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Ouvrage coordonné par Marie-Françoise FAVE-BONNET
en collaboration avec Georges BERTIN
Richard LESCURE Gabriela Ibeth NAVARRO
Evaluer formations et enseignements dans les études
supérieures
Actes du Colloque inter- universitaire organisé par
ADMES Grand-Ouest Angers, 27 et 28 mars 2003
Partenaires L'association ADMES Grand-Ouest. L’Université
d’Angers (service Universitaire d’accompagnement pédagogique et
institut Universitaire professionnalisé en génie des systèmes
industriels (ISTIA) La Ville d’Angers, L’UCO (ISCEA et Maison de
l’initiative) Le campus social angevin (ENSO, IFORIS, IFRAMES).
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Introduction
Présentation de l’ouvrage
Marie-Françoise Fave-Bonnet Ce livre présente une sélection des
communications présentées au colloque « Evaluer formations et
enseignements dans les études supérieures » qui s’est déroulé à
Angers. Ces communications ont été retravaillées, réorganisées afin
d’en faire un ouvrage qui propose de façon cohérente l’état de la
question. Georges Bertin présente, dans le texte qui suit, les
objectifs qui ont poussé les organisateurs a se lancé dans cette
aventure : ouvrir le débat et proposer plusieurs lectures sur
l’évaluation dans le supérieur. Ces regards se veulent divers,
multi référenciés. L’ouvrage s’ouvre donc, dans une première
partie, sur un état des lieux des recherches et des pratiques
d’évaluation en Europe. La deuxième présente une série d’enquêtes
et de réflexions autour des questions de « normes » dans
l’évaluation : le point de vue des universitaires, les enjeux des
jurys, l’évaluation des mémoires, la question de « l’imitation »,
les normes internationales… La troisième partie se centre sur les
questionnaires dans les dispositifs : quelle est leur validité, à
quelle conception de la formation se réfèrent-ils, dans quel type
de dispositifs sont-ils utilisés ?… Enfin la dernière partie aborde
les dispositifs d’accompagnement de l’évaluation. La conclusion
aborde l’actualité et l’avenir : la place de l’évaluation dans le
cadre de la réforme LMD. On trouvera en fin d’ouvrage une
bibliographie générale regroupant tous les ouvrages cités , et la
liste des participants et des auteurs.
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3
Introduction au colloque :
« Evaluer formations et enseignements dans les études
supérieures »
Georges Bertin.
Comme le faisait remarquer Jacques Ardoino, au cours du débat
qu’il avait avec Guy Berger la première matinée de ce colloque,
l’évaluation est souvent victime de son instrumentalisation,
restant plus vécue comme outil de pilotage économique que comme
posture permettant de lire la prise en compte de la complexité
multiréférentielle des situations éducatives. Nous le devons de
fait à notre culture jacobine et centralisatrice mettant les
procédures du contrôle au service d’une autorité que l’on tente de
ne pas laisser échapper dés lors que nous ressuscitons, dans nos
conduites, le savoir des « clercs » et leurs modalités
d’intervention, celles-là même que nos évaluations sont chargées
d’apprécier. Le projet que nous nous étions fixé en organisant ce
colloque n’était pas en effet d’opposer de façon stérile contrôle
et évaluation, mais bien plutôt d’en proposer plusieurs lectures,
en resituant les pratiques constatées dans l’enseignement supérieur
dans une perspective ouverte par leur historicité, comme nous en
prévient Marie Françoise Fave Bonnet, la présidente de ces
rencontres, comme dispositifs et en tant que pôle de recherches en
Sciences de l’Education. Les recherches en Sciences de l’Education
procèdent, on le sait, aujourd’hui le plus souvent de
professionnels en situation et ne sauraient faire l’économie des
approches multiréférentielles ou transversales. Si cela est admis,
le plus souvent comme un allant de soi, il arrive moins souvent que
l’on s’interroge sur les modalités de rendre compte de ces
approches, et singulièrement l’évaluation y fait souvent figure de
parent pauvre. Lorsque les publics formés subissent la récitation
mécanique de connaissances elles-mêmes recopiées des enseignants de
la génération précédente, comme nous l’avons maintes fois constaté
y compris dans certaines universités de l’hexagone, ils sont bien
entendu préparés de fait à un type de reproduction pédagogique,
dans un mimétisme qui ne conserve de l’imagination que son aspect
reproducteur, et ceci produit sur l’ensemble du système éducatif
national les résultats que l’on connaît. Evaluer n’a alors plus
aucun sens si ce n’est que de procurer aux agents un certificat de
conformité, au service de ce que Castoriadis nommait le conformisme
généralisé Mais quand, de plus, les publics à former et c’est le
cas de nos jours de nombre des futurs cadres de la nation, comme
des formateurs et des professionnels de la santé ou de la culture
sont appelés à se coltiner les problèmes sanitaires et sociaux les
plus difficiles sur fond de désocialisation rapide, il est même
étonnant que la chronique ne défraie pas plus souvent les gazettes
de ratés du système tout à fait compréhensibles dans ces conditions
d’impréparation quasi instituée. C’est dans cette confrontation et
à propos des solutions trouvées par les enseignants et leurs
publics confrontés à la crise des significations imaginaires
sociales que l’évaluation pourrait et devrait prendre sa place et
toute sa place en tant que quête des valeurs. Il faut croire, de
fait, que les rituels mis en œuvre (notation, inspection,
soutenance devant jury, démarche qualité, arbres de connaissance,
que sais-je encore, etc.), et leur efficacité
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4
surtout symbolique1 viennent corriger les lacunes d’une
évaluation aux antipodes de ce qu’elle pourrait être. On s’étonnera
pourtant du gâchis produit et de l’incapacité à gérer cette
question au regard des budgets que lui consacre la solidarité
nationale prodiguant appareillages statistiques, corps
professionnels et comités d’évaluation2. D’autre part, et en
contrepoint, alors que les approches académiques mettent l’accent
sur les acquisitions, les connaissances de publics, des sujets, des
systèmes éducatifs ou macro sociaux, nos programmes supérieurs de
formation se tiennent le plus souvent éloignés, même s’ils en
revendiquent hautement la compétence, de la recherche la plus
contemporaine en Sciences de l’Education, laquelle tente plutôt de
relier, dans un schéma acceptable pour les différents partenaires
de l’acte éducatif, les données concrètes recueillies au jour le
jour de leur pratique par les acteurs et les impératifs et
contextes auxquels ils se trouvent confrontés. Nous postulons pour
notre part en outre qu’appliqués à l’évaluation des enseignements
supérieurs, les protocoles proposés ne sauraient faire l’économie
d’une prise en compte des catégories du trajet anthropologique
énoncées par Gilbert Durand3, lequel voit dans toute pratique
symbolique – et l’évaluation en est une ô combien !- la conjonction
jamais achevée, toujours provisoire entre données subjectives et
intimations du milieu. Car l’acte d’évaluation, accomplit bien
cette mystérieuse alchimie qui consiste à jeter ensemble des
données verticales : le recours au parcours des sujets, à leur
imaginaire radical, aux mythes qui viennent les informer de leur
histoire de leurs déterminants personnels ou collectifs
inconscients et les soumissions aux contraintes des réalités
naturelles, sociales, économiques, organisationnelles,
professionnelles structurant le champ de l’acte éducatif que l’on
doit évaluer. C’est singulièrement le cas des publics de
l’enseignement supérieur, lesquels doivent assumer quotidiennement
les incertitudes des lendemains, l’incomplétude de formations
toujours à actualiser, et ce, sauf à assumer ce que Castoriadis
nommait l’irresponsabilité meurtrière en rejetant du même coup
toute possibilité de compréhension des situations rencontrées. On
sait depuis près de cinquante ans que la recherche scientifique de
pointe, du moins celle qui fait comme telle référence, celle des
sciences dures, renvoie le scientifique au mystère de connaître4 et
il faut la myopie de certains praticiens des sciences humaines
encore alignés sur les modèles les plus éculés pour penser encore
que l’homme pourrait sortir de cette contingence propre à toute
quête de sens. C’est pourtant dans ce déni que se fondent
aujourd’hui certaines pratiques de l’évaluation, d’autant plus
perverses, qu’elles fabriquent parfois des cadres ou intervenants
éducatifs, sanitaires, culturels, industriels ou sociaux au rabais,
englués dans des modèles pré construits, là où il faudrait des
inter-venants au sens propre, ce qui suppose une compréhension
dialectique et dialogique des réalités sur lesquelles ils
travaillent5 . Ceci nous entraîne à faire un sort désormais scellé
à des points de vue qui tenteraient encore de traiter le monde
social « comme une chose6 », faisant de l’évaluation des pratiques
une 1 Gomez Jean-François, Le Temps des rites, handicaps et
handicapés, Paris, Desclée de Brouwer, 1999. 2 Ardoino J et Berger
G. D’une évaluation en miettes à une évaluation en actes, le cas
des universités, Paris, Matrice ANDSHA, 1979. 3 Durand Gilbert, Les
structures anthropologiques de l’Imaginaire, Paris, Dunod, 1985,
10ème édition. 4 Magnin Thierry, Entre science et religion, quête
de sens dans le monde présent, Monaco, éd du Rocher, 1998. 5
Ardoino Jacques, Education et Politique, Paris, Anthropos, 2ème
édition, 1999, p.305. 6 C. Bouglé rappelle à ce sujet que lorsque
Durkheim nous invitait à traiter les faits sociaux « comme des
choses », c’était plus pour nous inviter à nous dégager de toute
prénotion que nous ramener aux lois de la matière. Durkheim,
rappelle-t-il, est, contrairement à ce qu’a voulu nous faire croire
une sociologie positiviste,
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5
sorte de mécanique du réel au lieu de tendre à y promouvoir des
veilleurs, des éveilleurs, des accoucheurs de sens dans un
déchiffrage et un décryptage de la réalité qui est, certes, leur
affaire, mais également celle de leurs partenaires, ce à quoi ils
ne sont, la plupart du temps, guère préparés. L’évaluation se
fait-elle alors processus ou procédure ? Tout ce qui structure ce
travail de confrontation collective se situe là. La question
toujours sous jacente de l’objectivité qui formerait l’impératif
catégoriel de toute évaluation est là, derrière, bien présente, et
l’on s’accordera pour penser, avec Thierry Magnin, que le fait d’en
remettre en cause l’intimation terroriste ne détruit nullement le
caractère universel de la démarche scientifique7. Car, d’une part,
aucune théorie donnée ne peut atteindre à la complétude et, de
l’autre, nous savons qu’il n’y a pas de conscience sans histoire ni
d’histoire sans corps, tant l’expérience individuelle est
irréductible et bien réelle. La réalité en ce sens est aussi
l’imaginaire, la conscience naissant par sauts quantiques. On le
voit, l’évaluation échappe pour une grande part au préconstruit,
elle est affaire interactive, et doit échapper aux deux pièges et
de l’autoréférence (nul corps ne saurait être lui-même son propre
évaluateur) et d’une hétéro référence empruntant des modèles quasi
mécaniques à l’illusion scientiste sacralisée. Vaste champ de
réflexion dont ce colloque de trois jours ne peut jeter que des
prémisses.
un de ceux qui ont le plus insisté sur le fait que la société
est un ensemble d’idées et que les croyances collectives en sont le
moteur. In préface à Sociologie et philosophie, 1898, édition
électronique, UQAC, 2002. 7 Ibidem, p. 130.
