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LE CYCLE DE L’EAU TRADUIT
PAR LE DROIT
par Julia Gudefin
Contribution au colloque « Droit, Mouvement et Environnement »
18 octobre 2013
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Résumé
« Le cycle de l’eau traduit par le droit » est un article juridique écrit à l’occasion du colloque
« Droit, Mouvement et Environnement » tenu à l’Université Jean Moulin Lyon 3 les 17 et 18
octobre 2013 en l’honneur du Professeur Jean Untermaier. Il explique en quoi le droit se saisit
de l’eau, d’abord en fonction de ses états physiques pour réglementer les usages, ensuite à
travers son cycle afin d’améliorer sa protection dans une approche écosystémique et globale.
En conséquence, l’œuvre créatrice du droit va de paire avec une amélioration de la protection
de l’eau qui, quoiqu’imparfaite, fait l’objet d’une appréhension juridique novatrice et inédite.
Abstract
« Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »], is a seminar on
Droit, Mouvement et Environnement [Law, Movement and Environment], in tribute to Professor
Jean Untermaier,at University Jean Moulin of Lyon 3, 17- 18 october 2013. It explain how
law seize upon water, first according to its physical states, then through its cycle to improve
its protection in an ecosystem and global approach. Accordingly, the creative work of law
goes hand in hand with the improved protection of water which, albeit imperfect, is the
subject of an innovative and unprecedented legal apprehension.
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Le cycle de l’eau exprime le mouvement naturel. Il s’agit, comme l’explique François
Ramade, d’un processus naturel constitué par des transferts incessants entre les cinq réservoirs
de la planète qui sont interconnectés1. Ainsi chauffée par le soleil, l'eau des lacs, des cours
d’eau, des zones humides et des océans s’évapore. Des formations végétales en libèrent
également par le phénomène de l’évapo-transpiration. Dès lors, l’eau rejoint l’atmosphère
sous forme de vapeur d’eau chaude. L’élévation de l’air humide la refroidit. Les gouttes d’eau
naissent de la condensation et forment des nuages, puis retombe sur les océans et les
continents sous forme de neige, de grêle ou de pluie. Ensuite, l’eau ruisselle jusqu’aux mers et
aux cours d’eau ou s’infiltre dans le sol pour alimenter les nappes phréatiques par percolation
et rejaillira aux sources.
Ainsi, environ 1 385 millions de kilomètres cubes d’eau transitent, entre autres, dans les
océans, les nuages, les végétaux, les lacs, les cours d’eau et les nappes phréatiques par la
réalisation du « cycle de l’eau ».
Au XVIIè siècle, les scientifiques développent les sciences de l’eau mais ils n’arrivent à une
formulation exacte du cycle hydrologique qu’au XXè siècle grâce, entre autres, aux travaux de
Martel dans son Traité sur les eaux souterraines élaboré en 1921. Aujourd’hui, l’unité
physique de la ressource est reconnue par l’ensemble des praticiens2. Cela explique
certainement, au moins en partie, pourquoi le Code civil de 1804, caractéristique de la société
rurale du XIXè siècle, ne traduit pas juridiquement le processus naturel, mais s’intéresse
1 Dictionnaire de l’écologie, Encyclopaedia Universalis, Albin Michel, 2
è édition, 2001, p. 350.
2 Voir notamment : G. Castany, Principes et méthodes de l’hydrogéologie, Dunod, 1982 ; J. Margat, L’eau
souterraine et la modernisation du droit des eaux – Contribution au groupe de travail « Législation » du Comité
national de l’eau, BRGM, 1991.
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uniquement à sa composante essentielle, l’eau, en tant que bien affecté notamment aux
besoins du fonds.
Le « mouvement » en tant que tel de l’eau n’est envisagé en 1804 qu’à travers des servitudes
destinées à organiser les règles de vie du voisinage eu égard à l’écoulement des eaux (art. 640
C. civ.)3 et « tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales
s’écoulent sur son terrain ou sur la voie publique ; il ne peut les faire verser sur le fonds de
son voisin » (égout des toits - art. 681 du C. civil). L’autorité administrative est, quant à elle,
chargée d’en assurer le libre écoulement voire le « libre cours » si les eaux se rassemblent et
forment un cours d’eau4.
