UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN Faculté Ouverte de Politique Economique et Sociale ANALYSE DES CONCEPTIONS DE L’ENTREPRISE SOCIALE EN BELGIQUE FRANCOPHONE ETUDE EXPLORATOIRE Promotrice : Marthe NYSSENS Accompagnateurs : Romeo SHARRA Pierre van STEENBERGHE Mémoire de fin d’études présenté en vue de l’obtention du diplôme de Master en politique économique et sociale Par Claire BRANDELEER Septembre 2010
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« Analyse des conceptions de l’entreprise sociale en Belgique francophone. Étude exploratoire »
Mémoire présenté en septembre 2010 par Claire BRANDELEER en vue de l’obtention du diplôme de Master en politique économique et sociale (Fopes-UCL).
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UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN Faculté Ouverte de Politique Economique et Sociale
ANALYSE DES CONCEPTIONS DE L’ENTREPRISE SOCIALE EN BELGIQUE FRANCOPHONE
ETUDE EXPLORATOIRE
Promotrice : Marthe NYSSENS
Accompagnateurs : Romeo SHARRA
Pierre van STEENBERGHE
Mémoire de fin d’études présenté en
vue de l’obtention du diplôme de
Master en politique économique et
sociale
Par Claire BRANDELEER
Septembre 2010
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Je tiens à remercier ma commission d’accompagnement, pour nos
échanges intéressants qui m’ont poussée à approfondir ma réflexion.
Merci à Romeo Sharra et à Pierre van Steenberghe pour le temps qu’ils
m’ont consacré et leurs remarques constructives. Je remercie tout
particulièrement Marthe Nyssens pour ses suggestions et conseils
judicieux, sa très grande disponibilité et l’enthousiasme qu’elle a
manifesté tout au long de ma démarche.
3
Table des matières
Introduction 5
I. Conceptualisations de l’entreprise sociale, de l’entrepreneuriat social et de l’entrepreneur
social. Présentation de trois écoles de pensée
1. Introduction 7
2. L’approche du réseau européen EMES 7
2.1. A propos du réseau EMES 7
2.2. Ancrage dans l’économie sociale 8
2.2.1. Le secteur de l’économie sociale 8
2.2.2. Limites du concept de l’économie sociale 9
2.2.3. L’innovation au sein des organisations du secteur de l’économie sociale 9
2.3. Définition de l’entreprise sociale 10
2.4. Théorie de l’entreprise sociale à ressources, objectifs et parties prenantes
multiples 13
2.5. Lien entre l’approche EMES et l’économie sociale 15
3. L’approche américaine de l’innovation sociale 16
3.1. Introduction 16
3.2. L’entrepreneur social innovant 16
3.3. Focus sur l’innovation sociale 20
4. L’approche américaine de l’entreprise sociale 22
4.1. Introduction 22
4.2. Le secteur nonprofit 23
4.2.1. Définition 23
4.2.2. Evolution 24
4.3. The social enterprise school of thought 25
5. Convergences et divergences 28
5.1. La mission sociale 29
5.2. L’entreprise sociale, le risque économique et les ressources 29
5.3. Le lien entre l’activité de production et la mission sociale 30
5.4. L’entrepreneuriat social 30
5.5. Le mode de gouvernance 30
5.6. Tableau récapitulatif 32
4
II. Analyse des conceptions de l’entreprise sociale, de l’entrepreneuriat social ou de
l’entrepreneur social en Belgique francophone
1. Introduction 33
2. Cartographie des acteurs en Belgique francophone 34
2.1. Les fédérations 34
2.2. Les organismes « ressource » 35
2.3. Les acteurs politiques 35
2.4. Les instituts d’enseignement et de recherche 35
2.5. Tableaux récapitulatifs des acteurs 36
3. Hypothèses 37
4. Méthodologie 38
4.1. Echantillon 38
4.2. Méthodes de récolte des données 39
5. Présentation et analyse des données 40
5.1. ConcertES 41
5.2. AtoutEI 44
5.3. Crédal 48
5.4. Triodos 51
5.5. Réseau des entreprises sociales 54
5.6. Sowecsom 57
5.7. Centre d’économie sociale (Ulg) 60
5.8. The Hub 64
5.9. Fondation Philippson 67
5.10. CRECIS (LSM-UCL) 70
5.11. Positionnement des acteurs: synthèse 73
6. Vérification des hypothèses 77
Conclusion 78
Bibliographie 80
Annexe A: Script des interviews 83
Annexe B: Questionnaire 97
Annexe C: Résultats du questionnaire 100
5
Introduction
Parallèlement au secteur privé lucratif et au secteur public, existe également un troisième
secteur, qu’en Belgique l’on nomme généralement économie sociale. Durant les deux
dernières décennies, ce tiers-secteur a connu des évolutions importantes, résultant d’un
dynamisme nouveau. En témoigne, la création de nouveaux statuts légaux dans plusieurs pays
européens dans l’objectif de soutenir ce secteur de l’économie sociale, tels que le statut de
« coopérative sociale » introduit en 1991 en Italie, celui de « société à finalité sociale » (SFS)
adopté en Belgique en 1995 ou encore celui de « société coopérative d’intérêt collectif » créé
en 2002 en France. En témoigne également, l’usage de plus en plus fréquent des vocables
d’entreprise sociale, d’entrepreneuriat social ou encore d’entrepreneur social. Le
développement du tiers-secteur a suscité un vif intérêt, notamment au sein des universités.
Des deux côtés de l’Atlantique, différents cadres théoriques ont été élaborés par des
chercheurs, afin de rendre compte de la réalité changeante du tiers-secteur1. Ainsi, plusieurs
écoles de pensée coexistent, chacune conceptualisant l’entreprise sociale, l’entrepreneuriat
social ou l’entrepreneur social de manière différente. En suivant Defourny et Nyssens (2009),
nous en présentons trois dans le cadre de ce mémoire: (1) l’approche européenne de
l’entreprise sociale développée par le réseau de recherche EMES, (2) l’approche américaine
de l’innovation sociale et (3) l’approche américaine de l’entreprise sociale2. Outre les
scientifiques, d’autres types d’acteurs se sont emparés de ces trois vocables, notamment les
porteurs de projet d’économie sociale, les fédérations d’organisations de l’économie sociale,
les acteurs politiques, etc. Si ces notions suscitent un engouement de leur part, il n’existe
cependant pas de définitions fédératrices autour desquelles tous les types d’acteurs
s’accordent. Pour la reconnaissance et le développement du tiers-secteur, il serait pourtant
utile que les différents acteurs trouvent un langage commun, d’autant plus qu’au débat
s’ajoutent des intervenants promouvant des démarches de type RSE (responsabilité sociale
des entreprises) avec lesquels les acteurs se revendiquant de l’entrepreneuriat social ou de
l’entreprise sociale sont appelés à dialoguer.
1 Les notions d’entreprise sociale, d’entrepreneuriat social et d’entrepreneur social sont aussi objet de débats
ailleurs sur le globe, mais dans le cadre de cette étude, nous nous intéressons plus particulièrement à l’Europe et
aux Etats-Unis. 2 Ce sont Dees et Anderson qui utilisent cette typologie pour faire la distinction entre ces deux dernières écoles
de pensée présentes aux Etats-Unis (Dees & Anderson, 2006, cités dans Defourny & Nyssens, 2009: 6).
6
Ces constats étant posés, viennent alors les questions suivantes: quelles représentations se font
les acteurs de l’économie sociale des concepts d’entreprise sociale, d’entrepreneuriat social et
d’entrepreneur social ? Dans quelle mesure les cadres théoriques existants offrent-ils un
espace dans lequel leurs représentations pourraient être situées ? Dans le cadre de ce mémoire,
il est nécessaire de préciser davantage ces questions, ce qui nous mène à notre question de
départ:
Quel cadre théorique, parmi les trois que nous présentons, correspond le mieux aux
représentations de l’entreprise sociale, de l’entrepreneuriat social et/ou de
l’entrepreneur social que se font les acteurs revendiquant ces vocables en Belgique
francophone?