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6
PREMIERE PARTIE
ÉTAT DES LIEUX DES RECHERCHES, ETAT DES LIEUX DES PRATIQUES.
Marie Françoise Fave-Bonnet8 Nous voulons commencer la réflexion
sur l’évaluation des enseignements et des formations dans
l’enseignement supérieur par faire le point sur ce que la recherche
peut nous apprendre sur cette question, puis présenter un cadre de
réflexion sur les pratiques actuelles, à partir d’une recherche
européenne sur l’évaluation dans les universités. Notons d’abord
que, comparativement aux recherches anglo-saxonnes (par exemple,
KOGAN, 1992), il y a peu de recherches, en France, sur l’évaluation
des enseignements et des formations dans l’enseignement supérieur.
On trouvera dans la bibliographie finale un certain nombre de
références9. Depuis les années 30, il y beaucoup de recherches sur
la docimologie, c’est à dire sur la notation des élèves, mais
quasiment rien sur les étudiants. Sont apparues depuis les années
80 un certain nombre de recherches sur l’évaluation en général qui
peuvent nous aider, comme nous allons le voir, à mieux comprendre
le sens de ce qui est en jeu. Pourtant, depuis le début des années
90, il y a eu beaucoup d’évaluations des enseignements et des
formations dans l’enseignements supérieur. Nous ferons l’historique
de la mise en place des arrêtés qui obligent à l’évaluation des
enseignements et des formations. Les universitaires se posent donc
depuis des années des questions sur leurs pratiques d’évaluation.
C’est l’objet même du colloque à l’origine de ce livre. Dans ces
toutes dernières années, des rapports ont été élaborés (par exemple
DEJEAN J., 2002), preuve que les responsables politiques
s’inquiètent aussi de ces questions. En France, c’est le Comité
National d’Evaluation (CNE) qui a impulsé et généralisé les
pratiques d’évaluation des formations à l’occasion de ses
évaluations d’établissements. Un début de mutualisation des
expériences commence à être fait grâce à l’Agence de mutualisation
des universités…Très récemment, le CNE a publié un référentiel
d’évaluation comme outil d’auto-évaluation pour les établissements
(2003). Essayons de faire le point. 8 Professeur de Sciences de
l’Education, CREF, Université Paris X Nanterre 9 Faite en
collaboration avec Gabriela Navarro.
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7
Etat des lieux des recherches Il est impossible de faire un
relevé exhaustif des publications sur l’évaluation. Mais nous
voudrions présenter ici quelques auteurs, quelques textes et
quelques rapports qui peuvent aider à la réflexion. 1. Recherches
sur l’évaluation en général Les premières recherches, en France,
viennent de la formation des adultes (BARBIER J.-M., 1985, 3ème éd.
1994). Elles se développent ensuite au sein de l’équipe d’Aix
Marseille animée par Jean-Jacques BONNIOL (BONNIOL J-J, VIAL M.
1997). Plusieurs auteurs vont marquer le développement des
réflexions sur l’évaluation : FIGARI G. (1994, 2001), HADJI C.
(1989, 1992, 1997), LECOINTE M. (1997), JORRO A. (2000) par
exemple. Jean-Marie DE KETELE (1993) réalise un article de synthèse
sur les approches paradigmatiques de l’évaluation. Il faut aussi
mentionner un recueil d’instruments d’évaluation (pour le primaire
et le secondaire) coordonné par André DE PERETTI (1980, 6ème éd.
1993) ainsi qu’une encyclopédie (DE PERETTI, BONIFACE, LEGRAND,
1998). On trouvera une liste plus complète dans la bibliographie.
Mais le premier ouvrage consacré à l’évaluation des universités est
celui de Jacques ARDOINO et Guy BERGER en 1989, à partir de leur
expérience au CNE.
2. Rapports sur l’évaluation dans les universités Le premier est
celui de Michel CROZIER (1990), sur L'évaluation des performances
pédagogiques des établissements universitaires. Il faut noter
aussi, un peu plus tard, celui d’Alain LANCELOT (1995) sur
L'évaluation pédagogique des enseignants. Ce n’est que récemment,
avec la création du Haut Conseil de l’Evaluation de l’Ecole, que
deux rapports vont marquer l’intérêt des instances françaises pour
l’évaluation dans les universités : L’évaluation de l’enseignement
dans les universités françaises, réalisé par Jacques DEJEAN (2002),
et l'évaluation des acquis des étudiants dans l'enseignement
universitaire par Marc ROMAINVILLE (2002).
3. Les associations Pour comprendre l’essor de l’intérêt pour
l’évaluation, il faut aussi rappeler les travaux d’un certain
nombre d’associations. A cet égard, l’ADMEE (Association pour le
Développement des Méthodes d’Evaluation en Europe) a été celle qui
a le plus contribué à développer et diffuser les recherches sur
l’évaluation par de nombreux colloques et une revue, Mesures et
évaluation, depuis 1987. On retrouvera quelques références en
bibliographie, dont VIAL (1999). Un CD rom reprend tous les
articles parus, aux auteurs très divers, dont de nombreux collègues
québécois et belges. Plus modestement, l’ADMES, dès les années 90,
posait déjà des questions de pratiques d’évaluation : « faut-il
faire participer les étudiants à l’évaluation de l’enseignement
supérieur » ? (LUSTIN, 1990), ou bien « comment évaluer les
activités pédagogiques des enseignants du supérieur ? »
(FAVE-BONNET,1990).
-
8
L’AEPU (Association des Enseignants Psychologues des
Universités) consacrait un colloque à ce thème, et se demandait
quelle validité avaient les questionnaires d’évaluation des
enseignements par les étudiants (KOP, TOURNOIS, SCHNEIDER, 1998).
4. L’évaluation en Europe Le développement de l’évaluation dans les
universités européennes a contribué à développer, non seulement les
évaluations en France, mais aussi les enquêtes et recherches
comparatives. C’est le cas de la Commission Européenne qui a
financé un projet pilote dès 1994 (European Commission, 1994,
BARBLAN A.,1995) et de la Conférence des Recteurs (VAN VUGHT F.,
WESTERHEIJDEN D., 1997). 5. Le projet EVALUE Le projet EVALUE est
une recherche comparative sur l'évaluation et l'auto-évaluation des
universités en Europe, qui a associé onze équipes de recherchei
dans huit pays (Allemagne, Espagne, Finlande, France, Italie,
Norvège, Portugal, Royaume-Uni) et une quarantaine de chercheurs de
différentes disciplines (sociologie, sciences politiques, sciences
de l’éducation…). Il a été subventionné par la Commission
Européenne (Direction Générale XII, Programme socio-économique
finalisé) et coordonné par Pierre DUBOIS (Laboratoire Travail et
Mobilités, Université Paris X Nanterre).ii Le projet est parti de
plusieurs questions. L'évaluation est-elle une des conditions de
l'amélioration de la performance des universités? Quelle est
l’évaluation la plus performante pour atteindre cet objectif, et
quelles en sont les conditions d'émergence et de diffusion? Il
s’agissait aussi de développer la connaissance des effets de
l'évaluation en Europe. Nous avons travaillé sur l’évaluation de la
recherche, des enseignements, des enseignants, de la relation
formation-emploi, du gouvernement des universités... Le seul
domaine exclu a été l’évaluation des étudiants. La méthodologie a
consisté en un état des lieux du développement de l’évaluation dans
les huit pays, puis en 31 études de cas d’universités, en rapports
thématiques (recherche, enseignement, enseignants, etc.), pour
rédiger le rapport final et les propositions. On trouvera les
détails sur la méthodologie en annexe de cette partie. L’état des
lieux des pratiques que nous allons faire se sert des conclusions
du rapport EVALUE et surtout de son mode d’approche par
questions10. Nous organiserons en effet cette analyse autour des
questions suivantes : - Quel est le contexte de développement de
ces dispositifs d’évaluation (approche historique et
institutionnelle) ? - Quel sont les objectifs (implicites et
explicites) de ces évaluations ? - Quels sont les objets de
l’évaluation ? (personnes ou dispositifs ?) 10 Le rapport
thématique d’EVALUE sur l’évaluation des enseignements et des
formations a été rédigé par Danielle Potocki-Malicet, Içara
Holmesland, Maria Teresa Estrela, Ana Veiga Simao
-
9
- Quelles sont les pratiques d’évaluation mises en oeuvre ? -Qui
agit dans le processus d’évaluation et comment ? (acteurs) - Quels
sont les effets de l’évaluation ?
