou comme une
histoire de la technologie, il montre quune telle histoire moderne
doit dabord soccuper de ce quil caractrise comme trois modalits
diffrentes de dis-positifs: de 3 modes ou archtypes diffrents
quadopte le dispositif.20 Il carac-trise ces 3 types de dispositif
diffrents comme respectivement loi, disci-
pline et dispositifs de scurit.21
Si on comprend la lgislation et son rsultat, la loi, comme des
l-
ments de lhistoire de la technologie sociale, on devra les
regarder comme des mdias qui travaillent le monde qui les entoure.
L o on cherche dfendre la
loi, on effectue une division explicite entre ce qui est dfendu
et ce qui est
permis. La loi est une technologie prescriptive et directe. Elle
prescrit un cer-
tain ordre, certains cadres, pour lentourage et elle dfinit tout
de suite les fran-chissements de ces limites. En soumettant tout ce
qui entre dans son champ
dapplication la distinction binaire entre ce qui est dfendu et
ce qui est per-mis, la loi devient un type de dispositif
particulier qui se montre comme un
mcanisme, comme un diagramme fonctionnel, traitant son entourage
daprs certaines procdures dtermines lavance. Quand on dfend la loi,
on agit sur son entourage en marquant une li-
mite entre ce qui est dsir et ce qui ne lest pas afin dindiquer
au non dsir quil est non dsir. La discipline est au contraire une
technologie prventive laide de laquelle on empche au non dsir
dapparatre avant quil napparaisse. Quand on exerce la discipline,
on soumet son entourage un cer-tain travail et un certain dressage.
La disciplinarisation sengage ainsi dans lexistence et la manire
dagir quotidiennes. On peut alors sattendre ce quelle fonctionne
dune faon conforme ce qui soit dsirable.
Dans un procs de disciplinarisation, on cherche
prventivement
former une certaine manire dtre qui entrane une certaine manire
dagir. Un dispositif de scurit nest au contraire pas prventif en
soi mais une tech-nologie qui rpare. La mise en uvre des
arrangements de scurit ne vise pas distinguer entre le dsir et le
non dsir, et elle ne peut pas non plus faire
disparatre le non dsir; il sagit au contraire dtablir des
prparations qui mettent en tat de traiter ce qui se montrerait. Une
disposition de scurit est
une technologie qui peut former laccidentel et linattendu dune
telle faon quon vite des consquences destructrices. Elle implique
un travail continu; cest prcisment par son aspect continu que le
dispositif de scurit se dis-tingue du simple mcanisme.
On peut regarder la loi, la discipline et les dispositifs de
scurit
comme des technologies parce que ce sont des mdias qui traitent
un monde
-
56 Symposium: Revue canadienne de philosophie continentale
qui les entoure. Ils peuvent galement tre considrs comme des
technologies
sociales parce que, tout en maintenant une distinction entre la
technologie et le
monde extrieur, ils impliquent une certaine organisation de la
vie commune et
les relations entre les hommes.
Daprs une telle typologie de dispositif, on simagine
naturellement lhistoire contemporaine comme une succession de
modalits de dispositifs quoi Foucault prte une attention
particulire dans la sance du 11 janvier
1978. On serait tent de parler dun systme lgal qui a de trs
vieilles ra-cines, mais qui ds le dbut du Moyen ge se fait valoir
en se dtachant des
rapports dans lesquels il tait incrust jusquau XVIIIe sicle. Un
tel systme reposant sur les lois et le droit devait alors cder la
place un systme mo-
derne bas sur linstallation des dispositifs de discipline qui se
met en place pour de bon pendant le XVIII
e sicle et qui demeure effectif jusquau XXe
sicle. Pour nous aujourdhui, un systme contemporain reposant sur
des dispositifs de scurit semble pourtant tre en train de
sorganiser pour rem-placer le systme prcdent. Dans une telle
analyse historique, on caractrise
entirement la vie sociale et lactivit sociale comme un systme
total qui prend un certain type de dispositif comme point de dpart,
en acceptant des
renversements forts ou des ruptures nettes dans lhistoire
lorsquun systme de dispositif en remplace un autre.
