« Association Internationale des Chercheurs Francophones en Microfinance » ------------------------------------------- Numéro 16 – Septembre 2020 ------------------------------------------ EDITORIAL Notre Association est donc devenue membre titulaire de l’AUF. Nous avons répondu en octobre dernier à un appel à projets lancé par l’Agence. Le coronavirus a retardé l’examen des dossiers. Le nôtre a été accepté avec le titre « La microfinance au cœur des enjeux sociaux et économiques en Afrique ». Son exécution a été elle aussi retardée. Pour la première année, c’est-à-dire jusque fin décembre, il n’est prévu qu’une activité d’appui pédagogique à la conception de modules de microfinance dans les établissements bénéficiaires et à la création d’un conseil de perfectionnement au sein de ces filières. Cette activité n’a pas encore commencé. Elle sera associée à la mise en place par l’Université d’Orléans d’une formation professionnelle en microfinance à l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin. Revenons aux informations coutumières, celles qui concernent nos Journées scientifiques. Nous avons évoqué dans le dernier bulletin celles de Cotonou. Il faut y revenir car elles n’étaient pas vraiment terminées le soir du dernier jour. Peu après ces journées, la BCEAO a pris contact avec l’AICFM pour organiser avec nous un webinaire sur les conséquences de la COVID-19 sur les économies de l’UEMOA, en particulier sur le secteur de la microfinance. Ces échanges par Internet, remarquablement maîtrisés par la Banque Centrale, se sont déroulés le 17 juillet, 102 personnes, banquiers, professionnels de la microfinance et membres de notre association ont été invitées. 70 ont participé à cette journée. L’organisation de ce webinaire, dont la qualité des échanges et l’intérêt du thème retenu ont été soulignés par l’ensemble des participants, nous empêche d’évoquer dès maintenant les prochaines journées scientifiques. Que va devenir ce genre de rencontre ? En présentiel ou en distanciel ou des deux façons à la fois. Nous n’avons encore rien décidé. Enfin ce qui n’a pas changé – pour l’instant – c’est la production des Actes de ces journées : les Presses Universitaires de Rouen et du Havre (PURH) les publient dans la collection ouverte il y a huit ans. A Cotonou en décembre dernier 42 contributions ont été présentées, 34 ont été soumises au Comité. Il est probable qu’une quinzaine seront retenues comme cela a été le cas dans les ouvrages précédents. Quant à celui de Saint-Louis du Sénégal, il est annoncé pour le début de l’année prochaine. Un dernier mot pour rappeler à nos membres que ce bulletin est le leur et qu’ils peuvent contribuer à l’enrichir en nous donnant des informations. Michel Lelart Président de l’AICFM Sommaire Editorial ………………………….…….............. 1 1 - Le webinaire avec la BCEAO ……………. 2 2 - Les interventions au webinaire du 17 juillet ……………………………………………... 3 3 – Quelques manifestations relatives à la microfinance ……………………………………… 6 4 – L’Observatoire de la Francophonie économique (OFE) ………………………….…. 7 5 - Publications récentes en microfinance .. 7 6 - Soutenances de thèses ……….……… 9 7 - Informations diverses ……….……..... 10
10
Embed
« Association Internationale des Chercheurs Francophones ...
This document is posted to help you gain knowledge. Please leave a comment to let me know what you think about it! Share it to your friends and learn new things together.
Transcript
« Association Internationale des Chercheurs Francophones en Microfinance »
------------------------------------------- Numéro 16 – Septembre 2020 ------------------------------------------
EDITORIAL
Notre Association est donc devenue membre titulaire
de l’AUF. Nous avons répondu en octobre dernier à un
appel à projets lancé par l’Agence. Le coronavirus a
retardé l’examen des dossiers. Le nôtre a été accepté avec
le titre « La microfinance au cœur des enjeux sociaux et
économiques en Afrique ». Son exécution a été elle aussi
retardée. Pour la première année, c’est-à-dire jusque fin
décembre, il n’est prévu qu’une activité d’appui
pédagogique à la conception de modules de microfinance
dans les établissements bénéficiaires et à la création
d’un conseil de perfectionnement au sein de ces filières.