-
10
Etat des lieux des pratiques 1. Quel est le contexte de
développement de ces dispositifs d’évaluation ? (approche
historique et institutionnelle) 1.1. En Europe Les universités ont
une mission d'enseignement, mais celle-ci s'est diversifiée dans la
période récente ; elles ont non seulement pour mission de diffuser
les connaissances de haut niveau auprès d'étudiants inscrits en
formation initiale, mais, de plus en plus, elles ont aussi la
mission de préparer ces étudiants à l'emploi, d'assurer la
formation continue des salariés tout au long de leur vie. Ces
connaissances sont structurées dans des diplômes; ceux-ci sont à
dominante disciplinaire ou à dominante professionnelle (ils
conjuguent alors souvent plusieurs disciplines). Les tendances
observées en Europe sont celles d'une diversification des
formations enseignées et des diplômes délivrés, d'une importance
croissante accordée aux diplômes professionnels et aux diplômes de
niveau élevé (masters et doctorats), d'une volonté d'augmenter le
nombre de diplômés du supérieur pour mieux assurer le développement
économique et social. La diversification et l'allongement des
études induisent une diversification des publics étudiants du point
de vue de l'âge, du statut salarial, du mode de fréquentation
(étudiants inscrits à l'enseignement à distance, à temps partiel,
en alternance...). Dans la majorité des pays, la puissance publique
exerce un contrôle sur les diplômes, soit en définissant leur
contenu (curricula nationaux), soit en les répartissant sur le
territoire (carte des diplômes), soit en autorisant telle ou telle
université à les organiser et à les délivrer (procédures
d'habilitation), soit enfin évidemment en assurant leur
financement. Ce contrôle traditionnel et a priori constitue une
première forme d'évaluation; pour les enseignements professionnels,
le contrôle est également exercé par des corps professionnels
(procédures d'accréditation). Dans le même temps qu'elles sont
contrôlées par la puissance publique, les universités et leurs
enseignants possèdent, traditionnellement mais aussi de par la loi,
l'autonomie en matière pédagogique. L'évaluation des enseignements
ne peut se comprendre qu'en se référant à ce double contexte de
contrôle externe et d'autonomie pédagogique. Dans les années 90,
l'évaluation des enseignements se développe,11 couvre des aspects
extrêmement divers et prend des formes très variées. L'évaluation
externe, assurée par des organismes nationaux d'évaluation ou par
des organismes coopératifs créés à l'initiative de certaines
universités, revêt deux grandes formes.
11 Marc Romainville parle d’épidémie, de prurit …(1999)
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11
La première compare l'enseignement d'une discipline dans
l'ensemble des universités ou dans un ensemble d'universités; la
seconde couvre tous les enseignements d'une université donnée. Ces
deux formes possèdent un avantage et un inconvénient : - La
première permet un état des lieux comparatif de l'enseignement
d'une discipline au niveau national, permet à chaque université de
repérer ses points forts et ses points faibles mais fait qu'une
université donnée est en permanence engagée dans l'évaluation de
telle ou telle des disciplines qu'elle enseigne. - La seconde
concentre dans le temps les évaluations, facilite la mobilisation
interne, permet plus facilement de lier l'évaluation des
enseignements au fonctionnement de l'organisation; à l'inverse,
elle rend difficile la comparaison de l'enseignement d'une
discipline d'une université à l'autre. L'évaluation externe est
réussie quand elle permet d'engager et de rendre permanents des
processus d'évaluation interne, à la base de changements des
contenus et des méthodes d'enseignement. C'est de cette manière que
l'autonomie pédagogique des universités se manifeste plus ou moins
fortement; elle s'exerce au travers de pratiques innovantes, en
particulier pour ce qui concerne la participation des étudiants à
l'évaluation. Néanmoins, l'évaluation interne des enseignements
s'opère sous tensions : elle est une évaluation d'efficacité,
visant l'amélioration de la qualité des enseignements, des méthodes
pédagogiques, de l'apprentissage étudiant, des succès aux examens,
de l'insertion professionnelle, mais elle est obligée de prendre en
compte les moyens disponibles et par définition limités, de
rationaliser et d'économiser ceux-ci; elle est donc également une
évaluation d'efficience. Il n'est donc pas étonnant que
l'évaluation se heurte à la résistance de certains enseignants, ou
entraîne des frustrations (un seul exemple : l'enseignement en
petits groupes est efficace mais, faute de moyens, n’est développé
systématiquement que dans certains pays). L’évaluation des
enseignements s’inscrit dans un contexte de pressions multiples
pour les universités des différents pays. - pression d’autonomie
pédagogique : dans la plupart des pays les universités doivent
décider de la mise en place et de l’organisation de la délivrance
de diplômes. Même si elles ne disposent pas de la décision finale,
elles ont l’initiative d’impulser la démarche. - pression de la
"masse" : l’augmentation du nombre d’étudiants, puis sa
stabilisation, sans augmentation identique des enseignants et des
moyens, a augmenté la charge des enseignants. - pression de la
"variété" : l’augmentation du nombre de diplômes différents est
synonyme de diversification disciplinaire et de diversification de
niveaux : les diplômes courts, les diplômes de doctorat, les
diplômes professionnalisés se multiplient. La professionnalisation,
par le biais de l’alternance, pénètre l’enseignement supérieur
universitaire. - pression de l’autonomie financière : les
universités doivent faire autant ou mieux avec les mêmes moyens ou
des moyens proportionnellement diminués. Elles ont plus de
responsabilités dans l’utilisation optimale des fonds. Les
préoccupations d’évaluation de
-
12
l’enseignement sont liées aux difficultés économiques des
différents pays, aux redistributions budgétaires. Les universités
s’interrogent ou sont interrogées non seulement sur la qualité de
leur programme éducatif, mais aussi sur leur efficacité. Elles
cherchent des réponses dans des mises en relation entre différents
facteurs : le nombre d’étudiants inscrits, le nombre d’enseignants
et de personnels administratifs, les moyens pédagogiques, les
moyens financiers. Elles se sont intéressées aux résultats de
l’activité d’enseignement et d’apprentissage : abandons en cours
d’étude, redoublements, échecs, réussites aux examens, longueur du
temps d’étude, et insertion professionnelle des diplômés Dans la
plupart des pays, l’évaluation des enseignements a été impulsée par
les organismes centraux, tels que les ministères de l’éducation, et
d’autres organismes officiels : Conférences des Recteurs Européens
12, CNE en France, HEFC au Royaume Uni et HEQC, Conseil de la
recherche et NIFU en Norvège, Conseil d’évaluation de la FUP au
Portugal, Conseil des universités et commission exécutive en
Espagne, Conseil de l’évaluation de l’enseignement supérieur en
Finlande, Observatoire sur l’évaluation en Italie. C’est également
une tendance dans les pays où l’évaluation des enseignements
résulte d’une décision volontaire des universités, comme en Espagne
où le Conseil des universités a adopté le système des appels
d’offre, et en Allemagne où les universités sont libres d’impulser
une évaluation. Les décisions d’évaluation, prises par le ministère
ou par l’organisme central, sont mises en application par des
organismes officiels et les universités deviennent le terrain
d’application de ces décisions. Elles ont suivi le mouvement en
intégrant plus ou moins dans leur politique de développement ces
évaluations externes. Elles ont favorisé en parallèle des
évaluations internes, qui très souvent précèdent les évaluations
externes et leur servent de supports. 1.2. En France En France,
l’évaluation des formations a débutée en formation continue
(BARBIER, 1985) depuis les années 70. Dans les universités, elle
apparaît institutionnellement avec le CNE (Comité National
d’Evaluation, créé en 1985) : il s’agit là des premières
évaluations externes. D’autres événements vont accélérer la mise en
œuvre de l’évaluation interne des formations : - une montée des
effectifs très importante depuis 1989. - la Loi d’orientation de
1989 mettant l’élève « au coeur du système éducatif » (pourquoi pas
à l’Université ?) - En 1990, le Président Mitterand et le ministre
de l’Education Nationale Lionel Jospin mesurent les urgences et les
conséquences des 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat
après le plan Université 2000 Dès 1990, experts du ministère,
organisations étudiantes et CNE sont d’accord sur trois points
:
- nécessité de rééquilibrage (par des quotas) entre 1ers cycles
des universités, BTS, STS et classes préparatoires, - réorientation
en fin de 1er semestre de DEUG,
12 Conseil des Recteurs européens12 (cf annexe 1) en 1994
-
13
- travailler sur la lisibilité, en regroupant les DEUG en six ou
huit grands domaines, et en regroupant les unités d’enseignements
en modules.
En 1991, est mis en route un plan de rénovation des premiers et
seconds cycles dont on commence à connaître les grandes lignes en
octobre 1991:
- rééquilibrage des flux par l’augmentation du nombre de places
en IUT - visibilité (réduction du nombre de diplômes), toilettage
des premier et second cycles - réduction du nombre d’heures de
cours (1er et 2d cycle) - généralisation du tutorat en 1er cycle -
spécialisation progressive au fil des semestres du premier cycle -
stages obligatoires dans les filières professionnalisées
En mars et avril 1992, ont lieu des manifestations étudiantes
contre le projet Jospin : les étudiants craignent l’émergence de
pôles d’excellence et d’universités de relégation, la diminution du
nombre d’heures de cours, etc. En fait, les étudiants manifestent
plus pour s’exprimer sur leur malaise, leurs conditions d’études,
leur solitude, que sur des aspects précis de la rénovation. Et
c’est à l’occasion de la publication des arrêtés par Jack Lang, en
mai-juin 1992, après des mois de discussion, qu’apparaissent les
unités capitalisables, la semestrialisation et l’évaluation des
enseignements : l’arrêté du 26 mai 1992 dans l’article 24 relatif
au DEUG, à la licence et à la maîtrise : « une procédure
d’évaluation des enseignements, faisant notamment appel à
l’appréciation des étudiants, peut être établie par le conseil
d’administration… » À son arrivée en avril 1993, le nouveau
ministre (de droite), François Fillon déclare: « il appartient aux
universités de décider quand elles mettront en place cette
rénovation ». En 1994, la date limite de mise en application des
dispositions des arrêtés de 1992 et de 1993, initialement prévue
pour la rentrée universitaire 1993-1994, est repoussée à la rentrée
universitaire 1996-1997. Cependant, le conseil d’état du 13 mars
1996 a rejeté la demande d’annulation (concernant l’évaluation des
enseignements) posée au titre de l’atteinte au principe
d’indépendance des professeurs. En janvier 1997, la Direction de
l’Évaluation et de la Prospective (DEP) publie pour la première
fois un indicateur de «performance», université par université et
formation par formation. Il concerne le taux d’accès en second
cycle, taux réel et taux simulé. La publication rencontre un large
écho dans la presse. Le Monde titre en première page: «L’éducation
nationale évalue les inégalités entre universités et la réussite
des étudiants. Le taux de succès dans le premier cycle progresse
depuis 1990». Un autre article titre : «les réserves des présidents
d’établissement face à l’évaluation». Les « arrêtés BAYROU », en
septembre 1997, entre autres dispositions, précisent la place de
l’évaluation : - dans l’arrêté général relatif aux premier et
second cycles universitaires, au titre II : « un rapport annuel sur
le fonctionnement de chaque formation est établi par le responsable
de la formation et remis aux instances compétentes de
l’établissement (article 8). - au titre IV : « habilitation et
évaluation », pas de changement pour ce qui concerne l’habilitation
des diplômes nationaux (article 22 et 24). L’article 23 est par
contre totalement nouveau. «Pour chaque cursus, est organisée une
procédure d’évaluation des enseignements
-
14
et de la formation. Cette évaluation, qui prend en compte
l’appréciation des étudiants, se réfère aux objectifs de la
formation et des enseignements ». Cette procédure, garantie par une
instruction ministérielle, a deux objectifs. Elle permet, d’une
part, à chaque enseignant de prendre connaissance de l’appréciation
des étudiants sur les éléments pédagogiques de son enseignement.