Foucault cherche faciliter la comprhension en pensant une
priodi-
cit (ce qui nest pas, soit dit en passant, trs surprenant compar
aux groupe-ments de la science historique ordinaire) et en montrant
comment elle parcourt
toute son uvre. La premire rupture temporelle se laisse
entrevoir entre lAntiquit et le monde chrtien; puis un renversement
fondamental a lieu entre le Moyen ge et la Renaissance; plus tard
un croulement au milieu du
XVIIe sicle qui tablit le classicisme, puis il y a la question
dun renversement
fondamental aux environs de lan 1800 quand le monde moderne
prend nais-sance, marqu entre autres par la Rvolution franaise, et
enfin une rupture est
indique au dbut du XXe sicle.
Une telle description peut servir daide heuristique ceux qui
com-mencent tudier Foucault comme une entre pralable dans une uvre
o il est parfois difficile de sorienter. La priodicit pour elle-mme
est trop simple parce quelle est implicitement marque par une
conception insuffisante de la modalit des dispositifs. Lanalyse
historique devient alors totalisante parce quelle suppose que les
dispositifs sont exclusifs, quils doivent tre remplacs en sexcluant
lun lautre. Pour Foucault cela nest pas le cas.22 Il montre au
-
Quest-ce quun dispositif? 57
contraire comment les diffrentes modalits peuvent exister
ensemble et mme
dpendre lune de lautre :
Dans le systme juridico-lgal [...] le cot disciplinaire tait
loin dtre absent, puisque, [...] lorsquon imposait un chtiment dit
exemplaire ctait bien pr-cisment que lon voulait obtenir un effet
correctif [...]. De mme que [...], lorsque lon punissant trs
svrement le vol domestique dune faon extraor-dinairement svre [...]
il tait vident quon visait l, au fond, un crime qui ntait important
que par sa probabilit, et on peut dire que l aussi il y avait
quelque chose comme un mcanisme de scurit quon avait mis en place.
On pourrait [dire] la mme chose propos du systme disciplinaire.
23
Rtrospectivement, on peut voir que plusieurs dispositifs peuvent
tre implici-
tement co-prsents afin de faire fonctionner la loi. La
publication de la loi et la
dmonstration de ce que pouvait entraner une violation de la loi
avait aussi un
effet ducatif ou difiant, de mme quelle rvlait un mcanisme qui
entrait en fonction dans une situation venir o la loi serait viole.
La publication
avait de cette manire un caractre rassurant. Le maintien de la
loi avait dj
implicitement une influence disciplinaire et une fonction
scuritaire.
Lhistoire des dispositifs dcrit la manire dont les intentions
rudimen-taires se dploient dans un mouvement en principe infini o
elles
sextriorisent les unes dans les autres. Cest lhistoire qui
raconte comment les diffrents aspects de notre existence se
dploient ou se ramifient comme des
formes originales dinteraction dans une ramification multiple et
en principe infinie. Foucault souligne cette ramification multiple
dans un interview avec
Raulet : Raulet: [...] According to Habermas, you provided a
masterly de-
scription of the moment reason bifurcated. This bifurcation was
unique. It happened once. [...] Foucault: [...] I would not speak
about one bifurcation of
reason but more about an endless, multiple bifurcation. [].24 La
ramification des institutions qui dployaient une logique
autofor-
me (larme, la discipline, la loi, etc.) ne doit pas tre
interprte comme un mal. Il ne faut pas croire quil sagit de la
formation des domaines autonomes qui suivent leurs propres
principes intrieurs. La ramification nest pas une s-paration (comme
chez Kant et, aprs lui, Habermas) et lautologique nest pas une
logique de dveloppement. En montrant comment un dispositif agit,
on
tablit une systmatique ouverte qui interagit sur, est influence
par et est d-
tourne par dautres dispositifs. Il ne sagit donc pas dun systme
ferm qui se reproduit lui-mme. Les diffrents dispositifs nexistent
pas lun sans lautre, mais ils interagissent suivant un concours
rciproque et une influence mu-
tuelle.