Nous insistons sur le fait qu’il s’agit d’une part de cadres théoriques, c’est-à-dire de
manières de conceptualiser les notions dont il est question, et d’autre part de
représentations, c’est-à-dire de discours à propos de ces mêmes notions.
Ce mémoire présente un double intérêt. D’une part, il a une pertinence scientifique: les
concepts d’entreprise sociale, d’entrepreneuriat social et d’entrepreneur social sont élaborés
par les chercheurs au sein des universités; il est intéressant d’étudier comment les autres
acteurs se positionnent par rapport à ceux-ci. D’autre part, il a une pertinence sociale: ces
nouvelles notions animent le secteur de l’économie sociale et font débat parmi les différents
acteurs; il est donc intéressant de voir s’il y a convergence dans les représentations qu’ils se
font des notions dont il est question.
Ce mémoire est structuré en deux chapitres. Le premier est théorique et est consacré à la
présentation des trois écoles de pensée. Ce chapitre conclut en soulignant les points de
convergence et de divergence entre les trois cadres théoriques. Le deuxième chapitre est
dévolu à la partie empirique. Tout d’abord, nous présentons notre population à l’aide d’une
cartographie des acteurs en Belgique francophone revendiquant les vocables d’entreprise
sociale, d’entrepreneuriat social et/ou d’entrepreneur social. Cette cartographie nous a
également permis de poser nos hypothèses de travail. Ensuite, nous avons construit un
échantillon de dix acteurs que nous avons interviewés et auxquels nous avons soumis un
questionnaire. La partie principale de ce deuxième chapitre comporte la présentation et
l’analyse des données récoltées. Enfin viennent la vérification des hypothèses et notre
conclusion.
7
I. Conceptualisations de l’entreprise sociale, de l’entrepreneuriat social et de l’entrepreneur social. Présentation de trois écoles de pensée
1. Introduction
Les trois écoles de pensée que nous présentons dans ce premier chapitre ne sont pas les seules
approches rendant compte des évolutions du tiers-secteurs ou conceptualisant l’entreprise
sociale ou l’entrepreneuriat social. En Europe, il existe effectivement l’approche italienne des
Indicateurs Approche EMES Social innovation school of
thought
Social enterprise/earned
income school of thought
commercial
nonprofit
approach
social-purpose
business
approach
Angle d’approche Entreprise sociale Entrepreneur social innovant
(Ashoka)/ innovation sociale
Entreprise/
Entrepreneuriat
social(e)
Entrepre-
neuriat social
Mission sociale
Centralité de la mission sociale
Objectifs sociaux (service à la
collectivité ou à un groupe)
Objectifs économiques (production
B/S, viabilité financière, etc.)
Objectifs sociopolitiques (recherche
de plus de démocratie dans la sphère
économique)
Création de valeur sociale = impact
social
Impact systémique,
« transformation sociale durable »
Financer la
mission sociale
d’une NPO
(production de
B/S pour
collectivité ou
membres)
« dimension
sociale »
Entreprise sociale
Risque écon.
Ressources
Production de biens et/ou fourniture de services
OUI
Pluralité de ressources: ressources marchandes, publiques et volontaires Ressources marchandes pour tendre
vers l’autofinancement
Il faut se détacher au maximum des
autres types de ressources
Hybridation pérennité
-équilibre à trouver en f° besoins
-niveau min. d’emploi rémunéré
Peu importe l’origine des
ressources
Resourcefulness
Lien entre activité de
production et
mission sociale
Contrainte de lien direct
Pas de contrainte
(3 possibilités: mission centric,
mission related, unrelated to
mission)
Entrepreneuriat
social
Nouveaux/nouvelles produits,
qualités de produits, méthodes
d’organisation/production, facteurs
de production, rapports au marché,
formes d’entreprises (= innovation,
mais pas forcément invention)
Innovation (pas forcément
invention), créativité
Agents de changement (causes)
Opportunités (vision)
Capacité d’une
NPO à s’auto-
financer
Orientation
vers le
marché
Innovation
Professionnalisation (méthodes du
monde marchand)
Mode de
gouvernance
Entrepreneur
social/
Initiateur(s)
Relations avec
pouvoirs publics
Allocation des
profits
Gestion participative, implication
parties prenantes multiples au sein
des instances de gouvernance de
l’entreprise, dynamique collective
Processus de décision non lié à la
détention de capital (une personne,
une voix)
Dimensions non pertinentes
Groupe de personnes d’une même
communauté ou cherchant à
satisfaire un même besoin ou
poursuivant un même objectif
leadership pas exclu (une
personne ou petit groupe), mais
dynamique collective
Individu (qualités et compétences)
(Ashoka) leadership
OU groupe, organisation, réseau,
mouvement, réseau d’organisations
Initiateur: NPO
Initiateur:
entreprise
privée
lucrative, NPO,
etc.
Entrepreneur: personne qui utilise
des stratégies d’autofinancement
Indépendance
Subsides + Rôle éventuel dans
l’institutionnalisation
Dimension non pertinente NPO indépendante
Subsides mais à éviter
Tax-exemption
Distribution limitée voir contrainte
de non-redistribution
Pas de contrainte, mais priorité à la
mission sociale
Contrainte de
non-
redistribution
Pas de
contrainte
Statut juridique/
Secteur(s)
Contrainte: statut qui limite la
redistribution des profits et qui
implique une démocratie
économique: associations,
coopératives, mutuelles, fondations
et autres entités à finalité sociale
Pas de contrainte
Partenariat, alliances entre secteurs:
favorisent l’innovation
NPO Pas de
contrainte +
collaboration
entre secteurs
Lien avec d’autres
théories
Economie sociale Indicateur non pertinent Secteur nonprofit
33
II. Analyse des conceptions de l’entreprise sociale, de l’entrepreneuriat social ou de l’entrepreneur social en Belgique francophone
1. Introduction
Après la présentation de trois grandes approches théoriques conceptualisant l’entreprise
sociale, l’entrepreneuriat social ou l’entrepreneur social, nous nous attelons à la partie
empirique de ce mémoire. Nous commençons par un recensement des acteurs de terrain en
Belgique francophone qui se revendiquent des vocables utilisés par ces trois approches.
D’emblée, nous faisons le choix de nous limiter aux acteurs institutionnels, à savoir les
acteurs politiques, les instituts d’enseignement et de recherche, ainsi que les organismes
« ressource », parmi lesquels on compte notamment les agences conseil et les organismes de
financement. Nous laissons consciemment de côté les entreprises sociales, trop nombreuses
pour être citées dans le cadre de ce travail, mais nous incluons dans la cartographie leurs
fédérations comme quatrième type d’acteur institutionnel. Ce dernier choix induit une
première limite puisque toute entreprise sociale n’est pas nécessairement membre d’une
fédération.
D’un point de vue méthodologique, nous avons repéré les institutions sur le net en nous
reposant, d’une part sur notre connaissance du secteur et, d’autre part, en suivant aussi les
références données sur les sites visités dans les pages telles que « Liens utiles ». Cette
méthode a des limites évidentes mais inévitables: d’une part, il n’est pas sûr que tous les
acteurs aient un site internet et d’autre part, il est difficile voire impossible d’être exhaustif.
Soulignons qu’il s’agit d’une cartographie des acteurs qui se réclament, dans leur présentation
sur le web, d’au moins un des cinq principaux vocables utilisés par les trois approches que
nous avons étudiées: entreprise sociale, économie sociale, entrepreneur social, entrepreneuriat
social et innovation sociale17
.
La cartographie est une première étape de repérage de notre population avant de choisir notre
échantillon. Elle nous permet de constater la diversité des types d’acteurs de terrain existant
ainsi que leur grand nombre. L’étape suivante est la classification de ces acteurs selon la
présence ou l’absence de certains termes sur leur site internet.
17 De la sorte, des acteurs de l’économie sociale comme, par exemple, Febrap et Aleap (fédérations d’entreprises
de travail adapté ou d’organismes d’insertion socioprofessionnelle) ne sont pas répertoriés dans la cartographie.