Cette partie de l’évaluation est destinée à l’intéressé. La
procédure permet, d’autre part, une évaluation de l’organisation
des études dans la formation concernée, suivie pour chaque
formation par une commission, nommée par le Président de
l’Université et composée d’un nombre égal de représentants élus des
étudiants et d’enseignants-chercheurs. Le texte distingue donc bien
« évaluation des enseignements », destinée à l’enseignant, et «
évaluation des formations », destinée à l’établissement. 2. Quels
sont les objectifs (implicites et explicites) de ces évaluations ?
2. 1. Deux objectifs L’histoire, la culture, le contexte dans les
différents pays déterminent les grands objectifs de l’évaluation de
l’enseignement. Un constat général peut cependant être fait à
partir des études de cas : l’évaluation de l’enseignement répond à
un désir de connaissance de la part de l’université : connaître ses
composantes, ses étudiants... Mais au-delà de la connaissance, deux
objectifs principaux sont énoncés dans les différents pays et dans
les différentes universités, à des niveaux plus ou moins précis :
l’amélioration de la qualité et la réduction des coûts. -
l’amélioration de la qualité. Elle est annoncée comme un objectif à
atteindre et peut aller de la simple expression d’une volonté (dans
les discours, dans l’énoncé d’objectifs...) à la construction
d’indicateurs mesurant cette qualité. Elle intervient dans une
situation où les effectifs étudiants augmentent ou se stabilisent
et les budgets alloués aux établissements se stabilisent. Dans un
contexte d’autonomie accrue et de concurrence entre les
universités, des efforts d’attractivité sont faits par les
universités afin d’offrir aux étudiants un enseignement de qualité
et d’améliorer leurs possibilités de résultats, la qualité de
l’environnement, de la vie étudiante et des diplômes décernés
C’était l’objectif explicite des responsables d’une des universités
de l’enquête EVALUE, l’université Paris XII Créteil 13 en faisant
intervenir l’équipe de socio-analyse de Mendel. - la maîtrise des
coûts. Cet objectif peut être clairement annoncé, à peine évoqué ou
même simplement sous-entendu. Dans un contexte de restrictions
budgétaires, comme par exemple en France avec la réduction des
heures complémentaires, les universités sont de plus en plus
conduites à calculer, à tenir leurs comptes, à restreindre leurs
dépenses, à maîtriser leurs coûts. De plus, l’évaluation des coûts
et des dépenses financières peut répondre à un contrôle de
conformité : les habilitations sont accordées à partir de maquettes
précises, avec des
13 BONNAFOUS S., DIZAMBOURG B., MENDEL G. & MOREAU J.-F.
(1997) : Changement et participation à l’Université, modernisation
administrative: l’exemple de Paris XII, Grenoble, Presses
Universitaires de Grenoble.
-
15
minimums requis d’heures et de moyens, mais également avec des
limites dues aux restrictions budgétaires. Il est alors nécessaire
de se préoccuper des coûts. Si au Royaume-Uni, la culture de
contrôle des dépenses publiques est forte, elle se développe aussi
dans tous les pays, en parallèle à une recherche de qualité. Bien
que n'étant pas des objectifs directs de l'évaluation, la cohésion
de l'équipe enseignante et l'identité du département d'enseignement
peuvent être également visées 2. 2. Trois configurations Même si
l’un des objectifs l’emporte sur l’autre, ils sont présents dans
les différentes universités, distinguées selon les pays et selon
les idéaux-types. - première configuration : les pays où la qualité
et la maîtrise des coûts font partie intégrante de la politique
universitaire. Ils sont dans certains pays, comme le Royaume-Uni,
la Finlande, la Norvège, inscrits dans une politique générale de
l’enseignement supérieur et, en tant que tels, s’imposent à
l’ensemble des universités de ces pays. Coûts et qualité
intéressent l’institution, l’université dans son ensemble dans un
but d’amélioration de l’efficacité et du rendement de
l’enseignement supérieur.
Ils concernent les rapports de l’université avec son
environnement : mieux répondre aux exigences de l’environnement en
déterminant plus précisément les missions de l’université
concernant l’évolution de l’éducation et son avenir, en adaptant la
formation des étudiants et leur intégration au marché du travail,
en impulsant une atmosphère et une culture supportant le
développement de l’enseignement. Au Royaume-Uni, comme en Finlande
ou en Norvège, la référence au coût doit être élargie :
l’évaluation est considérée comme un outil nécessaire pour "rendre
compte de l’usage des fonds publics" (accountability).
- deuxième configuration : les pays où les coûts sont abordés de
façon moins générale, dans certaines universités, et en fonction
d’un critère précis. Par exemple : durée de passage de l’étudiant à
l’université en Allemagne, nombre de redoublements et acquis des
étudiants pendant leur passage à l’université en Italie, nombre
d’échecs en premier cycle en France, mais aussi mise en conformité
(coûts prévus dans les maquettes de formation et coûts réels en
France).
Cette situation concerne surtout les universités généralistes,
préoccupées par le nombre important d’étudiants et par les
difficultés qu’éprouvent ces étudiants dans ces grandes
universités. Les universités se préoccupent de plus en plus de la
rentabilité de leurs "investissements", de leur budget. Elles
essaient de déterminer le coût d’une filière, de l’obtention d’un
diplôme. L’indicateur le plus souvent utilisé est le temps mis par
l’étudiant pour terminer le cursus. La qualité s’entend comme la
qualité de l’apprentissage étudiant : améliorer l’adéquation de la
demande d’études avec la formation antérieure, optimiser la durée
de passage à l’université pour l’obtention d’un niveau ou d’un
diplôme, améliorer la performance des étudiants, leurs
résultats.
- troisième configuration : les pays où les préoccupations de
qualité existent et celles de coûts commencent à émerger (Espagne,
Portugal) pour améliorer la répartition entre les universités et
entre les cours, ou sont orientées vers la recherche de
financements complémentaires.
-
16
Certaines universités recherchent des financements de formations
professionnalisées et répondent aux exigences du marché. Le corps
enseignant fait l’objet d'attention dans ces évaluations :
amélioration de la performance des enseignants, des méthodes
pédagogiques, du développement du curriculum et de la pédagogie
universitaire, promotion des actions de formation et de
perfectionnement des enseignants afin de maintenir ou d’accroître
leur efficacité
Recherche de qualité et maîtrise des coûts ne doivent pas être
considérés comme des objectifs contradictoires : améliorer la
qualité du service de l’enseignement offert aux étudiants n’est pas
incompatible avec un contrôle des dépenses. L’amélioration ne veut
pas dire plus de moyens mais des moyens utilisés autrement, de
manière plus efficace. Un contrôle de l’utilisation des fonds
publics en résulte, notamment dans le souci de justifier des coûts
de formation et d’être un support aux préparations et décisions
budgétaires, d'obtenir des fonds complémentaires. Moins qu’une
efficacité ou une rentabilité, il s’agit pour l’université d’une
prise de conscience morale de l’obligation, non seulement de FAIRE
ses comptes, mais de RENDRE des comptes aux contribuables. Elle
doit faire la preuve qu’elle mérite les financements, en
fournissant une qualité d’enseignement. 3. Quels sont les objets de
l’évaluation ? (personnes ou dispositifs ?) Evaluer l’enseignement,
c’est évaluer deux domaines : - la pratique de l’enseignement ou
"teaching". Cela concerne tous les thèmes relatifs à l’organisation
et aux activités d’enseignement : contenu des cours, méthodes,
ressources, objectifs recherchés, formations offertes à l’étudiant,
nombre de diplômes possibles, diversité des formations, passerelles
pour les étudiants en situation d’échec. Il s’agit d’évaluer le
processus d’enseignement et éventuellement des compétences du corps
enseignant dans sa globalité. Evaluer signifie mieux connaître et
analyser le partage du temps entre les charges d’enseignement,
administratives, entre les différents niveaux d’enseignement,
accroître la coordination entre l’administration et les
enseignants, optimiser l’implantation de nouveaux cours : révision
des programmes, évaluation des systèmes d’évaluation des étudiants,
organisation des enseignements et répartition du temps, cours
théoriques, pratiques, optionnels… Il s’agit enfin de contrôler le
respect des programmes et leur adéquation avec les plans d’études,
de promouvoir les actions de formation et de perfectionnement des
enseignants, d’optimiser les offres d’éducation post-graduate, de
formation continue, de proposer des changements concernant les
structures et les plans d’études, les cours, etc. - la capacité des
étudiants à apprendre et la façon dont l’enseignement est reçu,
l’apprentissage, ou learning. Ce sont tous les thèmes relatifs à
l’étudiant, à son apprentissage, à sa performance : adéquation
entre sa formation antérieure et son choix de filière,
compréhension de ce choix, temps mis pour obtenir le diplôme,
réorientations et progressions.