La notion même de cours d’eau évoque le « mouvement » et la liaison des eaux courantes et
des eaux de source dès lors qu’elle se caractérise par « un écoulement d'eaux courantes dans
un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure
partie de l'année » comme l’a rappelé le Conseil d’Etat dans un arrêt du 21 octobre 20115.
Ceci étant, la classification des cours d’eau dans le domaine public était déterminée autrefois
par leur navigabilité et leur flottabilité qui, bien qu’elles furent commandées par les exigences
économiques, étaient tributaires du mouvement des eaux courantes. Encore aujourd’hui, le
3 « Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent
naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué. Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue
qui empêche cet écoulement. Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds
inférieur » (art. 640 C. civ.). 4 Loi n°1898-04-08 du 8 avril 1898, art. 10 et 12.
5 CE, 21 octobre 2011, n° 334322, Min. Ecologie c/ EARL Cintrat, JurisData n° 2011-022367, Env. janvier
2012, comm.2 , P. Trouilly.
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classement dans le domaine public fluvial est prononcé pour un motif d’intérêt général relatif,
notamment, à la navigation6 qui implique incidemment un mouvement ou un « roulement » de
l’eau selon l’expression de Fabreguettes7.
La législation ne prend en compte que très tardivement la relation intime entre les eaux de
surface et les eaux souterraines. L’explication résulte, selon Philippe Billet, de l’ « ignorance
du mécanisme de l’alimentation de ces eaux par la percolation des eaux de surface. Il faut, en
effet, attendre notamment les travaux du spéléologue Martel sur la contamination des eaux
dans les régions karstiques pour comprendre que les puits naturels sont susceptibles de
communiquer plus ou moins directement avec les eaux souterraines qui alimentent les
sources »8. Ainsi, le législateur s’attache à la protection des captages d’eaux souterraines par
la gestion des dépôts de surface et instaure, dans la loi du 15 février 19029, un périmètre de
protection contre la pollution des sources qui s’applique aux puits ou galeries fournissant de
l’eau potable empruntée à une nappe souterraine. Il est interdit d’épandre sur les terrains
compris dans ce périmètre des engrais humains et d’y forer des puits (art. 10).
La prise en compte partielle du mouvement de l’eau par une législation diffuse est ensuite
supplantée par une approche globale de la ressource. En effet, c’est la loi du 3 janvier 1992
6 « Le classement dans le domaine public fluvial d'une personne publique mentionnée à l'article L. 2111-7, d'un
cours d'eau, d'une section de cours d'eau, d'un canal, lac ou plan d'eau est prononcé pour un motif d'intérêt
général relatif à la navigation, à l'alimentation en eau des voies navigables, aux besoins en eau de l'agriculture et
de l'industrie, à l'alimentation des populations ou à la protection contre les inondations, tous les droits des
riverains, des propriétaires et des tiers demeurant réservés » (art. L. 2111-12 du CGPPP). 7 Fabreguettes, Traité des eaux publiques et des eaux privées, Ed. F. Pichon et Durand-Auzias, Paris, t. II, 1911,
p. 7. 8 Ph. Billet, La protection juridique du sous-sol en droit français, thèse, Université Jean Moulin Lyon 3, 1994, p.
375. 9 Préc.
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sur l’eau10
qui consacre l’unité physique de la ressource caractérisée par le cycle de l’eau. Les
travaux préparatoires de la loi insistent sur la nécessité d’unifier le régime juridique de l’eau
en consacrant son unité physique et son unité juridique ainsi que sur celle de préserver sa
quantité et sa qualité au moyen d’une politique globale11
. Ils aboutissent alors à une traduction
juridique, certes imparfaite, du cycle hydrologique dans le régime de police de l’eau (I).
Cependant, les caractéristiques écologiques essentielles du cycle de l’eau trouvent une
expression dans des concepts, voire même dans des qualifications, qui donnent au processus
naturel une réalité juridique (II).