-
58 Symposium: Revue canadienne de philosophie continentale
5. Le caractre pistmologique, normatif et transformateur du
dispositif: Pour le sens commun une logique simpose pour
expliquer com-ment des individus agissent avec des intentions bien
arrtes, et o ils les pr-
sentent mme parfois ouvertement. Lanalyse dispositionnelle
cherche pour-tant montrer quon peut dcrire une systmatique sur un
autre plan. Les actes isols quon pratique et les buts qui y sont
attachs se croisent avec dautres actes. Il rsulte de cette
interaction que les actes accomplis ne correspondront
jamais tout fait ce quon attendait. Dans linteraction entre les
actes une nouvelle rgularit apparat. Si on regarde les actes isols
par rapport et en interaction avec dautres actes on en limine
certains traits qui paraissent immdiatement essentiels et on en
sou-
ligne dautres qui paraissent moins importants. En observant les
actes comme des vnements sociaux, un nouveau modle apparat. Ce
rapport entre les
actes et leurs buts (explicitement formuls ou non) cest le
dispositif des v-nements. Cest donc sur ce plan-l qu lieu une
sdimentation rudimentaire des relations sociales. Cest prcisment ce
phnomne que Foucault cherche saisir en lappelant un dispositif. Il
souhaite ainsi rendre compte des relations sociales au dbut de leur
formation et les dcrire en termes de dispositifs.
Par dispositif, Foucault comprend dabord le projet dun
arrangement dune matire qui distribue une srie dlments dans une
relation mutuelle qui les met en contact. On peut par exemple
regarder un organisme, un site in-
ternet ou un cyberespace comme une certaine disposition ou un
amnagement
qui met une srie dlments en relation les uns avec les autres. Le
dispositif est ainsi une entit relationnelle qui se distingue
justement en vertu dune rela-tion bien dfinie entre ses parties
isoles. Le dispositif est une organisation, un
arrangement ou un rseau :
Ce que jessaye de reprer sous ce nom [i.e. dispositif] cest
[...] premire-ment, un ensemble rsolument htrogne, comportant des
discours, des insti-
tutions, des amnagements darchitectures, des dcisions
rglementaires, des lois, des mesures administratives, des noncs
scientifiques, des propos philo-
sophiques, morales, philanthropiques, bref: du dit aussi bien
que du non dit,
voil les lments du dispositif. Le dispositif lui-mme, cest le
rseau quon peut tablir entre ces lments.
25
Le dispositif nest pourtant pas seulement un arrangement
statique. Larrangement entre dans un change avec dautres entits
pour devenir ainsi un intermdiaire pour dautres dispositifs. On
peut dcrire un dispositif comme
-
Quest-ce quun dispositif? 59
un systme dchange et de transport entre des instances diffrentes
qui consti-tuent des lments dchange du dispositif.
Le dispositif dessine le mouvement interactif dans lequel il
entre puis-
quun arrangement implique une certaine disposition. Un
arrangement ordonne linteraction des diffrentes parties de la
disposition qui fait en sorte quune certaine manire dagir simpose
et indique certains types de rsultats. Le dis-positif se montre
titre de dispositions aux tendances. Un dispositif est une
coordination et en mme temps un intermdiaire entre diffrents
lments irr-
ductibles qui effectuent des changes entre eux. Larrangement
devient la r-ponse au besoin dune certaine situation historique
comme la solution un en-semble de problmes, comme un canal digestif
qui est capable de faire passer
ce qui est dhabitude difficile digrer. On peut considrer
llaboration dun certain arrangement comme une prise de position sur
une indigestion sociale
o la problmatique et les solutions se dploient au fur et mesure
que le dis-
positif prend forme. Dans son devenir, le dispositif entre dans
un ordre dides plus larges et remplit une fonction suprieure,
cest--dire que, considr r-trospectivement, le dispositif est labor
sous ce que Foucault appelle une
fonction stratgique dominante26
.
Rtrospectivement les vnements sociaux isols paraissent comme
des entits prenant naissance dans le dispositif quelles
contribuent former. Le dispositif se fait valoir comme un niveau
mdial, diagonal et analysable
dans linteraction des actes sociaux. On doit alors analyser les
actes sociaux comme des vnements qui sont destins au dispositif et
y agissent.