-
17
Il s’agit également de mesurer les pratiques variées
d’admissions à l’université et les sélections, le contrôle des
acquisitions des étudiants, le suivi des étudiants sur les
programmes de formation proposés. Un autre volet d’évaluation
comprend les guides d'information destinés aux étudiants, les aides
(documentation, bibliothèques...), les conditions de vie. Enfin,
sont abordés le placement des étudiants, les contacts nationaux ou
internationaux avec d’autres institutions (échanges enseignants et
étudiants). Toutes les universités abordent ces deux thèmes mais à
des degrés différents. Dans certains pays, la première catégorie
est la plus importante; dans d’autres, l'insistance mise sur la
performance peut aboutir à l’évaluation du coût d’un cours, d’une
filière, d’un diplôme. Ces deux objets (enseigner et apprendre)
peuvent être évalués - dans le cadre de l’ensemble de
l’enseignement supérieur, toutes disciplines confondues, - dans une
université pour la totalité de ses disciplines, - dans une faculté
ou un département, - dans l’ensemble d’une discipline dans un pays,
- pour un niveau précis du cycle universitaire. On peut alors
caractériser les pays selon leur pratique en la matière : - premier
groupe : il comprend les pays dans lesquels l’évaluation concerne
une discipline dans tous les établissements (Portugal, Royaume-Uni,
Nord de l’Allemagne, Finlande, Norvège) L’évaluation est
périodique, régulière. La priorité est accordée à la discipline,
élément fédérateur par excellence des motivations et des
compétences des enseignants, des chercheurs. Le choix d’une
évaluation disciplinaire répond à un besoin de comparaison et de
positionnement de la discipline dans une université, dans un pays,
par rapport à des standards nationaux ou internationaux, sauf au
Royaume-Uni où les critères sont propres à chaque discipline, dans
chaque université. L’évaluation de l’enseignement d’une discipline
dans une université ou dans un groupe d’universités permet aux
enseignants concernés de se positionner vis à vis des autres
enseignants de la même discipline, telle qu’elle est enseignée
ailleurs. De même, elle permet des comparaisons
interdisciplinaires. Si cette pratique d’évaluation est
intéressante, elle n’est pas toujours satisfaisante car elle ne
permet pas un positionnement à l’intérieur de l’institution. On
peut souligner ici la difficulté de construire une identité de
l’université quand l’évaluation est effectuée discipline par
discipline et non sur un établissement complet. - deuxième groupe
de pays : l’évaluation qui y est réalisée concerne, en règle
générale, plusieurs disciplines dans quelques établissements
(France, Espagne, Allemagne). L’importance est accordée à
l’université considérée comme le lieu de rassemblement des
compétences des enseignants, des chercheurs, des administratifs et
des étudiants. En France, dès 1989, le développement de la
politique contractuelle, entre l’Etat et l’Université, met en avant
les établissements et limite le rôle, jusque là, très fort des
disciplines. L’évaluation de l’établissement est réalisée dans le
cadre d’un contrôle de son activité. Il est nécessaire de savoir si
elle remplit bien les conditions prévues par les arrêtés nationaux,
si elle utilise correctement les moyens fournis, si elle remplit
ses missions.
-
18
Cette évaluation peut avoir pour conséquence un renforcement des
liens entre les composantes, dans un effort commun d’information,
de meilleure connaissance les unes des autres. Les notions
d’identité et d’identification sont valorisées. Le poids de
l’université en tant qu'établissement est privilégié. En France,
l’évaluation des enseignements se fait essentiellement dans le
cadre des habilitations des diplômes. Les universités déposent des
demandes d’habilitations auprès du ministère : il s'agit d'obtenir
un label (droit à délivrer un diplôme dit "national"). La stratégie
suivie pour ces habilitations est définie par l’université
elle-même, puis est reprise par le Président dans son rapport
d’auto-évaluation. Les critères d’habilitation ne sont pas toujours
bien clairs et connus des universités, mais les critères les plus
apparents concernent les taux de réussite, le développement des
programmes d’études, les contenus et l’infrastructure de
l’enseignement dispensé, le taux d'encadrement en enseignants,
l’organisation pédagogique dans l’ensemble, les services aux
étudiants, les relations internationales, la participation à des
programmes internationaux. La mise en place du LMD et la circulaire
du 22 novembre 2002 consacre définitivement le lien entre contrats
quadriennaux et habilitations ; celles-ci sont de plus en plus
tournées vers les préoccupations régionales et l’attractivité vis à
vis des étudiants. Une seconde forme d’évaluation, en France, est
celle réalisée par le CNE. Elle porte sur les forces et les
faiblesses de l’institution et comporte une appréciation de la
politique menée au regard des contraintes existantes et des
objectifs visés dans le cadre des missions de service public. Elle
analyse l’ensemble des activités et des moyens mis en oeuvre dans
le cadre de la politique scientifique et pédagogique, la gestion
des services, le cadre de vie sur le campus, l’accueil et le suivi
des étudiants, l’insertion locale et le rayonnement national et
international. Le CNE a également mené quelques évaluations de
disciplines. - un troisième modèle : le cas particulier de
l’Italie. L'Italie ne réalise pas des évaluations disciplinaires,
c’est-à-dire concernant des secteurs disciplinaires complexes, des
évaluations des coûts relatifs à chaque filière de formation, des
évaluations du partenariat et de la coopération avec d’autres
établissements nationaux ou étrangers. Des Unités Internes
d’Evaluation sont conçues comme des services de contrôle de la
réalisation des principales missions des universités. Il s’agit là
d’une évaluation purement interne qui porte surtout sur
l’apprentissage, considéré comme important car il est plus efficace
pour de réelles transformations. Le contrôle porte moins sur le
professeur (clarté, présence régulière, disponibilité), que sur ce
que l’étudiant obtient pendant son passage à l’université et le
temps qu’il met pour l’obtenir. 4. Quelles sont les pratiques
d’évaluation mises en oeuvre ? L’évaluation externe ou interne se
réalise à partir de collecte d’informations. Elle fait appel à des
méthodes quantitatives et qualitatives : analyse de documents,
entretiens, observations, réunions, assistances d’experts, recours
à des bases de données, enquêtes par questionnaires à réponses
fermées ou ouvertes Cette collecte d’informations est réalisée
auprès des enseignants, des personnels non enseignants, des chefs
d’établissement, des responsables de l’université, des facultés ou
des
-
19
départements, des responsables des formations ou du diplôme, des
employeurs, éventuellement des étudiants actuels ou anciens. Elle
est menée par des comités, commissions, cellules internes aux
établissements évalués, dirigeants des établissements,
administratifs, enseignants et/ou étudiants. La difficulté la plus
souvent signalée est la construction et l’administration des
questionnaires auprès des étudiants. La pratique des questionnaires
est surtout développée dans les universités à forte composante de
sciences, dans les filières professionnalisées ou de formation
continue. Ceci peut s’expliquer par le contact étroit qui existe
entre les entreprises et ces filières de formations ou ces
universités. Une certaine habitude d’être jugées, notamment par
l’extérieur, permet d’intégrer le jugement des étudiants. Deux
pratiques d’évaluation de l’enseignement semblent pouvoir être
recommandées : - l’appel à des experts ou des professionnels
extérieurs à l’établissement, parfois même à la discipline. En
effet, l’extériorité semble être source de jugement objectif qui
peut être mieux perçu par les évalués. - le développement de la
participation des étudiants aux différentes étapes du processus
d’évaluation. Les établissements doivent prendre conscience que
l’étudiant est un acteur à part entière et qu’il peut émettre un
avis sur l’éducation qu’il reçoit. 5. Qui agit dans le processus
d’évaluation ? (experts et acteurs) 5.1. Les experts L’évaluation
mobilise divers types d’experts : experts- décideurs (personnalités
reconnues et nommées par le ministère), experts professionnels
employés à titre permanent, experts occasionnels, conseillers
d’universités, experts des unités internes d’évaluation ou de
commissions. Les critères de désignation des experts extérieurs
sont la compétence et l'objectivité; mais ils ne reçoivent
généralement peu ou pas de formation spécifique. Leur légitimité
peut émaner de la base légale de la procédure d’évaluation, de la
position institutionnelle de l’autorité qui les a nommés, de leur
réputation scientifique ou de leur position institutionnelle
elle-même, ou de leur mode d’intervention et de la relation de
confiance qu’ils parviennent à établir. Peut se poser le problème
de leur responsabilité (ils ne sont pas forcément engagés par les
résultats de leur expertise…). 5.2. Les acteurs Parmi les acteurs
de l’évaluation de l’enseignement, on peut déterminer quatre
catégories : les professionnels, les pairs, les étudiants et les
instances universitaires. - les milieux professionnels. Ils
interviennent essentiellement pour accréditer les cours, pour
confirmer ou infirmer la qualité des cours, pour être garants de la
qualité : ordre des ingénieurs pour accréditation (Portugal,
France…), professionnels (au Royaume-Uni, leur
-
20
accréditation est plus recherchée que l’évaluation réussie de
HEFC…), conseillers dans les programmes ou membres de jury dans les
examens (France). L’accréditation par des professionnels donne de
l’importance et du poids à la filière, à l’expérience
d’apprentissage de l’étudiant, tant sur le plan pratique que
théorique; elle renforce la confiance des usagers. - les pairs sont
considérés comme des experts qui se prononcent sur la qualité de
l’enseignement : experts étrangers qui observent pendant les cours
pour mieux procéder à l’évaluation de l’enseignement et qui se
prononcent sur la qualité des cours (Finlande), présence d’une
personne extérieure dans les jurys d'examens (Norvège), commissions
d’évaluation externe qui font appel à des experts (Espagne,
Portugal). - les instances de l’université. Pour l’évaluation
interne, les acteurs principaux sont les responsables d’université,
de faculté, de département, les enseignants et parfois les
étudiants, ainsi que les conseils dans lesquels ils sont
représentés. Leur rôle principal est de rechercher l’information et
de constituer des dossiers d’auto-évaluation qui serviront à
l’évaluation externe. Ils peuvent être également amenés à analyser
les situations et les rapports d’évaluation tant externes
qu’internes, à émettre des remarques, éventuellement à mettre en
pratique les résultats des évaluations. - les étudiants.