34
Après la formulation des hypothèses, vient une partie consacrée à la méthodologie déployée
afin de présenter les méthodes de recherche privilégiées et le choix de l’échantillon. Ensuite,
nous présentons les données récoltées et enfin, nous nous attelons à leur analyse.
2. Cartographie des acteurs en Belgique francophone
Plusieurs types d’acteurs revendiquent les vocables « économie sociale », « entreprise
sociale », « entrepreneuriat social », « entrepreneur social » ou « innovation sociale » en
Belgique francophone. Nous avons choisi de classer ces acteurs en quatre catégories: les
fédérations, les organismes « ressource », les acteurs politiques et enfin les instituts
d’enseignement et de recherche.
2.1. Les fédérations
Il existe diverses fédérations regroupant des membres actifs dans le champ de l’économie
sociale. Les missions des fédérations sont multiples, chacune ayant bien sûr ses
caractéristiques spécifiques. Leurs responsabilités s’articulent autour de la plupart des
activités suivantes: promouvoir le secteur de l’économie sociale, en assurer la visibilité et la
représentation, défendre les intérêts de leurs membres, organiser un réseau d’entreprises
sociales et favoriser la création de partenariats, jouer un rôle de relais entre les entreprises
sociales et les acteurs publics et privés, analyser et diffuser l’information susceptible
d’intéresser leurs membres, produire des études concernant l’économie sociale, proposer des
formations dans le but d’encourager la professionnalisation du secteur de l’économie sociale,
organiser des événements en lien avec le secteur, etc. Deux types de fédérations existent: les
fédérations transversales, regroupant des entreprises actives dans des domaines variés, et les
fédérations sectorielles, rassemblant des entreprises actives dans un champ d’activité
particulier (les fédérations d’entreprises d’insertion socioprofessionnelle et d’entreprises de
formation par le travail, les fédérations d’entreprises de travail adapté et les autres
fédérations).
35
2.2. Les organismes « ressource »
Parmi les organismes « ressource », nous distinguons les agences conseil en économie
sociale, les organismes de financement soutenant le secteur de l’économie sociale
(coopératives financières ou banques commerciales) et les autres organismes « ressource ».
Un décret du gouvernement wallon datant du 27 mai 2004 définit l’agence conseil comme un
organisme « qui a pour objet social principal le conseil à la création et à l’accompagnement
d’entreprises d’économie sociale dont la moitié au moins sont des entreprises d’économie
sociale marchande »18
. Une agence conseil peut avoir un statut juridique d’ASBL, de
fondation, de société à finalité sociale ou de coopérative. Si une agence conseil est agréée, des
subsides lui sont accordés. Actuellement19
, dix agences conseil20
sont agréées par la Région
wallonne (certaines sont aussi actives à Bruxelles).
2.3. Les acteurs politiques
Le soutien au secteur de l’économie sociale a fait et fait l’objet d’actions publiques tant au
niveau fédéral que régional (en Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne). Cet
appui se réalise également à un niveau plus local (niveaux communal et provincial).
2.4. Les instituts d’enseignement et de recherche
Parmi les instituts d’enseignement et de recherche, nous distinguons les universités des autres
lieux de formation. Dans les universités, nous distinguons les centres de recherche
universitaires, les facultés universitaires en sciences humaines et les business schools.
18 Voir http://emploi.wallonie.be/THEMES/ECO_SOCIALE/Agences_Conseil.htm consulté le 12.04.2010. 19 Chiffre de janvier 2010. Voir http://emploi.wallonie.be/THEMES/ECO_SOCIALE/Agences_Conseil.htm
consulté le 12.04.2010. 20 Une d’entre elles est située dans la partie germanophone du pays. Elle ne se trouve donc pas dans notre liste.
Interview de Mr S. Pereau, secrétaire général de ConcertES, le 21 juin 2010
C’est vrai qu’en lisant le questionnaire que vous m’aviez envoyé, je l’ai rempli dans l’idée
entreprise sociale égale entreprise d’économie sociale, donc plutôt dans la lignée du courant
de pensée européen de J. Defourny et tout ça, pour eux, entreprise sociale, ils utilisent le
terme entreprise sociale pour désigner une entreprise d’économie sociale et donc c’est vrai
que ça va orienter les réponses dans un sens ou dans un autre, où au niveau anglo-saxon on est
plutôt comme, je ne vais pas dire charities mais dans un esprit de charité plutôt, avec le
développement d’une activité économique pure et où l’aspect social est finalement une
composante qu’on prend à côté, avec, et qu’on adjoint petit à petit à l’entreprise. Pour moi,
l’entreprise sociale ou une entreprise d’économie sociale, si on doit la définir, comparée à une
entreprise normale ou à une entreprise qui fait de la responsabilité sociale ou sociétale des
entreprises, c’est la suivante: l’entrepreneur ou les entrepreneurs sociaux vont dire « ah ben
voilà, on est confronté à une problématique sociale, sociétale, que ce soit le quartier qui
dépérit, que ce soit l’environnement, des problèmes environnementaux, ou que ce soit le
problème du chômage » et ces entrepreneurs veulent faire quelque chose. Et pour ce faire ils
se disent « qu’est-ce qu’on peut faire pour mettre les gens au travail, pour embellir le quartier,
pour contrer les problèmes environnementaux ? ». Et ils vont réfléchir en termes d’activité
économique. Et dire « ah ben voilà, dans ce cadre-là, on peut, par exemple … ». J’aurais dû
prendre l’exemple inverse. Un entrepreneur, lui, va dire voilà, j’ai la technologie pour
construire des chaises, je vais construire des chaises. Si mon business marche bien, je vais
peut-être faire attention à ce que le processus soit écologique et je vais éventuellement verser
quelques dons à des entrepreneurs du Sud pour les aider au développement. L’entrepreneur
d’économie sociale, lui, il va dire voilà, j’ai ma problématique d’embellissement du quartier,
de mise au travail des personnes au chômage, d’aspect environnemental, et j’ai aussi la
connaissance d’une technologie pour construire des chaises, je vais mettre ça au profit pour
mettre les chômeurs au travail, pour éventuellement embellir le quartier, parce qu’on va ainsi
générer des revenus qui vont permettre de générer des fonds pour embellir le quartier, donc
l’optique, finalement, de départ est différente. D’un côté on a « ah, je peux faire du
business », de l’autre, c’est répondre à des besoins sociétaux en utilisant finalement, l’aspect
ou l’outil, l’activité économique pour le faire. Et c’est ce qui distingue pour moi une
entreprise sociale d’une autre entreprise. Donc, le point de départ est différent, mais on
84
développe pour faire quelque chose d’autre que simplement que sa propre activité ou son
business, ou son profit.
