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Oct 05, 2018

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UNENUANCEDEVAMPIRE8:UNENUANCEDENOVAK

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BELLAFORREST

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Tabledesmatières

CopyrightAutres livres de Bella ForrestPrologue : Sofia

1. Chapitre 1 : Sofia

2. Chapitre 2 : Rose

3. Chapitre 3 : Derek

4. Chapitre 4 : Rose

5. Chapitre 5 : Rose

6. Chapitre 6 : Aiden

7. Chapitre 7 : Rose

8. Chapitre 8 : Sofia

9. Chapitre 9 : Rose

10. Chapitre 10 : Sofia

11. Chapitre 11 : Rose

12. Chapitre 12 : Sofia

13. Chapitre 13 : Rose

14. Chapitre 14 : Sofia

15. Chapitre 15 : Rose

16. Chapitre 16 : Rose

17. Chapitre 17 : Rose

18. Chapitre 18 : Rose

19. Chapitre 19 : Rose

20. Chapitre 20 : Rose

21. Chapitre 21 : Rose

22. Chapitre 22 : Rose

23. Chapitre 23 : Caleb

24. Chapitre 24 : Ben

25. Chapitre 25 : Rose

26. Chapitre 26 : Rose

27. Chapitre 27 : Rose

28. Chapitre 28 : Rose

29. Chapitre 29 : Caleb

30. Chapitre 30 : Rose

31. Chapitre 31 : Caleb

32. Chapitre 32 : Rose

33. Chapitre 33 : Rose

34. Chapitre 34 : Caleb

35. Chapitre 35 : Derek

36. Chapitre 36 : Rose

37. Chapitre 37 : Rose

38. Chapitre 38 : Caleb

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39. Chapitre 39 : Rose

40. Chapitre 40 : Rose

41. Chapitre 41 : Aiden

42. Chapitre 42 : Sofia

43. Chapitre 43 : Caleb

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C O P Y R I G H T

Copyright © 2016 Bella ForrestConception de la couverture © Sarah HansenTous droits réservés.Toute reproduction, en tout ou en partie, sous quelque forme et par quelque

procédé que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite préalable de l’auteure, àl’exception de l’utilisation de brèves citations dans le contexte d’une critique delivre.

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A U T R E S L I V R E S D E B E L L A F O R R E S T

SÉRIE NUANCE DE VAMPIREUne nuance de vampire (tome 1)

Une nuance de sang (tome 2)Un château de sable (tome 3)

Une ombre de lumière (tome 4)Un éclat de soleil (tome 5)

La porte de la nuit (tome 6)L’aurore du jour (tome 7)

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la sortie de mon prochain livre ! Visitez ici : www.bellaforrest.de/fr

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–Q

P R O L O GU E : S O F I A

ue viens-tu de dire ?J’ai ignoré Derek pendant un moment en continuant à fixer la télévision.

L’écran avait changé, mais l’image des deux jumeaux blonds disparus était encoregravée dans ma mémoire.

En vérité, j’y pensais depuis un bout de temps.– Tu m’as entendue, ai-je dit.Mon mari s’est redressé sur le canapé, ses yeux d’un bleu électrique sondant les

miens.– Mais pourquoi ? a-t-il demandé en me serrant le genou.– Parce que je suis inquiète, Derek.Il a passé une main dans ses épais cheveux noirs, l’air exaspéré.– Mais en quoi ça aiderait ?– Après tout ce que nous avons vécu… je déteste me sentir impuissante. Surtout

maintenant que nous avons Ben et Rose.– Mais après tout ce que…Sa voix s’est dissipée. Il me dévisageait toujours, incrédule. Il a jeté un coup

d’œil à la télévision, qui diffusait une image après l’autre de gens disparus. Desvictimes de kidnappings, du moins c’était ce qu’en pensait la police. Deskidnappings qui avaient empiré au cours des dernières années.

C’était chose habituelle à l’époque où les Doyens et les Faucons avaient encoreaccès à la Terre. Mais ils étaient désormais bannis.

« Nous ne savons même pas qui enlève ces gens, a dit Derek en me caressant lajoue. Peut-être que ce sont des humains. »

Il semblait lui-même incertain de ce qu’il avançait. Je l’ai regardé en levant unsourcil.

– Eli et Ibrahim ne seraient pas d’accord avec toi là-dessus, ai-je dit.– Peut-être, a-t-il soupiré. Mais ils ne seraient pas certains non plus.– Ils sont fichtrement certains qu’il ne s’agit pas d’une force humaine. Il se

passe quelque chose d’étrange. Derek, ces gens disparaissent sans laisser de trace.– Mais rien ne prouve qu’il s’agisse d’une force surnaturelle. Tout n’est que pure

conjecture. Et je nous trouve bien placés pour croire à une cause surnaturelle, pas

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toi ?J’ai soupiré et je me suis appuyée contre sa poitrine. Il a enroulé les bras autour

de moi, m’embrassant le haut de la tête.– Tu as raison, ai-je avoué. Nous n’avons aucune preuve. Mais je ne me sens pas

en sécurité ici. Nous sommes en plein sur la côte où ont lieu les disparitions.Nous nous sommes tus un moment. Je me suis lovée contre lui, écoutant le

battement régulier de son cœur.– Tu sais ce que ça signifie, n’est-ce pas ? a-t-il fini par demander.J’ai hoché la tête et ma gorge s’est asséchée lorsque j’ai réfléchi à toutes les

possibilités. Nous avons tous les deux regardé le salon de notre maison de rêvecalifornienne.

Nous la vendrions et nous retournerions vivre sur l’Ombre. Ben et Rosequitteraient leurs amis. Nous dirions adieu aux châteaux de sable sur la plage tousles samedis après-midi. Nous ne pourrions plus courir ensemble sous le soleil.Derek et moi redeviendrons vampires.

J’avais cette envie de me retransformer depuis un moment. Le problème étaitque si je redevenais vampire, Derek serait obligé de le faire aussi. Sinon, je le verraisvieillir et mourir. Il pouvait conjurer le feu et il possédait toujours une forcesurhumaine grâce à Cora, mais il n’était plus immortel.

« Je suppose qu’ils ne seront pas trop bouleversés, a marmonné Derek. Ils sontencore jeunes. L’Ombre leur sert déjà de deuxième maison pendant les vacancesd’été. Et… »

J’ai placé un doigt sur les lèvres de Derek. Il évitait le sujet.– Je sais ce que ça signifie pour toi, ai-je murmuré en le regardant dans les yeux.

Je sais combien tu méprisais ce que tu étais avant.– Je ne peux pas nier que j’associe le fait d’être vampire aux traumatismes de

mon passé, a-t-il répondu, souriant légèrement à cet euphémisme. Mais on nepeut pas comparer le passé au présent. Tu seras là pour m’apprivoiser.

Il m’a embrassée sur la joue. J’ai regardé la pièce à nouveau, nostalgique.– Et qu’adviendra-t-il de notre maison ?– Eh bien, ce n’est plus la maison de tes rêves si tu ne t’y sens pas en sécurité, a-

t-il dit en haussant les épaules. Et ce n’est certainement plus la mienne si tu n’y espas heureuse. Nous la vendrons.

Je l’ai regardé à nouveau. Je voyais qu’il essayait d’apaiser ma culpabilité, mais jesavais que redevenir vampire représentait un énorme sacrifice pour lui. Je n’auraispas pu l’aimer plus qu’à ce moment-là, où il était prêt à renoncer à sa mortalitépour moi.

– Rose et Ben devront s’habituer à ce que leurs parents soient vampires, ai-jemarmonné. Ils ne viendront plus nous voir en pleine nuit pour des câlins. Ce seranous qui désirerons leur chaleur…

J’ai repensé à nos adorables gamins qui dormaient à l’étage. Rose et ses longscheveux noirs raides, Ben et ses cheveux courts s’arrêtant juste au-dessus desoreilles. Leurs yeux verts étincelants et leurs longs cils noirs. Derek avait raison : ils

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étaient encore trop jeunes pour être bouleversés par ce changement. Ils se faisaientfacilement des nouveaux amis. D’ailleurs, ils étaient habitués à l’Ombre. Ils étaientaimés de tous là-bas. Les chouchous de l’île, le petit prince et la petite princesse. Ettout le monde les gâtait terriblement – surtout Corrine.

Je n’arrivais quand même pas à chasser mon inquiétude de les empêcher de vivreune enfance normale en les isolant sur cette petite île. Je les priverais desexpériences variées qu’ils vivraient ici, allant à une école normale plutôt qu’àl’école dirigée par les sorcières de l’Ombre. Bien que je ne doute pas une secondeque ces sorcières soient bien plus instruites et qualifiées que n’importe quelenseignant d’école élémentaire, je désirais une vie normale pour mes enfants. Carj’avais toujours désiré la normalité dans mon enfance, chose dont j’avais été privée.

– Tu as raison de vouloir ça, ma chérie, a dit Derek en me caressant la tête. C’estce qu’il y a de mieux pour eux. Nous devons les protéger.

J’ai acquiescé, mais ma gorge était toujours sèche.« Nous les enverrons au camp d’été chaque année dès qu’ils seront assez

grands, a-t-il continué. Aiden pourra les emmener en Europe – loin deskidnappings. »

J’ai acquiescé de nouveau. L’idée qu’ils aillent dans un camp d’été allégeait unpeu mon inquiétude, je ne pouvais pas le nier.

– Je veux les protéger durant ces quelques premières années de leur vie, c’esttout. Je veux qu’ils vivent sans crainte et sans difficulté. Nous leur devons au moinsça après ce qu’ils ont vécu dans leur petite enfance.

Derek s’est levé et il m’a tirée vers lui. Il m’a enveloppée dans ses bras, meserrant fort.

– La question que je me pose… a-t-il chuchoté, caressant mon épaule nue avecses lèvres. Va-t-on avoir d’autres enfants ? Est-ce que deux nous suffisent ? Parceque… eh bien, tu sais ce que ça signifie.

J’ai fait oui de la tête. Nous ne serions plus capables de procréer en tant quevampires.

Derek et moi en avions souvent discuté ces cinq dernières années. Nous avionschangé d’idée maintes fois. Mais nous arrivions toujours à la même conclusion :nous étions choyés avec les jumeaux et nous n’étions pas pressés d’avoir d’autresenfants. Ils avaient cinq ans maintenant, et nous n’avions toujours pas prévu d’enavoir d’autres.

N’empêche que c’était une question difficile à aborder, sachant que la réponseserait définitive. À moins, bien entendu, que nous décidions de reprendre le remèdeet redevenir humains pour la deuxième fois.

Nous sommes restés enlacés en silence pendant ce qui m’a semblé une éternité.Puis nous nous sommes regardés dans les yeux.

– Je pense que deux enfants nous suffisent, ai-je dit tout bas.Il a acquiescé. Puis une question évidente m’a frappée.– Mais comment pouvons-nous être sûrs que tu peux être retransformé ?– Nous devrons le demander à Ibrahim.

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– Car s’il y a un risque, alors—– Inutile de spéculer, m’a interrompue Derek. Nous lui demanderons quels sont

les risques.J’ai hoché la tête en déglutissant.– Derek, ai-je dit en prenant ses mains dans les miennes. Si tu peux être

retransformé et que nous le faisons, promets-moi de ne pas dire à nos enfantspourquoi nous avons quitté le monde extérieur et déménagé sur l’Ombre. Je ne veuxpas qu’ils grandissent dans la peur.

– Je n’aime pas l’idée qu’ils grandissent dans l’ignorance non plus, a-t-ilrépondu en me regardant d’un air sérieux. Inconscients du monde autour d’eux.C’est dangereux.

– Je sais, ai-je soupiré. Je sais que nous ne pouvons pas les protéger du mondeextérieur pour toujours. Mais j’aimerais attendre qu’ils soient assez grands pourcomprendre.

Derek m’a regardé en silence pendant un bon moment. Il a fini par hocher latête.

– Dix-sept ans, a-t-il déclaré. Nous attendrons qu’ils aient dix-sept ans.D’accord ?

– D’accord.Nous avons continué à nous fixer, laissant la gravité de notre plan s’insinuer

dans notre esprit.– As-tu considéré le fait que, à moins que Rose et Ben se transforment

également, ils pourraient devenir plus vieux que nous ? a demandé Derek.– Oh. Ce serait… étrange, ai-je dit lentement, essayant de saisir la notion.

Vraiment… vraiment étrange.– Ils devraient être transformés avant d’atteindre notre âge, a-t-il dit en

passant une main dans mes cheveux. Et s’ils étaient immuns comme toi ?– C’est peu probable. D’après les sorcières, l’immunité au vampirisme saute

habituellement une génération. Mais on devrait quand même leur en parlerlorsqu’ils seront plus vieux. Inutile d’y penser maintenant. Tant de chosespourraient se passer entre-temps. Il nous reste plusieurs années de bonheur avantque ce moment arrive.

– Hm, a dit Derek, un sourire espiègle se dessinant sur son visage. Alors tu serasmon éternelle femme séduisante de vingt-trois ans.

J’ai souri.– Et toi, mon éternel mari séduisant de vingt-quatre ans… quoique,

techniquement, tu as également vingt-trois ans—– Cesse tes pédanteries.Avant de pouvoir rétorquer, il m’a soulevée et il m’a transportée jusqu’à notre

chambre. Il m’a couchée sur notre lit et il a commencé à enlever ma chemise denuit. Puis il s’est arrêté, son sourire s’estompant.

« Si nous le faisons vraiment, faisons-le au plus vite. Car… »Il s’est tu et il m’a regardée d’un air tellement grave que j’ai retenu mon souffle

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en me demandant ce qui clochait. Il s’est penché, examinant mon visage.« Je vois déjà une ride se former au coin de ton œil. »J’ai rigolé en lui giflant l’épaule.– Derek ! Ne prends pas la situation à la légère. Nous avons encore beaucoup à f

—– Oui, nous avons beaucoup à faire, a-t-il murmuré d’une voix rauque. Pendant

que nous avons encore le sang chaud.Il a fini de me déshabiller avant d’arracher ses propres vêtements. Ma peau a

chatouillé lorsque son corps chaud a glissé sous les draps à côté du mien.Parfois, quand nous faisions l’amour, dans son abandon, Derek devenait presque

trop ardent pour que je le touche et nous devions nous arrêter le temps qu’il secalme. À quelques occasions, il avait même laissé des marques de brûlure sur lesdraps.

Alors non, un changement de température n’était pas nécessairement unemauvaise chose pour mon mari.

Au cours des mois suivants, nous avons organisé la vente de notre maison – qui,heureusement, n’a pas été difficile étant donné son emplacement – et finalisé lespréparatifs du déménagement. Nous avons emballé nos biens et nous nous sommesassurés que Ben et Rose puissent dire adieu à tous leurs camarades de classe.

Lorsque nos voisins ou les autres parents nous demandaient où nous allions,nous leur disions que nous partions vivre en Europe nous occuper d’un membre dela famille malade.

Mon père, Aiden, est arrivé chez nous la veille de la prise de possession de lamaison par les nouveaux propriétaires. Il était vêtu d’un jean et d’une chemise àmanches courtes décontractée. J’avais dit aux jumeaux de s’asseoir près de la portepour qu’ils ne nous encombrent pas, mais ils ont sauté sur leur grand-père dèsqu’ils l’ont vu entrer.

– C’est grand-papa ! a couiné Rose.– Grand-papa ! a crié Ben.Le visage d’Aiden s’est illuminé dès qu’il les a vus. Il s’était débarrassé de ses

traits de Faucons grâce à Ibrahim et plusieurs autres sorcières qui, après maintesannées d’expérimentation avec une combinaison de potions et de sortilèges,avaient réussi à lui redonner sa forme humaine. Mon père a enlacé ses deux petits-enfants, les embrassant chacun sur le front. J’ai marché jusqu’à lui et je lui ai poséun baiser sur la joue.

– Merci d’être à l’heure, ai-je dit avant de me retourner et crier : Derek, grand-papa est là !

Il est sorti de la cuisine avec la dernière valise. Il l’a déposée par terre ensouriant.

– Bonjour, grand-papa !

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– Bonjour, a dit Aiden en lui rendant son sourire. Xavier et Vivienne nousattendent au sous-marin, à l’endroit habituel.

Nous n’avions pas visité l’Ombre depuis quatre mois. L’excitation montait enmoi à l’idée de revoir ma belle-sœur et mon beau-frère.

Aiden est d’abord allé déposer Ben et Rose au sous-marin. Puis il est revenunous aider à transporter le reste de nos bagages jusqu’au port. Nous avons dû faireplusieurs voyages avant de tout transférer. Nous avions inclus nos meubles dans lavente de la maison, mais j’avais été stupéfaite de constater le nombre d’effetspersonnels que nous avions accumulés après la naissance des jumeaux.

Une fois que toutes les valises ont été chargées, nous avons frappé à l’écoutilledu sous-marin et Vivienne a ouvert. Elle affichait un sourire radieux et ses yeuxbleu-violet pétillaient de joie. Derek, Aiden et moi sommes montés à bord avant derefermer la porte derrière nous.

– Vous m’avez tellement manqué ! s’est-elle exclamée.Elle nous a serrés dans ses bras, Derek et moi, en nous embrassant chacun la

joue. Puis elle nous a conduits jusqu’au poste de pilotage à l’avant du sous-marin.J’ai souri en voyant Ben et Rose déjà assis sur les genoux d’oncle Xavier. Ils

adoraient la salle de contrôle. Leurs yeux brillaient d’émerveillement alors qu’ilstripotaient les leviers et les boutons en baragouinant.