Cette activité n’a pas encore commencé. Elle sera
associée à la mise en place par l’Université d’Orléans
d’une formation professionnelle en microfinance à
l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin.
Revenons aux informations coutumières, celles qui concernent nos Journées
scientifiques.
Nous avons évoqué dans le dernier bulletin celles de Cotonou. Il faut y revenir car elles
n’étaient pas vraiment terminées le soir du dernier jour. Peu après ces journées, la BCEAO a
pris contact avec l’AICFM pour organiser avec nous un webinaire sur les conséquences de la
COVID-19 sur les économies de l’UEMOA, en particulier sur le secteur de la microfinance.
Ces échanges par Internet, remarquablement maîtrisés par la Banque Centrale, se sont
déroulés le 17 juillet, 102 personnes, banquiers, professionnels de la microfinance et
membres de notre association ont été invitées. 70 ont participé à cette journée. L’organisation
de ce webinaire, dont la qualité des échanges et l’intérêt du thème retenu ont été soulignés
par l’ensemble des participants, nous empêche d’évoquer dès maintenant les prochaines
journées scientifiques. Que va devenir ce genre de rencontre ? En présentiel ou en distanciel
ou des deux façons à la fois. Nous n’avons encore rien décidé.
Enfin ce qui n’a pas changé – pour l’instant – c’est la production des Actes de ces
journées : les Presses Universitaires de Rouen et du Havre (PURH) les publient dans la
collection ouverte il y a huit ans. A Cotonou en décembre dernier 42 contributions ont été
présentées, 34 ont été soumises au Comité. Il est probable qu’une quinzaine seront retenues
comme cela a été le cas dans les ouvrages précédents. Quant à celui de Saint-Louis du
Sénégal, il est annoncé pour le début de l’année prochaine.
Un dernier mot pour rappeler à nos membres que ce bulletin est le leur et qu’ils peuvent
contribuer à l’enrichir en nous donnant des informations.
Michel Lelart
Président de l’AICFM
Sommaire
Editorial ………………………….…….............. 1 1 - Le webinaire avec la BCEAO ……………. 2
2 - Les interventions au webinaire du 17 juillet ……………………………………………... 3 3 – Quelques manifestations relatives à la
microfinance ……………………………………… 6 4 – L’Observatoire de la Francophonie économique (OFE) ………………………….…. 7 5 - Publications récentes en microfinance .. 7
6 - Soutenances de thèses ……….……… 9 7 - Informations diverses ……….……..... 10
2
I – Le webinaire avec la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO)
La BCEAO avait envoyé deux représentants aux Journées de Saint-Louis du Sénégal en
avril 2017. Elle a de nouveau envoyé un représentant aux Journées de Cotonou en décembre
2019, confirmant ainsi l’intérêt qu’elle porte à nos travaux, ainsi que son souhait de coopérer
régulièrement avec notre association. Cela a commencé à se faire après ces journées. La
Banque Centrale a souhaité organiser un webinaire avec notre association sur un thème
devenu soudainement d’actualité « Impacts de la pandémie de la COVID-19 sur le secteur
de la microfinance ». Les contacts avec la Direction de la Recherche et des Partenariats et
avec la Direction Générale du COFEB ont conduit à distinguer deux problèmes qui ont été
traités chacun à la fois par un collègue du Nord et par un collègue du Sud.
Ce webinaire s’est tenu le 17 juillet, et a été
introduit par le Directeur de la Recherche et des
Partenariats, le Directeur Général du COFEB et le
Président de l’AICFM. Il s’est ensuite déroulé en
deux parties :
Premier thème : « Digitalisation, microfinance
et inclusion financière dans le contexte de la
crise de la COVID-19 », par Célestin
MAYOUKOU, Université de Rouen et Magloire
LANHA, Université d’Abomey-Calavi.
