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Projet de Thèse Doctorale
La communauté virtuelle de marque business-to-consumer: Comment en tirer le meilleur pour développer la
marque?
IAE Toulouse
Sous la direction de Laurent Bertrandias
Claire Flament,
Complément d’étude M2 Conseil et
Stratégies Marketing
1 Remerciements
Remerciements
C’est avec plaisir que l’auteur de cette recherche se soumet à cet exercice : Le complément
d’études proposé par l’IAE de Toulouse représente une formidable opportunité de se confronter
pour la première fois, au monde de la recherche et d’en ressentir toute la richesse : Nous tenons
à remercier Jean-Marc Décaudin qui nous présenté la formation ainsi que tous les professeurs et
intervenants qui ont pu nous initier au cours de ces quelques mois, à cet univers, à en comprendre
les codes, à en assimiler les pré-requis.
Nous tenons particulièrement à remercier Laurent Bertrandias pour ses éclairages, notamment
au sujet de la problématique à dégager dans le cadre de la recherche, Eric Vernette, Laars Meyer,
Jean-Philippe Galan qui nous ont fourni les armes théoriques indispensables, Assaad El-Akremi
pour les débats passionnés autour des problématiques organisationnelles et Sandrine Constable
dans son accompagnement administratif.
Nous souhaitons également remercier nos collègues de formation, Corinne, Liling, Dragana,
Stéphane et Talal pour le soutien sans faille lors de nos interrogations et nos doutes mais aussi
pour les échanges pertinents que nous avons pu initier (souvent autour d’une bonne crêpe !)
Ce travail n’aurait pu se faire sans la participation de professionnels du marketing, managers de
marque, chargés de clientèle qui ont accepté de se soumettre à mes entretiens : Je les remercie
pour le temps consacré et leur implication.
Je remercie enfin mon mari, Yann, mes enfants Sarah et Evan, qui ont accepté de me suivre
dans ma démarche parfois prenante, car exigeant du temps et de la concentration, parfois
difficile à concilier avec le rôle de maman.
2 Remerciements
3 Remerciements
« J’ai un œuf, tu as un œuf,
Je te donne mon œuf, tu me donnes ton œuf
Je repars avec un œuf, tu repars avec un œuf.
J’ai une idée, tu as une idée,
Je te donne mon idée, tu me donnes ton idée,
Je repars avec deux idées, tu repars avec deux idées. »
Proverbe chinois
4 Remerciements
TABLE DES MATIERES
Remerciements ________________________________________________________________ 1
Introduction __________________________________________________________________ 6
I. Du ‘tout public’ à ‘l’entre soi’ : un retour vers l’intimité du groupe __________________ 6
A. L’effritement des réseaux sociaux traditionnels ____________________________ 7
B. Des pratiques sociales fondées sur une réaffirmation des intérêts personnels _____ 9
C. Tirer parti d’un processus d’intelligence collective ____________________________ 9
D. Le potentiel des communautés de marque ________________________________ 10
II. Intérêt de l’étude et les questions de recherche ________________________________ 10
III. Les implications managériales _____________________________________________ 13
Chapitre 1 : Revue de littérature _________________________________________________ 17
I. La communauté virtuelle : une approche sociologique et marketing du concept. ______ 17
A. Retour sur les origines psychosociales du concept de communauté virtuelle ________ 18
B. La communauté virtuelle, une nouvelle forme d’individualisme fondée sur un contrat
social ____________________________________________________________________ 19
II. la Dynamique de groupe restreint : terrain d’émergence d’une Intelligence collective. _ 20
A. La dynamique des groupes restreints _______________________________________ 20
B. la puissance d’agir des contributeurs : l’Intelligence du grand nombre ____________ 22
III. Quand la marque s’empare du concept de communauté virtuelle. _________________ 25
IV.Les spécificités de notre cadre d’analyse : la communauté de marque Business-to-
consumer __________________________________________________________________ 28
Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats _____________________________ 33
I. Présentation générale de l’approche. __________________________________________ 35
A. La phase qualitative _____________________________________________________ 35
B. La phase quantitative : enquête menée auprès des consommateurs _______________ 44
II Méthodologie d’analyse ____________________________________________________ 49
A. La phase qualitative _____________________________________________________ 49
B. La phase Quantitative ___________________________________________________ 52
CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS __________________________________ 54
5 Remerciements
I. Panorama des théories mobilisées pour l’analyse des résultats _____________________ 55
A. Retour sur les théories mobilisées __________________________________________ 55
II. La communauté virtuelle business-to-consumer : un outil puissant de marketing
management _______________________________________________________________ 61
I.I. Comprendre son environnement et anticiper la demande : Utiliser la communauté
virtuelle de marque pour accéder à la connaissance. ______________________________ 62
A. La communauté business-to-consumer : outil de veille stratégique _______________ 64
B. Analyse et études de marché : un pas dans le nouveau monde des études qualitatives 69
I.II. Le lien social pour valoriser son capital marque _____________________________ 72
III. Le marketing relationnel, une condition du succès communautaire ______________ 75
A. Une relation marque/consommateur enrichie d’une dimension sociale ____________ 76
II. les motivations des membres à collaborer avec la marque dans une communauté de
marque virtuelle fermée ______________________________________________________ 83
II.I. Les motivations des participants à une communauté virtuelle business-to-consumer :
revue de littérature. ________________________________________________________ 83
II.2 Analyse de notre étude quantitative. ______________________________________ 86
II.3 Les apports de l’étude quantitative dans notre recherche _____________________ 92
Synthèse: la participation collaborative au sein d’une communauté virtuelle de marque peut-
elle engendrer un processus d’Intelligence collective ? ________________________________ 93
I. La communauté virtuelle business-to-consumer : un support puissant d’accès à la
connaissance _______________________________________________________________ 94
IV. Limites, contributions et voies de recherche. ____________________________________ 95
I. Les limites de l’étude _______________________________________________________ 95
II. Les contributions et voies de recherche _______________________________________ 96
CONCLUSION _______________________________________________________________ 98
BIBLIOGRAPHIE ___________________________________________________________ 98
ANNEXES _________________________________________________________________ 105
6 Introduction
Introduction
I. Du ‘tout public’ à ‘l’entre soi’ : un retour vers l’intimité du groupe
L’avènement du Web social a placé le consommateur au centre de toutes les attentions. Les
multiples plateformes d’expression disponibles librement sur ‘la toile’ ont rendu au
consommateur le pouvoir de converser, d’interagir avec la marque via différents types de
médias sociaux (Réseaux sociaux, Blogs, Forums, Communautés virtuelles…).
Certes, le phénomène n’avait pas été envisagé avec tant d’ampleur et les chercheurs ont pu
mettre en évidence l’avènement récent de l’Empowerment du consommateur qui participe
désormais, grâce aux outils du Web, au développement de l’organisation : On évoque
l’apparition du ConsomActeur.
Dès lors, la marque ne peut plus se contenter d’une relation verticale avec ses consommateurs
ou futurs consommateurs, elle se doit d’instaurer un ensemble d’outils catalyseurs d’une
relation horizontale, favorisant l’interactivité et la dynamique du groupe.
Loin d’être négatif, ce phénomène est générateur d’une dynamique collective, fruit de
l’interactivité Consommateur/Marque s’exprimant à travers des actions de co-création, de co-
production ou simplement grâce à la production de connaissance issue des échanges générés
entre eux sur ces médias : Le mécanisme d’Intelligence collective se met en place.
Ces échanges se sont concentrés dans un premier temps sur les réseaux sociaux, rendant
incontournables des acteurs tels que Facebook ou Twitter : considérés comme les catalyseurs
privilégiés de cette nouvelle relation instaurée entre la marque et ses consommateurs, c’est sur
ces plateformes publiques que se sont crées les premières communautés virtuelles de marque
soient initiées par la marque elle-même (communauté de fans sur Facebook par exemple), soit
créées par les consommateurs se regroupant autour de l’intêret commun envers une marque
(communauté MyNutella). La marque s’efforce dans ce cas d’engager la conversation et de
faire accepter sa présence à l’ensemble de la communauté.
Ces plateformes connaissent cependant depuis quelque temps un courant de remise en question
qui se manifeste d’une part chez les consommateurs par la recherche et la participation à des
réseaux sociaux ‘non intrusifs’, où la marque n’a pas encore sa place (Snapchat/vs Facebook)
et du côté de la marque par une recherche de plateformes d’échanges moins dépendantes de ces
intermédiaires et de leurs prérogatives (changement incessant d’algorythme, coût de publicité
en augmentation constante, incertitude en terme de ROI.).
Ce phénomène demeure marginal mais nous amène à proposer une recherche sur les nouvelles
opportunités qui s’ouvrent à la marque :
En l’occurence celle de choisir de créer leur propre communauté virtuelle de marque,
propriété de celle-ci, gérée directement sur une plateforme de l’entreprise et mobilisant non
7 Introduction
plus une communauté de Fans, mais bien une communauté de Consommateurs ou futurs
consommateurs regroupés autour d’une dynamique de marque.
Si de nombreuses recherches ont pu étudier l’impact des communautés virtuelles sur le
développement de la marque et la stratégie marketing adoptée, celles-ci se sont concentrées
majoritairement sur les communautés virtuelles ouvertes, issues du Web Social. A notre
connaissance, il existe peu de recherches portant sur le potentiel des communautés virtuelles de
marque fermées, initiées par la marque elle-même et gérées sur leurs propres plateformes.
Cette recherche exploratoire a pour objectif de déterminer d’une part les attentes managériales
vis-à-vis de ce type d’outil et de comprendre l’évolution du phénomène communautaire autour
d’une marque en étudiant les motivations qui poussent aujourd’hui les consommateurs à y
participer.
A. L’effritement des réseaux sociaux traditionnels
L’objectif de cette recherche n’est pas de remettre en question les nombreux avantages apportés
par les médias sociaux tant aux marques qu’aux consommateurs : La littérature a pu mettre en
évidence les opportunités pour le consommateur de se sentir valorisé par un sentiment de
participation au développement de la marque, de répondre à des besoins sociaux en échangeant
avec d’autres consommateurs, de se divertir grâce au contenu diffusé, d’obtenir de l’information
et de pouvoir donner un retour à la marque (Dholakia, Bagozzi et Pearo, 2004). Du côté des
organisations, les opportunités de renforcer la loyauté envers la marque (Jang et al. 2008), de
générer de l’engagement (Kim et al, 2008), de valoriser son capital marque (Zhou et al.2012),
d’encourager le bouche à oreille (Hur et al, 2011), de recruter et fidéliser de nouveaux clients
ont pu être dégagées (Cova, 2009, Tuten et Solomon,2013). Plus encore, l’engagement au sein
d’une communauté virtuelle créée par un « sponsor » serait associé significativement à la
volonté de coopérer pour le développement de nouveaux produits (Porter et Donthu, 2008)
Il est indispensable cependant de prendre aujourd’hui conscience de leurs limites, voire de
pointer les effets négatifs qu’ils peuvent engendrer sur la relation Marque/Consommateur.
Ainsi, selon T.Tuten et W.Angermeier (2013), le marketing par les médias sociaux peut
conduire à des failles de sécurité, une perte de contrôle sur le contenu, la diffusion d’une
mauvaise presse ou d’un bouche à oreille négatif : Selon ces auteurs, la prise en compte de ces
conséquences négatives est essentielle :
- Sécurité des données et perte du contrôle de l’information
La problématique de la sécurité des données diffusées sur les plateformes publiques touche à la
fois le consommateur et l’entreprise : L’accès aux données personnelles est devenu la base du
modèle économique de nombreuses plateformes et applications dites ‘sociales’ (Pierson et
Heyman, 2011).
Régulièrement montré du doigt pour le manque de protection des données privées de ses
membres, le réseau social Facebook, fort de plus de 1,32 milliards d’abonnées, est ainsi devenu
8 Introduction
le plus grand CRM mondial. : La base de données Facebook est l’exemple même des capacités
des réseaux sociaux à récupérer des données à la fois qualitatives et quantitatives de qualité
issues d’un manque de protection des informations individuelles (Rose, 2010).
Ainsi, Facebook dégage la majorité de ses revenus des publicités ciblées qui apparaissent dans
le fil d’actualité des membres : En donnant leur avis, en ‘likant’ des contenus ou des pages, en
fournissant sans s’en rendre vraiment compte quantité d’informations personnelles…les
membres de Facebook ont contribué à faire du réseau dit ‘social’ la plus grande base de données
mondiale. Un objectif clairement revendiqué aujourd’hui par son fondateur M.Zuckenberg :
« Nous considérons Facebook comme une grande base de données sociales » et « comme
n’importe quelle base de données on devrait pouvoir faire des recherches dedans » : Une
exploitation poussée à son paroxysme avec l’arrivée récente du Graph Search.
Si, dans un premier temps, les marques ont largement pris la mesure des avantages à utiliser et
à investir massivement dans ce type d’outil leur permettant un ciblage efficace et l’accès direct
à leurs consommateurs et prospects, les abus de présence se font ressentir depuis peu amenant
les utilisateurs à se tourner vers des réseaux sociaux dits « non intrusifs » : Au « sentiment
d’entre-soi » succède celui d’être espionné par les marques qui explique la fuite de nombreux
membres.
- L’utilisation des réseaux sociaux publics : une communication one to many ?
L’usage des réseaux sociaux ouverts destiné à favoriser à priori l’échange entre la marque et le
consommateur n’a finalement pas conduit à une interactivité réelle : Si les consommateurs
choisissent de suivre une marque, c’est avant tout pour avoir accès au contenu qu’elle publie et
non pour initier une discussion. De même que les consommateurs discutent rarement entre eux
sur ce type de plateforme (qui le plus souvent d’ailleurs ne leur laissent pas la possibilité
d’échanger entre eux ou d’initier un thème de discussion), se contentant au mieux de relayer du
contenu dans leur cercle social ou, moins souvent, de commenter une publication. Notons que
sur Facebook par exemple, une fois que le membre est fan d’une marque, celui-ci reçoit
directement les publications de la marque dans son fil d’actualité et de ce fait retourne rarement
sur la page dédiée : Nous nous trouvons finalement dans le cadre d’une stratégie de
communication one to many traditionnelle, loin des aspirations d’échange escomptées.
- Un impact marketing des communautés virtuelles ouvertes remis en question
Ce constat établi, Proulx (2002) s’interroge et appelle à la prudence sur l’utilisation du terme
« communauté » en relation avec le public et les réseaux sociaux : Quelle est la place des
interactions directes, concrètes, authentiques entre ses membres ? Un attribut fondamental de
la communauté telle qu’originellement décrite par Tönnies (1887). A cet égard, le constat de
Fernbach et Thompson (1995) est plus que jamais d’actualité : « la communauté virtuelle est
encore un concept amorphe en raison du manque de modèle mentaux partagés sur ce que
constitue exactement une communauté dans le cyberespace ».
9 Introduction
Dès lors se pose la question : Une communauté virtuelle de marque publique est-elle
véritablement une communauté au sens originel du terme ou simplement un espace dédié à la
marque dans le cyberespace ?
Sans prétendre pouvoir répondre à cette interrogation, nous nous appuierons sur les propos de
B.Conein pour explorer le potentiel d’un espace communautaire fermé au sein duquel la marque
a la possibilité de mettre en place les outils indispensables à un processus de coopération de
collaboration, voire d’Intelligence collective entre elle et ses consommateurs et dont les
données lui appartiennent totalement : B.Conein (2004) : « Toute coopération cognitive de
qualité repose sur une interdépendance cognitive forte et sur un accroissement des interactions
entre les agents. »
B. Des pratiques sociales fondées sur une réaffirmation des intérêts
personnels
Pourquoi collaborer à une communauté virtuelle ? Une première approche du Web dit Social
pourrait envisager une collaboration orientée vers l’intérêt général. Une étude menée en 2006
par B.Hubermann et S.Golder1 met pourtant en évidence une perspective d’utilisation
personnelle des outils de collaboration sur Internet : La participation aux sites collaboratifs, aux
forums ou aux communautés virtuelles serait avant tout guidée par une motivation personnelle,
un besoin de reconnaissance, un intérêt économique, un besoin d’autonomie et dans une
moindre mesure d’affiliation sociale.
L’intérêt personnel du participant serait ainsi une variable majeure à prendre en compte dans
lors de la création de la plateforme communautaire privée en proposant les outils adéquat de
valorisation des participants. Une étude quantitative menée auprès de consommateurs a pour
but de donner quelques pistes aux managers sur les motivations individuelles à s’engager et à
collaborer avec la marque au sein de sa communauté.
C. Tirer parti d’un processus d’intelligence collective
Selon le groupe Intelligence Collective de la FING, « on appelle Intelligence Collective la
capacité humaine de coopérer sur le plan intellectuel pour créer, innover, inventer. Dans la
mesure où notre société devient de plus en plus dépendante du savoir, cette faculté collective
prend une importance fondamentale. »
Selon les auteurs, à l’heure du Web 2.0, les conditions d’expression de cette Intelligence
Collective sont soumises à plusieurs facteurs :
- L’atteinte d’une masse suffisante de participants nécessaire pour faire émerger une
dynamique de groupe.
1 Usage patterns of collaborative tagging systems, Journal of Information Science, 2006
10 Introduction
- La capacité de l’entreprise d’exploiter l’information générée pour en retenir le meilleur.
Le concept de dynamique de groupe restreint comme générateur d’intelligence collective,
souvent traité en sociologie et peu en marketing, mérite une attention particulière dans cette
recherche et fera l’objet d’une revue de la littérature tandis que son opérationnalisation guidera
notre analyse, tel un fil rouge : Dans cette optique, nous proposerons lors de l’analyse, des focus
sur les outputs nous paraissant particulièrement correspondre à ce processus d’Intelligence
collective : la veille stratégique, la coopération, la co-création feront ainsi l’objet d’un
développement plus complet.
Nous espérons ainsi pouvoir apporter une contribution tant aux sciences de gestion qu’aux
managers de marques sur la nature des canaux et outils d’interaction à mettre en place lors de
la création de la plateforme communautaire privée.
D. Le potentiel des communautés de marque
Ainsi, la collaboration au sein d’une communauté présente un intérêt marketing certain pour la
marque en garantissant une diversité des perspectives : Selon Amine et Sitz (2007), « le
développement des moyens de communication a bouleversé la structure des coûts
d’organisation rendant plus aisé la réunion des individus d’horizons géographiques différents :
Comment envisager plus belle opportunité pour la marque d’étudier son marché et d’interagir
avec ses consommateurs ou futurs consommateurs en éliminant toute contrainte de temps et
d’espace ! (Rheingold, 2000 ; Cova et Cova, 2002).
II. Intérêt de l’étude et les questions de recherche
Même s’il s’agit d’un phénomène relativement récent, le potentiel des communautés virtuelles
de marque fermées n’a pas échappé aux entreprises : De grands groupes tels que Nestlé, EDF,
Cultura ou encore Séphora offrent à leurs consommateurs la possibilité de participer à des
plateformes communautaires privées dans le but d’échanger entre eux ou avec la marque,
d’accéder à un contenu dédié ou de publier sous différentes formes. Initiant ainsi une
dynamique de groupe, ce type de plateforme privée doit permettre à l’entreprise d’accéder à la
Connaissance, indispensable pour innover et se développer.
Cependant, malgré le potentiel évoqué notamment par la littérature professionnelle2, ce
phénomène reste peu étudié en sciences de gestion. Si l’attention des chercheurs s’est portée
sur les communautés virtuelles de marque sur l’entreprise telles que définies par Jones (1995)
qui appréhende les communautés de marque avant tout comme des réseaux sociaux, peu
d’études se sont intéressées à un phénomène émergent, bien qu’encore marginal : les
2 Marketing Direct n°165, sept 2013. Dossier Communautés de marque : Place à la voix du client
11 Introduction
communautés virtuelles initiées par la marque elle-même et gérées en dehors des réseaux
sociaux, sur une plateforme privée appartenant à l’entreprise.
Ainsi, de nombreux auteurs ont cherché à comprendre l’impact des communautés virtuelles sur
l’image de la marque, sur sa stratégie marketing (impact en termes de fidélisation (Hur et
al.2011, de loyauté (Jang et al.2008), ou encore d’engagement (Kim et al., 2008). Seules de
rares études pointent le potentiel des plateformes privées sur le marketing de l’entreprise.
La problématique de ce mémoire de recherche est issue d’une analyse et d’une réflexion menée
sur l’évolution des médias sociaux et leur implication dans la vie de l’entreprise. Certaines
études ont pointé leurs limites, voire leur danger dans la qualité de la relation entre la marque
et ses consommateurs : Ainsi, Ferrero a dû fermer sa communauté MyNutella : les participants
n’ont pas accepté l’intrusion et la récupération par la marque. En parallèle, certaines marques
se lançant dans l’aventure d’une communauté initiée par elle-même ne parviennent pas à
rencontrer leur public et à générer une audience pertinente : ainsi, le Club Med, après un premier
échec, peine à faire émerger sa communauté HappyClubMed. Pourtant, à l’image de Nike,
Cultura, Nestlé, la communauté de la marque peut devenir un vrai succès et renforcer le capital
marque de l’entreprise.
Ainsi, ce mémoire de recherche a pour objectif principal d’apporter des éléments de
compréhension de ce phénomène dont le potentiel marketing ne peut laisser indifférent mais
aussi de fournir des pistes d’exploitation de l’outil dans le cadre d’une stratégie purement
marketing en utilisant la dynamique de groupe pour accéder à la connaissance et permettre le
développement de la marque.
C’est dans une démarche exploratoire que nous avons choisi d’aborder l’étude de ce concept :
cette recherche a pour double objectif de faire ressortir les spécificités de ces plateformes par
une définition détaillée et de l’envisager comme un outil indépendant des communautés issues
des réseaux sociaux traditionnels : Nous aborderons les attentes marketing des entreprises et les
possibilités d’en tirer le meilleur : Nous espérons ainsi faire ressortir des pistes de réflexions,
des points d’interrogation qui pourront faire l’objet de recherches futures.
La problématique générale de ce mémoire est large, car avant tout exploratoire et peut se
résumer ainsi :
Pourquoi, à l’heure du Social média, la marque choisit-elle de créer une communauté
virtuelle fermée et comment peut-elle en tirer le meilleur ?
Afin de trouver des éléments de réponse, nous proposons une démarche multi-méthodes :
C’est tout naturellement vers les managers de marque et professionnels du marketing digital
que va se porter notre attention première : Une investigation par entretiens individuels doit nous
permettre de faire ressortir les principales attentes des entreprises vis-à-vis de ce type d’outils.
Il s’agit de détecter les motivations profondes, et pas toujours avouables à leurs consommateurs,
qui poussent l’entreprise à initier ce type de plateforme.
12 Introduction
Cette investigation sera complétée d’une analyse de cas des plateformes elles-mêmes. Ainsi, 5
plateformes communautaires privées seront étudiées : les plateformes Cultura, DoYouVespa,
Séphora et Monlookéa, Kréalinks : Le choix de ces plateformes très différentes les unes des
autres, est issu d’une volonté de favoriser la diversité des sources d’informations.
De cette phase de recherche, nous espérons faire émerger les éléments de réponse à la première
partie de notre problématique : Pourquoi la marque choisit-elle d’initier une communauté
virtuelle fermée ?