Parallèlement, on constate que les universités font des efforts
pour faire participer les étudiants à l’évaluation des
enseignements, y compris à l’évaluation externe. Cette
participation se situe entre deux extrêmes : - soit la
participation est « naturelle » et fait partie des us et coutumes,
elle est habituelle ; - soit elle est inscrite dans les textes afin
de la rendre plus effective. Il s’agit de recueillir les opinions
des étudiants sur le déroulement des cours et le comportement des
enseignants pendant les cours, sur l’organisation générale de la
filière, sur les moyens mis à disposition, sur les aides
disponibles ou souhaitées. Les étudiants sont des acteurs de
l’évaluation des enseignements dans différents pays, - soit à la
demande des universités (Espagne), - soit par leur intégration dans
les commissions (Finlande et Norvège) ou dans les conseils
(France), -soit de leurs propres initiatives par le biais
d’organisations étudiantes (Allemagne) - ou en collaboration avec
les enseignants (Allemagne, Norvège, Royaume-Uni). Au Portugal, ils
font partie du Conseil d’Evaluation, ils peuvent être intégrés dans
les commissions internes et ils sont toujours consultés par les
commissions internes et externes. Au Royaume-Uni, ils interviennent
à part entière dans les procédures d’assurance qualité, de même
qu’en Finlande, Norvège et Allemagne. Dans tous les cas, ces
évaluations ne sont pas considérées comme une forme de contrôle de
l’administration centrale, mais comme un moyen de feed-back aux
enseignants et une stimulation à la communication entre enseignants
et étudiants. 6. Quels sont les effets de l’évaluation ? Le degré
de participation interne au processus d’évaluation conditionne
l’acceptation des résultats, les actions ou les décisions
consécutives à l’évaluation, les processus d’apprentissage à long
terme. Il est très variable.
-
21
Le lancement d’un processus d’évaluation fait souvent naître des
attentes : de ce fait, l’expérience de l’évaluation peut être
démotivante pour les participants si le processus ne débouche sur
aucune décision, aucun changement perceptible, ou si les décisions
prises ne sont pas en rapport avec cette expérience.
Certaines personnes interrogées affirment que les évaluations
peuvent accroître le niveau de frustration car les améliorations à
mettre en place dépendent de ressources financières qui ne sont pas
disponibles. De plus, les évaluations entraînent une surcharge de
travail, donc un accroissement des coûts, qui découle de la
recherche des informations pour les évaluations internes
(Royaume-Uni, Norvège, Portugal) et pour les évaluations externes,
lorsqu’il est fait appel aux personnels de l’université, de la
faculté, du département. Il existe alors un risque d’installation
de routines, de lassitude dans les évaluations, du fait que les
universités, leurs personnels, les étudiants sont amenés à remplir
beaucoup de questionnaires, à fournir beaucoup d’informations
(Finlande, Italie, Norvège).
Si le lien entre l’évaluation et la décision est perçu comme une
menace, le niveau de confiance des acteurs est très faible. La
qualité de la participation est également très différente selon que
la décision est perçue comme une décision ouverte et fonction des
résultats de l’évaluation, ou que l’évaluation apparaît comme une
opération destinée à légitimer des décisions déjà arrêtées. Le
cloisonnement de l'évaluation par secteurs d’activité est l’un des
traits les plus frappants des pratiques d’évaluation. Il est
profondément ancré dans la séparation entre les activités
d’enseignement, de recherche, d’administration, séparation qui
correspond à la division entre champs disciplinaires, à la
diversité des statuts professionnels, des intérêts, des organismes
d'évaluation, ainsi qu’à la répartition des domaines de compétence
entre les ministères. Les implications de cette approche
sectorielle sont la surcharge de travail, l’impossibilité de relier
l’évaluation à une stratégie cohérente au niveau de l’université,
l’impossibilité d’engager des processus d’apprentissage, et pire
l'apparition de phénomènes d’adaptation opportuniste. Pour ces
raisons, la question de l’intégration des diverses procédures et
champs d’évaluation est une question-clé. Elle devrait pouvoir
intervenir dès les premières phases du processus d’évaluation. Elle
n’est possible que si elle est pilotée à un niveau relativement
décentralisé La diffusion des résultats des évaluations constitue
une source de difficultés majeures. Lorsqu’il s’agit d’initiatives
gouvernementales, la publication des résultats est favorisée là où
il n’existe pas de liens entre l’évaluation et les décisions de
financement. Dans les évaluations de type autonome, la diffusion
des résultats est généralement restreinte à quelques cercles
internes, et la décision est laissée à la discrétion de l’évalué.
Dans les procédures contractuelles, la diffusion est fortement
limitée, parce que les résultats des évaluations sont considérés
comme stratégiques, parce que les universités sont en concurrence
pour les ressources, mais aussi parce que les directions des
universités craignent d’avoir les mains liées par les résultats des
évaluations vis-à-vis de leurs propres facultés ou
départements.
Les acteurs déplorent souvent le manque d’utilisation des
résultats, notamment les évaluations par les étudiants (Italie,
France, Allemagne, Norvège), surtout dans le cas
-
22
d’absence de liens entre des résultats négatifs lors des
évaluations et les prises de décisions. De même, les résultats
positifs peuvent n’entraîner aucune modification particulière dans
l’enseignement. On constate parallèlement que peu d’indications
sont fournies quant à l’utilisation et à la destination des
informations contenues dans les évaluations. Parfois seuls ceux qui
sont directement impliqués dans le processus sont informés et
peuvent éventuellement formuler une opinion (Portugal). Il existe
donc un manque d’intérêt face aux évaluations en l’absence
d’utilisation des résultats et de décision.
Les effets d’apprentissage individuel et collectif peuvent être
décrits en termes d’amélioration de la performance, d’une meilleure
information sur les problèmes de l’université et sur son
environnement, d’une capacité accrue à communiquer, à débattre, à
négocier, à faire le diagnostic d’une situation. Le caractère
cumulatif de la connaissance et de la mémorisation est un aspect
important du processus. L'apprentissage peut être freiné par
l’existence d’un lien étroit entre évaluation et décision, si cette
dernière est perçue par les participants comme une menace de
sanctions. Paradoxalement, il peut également être freiné par
l’absence de lien entre l’évaluation et la décision. Les
configurations hybrides paraissent pouvoir offrir un cadre plus
favorable. Par ailleurs, en ce qui concerne les évaluations faites
par les étudiants, les résistances des enseignants sont liées au
fait qu’un étudiant ne peut porter de jugement sur un cours
puisqu’il ne le connaît pas, qu’il ne peut le comparer avec
d’autres. Ces évaluations ne montrent que le degré de satisfaction
des étudiants vis-à-vis des professeurs, elles ne correspondent
donc pas à de vraies évaluations de l’enseignement. Il faut
également souligner le peu d’importance accordée par les
enseignants aux résultats des enquêtes réalisés par les étudiants.
Parallèlement, certains étudiants ont affirmé avoir remarqué des
effets pervers tels que des représailles de la part de quelques
professeurs mal évalués (Université du Pays Basque, Université de
Udine). Dans certaines universités, on remarque également un manque
d’intérêt des étudiants à participer à l’évaluation. Les réticences
à l’évaluation de l’enseignement restent donc nombreuses et
entraînent un désintérêt tant de la part des enseignants que des
étudiants. Un aspect est peu abordé : le coût de l’évaluation
elle-même, c’est-à-dire combien coûte une évaluation de
l’enseignement en temps, en moyens, en personnels…
-
23
Conclusion Le panorama des pratiques d’évaluation des
enseignements que nous venons de parcourir montre la complexité du
système. Les grilles d’analyse en sont plus difficiles à
stabiliser. L’état des lieux des recherches sur l’évaluation permet
des avancées conceptuelles, mais nous avons vu que l’évaluation des
enseignements à l’université ne peut être analysée comme
l’évaluation dans l’enseignement primaire ou secondaire.
L’autonomie et la liberté pédagogique qui caractérisent les
universités, ainsi que l’histoire et la situation institutionnelle
selon les pays, entraînent une extrême variété de situations. Pour
aller au-delà des modèles classiques de l’évaluation sommative et
formative, le projet EVALUE, comme nous l’avons vu, a proposé un
modèle spécifique pour les universités : une évaluation pluraliste,
dynamique et contextualisée. En conclusion, le projet proposait un
tableau des traits spécifiques de ce « modèle » : Objectifs de
l'évaluation - elle a pour objectif d'engager l'université dans un
processus
de transformations structurelles, organisationnelles,
gestionnaires et culturelles - ces transformations visent à
améliorer la qualité des activités de l'université, et plus
globalement sa performance au regard de ses différentes missions,
aux valeurs du service public, à la déontologie des corps
professionnels
Objets de l'évaluation - elle est extensive, c'est-à-dire
qu'elle doit couvrir toutes les
activités de l'université, ses ressources, ses résultats - elle
doit intégrer les évaluations sectorielles et cloisonnées
(évaluation des enseignements d'un côté, évaluation de la recherche
de l'autre)
Références de l'évaluation - elle est contextualisée. Elle
compare l'université à elle-même,
c'est-à-dire à une période de référence : qu'est-ce qui a changé
depuis telle date (points qui ont été améliorés, qui n'ont pas
changé, qui se sont détériorés)? - elle repère les points forts et
les points faibles de l'université, les opportunités, les menaces…
- elle décrit et explique ces transformations : responsabilité
totale ou partielle de l'université ?
Décision d'évaluation - elle est décidée par l'université, et/ou
par plusieurs universités
d'une même région ou de profil identique (appartenant à un ou
plusieurs pays).