– Bienvenue dans mon humble demeure, a dit Xavier en souriant.Derek lui a ébouriffé les cheveux et je l’ai embrassé sur la joue. Puis Derek s’est

tourné vers sa sœur et, pointant Xavier, lui a demandé : « Est-ce que cette canaillete traite bien depuis que je suis parti ? »

Vivienne a souri, plaçant une main sur l’épaule de Xavier.– Oh que oui !– Bien.Vivienne s’est tournée vers les jumeaux.– Hé, Rose, Ben. Allez-vous embrasser votre tante ?Ils ont eu du mal à décoller leurs yeux du panneau de contrôle, mais ils ont levé

la tête en souriant de toutes leurs dents. Ils ont tendu les bras et Vivienne les a tousles deux soulevés. Elle les a couverts de baisers avant de les transporter jusqu’àl’arrière du sous-marin.

– Nous étions tous… euh… intrigués, c’est le moins qu’on puisse dire,d’apprendre que vous vouliez redevenir des créatures nocturnes, a dit Xavier endémarrant l’appareil.

J’ai regardé mon père. Je lui avais déjà fait part de notre plan au téléphone et ilavait semblé comprendre mes raisons de vouloir me retransformer. Sentantapparemment mon incertitude par rapport à ses sentiments véritables, il a tendu lebras et il m’a serré le genou, souriant.

– Je pense que nous étions tous surpris, a-t-il dit. Mais je suis sûr que tout lemonde sur l’Ombre se réjouira d’apprendre que le roi et la reine sont de retour.

Vivienne est revenue dans la pièce sans les jumeaux. Quand je l’ai regardée, ellea pointé l’arrière du sous-marin où Rose et Ben dévoraient un bol de fraises.

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– Corrine avait insisté pour leur préparer une collation pour le voyage, a-t-elleexpliqué.

Puis elle a pris place sur le siège à côté de Xavier et Derek et moi avons passé lereste du voyage à répondre à des questions au sujet de notre décision. Enfin, Xaviernous a regardés en levant un sourcil.

– Alors… présumant qu’Ibrahim confirme qu’il est possible de retransformerDerek en vampire, avez-vous décidé qui vous transformerait ?

Derek et moi avons échangé des regards.– Ça devrait être évident, a dit Derek en regardant son ami. Tu auras le privilège

de me transformer et Vivienne transformera Sofia.– Oh… a dit Xavier, feignant la déception. Je crois que je préfère transformer

Sofia. Je ne suis pas chaud à l’idée de te mordre le cou.Vivienne a donné un coup de coude dans le ventre de Xavier.– Non, Sofia m’appartient. À moi seule.J’ai rigolé, regardant Derek en haussant les épaules.– On dirait que personne ne veut du pauvre monsieur Derek. Peut-être que je

devrais le faire moi-même.J’avais dit ça en blaguant, mais ses yeux se sont illuminés.– Oui, Sofia. Pourquoi pas ? Pourquoi ne me transformes-tu pas ? Je préfère que

ce soit toi qui me mordes le cou que ce mec, a-t-il dit en frappant amicalementl’épaule de Xavier.

J’ai regardé Derek nerveusement.– Es-tu sérieux ?– Oui, je suis sérieux, a-t-il dit, soutenant mon regard. Vivienne te

transformera, puis tu me transformeras à ton tour.Mon estomac s’est noué.– Pourquoi pas Vivienne ?Il a regardé sa sœur, puis moi à nouveau.– Je pense que ce serait plus intéressant si c’était toi, a-t-il dit en souriant

légèrement.– Et si ça ne marchait pas ? Tu devrais y aller en premier, comme ça, si tu ne te

transformes pas, alors je ne le ferai pas non plus.– Eh bien, voyons d’abord ce qu’en dira Ibrahim, a-t-il répondu. S’il dit que je

peux être retransformé, alors nous le croirons sur parole.– Mais Derek, ai-je balbutié. Je n’ai jamais transformé quelqu’un avant. Et si je

faisais quelque chose de mal ?Il m’a observée pendant un moment, réfléchissant à la possibilité.– Xavier et Vivienne seront là pour te guider… et t’arrêter si nécessaire.

On venait à peine d’ouvrir l’écoutille que des cris et des applaudissements ont fusé.J’ai pris Rose, Derek a pris Ben, et nous sommes sortis du sous-marin.

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Une petite foule nous attendait au port pour nous accueillir. Des larmes me sontmontées aux yeux quand j’ai aperçu tous les visages familiers.

J’ai vite dû tendre Rose à mon père, car Ombre a foncé sur nous le premier. Lalangue qui remuait, il a sauté sur moi et il m’a léché le visage, me faisant presqueperdre l’équilibre. Il s’était libéré de l’emprise d’Eli, qui accourait maintenant versnous, tout sourire.

– J’ai entendu dire que tu avais décidé de revenir du côté sombre, Sofia, a ditClaudia en me faisant un clin d’œil narquois. Bienvenue.

Zinnia a ri, montrant les crocs. Gavin m’a donné un coup amical sur l’épaule.– Je suis content de te revoir.– Rose !Griffin, leur fils de quatre ans, a surgi de derrière Gavin. Ses cheveux roux frisés

me rappelaient tellement ceux de son père et il avait décidément les yeux noisettede sa mère. Il a couru vers Rose et il l’a enlacée, posant un baiser sur sa joue. J’aisouri en la voyant rougir.

– Salut, Griffin, a-t-elle marmonné.Griffin avait été une vraie surprise pour Zinnia et Gavin. Il avait été conçu durant

le voyage où ils avaient aidé Aiden à détruire l’organisation internationale deschasseurs. Le couple n’avait décidé que très récemment de devenir vampires, aprèsavoir jugé que leur petit humain était assez grand pour voir ses parents avec descrocs sans être traumatisé.

J’étais triste de savoir que deux vampires ne seraient pas là pour nous accueillir :Cameron et Liana. Je ne les avais pas vus depuis des années, mais ils memanquaient toujours autant. Ils avaient pris le remède et quitté l’île. Leurs enfantset leurs petits-enfants étaient déjà morts, mais ils désiraient ardemment retrouverleurs autres descendants. Ils avaient dit qu’ils reviendraient sur l’Ombre dansquelques années, mais nous les attendions encore.

Après avoir salué tout le monde au port, Derek et moi avons pris les jumeaux etnous les avons conduits vers la forêt. Mais au moment où nous allions y entrer,quelque chose a remué dans les buissons. Une petite vampire est apparue. Abby.

Elle m’a regardée en souriant légèrement. Quelque chose chez elle clochait.– Abby ! me suis-je exclamée.Elle a marché vers nous et je l’ai serrée fort dans mes bras. Puis j’ai reculé et j’ai

examiné son visage attentivement.« Qu’y a-t-il, ma chérie ? » ai-je demandé doucement.Une larme a roulé sur sa joue et sa lèvre a tremblé.– Je veux redevenir humaine, Sofia. Je veux grandir.J’ai pris une grande inspiration. Je sentais la souffrance dans sa voix. En fait, je

m’attendais à ce qu’elle me le demande plus tôt. Elle avait maintenant l’âge d’unejeune adolescente, mais elle était coincée dans le corps d’une enfant.

– Nous le ferons, Abby, promis. Nous te retransformerons avant la fin du mois.J’ai posé un baiser sur son front et elle a esquissé un large sourire, rassurée par

ma promesse. Elle m’a embrassée sur la joue avant de s’écarter, me laissant

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reprendre ma promenade avec Derek, Vivienne, Xavier et les jumeaux.– Sofia ! Derek !Je me suis retournée et j’ai vu Anna et Kyle qui marchaient vers nous. Les longs

cheveux noirs d’Anna cascadaient dans le vent et elle tenait Ariana, leur fille, dansses bras. Je les ai tous embrassés, puis Anna est restée à côté de moi tandis que Kylea marché jusqu’à Derek et les deux hommes se sont mis à parler de façon animée.

Ariana me rappelait Rose lorsqu’elle était plus jeune : un joli bébé aux yeux vertset aux cheveux sombres.

– Anna ! a crié Ben. Il a lâché Derek et il a marché jusqu’à nous.Anna lui a souri radieusement en se penchant pour l’embrasser. Ça me faisait

toujours chaud au cœur de voir le lien spécial entre eux et je me sentaiséternellement reconnaissante envers Anna. Si elle ne s’était pas occupée de Benlorsqu’il était encore prisonnier de la Volière, je doute que je l’aie retrouvé.

Rose s’est avancée et elle a tiré sur la manche d’Anna.– Hé Anna et Ariana.– Hé, ma jolie, a dit Anna avant de l’embrasser. Sofia, Ian est parti.J’ai sourcillé.– Déjà ?Elle a hoché la tête.– Il a enfin demandé Katrine en mariage le mois dernier et ils ont décidé qu’il

était temps de quitter l’île et de repartir à zéro dans le monde extérieur. Il étaitdésolé de ne pas pouvoir te dire au revoir en personne.

J’ai souri. Ian et Katrine – une humaine qui avait vécu non loin de chez lui auxCatacombes – avaient commencé à sortir ensemble trois ans plus tôt. Bien quedéçue qu’ils ne nous aient pas attendus pour dire au revoir, j’étais profondémentheureuse pour eux. Je voyais également la joie dans les yeux d’Anna, ainsi qu’unsoulagement évident. Ian avait enfin trouvé quelqu’un pour la remplacer et il nesouffrait plus chaque fois qu’il la voyait avec Kyle.

« Bon, je te laisse continuer ton chemin, Sofia, a dit Anna. Je suis sûre que tu asbeaucoup de pain sur la planche avec ton emménagement. À bientôt. »

Elle m’a embrassée à nouveau avant de repartir avec Kyle et Ariana.Derek a soulevé Ben et il l’a placé sur ses épaules. Ben a ri, heureux d’être

soudain aussi grand. J’ai pris Rose par la main et j’ai posé un baiser sur son nez, cequi l’a fait rigoler.

Alors que nous nous approchions des Résidences, deux autres visages familierssont apparus. Ashley et Landis – le frère cadet de Xavier – marchaient vers nous,main dans la main. Ashley avait mis deux ans à laisser entrer Landis dans son cœuraprès l’horrible mort de Sam, mais elle avait enfin retrouvé le bonheur.

J’ai couru vers elle et je l’ai serrée dans mes bras.– Tu m’as tellement manqué, ai-je dit après avoir posé un baiser sur sa joue

froide.Les larmes me sont montées aux yeux lorsqu’elle m’a souri. J’avais tellement

l’habitude de la voir sourire pour que les gens arrêtent de s’apitoyer sur elle. Mais

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maintenant, son sourire était sincère. Elle et Landis étaient heureux ensemble.J’ai discuté avec Ashley pendant plusieurs minutes avant de reprendre mon

chemin. Nous sommes arrivés au pied d’un des plus imposants séquoias géants del’île, sur lequel était construit notre appartement. Nous sommes entrés dansl’ascenseur de verre, montant au sommet.

Rose et Ben ont joué sur la véranda, contemplant le ciel étoilé. Nous nous étionsassurés de construire une clôture assez haute pour éviter tout accident. Nosjumeaux étaient dangereusement aventureux de nature et, maintenant qu’ilsdevenaient indépendants, il n’était pas toujours évident de garder l’œil sur eux.

Quand nous avons eu fini de monter nos bagages, nous avons laissé les jumeauxdans leur salle de jeux avec Aiden et nous avons quitté l’appartement en compagniede Vivienne et Xavier.

Nous sommes retournés en direction de la forêt, marchant jusqu’à la clairièreprès du temple. Le Sanctuaire de Corrine. Nous avons frappé aux énormes portes debois et Corrine a ouvert quelques instants plus tard.

– Bonjour ! a-t-elle dit, tout sourire. Entrez !Nous l’avons suivie dans des couloirs étroits du temple jusqu’à un bureau

circulaire bordé d’étagères remplies de potions. Ibrahim, assis à une petite tabledans un coin, a levé la tête.

– Bienvenue !Il s’est levé et il nous a serrés dans ses bras.Nous avons pris place autour de la table et Corrine s’est assise sur les genoux

d’Ibrahim.– Eh bien… a-t-elle commencé en levant un sourcil, nous observant

attentivement. Comme ça, vous voulez tous les deux redevenir vampires.Derek et moi avons échangé des regards avant d’acquiescer.– Mais nous devons savoir ce qu’il en est de Derek, ai-je dit. Pensez-vous qu’il

peut être retransformé – avec son pouvoir de feu et tout ?Ibrahim s’est frotté le menton en nous regardant en silence, l’air concentré.– Eh bien, nous ne savons toujours par quel genre de sortilège Cora t’a jeté pour

te donner ce pouvoir, a-t-il dit. Mais je suis presque sûr que ça n’interférera pasavec la métamorphose. Tu as déjà été vampire. Je ne vois pas pourquoi tu nepourrais pas l’être à nouveau.

J’ai regardé Derek, serrant sa main.– Alors faisons-le, a-t-il déclaré.

Quand nous sommes retournés à l’appartement, nous avons fini de défaire noscartons de déménagement, puis nous avons passé le reste de la soirée avec lesenfants. C’était notre dernière nuit avec eux en tant qu’humains. Derek et moiavions décidé que Vivienne me transformerait le lendemain, puis, si je m’en sentaiscapable, je transformerais Derek à mon tour le jour même.

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Cette nuit-là, les jumeaux ont dormi à nos côtés dans notre lit chaud. Plus tôt, jeleur avais cuisiné leur mets favori : des pommes de terre rissolées avec du fromageet de la sauce tomate.

Aiden est arrivé vers onze heures du matin pour s’occuper des jumeaux dans leursalle de jeux et nous en avons profité pour partir. Il nous avait promis de veiller sureux jusqu’à ce que nous soyons en état de les revoir.

Derek et moi nous sommes dirigés vers la clairière près du port, main dans lamain. Vivienne avait suggéré de nous transformer là-bas étant donné que l’endroitétait vaste, ne comportant rien de facilement destructible à au moins un kilomètreà la ronde.

Plus nous approchions et plus je devenais mal à l’aise. Des nœuds s’étaientformés dans mon estomac. Une petite foule de gens s’était rassemblée à la clairière,tous des visages familiers. J’ai dégluti en voyant Vivienne assise au centre, où unelarge dalle de pierre blanche avait été installée. Elle m’a souri en me voyantapprocher et elle m’a serré la main pour me rassurer.

– Je serai délicate, a-t-elle dit.Aussi délicate qu’un vampire peut l’être en mordant dans la gorge d’un humain.Je me suis rappelé la métamorphose d’Ashley dont j’avais été témoin au

Sanctuaire. Kyle l’avait transformée. Ashley s’était tordue de douleur pendant cequi m’avait semblé des heures. Et nous n’avions rien pu faire pour elle. Elle avaitdécrit l’expérience après coup comme étant une torture si insupportable qu’elleavait souhaité mourir.

Mais je me suis demandé si c’était comparable à l’agonie qu’était latransformation de vampire à humain. J’ai frissonné en me rappelant la sensationdu soleil me brûlant vivante. Je l’avais fait et j’avais survécu.

Ça ne peut pas être pire que ça. Rien ne peut être pire que ça.Un silence de mort régnait. Je me suis allongée sur la dalle et Derek s’est penché

pour m’embrasser tendrement sur les lèvres.– Je suis là avec toi, a-t-il dit. Je serai à tes côtés pendant tout le processus.J’ai dégluti et hoché la tête. Mon cœur battait la chamade.Derek a reculé et Vivienne a penché la tête jusqu’à mon visage. Elle a dégagé mes

cheveux de mon cou en sortant les crocs et j’ai levé les yeux vers Derek, qui asoutenu mon regard.

C’est à ce moment-là que j’ai réalisé ce qui me dérangeait vraiment dans cettesituation.

– Attends ! ai-je dit en repoussant Vivienne juste avant qu’elle ne déchire mapeau.

– Quoi ? a-t-elle demandé en fronçant les sourcils.Je me suis redressée et j’ai couru vers Derek, le prenant par la main.– J’ai besoin de parler à Derek avant, d’accord ? On revient bientôt.Derek a semblé tout aussi stupéfait que sa sœur quand je l’ai traîné jusqu’à la

forêt. Nous avons marché jusqu’à ce que nous soyons hors de la vue des autres, puisje l’ai regardé dans les yeux et j’ai dit : « Je veux que ce soit toi qui me transformes,

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Derek. »Il a écarquillé les yeux.– Hein ? Pourquoi ? Nous avons déjà décidé que tu me transformerais.Oh, mon Dieu. Comment vais-je lui avouer ça ?J’ai senti mes joues s’empourprer et j’ai dû détourner le regard.– C’est… un fantasme que j’ai, ai-je bégayé. Que tu me transformes. Depuis le

début.Un fantasme que je tenais caché loin dans mon inconscient depuis que je l’avais

rencontré. Je m’étais toujours imaginé que si on me transformait un jour, ce seraitDerek qui le ferait. Et je ne me l’étais jamais avoué avant maintenant.

Je me sentais tellement mal à l’aise de le dire tout haut et j’étais rouge commeune tomate.

Il m’a pris le menton et il l’a soulevé, me forçant à lui faire face. Ses yeuxintenses ont sondé les miens.

– Et si j’avais le fantasme que tu me transformes ? a-t-il demandé doucement.Je n’ai pas pu m’empêcher de rire de son regard aussi sérieux.– Alors tu seras un gentleman et tu laisseras ta femme vivre son fantasme.Il a froncé les sourcils pendant un moment, m’étudiant de près. Puis il a hoché la

tête, abdiquant.– Hm.Il a enroulé un bras autour de ma taille et nous sommes retournés à la clairière.« Changement de plan, tout le monde, a-t-il annoncé. J’ai décidé que je

transformerais Sofia moi-même. Alors Vivienne me transformera en premier. »Vivienne a semblé surprise, comme tout le monde. Mais Derek n’a laissé le

temps à personne de poser des questions. Il a marché jusqu’à la dalle et il s’estcouché dessus.

Sa sœur l’a regardé d’un air préoccupé, puis elle a soupiré et elle a penché la têtevers la sienne. Mon pouls a doublé lorsqu’elle a sorti les crocs et, en un mouvementsoudain, les a plantés dans le cou de Derek. J’ai accouru à la dalle, où j’avais unemeilleure vue de la scène. Mais Xavier m’a tirée par le bras et m’a écartée.