Les théories marketing et sociologiques seront mobilisées dans la phase d’analyse des résultats,
et particulièrement la théorie du marketing holiste, du marketing relationnel. Nous puiserons
dans la littérature psychosociologique pour éclairer le phénomène de dynamique de groupe ou
d’intelligence collective inhérent à ce type de structure, mais aussi pour revenir aux sources
sociologiques du phénomène communautaire : Au sein de ces plateformes communautaires se
combinent en effet des mécanismes purement marketing et des mécanismes sociologiques issus
de l’effet de groupe.
De cette première approche de notre problématique, nous pouvons déterminer les questions de
recherche suivantes :
- QR1 : Que recherchent les marques en créant une plateforme communautaire privée ?
quels sont les objectifs affichés ? les objectifs cachés ?
- QR2 : Comment réunir suffisamment de membres impliqués pour parvenir au succès de
ce type de plateforme ?
- QR3 : Comment tirer le meilleur de ces groupes ?
Ces premières questions de recherche nous poussent à porter une attention particulière au
groupe en lui-même, en étudiant la dynamique de groupe générée et amenant de nouvelles
interrogations concernant les participants eux-mêmes.
En effet, l’investissement financier et humain dans la création d’une communauté virtuelle
privée est significatif. Dès lors, ce type d’initiative doit apporter une plus-value réelle à
l’entreprise qui ne peut se contenter d’accepter une participation passive de ses membres. Une
étude quantitative menée auprès des consommateurs aura pour objectif de fournir les éléments
de réponse à deux questions complémentaires majeures :
- QR2a : Quel profil d’utilisateur est susceptible de servir efficacement la marque ?
- QR2b : Qu’attendent-ils de la communauté
- QR2c : Comment générer une participation active ?
Le questionnaire administré auprès de consommateurs appartenant ou non à une communauté
virtuelle de marque fermée portera sur deux outputs particulièrement pertinents dans le cadre
13 Introduction
de cette recherche : le phénomène de co-création et le besoin de reconnaissance sociale qui
pousse le consommateur à participer à la vie de la marque.
Nous nous poserons également la question de l’importance du besoin d’affiliation sociale dans
le cadre d’une communauté fermée et tenterons de déterminer son impact réel dans la réussite
d’une communauté virtuelle de marque.
III. Les implications managériales
Ces dernières années ont vu la naissance d’un nouveau service proposé aux entreprises par les
Instituts d’études ou les agences de communication digitales : la création artificielle de
communautés virtuelle de marques : En fonction des objectifs stratégiques et marketing des
entreprises et après avoir établi un cahier des charges strict déterminant la cible, les canaux
d’interactivité et les outils d’animation pertinents…ces instituts se chargent de créer ces
plateformes artificielles pour le compte des marques.
Ces communautés peuvent compter plusieurs milliers de membres (entre 500 et 80 000) et
représentent un investissement financier non négligeable (un minimum de 300 000 euros pour
la création est avancé par les professionnels, il faut ensuite y consacrer du temps et du personnel
pour l’animation et l’analyse des données.)
Construire sa communauté de marque n’est donc pas sans conséquences pour l’entreprise : un
échec, au-delà de l’investissement perdu, peut également avoir l’effet inverse et nuire au capital
marque (cf. l’échec de la communauté MyNutella).3
De nombreux exemples montrent cependant qu’une communauté efficace peut servir la marque
et contribuer à son développement.
Notre ambition est de pouvoir donner aux managers de marque les pistes de compréhension de
cet outil leur permettant de les appréhender efficacement : détermination des objectifs en amont,
mise en place des outils d’animation adaptés, ciblage pertinent des membres….
La création d’une communauté virtuelle de marque fermée répond à des préoccupations avant
tout marketing : Loin de l’univers des réseaux sociaux ou des communautés virtuelles initiées
par les consommateurs répondant à des objectifs avant tout sociaux, (B.Cova évoque un
« marketing tribal » (2006) la communauté virtuelle de marque fermée peut devenir un outil de
marketing management puissant au service du développement de la marque, à condition que la
plateforme créée encourage la collaboration de ses membres et soit exploitée sans perdre de vue
les objectifs marketing.
Au-delà de la structure de la plateforme elle-même, il s’agit pour les managers de comprendre
comment en tirer le meilleur : de l’ethno-consumérisme à la co-production, voire la co-création,
les perspectives d’opérationnalisation de la communauté sont multiples. Ce mémoire de
3 J.Leroy « Gestion de la relation avec une communauté virtuelle dans une stratégie de co-création », Décisions
Marketing, oct-déc 2008
14 Introduction
recherche a pour ambition de fournir des pistes d’instrumentalisation de l’outil aux managers
de marque par un focus sur ces outputs.
Enfin, en portant une attention particulière sur le profil des consommateurs, nous souhaitons
pouvoir aider les managers à cibler les profils les plus pertinents, susceptibles de servir les
intérêts de la marque, et à leur proposer des canaux d’interaction adaptés.
15 Introduction
Ce mémoire de recherche propose une structure en trois parties : La revue de littérature proposée
dans un premier chapitre a pour objectif de définir notre cadre d’analyse en passant en revue
les différentes conceptions sociologiques et marketings de la communauté virtuelle de business-
to-consumer et son impact sur le développement de la marque. Envisagée comme un outil
marketing au service de la marque, nous présenterons également dans ce chapitre les
fondements théoriques sur lesquels cette recherche s’appuie : la dynamique des groupes
restreints et le processus d’Intelligence Collective que peut générer ce type de groupe : C’est
dans la littérature sociologique que nous puiserons les éléments d’information nécessaires à la
compréhension de ce phénomène.
Un second chapitre sera consacré à la méthodologie mise en place : Nous exposerons les
différentes étapes entreprises afin d’obtenir les données, à la fois qualitatives et quantitatives
qui permettront la construction d’un cadre conceptuel. Les résultats seront ensuite détaillés
Nous procéderons, dans un troisième chapitre, à une analyse et une interprétation de ces
résultats en portant une attention particulière à trois outputs : La connaissance, la veille
stratégique, la dynamique de groupe.
Nous proposerons de faire le point, en conclusion, sur les apports d’une communauté virtuelle
business-to-consumer à la marque et nous efforcerons de dégager des pistes
d’opérationnalisation afin que la marque puisse en tirer le meilleur et valoriser son
investissement : Nous espérons ainsi apporter une contribution théorique et managériale à ce
domaine de recherche en marketing.
Néanmoins, cette recherche étant exploratoire, les limites et voies de recherche futures pourront
être dégagées et pourront faire l’objet, nous l’espérons, de recherches plus poussées dans le
cadre d’une thèse doctorale.
16 Introduction
Motivations
individuelles à
s’engager et à
participer
activement
Attentes
marketings des
managers
Dynamique
de groupe :
processus
d’IC
QR5
Valorisation personnelle
Bénéfices utilitaires et
économiques
Affiliation sociale
Participation collective
dans l’atteinte d’objectifs
communs : focus sur la
coproduction
collaborative
Communication
positive : valorisation
capital marque
Recruter, fidéliser,
engager par une
approche relationnelle
Envie de collaborer
avec la marque
Profil des participants
Efficacité de la
communauté
virtuelle
Synthèse
partielle
Figure 1
Proposition d’un cadre conceptuel de
la recherche
QR1a
Accéder à la
connaissance
QR1b
QR1c
QR2a
QR1
QR2
Appropriation des
outils sociaux
QR2b
QR2c
QR
4
17 Chapitre 1 : Revue de littérature
Chapitre 1 : Revue de littérature
L’objectif de ce premier chapitre est de présenter les concepts et fondements théoriques autour
desquels se structure cette recherche. Nous proposons une revue de la littérature scindée en
quatre sections : Dans un premier temps, il est nécessaire d’effectuer un premier point sur le
concept de communauté virtuelle et de communauté virtuelle de marque : nous reviendrons
ainsi sur ses origines, les différentes définitions proposées par la recherche et nous efforcerons
de comprendre son mécanisme (I).
I. La communauté virtuelle : une approche sociologique et marketing du
concept.
Selon Benghozi (2006), « Internet a permis l’émergence de nouvelles formes hybrides de
structures sociales faisant apparaître des modèles radicalement nouveaux de production,
d’information ou de distribution centrés autour de la coopération au sein de communautés aux
frontières évolutives, offrant des alternatives efficientes aux organisations traditionnelles. » :
Certes, si le Web social a pu se développer à l’origine sur une base communautariste, la notion
de communauté virtuelle regroupe en vérité une diversité de phénomènes de par la nature même
des relations sur lesquelles ils se fondent : Dès lors, une utilisation généralisée de l’expression
à tout propos pousse Proulx (2002) à envisager aujourd’hui l’expression comme un cliché,
regrettant l’absence de réflexions sur la pertinence d’un recours systématique à cette notion
pour éclairer les structures sociales issues du Web.
Pour reprendre les propos de Fernack et Thompson (1995) déjà cités en amont : « La
communauté virtuelle est encore un concept amorphe en raison du manque de modèles mentaux
partagés sur ce que constitue exactement une communauté dans le cyberespace. »
Certes, les définitions existent mais peu d’auteurs en marketing explicitent vraiment le concept
de communauté virtuelle comme le montre le tableau 1 qui propose de reprendre les définitions
proposées dans la littérature :
Tableau 1 : les définitions du concept de communauté virtuelle en marketing
Auteurs Définitions
Rheingold, 1993 Agrégation sociale qui émerge du cyberespace lorsqu’il y a assez de
personnes qui tiennent des discussions publiques pendant
suffisamment longtemps et avec suffisamment de sentiments
humains pour former un réseau de relations interpersonnelles sur le
cyberespace.
Hagel et Armstrong, 1997 Groupe de personnes avec des intérêts et des besoins en commun
qui se rassemblent en ligne.
18 Chapitre 1 : Revue de littérature
Barnatt, 1998 Tout groupe de personnes partageant un lien commun mais ne
dépendant pas d’interactions physiques ni de locations
géographiques communes afin de maintenir leur affinité de groupe
Kozinets, 1999 Groupe de personnes en ligne qui partagent des comportements
communs ou des activités communes, qui respectent les principes
moraux standards et qui tentent de fonder une communauté ou qui
coexistent dans le voisinage immédiat les uns des autres
William et Cothrel, 2000 Groupe de personne qui se lancent dans des interactions en ligne
avec plusieurs autres personnes, et qui se forment quand des
personnes ayant les mêmes intérêts sont capables d’interagir.
Ponnavolu, 2000 Entités virtuelles de consommateurs, formées par les affaires
électroniques d’une entreprise, afin de faciliter les échanges
d’opinions et d’informations concernant les produits et les services
offerts par l’entreprise.
Ridings et al.2002 Groupe de personnes avec un intérêt commun qui interagissent
régulièrement ensemble de manière organisée sur Internet
Dholakia, Bagozzi et Pearo,
2004
Groupe spécialisé, dispersé géographiquement qui est basé sur la
structure et le dynamisme d’un ensemble de relations entre les
participants qui partagent un intérêt commun
Chen, Wu et Chung, 2008 Groupe de personnes ayant des préoccupations et des intérêts
communs qui utilisent Internet comme moyen de communication et
comme mécanisme d’échange d’information.
De ces différentes définitions émergent quatre caractéristiques majeures des communautés
virtuelles résumées par Casalo et al. (2008) : Un groupe lié par une volonté commune
d’interagir, un intérêt commun, le partage de normes, l’utilisation des outils du web pour
échanger et assurer la cohésion du groupe.
Ces caractéristiques dégagées, une interrogation se pose sur l’essence même de ce type de
regroupement.
A. Retour sur les origines psychosociales du concept de communauté virtuelle
Il est intéressant de revenir sur l’étymologie même des mots ‘communauté’ et ‘virtuelle’ :
Le terme « communauté » provient du latin communis dérivé de cum (avec, ensemble) et munus
(charge, dette). Le concept renvoie à une relation sociale caractérisée par des obligations
mutuelles : Pour reprendre le modèle proposé par Dubost (1995), un réseau défini par des règles
du type donner- recevoir- rendre. On envisage ici les limites du terme « tribu » (Cova, 2001)
que certains chercheurs utilisent pour définir ce phénomène, bien plus complexe.
De son côté, P.Lévy rappelle que le mot virtuel provient du latin virtualis dérivant lui-même de
virtus (force, puissance). Par ailleurs virtus signifie aussi vertu (Quéau, 1993, Cadoz, 1994) au
sens de « qualité » mais aussi « pouvoir ». Ainsi, pour P.Lévy (1995), virtualiser une entité c’est
remonter à son essence : Selon l’auteur, en affranchissant l’activité humaine des contraintes de
19 Chapitre 1 : Revue de littérature
la matière, de l’espace et du temps, a ouvert des possibilités jusque-là inédites : Le virtuel serait
« hyper-réel » et les technologies du web permettent d’ouvrir une porte sur toute la richesse du
réel (Weissberg, 1999 ; Doel et Clarke, 1999).
On peut alors envisager la communauté virtuelle comme un nouveau mythe fédérateur au sens
originel de Tönnies (1996) : « Partout où les hommes dépendent les uns des autres par leur
volontés organiques et s’approuvent mutuellement, il y a communauté. »
Notons que Barlow (1996), y voit un point d’ancrage propre à restaurer un lien social menacé :
« A nouveau les gens avaient un endroit où leur âme pouvait s’installer tandis que les
compagnies pour lesquelles ils travaillaient ballottaient leur corps à travers l’Amérique. Ils
pouvaient se faire des racines qui ne seraient pas arrachées par la force de l’histoire
économique. Ils avaient un intérêt collectif. Ils avaient une communauté. »4. De son côté, Stone
(1994) considère la communauté comme une « notion dynamique jouant un rôle central dans
la manière dont la société se conçoit elle-même. »
Ainsi, selon Proulx, la communauté virtuelle renvoie à des formes sociales fondées avant tout
sur la communauté d’intérêt : se pose alors un axe de réflexion majeur sur la question de leur
‘consistance’ sociale, c'est-à-dire l’ampleur du rôle qu’elles peuvent jouer dans une société
(Fernback, 1997) : « A l’ère des réseaux sociaux, du cyberespace (Gibson, 1985), la
communauté virtuelle serait-elle la figure post-moderne du collectif ? » (Proulx).
B. La communauté virtuelle, une nouvelle forme d’individualisme fondée sur un
contrat social
Dans sa « Déclaration de l’Indépendance du Cyberespace » (A Déclaration of the Indépendance
of Cyberespace ) (Barlow, 1996) évoque l’existence d’un contrat social défini entre les usagers
des groupes issus du Web tel qu’évoqué par Crozier et Friedberg (1977) selon qui tout système
collectif s’établit simultanément sur la différenciation de ses membres car chaque membre
trouve dans le contrat social un moyen d’atteindre ses objectifs personnels.
Dès lors, c’est à travers l’établissement graduel d’un contrat social autour de besoins spécifiques
et la coopération de ses membres en vue d’accomplir un objectif commun que la communauté
émerge (Crozier et Friedberg, 1977.) en s’appuyant sur les affinités, les intérêts communs et les
objectifs partagés (Newcomb et al.1970). Crozier et Friedberg assurent que deux raisons
majeures assurent le succès du groupe :
- Des conditions favorables à l’établissement de liens sociaux sur une base régulière
- Une opportunité commune.
Cette base communautaire dégagée et constituant son essence, le succès d’une communauté
virtuelle dépend ensuite de la ‘capacité de coopération de ses membres’. Ce processus
4 JP Barlow, 1996, “déclaration d’indépendance du cyberspace” : l’auteur voit dans la communauté virtuelle un
moyen de permettre à la société civile de se réapproprier le gouvernement accaparé par un Etat omniprésent.
20 Chapitre 1 : Revue de littérature
collaboratif est largement soumis d’une part, aux mécanismes d’interaction des membres entre
eux (anonymat ou non, groupes de discussions), et d’autre part aux mécanismes de régulation
du groupe qui permettent de maintenir son identité sociale et sa capacité d’action. Selon
JF.Marcotte (2003) : « les individus parcourent les espaces de discussions s’appuyant sur une
culture, un système de valeurs et un univers symbolique propre aux usagers ».
A notre sens, la marque peut aborder cette problématique de deux manières :
- Selon Smith (1992), les individus entrent dans ces environnements avec leurs propres
références culturelles et leurs expériences de vie au sein de différentes communautés
.Ainsi, en favorisant l’échange entre ses membres, la marque leur permet de participer
au développement d’un système de valeurs propres à la communauté et prend peut-être
le risque d’une inadéquation des valeurs de la communauté avec celles qu’elle s’efforce
de véhiculer à travers son capital marque.
Les valeurs de la collectivité virtuelles risquent parfois même de rentrer en conflit avec
celles de la marque et déterminer l’échec de la communauté initiée par la marque (cf.
communauté MyNutella ou génération Benz.)
- Dès lors, certaines marques font le choix de déployer une plateforme minimisant ces
possibilités d’échanges mais favorisant l’implication individuelle de chacun d’eux :
Dans ces cas l’interactivité Marque/membre domine largement et nous pouvons nous
interroger sur la valeur du contrat social : Nous verrons à travers notre étude de cas
notamment, que certaines marques n’hésitent pas à ‘inventer’ des substrats d’échanges
entre membres alors même qu’elles gardent une totale maîtrise de ces échanges (Dans
la communauté de la marque Cultura, les membres pensant pouvoir envoyer un message
privé à d’autres membres s’adressent en fait à un chargé de clientèle.)
( Ben Yahia et Guiot, 2012) démontrent à travers une étude menée sur 342 membres de
communauté, que la participation collaborative de l’entreprise est indispensable pour favoriser
ces relations.
Avant d’explorer la spécificité de notre cadre d’analyse, la communauté de marque Business-
to-consumer (III), il nous apparait important de nous efforcer d’explorer les forces de ‘ce
collectif’ à travers l’étude du concept de dynamique de groupe et d’Intelligence collective
II. la Dynamique de groupe restreint : terrain d’émergence d’une Intelligence
collective.
A. La dynamique des groupes restreints
Le Web Social (Weber, 2007), plus connu sous le vocable Web 2.0 (O’Reilly 2005) est le fruit
d’un processus d’Intelligence Collective initié grâce aux outils d’Internet : Ce sont les
contributions de millions de personnes (le fameux User Generated Content) qui ont pu rendre
cet outil social. Ainsi, le magazine Time nous désigne nous, l’ensemble des internautes,
21 Chapitre 1 : Revue de littérature
personnalité collective de l’année 2006 (Person of the year) : « Pour avoir pris en main les
rênes des médias, pour avoir fondé et encadré la nouvelle démocratie numérique, pour avoir
travaillé pour rien et battu les pros à leur propre jeu, le prix de la personnalité de l’année 2006
du Time est pour vous. », écrit Lev Grossman dans son éditorial.
Ainsi la culture du Web social partagée par l’ensemble des internautes, s’exprime à la fois sur
les réseaux sociaux, mais aussi au sein de ‘communautés virtuelles’ regroupant un ensemble
d’individus autour d’un intérêt commun (Rheingold, 1995) : « Les communautés virtuelles sont
des regroupements socioculturels qui émergent du réseau lorsqu’un nombre suffisant
d’individus participent à ces discussions publiques pendant assez de temps en y mettant
suffisamment de cœur pour que des réseaux de relations humaines se tissent au sein du
cyberespace. ». D’autres auteurs s’appuient sur l’idée qu’un groupe est plus intelligent qu’une
seule personne et permet une hausse du savoir (Lévy, 1995 ; Surowiecki, 2008. Kaplan et
Haenlein, 2010). Selon Lévy (1995), l’intelligence collective est « une intelligence partout
distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation
effective des compétences. ». Surowiecki (2008) évoque de son côté la sagesse des foules.
Penser en termes de groupe n’est pas naturel, les langues anciennes ne disposaient d’ailleurs
pas de terme pour désigner une association de personnes en nombre restreint poursuivant des
objectifs communs. Il faut attendre le XVIIème siècle pour que ce mot soit importé d’Italie. Il
possède alors deux significations : le nœud comme degré de cohésion entre les membres, et le
rond comme le cercle de personnes gravitant en son sein.
Précurseur du concept de dynamique des groupes, C.Fournier affirme début XIXème que
l’homme est avant tout un être social, donc groupal. A la fin du XIXème siécle, Durkheim forge
pour la première fois l’hypothèse d’une conscience collective, définissant « Le groupe social
comme étant plus que la somme de ses membres, c'est-à-dire comme totalité ».
Au XXème siècle, JP Sartre va plus loin et définit le groupe comme « un tout dynamique », en
mouvement constant. Il existe selon lui au moins 2 conditions pour passer du rassemblement
au groupe : Un intérêt commun entre les membres et la possibilité de communications directes.
Plus encore, selon Freud, le ressort de la psychologie groupale est l’identification, une
dimension reprise par E.Mayo, pour qui « L’individu réagit en fonction de ce qu’il ressent du
groupe, ceci dépendant en grande partie du climat du groupe et de son degré d’appartenance
à ce groupe. »
Il faut attendre 1944 pour que K.Lewin exprime pour la première fois l’expression ‘ :
« dynamique de groupe » : « le groupe est considéré comme une totalité dynamique qui
détermine le comportement des individus qui en sont membres ». L’auteur a également pu
déterminer la supériorité de la décision du groupe par rapports aux simples informations
données aux individus et définit finalement le groupe par l’interdépendance entre ses membres.
Cattel de son côté introduit la variable satisfaction apportée aux besoins de ses membres
comme prérequis, alors que Moreno détermine l’importance de l’affinité entre ceux-ci.
22 Chapitre 1 : Revue de littérature
Selon K.Lewin, « la cohésion du groupe est le résultat des forces d’attraction exercées par le
groupe à l’égard de ses membres en tendant à les maintenir en son sein : d’une part le groupe
lui-même est l’objet d’un besoin à satisfaire, d’autre part il constitue pour l’individu un moyen
de satisfaire des besoins dont l’origine est extérieure au groupe. ».
B. la puissance d’agir des contributeurs : l’Intelligence du grand nombre
Selon (Castells 2006), un nouveau modèle social serait en train d’émerger à partir d’Internet et
de la figure du réseau au sein duquel deux logiques sociales se complètent, s’affrontent parfois
ou se juxtaposent :
- la volonté d’accéder à la connaissance via la captation des contributions des internautes
utilisateurs du Web relationnel , par les entreprises propriétaires de plateformes
relationnelles. Castells évoque un nouveau capitalisme informationnel, source directe
de la production de valeur.
- Les aspirations d’empowerment et d’agency des consommateurs favorisées par la
possibilité de prise de parole à l’échelle de groupe et de communauté en ouvrant vers
un « idéal de démocratie participative ».
Revenons sur l’émergence de cette logique sociale émancipatrice ou ‘capacité d’agir’ au sens
de Proulx (2002) qui contraste radicalement avec la logique économique de captation
capitalistique des contributions du plus grand nombre qui correspond finalement à savoir LIRE
à travers ces contributions pour en retirer le meilleur (processus d’Intelligence collective).