Notre aversion immdiate pour de tels modles dexplication tient
entre autres choses ce que, nous navons pas de langage pour
exprimer de tels types danalyses. Dans le vieux grec il y a en
dehors de la voix active et de la voix passive une troisime voix
(medium) qui dsigne des actes avec les-
quels on agit sur soi-mme ou des actes rflchis. Cette troisime
voix ne se
trouve presque plus en langage moderne. Seules la voix active et
la voix pas-
sive subsistent. Si bien que nous avons tendance dcrire le
rapport entre le
dispositif et ses vnements comme un gnitif subjectif ou un
gnitif objectif -
ou bien le dispositif agit ou bien on agit avec le dispositif -
et cest pourquoi nous avons des difficults maintenir
linterdpendance dans le dispositif. Nous avons tendance comprendre
les choses avec clart soit en les prsentant
comme sujet soit comme objet, et nous prouvons des difficults
maintenir le
niveau mdial.
Le dispositif se rfre au rseau des correspondances entre les
vne-
ments isols qui les attachent les uns aux autres. Cela dsigne la
systmatique
-
60 Symposium: Revue canadienne de philosophie continentale
complexe qui se laisse construire dans la dispersion apparente
dactes et dans leur interaction. Il sagit dune constance de
rpartition qui permet de rendre compte non seulement de leur
existence, coexistence et conflit, mais aussi de
leur importance, changement, disparition ou de leur
conscution.
Le dispositif doit forcment se faire valoir en formant des actes
et des
vnements sociaux saisissables. La formation et llimination dun
nouveau dispositif paraissent comme des possibilits de crer de
nouveaux agence-
ments. Cela se manifeste par le fait que des actes et des
vnements sociaux
jusque-l inaperus deviennent possibles et par le fait que de
nouvelles institu-
tions sont cres. Mais le mdia est toujours autre chose et plus
que ces actes
et ces vnements. La sgrgation dun nouveau dispositif marque
ltablissement des convenances sociales.
Si une rationalit dune vidence immdiate se montre pour le sens
commun un niveau o des individus agissent avec certains buts,
alors
lanalyse dispositionnelle cherche montrer quil est galement
possible de dcrire une rationalit un autre niveau. Une telle
rationalit se manifeste
dans la forme dune rgularit ou dune logique qui entrane une
nouvelle ma-nire de se frquenter ou dentrer en relation les uns
avec les autres.27 Lide quune telle rationalit (inhrente aux
relations sociales) ne se laisse vraiment mettre jour quau moment o
on commence soccuper de la gense de cette rationalit ; cest le
point de dpart de lanalyse transforma-tive. Cest seulement de cette
faon quon voit comment la rationalit sest forme progressivement en
rpondant diffrents actes de provocation. Fou-
cault montre dailleurs que sa mention dune rationalit qui se
fait valoir dans certaines formes de relations pratiques prend son
point de dpart dans lusage de la langue franaise et pas dans lide
allemande de la raison28. Si lide al-lemande de la raison
(Vernunft) est plus large en tant quelle contient une ide
emphatique dune bonne vie ou au moins dune vie meilleure, lide
franaise dun bon sens (raison) pourra renfermer une plus grande
diversit. Elle opre avec un seuil plus bas que ce quon peut dcrire
comme rationnel et cest pourquoi elle considre moins de formes de
pratique comme irrationnelles et
indescriptibles.
Une rationalit se montre historiquement comme tant prsente dans
la
manire dont on agit; elle apparat comme une rationalisation dans
la manire
dont on rpond notre contexte historique. Selon Foucault, il nest
pas pos-sible de gnraliser en parlant de la rationalit, puisque la
rationalisation
sincarne toujours dans le domaine des relations. Il labore ce
point propos dune prise de position sur la notion fondamentale du
type idal de Weber.29
-
Quest-ce quun dispositif? 61
Dune certaine manire, le dispositif est une abstraction idale,
puis-quil prend la forme dune rponse au dfi que contient ce qui
sest pass aupa-ravant. Il rpond en prescrivant certains rsultats
sans pouvoir les dterminer
compltement et sans rgner en matre. Mais le dispositif est, dun
autre ct, une ide collectivement produite qui oblige, et qui est
seulement donne
dans la mesure o elle est prsente dans lindividu. Lidal existe
ds le dbut seulement comme une idalit concrte et dj ralise dans les
institutions et
les activits sociales. Bien que le dispositif ne soit pas une
ide souveraine ou
toute puissante, il est comme un ordre dides omniprsent et
invitable. Le dispositif est prsent, non pas comme un facteur
causalement d-
terminant, mais comme un arrangement, qui tablit une srie de
dnouements
de diffrents types de situations. Le dispositif indique une
tendance gnrale.