Deuxième thème : « La crise de la Covid-19 et un scénario possible de « dé-
mondialisation » offrent-ils un nouveau contexte pour la supervision de la microfinance ?
Règles et régulation des IMF : arbitrage entre résilience et agilité ?, par Thierry
MONTALIEU, Université d’Orléans, et Denis ACCLASSATO, Université d’Abomey-
Calavi.
C’est la BCEAO qui a assuré le bon fonctionnement des échanges entre les participants
et elle l’a fait remarquablement. 102 personnes ont été invitées : une quarantaine des membres
de l’AICFM, une dizaine d’autres universitaires, une dizaine encore d’institutions liées à la
microfinance et à l’inclusion financière (le CGAP, l’Alliance pour l’inclusion financière …),
enfin une autre quarantaine de responsables de la BCEAO, notamment les huit directeurs
régionaux, ainsi que du COFEB.
Entre tous les participants, les échanges ont été naturellement nourris. Que la COVID-
19 ait des répercussions sur les pratiques des IMF n’a été contesté par personne. Les débats
ont permis de prendre conscience de l’importance de la digitalisation qui se développe
rapidement, surtout en Afrique. Elle entraîne des risques importants pour les institutions de
microfinance, notamment pour les plus petites et les plus jeunes qui devraient être
accompagnées. C’est le rôle même de ces institutions qui a été discuté : s’agit-il toujours d’un
même type d’institution, et que dire par exemple de leur attitude face à l’émission de monnaie
électronique ? Les échanges ont aussi concerné des aspects moins techniques. Comment
adapter la surveillance à la progression de la digitalisation ? Peut-on conserver un modèle
unique de réglementation ? L’opposition entre la nécessité de régulation et le souci de
l’innovation a suscité un certain nombre de questions.
3
II – Les interventions au webinaire du 17 juillet 2020
« Digitalisation, microfinance et inclusion financière dans le contexte de la crise de la
COVID-19 » par Célestin MAYOUKOU et Magloire LANHA
Le virus de la COVID-19 qui s’étend dans le monde depuis décembre 2019 impacte
l’ensemble des activités tant réelles que financières. Les acteurs de l’industrie de la
microfinance et leurs clients sont affectés à des degrés divers par les mesures barrières prises
par les autorités politiques tant en Afrique que dans les autres continents. La distanciation
sociale et le confinement ont conduit les Institutions de Microfinance (IMF) à un
ralentissement, voire à une cessation d’activité.
Quelques enquêtes rapides menées par des organismes tels que ADA, Fondation
Grameen Crédit Agricole (2020) auprès de leurs partenaires sur une période courte du 18 au
27 mai 2020 donnent un signal partiel, mais évocateur, des effets de la COVID-19 sur les IMF
de 47 pays d’Europe, d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique. Trois questions ont guidé ce
webinaire :
- Quels faits stylisés peuvent être mobilisés, qui permettent de mettre en évidence, au stade
actuel des connaissances, les effets mesurables sur les acteurs de la microfinance ?
- Face aux effets de la distanciation sociale et du confinement, la mobilisation de l’outil
digital n’est-elle pas devenue la solution permettant la poursuite de l’activité sous une forme
renouvelée ?
- La digitalisation n’ouvre-t-elle pas la voie à une nouvelle microfinance avec la forte
présence des banques et des Technos dans l’offre de services financiers digitaux de
proximité ?
Il ressort de l’ensemble de ces questions que la crise économique induite par la COVID-
19 a touché les métiers de la microfinance sous trois aspects :
1 - Les IMF du monde entier et surtout d’Afrique ont rencontré des difficultés pour assurer
le déboursement des crédits et le suivi rapproché des crédits octroyés.
2 - Les clients des IMF ont rencontré d’énormes difficultés pour accéder à leurs points de
services et pour poursuivre les remboursements de leurs prêts.
