Top Banner
INSTITUT DE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT Partenaire de : 18 RUE CHEVREUL │ 69362 LYON CEDEX 07 TEL. 04 78 78 74 92 │ FAX 04 78 78 74 94 E-MAIL [email protected] 1 LE CYCLE DE LEAU TRADUIT PAR LE DROIT par Julia Gudefin Contribution au colloque « Droit, Mouvement et Environnement » 18 octobre 2013
13

« Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »]

Feb 28, 2023

Download

Documents

Welcome message from author
This document is posted to help you gain knowledge. Please leave a comment to let me know what you think about it! Share it to your friends and learn new things together.
Transcript
Page 1: « Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »]

INSTITUT DE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT Partenaire de :

18 RUE CHEVREUL │ 69362 LYON CEDEX 07

TEL. 04 78 78 74 92 │ FAX 04 78 78 74 94

E-MAIL [email protected]

1

LE CYCLE DE L’EAU TRADUIT

PAR LE DROIT

par Julia Gudefin

Contribution au colloque « Droit, Mouvement et Environnement »

18 octobre 2013

Page 2: « Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »]

INSTITUT DE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT Partenaire de :

18 RUE CHEVREUL │ 69362 LYON CEDEX 07

TEL. 04 78 78 74 92 │ FAX 04 78 78 74 94

E-MAIL [email protected]

2

Résumé

« Le cycle de l’eau traduit par le droit » est un article juridique écrit à l’occasion du colloque

« Droit, Mouvement et Environnement » tenu à l’Université Jean Moulin Lyon 3 les 17 et 18

octobre 2013 en l’honneur du Professeur Jean Untermaier. Il explique en quoi le droit se saisit

de l’eau, d’abord en fonction de ses états physiques pour réglementer les usages, ensuite à

travers son cycle afin d’améliorer sa protection dans une approche écosystémique et globale.

En conséquence, l’œuvre créatrice du droit va de paire avec une amélioration de la protection

de l’eau qui, quoiqu’imparfaite, fait l’objet d’une appréhension juridique novatrice et inédite.

Abstract

« Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »], is a seminar on

Droit, Mouvement et Environnement [Law, Movement and Environment], in tribute to Professor

Jean Untermaier,at University Jean Moulin of Lyon 3, 17- 18 october 2013. It explain how

law seize upon water, first according to its physical states, then through its cycle to improve

its protection in an ecosystem and global approach. Accordingly, the creative work of law

goes hand in hand with the improved protection of water which, albeit imperfect, is the

subject of an innovative and unprecedented legal apprehension.

Page 3: « Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »]

INSTITUT DE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT Partenaire de :

18 RUE CHEVREUL │ 69362 LYON CEDEX 07

TEL. 04 78 78 74 92 │ FAX 04 78 78 74 94

E-MAIL [email protected]

3

Le cycle de l’eau exprime le mouvement naturel. Il s’agit, comme l’explique François

Ramade, d’un processus naturel constitué par des transferts incessants entre les cinq réservoirs

de la planète qui sont interconnectés1. Ainsi chauffée par le soleil, l'eau des lacs, des cours

d’eau, des zones humides et des océans s’évapore. Des formations végétales en libèrent

également par le phénomène de l’évapo-transpiration. Dès lors, l’eau rejoint l’atmosphère

sous forme de vapeur d’eau chaude. L’élévation de l’air humide la refroidit. Les gouttes d’eau

naissent de la condensation et forment des nuages, puis retombe sur les océans et les

continents sous forme de neige, de grêle ou de pluie. Ensuite, l’eau ruisselle jusqu’aux mers et

aux cours d’eau ou s’infiltre dans le sol pour alimenter les nappes phréatiques par percolation

et rejaillira aux sources.

Ainsi, environ 1 385 millions de kilomètres cubes d’eau transitent, entre autres, dans les

océans, les nuages, les végétaux, les lacs, les cours d’eau et les nappes phréatiques par la

réalisation du « cycle de l’eau ».