Le dispositif en est dj capable parce quil est grav dans
lactivit de lacteur immdiat et fait que les initiatives de celui-ci
prennent une certaine orientation.
Le dispositif en est capable parce quil agit dune manire
difiante sur les ractions auxquelles sont exposes de telles
initiatives et, par l, il influence
aussi les ractions que pourraient recevoir pareilles
initiatives. Le dispositif
gagne davantage en concision parce quil tablit non seulement des
disposi-tions immdiates pour lactivit, mais il les supple aussi par
la suite dun m-canisme de slection social qui tablit des
dispositions pour distinguer les acti-
vits qui russiront socialement davec celles qui sont stoppes.
Cette slection sociale assure en plus que seules les activits qui
respectent la logique du dis-
positif prendront de limportance. Le dispositif est un concept
qui marque les probabilits immdiates
pour les activits que vont raliser les acteurs. Il se montre dj
actif dans leur
faon de se conduire. Mais si on veut que ses initiatives
obtiennent un certain
effet social, on devra aussi anticiper lactivit du dispositif.
limage dune srie complexe de dispositions sociales, le dispositif
ntablit assurment pas en soi, ce qui arrive, mais il dtermine ce
qui parat pouvoir se raliser dun point de vue social. Dans son
domaine dactivit, le dispositif indique les ini-tiatives dactivit
qui ont la chance de se faire valoir socialement et par l de-venir
activits sociales au sens propre. Il dtermine aussi les activits
qui reste-
ront sans consquence. En saisissant larrangement rel et actif
des relations sociales qui ont eu lieu, on rend compte, comme je
lai dj esquiss, de la ra-tionalit qui est contenue dans
larrangement. La rationalit mise en vidence a ainsi un statut
limit.
En dcouvrant un dispositif, on dcrit ainsi une rgularit en
dvelop-
pement. On serait tent de dire quavec le dispositif on tablit le
retour ternel,
-
62 Symposium: Revue canadienne de philosophie continentale
non pas de la mme chose, mais dune chose pareille dans un champ
social qui a le caractre dune transformation ternelle. Il sagit
dune rgularit qui se distance toujours de ce qui tait autrefois le
cas.
Dans son analytique du dispositif, Foucault rdige ainsi un
appareil ca-
tgoriel de pouvoir qui se distingue de lappareil mtaphysique de
pouvoir. Il ne sagit pas de savoir qui ou quoi est le sujet ou
lobjet dans la manifestation du pouvoir, et qui ou quoi est lauteur
ou la victime de celle-ci. Il ne sagit pas non plus de localiser un
certain centre de la manifestation du pouvoir, une po-
sition privilgie quon peut chercher attaquer, prendre et garder.
Dans lanalyse du dispositif, on dcouvre au contraire un modle sur
lequel se r-glent les activits et les vnements sociaux qui naissent
par linteraction so-ciale et qui sont la cration de tout le monde
et de personne, une activit de
pouvoir qui nest pas localise puisquelle existe dissmine dans le
domaine social.
On comprend mieux pourquoi la traduction du dispositif par
inter-
pretive analytics, quon trouve dans Beyond Structuralism and
Hermeneu-tics
30 nest pas le meilleur choix lorsquon veut rendre compte du
dispositif et
de son activit. En travaillant avec lide dune interprtation des
pratiques au lieu de voir des pratiques comme des techniques qui
entrent en interaction avec
dautres techniques en crant des dispositifs, Dreyfus et Rabinow
maintiennent lide que lintention de Foucault est une interprtation,
que Foucault cherche interprter la ralit.