3 - Le portefeuille à risque (à 30 jours) a plus que doublé pour 41 % des IMF d’Afrique
subsaharienne en particulier.
L’utilisation de l’outil digital, tant pour les services existants que pour les nouvelles
solutions à mettre en place, apparaît comme la stratégie vers laquelle devraient s’orienter les
IMF. En première approximation, « la digitalisation c’est le passage lent, coûteux et
terriblement consommateur d’énergie, des services (…) dans des interfaces de type Web ou
mobile ». « L’utilisation du terme « digital » ou digitalisation en français ne relève pas de
l’anglicisme, mais d’un mouvement dans les études sociales du numérique qui souhaite mettre
l’accent sur la dimension tangible, matérielle et corporelle du numérique. Le numérique est
incarné, il s’inscrit toujours d’une manière ou d’une autre, dans une matière dont la limite se
tient au bout de nos doigts »1. Digital vient du latin digitus (doigt). Ce terme fait référence
aussi à la notion de transformation numérique, qui évoque « le processus qui permet aux
entreprises d’intégrer les technologies digitales au sein de leurs activités »2.
1 Cf. la revue Études digitales, D. Cardon et A. Casilli, Qu’est-ce que le Digital Labor ?, INA Editions, 2015 et
D. Vinck, Humanités numériques : la culture face aux nouvelles technologies. Idées reçues, Le Cavalier bleu
éditions, 2016, cité par Al Dahbah (2019, p. 121, note 1). « Digitalisation de la santé au sud : quand les firmes du
numérique décident de l’accès au soin », Mouvements, n°98, p. 120-132, La Découverte. 2 Dutot V. et Ch. Perez (2019), 100 fiches pour comprendre le digital, BREAL, p. 8.
4
Le terme digitalisation a deux contenus (Lavayssière B., 2015, p. 57)3. Le premier,
évoque « une génération nouvelle d’outils techniques et méthodes de traitement des données,
de présentation de ces données et de leur transmission, autrement dit l’apport des
technologies d’Internet (notamment les standards W3C – World Wide Web Consortium1)
dans le traitement de l’information ». Le second désigne « l’ensemble les nouveaux
instruments, interfaces/outils de communication physiques ou virtuels, comme les
smartphones, les X-blets (tablettes de différentes formes), les réseaux sociaux, les agents
intelligents, etc… ». Une IMF digitalisée serait celle qui articulerait ces deux dimensions.
La digitalisation dans sa forme de fourniture de services de paiements mobiles ou
mobile banking est un facteur d’inclusion financière. La notion de digitalisation est élargie
dans notre entendement à celle de quasi-digitalisation. Elle désigne des stratégies
informatiques de base qui ne requièrent pas l’usage de téléphone intelligent (smartphone), ni
d’Internet, mais simplement de téléphones de génération antérieure adaptés à l’exploitation de
deux services : le SMS (Short Message Service) et pour le paiement, la technologie USSD
(Unstructured Supplementary Service).
La digitalisation actuellement à l’œuvre dans les services de microfinance passe par le
mobile banking. Les fournisseurs de ces nouveaux services sont les banques, les Fintechs, les
établissements de monnaie électronique et quelques institutions de microfinance.
L’entrée dans la digitalisation d’offreurs de services micro-financiers est soumise à
deux types de barrières : la capacité de créer un réseau de détaillants et l’obtention d’une
licence d’opérateur de téléphonie mobile couplée à celle d’émetteur de monnaie électronique.
Ces deux barrières facilement franchissables par les banques et les opérateurs de
téléphonie mobile sont en revanche très élevées pour les institutions de microfinance qui se
retrouvent d’emblée évincées des métiers de micro-prêts digitalisés. Dans l’offre de services
de mobile banking ou de mobile money, elles sont reléguées au rôle de simples distributeurs
de ces nouveaux services pour les banques ou les Technos. Ce nouveau rôle qu’exercent les
IMF s’explique aussi par le caractère biface des marchés des services digitaux. Le produit ou
le service distribué (mobile money, mobile banking) est celui des opérateurs de téléphonie
mobile ou des banques. Les IMF ne peuvent exercer qu’un simple rôle de distributeurs de ces
produits ou services.