Au XVIIè siècle, les scientifiques développent les sciences de l’eau mais ils n’arrivent à une

formulation exacte du cycle hydrologique qu’au XXè siècle grâce, entre autres, aux travaux de

Martel dans son Traité sur les eaux souterraines élaboré en 1921. Aujourd’hui, l’unité

physique de la ressource est reconnue par l’ensemble des praticiens2. Cela explique

certainement, au moins en partie, pourquoi le Code civil de 1804, caractéristique de la société

rurale du XIXè siècle, ne traduit pas juridiquement le processus naturel, mais s’intéresse

1 Dictionnaire de l’écologie, Encyclopaedia Universalis, Albin Michel, 2

è édition, 2001, p. 350.

2 Voir notamment : G. Castany, Principes et méthodes de l’hydrogéologie, Dunod, 1982 ; J. Margat, L’eau

souterraine et la modernisation du droit des eaux – Contribution au groupe de travail « Législation » du Comité

national de l’eau, BRGM, 1991.

Page 4: « Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »]

INSTITUT DE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT Partenaire de :

18 RUE CHEVREUL │ 69362 LYON CEDEX 07

TEL. 04 78 78 74 92 │ FAX 04 78 78 74 94

E-MAIL [email protected]

4

uniquement à sa composante essentielle, l’eau, en tant que bien affecté notamment aux

besoins du fonds.

Le « mouvement » en tant que tel de l’eau n’est envisagé en 1804 qu’à travers des servitudes

destinées à organiser les règles de vie du voisinage eu égard à l’écoulement des eaux (art. 640

C. civ.)3 et « tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales

s’écoulent sur son terrain ou sur la voie publique ; il ne peut les faire verser sur le fonds de

son voisin » (égout des toits - art. 681 du C. civil). L’autorité administrative est, quant à elle,

chargée d’en assurer le libre écoulement voire le « libre cours » si les eaux se rassemblent et

forment un cours d’eau4.

La notion même de cours d’eau évoque le « mouvement » et la liaison des eaux courantes et

des eaux de source dès lors qu’elle se caractérise par « un écoulement d'eaux courantes dans

un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure

partie de l'année » comme l’a rappelé le Conseil d’Etat dans un arrêt du 21 octobre 20115.

Ceci étant, la classification des cours d’eau dans le domaine public était déterminée autrefois

par leur navigabilité et leur flottabilité qui, bien qu’elles furent commandées par les exigences

économiques, étaient tributaires du mouvement des eaux courantes. Encore aujourd’hui, le

3 « Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent

naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué. Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue

qui empêche cet écoulement. Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds

inférieur » (art. 640 C. civ.). 4 Loi n°1898-04-08 du 8 avril 1898, art. 10 et 12.

5 CE, 21 octobre 2011, n° 334322, Min. Ecologie c/ EARL Cintrat, JurisData n° 2011-022367, Env. janvier

2012, comm.2 , P. Trouilly.

Page 5: « Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »]

INSTITUT DE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT Partenaire de :

18 RUE CHEVREUL │ 69362 LYON CEDEX 07

TEL. 04 78 78 74 92 │ FAX 04 78 78 74 94

E-MAIL [email protected]

5

classement dans le domaine public fluvial est prononcé pour un motif d’intérêt général relatif,

notamment, à la navigation6 qui implique incidemment un mouvement ou un « roulement » de

l’eau selon l’expression de Fabreguettes7.

La législation ne prend en compte que très tardivement la relation intime entre les eaux de

surface et les eaux souterraines. L’explication résulte, selon Philippe Billet, de l’ « ignorance

du mécanisme de l’alimentation de ces eaux par la percolation des eaux de surface. Il faut, en

effet, attendre notamment les travaux du spéléologue Martel sur la contamination des eaux

dans les régions karstiques pour comprendre que les puits naturels sont susceptibles de

communiquer plus ou moins directement avec les eaux souterraines qui alimentent les

sources »8. Ainsi, le législateur s’attache à la protection des captages d’eaux souterraines par

la gestion des dépôts de surface et instaure, dans la loi du 15 février 19029, un périmètre de

protection contre la pollution des sources qui s’applique aux puits ou galeries fournissant de

l’eau potable empruntée à une nappe souterraine. Il est interdit d’épandre sur les terrains

compris dans ce périmètre des engrais humains et d’y forer des puits (art. 10).