- -
- La ‘puissance d’agir’ des participants à une communauté virtuelle : le
phénomène d’agency
Le concept ango-americain d’agency, fortement lié à celui d’empowerment des acteurs sociaux
humains, désigne ‘la capacité d’agir des acteurs’ (J.Vidal, 2008). M.Foucaut et G.Deleuze vont
plus loin et évoque plutôt une ‘puissance d’agir’ et lui donne une dimension collective. Pour
pouvoir prétendre d’un empowerment conséquent, les sujets doivent penser à la fois comme
communauté épistémique (c’est-à-dire comme un lieu de production collective d’une
connaissance commune) et comme un acteur collectif, susceptible ainsi d’intervenir
efficacement dans l’arène publique de manière à disposer d’une puissance d’agir collective et
démocratique. Latour (2006) évoque un héritage spinoziste « qui laisse penser les acteurs ».
Jenkins (2006), s’est penché sur ce phénomène qu’il nomme ‘culture participative’ et en décrit
les caractéristiques ainsi que les conséquences pour les ensembles sociaux : L’usager est ici
considéré comme le centre du dispositif et incité à produire et diffuser son propre contenu en
ligne (l’UGC). Sa participation doit être facilité par les faiblesses des efforts à fournir pour
exploiter les outils de contribution (Leadbeater et Mille, 2004). L’usager est ainsi perçu comme
jouant un rôle de plus en plus actif dans le processus de développement et d’innovation de
23 Chapitre 1 : Revue de littérature
l’organisation (Oudshoorn et Pinch, 2008, Von Hippel, 2005, Cardon, 2005). Von Hipell (2005)
parle d’un processus de « démocratisation de l’innovation ».
La mobilisation des recherches sociologiques portant sur ce phénomène nous permet d’aborder
la communauté virtuelle comme un modèle social d’avant-garde, fondé sur une relation
horizontale entre tous ses membres, au sein duquel émerge une connaissance que les
organisations cherchent à capter. Yann Moulier Boutang5 (2007), qui tente de saisir les
mutations contemporaines du capitalisme évoque la naissance du ‘capitalisme cognitif’ :
« Nous serions en train de sortir du capitalisme industriel pour entrer dans un nouveau type
d’économie fondée sur l’accumulation du capital immatériel, la diffusion du savoir et le rôle
moteur de l’économie de la connaissance)
- Comment faire de ce groupe le siège d’une Intelligence Collective ?
Il s’agit de ne pas aborder ce terme dans son sens français, qui évoque l’intellect : il est
intéressant de se reporter à l’étymologie du mot : Selon le dictionnaire étymologique Picoche
l’intelligence renvoie à ‘LIRE’ : famille d’une racine indo-européenne : Leg « cueillir »,
« rassembler » en grec. Qui dit intelligence implique la notion de choix (faculté d’analyse et
de sélection) : Il faut savoir trier, Rassembler, c'est-à-dire remettre ensemble ce qui s’AS-
SEMBLE.
« Omnia Probate… » , faites la preuve de tout…et gardez ce qui est bon (Saint Paul dans I
Thessaloniciens) : Il s’agit bien de ce qui nous préoccupe ici : comment l’entreprise peut-elle
cueillir l’information, la trier et en tirer le meilleur pour son développement ?
L’Intelligence collective désigne les capacités cognitives, émotionnelles, sensorielles d’un
groupe ou d’une communauté résultant des interactions multiples entre ses membres. Comment
ne pas débuter cette revue de littérature par la définition proposée par P.Lévy, auteur de
l’Intelligence collective, pour une anthropologie du cyberespace : « Il s’agit d’une intelligence
partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une
mobilisation effective des compétences. »
Selon l’auteur, chaque membre de la communauté est détenteur d’une toute petite part de savoir,
une perception partielle de l’environnement global et ne peut avoir conscience de tous les
éléments qui peuvent influencer le groupe. Ces ‘agents’ au comportement très simple peuvent
ainsi accomplir des tâches très complexe grâce à un phénomène appelé Synergie qui fait
émerger des capacités d’agir supérieures à l’individu isolé. « Libérés de la raison et du calcul
par l’ordinateur, nous sommes en train de rassembler notre Intelligence Collective. »
P.Lévy distingue quatre caractéristiques majeures de ce phénomène :
5 Yann Moulier Boutang, « Le nouveau capitalisme », 2007, p85 ;
24 Chapitre 1 : Revue de littérature
- Un ensemble de règles simples : Chaque individu se soumet à un ensemble de règles (logique
du ‘contrat social’ sous sa nouvelle forme : chartes, conditions d’utilisation des forums…
- Une information locale et limitée : Chacun des membres génères des milliers d’informations
que l’entreprise doit se donner les moyens de traiter pour accéder à la connaissance.
- Des interactions sociales favorisées : chaque individu doit pouvoir échanger avec les autres,
de manière libre.
- Une structure émergente utile à la collectivité : Il existe pour le participant un avantage, un
bénéfice à participer. Sa propre performance s’en trouve renforcée
De son côté H.Reeves6 s’interroge sur l’évolution de l’homme dans une perspective
scientifique : Selon l’auteur, l’évolution pousse à la performance qui se traduit par davantage
de complexité mais aussi, paradoxalement par la raréfaction des ‘représentants de chaque étape
qualitative. Ainsi, les ‘élus’, sont de moins en moins nombreux mais leur savoir de plus en plus
qualitatif.
Comment mettre en place une plateforme communautaire permettant à l’entreprise d’accéder à
cette Intelligence collective ?
Selon P.Soula, l’Intelligence collective provient d’interactions complexes et répondant à trois
grandes conditions :
- Une communauté d’intérêt reposant sur une structure horizontale (règles identiques
entre tous les membres, organisation dynamique : la répartition des rôles est fondée sur
le volontariat et la complémentarité des compétences), une gestion collective
(autonomie des membres), et une libre appartenance (l’existence de buts communs,
« l’affectio sociétatis » et une confiance mutuelle entre les membres)
- Un espace collaboratif : l’existence d’outils de coopération permet l’interaction entre
tous les membres. Sur une plateforme efficace, des interfaces facilitent la coordination
des actions : procédure, normes…, un système d’information sophistiqué permet
d’obtenir une vision synthétique et contextuelle pour chaque membre, la constitution
d’un corpus de connaissances (indexation de l’information), un système de régulation
a pour objectif d’évaluer et de corriger les erreurs. En favorisant le partage d’expérience
et de pratique, la plateforme suscite l’émergence d’une connaissance commune.
- Un projet mobilisateur : Afin d’atteindre une masse critique de participants et générer
une Intelligence Collectif, le projet doit être réfléchi en amont et répondre à certaines
caractéristiques (il doit être désirable, avoir un sens, être créatif pour susciter une
certaine émotion ou tout au moins un sentiment de divertissement, il doit enfin être
valorisant pour chacun de ses participants.)
6 H.Reeves : L’heure de s’enivrer : l’Univers a-t-il un sens ? (2000)
25 Chapitre 1 : Revue de littérature
A la lumière de ces approches, se dessine tout le potentiel d’une plateforme communautaire
Business-to-consumer. Selon Yann Moulier Boutang (2007), « le capitalisme ne se nourrirait
plus du muscle consommé dans les machines » mais bien de la « force cognitive collective »
ou encore de l’Intelligence collective. Notre projet de recherche étant avant tout un projet
marketing, intéressons-nous maintenant à la manière dont les marques se sont emparées du
concept.
III. Quand la marque s’empare du concept de communauté virtuelle.
Chacun garde à l’esprit la formidable aventure de la marque Harley Davidson sauvée de la
faillite sous l’impulsion de sa communauté de marque, le Harley Owners Group ( H.O.G) (Mac
Alexander, Schouten, et Koening, 2002). De la même manière, Internet a rendu possible la
création de groupes réunis autour d’un intérêt ou d’une marque. (Hagel et Armstrong, 1997) :
Définies avant tout comme des communautés d’intérêt, au fil du temps, les communautés
virtuelles de marque se sont imposées et ont démontré la robustesse de leurs structures. Alors
même que la puissance sociale et marketing des réseaux sociaux s’effrite, générant une certaine
confusion sur le cadre conceptuel, les communautés les plus performantes renforcent leur
pouvoir et continuent de recruter.
Notons que pour Kozinets (2002), les communautés virtuelles ne sont pas moins réelles que
les communautés physiques, seuls les moyens d’échange et la distance géographique leur donne
une spécificité mais cependant pas moins de valeur.
Depuis les premiers travaux de Rheingold (1993) qui propose une première définition du
concept de communauté virtuelle (cf. tableau 1) de nombreuses recherches se sont intéressées
à ce phénomène et ont tenté de le définir : Selon Porter (2004), les communautés peuvent être
envisagées selon deux perspectives : Initiées par les particuliers, elles représentent un pur
produit du Web social concrétisant largement le phénomène d’Empowerment du
consommateur, initiées par les organisations ou entreprises elles-mêmes, elles peuvent devenir
un outil stratégique puissant au service de la marque.(figure 2)
26 Chapitre 1 : Revue de littérature
Figure 2
Initiation et orientation
des relations dans les
communautés virtuelles
Adapté de Porter, 2004
De même, les différentes propositions de définition des communautés virtuelles mettent en
évidence ces différentes approches : Les communautés virtuelles sont tour à tour envisagées
comme simple interface de communication (Bagozzi et Dholakia, 2002. Lin, 2008 ; Wu et al.
2010), comme un outil communautaire (Rheingold, 1993 ; Hagel et Armstrong, 1997 ; Kollock
et Smith, 1999 ; Turkle, 1999) voire ‘tribal’ (Cova, 2006).
L’instrumentalisation marketing des communautés virtuelles par la marque fait l’objet de
recherches récentes (Kozinets, 1999 ; Wang et al. 2002, Gupta et Kim, 2004 ; Porter et Donthu,
2008).
Communauté Virtuelle
Initiées par des particuliers Initiées par des organisations ou
entreprises
Orientation des
relations Sociales
Orientation des
relations
Commerciales
Orientation des
relations
professionnelles
Orientation des
relations
Informationnelles
(Ethnographie)
27 Chapitre 1 : Revue de littérature
Tableau 2 : la consommation comme ciment communautaire
Auteurs définitions
Kozinets, 1999
Groupes spécifiques qui sont concentrés sur des intérêts liés à la
consommation. Un groupe affiliatif dont les interactions en ligne sont
basées sur un enthousiasme partagé et sur la connaissance d’activités
de consommations spécifiques ou d’activités de groupe liées à celles-
ci.
Ponnavolu, 2000 Entités virtuelles de consommateurs, formées par les affaires
électroniques de l’entreprise, afin de faciliter les échanges d’opinion et
d’informations concernant les produits et les services offerts par
l’entreprise.
Muniz et O’Guinn
(2001)
Une communauté spécialisée liée non géographiquement basé sur un
ensemble structuré de relations sociales au sein d’un groupe
d’admirateurs d’une même marque
Schau et Muniz
(2002)
Forme spéciale de communauté virtuelle axée sur une marque
spécifique où les interactions entre les membres prennent
principalement place dans le cyberespace
Srinivasan,
Anderson et
Ponnavolu, 2002
Entités sociales en ligne comprenant les consommateurs existants et
potentiels qui sont organisées par un commerce électronique afin de
faciliter les échanges d’opinions et d’informations regardant les
produits et les services offerts
Amine et Sitz,
2004
La communauté de marque est un groupe non géographiquement
délimité de consommateurs qui partagent certaines valeurs, normes et
représentations et se reconnaissent des liens forts d’appartenance, de
chacun avec chacun et de chacun avec le tout communautaire sur la
base d’un attachement commun à une marque particulière.
Sicilia et Palazon,
2008
Groupe d’individus ayant des intérêts communs pour une marque et qui
communiquent les uns avec les autres électroniquement sur une
plateforme fournie par la compagnie qui supporte la marque.
Lin, 2008 Cyberespace possédant différentes technologies d’Internet telles que
les forums de discussion et les panneaux d’affichage électronique. Il
dépend des interactions sociales entre les membres qui partagent les
mêmes intérêts, construisent des relations sociales, créent des fantaisies
et conduisent des transactions.
Ces définitions donnent un éclairage intéressant sur l’évolution du concept de communauté
virtuelle de marque dans la recherche : A la définition de Muniz et O’Guinn (2001) largement
reprise dans la littérature selon laquelle l’existence du groupe est basée avant tout sur
l’admiration, un attachement commun des membres à une même marque ( La communauté
virtuelle de marque se rapproche ici de la sous-culture de consommation présentée par Schouten
et MacAlexander (1995) ou de ‘la tribu’ de passionnés telle que décrite par Cova et Cova (2001-
2002) dans la mesure où les membres se réunissent avant tout sur la base d’un attachement
prononcé et émotionnel à un produit de la marque (Harley Davidson, 2CV Citroen, Mini-
Cooper))( Cova et Pace, 2004), il faut confronter les définitions plus récentes (Srinivasan,
Anderson et Ponnavolu, 2002 ; Sicilia et Palazon, 2008, Lin, 2008) se référant plus
particulièrement à la valeur informationnelle (Ponnavolu, 2000) de la communauté initiée par
28 Chapitre 1 : Revue de littérature
la marque elle-même : Dès lors se dessine une différence de nature entre la communauté de
marque virtuelle initiée par les consommateurs, issue d’un attachement prononcé à la marque,
et la communauté initiée par la marque dont les objectifs seraient de faciliter l’échange
d’informations entre la marque et ses consommateurs et les consommateurs eux-mêmes.
Nous pointons ici un élément intéressant qui guidera notre recherche et nous permet d’avancer
le constat suivant :
- Si l’avènement du Web Social a pu mettre en évidence le potentiel communautaire issu
de l’attachement et de l’admiration envers une marque, nous ne devons pas perdre de
vue que la relation entreprise/consommateur est avant tout basé sur un échange
économique. C’est sur la nature de cette relation commerciale que l’entreprise base la
création de sa communauté virtuelle, tout en lui donnant la dimension relationnelle
indispensable à son efficacité (E.Toufaily et J.Perrien, 2006), la préoccupation demeure
stratégique : Dans un cadre hyperconcurrentiel, l’entreprise a plus que jamais
l’obligation de comprendre les attentes et les motivations de ses consommateurs qui, de
leur côté exigent un accès à l’information et une possibilité de donner un retour
directement à la marque.
- Au besoin ‘d’être ensemble’ autour d’un attachement commun à une marque ou à un
produit (Schouten et MacAlexander, 1995) qui constitue le ciment communautaire
d’une structure initiée par les consommateurs eux-mêmes se conjugue une
rationalisation comportementale qui pousse l’individu à un besoin d’activité sociale ,
d’information et de reconnaissance auquel la marque peut répondre à travers sa
plateforme dite ‘communautaire’.
Ces définitions récentes nous garderons plus particulièrement à l’esprit celle de Srinivasan,
Anderson et Ponnavolu, (2002) : « les communautés virtuelles de marque sont des entités
sociales en ligne comprenant les consommateurs existants et potentiels qui sont organisées par
un commerce électronique afin de faciliter les échanges d’opinions et d’informations regardant
les produits et les services offerts » : Sans remettre en question la dimension sociale de la
communauté de marque, les auteurs pointent avec justesse la particularité d’une communauté
initiée par la marque, reprise par Porter (2004) (cf. Figure 2)
IV.Les spécificités de notre cadre d’analyse : la communauté de marque
Business-to-consumer
Dès lors se dessinent des opportunités marketing pertinentes pour la marque qui initié ce type
de plateforme rendant ainsi la gestion de la relation client plus efficace : La communauté
virtuelle de marque favorise la compréhension du comportement actuel et futur du
consommateur (Hoffman et Novak, 1996, Boyle, 2001) grâce à une plus grande interactivité
(Arnott et Bridgewater, 2002) et une possibilité de personaliser la relation avec les
consommateurs et futurs consommateurs (Arnott et Bridgewater, 2002, Bradshaw et Brash,
2001).
29 Chapitre 1 : Revue de littérature
Bien plus, de nombreux auteurs pointent l’effet direct de la participation à une communauté
virtuelle de marque sur la fidélité (Dadzie, Chelariu et Winston, 2005 ; Choi et al. 2006 , Shang,
Chen et Liao, 2006. Li et Hung, 2006 ; Raîs et Gavard-Perret, 2011)
Ces différentes approchent nous poussent à envisager la communauté virtuelle de marque avant
tout comme un outil marketing qui, intelligenmment géré par la marque (en lui donnant une
dimension relationnelle indispensable à son succès) peut contribuer efficacement à son
développement (O.Brodin, 2002) en permettant d’initier une relation désormais horizontale
avec les consommateur devenant ainsi partie prenante de l’organisation : La communautée
virtuelle peut constituer un point de rencontre vertueux entre la marque et ses consommateurs
duquel peut émerger une dynamique de groupe.
- La communauté virtuelle de marque Business-to-Consumer : un concept encore
peu exploré.
Même si Sicilia et Palazon (2008) évoquent dans leur définition de la communauté de marque
l’existence d’une plateforme créée par la marque elle-même comme support communautaire, il
existe à notre connaissance peu d’études portant spécifiquement sur ce nouveau modèle de
communauté de marque initiée par la marque elle-même et qu’Arnone (2009) nomme
Communauté virtuelle Business-to-Consummer7 et définit ainsi : « Un collectif de
consommateurs réunis durablement par une marque au sein d’une plateforme communautaire
et qui, au travers des interactions et des mécanismes socioculturel qu’il génère, peut contribuer
à la réalisation d’objectifs marketing ».
De son côté l’agence Forrester Research propose de distinguer, dès 2009, trois types de
stratégies marketing utilisant les médias sociaux comme support :
- Le Social Média ‘You buy’, stratégie qui consiste pour la marque à acheter sa
communication sur des réseaux sociaux publics : une stratégie auparavant efficace mais
qui tend a tendance à montrer ses limites, ayant attribué un pouvoir certain aux leaders
tels que Facebook aujourd’hui remis en question.
- Le Social Média ‘You earn’, inclu cette fois l’utilisation gratuite des ces réseaux à
travers l’animation de pages ou de compte, mais qui laisse là encore, la marque soumise
aux exigences secrètes d’algorithmes qu’elles s’efforcent de comprendre.
- Le Social Média ‘You own’, la stratégie qui nous interesse ici et qui consiste à créer sa
propre communauté, sur une plateforme dont l’entreprise est totalement propriétaire et
au sein de laquelle la marque invite ses consommateurs à participer en utilisant les outils
et canaux de communication qu’elle met à leur disposition : Il peut s’agir de forums,
d’outils de création, de la possibilité de publier du contenu sous différentes formes
(Photos, vidéos, témoignage..)
Selon L.Arnone, ce type de plateforme permet l’ouverture d’un dialogue transparent, permet de
renforcer l’attachement des membres à la marque, favorisant ainsi la fidélisation (Fournier et
7 Arnone L. Approche marketing des communautés de marque business-to-consumer. Etude des processus
stratégiques de création et de gestion par la méthode du Decision Systems Analysis. Thèse de sciences
économiques et de gestion, Université de Mons, 2009
30 Chapitre 1 : Revue de littérature
Lee, 2009 ; Shau, Muniz et Arnoult, 2009), plus encore, la communauté Business-to-Consumer
permet à l’entreprise de récolter de nombreuses données relatives au profil des membres. Enfin,
dans une démarche purement marketing, la communauté permet à la marque de communiquer
sur ses produits, et ce auprès d’une population ciblée.
Ce type de plateforme nécéssitant un investissement financier et humain important (plusieurs
centaines de milliers d’euros), son processus de création ne se fait pas au hasard : A.Decrop et
L.Arnone proposent le schéma suivant :
Figure 1
Exemple d’un processus de création
D’une communauté Business-to-Consumer
Selon ces chercheurs, la création et la pérénisation de la plateforme communautaire fermée
exige quatre étapes distinctes :
- Etape 1 : Analyse de la situation
Comme pour tout projet marketing, cette étape est primordiale et doit permettre
d’identifier les objectifs marketings de la marque et de les définir clairement. L’étude
des différentes communautés que nous présenterons plus loin montre que ces objectifs
sont variés (communication, fidélisation, recrutement, mais aussi étude du
comportement…). La confrontation de ces objectifs avec les attentes des membres
ciblés permet de déterminée leur adéquation. Il s’agit enfin de définir les ressources à
31 Chapitre 1 : Revue de littérature
allouer, financières et humaines, d’une part pour la création de la plateforme, mais
également pour l’animation et la gestion future.
- Etape 2 : Définition du projet.
Ce cadre déterminé, il s’agit pour l’entreprise d’identifier la cible potentielle de cette
plateforme, d’en identifier ses attentes en fonctions desquelles proposé un ‘canevas’
communautaire comprenant 3 dimensions : l’ethos, le projet et l’espace. (Figure 2), à
savoir l’identité communautaire liant les membres de la communauté (marque incluse),
le projet collectif ou la valeur offerte aux membres (bénéfices hédoniques, bénéfices
sociaux…), et enfin les outils d’interaction propsés (forums par ex).
Figure 2
Proposition de canevas communautaire
L.Arnone (2009)
Les objectifs spécifiques sont plutôt d’ordre stratégiques pour la marque (création d’un
CRM, possibilité de Focus groupe…)
- Phase 3 : Mise en place et lancement de la communauté : s’effectue progressivement,
grâce à l’investissment de tous les membres de l’organisation, des collaborateurs aux
32 Chapitre 1 : Revue de littérature
clients qui constitueront, ensemble, le noyau dur de la communauté, avant d’être étendu
(ou non, cf. Beneteau) aux nons clients grâce à de multiples campagnes d’animation.
- Phase 4 : Gestion de la communauté : Il s’agit d’une part de maintenir et d’étendre la
plateforme, mais également de capitaliser sur ses membres et d’en tirer le meilleur en
les stimulant régulièrement (entretien de la relation), et en les poussant à collaborer au
développement de la marque.
Des études menées par L.Arnone, il ressort une exigence d’interaction avec la marque plus
marquée qu’une volonté d’échanger avec d’autres consommateurs : Les auteurs recommandent
une position équilibrée entre les objectifs de veille de la marque (qui exigent le moins
d’intervention possible) et les exigences des membres.
C’est à la lumière de ce processus que nous proposons une approche multi-méthodes de ce type
particulier de plateforme communautaire.
33 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et
résultats
L’objectif de cette recherche étant de détecter la pertinence stratégique d’une communauté de
marque fermée, il est essentiel de mener une recherche permettant une confrontation entre d’une
part, les attentes des entreprises initiatrices de ces communautés et les motivations qui peuvent
pousser le consommateur à y adhérer. Pour cela, nous avons choisi l’utilisation d’une méthode
mixte.
L’utilisation des méthodes mixtes a été préconisée dans un premier temps dans le domaine de
la stratégie afin d’appréhender des situations complexes et de s’efforcer de les rendre
intelligibles. Ainsi, en réponse à l’opposition traditionnelle (positivisme/constructivisme et
quantitatif/qualitatif) qui guide la recherche française (Moisdon, 1981 ; Pras, 1981), le potentiel
des méthodes mixtes émerge depuis une dizaine d’années. Selon Martinet (2006),
« l’intelligibilité d’une situation stratégique ne peut se satisfaire d’une latéralisation de la
pensée ». De même, « la recherche en gestion ne peut pas, de par sa nature, se départir d’une
approche multi méthodes, parce qu’elle s’intéresse à des objets complexes et
multidimensionnels » (Provost, 1999). En marketing, Koller (2008) a pu mettre en avant
l’intérêt de ces méthodes.