Interview de Mr P. Borcy, président du Conseil d’Administration d’Atout EI, le 28 juin
2010
Une entreprise sociale, c’est quoi ? Je pense que c’est avant tout, en tout cas, nous la mission
qu’on se donne, c’est d’avoir une entreprise très respectueuse du personnel, enfin, de tout qui
compose l’entreprise, que ce soit à tous les niveaux. Je pense qu’on se donne une mission qui
est dans la création d’emplois, qui est de respecter une certaine philosophie, oui, d’abord de
respect des travailleurs, de respect du travail, certainement. Qu’est-ce qu’on peut encore dire
par rapport à ça…, j’essaye de structurer… Et je pense que même, enfin, moi en tout cas,
j’essaye en tout cas de dépasser, oui, c’est ça que je veux dire en disant, on vise un personnel
particulier, mais j’essaie de l’appliquer aussi par rapport au personnel qui est dit
d’encadrement, qui est dit administratif, donc que ça prenne une dimension générale à
l’entreprise, et que ce ne soit pas une équipe qui se dit « on a une mission par rapport à un
type de population », pour moi ça dépasse ça, je pense que chacun doit s’y retrouver dans ça,
et donc qu’on soit secrétaire, directeur, accompagnateur social ou travailleuse, on doit
retrouver cette philosophie d’entreprise. C’est clair que ça demande, je pense, une énergie
particulière, de prendre le temps avec les gens, de prendre le temps de comprendre ce qui fait
que ça va, sûrement, mais aussi pourquoi ça ne va pas. Donc je pense à certaines situations, où
finalement, si on est très terre à terre, on a plein d’arguments pour mettre fin au contrat, et on
résiste très longtemps avant de mettre fin à ce contrat, et finalement, en travaillant avec les
gens, on se rend compte que le problème, il n’est pas du tout lié au travail, il n’est pas lié à ce
qu’ils font, qu’ils aiment ou qu’ils n’aiment pas, mais il est souvent lié à des difficultés
personnelles, familiales, qui nous dépassent complètement, et donc l’enjeu, c’est de trouver le
juste équilibre entre ce qui est quand-même nécessaire à ce que l’entreprise vive
correctement, que le travail soit assumé, que les clients soient satisfaits, mais aussi le fait de
pouvoir aider les membres du personnel à évoluer dans leurs problématiques à eux. Tout ça
c’est je pense, c’est la grosse différence qu’on peut… Alors attention, je ne dis pas du tout que
ça ne se fait pas dans le privé, mais, pas du tout hein, je pense que certains le font aussi, je
pense que c’est plus un esprit finalement, que l’étiquette en tant que telle, comme sans doute
dans l’économie sociale, il y en a qui agissent plus comme l’étiquette privée et pas assez
comme le social. Donc, je crois qu’il faut relativiser finalement, c’est plus un esprit, avant tout
85
du chef d’entreprise, de l’équipe d’encadrement qui la compose, et … Mais c’est clair que
quand-même malgré tout, la différence, c’est que c’est notre mission, je pense qu’il ne faut
pas oublier que c’est notre mission première, et que donc, il faut que nous-mêmes, on trouve
le juste équilibre. Alors, on n’y arrive pas tout le temps. Et alors, mais je pense que ça peut
aussi se faire ailleurs, mais on met aussi quand-même beaucoup d’énergie à ce que les gens
comprennent ce que l’on fait, et pourquoi on le fait. Donc, il y a quand-même des réunions
régulières, on explique au personnel, mais alors, c’est sûr, il y a des choses, ça fait partie
d’une gestion plus macro et donc là ça avance, mais on prend quand-même le temps après de
l’expliquer avec des mots… les différents projets, qui sont liés à nos entreprises. Ou
simplement dans le quotidien de l’entreprise, donc, voilà, des choix de T-shirt, des choix de
vêtements de travail, des aménagements d’horaires, demain, par exemple, on a une réunion
parce que, à la centrale de repassage, on identifie une série de choses qui n’allaient pas. Je
pense qu’on pourrait, assez simplement, mettre un document affiché en disant « mais vous
savez que c’est comme ça comme ça comme ça et je vous rappelle que c’est comme ça et pas
autrement ». Nous, on va prendre le temps à midi, de reconvoquer tout le monde, de voir,
parce que je peux imaginer des choses qui se passent et qui ont une explication, et qu’il ne
suffit peut-être pas de dire « ben non, les fers ils doivent être rangés comme ça et pas
autrement », il y a sans doute une raison, mais alors comment est-ce qu’on peut faire ça
mieux. Et je pense que ça passe mieux à partir du moment où les gens sont acteurs de ça. Et je
pense par exemple à le centrale, on a déjà fait ça voilà quelque temps, et finalement c’est elles
qui sont reparties en disant « on va faire, on va te faire une proposition, de comment on
pourrait nous, nous organiser ». Alors après, je vais dire on prend ou on ne prend pas
l’entièreté, ou on rediscute, mais finalement, on arrive quand-même la plupart du temps
vraiment à trouver un compromis qui convient à tout le monde. Là, donc, alors on en arrive si
on va vraiment dans l’aspect plus législatif, chez nous par exemple, donc là je sors de la fédé,
au niveau de notre entreprise, il y a maintenant une dizaine de travailleurs qui ont pris des
parts dans le capital et qui donc font partie des membres de l’assemblée générale. Alors, ça
reste 10 sur 70, ça reste minime, mais en même temps, nos statuts à l’heure actuelle, si
l’entièreté des travailleurs prennent une part à 25 €, ils prennent le pouvoir dans la gestion de
l’entreprise, donc c’est quand-même assez particulier, donc certains disent « oui, le risque
existe », je ne sais pas si c’est un risque, mais en tout cas, ça a été conçu comme ça, avec un
choix de CA qui s’est dit « mais de toute façon si on en arrive à devoir, enfin vraiment avoir
un effet de masse comme ça par rapport à quelque chose, c’est qu’on a loupé quelque chose
dans la gestion, donc on ne devrait pas en arriver à ça ». Voilà. C’est vrai que c’est un état
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d’esprit, et que même, moi j’ai le souvenir que quand on est passé chez le notaire, à ce
moment-là, il s’est vraiment arrêté sur différents points, propres à l’économie sociale, en
disant « m’enfin, pourquoi est-ce que vous faites ça ? ». Je pense à un réviseur d’entreprise,
qui révise nos comptes, qui vient les présenter en AG, qui explique, on n’a pas d’obligation en
tant que telle de le faire, mais nous, on souhaite le faire, pour que ce soit clair, donc c’est
encore une personne extérieure qui a une vision de ce qu’on fait et qui vient elle-même à
l’assemblée générale présenter aux travailleurs et qui le fait toujours de manière très
accessible, parce que la compta, c’est jamais très sympa, et c’est vraiment que pour des aides
ménagères ou des repasseuses qui sont pas évidemment habituées avec ce… mais il a une
présentation très didactique et qui donne un petit peu le retour de ce qu’est l’entreprise. Voilà,
je ne sais pas si j’ai brassé dans les grandes lignes tout ce qui correspondait à l’entreprise
d’insertion, en tout cas à finalité sociale. S’il faut résumer, je pense qu’on utilise diverses
activités pour permettre à toutes une série de publics fragilisés d’accéder à l’emploi, et par ce
biais-là de retrouver un peu pied dans la vie sociale, avec certaines personnes qui utilisent ça
comme un tremplin et puis parviennent vraiment à repartir dans le circuit dit classique,
d’autres qui trouvent vraiment leur équilibre dans, ça je pense surtout depuis l’arrivée du titre-
service, mais qui trouve leur équilibre dans la structure telle qu’elle est, donc qui n’envisagent
pas vraiment de faire autre chose, mais qui s’il n’y avait pas eu ça, elles seraient toujours au
chômage, voilà, et puis certaines pour qui c’est une étape, un passage, qui n’est pas
spécialement, le temps de se trouver un nouvel emploi, mais je pense que c’est toujours un
passage positif, de toute façon.
Interview de Mr F. Adam, coordinateur de l’agence conseil de Crédal, le 24 juin 2010
Pour moi l’entrepreneuriat social, ce sont des entrepreneurs qui décident de créer une
entreprise mais qui a vraiment une finalité sociale, dont l’objectif n’est pas le seul profit et la
seule recherche du gain individuel en tout cas, mais plutôt une recherche du gain collectif et
même collectif au sein du groupe qui porte le projet mais aussi plus largement au sein de la
collectivité, la communauté. Moi, l’entrepreneuriat social, moi je le vois aussi comme
l’utilisation de moyens qui soient cohérents avec les fins, donc c’est-à-dire qu’on va
privilégier la dimension démocratique, on va avoir une certaine éthique dans sa manière de
travailler, ce qui n’est pas toujours le cas. Il y a un courant ancien de l’entrepreneuriat social
plus lié à l’économie sociale, des années 70, 80, qui justement est lié à la problématique de
l’insertion sociale, etc. et donc qui veut vraiment privilégier la dimension démocratique, la
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dimension de participation et les dimensions de réduction des dividendes octroyées aux
actionnaires, parce que si on dit, si on ne va pas vers la réduction de ces dividendes, cela veut
dire qu’on fait cravacher les gens, on les fait travailler très très dur et finalement, les moyens,
la forme de travail, ne respectent plus du tout la fin, qui est le service à la collectivité, le
service aux membres, etc. Il y a ce courant-là, et auquel moi je souscris beaucoup plus, mais
je sens qu’il y a un courant plus anglo-saxon justement, qui privilégie la fin, par tous les
moyens, qui dit « voilà, ce sont des entrepreneurs individuels, qui travaillent de manière
individuelle et qui travaillent pour leur propre chapelle et qui travaillent vraiment dans le jeu
du marché et voilà, c’est un marché, chacun prend son destin en main, quoi qu’il arrive, et
voilà, on s’embarrasse pas trop, même d’éthique, par rapport à la concurrence, par rapport aux
partenariats possibles, etc. non, on est les meilleurs et on veut avancer ». Or moi, je ne
souscris pas du tout à ça. Et dans la dimension de dividendes aussi, où il n’y a pas de
réduction du dividende, où on dit voilà si on veut faire de … Il y a des gens qui disent « on
fait de l’entrepreneuriat social parce qu’on a une finalité sociale, mais si on fait du profit tant
mieux, les 3 P, Planet, People, Profit. Et si on peut faire du 15% de rendement, on le fera ».