I.- La traduction juridique imparfaite du cycle hydrologique dans le régime de police de
l’eau
La loi du 3 janvier 1992 consacre l’unité physique et juridique de l’eau. L’unité physique crée
donc l’unité juridique qui est représentée par l’unification du régime de police de l’eau. Le
régime de police soumet à autorisation ou à déclaration les installations, ouvrages, travaux ou
activités (IOTA) qui empêchent, par les prélèvements qu’ils réalisent ou les obstacles qu’ils
représentent, le mouvement de l’eau, qu’il s’agisse des eaux superficielles ou souterraines12
. Il
conçoit donc l’eau dans sa globalité.
La police de l’eau est matérialisée dans une « nomenclature eau » qui appréhende le
mouvement constitutif du cycle hydrologique de différentes manières.
10
Loi n°92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau, JO du 4 janvier 1992, p. 187. 11
Sur ce point : J.-L. Gazzaniga, Loi sur l’eau du 3 janvier 1992, J. C. E., fasc. 610, pp. 5-6, n°17-22 ; F. Ogé et
R. Romi, L’avant-projet de loi sur l’eau, un nouveau droit en chantier, L. P. A., n°38, 29 mars 1991, pp. 4-10. 12
Art. L. 214-1 du C. env.
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D’abord, la nomenclature vise le débit de l’eau qui s’expose aux prélèvements agricoles et
industriels. Ainsi, « les prélèvements ou encore les installations et ouvrages permettant le
prélèvement, y compris par dérivation, dans un cours d'eau, dans sa nappe d'accompagnement
ou dans un plan d'eau ou canal alimenté par ce cours d'eau ou cette nappe est soumis à
déclaration ou à autorisation » selon la capacité de prélèvement (rubrique 1.2.1.0. de l’art. R.
214-1 du C. env.).
Ensuite, la « nomenclature eau » vise les crues dont l’écoulement qui est empêché par des
« installations, des ouvrages, des remblais et épis installés dans le lit mineur d'un cours
d'eau » oblige les exploitants à demander préalablement une autorisation préfectorale
(rubrique 3.1.1.0. de l’art. R. 214-1 du C. env.).
Aussi, les zones humides13
ou les nappes d’accompagnement des cours d’eau14
figurent dans
la « nomenclature eau », ce qui révèle une prise en compte globale du mouvement, que celui-
ci désigne l’écoulement, l’évaporation, l’alimentation des eaux souterraines par la percolation
des eaux de surface ou l’alimentation d’un cours d’eau par sa liaison à une nappe phréatique.
En conséquence, la police de l’eau tend à protéger le mouvement de la ressource voire à
garantir le cycle hydrologique en appréhendant globalement les étapes constitutives du
processus naturel.
Pour ce faire, elle tend à limiter l’exercice du droit de riveraineté et du droit de propriété qui
aboutissent, dans la plupart des cas, à empêcher le mouvement tantôt en érigeant des obstacles
13
Art. R. 214-1 du C. env., rubrique 3. 3. 1. 0 de la nomenclature eau. 14
Art. R. 214-1 du C. env., rubriques 1. 2. 1. 0 et 1. 2. 2. 0 de la nomenclature eau.
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à l’écoulement, tantôt en extrayant du milieu aquatique la quantité d’eau nécessaire à son
roulement, tantôt en asséchant les mares et les marais qui jouent pourtant un rôle fondamental
notamment dans le processus d’évaporation et dans celui du renouvellement des nappes
phréatiques, en dehors du fait que les zones humides constituent des espaces naturels riches en
biodiversité.
En réalité, le régime de police cherche un équilibre entre l’usage de la ressource à des fins
économiques et sa protection dont les manifestations révèlent une appréhension du
mouvement de l’eau. La recherche de cet équilibre, qui aboutit a fortiori à un compromis,
explique, en partie, pourquoi la « nomenclature eau » ignore certains écosystèmes pourtant
constitutifs du cycle hydrologique. En effet, Jean Untermaier relève, compte tenu des seuils
d’autorisation élevés, que le dispositif exclut du régime de police « les mares, étangs et petits
marais dont l’étendue modeste masque l’importance pour de multiples compartiments de la
vie sauvage »15
et, j’ajoute, pour la réalisation du cycle hydrologique.
Ceci étant, les caractéristiques écologiques essentielles du cycle de l’eau trouvent une
expression dans des représentations juridiques qui donnent au processus naturel une réalité
juridique (II).