Parmi les différents designs de méthodes mixtes qui ont pu être élaboré (Caracelli et Graham,
1989 ; Patton, 1990 ; Creswell, 1999, Creswell et al. 2003), nous retiendrons le celle de Creswell
qui propose quatre types majeurs de modèles de méthodes mixtes : La triangulation, le design
de complémentarité, le design explicatif et le design exploratoire.
Dans le cadre de notre recherche, notre objectif étant de détecter les attentes des managers de
marque vis-à-vis d’une communauté virtuelle de marque fermées et de confronter ces attentes
aux motivations des consommateurs à adhérer et à participer à ce type de communauté, le
design exploratoire semble particulièrement adapté.
Le design exploratoire est une conception séquentielle qui consiste à utiliser des méthodes
qualitatives pour détecter les champs conceptuels concernant une question, puis d’utiliser ces
concepts pour élaborer et administrer un outil de mesure quantitatif. Cette méthode est
notamment utilisée lorsque les mesures ou instruments sont inconnues, ou que le champ de
recherche est relativement nouveau. Or, si le phénomène communautaire online et ses
conséquences sur le comportement du consommateur a été largement étudiée ces dix dernières
années, l’étude et la mesure des attentes des entreprises vis-à-vis ce type de plateforme ne
bénéficie pas, à notre connaissance, d’outil de mesure. Les variables demeurent inconnues, une
première analyse qualitative devra permettre de les détecter afin de créer, dans un second temps,
un outil de mesure adapté.
34 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
Figure X : le design exploratoire (inspiré de Creswell et al., 2006)
Design de la recherche :
Une première approche exploratoire a double objectif : d’une part de comprendre les
attentes des managers de marque vis-à-vis de ce type de plateforme grâce à
l’administration d’entretiens semi-directifs, d’autre part de procéder à une étude de cas
permettant de rendre compte du phénomène.
A l’issue de cette phase exploratoire, les thèmes principaux détectés serviront à la
construction d’un questionnaire administré auprès de consommateurs. Cette étude
quantitative aura pour ambition de détecter les motivations qui peuvent pousser les
consommateurs à collaborer et coopérer avec la marque à travers sa communauté.
Figure 3
Design de la recherche
Données et
résultats
QUAL
Données et
résultats
QUAN
Interprétation
Entretiens
semi-directifs
avec des
professionnels
Phase Qualitative
Etude de cas
Phase quantitative
Enquête auprès
de
consommateurs
Enquête auprès de
participants aux
communautés de
marque
Interprétation :
Existe-t-il une relation
positive entre les attentes
managériales les
motivations des
consommateurs à
participer à une
communauté virtuelle
business-to-consumer ?
Construction
d’un
questionnaire
quantitatif
+
35 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
I. Présentation générale de l’approche.
A. La phase qualitative
De nombreuses questions se sont posées sur la pertinence des sources dans cette phase
qualitative combinant des entretiens avec des professionnels et des études de cas : Quels
professionnels interroger ? Quelles communautés étudier ? Chaque communauté de marque
fermée possède ses propres caractéristiques : Certaines favorisent l’échange d’expérience entre
consommateurs (Maggi, MonLookéa), d’autres incitent à la co-création, voire à la co-
production (cf DoYouVespa ?), d’autres encore, accessibles uniquement sur invitation (Skiller)
ou seulement aux propriétaires de produits de la marque (cf. la communauté Beneteau Yacht
Club).
Dans le cadre de cette démarche exploratoire, il est essentiel de favoriser l’hétérogénéité des
sources.
a. Investigation par entretiens individuels La vision imprécise du champ d’analyse rend cette première étape d’investigation essentielle.
Dans notre démarche l’entretien en profondeur (parfois appelé étude de motivation (E.Dichter,
1960) est particulièrement adapté et doit pouvoir éclairer plusieurs éléments :
Appréhender les comportements des managers vis-à-vis de communautés
de marque par l’analyse des composantes cognitives (connaissance du cadre
d’analyse, les communautés virtuelles de marque fermées), conative
(l’intention ou non d’initier ce type d’outil pour sa marque) et affective (qui
fera que le manager a envie de créer sa propre communauté de marque
privées.)
Comprendre les attentes, motivations qui ont poussé ou qui pousseront les
managers à investir dans ce type de communauté
Cerner les freins possibles quant à la mise en place de ce type d’outil.
Qui interroger ?
Le choix des répondants a été guidé par la question d’étude. Il s’agit ici de détecter des
motivations managériales d’une manière générale et non pas se contenter de recueillir le
témoignage de professionnels déjà convaincus par la pertinence de l’outil communautaire.
Dans ce cadre, l’hétérogénéité des répondants est préférable afin d’explorer ce champ d’étude.
En cohérence avec nos objectifs, nous avons sélectionné les répondants sur la base de 3 critères
principaux :
La responsabilité et la gestion d’une marque (ou d’un service).
L’utilisation des outils online pour promouvoir leurs produits ou services.
36 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
La connaissance du Web Social
Guidé par ce souci d’hétérogénéité, nous nous sommes efforcé de diversifier les secteurs
d’activité (services, produits de grande consommation, voyagistes…), la diversité des métiers
(Responsable de marque, responsable stratégie digitale, responsable communication marque
employeur) et le profil des répondants (Homme/Femme)
Comment mener ces entretiens ?
Il convient de s’interroger sur le mode de recueil des données dans le cadre de ces entretiens
semi-directifs. En effet, notre recherche portant sur un thème extrêmement spécifique, les
personnes sollicitées, responsables de marques ou spécialistes du web social disposent de peu
de temps et ne peuvent pas toutes se rendre disponible pour un entretien en face à face. La
question qui se pose alors est l’efficacité d’un mode d’administration online de ce type
d’entretien.
Une analyse de la littérature semble confirmer l’efficacité de cette approche : Dès l’apparition
d’Internet, la communauté marketing a pris conscience de son intérêt dans la réalisation
d’études de marché (Kozinets, 1997 ; Galan et Vernette, 2000). Dans le cadre de
l’administration d’un entretien qualitatif, certains auteurs (Pincott et Brandwaite, 2000 ; Sweet,
2001) ont démontré que les répondants sont plus enclins à exprimer leurs opinions dans un
environnement numérique. Plus tard, Pepper et al. (2008), L.Maubuisson et I.Abaidi ( 2009)
mettent en avant les qualités de ce type d’interviews et notamment la qualité essentielle qui a
guidé notre choix : celle de rendre certains professionnels accessibles.
Après un premier échange par mail, au cours duquel nous avons pu présenter notre thème de
recherche, 6 professionnels ont accepté de participer à des entretiens individuels.
Certains ont pu être effectué en offline, d’autres ont été mené par le biais des outils online.
Répondant Métier Domaine d’activité Caractéristiques
de l’entretien
Gérard
Spatafora
Directeur marketing
Millesima
Vente de vin en ligne 1h15, online
Jérôme
Introvigne
Directeur de
l’innovation, biscuits
Poult. Créateur de la
communauté Skiller
Produits de grande consommation
Premier créateur d’une
communauté d’échange de
compétences
2H30, offline
Thomas
Soumaron
Responsable Web
Marketing Thomas
Cook Voyage
Commercialisation de voyages en
ligne
1h00, offline
Béatrice
Maccario
CEO Kréalinks Création et gestion de plateformes
communautaires fermées pour le
compte des marques
2h00, online
37 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
Colonel Eric
de Lapresle
Chef de bureau
marketing et
communication,
Armée de terre
En charge de la communication et
de la marque employeur Armée de
Terre
1H45, online
Mao Monti Responsable
stratégie digitale
Librairie Mollat 1h, offline
A la question qui s’est posée au sujet du nombre de personnes à interroger, nous nous sommes
basés sur les recommandations des chercheurs. Ainsi, certains considèrent que le point de
saturation peut être atteint dès 6 interviews8, au-delà, la surcharge d’information peut nuire à la
compréhension du problème.
Afin de procéder à l’analyse de contenu, l’ensemble des conversations ont pu être enregistré.
L’échantillon généré répond ainsi aux exigences de la recherche : Chacune des personnes
interrogées a un lien avec la promotion d’une marque ou d’un service et utilise déjà les outils
du Web Social pour communiquer avec ses consommateurs.
L’hétérogénéité est assurée par les profils des répondants, appartenant chacun à des secteurs
d’activité différents et chargés de la gestion d’un produit/service d’univers différents, assurant
ainsi une validité externe à cette première recherche exploratoire.
b. Construction du guide d’entretien
La construction du guide d’entretien est une étape décisive qui va conditionner toute la
cohérence du processus d’entretien.
Celui-ci doit remplir plusieurs fonctions9
Indiquer à l’interviewer les objectifs généraux de l’étude et les thèmes qui
seront abordés.
Répertorier les phases d’introduction et de transition qui seront répétées à
l’identique pour l’ensemble des entretiens.
Recenser les principaux points devant faire l’objet d’un approfondissement
ou de relance de la part de l’enquêteur.
Dans le cadre de notre recherche, la construction du guide d’entretien a pu se faire en trois
étapes successives10 :
8 Guest,G.Bunce,A et Johnson,L ; « How many interviews are enough? An experiment with data saturation and
variability” Field Methods, vol.18,1,2006,pp. 59-82 9 Jean-Luc Giannelloni , Eric Vernette, « Etudes de marche » 3éme édition,, chap. 4, p105
10 Ed Eyrolles, Les études qualitatives, p 37
Lister tous les
points à aborder
Regroupement des
questions par thème
Créer une « phrase large » par thème
pour faire parler l’interviewé
38 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
Il s’agit, lors de ces entretiens semi-directifs, d’évoquer les attentes, motivations ou freins que
ces responsables de marques pourraient avoir vis-à-vis des communautés virtuelles de marque,
d’une manière générale. L’objectif est de favoriser le cheminement naturel de la réflexion. Le
guide d’entretien proposé11, doit pouvoir répondre à cette exigence.
De cette première recherche qualitative doivent émerger les thèmes principaux qui serviront
d’une part, à détecter les attentes stratégiques des marques vis-à-vis des communautés virtuelles
de marque, mais serviront également de point d’appui dans la création d’un questionnaire
quantitatif soumis ensuite à un échantillon de consommateurs afin de trouver les points de
convergence existant entre les attentes des entreprises et les motivations des consommateurs.
Afin de compléter cette première phase exploratoire, nous procédons à une seconde approche
du phénomène, cette fois plus descriptive, en nous appuyant sur l’étude de cas : il s’agit
d’observer ce qui se passe au sein de trois communautés de marque choisies pour leur spécificité
marquée.
B. Investigation par étude de cas
Une seconde collecte de données est issue de l’étude de cinq communautés virtuelles de
marques fermées.
a. Le critère de choix des communautés
Le choix des communautés à étudier a pu être effectué en fonction de trois caractéristiques
principales associées au succès d’une communauté virtuelle de marque (Casalo, Flavian et
Guinalu, 2007 ; Proulx, 2004)
L’adhésion à cette communauté exige la création d’un profil et d’un identifiant (pré-
requis renforçant le « sentiment d’appartenance » au sens de Muniz et O’Guinn
(2001)
Une participation active des membres est confirmée par le partage d’expériences,
l’existence de commentaires, de discussions ou de diffusion de contenus récents.
(Proulx, 2004 ; Blanchard et Markus, 2004 ; Amine et Sitz, 2007, Muniz et O’Guinn,
2001)
L’existence de règles et de conventions au sein de la communauté a pu être
détectée (présence d’une charte de bonne conduite notamment) :elles favorisent le
partage de valeurs communes renforçant ainsi le ciment communautaire (Cova et
Pace, 2006 ; Muniz et O’Guinn, 2001 ; Sicilia et Palazon, 2008)
Enfin, rappelons que la communauté virtuelle de marque est initiée et animée par l’entreprise
elle-même (Porter, 2004) et se concentre soit sur une marque, soit sur un service.
11 Annexes p X
39 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
b. La démarche d’étude
L’étude de ces communautés ne doit pas se limiter à « de simples visites de sites » assimilées
par (Sherry, 1995) à « du voyeurisme ». Cette exigence nous pousse à adopter dans la mesure
du possible, la démarche dite « netnographique » développée par (Kozinets, 2002) : Il s’agit de
transposer les pratiques ethnographiques sur le Web pour étudier les communautés virtuelles.
Kozinets recommande de s’identifier et de participer au même titre que les autres
consommateurs tout en maintenant une posture d’observateur. La présentation de notre position
(étudiante en cours de recherche dans le cadre d’un mémoire) et du thème de recherche doit
nous permettre de respecter les codes d’éthique indispensables à toute démarche
netnographique (Kozinets, 2002).
Nous nous efforçons d’informer les participants de notre démarche d’observateur et du recueil
des échanges qui nous paraissent pertinents dans notre recherche.
Il est important cependant de noter que certains sites communautaires ne laissent pas au
participant la possibilité de se présenter, si ce n’est à travers la création de contenu mettant en
scène un produit de la marque : Dans ces cas, l’esprit communautaire ne s’exprime pas à travers
un forum de discussion, mais grâce à la publication et à l’échange de créations. C’est le cas par
exemple de la communauté DoYouVespa dont les membres expriment leur sentiment envers le
produit à travers la création d’affiches ou de livres de bords : nous avons donc choisi d’aborder
cette communauté dans le cadre d’une étude de cas, sans interagir avec les autres membres,
mais en informant cependant la marque, par mail, de notre démarche de recherche.
c. Le choix des communautés
Le choix des cas à étudier a pu se faire en fonction des caractéristiques citées en amont, de
l’affinité avec certaines marques, de l’importance de la communauté et de la possibilité
d’adhérer facilement : Ainsi, la communauté Beneteau Yacht Club, créée en 2008 compte 1600
membres propriétaires d’un bateau de cette marque, analysée par la presse professionnelle
comme exemple de réussite d’une communauté virtuelle de marque privée12 et sollicitée dans
le cadre de notre recherche, ne nous a pas autorisé à adhérer de manière temporaire malgré une
explication poussée de notre démarche exploratoire.
Retour sur les communautés choisies dans le cadre de notre démarche netnographique :
La communauté DoYouVespa ?: Vespa commercialise le scooter emblématique
italien : plus de 18 millions de scooters ont ainsi été vendu depuis 1946.
12 Marketing Direct n°165, sept 2013. Dossier Communautés de marque : Place à la voix du client
40 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
Créée en décembre 2014, la communauté DoYouVespa ? permet aux consommateurs
et aux fans de la marque de partager leur vécu sur un site dédié construit sous la forme
d’un réseau social. Au-delà du partage d’expérience de consommation (anecdotes, récits
de voyages…), la marque invite également à la création d’images, avec un choix de
styles graphiques originaux : une manière d’encourager la participation active des fans
qui peuvent, comme sur un réseau social public, ‘liker’ les contenus publiés par les
autres membres de la communauté. Les fans les plus plébiscités se voient alors attribués
des Vespa Miles leur permettant de devenir de plus en plus populaires sur le site. Les
meilleurs contenus sont relayés sur les réseaux sociaux officiels publics de la marque.
La communauté compte, après un an d’existence, plus de 3000 membres actifs.
Figure 4
Page d’accueil de la communauté DoYouVespa
L’étude de cette communauté nous apparait intéressante sous deux angles :
L’incitation à la création de contenu et la valorisation des membres actifs
(valorisation psychologique et sociale issue du partage des photos les plus ‘likées’
sur les réseaux sociaux officiels de la marque, valorisation économique puisque le
41 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
cumul des Vespa Miles collectés en fonction de son niveau d’activité sur le site
permet au participant d’obtenir des récompenses.
La communauté Monlookéa : Créés par le voyagiste Look Voyage, les hôtels club
Lookéa ont la caractéristique d’offrir des prestations uniformes sur l’ensemble des 54
clubs répartis dans le monde à une clientèle exclusivement française. Afin de résister à
Internet qui pousse les clients à se passer des services des tours opérateurs, l’approche
marketing de ces hôtels répond à des critères très précis, offrant un rapport qualité/prix
compétitif rendant l’offre extrêmement pertinente.
Look Voyage a pris conscience dès 2007 de la pertinence du marketing communautaire
et a souhaité initier une communauté de consommateurs et de futurs consommateurs
autour de sa marque Lookéa.
Monlookea est donc un espace communautaire online accessible sur simple inscription.
L’objectif affiché est de permettre aux clients de « continuer le voyage » en « gardant
le contact » avec les personnes qu’ils ont pu rencontrer au cours de leur séjour grâce à
un forum, de partager du contenu et des souvenirs (photos, récits de voyages, vidéos).
Les clients lookea ne sont pas la seule cible de la marque : les prospects peuvent être
également dirigés vers cette communauté pour échanger avec les clients convaincus et
poser des questions.
Grande réussite dans le secteur du tourisme, la communauté regroupe à ce jour 71 380
membres.
Figure 5
Page d’accueil de la communauté MonLookea
42 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
La stratégie communautaire de la marque Lookéa a fait l’objet de nombreuses études13 :
Trois objectifs marketings ont été clairement identifiés :
L’amélioration de la connaissance client
Amélioration du référencement de la marque
Recrutement de nouveaux clients.
GénérationSéphora : La communauté Séphora dédiée aux jeunes filles de 14 à 18
ans : le site a pour objet de proposer au jeune public des services et des contenus dédiés
à l’univers de la beauté et des cosmétiques. Ces services permettent d’accéder à des
contenus variés (vidéos, présentations de nouveaux produits, photos, mais aussi
possibilité de bénéficier d’avantages tels que des bons de réduction). Les participantes
peuvent poser leurs questions à des « conseillers », lancer un thème de discussion,
échanger sur les produits de la marque, voter pour leur produit préféré, publier des
photos, publier des commentaires et avis en relation avec le thème de la beauté,
participer à des sondages, à des jeux concours…
Sur cette plateforme privée, les jeunes adolescentes confient toutes les préoccupations
physiques liées à leur âge, mais donnent également leur avis sur les tendances du
moment dans le domaine de la beauté.
13 Decisions Marketing n°64, p 35 ;
L.Arnone et A.Decrop, Construire une communauté de marque, le cas des clubs de vacances Lookea,
43 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
Figure 6
Page d’accueil de la communauté générationSéphora
La communauté Cultura :
La communauté Cultura s’est construite à l’image des magasins Cultura, autour des univers
culturels proposés par la marque. Les consommateurs peuvent adhérer en créant un avatar.
Chaque membre possède une fiche et peut être joint, normalement par messagerie privée, par
un autre membre. A doute subsiste cependant sur l’aspect privé de ces échanges : Souhaitant
nous identifier clairement auprès des membres afin d’informer sur notre recherche, nous avons
procédé à un envoie de mail personnalisé aux membres les plus influents, identifiés comme
étant des consommateurs : un seul mail de réponse nous est revenu : il était écrit par la direction
de cultura et nous informait qu’il avait pris en compte notre recherche.
En pratique, les animateurs cultura participent à la communauté, bien que n’étant pas clairement
identifiés comme tels, leurs photos dont le fond est un magasin cultura, ne laisse pas de doute.
L’échange se fait autour de thèmes (coin lecture, musique classique, talents à découvrir…)
autour desquels des groupent se forment : Au total, 61 groupent échangent sur des thèmes
différents.
Les participants peuvent publier leur coup de cœur ou commenter celui des autres. Les membres
« experts » peuvent également poster des vidéos dites ‘tutoriels’ dans le cadre de l’atelier
créatif.
44 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
La plateforme communautaire Cultura compte 9600 membres (dont de nombreux employés !)
Un premier examen de cette communauté nous a poussé à nous interroger sur le mode
d’interaction proposé aux participants : Un souci nous a conduit à nous identifier auprès des
membres de la communauté en envoyant un message de présentation de la recherche par
messagerie privée, fonction disponible sur la communauté. Interpellé de ne recevoir qu’une
réponse de la direction de Cultura, nous avons pu prendre contact directement avec une
responsable de clientèle qui a pu fournir des éléments d’explication supplémentaires sur le
fonctionnement de cette plateforme sous la forme d’un entretien par mail.
L’étude de ces cas a pour objectif d’une part de compléter la phase d’investigation par entretien
en appuyant certains outputs notamment, d’autre part de nous permettre de détecter
d’éventuelles utilisations marketing complémentaires.
B. La phase quantitative : enquête menée auprès des consommateurs
Ce mémoire de recherche a pour objectif final de déterminer le rapport existant entre les attentes
marketing des entreprises initiatrices de communautés de marques privées et les motivations
des consommateurs à y adhérer et y participer. Cette adéquation entraîne le succès de la
communauté, sa longévité et son utilité dans le développement de la marque. Nombreuses sont
les communautés qui n’ont pas rencontré le succès escompté malgré un investissement
conséquent de la marque : Dans le domaine du tourisme par exemple, la communauté
nomadsphère (Groupe Accor pour sa marque SuiteHotel) n’a pas su rencontrer son public et a
dû être fermée faute de membres. Le club Med, après un premier échec (Club MedInside, a bien
du mal à imposer sa nouvelle communauté HappyLife. De son côté pourtant, look voyage peut
compter sur une communauté de plus de 77 000 membres depuis 2007.
La question qui a guidé cette phase quantitative s’impose alors : Quelles sont les motivations
qui poussent les consommateurs (ou futurs consommateurs), à adhérer ou non à une
communauté virtuelle de marque ?
45 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
Afin de tenter de répondre à cette interrogation, il est nécessaire d’utiliser une méthode
d’enquête auprès des consommateurs. Celle-ci doit permettre d’apporter des éléments de
réponse qui pourront être ensuite confrontés aux attentes managériales.
A. L’instrument de mesure : le questionnaire.
L’élaboration du questionnaire a pu se faire en se basant sur 2 objectifs de l’étude : afin de
savoir s’il les attentes exprimées par les entreprises lors de la première phase exploratoire
peuvent correspondre aux motivations autodéterminées des consommateurs, un questionnaire a
pu être construit en se basant une première revue de littérature.
Construction du questionnaire destiné aux participants à une
communauté de marque initiée par la marque elle-même
Conscient de la difficulté de mener une enquête quantitative auprès de participants à une
communauté de marque fermée dans le temps imparti pour le mémoire, nous avons tout de
même souhaité créer un questionnaire spécifique à destination des consommateurs remplissant
ce critère. L’objectif n’étant pas, à ce niveau, de récolter suffisamment de données pour
conclure à un comportement global, mais davantage fournir des pistes et indices dans le cadre
de la recherche exploratoire.
Nous nous sommes, dans ce cadre, appuyé sur une mesure de l’appartenance aux cercles
sociaux en utilisant l’échelle de mesure de Laurent Sempé14. Selon l’auteur, les attitudes et
comportements des consommateurs (fidélité, engagement, implication) sont largement
influencées par la position qu’ils occupent dans leur réseau social. Il s’agit donc de comprendre
dans quelle mesure l’appartenance à ce type de communauté peut favoriser le sentiment
d’appartenance du consommateur à un « cercle social » de référence (Degenne et Forsé, 1994)
et le comportement qui en résulte (effet de groupe, dynamique sociale, participation à une
« intelligence collective).