Voilà. Moi je souscris pas du tout à ça. Pour moi, justement, c’est l’apogée finalement de tout
un processus, ça fait partie du… La destination, finalement, comment dire, le chemin plutôt
doit être cohérent avec les destinations et pour moi une destination de dire voilà, une finalité
sociale c’est incohérent avec le fait de dire « on fait un rendement de 15%, on a du profit ». Je
sais que pour l’instant il y a ces deux voies-là, et c’est vrai que nous, moi mais nous, au sein
de l’économie sociale, les acteurs qui sont là depuis très longtemps, depuis 20 ans, 25 ans, on
est vraiment plus dans cet esprit participatif, plus que la volonté de gain, en tout cas. Voilà.
Pour moi c’est ça l’entrepreneuriat social. C’est en fait à la fois avoir une finalité sociale
finalement, c’est avoir la dimension, comme je l’ai dit, démocratique, participation
démocratique, mais la dimension de respect finalement, le respect de toutes les parties
prenantes, autant des travailleurs, que des concurrents, des collègues, des fournisseurs, etc. Ce
que je sens moins justement dans ce monde un peu, ce courant anglo-saxon, où finalement, le
fait, le respect des relations de travail, et des conditions de travail, finalement, c’est parfois vu
comme ringard, c’est pas important. Ce qu’ont revendiqué les syndicats et ce qu’ont gagné les
syndicats par une meilleure condition de travail en Europe occidentale, etc. pour ces
entrepreneurs-là, ça passe vraiment au second plan, et moi je trouve pas du tout. Mais c’est
vrai, c’est lié, c’est un peu sociologique, moi je trouve. J’ai eu l’occasion de côtoyer ces
entrepreneurs sociaux, un peu anglo-saxon et un peu… et d’ailleurs ils se baptisent
entrepreneurs sociétaux, justement pour se mettre en retrait par rapport à l’aspect social qui
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est trop, comme trop marqué politiquement, trop syndicaliste, trop… qu’est-ce que j’allais
dire, ah oui, que sociologiquement, je sens que ces gens sont plutôt issus du monde de
l’entreprise, donc ce sont vraiment des gens qui familialement sont des enfants de cadres, des
enfants de dirigeants d’entreprises qui prennent conscience du monde tel qu’il est, qui se
disent « à la fois moi je suis issu du monde de l’entreprise », ils ne le conscientisent pas tout à
fait, mais bon je pense qu’ils le savent d’une certaine manière. Mais en même temps ils voient
que la planète, au niveau environnemental, c’est pas rose, qu’au niveau social, il y a de
grosses difficultés, etc. et donc ils ont envie de faire quelque chose et finalement ils prennent
les deux mais tout en reprenant les outils et les pratiques qu’a développé le monde dans lequel
ils sont et comme je disais tout à l’heure les entrepreneurs sociaux moins récents et plus âgés,
ce sont plus des enfants d’assistants sociaux, des enfants d’enseignants, dans le domaine plus
socioculturel, etc. et qui sont plus, qui vivent beaucoup plus ces valeurs-là au quotidien et qui
sont plus dans l’aspect social finalement qu’entrepreneur, d’ailleurs. L’aspect plus social
qu’économique.
Interview de Mr J. Depoortere, loan manager et responsable social profit et économie
sociale de Triodos, le 12 juillet 2010
Wat is voor mij een sociale onderneming? Eigenlijk, heel kort, een sociale onderneming is
voor mij een onderneming die eigenlijk onderneemt vanuit de behoeften van al de
stakeholders. En daar moet je niet altijd bijzeggen dat het ook moet milieuvriendelijk zijn of
sociaal. Want wat zijn die maatschappij-stakeholders? De ondernemer, het milieu,… soit
iedere onderneming die… Ge kunt eigenlijk niet buiten de stakeholders; ook de werknemers,
de vakbonden en zo. Dus, voor mij, moet je die drie ‘basen’ zo altijd niet gaan opsommen, je
kent die toch, maar gewoon, een onderneming, die dus eigenlijk onderneemt, niet zo zeer in
het belang, maar wel, in respect met al zijn stakeholders.
Interview de Mme L. Heusy, coordinatrice du RES, le 7 juillet 2010
Alors, une entreprise sociale pour moi, c’est principalement une entreprise axée sur l’humain,
donc on va privilégier surtout le côté ressources humaines plutôt que le côté ressources
financières à tout prix. En gros, pour moi, c’est faire passer l’homme avant l’argent et pas
l’argent avant l’homme. C’est vraiment permettre à des personnes d’avoir un travail et de
pouvoir faire valoir leurs compétences intrinsèques sans spécialement viser à tout prix le
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profit et les bénéfices financiers. Bien sûr, il faut avancer, donc il faut toujours entrevoir le
côté financier évidemment, mais il y a toujours un souci social dans la balance. Pour moi,
c’est ça une entreprise sociale. Le mot « entreprise » sous-entend qu’il y a toute une gestion,
effectivement, entrepreneuriale, et « sociale », ça veut dire ce que ça veut dire, donc vraiment
un équilibre des deux.
Interview de Mr M. Colpé, directeur de la Sowecsom, le 15 juillet 2010
Michel Colpé: Je pense qu’il faut faire une distinction, où ça commence et jusqu’où ça va.
Dans la législation belge, il y a les sociétés à finalité sociale, c’est très clair, il n’y a rien à
dire, c’est très simple, vous avez là (montrant le dos du rapport d’activités, où est inscrit la
définition du CWES de l’économie sociale) vous connaissez probablement, ça ce sont les
règles d’une entreprise à finalité sociale, mais une entreprise sociale peut être beaucoup moins
que cela, je dirais. Peut-être une entreprise classique ayant une démarche sociale, je ne vais
pas dire un but social, parce que le but social d’une entreprise ce n’est pas cela. Une finalité
non plus. Mais qui peut avoir dans ses modes de fonctionnement, une société socialement
responsable, etc., ça ne va pas si loin qu’une entreprise à finalité sociale, donc pour moi la
définition est très large, et nous on s’adresse au petit secteur de l’économie sociale, donc
répondant à ces critères fixés par le CWES. Maintenant, je pense que l’économie sociale,
comment dire ça, le terme entreprise sociale ne s’arrête pas aux sociétés à finalité sociale, ça
peut aller beaucoup plus loin, enfin, beaucoup plus loin ou beaucoup moins loin, suivant le
sens dans lequel on le prend, je veux dire. Les sociétés peuvent être socialement responsables,
c’est le mot qui est employé habituellement, par certaines démarches qu’elles font. Tant vis-à-
vis du personnel que vis-à-vis de l’extérieur, que vis-à-vis aujourd’hui parce que je trouve ce
sont deux termes qu’on mélange ensemble, qu’on mélange régulièrement, que vers
l’économie durable. Des sociétés qui font des compensations carbone, etc. Ca joue un peu
dans la même cour, aussi. Aujourd’hui, économie durable et économie sociale, on a tendance
à, quand même, à les joindre assez près.
(vers sa collègue) As-tu d’autres … ?