Avec lanalyse du dispositif, il nest pourtant pas question dune
inter-prtation de certaines pratiques. Lanalyse se trouve un autre
niveau. Avec une analyse dispositionnelle, il sagit de faire la
cartographie des arrangements qui disposent ces pratiques. Deleuze
en a dj parl dans ses commentaires
propos de Surveiller et punir nomms crivain non: un nouveau
cartographe
de 1975,31
titre qui montre dj quil sagit bien dune cartographie sociale.
Mais une telle cartographie nest pas, comme le dit Deleuze
ailleurs, une calque ou une simple reprsentation du social. Le
dispositif nest pas une in-terprtation, mais un rsultat.
32 Ce nest ni une reprsentation ni une image de
quelque chose mais une construction qui se montre par suite du
fait quon ad-ditionne deux choses. Cette addition ntablit pas un
autre niveau irrductible. Elle tablit des nouvelles lignes de
communication transversales dans et par
rapport celui davant, qui permettent de sorienter vers des buts
prcis. Par l, lanalyse dispositionnelle franchit constamment la
distinction kantienne tradi-tionnelle trs nette entre un niveau o
une ralit (quon na pas reconnue) se fait valoir et un niveau sur
lequel on reconnat et formule ce quon sait dune
-
Quest-ce quun dispositif? 63
telle ralit. Une telle distinction philosophique transcendantale
est, avec le
temps, devenue une dogmatique moderne gnralement reconnue dans
une s-
rie de variations, entre autres dans la distinction que fait
lanalyse du discours entre ce dont nous parlons et le niveau
discursif o ont lieu une rception cra-
tive, une transformation et une nouvelle interprtation. Quon
ajoute quelque chose de nouveau nimplique pourtant pas que nimporte
quelle addition est possible. Dans lanalyse on commence en plein
contexte et on y reste en ajou-tant du nouveau et en y tablissant
des nouvelles lignes de communication.
Seule la cartographie permet une orientation dans le contexte
initial.33
Cest pourquoi lessentiel de lanalyse dispositionnelle devient le
con-texte transversal ou le rapicement des diffrents composants
(discours, lois
et propos, institutions, etc.) sans quon tablisse par l une
hirarchie entre lobjet, le concept et linterprtation. Ceux-ci
deviennent au contraire des m-canismes continus ou des
intermdiaires les uns pour les autres et pour la car-
tographie quils ralisent. On voit donc bien pourquoi la
traduction du mot dispositif par interpretive analytics est
inapproprie pour comprendre le ni-
veau que Foucault cherche appliquer dans son analyse
dispositionnelle : une
interprtation impliquerait une hirarchie de laquelle Foucault
veut se dfaire.
En dpit de cela, Dreyfus et Rabinow arrivaient apparemment
con-
vaincre Foucault lui-mme du fait que le dispositif ntait pas
suffisamment clarifi comme stratgie danalyse; il disparat au moins
de luvre de Fou-cault vers ldition de Beyond Structuralism and
Hermeneutics en 1982 et il nest pas du tout explicitement nomm dans
Lusage des plaisirs et Le souci de soi
34. La question demeure pourtant de savoir si Dreyfus et Rabinow
nont pas
rendu un mauvais service Foucault, puisquavec lanalyse du
dispositif on a un instrument bien sophistiqu qui est capable, la
fois du ct philosophique
et du ct socio-analytique, de montrer une srie de faits
constitutifs de la so-
cialit actuelle. Bien que cette stratgie danalyse reste plus
ouverte - et abso-lument moins articule - que celle quon trouve
dans la thorie des systmes de N. Luhmann, elle permet de comprendre
ce qui est excessively vague, cest--dire quelle rend possible une
analyse sociale qui na pas dtermine lavance des concepts qui
doivent au sens exact du mot reprsenter la ralit quils dcrivent ou
interprtent.
Que Dreyfus et Rabinow aient rendu un mauvais service
Foucault,
Deleuze la indirectement montr dans son article Quest-ce quun
disposi-tif?