La prise en compte partielle du mouvement de l’eau par une législation diffuse est ensuite

supplantée par une approche globale de la ressource. En effet, c’est la loi du 3 janvier 1992

6 « Le classement dans le domaine public fluvial d'une personne publique mentionnée à l'article L. 2111-7, d'un

cours d'eau, d'une section de cours d'eau, d'un canal, lac ou plan d'eau est prononcé pour un motif d'intérêt

général relatif à la navigation, à l'alimentation en eau des voies navigables, aux besoins en eau de l'agriculture et

de l'industrie, à l'alimentation des populations ou à la protection contre les inondations, tous les droits des

riverains, des propriétaires et des tiers demeurant réservés » (art. L. 2111-12 du CGPPP). 7 Fabreguettes, Traité des eaux publiques et des eaux privées, Ed. F. Pichon et Durand-Auzias, Paris, t. II, 1911,

p. 7. 8 Ph. Billet, La protection juridique du sous-sol en droit français, thèse, Université Jean Moulin Lyon 3, 1994, p.

375. 9 Préc.

Page 6: « Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »]

INSTITUT DE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT Partenaire de :

18 RUE CHEVREUL │ 69362 LYON CEDEX 07

TEL. 04 78 78 74 92 │ FAX 04 78 78 74 94

E-MAIL [email protected]

6

sur l’eau10

qui consacre l’unité physique de la ressource caractérisée par le cycle de l’eau. Les

travaux préparatoires de la loi insistent sur la nécessité d’unifier le régime juridique de l’eau

en consacrant son unité physique et son unité juridique ainsi que sur celle de préserver sa

quantité et sa qualité au moyen d’une politique globale11

. Ils aboutissent alors à une traduction

juridique, certes imparfaite, du cycle hydrologique dans le régime de police de l’eau (I).

Cependant, les caractéristiques écologiques essentielles du cycle de l’eau trouvent une

expression dans des concepts, voire même dans des qualifications, qui donnent au processus

naturel une réalité juridique (II).

I.- La traduction juridique imparfaite du cycle hydrologique dans le régime de police de

l’eau

La loi du 3 janvier 1992 consacre l’unité physique et juridique de l’eau. L’unité physique crée

donc l’unité juridique qui est représentée par l’unification du régime de police de l’eau. Le

régime de police soumet à autorisation ou à déclaration les installations, ouvrages, travaux ou

activités (IOTA) qui empêchent, par les prélèvements qu’ils réalisent ou les obstacles qu’ils

représentent, le mouvement de l’eau, qu’il s’agisse des eaux superficielles ou souterraines12

. Il

conçoit donc l’eau dans sa globalité.

La police de l’eau est matérialisée dans une « nomenclature eau » qui appréhende le

mouvement constitutif du cycle hydrologique de différentes manières.

10

Loi n°92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau, JO du 4 janvier 1992, p. 187. 11

Sur ce point : J.-L. Gazzaniga, Loi sur l’eau du 3 janvier 1992, J. C. E., fasc. 610, pp. 5-6, n°17-22 ; F. Ogé et

R. Romi, L’avant-projet de loi sur l’eau, un nouveau droit en chantier, L. P. A., n°38, 29 mars 1991, pp. 4-10. 12

Art. L. 214-1 du C. env.

Page 7: « Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »]

INSTITUT DE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT Partenaire de :

18 RUE CHEVREUL │ 69362 LYON CEDEX 07

TEL. 04 78 78 74 92 │ FAX 04 78 78 74 94

E-MAIL [email protected]

7

D’abord, la nomenclature vise le débit de l’eau qui s’expose aux prélèvements agricoles et

industriels. Ainsi, « les prélèvements ou encore les installations et ouvrages permettant le

prélèvement, y compris par dérivation, dans un cours d'eau, dans sa nappe d'accompagnement

ou dans un plan d'eau ou canal alimenté par ce cours d'eau ou cette nappe est soumis à

déclaration ou à autorisation » selon la capacité de prélèvement (rubrique 1.2.1.0. de l’art. R.

214-1 du C. env.).

Ensuite, la « nomenclature eau » vise les crues dont l’écoulement qui est empêché par des

« installations, des ouvrages, des remblais et épis installés dans le lit mineur d'un cours

d'eau » oblige les exploitants à demander préalablement une autorisation préfectorale

(rubrique 3.1.1.0. de l’art. R. 214-1 du C. env.).