– Nous ne savons pas dans quel état il sera à son réveil. Il est mieux de nouséloigner.

J’ai reculé, comme tout le monde. Ashley m’a serré la main.– Ne t’inquiète pas, a-t-elle murmuré. Derek est un guerrier. Il s’en sortira.Mais ses mots ne m’ont pas rassurée, car le corps Derek s’est mis à convulser.Je savais que Vivienne ne ferait jamais de mal à son frère, mais j’étais incapable

de calmer mes palpitations, constatant que les convulsions de Derek empiraient.Quand Vivienne a reculé, essuyant le sang au coin de ses lèvres, il tremblait siviolemment que Xavier et Yuri ont dû lui agripper un bras chacun. Puis est arrivé lesang. Derek a commencé à en vomir par gorgées. Ashley a resserré sa poigne surmoi quand j’ai essayé de courir vers lui à nouveau.

– Le sang est bon signe, Sofia, a-t-elle chuchoté. Ça veut dire que le venin deVivienne fonctionne.

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J’ai essayé de respirer calmement.C’est bon signe. C’est bon signe.J’ai répété les mots dans ma tête comme une prière.Enfin, Derek a cessé de tousser et son corps s’est aplati contre la dalle. Ses

mains et ses pieds tressaillaient toujours, mais Xavier et Yuri l’ont lâché, faisant unpas en arrière. Ashley a également desserré son emprise en me voyant me relaxer.

Les yeux de Derek sont restés fermés. Son corps semblait maintenant tropinerte. Quand il tremblait, au moins, il était évidemment vivant. Mais maintenantqu’il était si immobile…

Avant qu’Ashley puisse m’en empêcher, j’ai couru à travers la foule vers la dalle.Xavier et Yuri ont pivoté.– Non ! ont-ils crié en chœur. Ne t’approche pas. Ton sang—Ashley m’a attrapée par la taille et m’a ramenée vers la foule.– Arrête, Sofia ! a-t-elle sifflé à mon oreille. Xavier t’a déjà dit que nous

ignorions dans quel état il serait à son réveil.Mais il était trop tard.Derek a ouvert les yeux d’un coup et il s’est redressé brusquement, essuyant le

sang sur son visage avec sa manche. Il a tourné la tête vers moi et ses yeuxenflammés – désormais beaucoup plus brillants qu’avant – se sont posés sur moi.

Le lion avait senti sa proie.Xavier et Yuri se sont rués sur lui, mais il les a poussés de son chemin avec une

force que j’avais oublié qu’il possédait. Puis Ashley et Claudia ont bondi sur lui pourme protéger, mais il les a écartées tout aussi facilement. M’attrapant par la taille, ilm’a lancée par-dessus son épaule et il a filé vers la forêt.

– Non ! ai-je hurlé. Derek, arrête !Il continuait à courir à sa vitesse phénoménale. Ce n’est que lorsqu’il a eu semé

les autres qu’il s’est arrêté au pied d’un arbre. Il m’a posée par terre, puis il m’aagrippé le cou et il m’a plaquée contre l’arbre. Il a écrasé une main sur ma bouchepour étouffer mes cris, utilisant l’autre pour dégager les cheveux de mon cou. Sesyeux étincelaient d’une faim telle que j’étais sûre qu’il me saignerait à blanc enquelques minutes à peine.

Oh non. Pas encore.C’est impossible.Ça ne peut pas arriver.J’avais pensé qu’il redeviendrait le vampire qu’il était avant d’être retransformé

en humain. Mais jamais je n’aurais cru qu’il régresserait au stade du vampireincontrôlable qu’il était à son réveil après quatre siècles de sommeil. Ça ne m’avaitpas traversé l’esprit. Mais maintenant, à mon horreur, tout de la situation merappelait ce moment. La façon dont il m’écrasait contre une surface dure, ses yeuxqui brasillaient, son souffle glacial contre ma peau.

Tout était identique à la nuit de notre rencontre.Et nos enfants ?J’ai fait la seule chose que j’avais faite dans le passé lorsque Derek perdait le

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contrôle de lui-même : j’ai commencé à fredonner notre chanson. Même avec samain sur ma bouche, je l’ai fredonnée le plus fort possible.

– Silence, a-t-il grogné. Ta petite chanson ne fonctionne plus avec moi.Quoi ?Haletant, les yeux reluisants, il a approché sa bouche de ma gorge. J’ai frémi en

sentant ses crocs acérés et sa langue froide contre ma peau. Je commençais à perdretout espoir de pouvoir le faire sortir de sa torpeur à temps lorsqu’il m’a lâchée. Jel’ai senti reculer.

Quand j’ai ouvert les yeux, son regard maniaque avait disparu, laissant place àson sourire espiègle. Dès que mes yeux ont rencontré les siens, il a éclaté de rire.

« Tu aurais dû voir ta tête ! » a-t-il dit, à bout de souffle.Ma mâchoire s’est décrochée et mes joues se sont empourprées à nouveau.– Oh, mon Dieu, Derek ! ai-je soufflé.– Tu étais si adorable… et quand tu as essayé de fredonner notre chanson…Il m’a pris le visage entre les mains et il a pressé ses lèvres contre les miennes.

Je suis désolé. C’était trop facile. Je n’ai pas pu résister.– J’ai failli faire une crise cardiaque !Il a éclaté de rire à nouveau, et cette fois, je n’ai pas pu m’empêcher de rire à

mon tour, bien que je tremble toujours du choc que je venais de subir.« J’ai cru qu’on était de retour à la case départ, ai-je dit. Tout ce travail que

j’avais investi en toi pour rien ! »– Non, a-t-il dit en essayant de contenir son rire. Je suppose que j’ai gardé le

progrès que j’avais fait en tant que vampire… heureusement pour toi.Il a levé un sourcil et il m’a tirée contre lui, humant mon parfum.« Cela dit, ton odeur est plutôt alléchante. »– Eh bien, tu pourras me goûter tout à l’heure, ai-je marmonné en voyant les

autres accourir vers nous.Ils nous dévisageaient, leurs visages blêmes de panique. La terreur dans leurs

yeux s’est transformée en confusion en nous voyant agir comme si de rien n’était.– Cette plaisanterie, c’était la brillante idée de votre roi, ai-je dit en fusillant

Derek du regard.

« Alors c’est comment être vampire à nouveau ? » ai-je demandé.Nous étions à l’appartement de Vivienne, dans une des chambres d’amis. Derek

et moi étions allongés l’un à côté de l’autre, main dans la main.– C’est… étrange. Maintenant que j’ai eu un moment de répit, je ne déteste pas

ça autant qu’avant. Je suis également soulagé de savoir que je n’aurai plus à mesoucier du feu jaillissant de mes paumes quand je deviens trop… euh, excité.

Il m’a fait un clin d’œil. J’ai souri à pleines dents.J’avais suggéré qu’il se repose après le traumatisme de ce matin, afin de nous

préparer pour ma transformation. Le soir était venu.

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Nous nous sommes tous les deux tus. Maintenant que le moment était arrivé,j’ai senti mes joues rougir à nouveau. J’étais sûre que nous pensions la mêmechose.

J’ai mordu ma lèvre en le regardant. Son visage était maintenant sérieux, sesyeux intenses.

– Eh bien, ai-je marmonné. J’imagine qu’il est temps.Sans un mot de plus, il s’est levé et il m’a soulevée dans ses bras avant de me

transporter hors de la chambre. Nous sommes passés devant le salon, où Vivienneet Xavier étaient assis sur un canapé.

– Vous le faites maintenant ? a-t-elle demandé.Derek a acquiescé.Ils se sont tous les deux levés, mais Derek a secoué la tête.– Nous n’aurons pas besoin de vous. Je peux m’en occuper… peu importe l’état

dans lequel Sofia sera après sa transformation.Il est vite sorti, ne leur laissant pas le temps de répondre. Nous avons pris

l’ascenseur jusqu’en bas et il a commencé à courir dans la forêt à une vitesse telleque j’en ai eu le souffle coupé. Je me suis cramponnée à lui.

Nous avons dépassé la clairière où Vivienne avait transformé Derek plus tôt.– Où allons-nous ?– Réalises-tu que c’est la dernière nuit où nous sommes tous les deux comme

nous étions quand nous nous sommes rencontrés ? Quand je suis tombé amoureuxde toi ?

J’ai hoché la tête, laissant ses paroles s’imprégner dans mon esprit.Derek, un vampire. Moi, une humaine.Derek a couru sur la plage, longeant le mur, jusqu’à un amas de rochers. Il a

grimpé dessus. Après quelques minutes, il est apparu au loin : le phare.Tous les souvenirs que j’associais à cet endroit me sont revenus en mémoire et

j’ai dû ravaler mes larmes.Arrivé au pied du phare, Derek a monté l’escalier à la course. Au sommet, il a

poussé la porte menant à la pièce octogonale et il m’a étendue sur le lit à baldaquinque nous avions fait livrer ici pour les occasions spéciales, où nous prenions dutemps pour nous, loin de tout. Derek a fait le tour de la pièce, tirant les rideaux develours rouges et allumant les chandelles autour du lit.

– Je me suis amusé plus tôt, a-t-il dit en s’approchant du lit et en me regardantpassionnément. Maintenant c’est ton tour, Sofia. C’est ta nuit. Ton fantasme.

Ma gorge s’est asséchée lorsqu’il a retiré son t-shirt, révélant son torse ciselé.« Alors, ma chérie. Par quoi aimerais-tu commencer ? »– Je… Je, euh…Il a penché la tête d’un côté.– Sofia Novak donne sa langue au chat ? Que se passe-t-il ?Il a arraché son jean en un mouvement soudain, révélant son caleçon.« Est-ce que je t’intimide ? »J’ai dégluti.

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Il s’est agenouillé sur le lit, puis il a rampé jusqu’à moi. Il a cloué mes bras au-dessus de ma tête. Qu’est-ce qui m’arrive ? Je me sentais comme une adolescentemaladroite dont l’amoureux venait d’entrer dans la pièce.

J’ai fermé les yeux et ses lèvres ont trouvé l’endroit le plus sensible de mon cou,sous mon oreille. Il a passé la langue dessus, puis j’ai senti ses crocs me caresserdoucement la peau.

J’ai expiré profondément.« Est-ce bien ce que tu veux, Sofia ? » a-t-il chuchoté en passant la main

derrière mon dos et commençant à déboutonner ma robe.– Oui, ai-je soufflé.– Vraiment ? a-t-il demandé en enlevant ma robe puis en détachant mon

soutien-gorge.– Oui.Il a attrapé le devant de mon soutien-gorge avec ses dents et il l’a lancé par

terre. Puis il a baissé la tête jusqu’à ma petite culotte et, mordant l’élastique, il mel’a enlevée également.

– Et tu veux que ce soit moi qui le fasse ? a-t-il demandé en caressant mescuisses.

– Évidemment.Il a esquissé un léger sourire.J’ai frissonné lorsqu’il s’est placé sur mes hanches.– D’accord, a-t-il chuchoté. Puisque tu insistes.

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D

CH A P I T R E 1 : S O F I A

ouze ans plus tard…– Une colonie de vacances à dix-sept ans ? Es-tu sérieuse, maman ?J’ai regardé ma fille sérieusement. Ses longs cheveux noirs étaient attachés en

queue de cheval et ses yeux verts me fixaient.Ma Rose. Princesse de l’Ombre.« Ben ! » a-t-elle crié.La porte s’est ouverte en grand et son frère est apparu dans la salle à manger.« Tu n’en croiras pas tes oreilles, a-t-elle dit en soupirant d’agacement. Maman

veut encore nous envoyer à la colonie de vacances cette année. »– Quoi ?Ben, mon prince. Il ressemblait à son père comme deux gouttes d’eau, ayant

également hérité de sa haute stature. Il nous a regardées successivement, Rose etmoi. Dès qu’il a posé les yeux sur sa sœur, son visage s’est empreint de la mêmeexpression que la sienne. Puis il s’est tourné vers moi.

« Sérieusement, maman ? L’année dernière, d’accord, mais cette année ? On estbeaucoup trop vieux ! »

Je n’ai pas pu m’empêcher de glousser à leur indignation.– Oh, je suis désolée, vieil homme, ai-je dit en lui tapotant l’épaule. Est-ce que

ton arthrite fait des siennes ?– Papa ! a crié Ben.Comme Derek n’a pas répondu, Ben est parti en trombe à la recherche de son

père.– Hé, maman. Est-ce que je pourrais recevoir mon cadeau d’anniversaire à

l’avance cette année ? a demandé Rose en battant ses longs cils.– Quoi ?– Ne m’envoie pas à la colonie de vacances, a-t-elle dit d’un air impassible.– Vous deux ! ai-je dit. Ce n’est pas la même où vous êtes allés l’année dernière.

D’ailleurs, ce n’est pas une colonie de vacances. C’est un camp de survie. Vous allezvous amuser. Ça se passe sur une petite île au large de l’Écosse. Regardez, voici labrochure. Comme vous pouvez voir sur la première page, c’est pour les dix-sept àvingt-cinq ans, donc vous serez les plus jeunes. Grand-papa a déjà réservé—

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– Oh, alors c’est pour les gens de l’âge de mes parents. Super ! a dit Rosesarcastiquement. Pourquoi vous n’y allez pas tous les deux ?

– Faites gaffe, vous deux, a dit Derek en entrant dans la pièce avec Ben.Il était toujours en pyjama, traînant un livre sous le bras.« Vous n’atteindrez jamais dix-sept ans si vous continuez comme ça, a-t-il dit

en sortant les crocs. Vous serez des vampires de presque dix-sept ans pourtoujours. »

Il a attrapé Ben et lui a frotté la tête. Ben s’est libéré de son emprise et il amarché jusqu’à sa sœur, qui se tenait à l’autre bout de la table.

– Tu étais au courant ? a-t-il demandé à son père d’un ton accusateur.– Oh oui, a dit Derek. En fait, c’était mon idée.Ils ont tous les deux grogné.– Pourquoi vous voulez vous débarrasser de nous à ce point ? a demandé Rose.– Nous en avons déjà discuté, ma chérie, ai-je soupiré. C’est la dernière fois où

vous aurez la chance de sortir dans le monde extérieur et être normaux. Vousrépétez sans cesse que vous voulez devenir vampire. Eh bien, c’est le prix à payer,car vous allez nous remercier dans cinq cents ans. Vous repenserez à cette époqueavec nostalgie.

– Cinq siècles coincés avec vous, a marmonné Ben. Peut-être que je devraisrester humain.

– Tu nous supplies de te transformer depuis que tu as huit ans, lui ai-je rappelé.Il s’est tu.« Bon, vous partez le lendemain de votre anniversaire. C’est dans trois jours.

Alors je vous suggère de commencer à faire vos valises. Jetez un coup d’œil à cetteliste et dites-moi s’il vous manque quelque chose. »

Sur ce, j’ai pris la main de Derek et nous avons quitté la pièce.« Ils se plaignent chaque année. Mais quand ils reviennent, ils disent qu’ils se

sont amusés comme des fous. Les adolescents. Ils doivent toujours trouver uneraison pour s’indigner. »

J’ai embrassé Derek sur la joue et j’ai annoncé : « Bon, je vais voir Corrine. »– D’accord, mon amour, a-t-il dit avant de retourner à son bureau.J’ai quitté l’appartement et je me suis dirigée vers le Sanctuaire. J’ai frappé aux

portes. Ibrahim a ouvert, une tasse de thé épicé à la main.– Salut, Ibrahim.– Bonjour, Sofia. Comment puis-je t’aider ?– Je suis venue voir Corrine. Est-elle là ?– Non, elle est à l’école.Je l’ai remercié et je suis repartie, marchant dans la forêt jusqu’au centre animé

de la ville : la Vallée. L’école était dans un large édifice au milieu de la placepublique. J’y suis entrée et j’ai longé les couloirs en regardant dans chaque salle declasse. Je me suis arrêtée net en apercevant mon père – maintenant un vampire – appuyé contre un bureau dans une des pièces. Il parlait à Adelle, la directriced’école. Adelle était une sorcière aux cheveux brun-roux éclatants, grande, dans la

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trentaine.Elle était arrivée sur l’île dix-sept ans plus tôt avec Ibrahim et un groupe de

sorcières et de mages qui avaient abandonné le Sanctuaire pour vivre avec nous.Nous leur étions éternellement redevables ; l’Ombre ne serait pas ce qu’elle étaitaujourd’hui sans eux. Avant leur arrivée, à cause des Doyens et de leursdescendants, notre île était en ruines. Mais grâce aux sorcières, aujourd’hui, elleétait encore plus merveilleuse qu’avant.

– Oh, bonjour, Sofia, a dit Aiden en remarquant ma présence.Je trouvais encore bizarre de le voir en vampire. Il avait fini par céder environ un

an après que Derek et moi nous soyons retransformés. Il avait détesté ça au début,mais au fil du temps, il avait fini par s’y habituer. Ces derniers temps, je l’avaissouvent surpris à entretenir de longues conversations avec Adelle. Je n’avais pasencore osé lui parler de leur amitié, mais je voyais bien l’attirance qui étincelaitdans son regard chaque fois qu’il posait les yeux sur elle. Ça me faisait chaud aucœur de le voir s’ouvrir à une autre femme. Et cette fois, une femme qui le méritait.

– Salut, papa, ai-je dit. Je passais juste.Je les ai laissés seuls, souriant. J’ai continué à longer les couloirs dans l’espoir de

repérer Corrine. C’est à ce moment-là que j’ai vu Abby. Elle était assise à un bureaudans une petite salle à prendre des notes et brasser des papiers.

Elle a levé la tête dès que je suis entrée. Abigail Hudson était désormais uneravissante jeune femme. Ses longs cheveux blonds étaient attachés en chignon etelle me regardait de ses yeux bleu clair. Sa ressemblance avec son frère était sifrappante que je devais parfois m’isoler un moment après lui avoir parlé, histoirede me ressaisir et ravaler les larmes qui menaçaient de se déverser sur mes joues.