II.- Les représentations juridiques du cycle de l’eau
15
J. Untermaier, Biodiversité et droit de la biodiversité, RJE 2008, n°spécial, p. 24. Art. R. 214-1 C. env.
rubrique 3.3.1.0.
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Le cycle de l’eau ou, en tout cas, certaines étapes clés de sa réalisation, sont appréhendés dans
des concepts ou des qualifications qui débouchent sur un ensemble de règles dont l’objectif
est de protéger la ressource et son mouvement. Deux d’entre eux attirent notre attention.
D’abord, le concept de bassin versant ou de bassin hydrographique dont la conception
moderne résulte de la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau et de la directive-cadre sur l’eau du 23
octobre 2000, caractérise la « zone dans laquelle toutes les eaux de ruissellement convergent à
travers un réseau de rivières, fleuves et éventuellement de lacs vers la mer, dans laquelle elles
se déversent par une seule embouchure, estuaire ou delta » (art. 2, 13° DCE). Le
ruissellement, la convergence des eaux puis leur déversement met en évidence le fait que le
mouvement de l’eau fait le bassin.
Le bassin hydrographique englobe des sous-bassins qui correspondent chacun à une unité
hydrographique cohérente ou à un système aquifère (art. L. 212-3 C. env.). Il s’agit
précisément de « toute zone dans laquelle toutes les eaux de ruissellement convergent à
travers un réseau de rivières, de fleuves et éventuellement de lacs vers un point particulier
d'un cours d'eau (normalement un lac ou un confluent) » (art. 2, 14° DCE). Encore une fois, le
ruissellement, la convergence des eaux puis leur déversement caractérise le mouvement de
l’eau qui fait le sous-bassin.
On retrouve cette approche unitaire du système hydrologique en droit international dans la
notion de « cours d’eau international » qui résulte de la Convention de New York sur
l'utilisation des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation, signée le 21 mai
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10
199716
et dans la Convention africaine sur la Conservation de la nature et des ressources
naturelles des 10-12 juillet 2003 signée à Maputo (art. VII-Eaux) qui fait suite à la
Convention d’Alger du 15 septembre 1968 (art. V-Eaux) et qui fait référence « aux cycles de
l’eau par bassin versant ».
Ainsi, sur des échelles géographiques de niveau différent, se réalise une partie du cycle
hydrologique. Le mouvement de l’eau qui génère son cycle crée donc l’unité hydrographique
cohérente représentée par le bassin versant.
Ensuite, le bon état écologique. Il s’agit d’une notion issue de la directive-cadre du 23 octobre
2000 sur l’eau qui définit, entre autres, la qualité écologique des masses d’eau. Le bon état
écologique des eaux sera caractérisé si, notamment, les connexions entre les eaux de surface
et les eaux souterraines se réalisent17
. Ces connexions sont illustrées, par exemple, par la
percolation des eaux de surface qui rechargent les nappes phréatiques ou par la nappe qui
accompagne le cours d’eau. La rupture de ces connexions, qui peut résulter tantôt de
l’affaissement du lit du cours d’eau en-dessous du niveau de la nappe en raison de
l’implantation d’ouvrages hydrauliques, tantôt de l’assèchement des zones humides, altère
donc la qualité écologique des masses d’eau. Ainsi, le mouvement de l’eau détermine son état
écologique et, de ce fait, il conditionne sa protection comme l’illustre le classement des cours
d’eau en fonction de leur état écologique18
.
16
Il s’agit « d’un système d'eaux de surface et d'eaux souterraines constituant du fait de leurs relations physiques
un ensemble unitaire et aboutissant normalement à un point d'arrivée commun ». 17
Cf. annexe V de la directive-cadre sur l’eau, préc. 18
Cf. art. L. 214-17 du C. env., déclaré conforme à la Constitution (Cons. Const., déc. 23 mai 2014, n°2014-396
QPC, France Hydro Électricité).
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11
Toutefois, à l’intérieur du cycle de l’eau, d’autres cycles se réalisent et participent, du fait de
leur mouvement, au processus hydrologique. Par exemple, le cycle du cours d’eau, qui
représente « l’hydrosystème fluvial » dont la protection a fait l’objet d’un ouvrage réalisé par
Aude Farinetti, est appréhendé par le droit de diverses manières. Le législateur prend en
considération autant le déplacement du lit du cours d’eau engendré par l’érosion que les crues
qui inondent les plaines et les forêts alluviales.