Acteurs internes de l'évaluation
- elle est d'abord une évaluation interne car elle doit être
participative
-
24
- elle doit faire l'objet d'une large acceptation de tous les
membres de la communauté universitaire - elle doit associer
directement les membres concernés par l'objet de l'évaluation et/ou
ceux qui possèdent une bonne connaissance de l'objet évalué - elle
doit opérer une division du travail d'évaluation équitable entre
personnels enseignants et personnels non-enseignants
- en ce sens également, elle est contradictoire : elle doit
laisser s'exprimer les divergences d'intérêts, d'opinions, de
représentations
Acteurs externes de l'évaluation
- elle est aussi et doit être aussi une évaluation externe -
elle doit mobiliser des experts externes : leur indépendance est
une condition de la validité, de la scientificité de leurs
observations et de leurs recommandations - elle doit mobiliser des
experts externes variés, nationaux et internationaux,
scientifiques, managers et professionnels du monde économique,
culturel et social - elle doit s'appuyer sur les dispositifs, les
grilles d'analyse mis au point par les organismes nationaux et
internationaux d'évaluation ou de concertation (Conférence
Européenne des Recteurs)
Méthodes d'évaluation - elle doit conjuguer méthodes
quantitatives (statistiques de
contextes, d'activités, de ressources, de processus, de
résultats) et méthodes qualitatives (analyse de documents,
entretiens, réunions...) - elle doit mobiliser un système
d'information pertinent et performant : statistiques en nombre
limité, suivies dans le temps, acceptées par le plus grand nombre
et compréhensibles - elle doit maîtriser le calendrier des
évaluations sectorielles de telle manière que ne se produise pas
une fatigue de l'évaluation due à des surcharges de travail; elle
doit maîtriser les étapes de l'évaluation de telle manière que ses
résultats soient connus dans les meilleurs délais
Diffusion des résultats de l'évaluation
- les résultats sont diffusés et discutés en interne : tous les
participants à l’évaluation sont les premiers destinataires de ces
résultats (l’évaluation est participative). Il s'agit de conforter
les effets formatif et culturel de l'évaluation par l'organisation
de débats internes sur les valeurs les plus controversées
véhiculées par l'évaluation, pour élargir progressivement le
consensus interne à l'université et pour parvenir à une plus grande
identité d'établissement - les résultats sont communiqués aux
partenaires de l'université- les expériences les plus performantes
(expériences innovantes, "bonnes pratiques") sont diffusées en
externe
-
25
Effets et institutionnalisation de l'évaluation
- elle est participative en ce sens qu’elle associe les
participants et les destinataires de l’évaluation aux
transformations à décider - elle doit engager l'université dans un
processus continu, progressif, systématique et constamment amélioré
d'évaluations, chaque évaluation devant rester toutefois comparable
dans une large mesure à une évaluation précédente (nécessité de
tableaux de bord) - ses recommandations et les actions décidées à
partir de celles-ci doivent faire l'objet d'un suivi interne et
externe - la création d'une unité interne d'évaluation (cellule
statistique, système d'information, commission de suivi des actions
décidées...) est, sous certaines conditions, une "bonne pratique".
Il s'agit également de doter celle-ci de moyens et d'assurer la
formation des professionnels qui en sont membres - l'évaluation
doit diffuser une culture "économique" pour que ses avantages
économiques soient clairement identifiés et soient supérieurs aux
coûts financiers qu'elle engendre.
-
26
Annexe : Présentation du projet EVALUE Le projet est parti de
plusieurs questions. L'évaluation est-elle une des conditions de
l'amélioration de la performance des universités? Quelle évaluation
est la plus performante pour atteindre cet objectif, et quelles en
sont les conditions d'émergence et de diffusion? Il s’agissait
aussi de développer la connaissance des effets de l'évaluation en
Europe. L’équipe a travaillé sur l’évaluation de la recherche, des
enseignements, des enseignants, de la relation formation-emploi, du
gouvernement des universités... Le seul domaine exclu a été
l’évaluation des étudiants. Pour répondre à ces questions, les
méthodologies suivantes ont été utilisées : 1. Chaque équipe
nationale a réalisé en début et en fin de recherche, un "état des
lieux" des évolutions de l'enseignement supérieur depuis dix ans et
des différents organismes nationaux d'évaluation pour comprendre
les contextes du développement de l'évaluation. Ils ont été
réalisés à partir de l'analyse des textes législatifs, d'une
importante bibliographie, des sources statistiques; d’entretiens
auprès de personnalités appartenant aux organismes
d'évaluation.
2. Chaque équipe nationale a mené quatre études de cas
d'universités (trois au Royaume-Uni). Celles-ci ont été choisies en
fonction de plusieurs critères : intérêt des expériences
d'évaluation, taille, ancienneté, disciplines représentées,
localisation géographique. Dans chaque université, chaque équipe a
recueilli les documents pertinents (compte-rendus des conseils,
textes d’orientation, textes ayant trait aux procédures
d’évaluation, etc.). Des entretiens ont été menés (30 à 70 selon
les universités) auprès des responsables des universités, mais
aussi auprès de ceux qui ont été acteurs de dispositifs
d’évaluation, que ce soit en tant qu’évaluateur ou en tant
qu’évalué, pour les cinq champs de l'évaluation retenus : les
enseignements, la recherche, les enseignants, l'organisation, la
relation formation-emploi. Près de 1.500 entretiens ont été
réalisés au total. Pour chacun d'entre eux, l'analyse du processus
d'évaluation a été centrale: contexte, décision, acteurs, méthodes,
résultats, effets.
Etude de cas 1 Etude de cas 2 Etude de cas 3 Etude de cas 4
Allemagne Erlangen-
Nüremberg Hambourg Dortmund Rostock
Espagne Girone Autonome de Madrid
Pays Basque Autonome de Barcelone
Finlande Helsinki Tampere Helsinki : Affaires et Management
Tampere : Université de Technologie
France Aix-Marseille I Littoral Paris XII Val-de-Marne
Savoie
Italie Udine Venise Catania Polytechnique de Turin
Norvège Bergen Collège d'Agder Collège d'Oslo Oslo Portugal
Beira Interior Aveiro Lisbonne Université
Technique de Lisbonne
Royaume-Uni
Londres Est Glasgow Galles (Cardiff)
-
27
Le cœur de la méthodologie EVALUE est donc évidemment constitué
de ces 31 études de cas. Seules les études de cas et les entretiens
sur lesquelles elles s'appuient permettent de recueillir des
données détaillées et donc riches, de repérer et de mettre en
valeur des expériences d'évaluation innovantes et de s'attacher à
en comprendre l'émergence, d'analyser la dynamique qui s'instaure
(ou non) entre évaluation externe et évaluation interne, de mesurer
les effets des évaluations (comment certaines universités sont
parvenues progressivement à s'approprier l'évaluation et à en faire
un outil essentiel pour leur transformation), et enfin de donner la
parole aux acteurs, de donner de l'importance à leurs
représentations et à leurs interprétations des phénomènes qu'ils
observent.
3. Chaque équipe nationale a "revisité" une étude de cas (soit
au moins plus d'une année après la première vague
d'investigations), pour mieux étudier les effets des évaluations,
les transformations qu'elles ont entraînées. 4. Au cours de la
dernière année, les groupes de coordination thématiques, ont
complété l'analyse des états des lieux et des études de cas par des
entretiens avec les collègues des autres pays. Comme le note Pierre
Dubois dans le rapport (EVALUE , 1998), « il est en effet connu que
les chercheurs, quand ils écrivent sur leur pays, ne pensent pas
toujours écrire dans leur rapport des choses ou des interprétations
qui leur semblent évidentes ». Ces entretiens "croisés" et ces
discussions sur les rapports intermédiaires ont été réalisés au
cours de neuf réunions de coordination. Les groupes de coordination
thématiques (évaluation de la recherche, des enseignants, de la
relation formation-emploi, des enseignements, du gouvernement des
universités) ont réalisés les synthèses qui composent les
différentes parties du rapport final. Une version abrégée est
disponible dans le numéro 3, vol. 34,.de la revue European Journal
of Education (1999).
5. Un très grand nombre de matériaux a donc été recueilli (7.000
pages). L'architecture de l'INFOBASE (disponible sur CD-Rom),
organisée par pays, est la suivante :
1. Textes de synthèse : état des lieux, études de cas, rapport
final 2. Lois : base de données législatives sur l'enseignement
supérieur 3. Chronologie : base de données des événements
concernant l'enseignement supérieur depuis 1993 4. Indicateurs et
tableaux statistiques 5. Bibliographies et notes de lecture :
plusieurs milliers de références et plusieurs centaines de notes 6.
Acronymes : base de données de tous les sigles figurant dans les
textes 7. Adresses : base de données des adresses des partenaires,
des organismes d'évaluation, des revues spécialisées 8. Organismes
d'évaluation : base de données avec une fiche pour chaque organisme
d'évaluation
-
28
DEUXIEME PARTIE
«NORMES ET EVALUATION ». Cette deuxième partie regroupe des
contributions qui tentent d’explorer les questions de normes, de
règles, de pratiques implicites et explicites mises en œuvre lors
d’évaluations dans différentes institutions. La première
contribution explore les discours et les représentations de
l’évaluation des étudiant(e)s par les enseignants-chercheurs à
l’Université (Gabriela NAVARRO). Les deux suivantes portent sur le
même type d’établissement, les IUFM, mais sur deux types
d’évaluation différents : Annick VENTOSO essaye de comprendre
comment s’opère la prise de décision collective qui conduit les
membres d’un jury d’épreuve orale à donner une note et une
appréciation au CAPSAIS, (Certificat d’Aptitude aux Actions
Pédagogiques Spécialisées d’Adaptation et d’Intégration Scolaires).
Sylvie L’HEUDE s’intéresse au lien théorie/pratique et au sens de
la formation mise en œuvre en pointant l’apport réflexif construit
par le stagiaire professeur d’école, en formation initiale deuxième
année, lors de l’écriture du mémoire professionnel. C’est également
de l’évaluation des mémoires dont parle Dominique VIOLET, mais à
l’Université, pour montrer la complexité d’une situation où
l'évaluateur est confronté à évaluer un mémoire produit par un
étudiant qui doit imiter sans imiter un ou plusieurs modèles.