Des années plus tôt, nous l’avions retransformée en humaine pour qu’ellepuisse grandir. Elle était restée humaine jusqu’à ses dix-huit ans, où elle avaitdécidé de redevenir vampire. Je l’avais transformée moi-même. Aujourd’hui, elletravaillait comme institutrice avec les sorcières et elle adorait visiblement ça.

– Salut, Sofia, m’a-t-elle saluée, tout sourire. Comment puis-je t’aider ?– Sais-tu où se trouve Corrine ? ai-je demandé. Ibrahim a dit qu’elle était

quelque part ici.– Elle est avec Anna dans le réfectoire.– Merci, Abby.J’ai tourné les talons et j’ai quitté la pièce. Arrivée au réfectoire – une immense

salle à manger aux plafonds hauts avec de longues tables de bois –, j’ai vu Corrineet Anna assises dans un coin. Elles semblaient en pleine conversation sérieuse,aussi j’ai attendu près de la porte, mais grâce à mon ouïe aiguisée, je n’ai pas pum’empêcher d’entendre ce qu’elles disaient.

– Je pense que nous aurons besoin d’un seul échantillon de sang de plus, a ditCorrine. Après ça, je suis sûre que nous en aurons assez pour en créer d’autres àpartir de ce que tu nous as donné au fil des ans. Nous avons entreposé leséchantillons en lieu sûr.

Bien sûr. Corrine m’avait déjà dit qu’elle aurait cette conversation avec Anna.

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Comme elle était la seule immune de l’île, son sang nous était extrêmementprécieux.

Elle nous en avait donné des quantités généreuses afin que nous l’entreposionset que nous l’utilisions pour tout vampire désirant redevenir humain. Les sorcièresavaient développé un moyen de cloner son sang et de le mélanger à du sang animalqui avait le même effet, lorsque consommé par un vampire. Sans cette méthode,Anna n’aurait pas pu fournir assez de sang pour répondre aux besoins de l’île. Lessorcières avaient rangé les échantillons dans trois lieux sûrs de l’île – ainsi, si undésastre survenait, il était moins probable que nous perdions tout. Les vampiresauraient donc la possibilité de redevenir humains même après la mort d’Anna.

Les cheveux noirs et raides d’Anna tombaient sur ses épaules et ses yeux étaientrivés sur Corrine. Lorsqu’elle ne donnait pas de sang ni qu’elle ne passait du tempsavec sa famille, elle travaillait à la maternelle de l’île. Elle était dans la trentaineavancée désormais et son ventre était énorme : elle et Kyle attendaient leurtroisième enfant.

J’avais du mal à imaginer que j’aurais son âge aujourd’hui si Derek ne m’avaitpas retransformée en vampire. J’avais le cœur gros en la regardant. Je lui devaistant, bien plus que je ne pourrais jamais lui rendre. Et je me sentais impuissante.

Comme Anna était immune à la malédiction vampirique, elle ne pourrait jamaisdevenir l’une d’entre nous. Immortelle. À notre connaissance, la seule façon deguérir un immun était de l’emmener à Cruor – où j’avais moi-même été emmenée.Mais s’était un sort bien pire que la mort et comme les portes menant à ce royaumeavaient disparu depuis presque vingt ans, il était impossible de nous y rendre.

Ainsi, nous devions tous accepter le fait qu’elle mourrait un jour. C’était pourcette raison que Kyle ne s’était pas retransformé en vampire. Ne supportant pasl’idée de vivre sans elle, il avait décidé qu’il mourrait lui aussi de vieillesse.

– Ce n’est pas un problème, Corrine, a dit Anna en souriant légèrement. Je t’aitoujours dit que ça ne me dérangeait pas de donner du sang. Je suis heureuse devous aider.

– Oui, a dit Corrine en lui serrant la main. Et cette île t’est déjà trop redevable,Anna. Nous ne voulons pas prendre plus que le strict nécessaire.

– Ça va, Corrine. Vous êtes ma famille.Corrine a soupiré et elle s’est levée.– Eh bien, je ne vais pas te retenir plus longtemps, a-t-elle dit en regardant

l’énorme ventre d’Anna. Prends soin de toi, d’accord ?Anna a hoché la tête et elle s’est dirigée vers la sortie de l’autre côté de la pièce,

puis Corrine m’a rejointe.« Ah, Sofia. Je t’attendais, a-t-elle dit en passant le bras autour du mien pour

me conduire hors de la salle à manger. Retournons chez moi. »– Alors tu n’auras vraiment pas besoin de plus de sang après ça ? ai-je demandé.– C’est exact. Nous en avons assez pour créer d’autres échantillons, pourvu que

rien n’arrive à nos réserves.J’ai soupiré profondément. Corrine m’a regardée.

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« Anna est en paix avec sa vie. Tu te fais plus de souci qu’elle. En es-tuconsciente ? »

J’ai hoché la tête.– Je ne supporte pas l’idée de la perdre un jour. Ce serait comme perdre une

sœur.– Je sais, a répondu Corrine en serrant la mâchoire. Tout le monde sur cette île

pleurera sa mort. Anna est une personne exceptionnelle. Kyle a beaucoup dechance.

Nous avons marché en silence jusqu’au Sanctuaire. Une fois assise dans le salonde Corrine, j’ai essayé de chasser Anna de mes pensées. De chasser le fait que jen’avais aucun contrôle sur son destin.

– Alors, ai-je dit en m’éclaircissant la voix, à propos de l’anniversaire desjumeaux…

Les yeux de Corrine se sont illuminés et elle a commencé à m’expliquer ses idéespour leur fête d’anniversaire. J’ai levé une main.

« Corrine, c’est de ça que je suis venue te parler. Ils ne veulent pas qu’on leurorganise une grosse fête cette année. »

Son visage s’est décomposé.– Pourquoi pas ? On s’éclate tellement…– Ils… grandissent. Ils n’aiment pas l’idée que leurs parents organisent encore

leur anniversaire. Je les oblige déjà à aller dans un camp de survie cet été. Ils nevoudront pas une grosse fête non plus. Nous pourrions simplement préparer unpique-nique pour tous les enfants et adolescents de l’île.

Corrine a dégluti, déçue, puis elle a hoché la tête.– Eh bien… d’accord.Je lui ai serré les épaules. La sorcière – qui n’avait pas encore fait d’enfants avec

Ibrahim, car, étant sorcière, il lui restait amplement le temps – couvrait lesjumeaux d’affection et de cadeaux, savourant chaque seconde.

Je savais combien les jumeaux lui étaient importants – surtout Rose – et j’ai vu ladouleur dans ses yeux lorsqu’elle a réalisé qu’ils n’étaient plus les jeunes enfantsqui s’enthousiasmaient aussi facilement à l’attention qu’elle leur donnait.

Je suis restée chez la sorcière environ une demi-heure de plus à discuter dupique-nique, puis je suis retournée chez moi.

Quand les jumeaux seront partis, nous devrons parler de choses bien plusimportantes que leurs fêtes d’anniversaire.

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–I

CH A P I T R E 2 : R O S E

l porterait le jean de ma grand-mère qu’il serait quand même sexy, a ditBecky en regardant ardemment mon frère, qui était assis de l’autre côté de

la pelouse avec un groupe d’amis.– J’adore qu’il se laisse pousser les cheveux un peu, a dit Jessica en le fixant d’un

air rêveur, le menton appuyé dans sa paume. Mince, ça lui va bien !– Sérieusement, qu’est-ce que tes parents lui donnent à manger ? a demandé

Sylvia en se tournant vers moi.– La même chose qu’à moi, ai-je marmonné avant de soupirer d’agacement.– Avec qui tu crois qu’il sortira maintenant qu’il n’est plus avec Yasmine ? a

demandé Jessica.– Aucune idée.– Est-ce qu’il s’entraîne toujours aux arts martiaux avec ton père ? a demandé

Becky.– Ouais, ai-je dit en étirant les jambes sur la pelouse et en bâillant. On

s’entraîne tous les deux avec lui.– Ahhh… Prince Benjamin Novak, a chuchoté Sylvia, soupirant de désir.

M’appartiendras-tu un jour ?J’ai regardé les trois filles qui étaient restées avec moi après le pique-nique rien

que pour reluquer mon frère. Ben était le tombeur de toutes les filles de l’île. Quandj’étais avec mes copines en la présence de mon frère, j’avais l’impression de nemême pas exister.

C’était mon anniversaire autant que celui de Ben, pourtant elles avaient passétout le pique-nique à le fixer en racontant des potins sur lui. Des fois, je medemandais même combien de filles étaient amies avec moi seulement pour serapprocher de mon frère.

Quant à moi, je ne semblais pas vraiment attirer l’attention des garçons de monâge. Certes, je les surprenais parfois à me regarder, mais c’était tout. Mes copinesdisaient que j’intimidais les garçons, car j’étais la princesse de l’Ombre. Ma théorieétait qu’ils étaient plutôt intimidés par les hommes de ma famille. Je me disaisqu’être surveillé à la fois par Derek et Ben Novak était une idée trop menaçantepour un jeune homme, aussi ils n’osaient pas s’approcher de moi. Car mon frère

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était tout aussi protecteur que mon père. Et après tout, il y avait plusieurs autresfilles sur l’île, beaucoup plus faciles à atteindre que moi.

À vrai dire, ça m’était égal. Ma vie ne tournait pas autour de la perspective detrouver un petit copain, contrairement à ce que mes amies semblaient penser.

J’ignore si c’était seulement mon imagination, mais j’avais l’impression queleurs racontars avaient empiré ces derniers mois. C’est pourquoi je passais de plusen plus de temps avec Griffin. Lorsqu’il n’était pas dans les parages, j’avais prisl’habitude d’aller chez les amis de mes parents. J’avais réalisé que j’avais plus encommun avec eux qu’avec la plupart des gens de mon âge, tous des humains.

L’Ombre était un drôle d’endroit. Bien que les amis de mes parents étaienttechniquement encore adolescents, beaucoup vivaient depuis des siècles. D’unecertaine façon, je disposais du meilleur des deux mondes avec eux ; leur esprit étaitjeune, mais en même temps, ils avaient tellement d’expérience de vie – des sièclesde connaissances et d’histoires à partager.

– Ferais-tu ça pour nous, Rose ?J’ai levé la tête, remarquant que mes trois amies me fixaient attentivement. Je

rêvassais et j’avais complètement perdu le fil de leur conversation.– Euh, pardon. Quoi ? ai-je marmonné.– On veut que tu nous fasses une visite guidée de la chambre de ton frère, a dit

Jessica, les yeux noisette écarquillés d’excitation.– Oh ! ai-je pouffé. Non, croyez-moi, vous ne voulez pas faire ça. C’est tellement

bordélique, vous n’avez pas idée…Ma voix s’est estompée quand j’ai vu Anna et Kyle s’asseoir sur l’herbe à

quelques mètres de nous avec leurs enfants, Ariana et Jason.Ariana avait quatre ans de moins que moi, mais je sentais que sa compagnie

serait plus plaisante que celle de mes amies. Je me suis levée et j’ai secoué ma robepour enlever les brins d’herbe.

« On se voit plus tard, » ai-je annoncé, partant avant qu’elles puissent objecter.Les quatre ont levé la tête en me voyant approcher.– Joyeux anniversaire, princesse, a souri Kyle. Tu veux t’asseoir avec nous ?– Merci.Je me suis assise à côté d’Ariana. Tout le monde sur l’île disait en blaguant que

nous étions jumelles, car nous nous ressemblions.– Joyeux anniversaire, a dit Ariana, la bouche pleine de gâteau. Quoi de neuf ?– Oh, pas grand-chose.J’ai soupiré, balayant la pelouse des yeux à nouveau. La plupart de nos invités

avaient déjà quitté le pique-nique et quelques retardataires arrivaient pour déposerdes cadeaux et prendre une bouchée de gâteau.

« Au fait, merci beaucoup pour les cadeaux. »– Tu les as aimés ? a demandé Jason en me regardant par-dessus l’épaule

d’Ariana.La bouche du gamin de dix ans était couverte de glaçage à la fraise.Anna nous avait tricoté des pyjamas, de vrais chefs-d’œuvre. Je détestais penser

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qu’elle avait dû passer des heures et des heures à les confectionner.– Je n’ai jamais vu d’aussi beaux pyjamas, ai-je dit en ébouriffant les cheveux de

Jason. Merci.– Je t’en prie, ma chérie, a dit Anna en souriant.– Salut, Rose.J’ai pivoté pour voir qui avait parlé. Un grand rouquin aux yeux noisette. Et

probablement le seul ami qui me restait sur l’île : Griffin.« Désolé de n’avoir pas pu venir avant, » a-t-il dit d’un air penaud.– Oh, ça va.Une main derrière le dos, il a tendu l’autre pour me tirer sur mes pieds. Je me

suis tournée vers Ariana et sa famille.« Désolée, les amis. On se voit plus tard. Profitez bien du gâteau. »– À plus !Je me suis retournée vers Griffin et j’ai essayé de voir ce qu’il cachait derrière

son dos. Il a reculé, me bloquant la vue.– Attends, a-t-il dit en riant. Pas tout de suite. Suis-moi.Il a posé la main dans le bas de mon dos et il m’a menée vers l’orée du bois.– Où m’emmènes-tu ? ai-je demandé en fronçant les sourcils, feignant la

méfiance.– Fais-moi confiance, a-t-il répondu, toujours souriant. C’est une surprise.Il m’a conduite jusqu’au port, refusant de répondre à mes questions. Nous avons

marché jusqu’au bord de la jetée.« Regarde tout droit, » a-t-il dit.J’ai placé les mains sur la rambarde et j’ai fixé l’océan sombre. Puis j’ai entendu

un cliquetis derrière moi et Griffin a annoncé : « D’accord, tu peux ouvrir lesyeux. »

Il était debout à côté de moi, un ravissant collier de coquillages à la main.« Joyeux anniversaire. »– Oh !J’ai tendu la main vers le collier.– Je vais te le mettre. Il est plutôt fragile.– Ouais, bonne idée.J’ai ramassé mes cheveux en boule au-dessus de ma tête et j’ai senti les mains

chaudes de Griffin autour de mon cou, attachant le fermoir.« J’aimerais bien qu’il y ait un miroir ici… L’as-tu fabriqué toi-même ? »– Ouais.– C’est superbe. Merci, mec, ai-je dit en lui tapant l’épaule amicalement. Dis,

depuis quand tu explores ton côté féminin ?– Depuis que j’ai réalisé que la princesse méritait peut-être mieux que des

cochons en chocolat chaque année… que ma mère faisait, en passant. Je les prenaisdans la cuisine et je prétendais les avoir faits moi-même.

– J’ai toujours trouvé que ces cochons étaient douteusement bons, ai-je dit enrigolant. Qu’as-tu offert à Ben ?

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– Oh, encore des cochons.– Alors la princesse méritait mieux, mais pas le prince ?– Ouais, j’imagine, a-t-il répondu nonchalamment en passant la main dans ses

cheveux. Peut-être que j’aurai une meilleure idée de cadeau l’année prochaine.Mais pour l’instant, c’est des cochons en chocolat.

– Je vois… Et pourquoi avais-tu besoin de m’emmener jusqu’ici pour me donnerle collier ?

– Oh, je ne sais pas. Je trouvais que l’ambiance allait bien avec le cadeau.Il a détourné le regard vers l’océan et placé les mains sur la rambarde, près des

miennes. Puis il s’est éclairci la gorge.« Rose, euh. Je voulais aussi te demander si… si tu—– Si je voulais des cochons ? ai-je demandé, tout sourire.Il a ri en secouant la tête.– Non, en fait – quoique tu peux en avoir si tu veux, mais… Je–je voulais te

demander…– Rose !J’ai pivoté et j’ai vu Ben émerger de la forêt.– Attends un instant, Griff, ai-je dit en m’excusant du regard.– Euh, d’accord. Ouais. Pas de problème.J’ai couru vers mon frère.– C’est le moment idéal, a-t-il murmuré précipitamment. Presque tout le

monde est parti, mais Corrine est encore là avec Ibrahim.– D’accord, ai-je dit en lançant un regard vers Griffin. Mais laisse-moi d’abord

lui dire au revoir.Je suis retournée vers mon ami.« Griff, je dois y aller. »J’ai enroulé les bras autour de son cou et je l’ai serré fort. Quand j’ai posé un

baiser sur sa joue, j’ai été surprise de le voir rougir. Soudain gênée, j’ai reculé. Cen’est pas comme si je ne l’avais jamais serré dans mes bras. Qu’est-ce qui luiprend ? Cependant, je n’ai pas eu le temps d’y réfléchir, parce que Ben m’attendaitimpatiemment.

« Il faut vraiment que je, euh, que je finisse mes valises. Mais merci encore unefois pour un cadeau aussi ravissant et attentionné. Et tu ferais mieux de continuerle bricolage, parce que l’année prochaine, je veux une couronne… »

– D’accord, princesse, a-t-il dit en souriant narquoisement, fourrant ses mainsdans ses poches. Le collier te va à ravir.

– Merci…Un étrange silence a suivi tandis que Griffin m’a fixée.« Ah oui, qu’allais-tu me dire ? »– Oh, rien, a-t-il répondu rapidement. Honnêtement, j’ai oublié ce que j’allais

dire.Il était rouge comme une tomate.– Oh, d’accord. Eh bien, si je ne te vois pas avant mon départ, j’imagine qu’on se

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reverra dans deux mois.– D’ac.Je lui ai tapoté l’épaule avant de rejoindre Ben. Nous avons filé dans la forêt

jusqu’à la clairière où avait lieu le pique-nique. J’ai balayé l’endroit des yeux à larecherche de mes parents. Je les ai aperçus, en pleine conversation avec Vivienne etXavier.

Certaine qu’ils ne me remarqueraient pas, j’ai laissé Ben et j’ai marché jusqu’àCorrine, qui était assise par terre avec Ibrahim. J’ai pris sa main et je l’ai tirée pourqu’elle se lève.