Aussi, les zones humides13

ou les nappes d’accompagnement des cours d’eau14

figurent dans

la « nomenclature eau », ce qui révèle une prise en compte globale du mouvement, que celui-

ci désigne l’écoulement, l’évaporation, l’alimentation des eaux souterraines par la percolation

des eaux de surface ou l’alimentation d’un cours d’eau par sa liaison à une nappe phréatique.

En conséquence, la police de l’eau tend à protéger le mouvement de la ressource voire à

garantir le cycle hydrologique en appréhendant globalement les étapes constitutives du

processus naturel.

Pour ce faire, elle tend à limiter l’exercice du droit de riveraineté et du droit de propriété qui

aboutissent, dans la plupart des cas, à empêcher le mouvement tantôt en érigeant des obstacles

13

Art. R. 214-1 du C. env., rubrique 3. 3. 1. 0 de la nomenclature eau. 14

Art. R. 214-1 du C. env., rubriques 1. 2. 1. 0 et 1. 2. 2. 0 de la nomenclature eau.

Page 8: « Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »]

INSTITUT DE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT Partenaire de :

18 RUE CHEVREUL │ 69362 LYON CEDEX 07

TEL. 04 78 78 74 92 │ FAX 04 78 78 74 94

E-MAIL [email protected]

8

à l’écoulement, tantôt en extrayant du milieu aquatique la quantité d’eau nécessaire à son

roulement, tantôt en asséchant les mares et les marais qui jouent pourtant un rôle fondamental

notamment dans le processus d’évaporation et dans celui du renouvellement des nappes

phréatiques, en dehors du fait que les zones humides constituent des espaces naturels riches en

biodiversité.

En réalité, le régime de police cherche un équilibre entre l’usage de la ressource à des fins

économiques et sa protection dont les manifestations révèlent une appréhension du

mouvement de l’eau. La recherche de cet équilibre, qui aboutit a fortiori à un compromis,

explique, en partie, pourquoi la « nomenclature eau » ignore certains écosystèmes pourtant

constitutifs du cycle hydrologique. En effet, Jean Untermaier relève, compte tenu des seuils

d’autorisation élevés, que le dispositif exclut du régime de police « les mares, étangs et petits

marais dont l’étendue modeste masque l’importance pour de multiples compartiments de la

vie sauvage »15

et, j’ajoute, pour la réalisation du cycle hydrologique.

Ceci étant, les caractéristiques écologiques essentielles du cycle de l’eau trouvent une

expression dans des représentations juridiques qui donnent au processus naturel une réalité

juridique (II).

II.- Les représentations juridiques du cycle de l’eau

15

J. Untermaier, Biodiversité et droit de la biodiversité, RJE 2008, n°spécial, p. 24. Art. R. 214-1 C. env.

rubrique 3.3.1.0.

Page 9: « Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »]

INSTITUT DE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT Partenaire de :

18 RUE CHEVREUL │ 69362 LYON CEDEX 07

TEL. 04 78 78 74 92 │ FAX 04 78 78 74 94

E-MAIL [email protected]

9

Le cycle de l’eau ou, en tout cas, certaines étapes clés de sa réalisation, sont appréhendés dans

des concepts ou des qualifications qui débouchent sur un ensemble de règles dont l’objectif

est de protéger la ressource et son mouvement. Deux d’entre eux attirent notre attention.

D’abord, le concept de bassin versant ou de bassin hydrographique dont la conception

moderne résulte de la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau et de la directive-cadre sur l’eau du 23

octobre 2000, caractérise la « zone dans laquelle toutes les eaux de ruissellement convergent à

travers un réseau de rivières, fleuves et éventuellement de lacs vers la mer, dans laquelle elles

se déversent par une seule embouchure, estuaire ou delta » (art. 2, 13° DCE). Le

ruissellement, la convergence des eaux puis leur déversement met en évidence le fait que le

mouvement de l’eau fait le bassin.