Il y a cependant des signes de l’émergence d’une nouvelle microfinance induite par
l’offre de services de mobile money ou de mobile banking ici ou là par des IMF, au Sénégal,
en Ouganda et au Kenya.
Le digital modifie in fine la chaîne de valeur de la microfinance. L’entrée dans ce
nouveau segment nécessite de pouvoir posséder simultanément trois avantages au sens de
Dunning (Ownership, Localisation et Internalisation du paradigme « OLI »)4. Le premier
avantage est spécifique aux Technos, Fintechs et banques multinationales (voire leurs filiales
locales) présentes en Afrique. Cet avantage menace l’existence même de la microfinance
traditionnelle. L’avantage en termes de localisation crée un effet d’éviction au service de
proximité, (qui était l’avantage spécifique des agences des IMF) par la suppression de la
distance physique qu’apporte « le digital ». La présence, dans les espaces géographiques
proches des kiosques « de cash in et cash out » des Technos, détourne vers ces entités,
facilement déplaçables (à coût faible) une large fraction de la clientèle qui s’adressait
3 Lavayssière B. (2015), « Les modèles économiques bouleversés par le digital », Revue d’économie financière,
4, n°120. 4 Dunning J.H. (1977), « Trade, Location of Economic Activity and the MNE : a search foreclectic approach »,
in B. Ohlin (ed.), The International Allocation of Economic Activity, The Macmillan Press LTD, p. 395-418. Cf.
aussi Mayoukou C. (2014), « Les banques multinationales et l’offre de services en microfinance : peut-on encore
parler de l’éthique micro-financière ? Une analyse du paradigme « OLI » revisité », Les Cahiers de l’Association
Tiers-Monde, n°30, 2015, p. 87-98.
5
auparavant aux IMF. Enfin, le dernier avantage (internalisation) permet aux structures ayant
bénéficié de l’agrément d’émettre de la monnaie électronique, de « siphonner », et l’activité
traditionnelle, et la clientèle attachée au cash par la réduction de ces types d’opération avec
l’usage de mobile money notamment. Les nouveaux opérateurs bancaires et les Technos
offrent même des crédits de taille plus petite que le microcrédit traditionnel. On parle de pico,
voire de nano crédit.
Les IMF assurent la fonction de sélection de micro-projets et de monitoring des prêts,
deux fonctions essentielles dans le financement des activités génératrices de revenus des
populations à faible revenu, mais qui sont peu assurées par les Fintechs. A cet égard, la
microfinance doit être réinventée, en accompagnant ses acteurs actuels par le renforcement de
leur résilience. Ce sont surtout les petites structures menacées de disparaître par cette nouvelle
forme de concurrence qui méritent d’être soutenues.
Célestin Mayoukou et Magloire Lanha
« La crise de la Covid-19 et un scenario possible de « dé-mondialisation » offrent-ils un
nouveau contexte pour la supervision de la microfinance ? Règles et régulation des IMF :
arbitrage entre résilience et agilité ? » par Denis ACCLASSATO et Thierry MONTALIEU
Le secteur de la microfinance a connu un fort développement de son activité au cours de
ces trois dernières décennies, mais en même temps certains pays ont vu leurs IMF traverser de
graves crises ou au moins assister à une dégradation de la qualité de leurs portefeuilles et
actifs. Après la crise financière mondiale de 2008, la crise de la Covid-19 représente un
nouveau choc macroéconomique mondial qui impactera ce secteur. La BCEAO a d’ailleurs
mis en œuvre une série de mesures visant à atténuer cet impact pour les IMF de la région.