Ainsi, le déplacement du lit du cours d’eau qui est engendré par l’érosion du lit mineur et qui
entraîne le mouvement de l’eau est appréhendé par la « servitude de mobilité du cours d’eau »
instaurée par la loi Bachelot du 30 juillet 2003. Le cours d’eau divague, empreinte des
chemins non linéaires, de sorte que se forme un tressage dans son lit mineur. Bien que la
rédaction initiale - réalisée par Jean Untermaier et Aude Farinetti - comportât l’intérêt
écologique de la servitude, le législateur n’a retenu que l’intérêt de la restauration des
« caractéristiques hydrologiques et géomorphologiques essentielles du cours d’eau »19
, c’est-
à-dire de son espace de divagation qui accueille le mouvement du lit et de l’eau.
De plus, l’absence de maîtrise des crues, dont le mouvement est subi par les zones urbanisées,
a commandé la création de la servitude d’utilité publique, appelée « servitude de rétention
temporaire des eaux de crue et de ruissellement » ou « servitude de sur-inondation » établie
par la loi Bachelot du 30 juillet 2003. Bien que l’objectif de la loi de 2003 était de ralentir le
débit de l’eau afin de prévenir les inondations, elle a contribué de manière incidente à garantir
le mouvement de l’eau en la laissant inonder le lit majeur, lequel englobe des éléments clés du
cycle de l’eau. Ainsi, les plaines alluviales ou les forêts alluviales que les crues inondent
accueillent l’eau qui s’infiltre ensuite par percolation et qui recharge, entre autres, la nappe
19
Art. L. 211-12 du C. env.
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12
d’accompagnement du cours d’eau dont le soutien se manifeste en période d’étiage. De
même, les bras du cours d’eau ou les lônes sont inondés comme les noues et les boires qui
recueillent provisoirement l’eau des crues leur apportant le limon et les matières organiques
nécessaires à la fertilisation des sols.
Pour autant, le cycle du cours d’eau couvre lui-même d’autres cycles comme le processus
sédimentaire. Les sédiments sont mobilisés par la force des eaux courantes et charriés sur
plusieurs kilomètres le long du linéaire du cours d’eau. Les galets, les graviers, le sable ou
l’argile s’accumulent dans le lit ou au point de rupture de la pente de la rivière et forment les
alluvions qui « profitent au propriétaire riverain, qu'il s'agisse d'un cours d'eau domanial ou
non domanial »20
.
Le cycle du cours d’eau couvre également le cycle biologique d’une certaine faune aquatique
qu’elle réalise à l’occasion des crues, comme celui du brochet qui fraie dans les eaux peu
profondes des plaines inondées ou dans les roselières.
Le cycle du cours d’eau et, plus généralement, le cycle de l’eau génère donc, par son
mouvement, un certain nombre de cycles naturels et biologiques qui, de ce fait, en sont
tributaires. Il se manifeste dans tous les écosystèmes créés, notamment, par les cours d’eau et
les zones humides qui « constituent à la fois des réservoirs de biodiversité et des corridors
écologiques » selon l’article R. 371-19 du C. env. relatif à la trame verte et bleue.
La force et le roulement des eaux courantes, l’infiltration des eaux de surface, leur
ruissellement vers les mers, les fleuves ou les océans, ou encore la liaison intime entre une
20
Art. 556 du C. civil.
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13
nappe d’accompagnement et le cours d’eau ou entre la source et le cours d’eau constitue
autant d’exemples qui manifestent le mouvement de l’eau et qui caractérisent la réalisation de
son cycle, lequel met en mouvement d’autres processus naturels et biologiques.
En définitive, le législateur a longtemps eu une approche restrictive du mouvement de l’eau
notamment en faisant prévaloir l’exercice des prérogatives du propriétaire ou du riverain sur
l’eau attachée au fonds ou au cours d’eau. Désormais, il appréhende l’eau à travers son cycle
en limitant, quoique modérément, l’exercice du droit de propriété qui empêche sa circulation
ou son renouvellement et en intégrant globalement le mouvement de l’eau dans des
représentations juridiques qui donnent au processus naturel une réalité juridique.