– Qu’y a-t-il ? a-t-elle demandé.– J’ai besoin de te parler en privé.Corrine a semblé surprise, mais elle m’a suivie. Je l’ai conduite jusque dans les

bois et je ne me suis pas arrêtée avant d’avoir atteint le Sanctuaire, refusant de luiexpliquer quoi que ce soit en cours de route.

Une fois dans sa chambre, j’ai sorti deux passeports de ma veste et je les aidéposés sur la table devant elle. Elle a levé un sourcil.

– Rose, qu’y a-t-il ?Je me suis éclairci la gorge.– Je t’avais dit d’attendre avant de me donner mon cadeau d’anniversaire cette

année, parce que j’avais quelque chose de précis en tête.– Oui, et ?J’ai ouvert mon passeport et celui de Ben et j’ai pointé la date de naissance

inscrite sur chacun d’eux.– J’aimerais que tu utilises ta magie sur ces dates, ai-je annoncé.Elle a écarquillé les yeux.– Hein ?– Je veux que tu les changes. Que tu les recules.– Pourquoi ?J’ai soupiré.– Ma mère ne cesse de dire que ce sera notre dernier été de vacances. Notre

dernier été en tant qu’adolescents humains, normaux. Eh bien, si c’est le cas, jen’ai pas envie de passer l’été dans la boue !

– Rose, a-t-elle dit en me regardant sévèrement. Ce n’est pas forcément votredernier été en tant qu’humains. Personne ne vous oblige à devenir vampires.

– Je sais, Corrine. Je sais. Mais on veut devenir vampire. C’est qu’on veutvraiment que ce dernier été soit spécial.

Elle a froncé les sourcils, mordant sa lèvre inférieure.– Qu’as-tu en tête exactement ?– Le camp où nos parents nous envoient se trouve sur une petite île au large de

l’Écosse. Nous serons très probablement les plus jeunes là-bas. Si on se fait desamis, on aimerait pouvoir aller sur le continent et faire la fête avec eux. On aurabesoin de pièces d’identité pour entrer dans les boîtes de nuit. J’ai lu dans labrochure que les gens de dix-huit ans et plus pouvaient entrer et sortir à leur guise.

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– C’est la seule raison pour laquelle tu me demandes ça ?J’ai hoché la tête.– Tout ce que je veux, c’est que tu changes les dates. Oh, et ne le dis pas à mes

parents, parce que je doute qu’ils approuvent l’idée.– Quel âge veux-tu avoir ?– Vingt et un ans.Elle m’a regardée douteusement.– Pourquoi vingt et un ?– C’est l’âge de la majorité au Royaume-Uni, ai-je menti, espérant que Corrine

ne le sache pas ni qu’elle vérifie l’information.– Hm. Tu n’as pas l’air d’avoir vingt et un ans.– Peut-être pas. Mais personne ne va le remettre en doute si c’est écrit noir sur

blanc.– Hmm… Et c’est vraiment tout ce que tu veux pour ton anniversaire ?J’ai hoché la tête vigoureusement. Ses lèvres se sont retroussées légèrement et

elle a ramassé les passeports sur la table.– Tu fais de moi une criminelle en me demandant de modifier ces documents, en

es-tu consciente ? Attends-moi ici.Elle a quitté la pièce. Quand elle est revenue quelques minutes plus tard, elle m’a

tendu les deux passeports : les dates avaient changé, mais on aurait dit qu’ellesavaient toujours été là. J’ai enroulé les bras autour de son cou et j’ai posé un baisersur sa joue.

– Merci, tantine Corrine.Elle a froncé les sourcils.– Je me sens vraiment mal de manigancer dans le dos de tes parents. Promets-

moi que vous n’allez pas vous attirer des ennuis.– Promis, ai-je dit, tout sourire, avant de quitter la pièce.

Ben m’attendait dans sa chambre quand je suis revenue à l’appartement. Il a levéles sourcils d’un air impatient en me voyant.

– Alors ? Elle te les a donnés ?J’ai acquiescé en lui tendant les passeports pour qu’il les inspecte.– Et toi ? ai-je demandé. Les as-tu appelés ?– Oui, c’est fait.Il a sorti un petit portable noir de sa poche – un des rares appareils de l’île sur

lequel Corrine avait jeté un sort, permettant le contact avec le monde extérieur.« Jake dit qu’on est toujours les bienvenus. Ils avaient prévu de passer l’été à

l’appartement de leur père de toute façon. Et il a dit que Kristal avait hâte de tevoir. »

Je me suis assise sur son lit à côté de lui.– Super ! Alors l’hébergement est réglé. Maintenant, comptons notre argent…

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on aura besoin d’acheter des billets d’avion, ai-je marmonné.Ben a fouillé sous son lit et il a sorti un petit sac de cuir rempli de billets, argent

de poche que nos parents et notre grand-père nous avaient donné au fil des ans etque nous n’avions pas eu l’occasion de dépenser. Nous avions économisé plusieursmilliers de dollars, bien plus d’argent qu’il nous en faudrait pour deux mois,d’autant plus que nous étions hébergés gratuitement.

Ben a remis les billets dans son petit sac et il l’a rangé sous son lit. J’ai frottémes tempes en réfléchissant à notre plan avant de déclarer : « Alors voici commenton fonctionnera : Corrine nous déposera sur l’île. Ce sera le soir, alors on feraitmieux d’y passer la nuit. Mais le lendemain matin, on prendra un bateau jusqu’aucontinent, puis un autobus jusqu’à l’aéroport le plus proche. Les employés de l’îlene sourcilleront même pas en nous voyant partir, car on se sera enregistrés avecnos passeports disant qu’on a vingt et un ans. À l’aéroport, on payera nos billets enliquide et on prendra le premier vol à destination des États-Unis. »

Ben a acquiescé.« Et on prendra ce portable, comme d’habitude. Ils n’ont jamais appelé les

colonies de vacances où on séjournait avant, ils nous ont toujours contactésdirectement sur le portable. Donc ils ne sauront jamais qu’on n’est pas enÉcosse. »

Ben et moi nous sommes fixés un instant, laissant la gravité de ce que nous nousapprêtions à faire s’imprégner dans nos esprits comme un poids lourd.

En vérité, je n’aimais pas mentir à mes parents. Et Ben non plus. Certes, nousfaisions des petites colères de temps à autre, mais nous n’aimions pas voir nosparents inquiets.

N’empêche que l’invitation de nos amis de la colonie de vacances de l’été dernier– Jake et Kristal – avait fait écho en nous dès que notre mère avait mentionné cestupide camp de survie. Ça, et le fait que ce serait réellement notre dernier été entant qu’humains.

– Ce n’est qu’une fois, a dit Ben doucement. Deux mois. Ils ne le sauront jamais.On n’a qu’à s’assurer d’être de retour en Écosse le jour où Corrine est censée venirnous chercher.

J’ai acquiescé, bien que ses paroles n’aient pas dissipé la culpabilité qui s’étaitlogée dans mon estomac. Nous n’avions jamais trompé nos parents ainsi. Nous netrahissions pas seulement leur confiance, mais celle de Corrine également.

Je me suis levée et j’ai commencé à faire les cent pas dans la pièce, respirantprofondément.

– Eh bien, ai-je fini par dire. Hawaï, nous voici !

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A

CH A P I T R E 3 : D E R E K

près que Corrine ait quitté l’île avec Ben et Rose, j’ai immédiatement convoquéune réunion du Conseil au Grand Dôme. Sofia et moi avons pris place à l’extrémitéde la longue table de bois et Vivienne et Xavier se sont assis de chaque côté de nous.Nos camarades les plus fidèles nous ont rejoints.

Quand tout le monde a été installé, je me suis éclairci la voix, et j’ai pris la parole:

– Nos enfants ont eu dix-sept ans. Comme vous le savez tous, Sofia et moiavions juré de ne pas nous engager dans une situation risquée avant ce moment.

J’ai regardé Sofia, qui a hoché la tête d’un air rassurant.« Au cours des dix dernières années, ces enlèvements sur les plages ont

continué de façon régulière et les autorités n’ont toujours pas de pistes. Il estévident, aujourd’hui, qu’une force surnaturelle est en jeu. »

– Puis-je savoir en quoi ces enlèvements nous concernent ? a demandé Claudia.Mes yeux se sont posés sur la goule blonde.– Si nos soupçons sont fondés et que ces enlèvements ne sont pas l’œuvre

d’humains, alors nous devons découvrir qui sont les responsables. Surtout parcequ’ils se produisent aussi près de notre territoire.

J’ai fait une pause, regardant autour de la pièce.– Aussi, est intervenue Sofia, comme nous connaissons l’existence des mondes

surnaturels, chose que les gens normaux ignorent, je crois que nous devrionsutiliser cette information pour aller au fond de l’affaire. C’est notre responsabilité.Nous sommes les seuls en mesure d’élucider ce mystère.

Ses paroles m’ont semblé étranges. Bien que nous ayons cessé de capturer deshumains et de boire leur sang depuis presque vingt ans, c’était la première fois enplusieurs siècles que les vampires de l’Ombre s’ouvraient à l’idée que notreresponsabilité s’étende en dehors de notre petit univers.

– Alors quelle est la prochaine étape ? a demandé Yuri.Eli s’est tourné vers son frère.– Il n’y a qu’une seule option : nous rendre sur les lieux du dernier enlèvement le

plus vite possible. Je suggère qu’Ibrahim ou une sorcière nous y transporte, ainsinous pourrions nous enfuir rapidement si un policier s’approchait. Comme je l’ai

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déjà dit, nous ne trouverons sans doute rien… mais peut-être que nous trouveronsquelque chose. Je suggère également d’emmener Ombre, car il a des sens plusaiguisés que les nôtres.

– Où s’est produit le dernier enlèvement ? a demandé Landis.– À Cancún. Plusieurs humains ont disparu sur la plage, tous le même soir, sans

aucun signe de lutte. D’après les journalistes, ils se sont évaporés.– Cancún, a répété Sofia, alarmée. Au Mexique.Eli a hoché la tête.– D’accord, ai-je dit. Pour l’instant, je suggère qu’un petit groupe d’entre nous

s’y rende. Ce sera plus facile de partir en vitesse au besoin. Moi, Sofia, Eli et Ombreirons en premier… avec une sorcière ou un mage.

– Moi, a déclaré Ibrahim.– Alors c’est réglé, ai-je dit.Eli, Sofia et Ibrahim ont acquiescé.J’ai laissé tout le monde partir. Sofia et moi sommes restés assis jusqu’à ce que

le dôme soit vide. Elle respirait profondément et j’ai remarqué le légertremblement de ses mains. Je l’ai tirée contre ma poitrine et j’ai embrassé sescheveux.

« Je sais comment tu te sens. Mais Rose et Ben apprendront la vérité un jour oul’autre. Il ne leur reste que deux mois d’insouciance sur cette petite île. Quand ilsreviendront, nous leur avouerons tout. »

– Je sais. Et assurons-nous d’utiliser leur absence pour résoudre ce problème.Je–je…

Sa voix s’est étouffée par l’émotion.« Je ne voudrais pas que quelque chose leur arrive à nouveau. »J’ai caressé ses joues avec mes pouces, puis j’ai embrassé son front.Je voulais lui promettre que rien n’arriverait à nos jumeaux. Je voulais la

rassurer, lui dire qu’ils ne seraient jamais plus en danger ni menacés.Mais je ne pouvais pas.Car j’ignorais ce que l’avenir nous réservait. Nous l’ignorions tous.Tout le monde s’attendait à ce que Ben et Rose développent une sorte de pouvoir

surnaturel en grandissant – étant donné ma faculté à projeter du feu et le fait queSofia était encore immune lors de leur conception –, mais jusqu’ici, ils n’endémontraient aucun signe. Je savais que cela rendait Sofia d’autant plus nerveusepour eux. Ils n’étaient que des humains normaux, fragiles.

– Maintenant qu’ils sont presque adultes, ai-je dit, la meilleure chose qu’onpuisse faire pour eux est de les armer d’informations et de leur apprendre commentéviter le danger.

– Je sais, a-t-elle dit en inspirant profondément, un ton de résignation dans lavoix. Mais nous devons d’abord déterminer le genre de danger qui nous menace.

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L

CH A P I T R E 4 : R O S E

e voyage s’est déroulé plus facilement que nous l’avions imaginé.Corrine nous a laissés sur l’île écossaise sans cérémonie et nous y avons

passé la nuit. Le lendemain matin, nous avons quitté l’île, prenant un ferryjusqu’au continent, où nous avons pris un autobus, puis un train jusqu’à l’aéroportde Glasgow. Comme il n’y avait pas de vol direct, le voyage a pris plus de temps queprévu, mais nous avons fini par atterrir à Honolulu.

Quand nous avons franchi la porte des arrivées, j’ai aperçu Jake et Kristal quinous attendaient. Kristal avait dix-huit ans et Jake dix-neuf. Ils étaient grands,comme nous, mais Ben était le plus grand d’entre nous, ayant hérité de la hautestature de notre père. Nos amis avaient tous les deux les mêmes cheveux blonds etyeux bleus.

J’ai observé la réaction de Ben lorsqu’il a vu Kristal. Il a grogné en me donnantun coup sur l’épaule.

– Arrête ! a-t-il chuchoté alors que nous nous approchions.J’ai renâclé.– Hé, les amis ! a glapi Kristal.Elle est passée sous la barrière pour venir nous serrer dans ses bras. Quand elle

nous a fait la bise, les joues de Ben ont rougi légèrement.– Salut, Rose.J’ai levé la tête et j’ai vu Jake qui me regardait.– Salut, Jake.Je l’ai brièvement serré dans mes bras et je lui ai fait la bise, par politesse. Il

sentait la lotion après-rasage. Le frère et la sœur nous ont guidés jusqu’au parking,où nous nous sommes arrêtés devant une limousine noire. J’ai regardé Kristal.

« Sans blague ? »– Montez ! a-t-elle dit, un sourire radieux aux lèvres.Nous sommes tous montés à l’arrière et la voiture a démarré.– Elle est à vous ? ai-je demandé.– Oh non, on l’a louée pour vous faire une surprise, a répondu Kristal. Quoique…

Andre, à l’avant, est le chauffeur de mon père.– Vous n’auriez vraiment pas dû, a dit Ben.

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– Ça nous fait plaisir, a-t-elle répondu en frottant l’épaule de Ben.Les parents de Kristal et Jake étaient divorcés. Leur mère vivait à New York et

leur père – un riche homme d’affaires – passait son temps entre Hawaï et SanFrancisco. Kristal nous a expliqué que leur père leur laissait son appartementdurant l’été.

Après environ une heure de route, la limousine est entrée dans le parkingsouterrain d’une tour. Nous sommes descendus de la voiture, sortant nos bagagesdu coffre, puis nous avons pris l’ascenseur jusqu’à leur appartement.

J’ai expiré lentement lorsque Jake a ouvert la porte et que nous sommes entrés.Tout de l’endroit exsudait le luxe. Des vitres teintées faisaient office de mursextérieurs. Le sol était fait de marbre blanc, étincelant de propreté. Des tapis beigesétaient disposés stratégiquement. Le salon comportait une gigantesque télé à écranplat et un canapé en cuir noir. L’endroit n’était pas aussi chaleureux que notreappartement, mais il était certainement plus tape-à-l’œil.

Kristal m’a conduite à ma chambre spacieuse à côté de la sienne et Jake a conduitBen plus loin dans le couloir. Une fois que nous nous sommes installés, Kristal acommandé des pizzas et des frites. Nous avons tous pris place à table.

« Alors, y a-t-il quelque chose en particulier que vous voulez faire àHonolulu ? »

– La fête ! me suis-je exclamée, la bouche pleine de pizza Margherita.– Quel genre de fête ? a demandé Jake.J’ai haussé les épaules.– Le genre de fête que vous faites habituellement.– D’accord, a dit Kristal en mâchant pensivement. Nous irons à la plage à vingt

et une heures. Un de nos bars favoris organise une beach party ce soir. Quelques-uns de nos amis sont censés y être. Nous vous les présenterons.

– Nous devrons acheter vos verres, a dit Jake.– Ça ne sera pas nécessaire, ai-je dit en sortant nos passeports de mon sac à

main et les plaçant sur la table devant eux, pointant nos dates de naissance.Jake et Kristal sont restés bouche bée.– Vous avez de faux passeports ?– Nous avons seulement fait changer les dates sur les vrais, a dit Ben. Une amie

à nous est, euh, très douée pour ce genre de choses.Ils nous ont regardés, stupéfaits.– Wouah ! a dit Kristal. J’aimerais bien avoir le numéro de votre amie.J’ai ri nerveusement, changeant de sujet, et nous avons fini de manger. Puis Ben

et moi sommes retournés à nos chambres pour faire une sieste avant la beachparty.

La fête était à quelques minutes de l’immeuble, aussi nous avons marché. Ben avaitenfilé une chemise ample et un jean, semblable à ce que Jake portait. Kristal était

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vêtue d’une minijupe, d’une chemise décolletée et des souliers à talons hauts faitspour marcher dans le sable et je portais une robe d’été fleurie avec des sandales. Lestalons hauts me faisaient mal aux pieds et je me sentais toujours mal à l’aise enminijupe. J’avais constamment peur qu’un coup de vent souffle sur moi, révélant lacouleur de ma petite culotte au monde entier.

« T’es craignos ! » s’est exclamée Kristal quand je le lui ai dit.– Peut-être, ai-je répondu en lui donnant une tape sur l’épaule. Mais au moins,

je suis une craignos à l’aise dans mes fringues.La musique grondait et les lumières brillaient alors que nous nous approchions

de la fête. Tout le monde semblait dans la vingtaine. Kristal m’a attrapée par lamain et m’a entraînée dans la foule. J’ai cherché Ben des yeux, mais je l’ai perdu devue dans la mer de têtes.