Collaboratrice: Non, mais, vous parliez d’entrepreneuriat social. Je dirais que c’est une façon
d’entreprendre qui vise, enfin, qui a d’autres objectifs que ceux uniquement d’objectifs
purement capitalistes, purement remplir la poche des actionnaires. Alors il faut évidemment
rémunérer le capital, ça je suis bien d’accord, mais quand on entreprend de façon sociale,
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c’est qu’on entreprend avec des objectifs complémentaires à celui-là. C’est comme ça que je
le définirait.
Michel Colpé: Note bien que je trouve qu’il y a des sociétés, je vais dire cotées en Bourse, où
la performance financière est importante, qui malgré tout peuvent être des entreprises…
Collaboratrice: Oui, mais disons l’objectif n’est pas que celui-là.
Michel Colpé: D’accord, oui oui.
Collaboratrice: Elles peuvent avoir cet objectif-là aussi.
Michel Colpé: Oui.
Collaboratrice: D’ailleurs dans notre secteur très limité, c’est permis aussi, le dividende est
permis, s’il est limité. Mais l’objectif de l’entreprise n’est pas que celui-là.
Michel Colpé: Et on ne met pas n’importe quel moyen en œuvre pour atteindre cet objectif, je
crois que la différence, elle est un peu là. Une entreprise, c’est un peu une caricature, mais,
met tous les moyens en œuvre pour gagner du fric, appelons les choses comme ça, alors
qu’une entreprise un peu sociale, aura peut-être un but de lucre, normal, mais n’utilisera pas
n’importe quelle ficelle, je dirais bien, tant au niveau de la gestion du personnel, que de ses
rapports avec ses fournisseurs, au niveau respect de la législation sociale, au niveau respect de
la législation fiscale, etc. Une entreprise peut jouer le jeu honnêtement.
Interview de Mme S. Mertens, professeur et directrice des recherches au CES – HEC-
ULg, le 30 juin 2010
Moi j’ai un background d’économiste, donc je vais plutôt utiliser la grille de lecture
d’organisation. Donc, pour moi, ce qui m’intéresse, en tous cas le regard que je vais porter,
c’est le regard,… quels types d’organisations regardons-nous, et donc je vais plutôt parler
d’entreprise sociale et ma définition de l’entreprise sociale, c’est toute organisation qui
appartient à l’économie sociale et qui peut être utilement regardée comme une entreprise.
Donc, pour moi, appartient à l’économie sociale toute organisation productrice de biens et de
services, entendu au sens très large, donc une école de devoirs produit des services, par
exemple, donc entendu au sens très large, en tout cas en tant que productrice, qui a une
finalité première qui n’est pas la recherche du profit pour les actionnaires et qui met en œuvre
un processus de gestion démocratique. Donc, ça pour moi c’est appartenir à l’économie
sociale. Alors on peut être regardée utilement comme une entreprise si, là je vais plutôt me
relier un peu aux critères d’EMES, de la définition d’EMES, en tous cas ceux qui
m’arrangent, je vais en tout cas dire, on sent une prise de risque, et on sent aussi la continuité
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d’un projet, et donc ça en principe ça nécessite d’avoir de l’emploi rémunéré. Donc, moi,
aujourd’hui, ce qui m’intéresse dans le paysage, si je dois dire ce sur quoi je vais travailler, ce
sont des organisations qui sont des ASBL, des sociétés à finalité sociale, des sociétés
coopératives reconnues par le CNC, des mutualités et des fondations, qui ont de l’emploi
rémunéré, je reconnais que les autres sont intéressantes mais moi aujourd’hui, j’ai envie de
surtout regarder celles qui ont de l’emploi rémunéré, qui créent de l’emploi, qui répondent à
des besoins pas très bien satisfaits pas les autres acteurs, qui innovent socialement, voilà.
Donc ça, c’est mon champ d’intérêt aujourd’hui. Maintenant, je reconnais que, on crée ici une
nouvelle filière de cours en gestion des entreprises sociales, et on se rend compte que, on va
donner un tas de cours de gestion sur ces types d’organisations, aussi bien en financement,
marketing, en gouvernance et que forcément, tout ce qu’on a à dire là-dessus est aussi en
partie pertinent pour, ce que moi j’appellerais des entreprises classiques qui sont dans une
démarche de RSE. Donc, je veux pas non plus dire « l’entreprise sociale vit en vase clos, et
n’a rien à dire en résonnance avec d’autres types d’entreprises », mais je n’appelle pas ça des
entreprises sociales, vous voyez, pour moi entreprise sociale, je reste dans l’économie sociale,
mais tout ce qu’il y a à dire d’intéressant sur l’entreprise sociale notamment du point de vue
de sa gestion, c’est pertinent également pour d’autres types d’entreprises, en particulier les
PME, qui ont parfois des pratiques de gestion très similaires à ce qu’on observe en entreprise
sociale, elles vont de facto avoir de la démocratie interne, elles ne cherchent pas
nécessairement une finalité de profit des actionnaires, elles vont surtout chercher par exemple
à donner de l’emploi à des gens proches d’elle-même, à bien faire leur métier avec de la
qualité et en ça elles peuvent très fort se rapprocher d’un souci porté par une entreprise
sociale. La distinction pour moi elle est claire, elle est: quelle est ma finalité première et quel
est le mode d’organisation ? Et sous-tendant ça, il y a le choix de la forme juridique, je pense
que le choix de la forme juridique n’est pas anodin, quand on choisit d’être une ASBL, c’est
un choix clair, quand on choisit d’être en SFS ou en société coopérative reconnue, il y a
quand-même le choix d’afficher des valeurs. Maintenant, pour moi, vraiment, il y a des PME
qui sont tellement proches, qu’on pourrait se dire qu’elles n’ont pas choisi la forme de la
société à finalité sociale parce qu’elles ne la connaissent pas, mais dans les faits, quand on va
regarder ce qu’elles font, c’est très proche. Voilà, donc, je reconnais qu’il y du flou, et que
quand je ne connais pas l’organisation, je ne la qualifie pas d’emblée d’entreprise sociale si je
sais qu’elle fait de la RSE, ça ne me suffit pas, mais quand je vais la regarder de près, je dois
reconnaître que parfois elle est très proche, et même parfois elle mettra plus en œuvre des
valeurs d’économie sociale. Donc voilà. Maintenant, pour peut-être donner un éclairage
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complémentaire, j’ai besoin moi d’une vision quand-même un petit peu tranchée, parce que
mon background aussi, c’est du travail des statistiques sur le secteur de l’économie sociale,
donc pendant 5, 6 ans, pour ma thèse de doctorat, j’ai dû donner les statistiques du secteur,
mais pour faire émerger des statistiques, il faut des critères clairs, une organisation est dedans
ou n’est pas dedans. Donc, j’ai dû utiliser la forme juridique, donc je suis fort marquée par ça,
je le reconnais, mais je me dis, donc ça reste ma grille d’analyse et ça ne m’empêche pas de
reconnaître de la proximité avec du développement local, des petites PME, et même parfois
avec des structures publiques, qui ont quand-même une grosse autonomie et qui se
rapprochent aussi de l’entreprise sociale, mais moi je pense que ça reste focalisé, au départ, en
tout cas, sur le noyau dur de l’appartenance à l’économie sociale. Alors, par rapport à, donc
entreprise sociale qui est pour moi le terme le plus pertinent, je reconnais aussi qu’il y a à
mettre en lumière, plus que ce ne l’était jusqu’à présent, l’entrepreneur, ou en tout cas le
processus d’entrepreneuriat, parce que je crois qu’on l’a pas assez regardé et que donc
aujourd’hui, on a envie de soutenir ce secteur et de faire en sorte que de nouvelles entreprises
sociales se créent, et on ne connaît pas bien les freins à ça, les éléments qui peuvent vraiment
soutenir la création de ce type d’entreprises, et donc je trouve qu’il faut aller voir à quoi
ressemblent les gens qui créent des entreprises sociales et essayer de comprendre les
processus de création ou de développement des entreprises sociales, mais pour moi, on va le
faire à partir de la définition d’entreprise sociale, je vais pas y venir… ma porte d’entrée n’est
pas l’entrepreneur idéaliste.