Le bassin hydrographique englobe des sous-bassins qui correspondent chacun à une unité

hydrographique cohérente ou à un système aquifère (art. L. 212-3 C. env.). Il s’agit

précisément de « toute zone dans laquelle toutes les eaux de ruissellement convergent à

travers un réseau de rivières, de fleuves et éventuellement de lacs vers un point particulier

d'un cours d'eau (normalement un lac ou un confluent) » (art. 2, 14° DCE). Encore une fois, le

ruissellement, la convergence des eaux puis leur déversement caractérise le mouvement de

l’eau qui fait le sous-bassin.

On retrouve cette approche unitaire du système hydrologique en droit international dans la

notion de « cours d’eau international » qui résulte de la Convention de New York sur

l'utilisation des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation, signée le 21 mai

Page 10: « Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »]

INSTITUT DE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT Partenaire de :

18 RUE CHEVREUL │ 69362 LYON CEDEX 07

TEL. 04 78 78 74 92 │ FAX 04 78 78 74 94

E-MAIL [email protected]

10

199716

et dans la Convention africaine sur la Conservation de la nature et des ressources

naturelles des 10-12 juillet 2003 signée à Maputo (art. VII-Eaux) qui fait suite à la

Convention d’Alger du 15 septembre 1968 (art. V-Eaux) et qui fait référence « aux cycles de

l’eau par bassin versant ».

Ainsi, sur des échelles géographiques de niveau différent, se réalise une partie du cycle

hydrologique. Le mouvement de l’eau qui génère son cycle crée donc l’unité hydrographique

cohérente représentée par le bassin versant.

Ensuite, le bon état écologique. Il s’agit d’une notion issue de la directive-cadre du 23 octobre

2000 sur l’eau qui définit, entre autres, la qualité écologique des masses d’eau. Le bon état

écologique des eaux sera caractérisé si, notamment, les connexions entre les eaux de surface

et les eaux souterraines se réalisent17

. Ces connexions sont illustrées, par exemple, par la

percolation des eaux de surface qui rechargent les nappes phréatiques ou par la nappe qui

accompagne le cours d’eau. La rupture de ces connexions, qui peut résulter tantôt de

l’affaissement du lit du cours d’eau en-dessous du niveau de la nappe en raison de

l’implantation d’ouvrages hydrauliques, tantôt de l’assèchement des zones humides, altère

donc la qualité écologique des masses d’eau. Ainsi, le mouvement de l’eau détermine son état

écologique et, de ce fait, il conditionne sa protection comme l’illustre le classement des cours

d’eau en fonction de leur état écologique18

.

16

Il s’agit « d’un système d'eaux de surface et d'eaux souterraines constituant du fait de leurs relations physiques

un ensemble unitaire et aboutissant normalement à un point d'arrivée commun ». 17

Cf. annexe V de la directive-cadre sur l’eau, préc. 18

Cf. art. L. 214-17 du C. env., déclaré conforme à la Constitution (Cons. Const., déc. 23 mai 2014, n°2014-396

QPC, France Hydro Électricité).

Page 11: « Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »]

INSTITUT DE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT Partenaire de :

18 RUE CHEVREUL │ 69362 LYON CEDEX 07

TEL. 04 78 78 74 92 │ FAX 04 78 78 74 94

E-MAIL [email protected]

11

Toutefois, à l’intérieur du cycle de l’eau, d’autres cycles se réalisent et participent, du fait de

leur mouvement, au processus hydrologique. Par exemple, le cycle du cours d’eau, qui

représente « l’hydrosystème fluvial » dont la protection a fait l’objet d’un ouvrage réalisé par

Aude Farinetti, est appréhendé par le droit de diverses manières. Le législateur prend en

considération autant le déplacement du lit du cours d’eau engendré par l’érosion que les crues

qui inondent les plaines et les forêts alluviales.

Ainsi, le déplacement du lit du cours d’eau qui est engendré par l’érosion du lit mineur et qui

entraîne le mouvement de l’eau est appréhendé par la « servitude de mobilité du cours d’eau »

instaurée par la loi Bachelot du 30 juillet 2003. Le cours d’eau divague, empreinte des

chemins non linéaires, de sorte que se forme un tressage dans son lit mineur. Bien que la

rédaction initiale - réalisée par Jean Untermaier et Aude Farinetti - comportât l’intérêt

écologique de la servitude, le législateur n’a retenu que l’intérêt de la restauration des

« caractéristiques hydrologiques et géomorphologiques essentielles du cours d’eau »19

, c’est-

à-dire de son espace de divagation qui accueille le mouvement du lit et de l’eau.