Kristal m’a traînée dans un coin désert. Un homme est passé avec un plateau decanapés et des coupes de champagne. J’en ai pris un de chacun et je l’ai remercié.Kristal a seulement pris le champagne.

J’ai enfin aperçu Ben et Jake qui s’approchaient, verres à la main. Mon regards’est posé sur Jake et sa chemise blanche légèrement déboutonnée. Quand ses yeuxont croisé les miens, j’ai tout de suite détourné le regard vers ma coupe dechampagne. Nous sommes restés debout ensemble pendant quelques minutes demalaise, sirotant nos coupes et regardant autour de nous. J’ai fini par fixer Ben,trouvant ça plus pratique que de me concentrer à éviter le regard de Jake. Mon frèrem’a dévisagée.

– Quoi ? a-t-il murmuré.J’ai soupiré, détournant le regard vers mes pieds. Puis Kristal a bougé.– Bon, nos amis ne sont pas encore arrivés, a-t-elle crié par-dessus la musique

tonitruante. J’imagine qu’on devrait commencer sans eux. Veux-tu danser, Ben ?Je n’ai pas pu m’empêcher de sourire en voyant Ben avaler son verre d’un trait.– Ouais. Pourquoi pas ?Il a pris la main de Kristal et il l’a suivie jusqu’à un endroit vide de la piste de

danse, non loin de nous. Elle s’est immédiatement mise à danser, plaçant les brassur les épaules de Ben et bougeant les hanches au rythme de la musique. Jake s’estéclairci la gorge.

Oh.Il me regardait avec intérêt, un sourire aux lèvres. Il a pointé le menton vers Ben

et Kristal.– Tu veux danser ?– Euh. D’ac–d’accord.Il m’a tendu la main et il m’a conduite jusqu’à la piste de danse, près de Ben et

Kristal. Ben m’a fait un clin d’œil peu discret dès qu’il m’a vue. J’ai renâclé.– Quoi ? a demandé Jake, les sourcils froncés.Mince.– Je–je faisais une grimace à Ben.– D’accord, a-t-il répondu, souriant – quoiqu’il semble toujours un peu

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déconcerté. Parce que si je t’embête et que tu préfères danser avec quelqu’und’autre, dis-le-moi.

– Non ! Bien sûr que non ! me suis-je exclamée tellement vite que j’ai rendu lasituation encore plus tendue.

Mes joues se sont empourprées.Je me sentais mal à l’aise en dansant. On aurait dit que les filles en minijupes

autour de nous étaient nées dans une boîte de nuit. Je me trouvais maladroite etringarde dans ma robe fleurie et mes sandales brunes.

Des sandales. À quoi pensais-tu, Rose ? Je me suis surprise avec étonnement àsouhaiter avoir emprunté une des robes de Kristal.

J’ai essayé de me concentrer sur le rythme et la mélodie. Mais la musique m’étaittellement étrangère, j’avais du mal à danser dessus. Plus j’essayais et plus je mesentais comme le bûcheron en fer blanc du Magicien d’Oz.

Ben et moi avions été amplement exposés à la musique. Mais pas à la musiquede boîte de nuit, musique que les gens de notre âge écoutaient.

Notre père nous avait encouragés, Ben et moi, à apprendre à jouer d’uninstrument dès notre jeune âge. Je jouais de la harpe et du piano depuis que j’avaissix ans, tandis que Ben jouait du piano et de la guitare. Notre père nous l’avaitenseigné. Mais ses goûts musicaux étaient plutôt archaïques. Remarque, c’étaitnormal pour un homme né au quinzième siècle.

– Ils sont arrivés ! a crié Jake en pointant un groupe d’adolescents de notre âgequi venait d’apparaître dans la foule.

Il m’a laissée seule pour aller saluer une fille blonde, grande et mince, vêtued’une robe noire chatoyante ultra-courte et de souliers à talons aiguilles, tellementhauts que j’en ai eu mal aux pieds rien qu’à les regarder. Il a enroulé les bras autourde sa taille avant d’embrasser la fille sur la bouche.

Oh.Je vois.Les amies de Kristal étaient toutes habillées pareil et elles dansaient comme des

déesses. Tout comme Kristal et, apparemment, toutes les autres filles sur cetteplage sauf moi. Jake a entraîné la blonde vers un coin désert et elle s’est mise àdanser en tournoyant autour de lui. Tous les autres garçons semblaient être arrivésavec des partenaires de danse.

Ben dansait toujours avec Kristal. Elle ne l’avait pas abandonné comme son frèrem’avait abandonnée. Et il se débrouillait mieux que moi sur la piste de danse.Beaucoup mieux. Quoique c’était surtout Kristal qui se frottait contre lui ; il n’avaitqu’à suivre son rythme. Comme tous les autres garçons présents à la fête.

– Je vais faire une pause.J’ignore pourquoi je l’ai dit tout haut, car personne n’aurait pu m’entendre.J’ai repensé à la brochure du camp de survie que ma mère m’avait donnée.Peut-être que j’aurais mieux fait d’aller me rouler dans la boue.J’ai marché jusqu’au bar et, après avoir montré mon passeport, j’ai commandé

une autre coupe de champagne. Je me suis assise dans un coin, près de la piste de

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danse, et j’ai avalé mon verre d’un coup. Les bulles ont jailli dans mon nez et je mesuis étouffée. Grâce à la musique, personne d’autre que le barman ne l’a remarqué.Je suis allée commander un autre verre.

Peut-être que j’ai seulement besoin d’être plus ivre. Toutes les filles semblentplutôt paf. Peut-être que c’est pour ça qu’elles dansent aussi bien.

J’ai descendu un verre après l’autre jusqu’à ce que j’aie la tête qui tourne et magêne a fini par se dissiper. Mais quand j’ai regardé les environs à nouveau, je n’ai vuaucun garçon célibataire qui me plaise.

J’ai attendu environ une demi-heure, assise à regarder autour de moi d’un airoptimiste. Mais les seuls hommes qui semblaient disponibles étaient plus vieux quemoi. Bien plus vieux.

La musique électronique résonnait tellement fort dans les haut-parleurs que j’aicommencé à en avoir mal aux oreilles. J’ai marché jusqu’au bord de la piste dedanse et je me suis retournée pour regarder Ben et Kristal. Ni l’un ni l’autre n’aremarqué que j’avais bougé, aussi je suis sortie de la foule. J’ai enlevé mes sandaleset j’ai marché sur la plage vers l’océan sombre. J’ai inspiré profondément enm’approchant des vagues, y trempant les pieds.

Je pense que je peux danser maintenant. J’ai seulement besoin de trouverquelqu’un…

Oh !Au moment où cette pensée m’a traversé l’esprit, un groupe d’environ dix

jeunes hommes est apparu sur la plage, marchant vers la beach party. Il n’y avaitaucune fille en vue. Mes yeux se sont posés sur le garçon à l’avant du groupe. Ilsemblait avoir le même âge que Jake, peut-être un peu plus vieux.

Il est… superbe. Vraiment. Superbe.Il portait un jean noir et un t-shirt bleu. Il était grand – encore plus grand que

Ben – et bien roulé. Les muscles de ses bras se contractaient alors qu’il marchait. Samâchoire carrée était juste assez barbue pour lui donner un air séduisant, tandisque ses cheveux sombres retombaient sur son visage. Ses yeux étaient la couleur duchocolat noir.

Vite, Rose. Fais quelque chose !Projetant mes sandales dans les vagues, j’ai couru vers lui, nu-pieds dans le

sable.« Hé, toi ! » ai-je dit en trébuchant devant le jeune homme avant qu’il arrive

sur la piste de danse. Je le fixais, haletante. Il était encore plus ravissant de près.J’ai respiré encore plus fort.

« D–danse avec moi. »Je lui ai tendu la main.Ses yeux ont sondé les miens. Il a reculé et je l’ai regardé m’observer de la tête

aux pieds. J’ai cru qu’il allait refuser, puis, sans dire un mot, il a pris ma main et ilm’a emmenée sur la piste de danse. J’ai trouvé sa main étrangement froide.

J’ai relevé ma robe afin de la raccourcir, attachant l’excédent de tissu à ma taille.J’ai regardé les autres filles autour de moi, me préparant à déchaîner mes nouveaux

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mouvements de danse. Mais avant de pouvoir commencer, il m’a saisie par la tailleet il s’est mis à guider tous mes mouvements.

Je n’avais même pas à réfléchir. Juste à le suivre.Oh, c’est beaucoup plus facile.Pourquoi Jake n’a pas fait ça ?Ce mec était doué. Avec lui, même moi, j’avais l’air douée.J’ai regardé autour de moi jusqu’à ce que Ben me remarque. Je lui ai lancé un clin

d’œil.Il a ri, attirant l’attention de Kristal. Les joues rosies et le front perlé de sueur,

elle a regardé l’inconnu avec qui je dansais et elle a levé le pouce dans ma direction.Bon, tout est rentré dans l’ordre. Je devrais passer une bonne soirée

maintenant…« Où as-tu appris à danser aussi bien ? » ai-je crié à l’oreille de l’inconnu.– Je danse beaucoup, a-t-il répondu d’une voix rauque et profonde.– Oh.Je ne savais pas quoi dire d’autre. Mais je ne me sentais pas mal à l’aise de ne pas

parler, car même si je l’avais voulu, il m’en laissait à peine la chance, bougeant sanscesse.

J’ai trouvé un peu troublante la façon dont il regardait les autres hommes avecqui il était arrivé pendant que nous dansions. Je me suis dit qu’il devait reluquer lesfilles que ses amis avaient trouvées. Je les ai regardés à mon tour ; ils semblaienttous avoir trouvé une partenaire.

L’inconnu s’est penché, murmurant à mon oreille :– Veux-tu faire une promenade ?– Oui, ai-je répondu d’une voix traînante d’ivresse. Pourquoi pas ?Il m’a agrippé la main et il m’a emmenée loin de la foule. Il commençait à faire

chaud, aussi la brise marine m’a fait du bien. Il a enroulé son bras musclé autour dema taille et nous avons marché dans le sable.

« Alors… ai-je dit en contemplant son visage. Comment tu t’appelles ? »– Caleb.– Caleb, ai-je répété.J’aimais la façon dont son nom avait résonné, alors je l’ai prononcé à nouveau.« Caaaaleb. »Nous avons marché côte à côte pendant environ quinze minutes, la musique

disco et les lumières s’estompant derrière, jusqu’à ce que nous arrivions à un cointranquille de la plage. J’ai regardé autour de moi et j’ai trouvé étrange que tous sesamis aient quitté la beach party en même temps que nous, filles au bras, et qu’ilsmarchent tous dans la même direction.

Même ivre, je trouvais ça bizarre. Je me suis arrêtée net. Ce n’est qu’à cemoment-là, au clair de la lune, que j’ai remarqué la pâleur de son visage. J’aitressailli.

J’avais vu assez de vampires dans ma vie. Il y avait quelques légères différencesdans la forme de la mâchoire supérieure – extrêmement subtiles, mais détectables.

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« Es-tu un… un vampire ? »Je me sentais ridicule de prononcer ces mots tout haut. Il a reculé en écarquillant

les yeux.– Quoi ?– Je ne t’ai jamais vu sur l’Ombre, mais…– L’Ombre ?Il m’a agrippé le bras tellement fort qu’il m’a fait mal.« Qui es-tu ? » a-t-il chuchoté, respirant à peine, fronçant les sourcils

sévèrement.– Rose Novak. Mes parents sont…Avant que je puisse finir ma phrase, il a poussé un juron en me lâchant

tellement brusquement que je suis tombée dans le sable. Il a crié aux autreshommes : « Faites-le maintenant ! On doit partir ! »

Les hommes ont tous sorti des seringues de leurs poches en même temps et,d’un seul coup, les filles sont tombées sans connaissance dans leurs bras. Ils onttous couru vers l’océan, portant leurs victimes sur leurs épaules. J’ai à peine eu letemps de crier qu’un sous-marin a émergé de l’océan. Les hommes se sontprécipités dans l’écoutille.

Caleb m’a lancé un dernier regard perçant puis, sans mot dire, il a plongé dansl’océan et grimpé jusqu’à l’écoutille.

Quelques secondes plus tard, le sous-marin a disparu.

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B

CH A P I T R E 5 : R O S E

en ne m’a pas crue hier soir quand je lui ai raconté. Il a dit que j’étais ivremorte et il m’a ramenée à l’appartement, laissant Kristal et Jake continuer à faire lafête jusqu’à l’aube.

Ce n’est que lorsque nous avons entendu les infos locales le lendemain matin, etappris qu’une dizaine de filles avaient disparu de la plage dans la nuit qu’il acommencé à prêter attention à ce que je lui disais.

Il m’a entraînée dans sa chambre et a fermé la porte.– Et donc, tu prétends que des vampires sont responsables des disparitions ?– Oui, ai-je répondu énervée, me massant les tempes pour essayer de soulager

ma gueule de bois. J’ai vu un groupe de vampires les kidnapper. Le mec – ils’appelait Caleb – m’aurait enlevée aussi si je ne lui avais pas dit que j’étais uneNovak.

Ben a poussé un soupir et s’est assis sur le lit à côté de moi, prenant sa tête entreles mains.

– Et tu es sûre que tu n’as reconnu aucun des vampires de l’Ombre ?– Certaine.J’ai secoué la tête, me rappelant à quel point Caleb était sexy.« Crois-moi, je m’en serais souvenu si je les avais déjà vus. »– Mais alors qui sont-ils ? Et pourquoi enlèvent-ils des humains ?J’ai réfléchi quelques instants, me massant toujours les tempes.– Ben, on devrait appeler papa et maman pour leur dire.Il m’a regardée fixement.– Tu réalises bien que si on fait ça, nos deux mois de liberté seront finis avant

d’avoir commencé.– Évidemment. Mais quel autre choix avons-nous ?– Qu’est-ce que papa et maman pourraient y faire, s’ils le savaient ?Ben avait raison. Nous ne pouvions imposer qu’un autre clan de vampires vive

sans boire de sang humain comme ceux de l’Ombre. Se nourrir du sang humainétait la norme pour la plupart des vampires – tout comme les humains senourrissaient de viande animale.

J’imaginais que j’aurais été horrifiée par l’enlèvement de toutes ces jeunes filles

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si je n’avais pas vécu toute ma vie en compagnie de vampires. Même si les vampiresde l’Ombre ne se nourrissaient plus de sang humain, il était dans leur nature dedésirer ce sang et je savais qu’ils luttaient tous les jours pour résister à la tentationet ne s’alimenter qu’avec du sang animal. Il était plutôt malsain de réaliser à quelpoint j’étais indifférente à la situation.

– J’imagine qu’on ne peut pas y faire grand-chose, ai-je commencé doucement.En revanche, je crois qu’il faudra leur dire en rentrant. Papa et maman n’ont jamaismentionné l’existence d’autres clans à part le nôtre. Ils nous ont toujours dit queles autres vampires avaient disparu par la porte menant à Cruor – et ceux qui nel’avaient pas fait nous avaient rejoints sur l’Ombre. C’est vraiment très bizarre.

– Je suis d’accord, a dit Ben. On leur dira en rentrant.On a frappé à la porte. Ben s’est levé pour aller ouvrir et Kristal est entrée dans

la chambre en peignoir.– Vous avez bien dormi ? a-t-elle demandé.J’ai frotté ma tête lancinante.– Oui, ai-je marmonné.– Tu as eu un succès fou, hier soir, a-t-elle dit, s’asseyant sur le lit et me serrant

le genou.– Ouais, ai-je soupiré. Un succès fou.

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E

CH A P I T R E 6 : A I D E N

n approchant de l’appartement de Claudia et Yuri, mes mains tremblaient.Respirant à fond, j’étais arrivé devant la porte, mais je n’avais pas frappé tout desuite.

J’avais appuyé mon front contre le bois, j’avais fermé les yeux.Qu’est-ce que je suis en train de faire ?J’avais l’impression d’être fou depuis que j’avais commencé à envisager

sérieusement la suggestion de Sofia de devenir vampire, mais maintenant je mesentais vraiment taré.

Est-ce que je veux réellement devenir la créature qui a tué mon père ? Qui adéchiré ma famille ? Comment vais-je pouvoir me regarder dans un miroir ?

J’avais passé suffisamment de temps avec les vampires de l’Ombre pour que mespréjugés sur ces créatures disparaissent. Ils n’étaient pas tous des monstres. Maisje n’arrivais pas à me défaire de certains événements associés à ces livides suceursde sang – comme les horribles images de mon passé.

Mais ensuite, ma Sofia bien-aimée était devenue l’un d’eux. En même tempsque Derek. Et ils parlaient même de transformer leurs enfants une fois qu’ilsseraient assez grands pour prendre une décision réfléchie. Alors, quelque choses’était éveillé en moi. Un désir de vivre plus que le temps qui me restait. Je mesentais béni d’avoir la famille que j’avais et, au fond, ma durée de vie humainelimitée me semblait trop peu. Savoir qu’ils allaient vivre éternellement alors que jemourrais dans quelques décennies me tourmentait.

Et Sofia ne cessait de se montrer insistante.D’où ma visite à l’appartement de mes amis.Voilà, c’est le jour, Aiden ; l’un des chasseurs les plus craints que le monde ait

connus va devenir la créature qu’il a chassée.Je m’étais éclairci la gorge et j’avais frappé à la porte.J’avais entendu des bruits de pas et la petite goule blonde s’était encadrée dans

l’embrasure.– Oh, Yuri, avait-elle appelé. Regarde qui est ici pour profiter de nos… euh…

services.Elle m’avait fait un clin d’œil et avait ouvert la porte en grand pour que j’entre.

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Yuri était apparu dans le couloir et, les yeux écarquillés, il s’était avancé vers moiet m’avait serré la main d’une poigne ferme.

– Excuse ma femme, avait-il dit, regardant Claudia d’un air moqueur. J’ai beauessayer depuis des années, je n’ai pas vraiment réussi à gommer son côté trivial.