35 de 1988 o il soulignait le caractre central de la notion de
dispositif
pour toute luvre de Foucault. Par le prsent article, jai voulu
rendre cette entre mieux praticable, non pas en prtendant que le
dispositif soit la ralit
-
64 Symposium: Revue canadienne de philosophie continentale
fondamentale de luvre de Foucault, mais larticle est au
contraire une addi-tion contigu, un certain greffage sur luvre de
Foucault. Larticle est lui-mme un dispositif et, par l, une ligne
de fuite.
[email protected]
________________________________
1 Hubert L. Dreyfus and Paul Rabinow: Michel Foucault. Beyond
Structuralism and
Hermeneutics (Chicago : Chicago UP, 1982), 120. Louvrage est
traduit en franais
sous le titre Michel Foucault. Un parcours philosophique (Paris:
Gallimard, 1984). 2 Hubert L. Dreyfus et Paul Rabinow, Michel
Foucault. Un parcours philosophique
(Paris : Gallimard, 1984), 178. 3 Dreyfus et Rabinow, 178. 4
Michel Foucault, Scurit, territoire, population (Paris:
Gallimard/Seuil, 2004). 5 Le petit Robert contient un article qui
fait remonter le terme lanne 1314 et d-
nombre trois significations diffrentes. Cet article occupe avec
les articles apparents
(disposition, disposer, disposant, dispos et dispos) les trois
quarts dune page dans le
dictionnaire, tandis que le Trsor de la langue franaise contient
un article encore plus
long consacr au dispositif. 6 Jean-Franois Lyotard, Des
dispositifs pulsionnels (Paris: UG, 1973), 8, 12, 36.
7 Michel Foucault, La scne de la philosophie (1978), dans Dits
et crits III (Paris :
Gallimard, 1994), 581-582. 8 Michel Foucault, Lincorporation de
lhpital dans la technologie moderne (1978)
dans Dits et crits III (Paris : Gallimard, 1994), 515. 9 Michel
Foucault, Surveiller et punir (Paris: Gallimard, 1975), 137.
10 Foucault, Surveiller et punir (Paris : Gallimard, 1975),
137.
11 Michel Foucault, Les mailles du pouvoir (1981), dans Dits et
crits IV (Paris :
Gallimard, 1994), 191. 12
Vous voyez ces phnomnes de disciplinarisation apparatre au XVIe
et XVII
e
sicles, in Michel Foucault, Dits et crits III (Paris: Gallimard,
1994), 375. 13
Le grand-duc Michle, en assistant une parade militaire, aurait
dit avec irritation:
Mais ils respirent en effet! cit in Michel Foucault, La prison
vue par un philo-
sophe franais (1975), Dits et crits II (Paris: Gallimard, 1994),
728. 14
En dcrivant le dveloppement du dispositif de discipline,
Foucault souligne: Je
choisirai les exemples dans les institutions militaires,
mdicales, scolaires et industriel-
les, in Surveiller et punir (Paris : Gallimard, 1975), 143.
15
Michel Foucault, Le pouvoir, une bte magnifique (1977), Dits et
crits III (Pa-
ris : Gallimard, 1994), 368-382.
-
Quest-ce quun dispositif? 65
________________________________
16 La discipline nest pas lexpression dun type idal (celui de
lhomme trs dis-
ciplin) ; elle est la gnralisation et la mise en connexion des
techniques diffrentes
qui elles-mmes ont rpondre des objectifs locaux (apprentissage
scolaire, forma-
tion de troupes capables de manier un fusil)., in Michel
Foucault, Table ronde du 20
mai 1978 (1980), Dits et crits IV (Paris: Gallimard, 1994), 28.