L’échelle de mesure du sentiment d’appartenance aux cercles sociaux est composée de deux
dimensions : la cohésion perçue comme « le niveau de proximité entre les différentes personnes
appartenant à un groupe commun » (Mardsen et Friedkin, 1993) et le concept de centralité
décrit la position de l’individu « au cœur de ce réseau » (Freeman, 1979)
Cette échelle, adaptée à notre cadre d’analyse a été complétée de deux outils de mesure
complémentaires dans cette étude : l’intention de fidélité à la marque et l’engagement affectif
envers une marque : L’objectif étant de détecter le lien existant entre l’engagement actif au sein
d’une communauté virtuelle de marque et la fidélité et l’engagement affectif envers la marque
elle-même.
14 L.Sempé, Une échelle de mesure de l’appartenance aux cercles sociaux : analyse factorielle confirmatoire
multiniveaux.RAM, vol 15, n° 2/2000
46 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
Figure 3
Echelle de mesure de l’appartenance aux cercles sociaux
dimension items mesure
Echelle de mesure de l’appartenance aux cercles sociaux (adaptée de
L.Sempé)
Sur une échelle de 1 à 7 diriez-vous que vous êtes plutôt en
désaccord ou tout à fait d’accord
avec les affirmations suivantes :
Centralité Je suis un des animateurs des groupes de discussion
initiés dans la communauté virtuelle de marque.
1 Pas du tout d’accord
2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord 4 plutôt d’accord
5 tout à fait d’accord
Dans ma communauté virtuelle de marque, je pense être
l’un de ceux qui maintiennent le contact entre les
membres.
1 Pas du tout d’accord
2 plutôt en désaccord 3 ni en désaccord, ni d’accord
4 plutôt d’accord
5 tout à fait d’accord
j’ai le sentiment de faire partie du noyau dur du groupe
dans ma communauté virtuelle.
1 Pas du tout d’accord
2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord 4 plutôt d’accord
5 tout à fait d’accord
Cohésion Je peux facilement contacter de nombreux membres
de la communauté virtuelle à laquelle j’adhère.
1 Pas du tout d’accord 2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord
4 plutôt d’accord 5 tout à fait d’accord
Je pense que je suis bien accepté(e) par tous les
membres de cette communauté.
1 Pas du tout d’accord
2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord 4 plutôt d’accord
5 tout à fait d’accord
Dans ma communauté virtuelle de marque, je suis en
contact régulier avec la plupart des membres.
1 Pas du tout d’accord 2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord
4 plutôt d’accord 5 tout à fait d’accord
Je me sens bien accepté, voire apprécié au sein de
cette communauté virtuelle de marque.
1 Pas du tout d’accord
2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord 4 plutôt d’accord
5 tout à fait d’accord
Intention de Fidélité et engagement affectif envers la marque
Intention de
fidélité
Lorsque j’achète un produit de la catégorie que
couvre la marque citée, c’est généralement un
produit de cette marque.
1 Pas du tout d’accord 2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord
4 plutôt d’accord 5 tout à fait d’accord
Engagement
affectif
J’ai en quelque sorte un peu d’affection pour cette
marque
1 Pas du tout d’accord
2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord
4 plutôt d’accord
5 tout à fait d’accord
Au fil du temps, cette marque est un peu devenue
mon amie
1 Pas du tout d’accord 2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord
4 plutôt d’accord 5 tout à fait d’accord
Cela me peinerait si cette marque était retirée du
marché
1 Pas du tout d’accord
2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord 4 plutôt d’accord
5 tout à fait d’accord
Une phase exploratoire menée auprès de 7 étudiants en école de commerce sur l’activité qu’ils
peuvent avoir sur les réseaux sociaux de marque ont permis de dégager 7 items
complémentaires pertinents pour notre recherche.
47 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
Items complémentaires J’utilise la communauté virtuelle de marque avant tout
pour obtenir de l’information au sujet de la marque et des
produits qu’elle propose.
1 Pas du tout d’accord
2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord
4 plutôt d’accord
5 tout à fait d’accord
J’apprécie avant tout de pouvoir soumettre mes idées ou
créations à la communauté de marque.
1 Pas du tout d’accord
2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord 4 plutôt d’accord
5 tout à fait d’accord
Je suis satisfait de tout ce que je publie dans ma
communauté : je suis fièr(e) de moi
1 Pas du tout d’accord 2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord
4 plutôt d’accord 5 tout à fait d’accord
Je regarde régulièrement les messages écrits par les autres
membres dans ma communauté virtuelle
1 Pas du tout d’accord
2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord 4 plutôt d’accord
5 tout à fait d’accord
Je n’hésites pas à promouvoir ma communauté virtuelle
dans mon cercle social
1 Pas du tout d’accord 2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord
4 plutôt d’accord 5 tout à fait d’accord
Dans ma communauté virtuelle, je poste régulièrement
des commentaires en ligne concernant des produits et
services.
1 Pas du tout d’accord
2 plutôt en désaccord 3 ni en désaccord, ni d’accord
4 plutôt d’accord
5 tout à fait d’accord
Dans ma communauté de marque, j’aide régulièrement
les autres consommateurs en prenant part aux forums de
discussion et FAQ
1 Pas du tout d’accord 2 plutôt en désaccord
3 ni en désaccord, ni d’accord
4 plutôt d’accord 5 tout à fait d’accord
Ce questionnaire de 18 items a été soumis aux personnes répondant par l’affirmative à une
question d’introduction : Appartenez-vous à une communauté virtuelle de marque fermée ? (si
oui, pouvez-vous la nommer ?) (cf Questionnaire en annexe).
Construction du questionnaire destiné aux consommateurs non-
participants à une communauté de marque.
Dans le cadre de cette recherche, nous nous intéresserons plus particulièrement à la théorie de
l’autodétermination (Deci & Ryan, 1985, 1991) : Cette théorie s’est imposée ces dernières
années comme un cadre heuristique pour rendre compte des comportements des individus dans
différents contextes. Une motivation est dite autodéterminée quand l’individu s’implique
spontanément et par choix dans une activité.
Source d’énergie indispensable à tout individu dans le développement de son action, la
motivation est considérée comme le centre de la régulation biologique, cognitive et sociale de
l’individu.
Selon Deci & Ryan, 3 besoins psychologiques sont à la base de la motivation humaine : le
besoin d’autonomie, le besoin de compétence et le besoin d’appartenance sociale : C’est la
satisfaction de ces 3 besoins fondamentaux qui permet à l’individu d’accéder au bien-être
général.
48 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
Cette théorie de l’autodétermination est intéressante pour notre recherche sur deux points :
1. Elle permet d’intégrer les effets du contexte sur le développement de la personne.
2. Elle propose l’existence de différents types de motivations autodéterminées particulièrement
pertinentes dans notre étude : la compétence, la recherche d’affiliation sociale et le besoin
d’autonomie.
Ainsi, dans le contexte qui nous préoccupe, la communauté virtuelle de marque fermée, on peut
considérer que le consommateur ou futur consommateur fait preuve d’une motivation
autodéterminée : S’il s’engage parce qu’il reconnait à la communauté une expertise suffisante
pour lui fournir les informations nécessaires à sa prise de décision, s’il reconnait dans la
communauté une possibilité de valorisation sociale.
49
49 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
Figure 7
Le questionnaire soumis aux consommateurs
Motivations
Libellé des items
Motivations
personnelles
Motivations
extrinsèques récompense Je participerais à une communauté
virtuelle de marque pour obtenir des
avantages
Réputation/image J’irais avec plaisir sur ce type de
communauté pour diffuser mes créations Motivation
intrinsèques Estime de soi Je peux efficacement aider cette marque à
se développer en lui soumettant mes idées
Apprentissage J’irais avec Plaisir sur un CVM pour
obtenir des informations plus poussées
Plaisir d’aider les
autres
J’irais avec plaisir sur les forums et FAQ
afin de répondre aux interrogations des
autres consommateurs.
Motivations
sociales
communauté Participer à une communauté virtuelle de
marque me permettrai de nouer des liens
intéressants avec d’autres consommateurs
Promotion de soi J’irais avec plaisir sur ce type de
communauté pour communiquer mes
expériences
Identité sociale En participant à une CVM, j’ai le
sentiment d’une relation personnalisée
avec la marque
réciprocité Adhérer à une CVM me permettrait
d’avoir de bonnes relations avec elle
Sentiment
d’appartenance
Je serais fier(e) d’appartenir à la
communauté de ma marque préférée
II Méthodologie d’analyse
A. La phase qualitative
Une fois les données qualitatives retranscrites, et afin de pouvoir réaliser l’analyse thématique
efficace nous avons procédé à la mise en place d’une grille d’analyse de contenu manuelle qui
a deux objectifs :
- Comprendre les réponses de chaque interviewer ou de l’ensemble des répondants à un
thème donné.
- D’appréhender les attentes de l’ensemble de la population interrogée vis-à-vis des
communautés de marque fermées. La grille d’analyse proposée permet également de
détecter leurs freins.
Cette grille est composée de critères et d’indicateurs issus d’une première lecture des
données recueillies. Ainsi, même si certains indicateurs ont pu être déterminés à l’avance
50
50 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
car répondant à l’un de nos objectifs d’étude (c’est le cas notamment pour le thème
Dynamique de groupe.), l’approche choisie reste largement inductive et ouverte :
Les données reprises sont issues, d’une part des interviewers, d’autre part des études de cas que
nous avons pu suivre grâce à une analyse de deux communautés.
Figure 8
Procédure de codage ouvert
( JC.Andreani, F.Conchon, )
L’étude des différents cas (sous la forme d’une démarche netnographique ou simplement
d’analyse des contenus) ainsi que les interviews menées auprès des professionnels sur de mars
à mai 2015, nous a conduit à proposer la grille de résultats suivantes, établie sur la base de notre
cadre conceptuel : Cette grille reprend l’ensemble des items abordés au cours de chacun des
entretiens et serviront de support, au chapitre suivant, à notre analyse.
Lecture des données
pour le généraliser
Recherche d’ensemble
similaires, classement
et comparaison
Codage des principales
dimensions et codage
sélectif des idées
centrales et répétitives
51
51 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
Figure 9
Grille d’analyse
cult
ura
DoY
ou
Ve
spa
Mon
Look
ea
Sép
hora
Arm
ée
de
terr
e
Moll
at
Th
om
as
Cook
kré
ali
nk
s
Mil
lesi
ma
Pou
lt
Préoccu-
pations
marketings
des
managers
Accéder à la
connaissance
veille
commerciale
X X X X X X X X
X
Veille
marketing
X X X X X X X X X
Communicati
on
Capital
marque
X X X X X X X X
Produit/
Services
X X X X X X X X X X
Marketing
management
Recruter de
nouveaux
clients
X X X X X X X X
Mesurer la
satisfaction
X X X X X X X X
Fidéliser
X X X X X X X X
Engager,
susciter la
coopération
X X X X X X X X X
Préoccu-
pations
sociales
Co-
production,
co-création
X X X X X X X X
Interactions
entre
membres
X X X X X X X X X
Interactions
marque/mem
bres
X X X X X X X X X X
Identification
des membres
à instrumen-
taliser
X X X X X X X X X
52
52 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
B. La phase Quantitative
A. Le profil des répondants
La situation idéale dans le cadre de cette recherche aurait été de pouvoir soumettre le
questionnaire à une population « spéciale », composée de consommateurs membres de
communautés virtuelles de marque fermées (méthode de l’échantillon « boule de neige »15. Or,
au vu du temps réduit imparti pour cette recherche menée dans le cadre d’un mémoire et de la
difficulté d’identifier cette population particulière et petite (les communautés virtuelles de
marque fermées rassemblent quelques centaines voire milliers de participants aux origines
géographiques variées), nous avons choisi d’administrer ce questionnaire auprès de
consommateurs et de tenter de mesurer leur motivation à adhérer à la communauté de leur
marque préférée (cf. caractéristiques du questionnaire)
Le questionnaire a été administré auprès de 107 répondants. L’enquête quantitative a été menée
en deux temps : une première récolte de données s’est faite sur le terrain auprès de 30 étudiants
de l’université Toulouse Capitole et des étudiants de Toulouse Business School.
Afin de toucher un public plus large et répondre à l’objectif d’hétérogénéité des répondants,
nous avons soumis ce questionnaire en ligne via un lien Google Form à notre réseau de
connaissance. 77 personnes ont répondu à ce questionnaire.
L’échantillon total est composé de 54% de femmes, 46% d’hommes. Parmi cette population
interrogée online et offline, 57% sont étudiants, 20% sont des cadres, 16% sont entrepreneurs,
5,5% sont des employés.
L’âge moyen des répondants se situe entre 20 et 30 ans
Enfin, à la question « appartenez-vous à une communauté de marque en ligne », 14% ont
répondu Oui soit 14 personnes. Les communautés de marque nommées sont : Cultura, Nike,
Nestlé, Fibit, Fnac, Vilmorin, Yves Rocher.
La figure 10 résume les caractéristiques de la population répondante :
15 JL Giannelloni, E.Vernette, Etudes de marché, p285
53
53 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats
Figure 10
Analyse descriptive des répondants
Variables Descriptif de la variable Nombre de
répondants
Pourcentage
Sexe Homme 49 46%
Femme 58 54%
Catégorie
Socioprofessionnelle
Etudiant 57 53%
Entrepreneur 19 17%
Cadre 23 21,5%
Employé 6 5,6%
Autre 2 2,9%
Age Moins de 20 ans 26 24%
Entre 20 et 30 ans 55 51%
Entre 30 et 40 ans 15 13%
Plus de 40 ans 15 14%
Appartenance à une
communauté de marque
Appartenant à une
communauté de marque
(ouverte ou fermée)
14 13%
N’appartenant pas à une
communauté de marque
93 87%
La population interrogée présente une certaine hétérogénéité, tant en terme de sexe, de catégorie
socioprofessionnelle et d’âge.
En administrant majoritairement l’enquête en ligne, nous avons pu toucher une population utilisatrice
du Web des outils social médias : 14 personnes interrogées déclarent ainsi appartenir à une communauté
virtuelle de marque.
54
54 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
CHAPITRE III : ANALYSE DES
RESULTATS
Ce chapitre propose d’explorer les éléments d’opérationnalisation d’une communauté virtuelle
de marque : l’investigation par entretiens individuels ainsi que l’étude des communautés
présentées en amont nous permet de proposer trois approches d’une opérationnalisation de la
communauté de marque initiée par la marque : Une approche marketing dit ‘holiste’, enrichi de
nouvelles dimensions, un marketing relationnel et un marketing Social . Nous nous efforcerons
de comprendre comment, en plaçant le groupe au cœur de sa stratégie marketing, l’entreprise
peut parvenir à créer une dynamique suffisamment forte pour engendrer un processus
d’Intelligence Collective.
information
communicationcoopération
expérience sociale
Communauté
virtuelle de la
marque
55
55 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
I. Panorama des théories mobilisées pour l’analyse des résultats
Dès le début du XXIème siècle, le marketing a subit de profonds bouleversements. Sous
l’impulsion des technologies de communication issues du Web et de nouvelles préoccupations,
il s’est enrichi de plusieurs dimensions : le marketing traditionnel est désormais intégré dans
une approche plus complète et interdépendante. Au marketing de masse succède le marketing
dit holiste (Filser, 2002 ;JM.Lehu, 2005), amenant l’American Marketing Association (AMA)
à réécrire dès 2004, la définition du marketing :
« Le marketing est une fonction organisationnelle et un ensemble de processus pour la création,
la communication et la délivrance de valeur aux consommateurs et pour la gestion de la
relation client de telle manière qu’ils puissent bénéficier à l’organisation ainsi qu’à ses parties
prenantes ».
C’est en nous appuyant sur cette approche contemporaine du marketing qui intègre le
consommateur dans le processus de développement et s’enrichi de nouvelles dimensions
sociales que nous souhaitons aborder l’analyse de nos données.
A. Retour sur les théories mobilisées
- Le marketing holiste
Face aux évolutions évoquées en amont, mais aussi confronté à de nouveaux paradoxes (B.Pras,
1999)16, il est indispensable aujourd’hui d’intégrer l’optique marketing traditionnel dans une
approche complète et interdépendante.
Ainsi, le marketing holiste « consiste à élaborer et mettre en œuvre de programmes, des
processus et des actions marketing à large spectre et reliés entre eux. Le marketing holiste est
relationnel, intégré, diffusé en interne, orienté vers la performance et socialement
responsable »
Finalement, cette vision large et intégrée admet que ‘tout compte en matière de marketing’ et
souligne sa largeur d’application.
JM Lehu identifie 5 composantes majeures du marketing holiste qui se caractérise par une
orientation client totale, une politique d’innovation permanente, une communication interne et
externe repensée, une implication sociétale.
- Une stratégie marketing orientée vers la performance
16 Bernard Pras, « Les paradoxes du marketing », revue française de gestion, septembre-octobre 1999, p99-100
56
56 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Dès 2000, O.Brodin envisageait le potentiel marketing de ce type de plateforme, soulignant la
qualité des informations détenues par les membres : « les membres des communautés de
consommation évaluent en permanence les produits, les marques ou les entreprises qui sont
importants pour eux, la qualité, les prix, l’éthique ou l’histoire de l’entreprise ».
Pour reprendre les propos de Peter Drucker, « le but du marketing consiste à connaître et à
comprendre le client à un point tel que le produit ou le service lui convienne parfaitement et se
vende de lui-même. Dans l’idéal, le client souhaite acheter le produit parce qu’il a été conçu
pour répondre à ses attentes ».17
En marketing, l’utilisation de la communauté virtuelle business-to-consumer peut répondre à
plusieurs objectifs : Accéder à la Connaissance, prérequis incontournable pour développer la
marque, engendrer une communication positive et valoriser ainsi capital marque de l’entreprise
(bouche à oreille positif) pour accéder au triptyque vertueux : recruter/fidéliser/engager ses
consommateurs par une approche relationnelle.
17 Peter F.Drucker, La nouvelle pratique de la direction des entreprises, Paris : Editions d’Organisation, 1975
57
57 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Figure 11
Les 5 dimensions du
Marketing holiste
Marketin
g
Holiste
Marketing
relationnel
Marketing intégré
Marketing interne
Marketing social et
responsable
Marketing orienté
performance
Clients
Réseaux de
distribution Partenaires Communication
Produits et
services Réseaux de
distribution
Marketing Dirigeants
Autres
départements
CA Rentabilité Capital marque et
capital client
Éthique
Environnement
Aspect
réglementaire
s Communauté
58
58 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
- Le marketing relationnel
De nombreux chercheurs ont tenté de définir les caractéristiques du marketing relationnel. Si la
dimension culturelle retenue par (Sin et al., 2005) semble pertinente : « ….culture
organisationnelle qui met le client au centre de la pensée opérationnelle et stratégique. Les
relations sont à long terme mutuellement bénéfiques entre les vendeurs et les clients » ; nous
retenons plutôt la perspective multilatérale de Durif, Graf et Ricard (2009) : « le marketing
relationnel est une perspective stratégique multilatérale basée sur une connaissance
approfondie des partenaires et d’un nombre de certaines formes contractuelles, et dont le but
est de créer, développer, renforcer, et prévenir la rupture des relations, et qui aide à maximiser
les bénéfices à long terme des parties prenantes impliquées ». Le client n’est plus ici envisagé
comme le centre du modèle. La relation établie dans ce type de stratégie est de type gagnant-
gagnant : entreprise et consommateurs sont au même niveau, chacun apportant à l’autre sur le
long terme.
A.Boyer présente une liste les composantes du marketing relationnel sur lesquelles nous
pouvons nous appuyer dans l’analyse 18:
- La personnalisation de la relation (Wilson, 1995 ; Ricard et Perrien, 1999 ; Sin et al.,
2005)
- La communication (Palmatier et al. 2007)
- La coopération (Gronroos, 2004)
- Le traitement préférentiel (Ivens et Pardo, 2004)
- Les perspectives sur le long terme (Morgan et Hunt, 1994 ; Wilson, 1995, Durif, Graf
et Ricard, 2009)
- La mutualisation des bénéfices (Sin et al., 2005 ; Tseng, 2007)
- La confiance (Sin et al. ; Palmatier et al. 2007)
- L’engagement (Morgan et Hunt, 1994 ; Sin et al., 2005, Palmatier et al., 2007)
- La satisfaction (Sin et al., 2005)
- Le marketing social et communautaire
La figure 10 propose une première synthèse de l’utilisation marketing de la communauté
virtuelle initiée par la marque. Ces attentes vis-à-vis de la communauté ont pu être
clairement exposés par les managers de marque, ou simplement abordés dans le cadre
de l’entretien.
18 L’impact des communautés virtuelles sur le marketing relationnel, nov. 2010
59
59 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Nous pouvons tirer de ce schéma un cadre d’analyse sur lequel notre recherche
s’appuiera :
- La communauté virtuelle de marque doit, pour les managers, avant tout servir la marque
elle-même : les objectifs purement marketings ont pu être clairement identifiés,
positionnant l’outil dans une perspective de marketing management indéniable.
60
60 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Figure 12
Les théories mobilisées à la lumière des items générés
Entreprise
Participants
Outi
l de
mar
ket
ing s
oci
al o
u c
om
munau
tair
e
Outi
l de
mar
ket
ing h
oli
ste
Outi
l de
mar
ket
ing r
elat
ionnel
Mutualisation des
bénéfices
Attentes
marquées
Attentes détectées
Perspective sur le long terme
Fidélité
Personnalisation
de la relation
Coopératio
n
Communication
Engagement
Recommandation
Traitement
préférentiel
Satisfaction
Focus
group
Analyse du
comportement du
consommateur
Etudes de
marché
Sécurité des
données
eCRM
CLUB
Référencement
Web
Prolongement de
la relation
Confiance
Veille
Co-production
Co-création
Relation entre
consommateurs
Sentiment
d’appartenance
Tribu
Instrumentalisatio
n des membres
Orientation entreprise
Orientation participants
61
61 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
II. La communauté virtuelle business-to-consumer : un outil puissant de
marketing management
Rheingold (1993) opérait déjà une distinction entre les communautés « naturelles » et les
communautés « artificielles ». Ainsi, la notion de communauté virtuelle de marque a rapidement
été envisagée par les responsables de marque comme un concept à instrumenter et à exploiter.
De façon très explicite, Hagel et Armstrong (1997) développent l’idée que les communautés
virtuelles constituent un puissant outil commercial pour les entreprises, en cohérence avec les
approches les plus récentes du marketing : CRM, marketing one to one, hyper segmentation.
Quatre préoccupations majeures communes à toute stratégie marketing émergent ainsi de notre
approche exploratoire : La volonté de comprendre son environnement grâce à une veille
stratégique (A), d’utiliser la plateforme comme un outil privilégié d’études de marché (B) ( ces
deux objectifs correspondent à une volonté d’accéder à la Connaissance) , de développer sa
performance à travers la construction d’un capital marque puissant favorisant un bouche à
oreille positif (C), et de s’appuyer sur un marketing relationnel pour accéder au triptyque
vertueux : recrutement/engagement/fidélité (D).