Enfin, Catherine LEBLANC présente un autre système d’évaluation,
celui des labels dans l’enseignement supérieur de gestion, en
particulier la certification EQUIS, et s’interroge sur les
méthodes, pratiques et effets (les bons et les moins bons) de ces
systèmes d’accréditation.
-
29
Les pratiques d'évaluation dans les universités françaises.
Gabriela Ibeth NAVARRO14
« Dire quelque chose de quelque chose c’est déjà dire autre
chose »
ARISTOTE Introduction Cette recherche s’appuie sur une thèse en
cours sur les pratiques d’évaluation des étudiants. Les pratiques
d'évaluation sont liées, aux enseignants, aux étudiants et à
l'enseignement. Même si ces deux derniers aspects sont importants à
analyser (il existe déjà des recherches sur ces aspects), nous nous
centrons sur le point de vue des enseignants. Nous avons fait une
enquête par entretiens non directifs auprès d’universitaires de
différentes disciplines dans des universités françaises. Il
s'agissait d'explorer les questions suivantes : - Quelle est
l’opinion des enseignants sur leur pratique d’évaluation des
étudiants ? - Qu’est ce qui est plus particulièrement évalué lors
des examens dans les diverses disciplines ? - Quelles sont les
stratégies des enseignants et des étudiants face à l’évaluation ?
Cette enquête à partir des opinions des enseignants sur
l’évaluation, tente de construire un état des lieux en vue d’une
problématique et d’une théorisation. Nous voudrions construire,
selon le terme de Moscovici « la représentation sociale» de cette
pratique. Etat des lieux Aujourd’hui en Europe, comme partout dans
le monde, l’enseignement supérieur est confronté à trois défis
majeurs : la croissance de la demande de savoir, la diversification
des disciplines à enseigner et la qualité de l’enseignement.
L’enseignement supérieur, et en particulier les universités se
trouve aussi face à trois problèmes : la définition de ses
objectifs, l'organisation administrative et les moyens humains et
financiers. L’idée même de traiter de l’évaluation dans
l’enseignement supérieur actuellement constitue en soi un énorme
défi. Les universités ne représentent qu'une partie de
l'enseignement supérieur, mais accueillent les trois quarts des
étudiants. C'est là que se concentre l'essentiel des problèmes,
dans le processus de formation et d'évaluation. L’évaluation a
cette particularité d’être une pratique sociale qui évalue une
autre pratique sociale, celle de l’enseignement ou bien celle de
l’enseignant.
14 Gabriela Ibeth NAVARRO enseignante mexicaine, doctorante à
l'Université Paris X NANTERRE
-
30
Aujourd’hui, le contenu de l’évaluation doit se définir en
rapport avec les objectifs de la formation, qui doivent avoir été
clairement exposés aux étudiants au début de l'enseignement.
Pendant longtemps, l’évaluation des étudiants a été limitée au
processus cognitif plus qu’à d'autres aspects de sa formation. En
effet, un certain nombre de spécialistes considèrent que dans la
plupart des institutions de formation, on n'évalue que la moitié
des processus d'acquisition. Au niveau universitaire, l’évaluation
se trouve aussi associée aux tâches de gestion, aux orientations
politiques, ainsi qu’à l’administration. Du point de vue
pédagogique, l’évaluation est réduite aux examens et aux notes pour
l’obtention des diplômes, la sélection des étudiants et la
certification. Par ailleurs, le processus d’évaluation est
différent dans chaque discipline (FELOUZIS, 1995). La comparaison
entre disciplines et établissements montre une extrême diversité de
situations, une hétérogénéité entre les systèmes de délivrance
d’une maîtrise en sciences, en droit ou en histoire, etc. Dans
d’autres disciplines, l’évaluation est liée étroitement à la
professionnalisation. On peut constater cette situation en
médecine, en langues, en droit. Bien évidemment, les taux de
réussite varient largement selon la filière qui prédomine dans
chaque université. Les écarts de réussite d’une université à
l’autre sont remarquables. Actuellement, il existe une séparation
entre les pratiques pédagogiques et les pratiques d’évaluation :
les enseignants se concentrent sur la réglementation des examens
plutôt que sur les effets de l’apprentissage obtenu. On peut dire
que pour les enseignants, l’évaluation est encore un acte
administratif plus que pédagogique. Chaque type d’évaluation
développe une série de modèles, de paradigmes, de méthodes et de
pratiques : par exemple, la fréquence des examens par rapport aux
problèmes de calendrier, la diffusion des notes et des résultats,
et même la nature des examens sont issues de la liberté pédagogique
et des particularités de chaque discipline. Les pratiques
d'évaluation chez les enseignants sont des processus très lourds :
- organisation des examens ; - passation des examens; - temps
consacré à la correction de copies… Cet ensemble d'activités
obligatoires n'est pas du tout satisfaisant pour les enseignants et
les étudiants car il occupe une très grande place dans leur
quotidien, comme BARRERE et d'autres spécialistes le remarquent
(pour les enseignants du secondaire) : "L'évaluation représente la
moitié environ du temps que l'enseignant passe à travailler chez
lui, et un volume non négligeable d'heures de cours passées à faire
ou à corriger des contrôles. Pour les enseignants, cette tâche est
d'abord décrite comme ingrate, à la fois routinière et décevante »
15
15 BARRERE A. (2002) "L'évaluation des élèves dans
l'enseignement secondaire : Quel travail pour les enseignants ?" in
Politiques d'éducation et de formation page 58
-
31
L’évaluation, telle qu’elle se pratique à l’Université est
insuffisante : la plupart des enseignants ne font vraiment qu’un
seul examen à la fin du semestre, et l'outil le plus utilisé est
l'examen écrit. Le contrôle continu n’est pas vraiment continu. En
réalité, il n’existe pas, matériellement, les moyens de faire un
vrai contrôle continu en premier cycle, parce qu'il y a beaucoup
trop des étudiants par rapport au nombre d'enseignants et que cela
représente un nombre important de copies à corriger et beaucoup de
temps à consacrer à l’évaluation. Dans le système français basé sur
la notation, une note pour sanctionner un semestre entier, une
matière entière, ce n’est pas pertinent. Pour la plupart des
enseignants, cela n’est pas représentatif des acquis des étudiants.
En revanche, les étudiants d’aujourd’hui, disent spontanément
qu’ils se contentent d’étudier « en surface » pour l’examen, et
qu’ils ajustent leur niveau d’acquisition aux exigences véhiculées
et aux modalités d’évaluation. Nous avons aussi observé qu’il
existe des éléments communs dans toutes les disciplines au moment
d’évaluer : les règles institutionnelles à respecter, les
règlements internes, le manque de formation à l’évaluation et le
manque de réflexion sur cette démarche. LANGEVIN L. & BRUNEAU
(2000)16 avancent que les évaluations prévues en cours reflètent
les convictions profondes des enseignants sur la pédagogie. En tant
qu’enseignant, on évalue selon la représentation qu’on se fait de
la formation. Elaborer des stratégies de changement sur
l’évaluation devient donc à présent une nécessité majeure, sachant
que des propositions ne transformeront les pratiques que de ceux
qui ressentent déjà le besoin de changer. Premières analyses des
entretiens (15 entretiens sur 33) Une première série de réflexion
sur les discours des enseignants porte sur deux questions
essentielles : Que pouvons-nous dire de l’ensemble de ces discours
? Quelle est notre première réaction face aux enseignants par
rapport à leur pratique d’évaluation ? D’une manière globale, les
mots les plus prononcés sur l’évaluation par les quinze enseignants
interrogés, sont : examens écrits, examens oraux, correction des
copies, barème de notation, liberté d’appliquer plusieurs modalités
d’évaluation. D’autres termes font apparaître l’opinion des
enseignants par rapport à l’étudiant Citations
caractéristiques:
16 LANGEVIN L. et BRUNEAU M.(2000) Enseignement supérieur, vers
un nouveau scénario page 108
-
32
Il y a des « bons » et des « mauvais » étudiants, les notes font
ce classement ; Il faut faire « bosser » l’étudiant ; Le
feed-back17 sur l’évaluation existe, mais légèrement. Ils sont
défavorables aux dispositions ministérielles actuelles. Par contre,
de quoi ne nous ont–ils pas parlé ? De deux choses qui sont
essentielles à notre avis, la variable « sexe », et l’évaluation en
tant qu’un outil de formation et d’apprentissage. Autrement dit,
ils n’ont pas considéré la variable sexe, son implication, les
différences générées et ses effets au moment de l'évaluation. Nous
considérons que cette variable est essentielle aujourd’hui dans la
recherche en sciences sociales et humaines. De plus, ils n’ont pas
considéré l’évaluation en termes de « pratique formative » au
bénéfice de l’étudiant. Autrement dit, ils n’envisagent pas que
l’évaluation puisse constituer un outil de formation et non
seulement « un outil de classement » des étudiants. On pourrait
montrer que l’évaluation formatrice ou formative peut contribuer à
la formation des étudiants en les aidant à saisir les exigences de
la tâche, compte tenu des compétences ou des objectifs ciblés. Dans
ce scénario, l’évaluation peut être un projet de développement de
compétences spécifiques, situation qui n’a pas été évoquée par les
enseignants. Le discours des enseignants Quatre points peuvent être
relevés dans cette enquête : a) Le type de discours prononcé Nous
avons constaté que certains entretiens amènent à une véritable
réflexion sur le processus d'évaluation, mais la plupart en restent
à une description très détaillée de leur tâche administrative dans
l'organisation des examens de leur filière. Une première catégorie
d’enseignants a limité son propos à l'aspect purement technique de
l'évaluation : la façon d’opérer le contrôle terminal ou continu,
la composition des épreuves écrites et orales, ainsi que les
modalités de calcul pour chaque matière, en montrant jusqu’à la
façon d’obtenir la moyenne. Dans une deuxième catégorie, certains
enseignants insistent sur les modalités de contrôle des
connaissances imposées par l'institution et les injonctions du
ministère. Enfin, la t