Interview de Mr A. Riedl, administrateur et cofondateur du Hub, le 17 juin 2010
Tout d’abord, on peut regarder ça de deux manières, au moins. D’abord la question de la
définition de termes bien connus, et par exemple en Belgique, l’économie sociale, c’est bien
défini, qu’est-ce que c’est, il y a tout un historique derrière et des définitions qui se sont
développées par le temps et qui ont aussi un label, une garantie si vous voulez, et
l’entrepreneuriat social, c’est beaucoup moins défini et l’innovation sociale aussi. Ou,
deuxième possibilité, on fait ça d’une manière plutôt associative, donc pour chaque personne,
probablement la définition sera différente. Et est-ce que aussi la question c’est « est-ce que
ces définitions qui seront l’une à côté de l’autre, est-ce qu’il y a des éléments qui vont
ensemble ou est-ce qu’ils ne sont pas vraiment au même niveau ? ». En tant qu’économiste, je
dis toujours les définitions comme ça c’est très difficile à faire. Et peut-être avec une réponse
un peu cruelle, je dirais les entrepreneurs souvent, ils s’en fichent des définitions. Donc, nous,
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on voit plutôt le côté pratique, si le chat est blanc ou noir, c’est pas grave, du moment qu’il
attrape la souris. Et donc, quel est l’objectif, quelle est la souris, si vous voulez ? C’est de
régler un problème sociétal, pour aboutir à trouver des moyens innovateurs, ou qui n’ont pas
encore été mis en œuvre, par exemple ici en Belgique, pour approcher ce problème sociétal ou
social. Voilà, ça c’est notre objectif, par exemple du Hub et moi-même aussi. Et voilà, comme
résultat, on peut avoir de l’entrepreneuriat sociétal, on peut avoir des entrepreneurs sociétaux,
mais on peut aussi avoir les structures de l’économie sociale, qui s’attaquent à ces défis
sociétaux. Mais le plus important, par exemple pour nous, pour le Hub, c’est vraiment
l’entrepreneuriat, donc l’activité d’une personne ou d’un groupe de personnes, qui ont tous les
critères, qui remplissent tous les critères de l’entrepreneuriat, donc proactivité, défis, prendre
du risque, tout ça, vous pouvez regarder la définition dans le dictionnaire, etc. Et aussi, la
créativité, donc créer quelque chose qui est nouveau, et nouveau ça veut dire innovation par
rapport à ce qui existe déjà. Donc, je pense, ça, si on veut créer une distinction entre, par
exemple, le terme économie sociale et entrepreneuriat social, je pense évidemment, les
facteurs de différenciation, c’est l’entrepreneuriat, la créativité et la création de quelque chose
de nouveau, et aussi le changement d’un statut quo qui est existant, et aussi le challenge du
statut qui existe déjà. Moi, ce n’est pas vraiment dans mon intérêt de dire il y a l’un ou l’autre
ou je préfère l’un à l’autre, mais maintenant, c’est peut-être un point de vue plus personnel, je
trouve les gens qui disent il y a l’économie sociale, et nous on fait partie de l’économie
sociale, souvent, on a l’impression que c’est un peu un monde qui existe mais qui n’est pas
très dynamique et qui est souvent vu un peu comme économie d’insertion, les structures
existantes, travailler avec des subsides, même si c’est seulement une image qu’on a et que
c’est pas du tout vrai, et donc, par exemple, de nouvelles structures comme le Hub, qui
arrivent ici assez récemment, évidemment nous, on n’a pas de problème pour remettre aussi
en question certains modes de fonctionnement de l’économie sociale classique, si on voit qu’il
y a certaines manières où on trouve que ce n’est pas assez dynamique, ou qu’on ne veut pas
travailler avec beaucoup de subsides, ou que entrepreneuriat social, ça veut aussi dire prendre
un risque, même si une entrepreneur peut échouer dans son approche. Voilà, je ne pense pas
avoir tout à fait à 100% répondu à la question jusque maintenant, mais maintenant, mais je
pense c’est plutôt mes associations personnelles par rapport à ça, et je suis … J’ai toujours eu
des problème avec les définitions et les définitions sont très bien, mais il ne faut pas non plus
aller dans une discussion perpétuelle, si on n’est pas d’accord sur certaines choses, il faut les
prendre comme elles sont, mais pour moi, comme entrepreneur social, le plus important, c’est
la résolution des problèmes, et non pas les définitions et les manières, du moment que ça
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respecte le point de vue éthique tout ça, ce qui est tout à fait ce qu’on fait au Hub, dans le
cadre de l’entrepreneuriat social ici en Belgique, voilà. Donc, c’est un individu, un groupe de
personnes qui font des choses ensemble et sont vraiment déterminés d’y arriver, plutôt qu’une
organisation un peu vague avec un certain historique qui est peut-être positif, mais
entrepreneuriat ça veut aussi toujours dire mettre en question beaucoup de choses qui existent,
et essayer de nouvelles pistes pour résoudre ce problème. Et quand on pense entrepreneuriat,
un entrepreneur est toujours confronté au risque, et donc nous on, disons le Hub, une question
primordiale, c’était comment on peut diminuer ce risque ? En les encadrant ici, où ils peuvent
voir d’autres personnes, où ils peuvent s’échanger des informations, les tuyaux, les
possibilités de financement, l’entraide aussi. Entrepreneuriat, ça veut aussi souvent dire être
seul, comme individu ou dans un groupe, et être seul confronté à tous ces défis, et je pense si
on travaille tous pour un meilleur monde, pourquoi ne pas travailler ensemble pour ce
meilleur monde, et l’entraide, être en dehors de cette isolement qui existe souvent.
Interview de Mme A. de le Court, partner support officer à la Fondation Philippson, le
29 juin 2010
Nous, on utilise plutôt le terme d’entrepreneur social, donc nous, on soutient des
entrepreneurs sociaux en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest. Et par entrepreneur social,
on entend des gens qui ont toutes les qualités d’un entrepreneur classique, donc une vision
très claire d’une solution à apporter à un problème, des capacités de leadership, des capacités
de mobilisation de ressources, mais qui ont un objectif social, donc les qualités de … oui, de
ce qu’on appelle un entrepreneur qui pourrait lancer une boîte commerciale, mais ici pour
nous, l’entrepreneur social à un objectif social et ce sont, là dans les personnes que nous
soutenons, ce sont des personnes qui sont à la tête d’organisations, d’associations, donc ce ne
sont pas des entreprises en tant que telles, donc ce sont des organisations qui sont à majorité
subsidiées, mais pour nous un entrepreneur social, donc, peut être à la tête d’une organisation
qui est 100% subsidiée, donc pas autofinancée, mais en tout cas, il a l’intention et il mène une
réflexion pour essayer de s’autofinancer. Donc, cette dimension est importante, mais disons
que pour nous c’est vraiment la personnalité, on attache une importance à la personnalité de la
personne, c’est ce qui fait qu’on va qualifier d’entrepreneur social ou pas, et donc, là dans les
personnes que nous soutenons, tous ont une activité génératrice de revenus qui finance en
partie leur organisation mais pas à 100%. Et certains n’ont pas encore cette activité mais sont
dans la réflexion et dans la mise sur pied d’une activité qui permettra de s’autofinancer, donc
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c’est plutôt dans cet objectif d’autonomie. Ce sont des gens aussi qui… pour nous un
entrepreneur social, c’est quelqu’un qui a une certaine indépendance, qui veut faire bouger les
choses, qui ne veut pas être dépendant ad vitam aeternam, donc de subsides, donc voilà, je
sais qu’il y a certaines… enfin si on parle maintenant du social business, ben je pense que
c’est vraiment des entreprises sociales 100% autofinancées, rentables, donc nous, on ne
l’entend pas dans ce sens-là. Ca pourrait, mais voilà, nous, l’entrepreneur social, et… enfin ici
(elle me donne le rapport annuel de la Fondation), on décrit aussi ce qu’on entend par
entrepreneur social, donc (elle lit) « avant tout quelqu’un qui veut faire bouger les choses,
dans son village, sa région, son pays, une personne enthousiaste, expérimentée, déterminée à
améliorer concrètement et durablement la vie de ses compatriotes », donc ce sont vraiment
des gens plein d’ambition, qui ont ça dans les tripes. On fait une différence entre
l’entrepreneur social et le bon gestionnaire entre guillemets, qui est un bon gestionnaire, qui a
son projet, qui le réalise, qui fait ça très bien, mais qui n’a pas d’ambition, qui n’a pas de
vision, pour vraiment transformer les choses et aller plus loin. Pour nous, un entrepreneur
social, c’est quelqu’un qui n’arrête jamais et qui, oui, qui a vraiment beaucoup d’ambition et
un objectif de transformation sociale. Et pour nous une entreprise sociale, ça peut être une
organisation qui est 100% subsidiée.