Mais au-delà des aléas conjoncturels, des tendances lourdes se font jour et déterminent tout au
moins la résilience des IMF et leur agilité à innover pour mieux servir l’inclusion financière.
Le contexte actuel peut-il servir d’accélérateur à certaines de ces tendances, ou au
contraire de coup d’arrêt ?
Qu’il s’agisse de crises de croissance ou plus structurellement de défauts majeurs dans
les procédures d’instruction des crédits ou de suivi des contrats et des remboursements, la
question de la supervision et de la réglementation est au cœur d’une microfinance, certes
inclusive, pour offrir des services au plus grand nombre, mais aussi soutenable pour assurer
des stratégies de long terme de sortie de la pauvreté. La connexion de la microfinance à
l’économie mondiale s’est réalisée au travers de financements extérieurs (aide bilatérale et
multilatérale, ONG, recyclage des envois de fonds des travailleurs migrants, participations des
réseaux bancaires,…) ce qui a conduit certains à imaginer une nouvelle fragilité potentielle du
secteur. La crise de la Covid-19 et quelques appels à la dé-mondialisation pourraient servir de
catalyseur à des changements radicaux d’organisation et peut-être remettre en cause le
« modèle d’affaires » des IMF ou du moins de celles qui sont les plus connectées aux réseaux
mondiaux.
Thierry Montalieu dresse le contexte général de la crise (y compris un éventuel scénario
de tensions "démondialistes") et souligne les grandes orientations envisageables (résilience ou
agilité de la microfinance) au travers d'une synthèse de la littérature sur les différents types de
règles (prudentielles et défensives versus innovatrices et offensives) et leurs conséquences.
Denis Acclassato regarde les évolutions récentes des textes de l’UEMOA et, à travers le cas
béninois, il propose de tirer quelques perspectives sur les opportunités/risques des SFD dans
un contexte de concurrence amplifiée avec les Fintechs.
6
Si la tendance « défensive » de la réglementation, celle insistant davantage sur la
protection des consommateurs et sur la résilience des organisations devait s’imposer (en écho
à une vision critique de la mondialisation libérale), on pourrait craindre une baisse d’activité
des IMF se concentrant sur la vision historique d’une microfinance de terrain s’adressant aux
segments les plus pauvres de la population, essentiellement en zone rurale. Si la tendance plus
« offensive » s’impose avec des politiques accompagnant davantage l’innovation
(technologique et de produits) du secteur et donc son agilité, alors les IMF pourraient rester
sur le segment visé par les Fintechs avec des produits adaptés à une classe moyenne
inférieure, plutôt urbaine, et ainsi rattraper leur retard sur les Fintechs sur le segment de
finance digitale. La question reste de savoir si ces deux options sont exclusives l’une de
l’autre ou se complètent.
Denis Acclassato et Thierry Montalieu
A la suite de ce webinaire, auquel notre réseau a participé activement, la BCEAO vient de
lancer un Appel à contributions pour un numéro spécial de sa Revue Economique et
Monétaire sur le thème « Les économies de l’UEMOA face à la pandémie de la Covid-19 :
politiques économiques et perspectives ».
Ce numéro spécial sera consacré aux analyses théoriques et empiriques de l’impact de la
pandémie de la Covid-19, la pertinence des mesures de politiques monétaire et budgétaire et
les perspectives de long terme.
Date limite de soumission : 30 novembre 2020
Site : www.bceao.int
III – Quelques manifestations relatives à la microfinance
Les 36èmes
Journées de l’Association Tiers Monde (ATM) devaient se tenir à
l’Université de Rennes 2 les 27-29 mai derniers. Elles ont été reportées à cause du
confinement lié à la COVID-19. Elles devraient se tenir en 2021, en principe la semaine du 25
mai. Elles vont faire l’objet d’un nouvel appel sur le thème – rappelons-le - « Croissance,
développement et inéqualités. Un développement de plus en plus inégal ». Un tel thème est
naturellement ouvert à la microfinance, notamment dans la rubrique « inclusion financière et