17
propos dun compte rendu des techniques de discipline Foucault
fait observer:
On devrait crire une Physique de la puissance, in Resum des
cours. 1970-1982,
(Paris: Juillard, 1989), 49. Le premier chapitre de Surveiller
et punir permet de consta-
ter que Foucault regarde le livre comme un essai de raliser un
tel programme. 18
La mise en cellule est une technique disciplinaire, in Michel
Foucault, Scurit,
territoire, population. (Paris: Gallimard/Seuil, 2004), 10. La
discipline est un art de
rpartition spatiale des individus, in Michel Foucault,
Lincorporation de lhpital
dans la technologie moderne (1978), Dits et crits III (Paris :
Gallimard, 1994), 515. 19
Michel Foucault, Surveiller et punir (Paris : Gallimard, 1975),
299-315. 20
Pendant la sance du 11 janvier 1978 au Collge de France, in
Michel Foucault, S-
curit, territoire, population. (Paris : Gallimard/Seuil, 2004),
6-7. 21
La taxonomie de dispositif quindique Foucault nest pas complte.
En parcourant
les uvres de Foucault on peut la complter immdiatement par les
formes de disposi-
tifs dinternement et de surveillance. Dans une perspective plus
large, on peut ajouter
les types de dispositifs de droit daccusation et de coutume, de
gouvernementalit et
dconomie. On trouve une galerie plus large de types de
dispositifs et les formes de
normativit attaches ceux-ci dans Sverre Raffnse, Sameksistens
uden common
sense I-III (Kbenhavn: Akademisk Forlag, 2002), III, 372-414 et
dans Sverre
Raffnse, The Problematic of the Current Social Bond , MPP
Working Paper, No 7
(2006) http://ir.lib.cbs.dk/paper/ISBN/8791839203, 27-35. 22
Donc, vous navez pas du tout une srie dans laquelle les lments
vont se succder
les uns aux autres, ceux qui apparaissent faisant disparatre les
prcdents. Il ny a pas
lge du lgal, lge du disciplinaire, lge de la scurit, in Michel
Foucault, Scuri-
t, territoire, population, 10. 23
Michel Foucault, Scurit, territoire, population, 8-9. 24
Michel Foucault, Structuralism and Post-Structuralism. An
Interview with Michel
Foucault, colloque avec G. Raulet (Telos, Vol. 16, No. 55:
1983), 210. 25
Michel Foucault, Entrevue. Le jeu de Michel Foucault (Ornicar,
10: 1977), 63. 26
Michel Foucault, Entrevue. Le jeu de Michel Foucault, 63. 27
La cible, le point dattaque de lanalyse, ctaient non pas des
institutions, non
pas des thories ou une idologie, mais des pratiques [...]
lhypothse tant que
les types de pratiques ne sont pas seulement commandes par
linstitution, prescrits par
lidologie ou guids par les circonstances [...], mais quils ont
jusqu un certain point
-
66 Symposium: Revue canadienne de philosophie continentale
________________________________
leur rgularit propre, [...] leur raison, in Michel Foucault,
Table ronde du 20 mai
1978, Dits et crits IV (Paris : Gallimard, 1994), 22. 28
Michel Foucault, La torture, cest la raison (1977), Dits et
crits III (Paris : Galli-
mard, 1994), 395. 29
Voir Michel Foucault, Table ronde du 20 mai 1978, Dits et crits
IV (Paris : Gal-
limard, 1994), 20 sq. 30
Dreyfus et Rabinow, Michel Foucault. Beyond Structuralism and
Hermeneutics,
121-122. 31
Larticle remani est publi plus tard dans Gilles Deleuze,
Foucault (Paris: Minuit,
1986). 32
Gilles Deleuze et Flix Guattari, Mille plateaux (Paris: Minuit,
1980), 20. 33
Il faut toujours reporter le calque sur la carte, in Deleuze et
Guattari, Mille pla-
teaux, 2, 21. 34
Dans la prface de Lusage des plaisirs Foucault remercie mme
Dreyfus et Rabi-
now parce quils lui avaient permis un travail de reformulation
thorique et mtho-
dique. Voir Michel Foucault, Lusage des plaisirs. Histoire de la
sexualit II (Paris :
Gallimard, 1984), 14. 35 Gilles Deleuze, Qu'est-ce qu'un
dispositif?, in Michel Foucault. Rencontre inter-
nationale, Paris, 9, 10, 11 janvier 1988 (Paris: Le Seuil,
1989), repris dans Deux r-
gimes de fous (Paris: Minuit, 2003), 316-325. Une version non
intgrale a t publie
dans Magazine littraire, No 257, Sept 1988.