Nous proposerons enfin une synthèse de cette première approche marketing de la plateforme
communautaire par les entreprises (E) et proposerons de répondre à notre première question de
recherche :
- QR1 : Que recherchent les marques en créant une plateforme communautaire privée ?
quels sont les objectifs affichés ? les objectifs cachés ?
Figure 12
Les attentes marketing visibles
et invisibles des managers de
marque vis-à-vis de leur communauté :
Outil de veille stratégique
Etudes de marché
Construction du capital marque
Elaboration d’une offre adaptée
Par
tie
vis
ible
P
arti
e i
nvis
ible
62
62 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
I.I. Comprendre son environnement et anticiper la demande : Utiliser la
communauté virtuelle de marque pour accéder à la connaissance.
Il s’agit de tenter de répondre à la première question de recherche, en envisageant le potentiel
marketing de la communauté virtuelle business-to-consumer :
QR1a : Comment faire de la communauté virtuelle initiée par la marque un outil efficace de
connaissance ?
Une question complémentaire mérite d’être posée :
QR1a bis : Peut-on envisager la communauté de marque privée comme une plateforme
permettant à l’information pertinente de circuler et de parvenir à moindre coût à l’entreprise ?
La mondialisation des marchés, l’évolution des nouvelles technologies qui donne aux
consommateurs le pouvoir d’accéder à l’information ou encore la pression concurrentielle
poussent les entreprises à développer un système de gestion de la connaissance efficace afin de
comprendre leur environnement sectoriel et anticiper les nouvelles tendances.
Il est intéressant de se pencher sur les caractéristiques de la Connaissance telles que présentées
par Prax :
« Une connaissance vient s’intégrer dans le système personnel de représentations de
l’individu ; pour cela, l’information reçue subit une série d’interprétations liées aux croyances
générales, au milieu socioprofessionnel, au point de vue, à l’intention, au projet de l’individu
récepteur. Pour qu’une information devienne connaissance, il faut également que le sujet puisse
construire une représentation qui fasse sens. Comme l’information, la connaissance est
relationnelle et contextualisée. ». L’auteur note également que « contrairement à l’information,
la connaissance n’est pas seulement mémoire, item figé dans un stock ; elle reste activable
selon une finalité, une intention, un projet. Il y a dans la connaissance une notion de process. »
Dès lors, l’auteur pose les interrogations suivantes dans le contexte d’une communauté pouvant
être reprises dans le cadre de notre recherche :
Est-elle une simple juxtaposition des connaissances individuelles ou son intersection ?
Existe-t-il une connaissance indépendante des acteurs qui l’ont créée ?
Qu’est-ce qui motive des acteurs à partager leurs savoirs ?
Quelles interactions entre les savoirs tacites et les savoirs explicites, au niveau de deux
individus, d’un groupe, d’une entreprise ?
Quels dispositifs (outils, méthodes) peuvent faciliter ces interactions ?
Cette approche nous éclaire sur plusieurs points :
La connaissance succède à l’information : pour envisager un processus de gestion de
connaissance efficace, l’entreprise doit avoir avant tout accès à l’information.
63
63 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Ainsi « le passage de l’information à la connaissance constitue un enjeu majeur pour les
organisations puisque pour rentrer dans l’économie de la connaissance, l’entreprise doit
réussir à valoriser l’information surabondante pour la transformer en connaissance qu’elle
puisse exploiter en avantage stratégique ». (S.Hautdidier)
Un enjeu identifié par les managers :
Librairie Mollat :
« on peut faire de la veille pour chercher des insides. On doit pas perdre de vue qu’on est tout
petit petit, du coup il faut sans cesse chercher à être innovant, différent….sur le web
finalement, c’est çà ma mission. »
La connaissance s’intègre dans un process : Il ne s’agit pas pour l’entreprise d’accéder
à l’information, mais de permettre son intégration dans un projet : ainsi, toute
l’organisation est concernée :
On travaille avec plusieurs départements qui vont être amenés à greffer des questions, des
problématique en s’inspirant de ce que racontent les consommateurs »
krealinks
La connaissance est mouvante, contextualisée : Il s’agit ici d’un point essentiel à
opposer aux adeptes des technologies du big data (technologie sur laquelle nous
reviendrons plus loin).
Ainsi, Millésima envisage les datas collectées grâce à cette approche comme « une source de
connaissance précieuse » :
« nous travaillons avec Dolist : ils exploitent notre base de données (environ 60 000 opt-in) et
nous permettent de cumuler nombre d’informations : l’historique d’achat (dates, produits,
paniers abandonnés, le canal d’achat privilégié, les liens cliqués, les pages visitées…On peut
aussi identifier les centres d’intérêts des clients et prospects. Leur technologie est très pointue
et on peut tout connaître des visiteurs. Dans notre démarche commerciale, il nous suffit ensuite
de personnaliser le message en fonction du profil étudié ».
Il est pertinent de noter qu’à travers cette approche, les marques raisonnent en termes de
« quantité d’information » et non de qualité indispensable dans un processus de construction
d’une stratégie sur le long terme et d’accès à la Connaissance.
Dès lors, la communauté virtuelle de marque permet-elle d’accéder à un type d’information
plus qualitative pouvant être intégrée à une démarche de gestion de connaissances ?
64
64 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
- La connaissance passe par une démarche de veille stratégique
Selon Vergnaud-Schaeffer (1992), la stratégie de veille de l’entreprise est déterminante dans
ses performances à venir.
Ainsi, même si certains auteurs affirment que « la vraie valeur d’un réseau est moins
l’information que la communauté »19, nous ne pouvons nier que les professionnels des marques
utilisent leur communauté virtuelle afin de saisir l’information détenue par ses membres. Des
2000, O.Brodin souligne cette approche : « les membres des communautés de consommation
évaluent en permanence les produits, les marques ou les entreprises qui sont importants pour
eux, la qualité des prix, l’éthique ou l’histoire de l’entreprise ».
Pour élaborer une stratégie marketing fiable et efficace, toute entreprise doit disposer d’un
système d’information marketing puissant lui permettant d’étudier soigneusement son
environnement (à la fois micro et macro).
Nous pouvons dès lors proposer des éléments de réponse à la première question de recherche :
A. La communauté business-to-consumer : outil de veille stratégique
La veille stratégique désigne « le processus informationnel par lequel l’entreprise se met à
l’écoute anticipative de son environnement extérieur dans le but créatif d’ouvrir des fenêtres
d’opportunité et de réduire son incertitude et ses risques » (Lesca, 1994). Certains auteurs la
désignent sous l’appellation « business Intelligence » (Gilad et al.1986) ou « Compétitive
Intelligence » (Jaworski et al. 1993)
La veille stratégique a pour finalité d’alerter les managers d’obstacles à venir, mais aussi de
saisir des opportunités à venir. Lesca évoque un processus d’apprentissage collectif incluant
largement le client ou prospect.
La puissance informationnelle de l’internaute a été détectée rapidement par les marques : deux
approches sont possibles grâce au Web : une approche purement commerciale (veille
commerciale) conduit l’entreprise à collecter un maximum d’informations sur ses clients, ses
prospects en étudiant particulièrement leur parcours d’achat. Notons que la puissance des
technologies d’Internet a conduit les entreprises à se tourner majoritairement vers de nouveaux
outils d’analyse : Le Big Data notamment.
Ainsi, en entreprise, l’approche Big Data qui a pu largement s’imposer comme outil de veille :
il s’agit d’étudier l’ensemble des traces numériques laissées par les individus sur les moteurs
de recherche, les sites, les réseaux sociaux…Ces traces permettent une meilleure
compréhension des intérêts de ces individus, de leurs pratiques de consommation, de leurs
opinions et se transforment en informations stratégiques.
Il nous apparait important d’évoquer cette technique d’analyse du comportement du
consommateur largement utilisée par les entreprises :
19 Negroponte N. (1995) Being Digital, Alfred A.Knopf
65
65 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Propos recueillis auprès du responsable marketing Millésima :
« la réussite d’une campagne publicitaire dépend de la quantité d’informations à disposition
des équipes marketing. Plus les données sont nombreuses, plus la communication peut être
ciblée pour atteindre les objectifs »
Sans remettre en question les opportunités issues du big data dans une démarche de veille
commerciale consistant à collecter des données précises (parcours, panier, ouverture des mails
promotionnels ou newsletters…), l’utilisation de la communauté de marque fermée dans un
contexte de veille stratégique présente une pertinence certaine aux yeux des managers les plus
sensibilisés au phénomène social pouvant aller au-delà d’une approche purement commerciale.
Dès lors, la communauté virtuelle de marque fermée devient un outil de veille marketing
efficace pour de nombreuses marques :
- La communauté virtuelle business-to-consumer : un outil de veille marketing avant
tout
La veille marketing complète efficacement la veille commerciale décrite en amont et va plus
loin : elle permet entre autre de surveiller l’évolution du marché sur lequel se positionne
l’entreprise, d’identifier les retombées du lancement de nouveaux produits, d’une
publicité…Mais la veille marketing permet surtout d’identifier de nouveaux marchés, de
proposer de nouveaux produits ou services, voire d’en accompagner le lancement : Dans ce
contexte, l’utilisation d’une communauté virtuelle de marque fermée prend tout son sens.
Cette approche est soulignée très tôt par les entreprises interrogées :
Données issues des entretiens :
« Nous avons été étonné de découvrir que les candidats s’interrogeaient sur la question du
tatouage. Certains pensaient qu’ils étaient interdits dans l’armée de terre et du coup,
préféraient ne pas postuler. Ils en parlaient entre eux, et c’est bizarre mais la question n’avait
jamais été posée dans les CIRFA. Cela a été une grande surprise pour nous et nous avons
immédiatement pris en compte ce problème. »
Armée de terre
Il ne s’agit plus ici d’étudier des données commerciales, mais bien de détecter les tendances à
venir :
« notre clientèle est internationale, de nombreuses variables déterminent les attentes de nos
clients, et nous n’arrivons pas encore à les connaître à l’avance »
Thomas Cook
Cette réflexion met en avant une préoccupation majeures des managers de marque, et c’est en
mobilisant la littérature des sciences de l’information que nous tentons d’y répondre en portant
une attention particulière sur l’importance pour l’entreprise de se donner les moyens de capter,
66
66 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
à travers des « signaux faibles », signes d’alerte précoces, les informations stratégiques utiles à
la prise de décision.
- La prise en compte du signal faible dans une démarche de veille stratégique
Le concept de signal faible a été formulé par Ansoff en 1975 qui propose la définition suivante :
« un fait à propos duquel seules les informations partielles sont disponibles alors qu’une
réaction doit être entamée, si l’on veut qu’elle soit parachevée avant l’impact sur la firme de
l’avènement nouveau ».20
L’auteur montre que si un évènement peut constituer une surprise en soi, les éléments
d’information qui auraient permis de l’anticiper existent cependant : « Les signaux faibles sont
donc des éléments susceptibles de venir perturber un futur que les décideurs ont trop souvent
tendance à envisager comme une simple extrapolation du présent »
L’importance stratégique de ces signaux se dégage clairement : Ansof explique d’ailleurs que :
« De tels évènements sont des surprises stratégiques : des changements soudains, urgents,
imprévus dans les perspectives de l’entreprise et qui la menacent soit d’un renversement
important de ses gains, soit de la perte d’une opportunité majeure. »
Comment ne pas garder à l’esprit la chute de Kodak qui n’a pas anticipé la vague du numérique
dans le domaine de la photographie ?
Plus récemment, Lesca (2004) indique qu’il s’agit d’une sensation proche de l’intuition et
que’elle est déclenchée « par une donnée qui aura été perçue et examinée avec
attention…ensuite la manager ainsi interpellé devrait avoir le désir d’en savoir plus et d’obtenir
des informations supplémentaires pour affiner sa sensation ».
Dès lors, la mise en place d’une structure capable de capter ces signaux devient une obligation
stratégique de l’entreprise. Une démarche clairement entreprise par certains de nos
interlocuteurs :
« on est en interaction avec la marque, selon les tendance qui émergent on leur demande « tiens
c’est marrant on a cette tendance qui émerge, qu’est-ce que vous voulez en faire, est-ce vous
voulez qu’on creuse, est-ce que voulez injecter des produits que vous avez en
préparation…donc on est dans un pilotage finalement de la communauté et de l’interaction
avec le marketing de la marque.
Kréalinks
Une question se pose pourtant : quel type de « signal » doit-on chercher à capter ?
S.Blanco (2000) introduit une distinction entre signal faible et signe d’alerte précoce : il s’agit
de comprendre le terme ‘signal’, non pas comme la diffusion volontaire d’une information par
20 Ansof et MacDonnell, « Implanting Stratégic Management », Prentice Hall International, NY, 1990
67
67 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
son émetteur dans l’objectif d’être capté par un récepteur ciblé, mais comme une information
non-volontaire et non consciente : le participant à une communauté virtuelle diffuse des
« babillards » que la marque en veille interprétera en fonction de « son système personnel de
représentations …. l’information reçue subit une série d’interprétations liées aux croyances
générales, au milieu socioprofessionnel, au point de vue, à l’intention, au projet de l’individu »
pour reprendre les propos de Prax. S.Blanco parle alors de « signe d’alerte précoce »
S.Blanco propose 5 caractéristiques des signes d’alerte précoce
Nature Commentaire
Qualitatif Il ne consiste pas en des nombres et des faits puisqu’ils concernent des
faits non encore survenus, non factuels. Il s’agit de « brides », de
« rumeurs », « de commentaires », « d’indications fragmentaires »
Ambigu Il peut être sujet à de multiples ou bien à aucune interprétation
Sans pertinence
intrinsèque
Il n’est pas en relation avec les décisions ou les préoccupations en cours
Fragmentaire Il ne constitue qu’un « morceau » d’un évènement futur possible. Par
conséquent, son exploitation requiert des informations
complémentaires
De formes et de
sources diverses
Ils peuvent provenir d’émetteurs, de canaux et de supports variés tel
qu’un bout de conversation, des documents électroniques, des coupures
de presse…
En regroupant les consommateurs d’une marque sur une plateforme virtuelle, la marque,
l’entreprise leur donne le rôle d’agent facilitateur dans un processus de veille stratégique.
Notons que la propriété de la plateforme et donc des données publiées dans un contexte de veille
donne un avantage stratégique certain à la marque :
Propos d’un manager de marque :
« tout ce qui est publié sur notre plateforme nous appartient. »
Il apparait également que le département marketing n’est pas le seul concerné par cette veille,
c’est l’organisation dans son ensemble qui est touchée :
Dès lors, comment l’entreprise dit-elle se positionner pour faire émerger ces tendances ?
Selon Kréalinks, spécialisé dans l’étude des communautés, il est essentiel de prendre une
position de recul et de laisser les membres initier eux-mêmes les conversations :
« C’est une plateforme complétement libre, c’est leur espace à eux. Les thèmes, ce sont eux
qui les créent, pas nous. »
68
68 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Figure 13
Les discussions sont initiées par les participants…et abordent tout type de sujet.
Exemple de la communauté Loomea
Les conditions d’une veille efficace sur la communauté de marque émergent ainsi :
- D’une part la marque doit parvenir à regrouper un maximum de participants autour de
cette plateforme d’échange et leur fournir des outils d’interactivité efficace : possibilité
d’échanger, de relayer du contenu, de commenter de créer un thème autour duquel
émergera la discussion. P.Halté21 pointe notamment la puissance de certaines marques
modales présentes dans le corpus des conversations en ligne : La possibilité d’utiliser les
interjections et les émoticônes permet de renforcer un sentiment par exemple.
- La marque se doit également d’intervenir le moins possible sur les espaces de discussion
dédiés à ces échanges, sans même initier de thème ou de sujet de discussion afin de
laisser émerger des tendances qui pourront ainsi être exploitées :
Propos d’entreprise :
« Ce n’est pas juste ouvrir un espace et mettre des gens dedans, c’est aussi animer cet espace,
être en interaction avec la marque pour lui dire : ‘tiens c’est marrant on a cette tendance qui
émerge, on est finalement dans un pilotage de la communauté »
« nous on a un objectif d’aller capter des choses de ce que le consommateur raconte, on ne
drive pas du tout certains forums en libre accès. On fait juste un peu d’animation pour que les
gens se sentent bien mais il n’y a pas à les orienter. c’est leur espace, ils ont envie d’échanger
entre eux. C’est la partie visible de l’iceberg’.
21 Pierre Halté, « les marque modales dans les chats, étude sémiotique et pragmatique des émotîcones et des
interjections dans un corpus de conversations synchrones en ligne », Thèse, 2013
69
69 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Nous avons ainsi dégagé les enjeux d’une veille stratégique et le potentiel que représente la
communauté de marque fermée dans cet exercice, à condition que la marque fournisse les bons
canaux d’échanges et intervienne le moins possible. Or, dans sa stratégie marketing, en
rassemblant au sein de sa communauté virtuelle des consommateurs concernés par les produits
proposés peut aller plus loin que la veille et procéder à un nouveau type d’études de marché.
B. Analyse et études de marché : un pas dans le nouveau monde des études
qualitatives
Si certains managers adoptent une démarche de veille, les plus aguerris aux techniques du web
social vont plus loin et utilisent leur communauté de marque dans le cadre de leurs études de
marché. Ainsi, depuis environ cinq ans, les communautés virtuelles de marques sont à l’origine
de nouvelles approches qui ont révolutionné le monde des études études marketing et la pratique
des sondages. Si les réseaux sociaux ont pu initier ce type d’approche, permettant dans un
premier temps d’enrichir les connaissances sur les produits, les clients, les concurrents…très
vite, la question de la sécurité des données d’une part, et de la propriété de ces mêmes données
d’autre part s’est posée. Dès lors, la communauté virtuelle de marque fermée s’est imposée
comme cadre d’étude privilégié.
Les différentes interviews menées auprès de professionnels nous permettent d’apporter des
éléments de réponse à une seconde question de recherche :
QR1b : Comment opérationnaliser efficacement la communauté virtuelle de marque dans une
démarche d’étude ?
Propos d’un manager de marque :
« D’autres communautés ont un objectif marketing marqué…par exemple, s’il faut chercher
des nouveaux insides pour Nutella, on va pas chercher à créer de nouveaux pots ! »
- De la communauté quali à une approche netnographique de la communauté de
marque
Avec Internet, les communautés en ligne à but d’étude appelées « Market Research Online
Communities » (MROC) se sont rapidement imposées : la littérature anglo-saxonne souligne
largement les avantages de cette approche. Il s’agit d’inviter des internautes à participer pendant
quelques jours ou quelques semaines à une discussion en ligne sur un thème donné. L’avantage
pour le répondant est de pouvoir participer au moment où il le souhaite et de n’importe quel
lieu simplifiant largement la logistique pour l’entreprise et permettant une réduction des coûts
importante.
70
70 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Aux EU, les communautés Quali font désormais partie des méthodes courantes de la plupart
des instituts d’étude même si de nombreux débats ont confronté les participants et les opposants
des études qualitatives en ligne. La question s’est d’ailleurs posée dans le cadre de cette
recherche.
Les professionnels les plus engagés dans leur communauté ont rapidement compris tout le
potentiel qu’ils pouvaient retirer de la collaboration des membres dans une démarche d’étude :
Propos d’entreprise :
« les concours créatifs en ligne sont finalement marginaux pour nous, ils servent à animer. Ce
qui est le plus pertinent, c’est lorsque l’on regroupe certains consommateurs pour un projet
bien défini : dans ce cas, on les contacte directement et on lance une mini communauté. On
l’utilise comme un focus groupe…. »
« Les avantages de ce type d’action sont nombreux : quand des entretiens sont limités en temps
dans le cadre d’une enquête qualitative traditionnelle, nous pouvons aller beaucoup plus loin
grâce à ce type de structure. Souvent l’expérience dure 4 à 8 semaines. Cela permet de vraiment
creuser et c’est là que la communauté fermée a une vraie plus-value ! »
Kréalinks
Propos d’entreprise :
« Si tu savais comme certains échanges sont super pertinents ! des fois je me dis, punaise, le
potentiel qu’il y a dans tous ces gens ! je suis moi-même impressionné de tout ce qu’ils savent.
Quand je dois voir la banque, je lui présente cette valeur de ma communauté, en faisant des
imprim écran des échanges.
A l’opposé de la démarche de veille détaillée en amont, l’utilisation de la plateforme dans le
cadre d’étude de marché est extrêmement cadrée car répondant à des obligations de temps et de
résultat :
Propos d’entreprise :
« quand on lance une étude sur une communauté privée, on va inciter les membres à s’exprimer
environ 30 minutes par jour. Si l’étude dure 7 jours, les gens vont s’exprimer 210 minutes, 3h30
chacun en continue…c’est impossible dans un focus groupe traditionnel. »
« c’est le même principe que le focus groupe. On peut envisager de faire un focus groupe pour
tester une publicité par exemple, et bien là on va créer un forum privé pour tester la publicité.
«
71
71 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
« on n’est pas sur un one shot, c'est-à-dire on va passer une heure chez vous pour vous
interroger. Là on instaure une relation longue durée, potentiellement plusieurs mois. Si on veut
être plus en osmose avec les consommateurs, on va plutôt avoir tendance à créer des
communautés sur plusieurs mois pour pouvoir bien comprendre qui sont ses gens…c’est quoi
leurs attentes, c’est quoi leurs idées…
L’entreprise est parfois amenée à créer une mini-communauté, limitée dans le temps,
regroupant, à l’image d’un focus groupe traditionnel, une cible de consommateurs particulière,
parfois recrutée off line.
Propos d’entreprise :
« récemment, on a voulu étudier le marché des poussettes. On a donc réunis les femmes
enceintes, environ une cinquantaine…et on les a laissé parler entre elles. C’était vraiment
enrichissant, elles avaient plein de choses à se dire, des photos à publier, leur quotidien, leurs
préoccupations de toute sorte, mais aussi d’achat. C’est fou comme elles avaient envie de
discuter entre elles et toute l’intimité qu’elles ont pu dévoiler ! On ne leur a jamais dit qu’il
exemple sur la problématique de l’achat du matériel de naissance… »
On peut donc envisager le potentiel de ce type d’étude au sein desquelles les consommateurs
font tomber toute barrière sociale derrière l’écran !
Propos d’entreprise :
« Sur Facebook, on va pas dire qu’on mange des yaourts bas de gamme, on a une image à
valoriser…c’est pareil dans un focus groupe off line…mais ce n’est pas du tout le cas dans une
communauté privée…au contraire on va aller au bout de la démarche et les gens se confient
beaucoup plus, ils ne vont pas avoir peur de ce qu’ils consomment, il y a beaucoup de liberté
par rapport à çà ! »
Propos d’entreprise :
Il y a des gens qui vont être plus à l’aise pour discuter sur un forum que dans un focus groupe
au sein duquel on a un statut social à préserver. On est dans un monde où tout le monde a sa
part de voix ».