Interview de Mme S. Bacq, doctorante et chercheuse au CRECIS, Louvain School of
Management (UCL), le 2 juillet 2010
Pour moi, l’entrepreneuriat social, c’est l’ensemble des individus et des organisations qui
allient la conduite d’une mission sociale, la recherche d’une plus–value sociale avec la
réalisation d’un modèle économique viable, pérenne. Je dirais qu’au niveau, donc vraiment un
double objectif, une double conduite d’activités, à la fois sociales et économiques. Au niveau
du social par contre, j’utilise le mot social mais pour moi, ça peut inclure des objectifs
environnementaux, donc plus dans le sens sociétal comme on dirait en français, et ça peut tout
à fait inclure des services, de la fourniture de services sociaux comme on a l’habitude d’en
parler, donc faire travailler des personnes handicapées, au chômage, ex-prisonniers, etc. ou
alors aller vers des buts plus environnementaux, peut-être plus abstraits que la relation directe
qu’avec des personnes défavorisées. Et au niveau du modèle économique, là j’ai pas de
recette miracle, mais quand on dit modèle économique, c’est un modèle qui se base donc sur
des activités marchandes, donc qui utilisent les règles du marché pour faire fonctionner
l’entreprise qui a cette mission sociale. Par contre, je ne suis pas contre, enfin dans mon
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utopie, contre avoir un minimum de subsides, au début, à la création, c’est vrai que les PME,
en général, elles reçoivent aussi des, les PME classiques, traditionnelles, économiques,
financières, ou en tout cas non sociales ou non sociétales, elles reçoivent aussi pas mal de
subsides, mais pour moi ça doit se limiter à la phase de start-up.
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Annexe B: Questionnaire
Pour répondre à ce questionnaire, veuillez indiquer dans quelle mesure vous êtes d’accord ou non
avec les propositions énoncées. Pour cela, cochez une seule case par proposition. Si la proposition
correspond tout à fait à ce que vous pensez, cochez la case 5 à la droite du tableau (tout à fait
d’accord). Si la proposition ne correspond pas du tout à ce que vous pensez, cochez la case 1 (pas du
tout d’accord). Les cases 2, 3 et 4 vous permettent de nuancer votre réponse par des positions
intermédiaires (plutôt pas d’accord, sans avis, plutôt d’accord). Il est important que vous répondiez à
toutes les questions, même si certaines d’entre elles vous semblent répétitives. Si pour vous le terme
« entrepreneur social » n’est pas adéquat, considérez-le comme un synonyme de « initiateur » ou
« porteur de projet » d’entreprise sociale. Si pour vous le terme « entreprise sociale » n’est pas
adéquat, considérez ce terme comme l’activité entreprise par un entrepreneur social.
Données personnelles:
Nom et prénom:
Structure dans laquelle vous travaillez:
Votre rôle au sein de cette structure:
Pas du tout
d’accord
Plutôt pas
d’accord
Sans avis
Plutôt
d’accord
Tout à fait
d’accord
Dans quelle mesure êtes-vous d’accord (ou non) avec les affirmations suivantes ?
1 2 3 4 5
1. Une entreprise sociale est active dans la production de biens et/ou la fourniture de services, et cela de manière continue.
2. L’activité marchande d’une entreprise sociale n’est pas forcément en lien avec sa mission sociale et peut être seulement une source de revenus pour financer celle-ci.
3. L’activité de production d’un bien ou d’un service d’une entreprise sociale est directement en rapport avec sa mission sociale.
4. L'entrepreneur remplit sa mission de création de valeur sociale par le développement d'une innovation sociale.
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Pas du tout
d’accord
Plutôt pas
d’accord
Sans avis
Plutôt
d’accord
Tout à fait
d’accord
Dans quelle mesure êtes-vous d’accord (ou non) avec les affirmations suivantes ?
1 2 3 4 5
5. L’innovation sociale est un aspect essentiel dans une entreprise sociale.
6. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier.
7. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres mots, il cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux conséquences de ceux-ci.
8. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie dans la sphère économique.
9. Un entrepreneur social cherche toujours une solution créative aux problèmes sociaux.
10. La créativité est une des qualités essentielles d’un entrepreneur social.
11. Une entreprise sociale est créée par un groupe de personnes, et il est important qu’une dynamique collective perdure au sein de l’entreprise sociale.
12. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur social est central.
13. Quand on parle d’entrepreneuriat social, cela peut impliquer un individu en particulier mais aussi un groupe, une organisation, un réseau, un mouvement ou une alliance d’organisations.
14. Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de manière formelle ou informelle.
15. Une entreprise sociale met en œuvre le principe « un membre, une voix » dans ses instances de décision.
16. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique.
17. Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si elle reçoit des subsides.
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Choisissez parmi les 28 propositions les 5 propositions qui représentent pour vous le mieux une entreprise sociale et hiérarchisez-les:
23 Cette affirmation teste un indicateur EMES. Si quelqu’un n’est pas du tout d’accord avec cette proposition (1),
il/elle est tout à fait en accord avec EMES. C’est pourquoi nous l’avons encodée « à l’envers »: si la réponse est
1, nous avons encodé 5 et inversement. De même si la réponse est 2, nous avons encodé 4 et inversement.
Pas du tout
d’accord
Plutôt pas
d’accord
Sans avis
Plutôt
d’accord
Tout à fait
d’accord
Dans quelle mesure êtes-vous d’accord (ou non) avec les affirmations suivantes ?
1 2 3 4 5
18. Trois types de ressources peuvent être importants pour une entreprise sociale : les ressources marchandes, les subsides publics et les ressources volontaires (dons, bénévolat).
19. Les alliances entre l’entreprise sociale, le secteur privé à but lucratif et/ou le secteur public favorisent l’innovation sociale.
20. Une entreprise sociale évite au maximum les subsides publics et les dons afin de ne dépendre que d’elle-même.
21. Une entreprise sociale vise l’autofinancement par ses activités marchandes.
22. Les initiateurs d’une entreprise sociale prennent un risque économique et l’assument au moins en partie.
23. Le risque économique se mesure à l’importance de l’activité marchande23.
24. Pour assumer le risque économique, il faut trouver des ressources marchandes et/ou non marchandes.
25. Une entreprise sociale doit se professionnaliser en faisant appel à des méthodes du monde marchand.
26. Les profits d’une entreprise sociale sont soit réinvestis dans l’activité de l’organisation, soit distribués entièrement aux actionnaires ou membres.
27. Une entreprise sociale est caractérisée par une interdiction totale de distribuer son profit.
28. Pour être entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut juridique qui limite la redistribution des profits.
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Annexe C: Résultats du questionnaire
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Approche EMES 1. L’activité de production d’un bien ou d’un service d’une entreprise
sociale est directement en rapport avec sa mission sociale. 2 3 5 4 4 3 2 4 4 4
2. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie
dans la sphère économique. 5 5 5 4 5 5 3 3 2 3
3. Une entreprise sociale est créée par un groupe de personnes, et il est
important qu’une dynamique collective perdure au sein de l’entreprise
sociale. 4 5 4 4 4 5 3 2 1 1
4. Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de