Claudia avait déplié les bras et avait tiré Yuri par les oreilles pour l’abaisser à sahauteur et l’embrasser à pleine bouche.

– Chéri, avait-elle murmuré quand leurs lèvres s’étaient séparées. Arrête defaire croire que tu voudrais que je sois différente.

Yuri avait rougi. Il s’était écarté d’elle et s’était redressé en toussotant.« Je vous laisse à votre affaire, » avait-elle déclaré avec un clin d’œil entendu

avant de disparaître.– Bon, avait dit Yuri, levant les yeux vers moi, un sourire gêné aux lèvres. Suis-

moi par ici.Je l’avais suivi dans la chambre d’amis, qu’il avait vidée de tous ses meubles,

rideaux et tapis. Tout ce qui pouvait être taché par le sang ou abîmé au cas où jeserais pris de violentes convulsions, ce qui était fréquent chez les vampires en coursde transformation.

« Tu es sûr que tu veux que te transforme ? » avait-il demandé d’un airdubitatif.

Yuri était devenu mon meilleur ami sur l’île – le degré d’amitié que j’avaisatteint avec le jeune vampire m’avait surpris moi-même. Quelque part, j’étais plusà l’aise avec l’idée d’être transformé par lui plutôt que par ma propre fille.J’ignorais dans quel état je me réveillerais, et exposer ma fille à cette vision de moiavant que je retrouve le contrôle de mon corps ne me plaisait pas du tout. J’avaisconfiance en Yuri et nous étions devenus complices au fil des années, au point dediscuter de certaines choses, d’homme à homme, que j’aurais été gêné de confier àd’autres. Il semblait être le choix logique, la première personne qui m’était venue àl’esprit quand j’avais envisagé la transformation.

J’avais hoché la tête et je m’étais allongé sur la table en bois au centre de lapièce.

– Dépêchons-nous d’en finir, avais-je grimacé.– Très bien. Bon sang, ça ne va pas être beau à voir.

Je me suis aspergé le visage d’eau froide et j’ai levé les yeux vers le miroir de la sallede bain. J’avais beau être un suceur de sang depuis onze ans, mon reflet mechoquait encore parfois.

Les premières années avaient été éprouvantes. Ce désir obsédant de se nourrirde sang humain. De chasser, d’attaquer, de dévorer. Je m’étais interdit, le premiermois de ma transformation, d’aller dans la partie de l’île où vivaient mes petits-enfants. Cette expérience m’avait rendu les vampires plus sympathiques quejamais ; je les comprenais.

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En quelque sorte, cela m’avait aussi donné une force émotionnelle nouvelle.Le jour où j’avais poussé mon épouse dans le trou en sachant qu’elle y serait

brûlée vive, j’avais cru que ma capacité à aimer de nouveau une femme était partieen cendres avec elle.

Puis Adelle était arrivée. La sorcière timide à la voix douce qui avait dévoué sa vieà instruire les enfants de l’Ombre était rapidement devenue la directrice de l’école.

La rousse d’une beauté éblouissante m’avait enchanté comme une sirène lapremière fois où j’avais posé les yeux sur elle. Mais je me sentais encore tropengourdi à l’intérieur pour aller vers elle.

Et puis, quand j’ai été transformé… quelque chose a changé en moi. Une sorte deregain de confiance en moi. La confiance d’ouvrir mon cœur comme j’en étaisincapable en tant qu’humain. J’ai supposé que la confiance était une conséquencenaturelle de se savoir immortel.

Ma fille m’avait encouragée depuis que j’étais devenu vampire. « Tu asl’éternité pour toi, désormais papa. Tu dois trouver quelqu’un qui vivra avec toi,autre que moi et les jumeaux. »

Je me suis rendu compte que j’avais déjà vécu suffisamment de chagrinsd’amour et de douleurs dans ma vie de mortel pour faire différemment maintenant,d’autant que j’avais l’éternité pour me remettre d’une peine éventuelle.

J’ai pris une douche et je me suis habillé. Même si j’ai opté pour une tenuedécontractée, mon estomac était tout noué en prévision de ce qui m’attendait.Aujourd’hui était un grand jour. Le jour où j’allais inviter une femme à sortir. Lejour où j’allais, je l’espérais, quitter le terrain redoutable de l’amitié, comme auraitdit Sofia.

Je n’avais pas confié à Sofia que je courtisais Adelle. Elle l’apprendrait quandnous serions ensemble – si jamais nous devenions amants. J’ai souri en imaginantl’air réjoui de Sofia si cela se produisait réellement.

En quittant mon appartement dans les arbres, je me suis dirigé vers la Vallée etje me suis arrêté en arrivant sur la place centrale, à deux pas de l’entrée de l’écoleoù je devais retrouver Adelle.

J’ai dû me retenir de respirer trop bruyamment quand elle est apparue sur lesmarches. Ses longs cheveux ondulés étaient dénoués sur ses épaules, et elle portaitune jolie robe d’été à fleurs qui s’arrêtait au-dessus du genou.

– Aiden ! Te voilà !– Bonjour, Adelle.Elle s’est avancée vers moi et m’a saluée d’un baiser sur la joue.« On y va ? »Je lui ai tendu le bras pour qu’elle passe le sien dessous et nous sommes sortis de

la clairière pour entrer dans la forêt.– Je suis intriguée, c’est le moins qu’on puisse dire, de ce que tu as prévu pour

cette belle soirée d’été.– J’ai pensé qu’il serait agréable de t’emmener faire un tour après l’école pour

changer, au lieu de rester discuter dans une salle de classe.

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Nous avons marché dans la forêt en papotant. Je me suis arrêté une fois quenous étions arrivés devant l’ancien hangar à bateau sur le bord du lac. Je l’aiconduite à l’intérieur, jusqu’au mur du fond où les fenêtres ouvertes offraient unevue imprenable sur la beauté du lac. L’odeur des lotus montait jusqu’à nous.

– Même dans la pénombre, quel merveilleux endroit en été, a-t-elle déclaré. J’aitoujours attendu avec impatience cette période de l’année.

– Ta vraie maison ne te manque pas ? Le Sanctuaire ? J’ai entendu dire que leroyaume des sorcières était dix fois plus beau qu’ici.

Elle a penché ses bras sur la rambarde et a contemplé l’eau, rassemblant sachevelure épaisse sur une seule épaule.

– La beauté est superficielle là-bas. Moi ? J’aime la beauté naturelle. Tout sembleréel, authentique sur cette île. Et les gens. Oh, les gens d’ici. Ils ont un cœur. Ce quiest rare là d’où je viens.

– Et cela vaut le coup, même si tu vis moins longtemps ?– C’est un mythe, à mon avis. Je n’ai jamais eu aucune preuve que les sorcières

vieillissent plus vite sur Terre qu’au Sanctuaire. Nous pouvons rester jeunespendant des siècles, parfois même des millénaires… en faisant attention à notresanté, bien sûr.

J’ai regardé son beau visage en me demandant quel âge elle avait réellement,mais je n’ai pas osé lui demander.

« Est-ce qu’il t’arrive de regretter ta décision d’être devenu vampire ? » m’a-t-elle interrogé d’un ton grave.

J’ai fixé ses yeux bleu clair.– Jamais je n’aurais cru dire ça un jour, mais non. Jamais. Les premières années

étaient éprouvantes, oui. Mais maintenant, je sais que ça en valait la peine.– Eh bien, pour ma part, je suis heureuse que tu sois devenu vampire, a-t-elle

murmuré. Il aurait été triste de te perdre.Nous nous sommes regardés pendant quelques instants avant de rassembler

suffisamment de courage pour arrêter de tergiverser.– Adelle, écoute, ai-je dit, en prenant ses mains. Je voulais de demander quelque

chose…Dring ! Dring !Mon téléphone s’est mis à vibrer dans ma poche.Oh, bon sang.Depuis que Derek et Sofia avaient quitté l’île avec Eli et Ibrahim, on m’avait

confié le téléphone au cas où les jumeaux appelleraient.« Je suis désolé. J’en ai pour une minute. »Adelle a retiré ses mains des miennes. Je me suis éloigné d’elle et j’ai décroché le

téléphone.« Allô ? »– Bonjour, c’est Ben.– Salut, Ben.– Où sont papa et maman ?

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– Ils ne sont pas là. Ils sont… partis pour la journée.– Ah, d’accord. J’appelais juste pour dire que l’Écosse est absolument géniale.– Oh, tant mieux.– C’est tellement mieux que ça en avait l’air sur la brochure.– Mm-hmm.– Sans blague, super idée d’avoir réservé ici.– Mm-hmm.– Tout va bien. Ne vous inquiétez pas pour nous. Nous nous sommes déjà fait des

amis.– Bon, je suis heureux pour vous, Ben.– Dis à maman et papa quand ils rentreront qu’on s’amuse bien et qu’ils ne

doivent pas s’inquiéter pour nous. On rappellera dans quelques jours.– Je le ferai.– Cool. Au revoir, Grand-papa !J’ai raccroché en même temps que Ben.Grand-papa. J’ai grimacé à ce mot. Autant j’adorais être le grand-père d’enfants

si merveilleux, il y avait des moments où je n’avais pas envie qu’on me le rappelle.J’ai jeté un coup d’œil à Adelle en rangeant le téléphone dans ma poche.– C’était Ben, ai-je dit comme si elle n’avait pas entendu toute la conversation.Elle a rougi et souri.– Tu es si bon avec eux.– Ouais, ai-je murmuré, détournant mes yeux vers le sol, en bottant dans une

brindille. J’imagine que oui.– Donc, euh ? Qu’est-ce que tu voulais me dire ?– Oh… je voulais te remercier de t’occuper si bien de mes… euh… petits-

enfants.Continue à t’enfoncer, papi. Continue à t’enfoncer.– Oh, a-t-elle dit.Elle a eu l’air surprise – sinon déçue – par ma réponse.« De rien. Ils ont toujours été des élèves adorables. »Maintenant, détends-toi et profite de la vue et de ce moment magique, abruti…

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A

CH A P I T R E 7 : R O S E

près notre première nuit à Honolulu, Ben et moi trouvions des excuses pouréviter la plage quand il faisait sombre. Nous y passions de nombreuses heures dansla journée, à nous prélasser au soleil et à nager dans la mer. Mais quand noussortions le soir, nous nous assurions d’aller dans des clubs et des restaurants àl’intérieur des terres.

Malheureusement, je n’ai pas rencontré un autre garçon comme Caleb.Mais après plusieurs nuits d’entraînement – et Kristal qui me donnait des

séances supplémentaires la journée autour de l’immeuble –, j’ai commencé à mesentir moins empotée. Kristal avait été surprise que je semble si désorientée enécoutant de la musique actuelle et m’avait demandé si je n’étais vraiment jamaisallée dans une boum. Je lui avais expliqué que je n’avais jamais su danser, c’esttout.

Je suis aussi allée faire du shopping avec Kristal pour acheter des nouvellestenues et une paire de chaussures à talon haut. Malgré son insistance, je n’ai pascédé à la tentation d’acheter une minijupe ou une minirobe. J’ai fait un compromiscependant : les robes que j’ai prises étaient toutes plus courtes que mes longuesrobes d’été – elles s’arrêtaient juste au-dessus du genou, et je me sentais bien enles portant.

Un soir, il y avait un grand match de boxe à la télé, suivi immédiatement par dufoot, et Jake ne voulait pas le rater, aussi Ben avait décidé de rester avec lui.

Kristal était excitée à l’idée d’une sortie entre filles.– Nous allons sortir dîner toutes les deux, a-t-elle dit en m’entraînant dans sa

chambre et en me faisant asseoir devant sa coiffeuse. Je vais te coiffer et temaquiller.

Je m’étais habituée au fait qu’elle aimait me pomponner avant de sortir. C’étaittout bénef pour moi, car elle me rendait plus belle que je n’aurais pu le faire moi-même. Je n’avais pas l’habitude de me maquiller. Je n’en avais pas souventl’occasion sur l’Ombre.

Kristal a entrepris de démêler ma longue crinière de cheveux noirs avec unebrosse avant de les nouer en queue de cheval. Puis elle a pris ses ombres àpaupières et s’est attelée à réaliser ce qu’elle appelait un œil charbonneux.

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Charbonneux ou pas, j’ai dû reconnaître en me regardant dans le miroir que çame plaisait bien. Et une fois que j’ai eu enfilé une de mes robes neuves, attaché lecollier de Griffin autour de mon cou et mis mes chaussures à talons hauts, je mesuis sentie sexy à mort. J’ai même surpris le regard de Jake sur moi tandis que nousnous dirigions vers la porte.

Au moment où nous allions entrer dans l’ascenseur, Kristal m’a arrêtée net.« Oh, mince. Attends-moi. J’ai oublié un truc. »Elle est retournée en trombe dans l’appartement et en est ressortie une minute

plus tard avec un sac à main noir.« Il est à Chloe, a expliqué Kristal. Elle me l’a confié lorsqu’on est sortis l’autre

soir et j’ai oublié de lui rendre. »Nous sommes sorties du bâtiment et, à mon grand désarroi, elle a tourné à

droite, vers la plage. Elle a pris son téléphone et a composé un numéro.« Chloe ? Salut, tu es chez Jacob ? Bon, alors ne bouge pas de là, je te rapporte

ton sac. »En me hâtant à ses côtés, j’ai senti l’angoisse me nouer l’estomac. Nous avons

atteint la plage et nous sommes entrées dans le restaurant chez Jacob. Chloe, unepetite brune, était assise à côté de son copain, John. Kristal s’est approchée et lui atendu son sac à main. Ils étaient à une table en terrasse, avec une belle vue sur lamer.

Nous allions repartir quand Chloe a dit :– Hé, pourquoi ne pas vous joindre à nous ? Il y a de la place et nous n’avons pas

encore commencé à manger.Kristal a répondu sans même me consulter.– Quelle bonne idée !Je n’ai pas protesté, histoire de ne pas paraître bizarre. J’ai pris place à côté de

Kristal, en face de Chloé et John.J’essayais de me convaincre que j’étais paranoïaque. Oui, il faisait nuit. Et oui,

nous étions au bord de la plage. Mais nous étions sur la terrasse d’un restaurant,probablement le pire endroit pour enlever des humains, avec tous ces gens assis àtable. Pas moyen de se mêler à une foule en état d’ébriété.

Pourtant, je n’ai pas réussi à me détendre pendant toutes ces heures où noussommes restés sur le front de mer, si près de l’endroit où ces filles avaient étéenlevées. Je regardais d’un air suspect toutes les personnes qui passaient à côté denous.

– Tu vas bien, Rose ? a demandé Kristal, pressant mon genou sous la table. Tu esétrangement silencieuse.

– Oui, ça va, ai-je marmonné. Je suis juste un peu fatiguée.– On peut rentrer à la maison maintenant si tu veux. On n’est pas obligées

d’attendre le dessert.– D’accord, ai-je répondu en hochant la tête et en lui prenant la main. Allons-y.Kristal a demandé l’addition et insisté pour nous inviter.Nous nous sommes levés tous ensemble et j’ai soupiré de soulagement quand

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nous avons dit au revoir au couple et quitté la plage.J’étais tellement obnubilée par l’idée de rentrer à l’appartement que je n’ai

même pas pensé à vérifier si quelqu’un nous suivait.Si je l’avais fait, j’aurais remarqué deux grandes silhouettes noires quelques pas

derrière nos ombres.

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M

CH A P I T R E 8 : S O F I A

archer sur la plage de Cancún après le coucher du soleil a été troublant.L’endroit ressemblait étrangement à celui où j’avais été kidnappée par Lucas, desannées auparavant.

C’était cette nuit-là que tout avait commencé.J’ai brièvement réfléchi à ce qui aurait pu arriver si Benjamin Hudson, mon

meilleur ami, n’avait pas oublié mon anniversaire ce jour-là.Rien de tout ça ne serait arrivé. Je ne serais même pas ici à côté de Derek en ce

moment.J’ai souri amèrement en sentant le sable sous mes pieds nus. Des souvenirs de

Ben me sont revenus à l’esprit en rafale. Ce garçon blond aux yeux bleus, superbe,parfait, qui avait déjà tenu mon cœur dans le creux de sa paume. C’était presquecomme si les émotions que j’avais ressenties à l’époque, lorsqu’il m’avait laisséetomber le jour de mon anniversaire, m’envahissaient de nouveau. Et tout ça à causede Tanya Wilson, une pom-pom girl.

Si seulement j’avais su à quel point ces sentiments me sembleraient stupides unjour.

Avant, mon monde se résumait à ça : Ben et ma souffrance de le voir avecd’autres filles. Moi qui faisais tout pour attirer son attention.

Derek a dû sentir ce qui me passait par la tête, car il a enroulé un bras autour demoi et placé un tendre baiser sur mon front. J’ai regardé l’océan sombre et profonden luttant pour contenir mes larmes.

Où es-tu aujourd’hui, Ben ?Si seulement tu pouvais voir la ravissante jeune femme qu’est devenue Abby.Si seulement tu étais avec nous en ce moment.Si seulement tu avais trouvé la force de te battre…Ça me hantait encore, la façon dont il avait lâché prise sur la vie. Si seulement il

m’avait laissée le nourrir du sang de Derek durant ce moment crucial où son âme etson corps ne faisaient qu’un, il serait peut-être avec nous aujourd’hui. Peu importeà quel point j’essayais de comprendre, je me sentais toujours vaincue. Ben avaittant de raisons de vivre. Pourtant il avait tout abandonné volontiers, sans mêmerésister. Après tout ce temps, je ne le lui avais pas encore pardonné. Je doutais en

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être capable un jour.Après un bon moment de marche, j’ai perdu la bataille contre les larmes – les

souvenirs rouvraient mes vieilles plaies. Des plaies que je croyais cicatrisées depuislongtemps.

Derek s’est arrêté et il m’a serrée contre sa poitrine, me berçant. Quand Eli etIbrahim nous ont demandé ce qui clochait, il leur a dit de continuer à marcher.