A propos des études menées sur les réseaux sociaux traditionnels, les managers pointent
rapidement leurs limites, particulièrement en termes de sécurité des données :
72
72 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Propos d’entreprise :
« ce que la marque va récupérer via un concours créatif sur les réseaux sociaux, ce n’est pas
exploitable. Ici on est vraiment dans le cadre d’une étude. En plus, c’est confidentiel, c'est-à-
dire qu’une marque qui veut tester un produit sur Facebook, elle n’a pas intérêt à avoir peur
que ça fuite de tous les côtés. »
Pour conclure au sujet de la pertinence de l’utilisation de la communauté privée dans le cadre
d’études de marché, reprenons les propos d’un manager :
« Ça devient une méthodologie à part entière, on oublie même les dimensions table ronde
traditionnelles, on est passé à la dimension communauté, on est passé dans un nouveau
monde ».
I.II. Le lien social pour valoriser son capital marque
Selon Changeur, (1999), « une marque à fort capital correspond à une marque qui apporte de
la performance supplémentaire au produit et au service marqué aux yeux des consommateurs. »
Pour L.Keller, cette valeur ajoutée est le résultat de tous les investissements marketing engagés
sur la marque. Ainsi, le capital marque se construit en relation avec le consommateur, sur le
long terme, en utilisant tous les outils permettant à la marque d’interagir en communiquant ses
valeurs et en diffusant son ADN. On devine aisément le potentiel de la communauté virtuelle à
cet égard.
Afin d’évaluer la puissance du capital marque d’une entreprise, ce G.Michel et JF Vergne
(2004) s’appuient sur les dimensions suivantes :
- La notoriété
- La force de l’image de marque
- La force des signes de reconnaissance
- La fidélité des consommateurs
La première idée qui émerge nettement de l’étude exploratoire est que la marque utilise les
outils du Web pour développer sa notoriété.
Propos d’entreprise :
« Les clients ont une image beaucoup plus nourrie de la marque parce qu’ils se sentent
valorisés…grâce à des avants premières par exemple. »
73
73 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
La plateforme communautaire permet d’une part de renforcer sa notoriété auprès de ses
consommateurs ou futurs consommateurs, mais aussi de la co-construire : Impliquer le
consommateur dans la valorisation de sa marque, c’est l’associer à son histoire. Ce n’est plus
une communication verticale mais bien une relation horizontale qui inclus une reconnaissance
de la participation de ses consommateurs au renforcement de l’image de marque.
Ainsi, en donnant la possibilité à ses participants de créer et de partager des contenus
personalisés les mettant en scène avec une Vespa, la marque renforce la force de sa notoriété
en collaboration avec les membres de sa communautés qui diffusent leur création dans leur
cercle social comme le démontre une étude de la plateforme communautaire Vespa : Chacun
des participants dispose sur la plateforme, d’outils de création extrêmement qualitatifs lui
permettant de personnaliser le contenu qu’il créé en utilisant les codes de la marque.
La création d’une carte postale sur la communauté DoYouVespa : Comment la marque
utilise le lien social pour renforcer son capital marque.
74
74 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
B. La fidélité renforcée par l’engagement dans une plateforme communautaire
fermée.
Un examen de la littérature permet d’aborder le concept de fidélité du consommateur à travers
une approche purement comportementale (réachat des produits de la marque, Johnson,Hermann
et Huber, 2006) et une approche plus relationnelle qui s’intéresse à la relation que construit le
consommateur avec la marque. Particulièrement adaptée aux problématique du marketing
social, cette approche introduit l’idée que la fidélité ne peut exister sans engagement (Morgan
et Hunt, 1994 ; Pritchard, Havitz et Howard, 1999, Garbarino et Jonhson, 1999)
Les premières recherches empiriques portant sur les communautés virtuelles de marque ont
rapidement démontré une relation positive entre l’engagement du consommateur dans une
communauté virtuelle et sa fidélité à la marque (Mac Alexander, Kim et Roberts, 2003 ; Shang,
Chen et Liao, 2006 ; Li et Hung, 2006). Nous n’avons pas pour ambition, dans le cadre de ce
mémoire, de proposer un apport nouveaux aux différentes études exploratoires,
netnographiques et quantitatives menées depuis plus d’une décennie. C’est un fait, dans le cadre
de notre investigation, la fidélité est clairement identifiée parmi les attentes managériales
étudiées.
Propos d’entreprise :
« oui donc finalement, la communauté c’est comme un club de nos supers clients, une sorte de
Rotary Club, c’est plutôt bon pour la marque non ? »
En laissant les internautes exprimer leur satisfaction ou leur mécontentement à travers un forum
par exemple, la marque se donne les moyens rebondir de renforcer sa fidélité (ou de se donner
une deuxième chance parfois).
Le lien communautaire et social pour renforcer la fidélité
Exemple de la communauté Monlookea
75
75 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Quand le client fidèle utilise la communauté de marque pour exprimer son
mécontentement : une chance donnée à la marque de réagir :
K .Raies et ML. Gavard-Perret ont pu démontrer que la fidélité dépendait d’un engagement
bidirectionnel : celui du consommateur envers la marque et de sa participation dans la
communauté virtuelle de la marque.
III. Le marketing relationnel, une condition du succès communautaire
Si la première partie de notre analyse a permis d’identifier une volonté d’instrumentaliser la
communauté dans un but purement marketing, la peur de l’échec communautaire apparait
cependant rapidement : L’enjeu n’est pas simplement financier ; cet échec peut avoir l’effet
inverse de l’objectif annoncé en entrainant une mauvaise publicité voire une détérioration de
l’image de marque.
Se pose alors notre seconde question de recherche :
QR2 : Comment créer un outil marketing rentable pour l’entreprise ?
Selon Cova et Cova (2001) les membres d’une communauté virtuelle ne se considèrent pas de
prime abord comme des consommateurs, des clients. Selon les auteurs, ils utilisent ce support
en dehors des normes établies par l’entreprise : Les communautés virtuelles regroupent des
passionnés, des « collectionneurs d’idées », des habitués voire des experts.
O.Brodin souligne l’importance pour la marque d’éviter tout discours commercial qui pourrait
conduire inéluctablement à l’échec de la plateforme.
76
76 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
C’est en nous appuyant sur les composantes du marketing relationnel que nous proposons
d’aborder notre analyse : Il s’agit de déterminer comment la marque peut assurer le succès de
sa plateforme en suscitant un engagement des participants dans sa communauté virtuelle,
prérequis indispensable dans une démarche de participation commune au développement de la
marque.
Nous proposons de nous placer ici du côté du client : Une étude quantitative menée auprès de
consommateurs a pour objectif de comprendre les motivations qui le poussent à collaborer avec
la marque à travers sa plateforme communautaire.
A. Une relation marque/consommateur enrichie d’une dimension sociale
Dès 1970, Baudrillard évoque le rôle de la marque qui, par son univers, ses symboles, ses
valeurs contribue à la construction individuelle et contribue ainsi à esquisser la structure
postmoderne de la consommation. Pour Lopez22 « aujourd’hui dans une société de signes, en
perpétuelle décomposition et recomposition autour de pratiques de consommation, et où chacun
cherche des repère identitaires, les marques deviennent bien plus que de simples outils
marketing. »
A ceux qui proposent d’envisager le marketing relationnel comme un changement de paradigme
du marketing traditionnel (Gronroos, 1994) , Bonnemaizon, Cova et Louyot (2007) préfèrent
évoquer une évolution de la relation, qui va s’étendre d’une relation simple avec un client vers
« une collection de relations avec le réseau de joueurs liés à l’entreprise ».
Ainsi, selon Durif, Graf et Ricard (2009) : « Le marketing relationnel est une perspective
stratégique multilatérale basée sur une connaissance approfondie des partenaires et d’un
nombre de certaines normes contractuelles, et dont le but est de créer, développer, renforcer et
prévenir la rupture des relations, et qui aide à maximiser les bénéfices à long terme des parties
prenantes impliquées. »
C’est sur cette définition que nous proposons de nous appuyer dans notre analyse : Il s’agit de
comprendre comment l’entreprise utilise les outils du web social (ou les instrumentalise) pour
prolonger la relation et engager les participants de la communauté dans une relation de
coopération, de collaboration sur le long terme.
Selon Ivens et Mayrhofer (2003), la réussite d’un marketing relationnel suppose l’application
systématique et coordonnée d’un certain nombre de principes. Les auteurs dégagent huit
facteurs clés de succès sur lesquels nous appuierons notre analyse (cf. figure 14).
22 Thèse de Doctorat, décembre 2012
77
77 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Figure 14
Les facteurs clés du succès du marketing relationnel
L’orientation à long terme
A travers sa communauté Business-to-consumer, l’entreprise exprime son désir d’établir une
relation approfondie et durable avec ses clients. L’orientation sur le long terme favorise la
confiance et la fidélité du client. En proposant à ses clients de créer un espace ‘personnalisé’
sur une plateforme de la marque, l’entreprise se donne les chances d’initier un échange sur la
durée :
Ainsi la communauté Cultura laisse à chacun de ses membres la possibilité de développer son
profil, de l’enrichir de contenus, de s’abonner à d’autres comptes…Chaque participant possède
ainsi un espace personnel qu’il personnalise en choisissant de publier sa photo ou de choisir un
avatar, sur lequel il poste des photos, des vidéos ou ses avis. Selon les contenus publiés, le
membre accède à différents statuts (expert, passionné, curieux…).
78
78 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Figure 15
Illustration des profils sur la communauté Cultura
Certains managers vont plus loin et ambitionnent leur communauté comme un club de
consommateur, à l’image de la plateforme Beneteau inaccessible à toute autre personne que les
clients de la marque.
Propos d’entreprise :
« j’imagine ma communauté comme une sorte de Rotary Club, un truc haut de gamme qui
réunit les clients les plus fans de nos offres. J’utilise cet espace privilégié pour proposer des
évènements, des invitations ou des avant-premières…»
Le principe de réciprocité
La relation marque/participant au sein d’une communauté business-to-business est avant tout
basée sur une relation donnant-donnant ou encore gagnant-gagnant : Si la relation s’intègre dans
une structure sociale, elle a pour objectif d’être équilibrée. L’application de ce principe se
traduit par la mise en place de jeux-concours, de petits cadeaux à destination des membres qui
participent le plus.
Propos d’entreprise :
« les petits cadeaux, çà fait partie du jeu. Attention ce n’est pas un principe de rémunération !,
c’est plus le sentiment d’avoir la sensation de compter, et qu’en participant, c’est normal
79
79 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
d’avoir une compensation, il faut pas non plus donner des sommes folles, mais un geste c’est
certain.. »
Il s’agit donc pour l’entreprise de savoir doser les avantages qu’elle octroie à ses participants,
sous peine de générer une participation ‘opportuniste’ ne recherchant pas l’intérêt de la
marque :
Propos d’entreprise :
« On sait que les membres ne sont pas poussé exclusivement par le gain…on n’a pas
d’opportuniste et on ne souhaite pas encourager ce genre de pratique…mais bon, c’est toujours
bien de récompenser ceux qui investissent dans les concours créatifs par exemple, ils passent
du temps, et c’est un petit plus pas négligeable ! »
Les programme d’animation de la communauté font partie de cette relation : Partant du constat
que de nombreux membres recherchent, à travers leur participation à une communauté virtuelle
business-to-consumer, à combler un besoin de reconnaissance et de valorisation sociale, les
entreprises fournissent à leurs membres des possibilités de mettre en avant leurs contributions
par un système de ‘miles’ ou de ‘points’ ou encore de ‘trophées’ dont l’objectif est avant tout
de pousser l’activité communautaire et d’animer ainsi la plateforme :
Figure 16 :
Illustration d’un programme d’animation : la communauté Cultura
Ainsi les jeux concours sont envisagés comme partie intégrante de cette volonté de valoriser
le participant, sans valeur marketing réelle :
80
80 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Propos d’entreprise :
« Les jeux concours permettent de générer du trafic sur notre site, ils servent à animer mais
nous n’en retirons pas d’analyse particulière ».
A cet égard, notre démarche d’investigation nous pousse à considérer la co-création avant tout
comme un élément de cette relation :
Propos d’entreprise :
« Je sais que c’est en vogue, mais bon, l’objectif d’une plateforme communautaire n’est pas de
co-créer…je ne pense pas qu’il y ai déjà eu des produits co-créés avec des consommateurs sur
le marché d’ailleurs…tout au plus, on peut envisager de valider un produit, une publicité à
venir : finalement cela revient à faire un pré-test non ? »
« C’est pas crédible de lancer un jeux concours pour imaginer un produit, on a des process
d’innovation bien établis pour cela et ce n’est pas un jeux-concours qui influencera ce
process. »
Une démarche de co-création reste cependant envisageable au sein de groupes très fermés dont
les membres ont été choisis par la marque sur la base de leur participation ou de leur profil :
« On recherche avant tout un échange. On peut les valoriser autrement en les faisant se sentir
important, via des invitations à des groupes fermés par exemple, c’est ainsi que l’on peut créer
un groupe pertinent pour nos études, on leur envoie des invitations privées…».
- Le facteur de fiabilité
Dans une démarche marketing traditionnelle, l’entreprise recherche avant tout à comprendre les
besoins et attentes de sa clientèle : En initiant une communauté virtuelle de marque, l’entreprise
montre avant tout à ses consommateurs et futurs consommateurs qu’elle attache de l’importance
à la compréhension de ses besoins auxquels elle s’efforcera de répondre :
Propos d’entreprise :
« On ne sait pas ce que sera la demande étrangère, elle varie énormément selon les pays.
L’approvisionnement est parfois un vrai casse-tête car on a des vins rares et il faut anticiper
les demandes : une année on peut approvisionner des côtes du Rhône alors que la demande
porte majoritairement sur des Bordeaux… cela pose un vrai problème de crédibilité fasse à des
investisseurs. »
81
81 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
- L’échange d’informations
Un échange régulier d’information est rendu possible grâce aux forums de discussion
notamment. Toutes les plateformes étudiées n’en disposent pas : ainsi DoYouVespa ne permet
pas à ses membres d’échanger, mais juste de consulter les créations des autres membres, dans
le même esprit, générationSéphora permet aux jeunes filles de lancer un sujet de discussion
mais seule la marque y répond. Les autres membres ont le choix ‘d’aimer’ un commentaire,
mais pas d’y apporter leur propre contribution.
A cet égard, la plateforme Monlookéa se présente comme un modèle et explique peut-être ainsi
le succès de la communauté regroupant plus de 77 000 adhérents qui échangent entre eux et
avec la marque.
En facilitant l’échange d’informations, la marque s’assure un suivi de la satisfaction de ses
clients, une possibilité de générer un processus de recommandation des consommateurs vers
les futurs consommateurs , d’initier un sentiment de solidarité dans le groupe et de faire évoluer
ses offres ou ses produits en les adaptant aux demandes récurrentes des clients.
Figure 17
Extrait du forum Monlookea : retour d’expérience
et personnalisation de l’échange
82
82 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
- Un usage modéré du pouvoir
La question de la modération d’une plateforme communautaire est sensible : Comment
maintenir la confiance des membres envers la communauté tout en contrôlant le contenu
diffusé ? Toute stratégie relationnelle se fonde sur la qualité et la spontanéité des échanges. Dès
lors, de nombreux chercheurs démontrent que, si la marque a pour mission d’animer son
programme communautaire, il est dangereux d’exercer un quelconque pouvoir sur ce type de
plateforme
83
83 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
II. les motivations des membres à collaborer avec la marque dans une
communauté de marque virtuelle fermée
Si la première phase d’investigation qualitative a pu démontrer les attentes marketings
marquées des professionnels qui initient ou souhaitent initier une communauté virtuelle
business-to-consumer (Les objectifs affirmés étant de parvenir à la connaissance, à la
valorisation de leur capital marque et à la fidélisation de leurs consommateurs), il s’agit
maintenant de comprendre comment rendre cette plateforme efficace en portant notre attention
sur un pré-requis incontournable : l’adhésion d’une masse critique de participants de qualité,
c'est-à-dire dont les motivations sont en adéquation avec les objectifs marketings de la marque
(L.Arnone, 2009).
Cette préoccupation nous conduit à notre seconde question de recherche :
QR2 : Comment réunir une masse critique de membres impliqués pour parvenir au succès de
la communauté Business-to-Consumer ?
Nous proposons d’apporter des éléments de réponse à travers l’analyse de trois questions de
recherches complémentaires :
QR2a : Quel est le profil d’un consommateur participant à une communauté virtuelle de
marque ?
QR2b : Quelles motivations profondes les poussent à collaborer avec la marque à travers sa
plateforme communautaire ?
QR2c : Quels sont les outils à mettre en place pour répondre efficacement à leurs attentes ?
Ayant opté pour une méthode mixte, cette phase de recherche quantitative a pour objectif de
compléter la première phase de recherche et d’apporter des éléments supplémentaires de
compréhension du mécanisme des plateformes communautaires fermées. Nous espérons ainsi
apporter des réponses aux managers tentés par l’expérience, et compléter une littérature récente
sur le sujet.
II.I. Les motivations des participants à une communauté virtuelle business-to-
consumer : revue de littérature.
Dès 1997, les chercheurs se sont penchés sur cette problématique : quelles raisons poussent les
membres à adhérer à une plateforme communautaire de marque ? Hagel et Armstrong (1997)
distinguent quatre formes de motivations : l’intérêt du consommateur pour la marque,, son
besoin de partager de l’information, une volonté d’entretenir des relations sociales mais
également un besoin d’évasion. De leurs côtés, Dholakia, Bagozzi et Pearo (2004) évoquent un
besoin de divertissement, de découverte de soi et d’amélioration sociale. Le besoin de réconfort
quant au choix et à la qualité des marques consommées seraient selon Ouwersloot et
84
84 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Oderkerken-Schröder (2008) pousserai le consommateur à se tourner vers une plateforme
communautaire pour échanger.
Ces premières recherches démontrent ainsi une variété de motivations plus ou moins affirmées
selon le profil socio psychologique (motivations intrinsèques/vs exrinsèques) des membres
d’une part et l’importance qu’ils attachent à quatre types de relations d’autres part : la relation
client/marque, la relation client/produit, la relation client/client, et enfin la relation
client/entreprise. (Ouwersloot et Odekerken-Schröder (2008)
Sun Yongqiang, Yulin Fang et Kai H.Lim (2012) proposent une approche extrêmement
innovante dans ce domaine de recherche sur laquelle il nous parait particulièrement intéressant
de revenir : les auteurs se basent sur une revue de littérature pour proposer une classification
des motivations à adhérer à une communauté virtuelle de marque selon deux catégories : les
motivations personnelles (intrinsèques et extrinsèques) et les motivations sociales et proposent
la classification suivante :
Tableau 2
Les motivations à adhérer à une communauté virtuelle de marque
Motivations
Littérature
Motivations
personnelles
Motivations
extrinsèques
récompense Chiu, Hsu et Wang, 2006 ; Daugherty
et al., 2005 ; Dholakia, Bagozzi et
Pearo, 2004 ; Wasko, Faraj, 2000
Réputation/image Lakhani, Von Hippel, 2003 ; Wasko,
Faraj, 2005. Chiu, Hsu et Wang, 2006
Dholakia, Bagozzi et Pearo, 2004
Motivation
intrinsèques
Estime de soi Hertel et al., 2003 ; Lin, Hung et Chen,
2009
Apprentissage Hall et Graham, 2004 ; Daugherty et
al.,2005
Plaisir d’aider les autres Wasko et Faraj,2005
Motivations
sociales
communauté Hsu et al., 2007
Promotion de soi
Identité sociale Blanchard, 2008
réciprocité Hall et Graham, 2004, Wasko et
Faraj ; 2005
Sentiment
d’appartenance
Chiu, Hsu et Wang, 2006 ; Daugherty
et al., 2005; Wasko et Faraj; 2005,
Agarwal, 2007
Les auteurs vont cependant plus loin et proposent deux types de distinctions supplémentaires:
- La distinction entre la motivation à adhérer et celle à poursuivre la relation : Selon
les auteurs les motivations à adhérer initialement ne sont pas les mêmes que celles qui
poussent les consommateurs à continuer la relation et à entrer dans un processus de
collaboration avec la marque. L’entreprise doit ainsi développer une stratégie de
85
85 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
« motivation et de management des participants » en leur proposant des outils
d’interaction, des jeux concours, une valorisation par un système de cumul de miles…
- La distinction entre l’adhésion à une communauté initiée par la marque/initiée par
les consommateurs : A travers une étude quantitative menée auprès de 205 membres de
communautés virtuelles, les auteurs ont pu démontrer une différence d’attentes, de
comportement et de motivations à participer entre ces deux types de communautés :
Ainsi, l’information diffusée par les membres est considérée comme privée sur une
communauté virtuelle initiée par la marque. De plus, l’échange de connaissance est avant
tout considéré comme une activité sociale au sein d’une communauté publique, alors
même qu’il aura une dimension économique et purement informationnelle et
déterminante dans leur décision d’achat des produits de la marque au sein d’une
communauté business-to-consumer : Dans cette perspectives, les bénéfices personnels
prennent le pas sur la perspective sociale : les motivations extrinsèques sont primordiales
aux sein de ces communautés et guident largement les membres.
Les auteurs proposent ainsi un modèle d’approche innovant : l’EVT (expectancy-value theory)
qui, se basant sur les théories comportementales et théories de l’utilité et de la gratification (use
and gratifications theory23) , suggère que les effets de la motivation sur la participation à une
communauté virtuelle de marque sont contingents à la nature des avantages à en retirer
(sociaux/vs économiques.). Deux effets modérateurs sont à prendre en compte : l’auto-efficacité
et la complexité des tâches :
Figure 13
Le modèle EVT
23 P.Palmgreen,” Uses and Gratifications : a théorical perspective” , Sage publications, 1984
Task
Complexity
Intrinsic
Motivation
Extrinsic
Motivation
Self
Efficacy
Continuance
Intention
86
86 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
II.2 Analyse de notre étude quantitative.
C’est en nous basant sur ces motivations sociales, et personnelles que nous avons pu construire
un questionnaire administré auprès de 93 consommateurs (cf . Chap.II, méthodologie) : En nous
appuyant sur les travaux de Decy et Ryan (1985), nous avons tenté d’établir une échelle de
mesure de la motivation des consommateurs à participer à une communauté virtuelle initiée par
la marque. L’outil psychométrique comporte trois dimensions : les motivations extrinsèques,
les motivations intrinsèques et les motivations sociales. (cf. tableau X)
Tableau 3
Les motivations des membres à adhérer à une communauté virtuelle de marque Business-
to-Consumer
Motivations
Libellé des items
Motivations
personnelles
Motivations
extrinsèques récompense Je participerais à une communauté
virtuelle de marque pour obtenir des
avantages
Réputation/image J’irais avec plaisir sur ce type de
communauté pour diffuser mes créations Motivation
intrinsèques Estime de soi Je peux efficacement aider cette marque à
se développer en lui soumettant mes idées
Apprentissage J’irais avec Plaisir sur un CVM pour
obtenir des informations plus poussées
Plaisir d’aider les
autres
J’irais avec plaisir sur les forums et FAQ
afin de répondre aux interrogations des
autres consommateurs.