De plus, l’absence de maîtrise des crues, dont le mouvement est subi par les zones urbanisées,

a commandé la création de la servitude d’utilité publique, appelée « servitude de rétention

temporaire des eaux de crue et de ruissellement » ou « servitude de sur-inondation » établie

par la loi Bachelot du 30 juillet 2003. Bien que l’objectif de la loi de 2003 était de ralentir le

débit de l’eau afin de prévenir les inondations, elle a contribué de manière incidente à garantir

le mouvement de l’eau en la laissant inonder le lit majeur, lequel englobe des éléments clés du

cycle de l’eau. Ainsi, les plaines alluviales ou les forêts alluviales que les crues inondent

accueillent l’eau qui s’infiltre ensuite par percolation et qui recharge, entre autres, la nappe

19

Art. L. 211-12 du C. env.

Page 12: « Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »]

INSTITUT DE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT Partenaire de :

18 RUE CHEVREUL │ 69362 LYON CEDEX 07

TEL. 04 78 78 74 92 │ FAX 04 78 78 74 94

E-MAIL [email protected]

12

d’accompagnement du cours d’eau dont le soutien se manifeste en période d’étiage. De

même, les bras du cours d’eau ou les lônes sont inondés comme les noues et les boires qui

recueillent provisoirement l’eau des crues leur apportant le limon et les matières organiques

nécessaires à la fertilisation des sols.

Pour autant, le cycle du cours d’eau couvre lui-même d’autres cycles comme le processus

sédimentaire. Les sédiments sont mobilisés par la force des eaux courantes et charriés sur

plusieurs kilomètres le long du linéaire du cours d’eau. Les galets, les graviers, le sable ou

l’argile s’accumulent dans le lit ou au point de rupture de la pente de la rivière et forment les

alluvions qui « profitent au propriétaire riverain, qu'il s'agisse d'un cours d'eau domanial ou

non domanial »20

.

Le cycle du cours d’eau couvre également le cycle biologique d’une certaine faune aquatique

qu’elle réalise à l’occasion des crues, comme celui du brochet qui fraie dans les eaux peu

profondes des plaines inondées ou dans les roselières.

Le cycle du cours d’eau et, plus généralement, le cycle de l’eau génère donc, par son

mouvement, un certain nombre de cycles naturels et biologiques qui, de ce fait, en sont

tributaires. Il se manifeste dans tous les écosystèmes créés, notamment, par les cours d’eau et

les zones humides qui « constituent à la fois des réservoirs de biodiversité et des corridors

écologiques » selon l’article R. 371-19 du C. env. relatif à la trame verte et bleue.

La force et le roulement des eaux courantes, l’infiltration des eaux de surface, leur

ruissellement vers les mers, les fleuves ou les océans, ou encore la liaison intime entre une

20

Art. 556 du C. civil.

Page 13: « Le cycle de l’eau traduit par le droit » [« The water cycle reflected in law »]

INSTITUT DE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT Partenaire de :

18 RUE CHEVREUL │ 69362 LYON CEDEX 07

TEL. 04 78 78 74 92 │ FAX 04 78 78 74 94

E-MAIL [email protected]

13

nappe d’accompagnement et le cours d’eau ou entre la source et le cours d’eau constitue

autant d’exemples qui manifestent le mouvement de l’eau et qui caractérisent la réalisation de

son cycle, lequel met en mouvement d’autres processus naturels et biologiques.

En définitive, le législateur a longtemps eu une approche restrictive du mouvement de l’eau

notamment en faisant prévaloir l’exercice des prérogatives du propriétaire ou du riverain sur

l’eau attachée au fonds ou au cours d’eau. Désormais, il appréhende l’eau à travers son cycle

en limitant, quoique modérément, l’exercice du droit de propriété qui empêche sa circulation

ou son renouvellement et en intégrant globalement le mouvement de l’eau dans des

représentations juridiques qui donnent au processus naturel une réalité juridique.