Motivations
sociales
communauté Participer à une communauté virtuelle de
marque me permettrai de nouer des liens
intéressants avec d’autres consommateurs
Promotion de soi J’irais avec plaisir sur ce type de
communauté pour communiquer mes
expériences
Identité sociale En participant à une CVM, j’ai le
sentiment d’une relation personnalisée
avec la marque
réciprocité Adhérer à une CVM me permettrait
d’avoir de bonnes relations avec elle
Sentiment
d’appartenance
Je serais fier(e) d’appartenir à la
communauté de ma marque préférée
87
87 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Afin d’expliquer les relations de ces trois dimensions avec l’intention de participer à une
communauté de marque, nous procédons à une régression linéaire sur chacun de ces
dimensions :
A. Régression des motivations extrinsèques (X) sur l’intention de participer :
X : la variable dépendante : l’Intention de participer à une communauté virtuelle de marque
business-to-consumer
Y : la variable dépendante : la motivation extrinsèque (composée de deux variables : avantage
et réputation/image)
Figure 14
Interprétation de la régression
Et test de colinéarité
Variables introduites/suppriméesa
Modèl
e
Variables
introduites
Variables
supprimées
Méthod
e
1
réputation/im
age,
avantageb
. Entrée
Coefficientsa
Modèle Coefficients non standardisés Coefficien
ts
standardis
és
t Sig. Statistiques de
colinéarité
A Erreur
standard
Bêta Tolérance VIF
1
(Constante) 1,810 ,355 5,098 ,000
avantage ,073 ,083 ,086 ,884 ,379 ,981 1,020
réputation/image ,336 ,084 ,388 3,989 ,000 ,981 1,020
Récapitulatif des modèles
Modèle R R-deux R-deux ajusté Erreur standard
de l'estimation
1 ,408a ,167 ,148 1,094
a. Valeurs prédites : (constantes), réputation/image, avantage
88
88 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Tolérances et facteurs d’inflation de la variance proches de 1, sont dans les limites recommandées (tolérance > 0,3 et
VIF<3) : les variables explicatives sont peu corrélées entre elles.
Diagnostics de colinéaritéa
Modèle Dimension Valeur propre Index de
conditionnement
Proportions de la variance
(Constante) avantage réputation/image
1
1 2,744 1,000 ,01 ,01 ,03
2 ,195 3,751 ,05 ,14 ,92
3 ,061 6,703 ,94 ,84 ,05
Si le modèle obtenu met en avant un lien entre le besoin de valorisation (variable réputation/image
de soi) (t = 3,989 > 1,96) et l’intention d’adhérer à une communauté virtuelle de marque, il apparait
clairement que la variable avantage ne prédit pas l’intention d’adhérer (t = 0,884 < 1,96) et doit être
exclue (sig = 0,379).
B. Régression des motivations intrinsèques (X) sur l’intention de participer (Y’) :
X : la variable dépendante : l’Intention de participer à une communauté virtuelle de marque
business-to-consumer
Y’ : la variable dépendante : la motivation intrinsèque (composée de trois variables : estime de soi,
apprentissage et plaisir d’aider les autres
Figure 15
Interprétation de la seconde régression linéaire
Et test de colinéarité
Récapitulatif des modèles
Modèle R R-deux R-deux ajusté Erreur standard
de l'estimation
1 ,639a ,408 ,388 ,927
a. Valeurs prédites : (constantes), Plaisir d'aider les autres, estime de
soi, apprentissage
89
89 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Coefficientsa
Modèle Coefficients non
standardisés
Coefficients
standardisés
t Sig. Statistiques de
colinéarité
A Erreur
standard
Bêta Tolérance VIF
1
(Constante) ,504 ,340 1,481 ,142
estime de soi ,284 ,076 ,310 3,724 ,000 ,958 1,044
apprentissage ,364 ,079 ,430 4,628 ,000 ,771 1,298
Plaisir d'aider les
autres
,124 ,088 ,128 1,409 ,162 ,800 1,250
Diagnostics de colinéaritéa
Modèle Dimension Valeur propre Index de
conditionnement
Proportions de la variance
(Constante) estime de soi apprentissage Plaisir d'aider
les autres
1
1 3,695 1,000 ,01 ,01 ,01 ,01
2 ,151 4,955 ,02 ,45 ,22 ,17
3 ,099 6,100 ,05 ,03 ,77 ,48
4 ,055 8,193 ,92 ,50 ,00 ,35
De cette seconde régression, nous pouvons avancer que l’estime de soi (t = 3,724 > 1,96) et
l’apprentissage (t = 4,628> 1,96) sont des variables déterminant positivement l’intention
d’adhérer à une communauté. Le plaisir d’aider les autres en revanche ne prédit pas l’intention
d’adhérer ( t = 1,409 < 1,96) ; sig : 0,162 : la relation est non significative.
C. Régression des motivations sociales (X) sur l’intention de participer (Y’’) :
X : la variable dépendante : l’Intention de participer à une communauté virtuelle de marque
business-to-consumer
Y’’ : la variable dépendante : la motivation sociale (composée de trois variables : identité
sociale, réciprocité, promotion de soi et communauté
90
90 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Figure 16
Interprétation de la troisième régression linéaire
Et test de colinéarité
Variables introduites/suppriméesa
Modèle Variables
introduites
Variables
supprimées
Méthode
1
communauté,
identité sociale,
promotion de
soi, réciprocitéb
. Entrée
Récapitulatif des modèles
Modèle R R-deux R-deux ajusté Erreur standard
de l'estimation
1 ,521a ,271 ,238 1,035
Coefficientsa
Modèle Coefficients non
standardisés
Coefficients
standardisés
t Sig. Statistiques de
colinéarité
A Erreur
standard
Bêta Tolérance VIF
1
(Constante) 1,457 ,283 5,139 ,000
identité sociale ,152 ,108 ,173 1,408 ,163 ,546 1,831
réciprocité ,232 ,121 ,247 1,921 ,058 ,500 2,001
promotion de
soi
,203 ,106 ,226 1,913 ,059 ,592 1,689
communauté -,039 ,108 -,041 -,363 ,717 ,641 1,559
91
91 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Diagnostics de colinéaritéa
Modèle Dimension Valeur
propre
Index de
conditionneme
nt
Proportions de la variance
(Constante
)
identité
sociale
réciprocit
é
promotion de
soi
Communaut
é
1
1 4,565 1,000 ,01 ,01 ,00 ,01 ,01
2 ,163 5,295 ,17 ,52 ,03 ,01 ,13
3 ,109 6,472 ,76 ,00 ,00 ,09 ,40
4 ,091 7,076 ,00 ,00 ,14 ,84 ,29
5 ,072 7,940 ,07 ,47 ,82 ,05 ,17
92
92 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS
Cette troisième régression ne nous permet d’envisager aucune prédiction possible entre la dimension
‘motivations sociales’ et l’intention d’adhérer à une communauté virtuelle de marque Business-to-
consumer, même si deux variables réciprocité (t = 1,921) et promotion de soi (t = 1,913< 1,96)
tendent à expliquer un lien possible.
II.3 Les apports de l’étude quantitative dans notre recherche
A l’évidence, les résultats de cette analyse quantitative donnent raison à Daugherty et al. (2005) qui,
dans leur recherche exploratoire des motivations à participer à une communauté virtuelles
envisagent les motivations personnelles au-dessus des motivations sociales et communautaires : Ce
qui pousse les individus à adhérer à une communauté virtuelle Business-to-consumer, c’est avant
tout un besoin d’en tirer des bénéfices de valorisation personnelle avant tout qui s’expriment par
une volonté d’apprendre et de valoriser son image.
93
93 Synthèse: la participation collaborative au sein d’une communauté virtuelle de marque
peut-elle engendrer un processus d’Intelligence collective ?
Synthèse: la participation collaborative au sein
d’une communauté virtuelle de marque peut-elle
engendrer un processus d’Intelligence
collective ?
Cette recherche menée auprès des professionnels d’une part, et des consommateurs de l’autre
nous pousse à nous interroger sur la notion même d’engagement communautaire. A cet idéal
social qui veut nous présenter les relations virtuelles comme une réponse à la crise identitaire
de notre société, un idéal communautaire au sein duquel le pouvoir est redistribué à part égale
entre les consommateur et l’entreprise qui s’influencent mutuellement, il est nécessaire
d’opposer un schéma plus rationnel au sein duquel les motivations des entreprises restent avant
tout de survivre, s’appuyant pour y parvenir sur des outils relationnels afin de véhiculer une
image positive, d’accéder à la connaissance pour innover et de fidéliser ses clients en suscitant
un engagement émotionnel. Si, côté individu, le besoin d’affiliation sociale se manifeste à
travers les outils communautaires, c’est surtout un ensemble de motivations personnelles qui le
poussent à s’engager auprès d’une marque : attentes de valorisation sociale, mise en avant de
soi le poussent à générer ce fameux User Generated Content sur lequel se fonde le Web dit
Social.
Doit-on pour autant remettre en question la valeur des interactions communautaires ? A
l’évidence non ! En 1991, Stone défini la communauté virtuelle comme « un pôle d’attraction
précaire où des individus de provenance diverses se rencontrent, de sorte que peuvent naître les
interactions non focalisées ». Certes, les motivations des uns et des autres ne sont pas dénuées
d’intérêts personnels, mais les échanges qu’elles suscitent au sein des communautés en font leur
richesse.
Il est temps de s’intéresser, dès lors, à notre dernière question de recherche :
QR3 : Comment tirer le meilleur des communautés virtuelles business-to-consumer ?
Anderson, Wellman et Gulia affirment, en 1999 : « C’est la relation qui est l’élément important,
et non pas le moyen de communication ». De fait, lorsqu’on observe de près ce qui se passe sur
et autour d’Internet, il est difficile de nier que de nouvelles formes de collectifs sont en train
d’être inventées.
94
94 Synthèse: la participation collaborative au sein d’une communauté virtuelle de marque
peut-elle engendrer un processus d’Intelligence collective ?
I. La communauté virtuelle business-to-consumer : un support puissant
d’accès à la connaissance
Proposant une analogie avec celle de Marx , Moulier Boutang (2007) affirme que « Le grand
trait de génie de Marx et Engels n’est pas d’avoir étudié la population laborieuse la plus
nombreuse en Angleterre (c’était en l’occurrence les domestiques qui se comptaient par
millions) mais les quelques 250 000 ouvriers des usines de Mandchester » : A l’ère d’Internet,
la communauté virtuelle constitue un terrain fertile de captation de l’Intelligence collective dans
une démarche que Moulier Boutang décrit comme « un nouveau capitalisme, un capitalisme
cognitif ».
Selon l’auteur, un nouveau mode de production émerge, qu’il définit comme « le travail de
coopération de cerveaux réunis en réseaux au moyen d’ordinateurs » : Dès lors l’entreprise se
doit, pour se développer et survivre, de s’efforcer de capter cette richesse issue des échanges
sociaux : « l’Intelligence entrepreneuriale consiste désormais à convertir la richesse déjà là dans
un espace virtuel en valeur économique » (Moulier Boutang, 2007)
Dès lors, en étant à la fois un outil de coordination sociale et d’aide à la connaissance, les
communautés virtuelles Business-to-Business agissent comme un moyen pour l’entreprise
d’accéder à une connaissance nouvelle qui ne peut par nature être acquise de façon individuelle
(Longino, 2002). A l’heure du web 2.0, la dépendance cognitive de retrouve au cœur de
l’interaction entre l’entreprise qui recherche à acquérir la connaissance, et le consommateur qui
contribue à générer cette connaissance, sous certaines conditions cependant : celles de posséder
un espace de collaboration adapté, des possibilités des générer des dynamiques d’échanges et
le sentiment d’être valorisé dans sa démarche.
Notre étude de cas montre cependant que peu d’entreprises prennent conscience de ce potentiel
et envisagent toujours leur communauté virtuelle dans le cadre d’une relation verticale héritée
du marketing de masse, dont les objectifs demeurent ceux du marketing management tel qu’on
le pratique depuis plus de 60 ans : communiquer, capter et fidéliser des consommateurs. Ce
type de plateforme peut-il générer un processus d’Intelligence Collective pertinent et servir les
intérêts de l’entreprise sur le long terme ? A l’évidence non, même s’il peut devenir un outil
social efficace, il s’appuie avant tout sur une démarche marketing dite ‘relationnelle’ mais
n’engendre pas de dynamique de groupe.
Se dessine alors les contours d’une communauté virtuelle idéale qui donne à l’entreprise le rôle
de coordinateur de la connaissance individuelle en favorisant d’une part la coopération des
participants grâce aux outils du web social (forums, fils de discussion) et d’autre part et en se
donnant les moyens techniques d’acquérir, de retenir et de transformer cette connaissance.
De cette capacité à générer une coopération cognitive et de faciliter le transfert de la
connaissance puis de la transformer, l’entreprise se trouvera en mesure de tirer le meilleur de
sa communauté.
95
95 IV. Limites, contributions et voies de recherche.
IV. Limites, contributions et voies de recherche.
I. Les limites de l’étude
Cette étude a des limites de trois ordres : théorique, pratique et méthodologique.
D’un point de vue théorique, le choix même du sujet a obligé l’auteur à conduire ses premières
investigations sans pouvoir faire émerger, dans un premier temps, une problématique précise :
Si de nombreuses études en marketing portent sur l’influence des communautés virtuelles sur
la stratégie de la marque, mettant en évidence le phénomène d’empowerment du consommateur
renforcé par la généralisation de ce type de plateforme et la nécessité pour la marque de tenter
de le réguler en initiant une relation sociale ou communautaire, peu d’études proposent
d’aborder ce phénomène communautaire sous l’angle de la connaissance ou de l’Intelligence
collective qu’elle est en mesure de générer. C’est à la lecture de recherches sociologique que
nous avons pris conscience du potentiel communautaire dans une démarche cognitive de
l’entreprise.
La seconde limite se situe dans la nature même du cadre d’analyse choisi : la communauté
virtuelle business-to-consumer est un type de plateforme difficile à aborder pour le chercheur.
Propriétés des entreprises, il est parfois difficile de les intégrer dans une démarche
netnographique recommandée par Kozinets (2002) et de solliciter les membres dans le cadre de
notre recherche. Nous nous sommes ainsi confrontés à plusieurs refus des marques (Beneteau,
Cultura) d’échanger avec leurs membres et avons dû nous contenter pour certaines, d’adopter
une démarche d’étude de cas. Or, l’immersion dans la communauté du chercheur détermine le
succès de l’analyse. A notre grand regret, nous avons dû nous contenter de décrire des
comportements de l’extérieur.
Nous nous somme confronté à la même problématique au cours de notre étude quantitative : si
les consommateurs participent majoritairement à la vie des marques sur les réseaux sociaux
publics, les communautés fermées demeurent confidentielles et regroupent quelques milliers de
consommateurs : Le peu de temps imparti dans le cadre de notre enquête quantitative ne nous
a pas permis de regrouper suffisamment de répondants appartenant à une communauté de
marque fermée pour une analyse pertinente. Seules les motivations des consommateurs à
éventuellement adhérer à une communauté ont pu servir de données quantitatives à exploiter :
Si cette analyse permet de dégager des tendances, elle ne permet pas de comprendre un
comportement de coopération au développement d’une marque à travers la participation à ce
type de groupe restreint.
Dès lors, notre recherche demeure exploratoire et donc imparfaite : Par son temps extrêmement
limité, la difficulté à intégrer certains groupes de consommateurs, nous sommes en mesure de
proposer aux managers des pistes de recherches qui devront être approfondies pour prétendre
faire des recommandations managériales structurées.
96
96 IV. Limites, contributions et voies de recherche.
II. Les contributions et voies de recherche
Malgré ces limites, ce mémoire de recherche peut apporter une contribution à la recherche en
sciences de gestion :
La première provient du positionnement même de la recherche : En proposant d’aborder la
communauté virtuelle business-to-consumer en tant que communauté épistémique, nous nous
sommes efforcer de fournir un nouvel angle d’analyse du potentiel communautaire, celui de la
veille et de la captation possible de connaissance issue de la dynamique de groupe restreint.
La mobilisation de la littérature sociologique a pu fournir notamment des réponses sur la
relation que l’entreprise doit avoir avec les membres de ce type de plateforme : en intervenant
le moins possible, elle assure au groupe un sentiment de liberté qui le pousse à interagir et à
fournir ainsi les données essentielles pour le développement de la marque : En laissant les
membres décider des thèmes à aborder, des contenus à publier, l’entreprise se donne la
possibilité de capter les tendances à venir. Pour y parvenir, la plateforme communautaire doit
pouvoir réunir une masse critique de participants qualitatifs : le rôle de l’entreprise est d’une
part, de les pousser à adhérer mais aussi de les retenir en animant sa plateforme via des jeux-
concours, des dispositifs de valorisation personnelle.
Il apparait dès lors indispensable de favoriser ces interactions en fournissant les canaux de
coopération adaptés (forums de discussion, espaces de publication et de création) constituant le
canevas communautaire.
A cet égard, nous avons pu fournir un éclairage sur le rôle des concours de co-création initiés
sur ces plateformes : Phénomène en vogue aujourd’hui, il apparaît cependant à travers notre
recherche que les concours de co-création sont avant tout des dispositifs d’animation, sans
conséquence sur la détermination des produits à venir. S’il existe un phénomène de co-création
issu des communautés de marque, c’est avant tout grâce à l’étude des conversations qui
permettent de faire émerger des tendances que l’entreprise exploite ensuite.
En confrontant une phase d’investigation auprès de professionnels à une étude quantitative
menée auprès de consommateur, nous avons pu faire émerger les points de rencontre possibles
entre les attentes des premiers (attentes avant tout marketings et commerciales), et les
motivations des seconds (personnelles et sociales avant d’être communautaire.) Il semble
pertinent d’envisager la communauté Business-to-consumer comme une plateforme gagnante-
gagnante, au sein de laquelle chacun confronte ses intérêts particuliers loin des préoccupations
sociales traditionnellement retenues dans le marketing communautaire. Le participant
recherche avant tout une valorisation personnelle, des informations réconfortantes dans sa
démarche de consommation ou des avantages purement économique. La relation avec les autres
participants n’est donc pas déterminante dans sa démarche de coopération avec la marque.
97
97 IV. Limites, contributions et voies de recherche.
De son côté, l’entreprise utilise, voire instrumentalise largement sa plateforme dans une
démarche purement marketing, en recherchant avant tout la valorisation de son capital marque,
le recrutement et la fidélisation de ses consommateurs.
Seuls quelques managers marketing ont pris conscience du potentiel de cette plateforme dans
une démarche de veille stratégique et d’accès à la Connaissance : Nous espérons en avoir pointé
l’importance stratégique dans une démarche d’innovation et de développement de la marque.
Il ne s’agit pas d’aborder ces communautés dans une démarche one-to-one largement
recommandée depuis l’avènement du web social, mais bien d’initier une communication many-
to-one en opérationnalisant la dynamique du groupe dans le but de servir l’avenir de
l’entreprise.
Ces premières contributions permettent de déterminer des voies de recherche futures
- Nous avons pu pointer la problématique du temps nécessaire à la compréhension d’un
phénomène aussi complexe que la dynamique de groupe : Une étude poussée, sur les
longs termes de différentes communautés doit nous permettre d’en saisir les mécanismes.
Nous n’avons pu ici que ‘détecter’ des tendances qu’il est essentiel d’approfondir pour
comprendre comment le groupe peut servir l’entreprise dans sa stratégie de
développement. Il serait ainsi extrêmement pertinent d’observer la naissance d’une
communauté et son évolution sur plusieurs années, un travail qui peut se faire dans le
cadre d’une thèse doctorale.
- De même, nous n’avons pas pu accéder aux communautés réservées uniquement aux
consommateurs de la marque : cette approche difficile dans le cadre d’un mémoire de
recherche peut s’envisager dans le cadre d’une recherche sur le long termes : certains
professionnels interrogés envisageaient positivement cette possibilité : on peut
s’interroger par exemple sur la qualité des informations générées sur ce type de
plateforme sécurisée et s’efforcer de comprendre comment l’entreprise parvient à en
capter toute son essence.
- Enfin, une étude quantitative de plus grande envergure, menée auprès des membres de
ces plateformes peut nous fournir des informations primordiales sur les formes de
coopération envisagées et leur apport sur le plan individuel.
98
98 CONCLUSION
CONCLUSION
Dans un contexte de compétition mondiale généralisée (Andersen, 2004), les outils issus du
Web Social ont donné au marketing une nouvelle dimension. Au capitalisme de masse succède
un capitalisme cognitif au sein duquel la compétitivité ne situe plus au niveau du produit mais
bien au niveau de la relation que l’entreprise parvient à initier avec ses consommateurs. Nike
est aujourd’hui connu à travers la relation que la marque a réussi à instaurer avec ses
consommateurs, les poussant à collaborer sur sa plateforme, que pour ces produits ! Dès lors,
c’est l’organisation même qui changé, en intégrant ses consommateurs en son centre, en
s’efforçant d’en capter les préoccupations et les attentes, l’entreprise doit s’adapter et initier les
outils favorisant son implication dans le développement de la marque. La communauté virtuelle
Business-to-Consumer s’avère être un outil encore marginal, mais extrêmement pertinent à
condition de se donner la possibilité d’en capter la connaissance générée.
Propos d’entreprise :
« Si tu savais la somme de savoirs disponible dans ma communauté ! Parfois je suis
impressionné, et pourtant je suis loin d’être novice en matière d’innovation ! C’est en voyant
tout ce potentiel que j’ai pris conscience de la valeur de ma communauté, d’ailleurs j’envisage
de la commercialiser. »
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105
105 ANNEXES
ANNEXES
guide d’entretien
Phase d’introduction
Le sujet des communautés virtuelles de marque est évoqué dans son cadre le plus large. Nous choisissons de
présenter notre recherche dans le cadre d’un mémoire dont le sujet pourra être repris dans une future thèse.
Phase de début d’entretien
Pouvez-vous vous présenter ? Présenter votre parcours, votre mission par rapport à la marque pour laquelle
vous travaillez.
Il s’agit dans cette phase d’inciter l’interviewer à s’exprimer et le libérer de freins éventuels.
Vous avez pour mission de développer une marque : parlez-moi de votre stratégie digitale.
Premières données concernant la stratégie Social Média de la marque
Présentation d’une communauté virtuelle de marque initiée par la marque: il s’agit de bien cerner le
cadre d’analyse afin que le répondant comprenne précisément le sujet de l’entretien et ne confonde
pas avec l’animation des réseaux sociaux publics dont les attentes peuvent être différentes.
En cas de doute, nous choisissons de présenter deux exemples de communauté de marque : la
communauté Cultura et la communauté Vespa : cette présentation a pour objectif plonger
l’interviewer dans le sujet de l’étude et de bien insister sur la différence qui doit être faite avec les
réseaux sociaux traditionnels.
Thème 1 : Connaissance et représentation de la pratique
Décrivez-moi l’approche que vous pouvez avoir de ce type de plateforme
- L’utilité pour votre marque
- L’utilité pour vos clients
- L’utilité pour vos prospects
Quels sont selon vous les effets de la création d’une plateforme communautaire fermées sur le
développement de votre marque ?
Thème 2 : Attentes managériales
Parlez-moi de votre sentiment vis-à-vis de ce type de communauté.
Dégager les objectifs marketings et stratégiques des managers
Thème 3 : Modalités d’utilisation
Expliquez-moi de quelle manière vous utiliseriez une plateforme communautaire privée.
Quels outils communautaires mis à la disposition des participants
Les spécificités de la plateforme
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