– Je sais qu’il ne reviendra pas, ai-je soufflé. Et je sais que ça fait des années.Mais mon Dieu que j’ai mal. J’ai mal comme si ça s’était passé hier.

Derek s’est penché pour poser un baiser sur ma joue, puis il a frotté sa proprejoue froide contre la mienne en chuchotant :

– Certaines cicatrices ne guérissent jamais, Sofia. Il faut l’accepter.Je l’ai serré plus fort.– Merci, ai-je dit avant d’éclater en sanglots. Je… j’avais besoin de l’entendre.Je suis tombée à genoux et il s’est accroupi avec moi. Je suis restée là à pleurer

dans ses bras jusqu’à ce que je me sente assez stable pour me relever et marcher.Puis nous avons couru pour rattraper Ibrahim, Eli et Ombre.« Je suis désolée, » ai-je dit d’une voix rauque.– Tu n’as surtout pas à t’excuser, Sofia, a dit Eli.Je leur ai souri faiblement.– D’accord, ai-je dit en inspirant profondément. Mettons-nous au travail.Nous avons longé la côte jusqu’à l’endroit où les humains avaient disparu.Nous avons fouillé les environs, le sable, et même l’eau à la recherche d’indices.

Ombre n’a rien trouvé qui nous intéresse – bien qu’il ait trouvé beaucoup de chosesqui l’intéressaient lui. Une bouée orange, un cadavre de requin-baleine et unequantité épouvantable d’algues.

Bien sûr, nous ne nous attendions pas à trouver quoi que ce soit. Après tout, sinous avions affaire à de créatures surnaturelles, elles ne laisseraient aucune trace.

Après avoir passé la plage au peigne fin, nous nous sommes rassemblés et nousavons échangé des regards. Puis tous les yeux se sont posés sur Eli.

– Alors ? a demandé Ibrahim.Eli a passé une main dans ses cheveux en soupirant.– Nous devons retourner à la maison et je dois sortir mes cartes.– Et ? a demandé Derek.– J’ai besoin d’analyser les endroits où les disparitions ont eu lieu ces dernières

années. Je veux voir s’il y a une tendance.– Et s’il n’y en a pas ? ai-je demandé.– Je suis d’accord, il n’y en a sans doute pas, a répondu Eli. Mais ces enlèvements

d’humains n’ont été captés par aucune caméra de surveillance, même après tout cetemps. Quiconque en est l’auteur cible des espaces vastes et en plein air commecelui-ci. Pour l’instant, je ne vois pas ce que nous pouvons faire d’autre qued’essayer d’établir une tendance. Qui sait, nous pourrions trouver un indice sur leurprochaine destination.

– Je suppose que ça nous donnerait également une meilleure idée de

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l’emplacement de ces créatures, a suggéré Ibrahim.Eli a acquiescé.– Car jusqu’ici, une seule chose est évidente : elles aiment les beach partys.

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L

CH A P I T R E 9 : R O S E

es portes de l’ascenseur allaient se refermer lorsqu’une main gantée s’y estglissée. Deux hommes à lunettes noires sont entrés et ont poussé le bouton

pour refermer les portes.– Désolé, a dit l’un d’eux en survolant du doigt le bouton de l’étage que nous

avions déjà pressé.L’ascenseur était petit, aussi je me suis collée contre Kristal et j’ai regardé par

terre. Je m’étais toujours sentie mal à l’aise lorsque je me retrouvais seule dans unascenseur avec des étrangers.

Au septième étage, les portes se sont ouvertes. Puis j’ai entendu les deuxhommes marcher derrière nous. Lorsque nous nous sommes arrêtées devant chezKristal, j’ai agrippé sa main avant qu’elle puisse ouvrir la porte. Nous sommesrestées immobiles en attendant que les hommes nous dépassent. Ils ont tourné lecoin du couloir et leurs pas se sont graduellement estompés. J’ai lâché la main deKristal et elle a ouvert la porte.

– Tu es vraiment nerveuse ce soir, a dit Kristal en verrouillant la porte derrièrenous.

La télévision était à fond dans le salon. Nous avons laissé nos chaussures dansl’entrée et je me suis assise sur le canapé avec les garçons, qui grignotaient dupopcorn en criant en direction de l’écran. Kristal est allée à la cuisine et elle en estressortie avec des tisanes pour nous deux.

« Ah, je n’en peux plus ! s’est-elle exclamée après environ deux minutes defootball. Allons dans ma chambre. »

Je l’ai suivie et nous avons enfilé nos pyjamas. Puis nous sommes allées à sasalle de bain. Kristal a pris une douche tandis que je me suis démaquillée. J’essuyaisle reste de mascara quand mon cœur a bondi dans ma poitrine : un fracas avaitéclaté dans l’appartement, suivi de cris.

« Qu’est-ce que… »Kristal est sortie de la douche en trombe puis, après avoir enfilé un peignoir, elle

s’est ruée hors de la pièce.Jake et Ben étaient étendus au sol, des bâillons dans la bouche, luttant contre

deux grandes silhouettes vêtues de longs manteaux de cuir. Deux autres hommes

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étaient debout près de la télé, face à Kristal et moi. Tous les quatre portaient descagoules qui couvraient leur visage, à l’exception de leurs yeux.

Mais ces yeux… ils étaient beaucoup plus vifs que des yeux normaux. Et leurspaupières étaient trop livides pour appartenir à des humains.

J’étais trop stupéfaite pour crier, mais Kristal en a été capable. Dès qu’elle l’afait, les deux hommes ont foncé sur nous. L’un a attrapé Kristal, fourrant un bâillondans sa bouche, puis il l’a plaquée au sol, tandis qu’un autre homme aux yeux bleusm’a pourchassée. J’ai filé à la cuisine et j’ai attrapé un couteau dès que le vampireest entré.

Il a sorti les griffes.– Tu veux jouer avec des couteaux ? a-t-il dit. Moi aussi, je peux jouer à ce jeu.Quand il s’est approché, j’ai brandi le couteau devant moi en reculant contre le

comptoir de cuisine. Tendant l’autre main, j’ai attrapé la bouilloire et, remerciant leCiel qu’il reste de l’eau dedans, je l’ai lancée sur lui.

Il a hurlé quand l’eau lui a ébouillanté le visage. J’en ai profité pour sauter par-dessus le comptoir et sortir de la cuisine. J’ai couru jusqu’à la porte d’entrée,espérant atteindre le couloir, où je pourrais appeler à l’aide, mais je n’ai pas réussi.L’homme qui avait plaqué Kristal au sol m’a attrapée, me faisant trébucher.

Le vampire aux yeux bleus est revenu au salon, haletant de rage. Il m’a saisie parle cou et m’a fait m’agenouiller.

– Kristoff, a-t-il dit, respirant bruyamment. Prends le fils Novak. Je vais prendrela fille. Et on ferait mieux d’emmener ces deux-là aussi, a-t-il dit en pointant Jakeet Kristal du menton. Christian et Sebastian : emmenez-les. Et assurez-vous quepersonne ne crie.

J’ai crié, mais il m’a bâillonnée. Il m’a écrasée au sol, face contre terre, puisl’instant d’après, j’ai entendu un bruit sourd contre mon crâne et tout a sombrédans l’obscurité.

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D

CH A P I T R E 1 0 : S O F I A

erek et moi avions passé la nuit debout, aidant Eli à étudier ses cartes dans sonbureau. Nous avions encerclé plusieurs endroits et pris de volumineuses notes,mais nous n’avions toujours pas trouvé de tendance.

– Je ne vois que dalle, a marmonné Eli en se frottant les tempes.– Peut-être que nous essayons de voir quelque chose qui n’est pas là, car c’est

notre seule théorie pour l’instant, ai-je soupiré.Je me suis levée et j’ai commencé à faire les cent pas.« Le Mexique, la côte ouest… ai-je murmuré lentement. Hmm… »– Je sais à quoi tu penses, a dit Derek en levant la tête.– Et c’est fou, non ? Personne ici ne ferait ça.Derek a secoué la tête.– Je doute que les vampires de cette île nous trahissent de façon aussi énorme.

Sofia, ça fait des dizaines d’années ! Comment quiconque aurait-il pu faire une tellechose pendant aussi longtemps ? Même si on met de côté la trahison inconcevable,pense à la logistique de cette opération. Quelqu’un aurait fini par le remarquer.

– Mais ce sont les mêmes endroits que l’Ombre ciblait pour enlever deshumains, ai-je dit.

Derek s’est frotté le visage et il a soupiré profondément.« Et nous savons que les vampires qui ne vivaient pas ici lors de la destruction

des portes ont été ramenés à Cruor, ai-je continué. Et que les vampires restantssont venus ici. »

Eli faisait tournoyer son stylo entre ses doigts.– Bien sûr, est-il intervenu, ce n’est pas comme si on pouvait le vérifier. En

théorie, il pourrait y avoir d’autres vampires sur la Terre dont nous ignoronsl’existence.

Je me suis tournée vers Eli, les sourcils froncés.– Mais comment survivraient-ils ? Les autres clans ont été détruits par les

Doyens, qui ont emmené tous les vampires survivants à Cruor. D’ailleurs, oùgarderaient-ils tous ces humains ? Et comment se déplaceraient-ils d’un endroit àl’autre ?

Eli a haussé les épaules.

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– Aucune idée. Je dis seulement que nous n’avons aucune preuve que d’autresvampires n’existent pas en dehors de l’Ombre.

– Je ne sais pas, ai-je marmonné en posant les mains sur la table. Tout pointevers l’Ombre. Après tout, l’île est vaste. Et nous savons combien il est difficile desurvivre exclusivement avec du sang animal. Mince, je me surprends parfois àdésirer mes propres enfants !

Derek et moi avons échangé des regards, la même expression sur nos visages. Ilnous était impensable de croire que quelqu’un trahisse notre confiance enenfreignant une loi de l’Ombre que nous avions établie presque vingt ans plus tôt.Mais surtout, nous ne voulions pas accuser notre propre peuple à la légère.

– Peut-être qu’on devrait enquêter, a fini par dire Eli, brisant le silence. Nouspourrions au moins écarter cette possibilité.

Derek a acquiescé avec réticence.– D’accord. Alors, mettons-nous au travail après nous être reposés.– Tu sais que notre loi ordonne l’expulsion de quiconque est reconnu coupable ?

a demandé Eli en m’observant.J’ai dégluti en hochant la tête.Derek et moi sommes retournés à notre appartement. Puis nous nous sommes

déshabillés et mis au lit. Je me suis lovée contre lui sous les draps.– Qui ça pourrait bien être ? ai-je demandé doucement en posant la tête sur sa

poitrine. Je veux dire, si c’était quelqu’un d’ici, tu penses que ce serait qui ?Derek a haussé les épaules, caressant mon dos.– Je n’en ai aucune idée. Mais peu importe qui est derrière tout ça, nous ne

pouvons pas nous permettre de retourner à nos vieilles habitudes.

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J

CH A P I T R E 1 1 : R O S E

’ai été réveillée par une douleur vive derrière la tête. J’ai senti une bosse enpassant la main dessus. J’étais couchée sur un sol de métal. Je me suis

redressée en me frottant les yeux. Ben était allongé à quelques mètres de moi. J’aibalayé la pièce des yeux pour trouver Jake et Kristal, mais ils n’étaient nulle part.

Nous étions dans une pièce sombre et humide, probablement dans un enginquelconque, car je sentais que nous nous déplacions. Sans doute la cale d’un bateauou la chambre de stockage d’un sous-marin.

Notre kidnapping m’est revenu à l’esprit. Je me suis ruée sur Ben et je l’aisecoué. Il n’a pas bougé.

Oh, mon Dieu.Je l’ai retourné sur le dos et j’ai placé la tête sur sa poitrine. J’ai expiré

profondément en entendant son pouls.– Ben ! ai-je chuchoté en lui secouant les épaules. Ben, réveille-toi !Je l’ai secoué de plus belle. Il n’ouvrait toujours pas les yeux, aussi je l’ai giflé au

visage.Ça a marché. Il a ouvert les yeux lentement en grognant.– Où… Où est-ce que… Qu’est-ce qui s’est passé ?Il s’est redressé, grimaçant en se frottant l’arrière de la tête.– Je ne sais pas. Je viens de me réveiller.– Où sont Jake et Kristal ?– Je te l’ai dit, je ne sais pas.Il s’est levé du sol humide et nous nous sommes assis sur un banc.– Je ne comprends pas ce que ces vampires veulent de nous, a-t-il dit. Je pensais

que l’autre t’avait laissée sur la plage alors qu’il aurait facilement pu t’enlever.Ma tête lancinait.– Oui. Il m’a laissée partir. Même qu’il avait peur de s’approcher de moi.– Alors qu’est-ce qu’ils fichent ici ? Qui sont ces vampires ? D’où viennent-ils ?

Ils ne devraient même pas exister.Je me suis tue un instant, passant la langue sur mes lèvres gercées, et une

question encore plus troublante m’a traversé l’esprit : Que feront-ils – ou pire,qu’ont-ils déjà fait – de Jake et Kristal ?

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« Des pouvoirs surnaturels seraient pratiques en ce moment, » a grommeléBen.

Ma gorge était tellement sèche, je mourais de soif. J’ai regardé autour de moi,mais la pièce était déserte à l’exception de quelques couvertures dans un coin. J’aienfoui la tête dans mes mains et j’ai respiré profondément.

Si quelque chose leur arrive, ce sera de notre faute.Nous aurions dû aller sur cette stupide île écossaise.– Ben, ai-je soudain dit. Regarde dans tes poches. Le portable y est toujours ?Il a tâté ses poches de jean et il a secoué la tête.– Ils ont dû nous fouiller et le confisquer.J’ai juré. Ben s’est levé et il a marché jusqu’à la porte de métal de la pièce, la

martelant de coups de poing.« On est réveillés, idiots ! a-t-il crié d’une voix aussi rauque que la mienne. Et

on a soif ! »Ben est revenu s’asseoir. Quelques minutes plus tard, nous avons entendu des

bruits de pas à l’extérieur, puis la porte s’est ouverte en grinçant.Un grand vampire roux est entré et il a posé un petit bol d’eau par terre. J’ai

reconnu ses yeux bleus instantanément.– Qu’as-tu fait d’eux ? ai-je craché en bondissant vers la porte.Il l’a claquée avant que je puisse l’atteindre.J’ai hurlé de frustration, bottant la porte. J’ai baissé les yeux vers le bol d’eau,

puis je l’ai ramené au banc.– Bois d’abord, a dit Ben.J’ai pris une gorgée, puis je le lui ai passé. Nous avons bu chacun notre tour

jusqu’à la dernière goutte. L’eau avait un goût métallique et rassis, comme si elleavait trempé dans un vieux récipient rouillé pendant trop longtemps, mais aumoins ce n’était pas de l’eau de mer.

Ben a remis le bol par terre et j’ai posé la tête sur son épaule. Il m’a enlacée, meserrant contre lui.

– Papa et maman me manquent, a-t-il avoué.– Moi aussi.

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CH A P I T R E 1 2 : S O F I A

ous les regards perplexes et interrogateurs, nous avons rassemblé les vampiresde l’île dans la vaste clairière devant les Hauts Sombres. Nous les avons faitattendre en rang et les avons appelés un à un dans une caverne faisant office, pourl’occasion, de salle d’interrogatoire. Ashley, Claudia et Zinnia ont produit unesymphonie particulièrement bruyante de plaintes, aussi nous les avons fait passerrapidement. Eli, Derek et moi avons questionné tous les vampires, ce qui nous apris toute la journée malgré la brièveté des entretiens.

Nous avons même interrogé nos proches : Vivienne, Xavier et mon père, Aiden.Nous savions qu’ils ne nous trahiraient jamais, mais nous devions le faire.Finalement, nous nous sommes posé les mêmes questions, concluant que nousavions chacun un alibi.

Il s’est révélé que chaque vampire de l’île avait un alibi pour la nuit del’enlèvement à Cancún… tous sauf Aiden et Abby. Eli, Derek et moi sommes restésassis en silence dans la caverne pendant un moment.

– Eh bien, si on met de côté Abby et mon père, tout le monde semble innocent,ai-je dit. À moins, bien sûr, qu’une large opération soit menée dans notre dos etque les vampires impliqués se fournissent des alibis entre eux.

– Je suppose que c’est possible, a dit Derek. Mais il serait difficile d’orchestrertout ça à la dernière minute. Nous avons demandé des informations spécifiques ; illeur aurait été difficile de ne pas laisser échapper un détail incriminant.

– Alors il reste Aiden et Abby, a dit Eli en regardant la longue liste de nomsdevant nous, les sourcils froncés.

– Ridicule ! ai-je dit. Ils ne feraient jamais ça.– Eh bien, comme tu en sembles convaincue, nous pouvons barrer tous les noms

de notre liste de suspects, a dit Eli en déposant la liste et en s’étirant dans sachaise.

J’ai acquiescé.– Super. Nous sommes de retour à la case départ, a grommelé Derek.– Bon, ça suffit pour aujourd’hui, a déclaré Eli en se levant. Je vais réfléchir à

tout ça à tête reposée demain matin.Derek et moi sommes retournés à l’appartement. Nous avons bu un peu de sang

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avant d’aller au lit. Nous étions au bord du sommeil lorsque quelqu’un a frappéfrénétiquement à la porte, nous réveillant d’un coup. Quand Derek a ouvert, Eli setenait devant la porte, couvert de sueur, les yeux écarquillés de panique.

– J’ai regardé les nouvelles à la télé avant de me coucher, a dit Eli, haletant. Il y aeu d’autres enlèvements. À Hawaï.

Il est entré en trombe.« Il y a eu deux incidents, à quelques jours d’intervalle. Le deuxième

enlèvement… a-t-il bégayé avant de reprendre son souffle. Rose et BenjaminNovak, vingt et un ans. Ils séjournaient chez Kristal et Jake Palmer, dix-huit et dix-neuf ans. Ils l’ont dit aux nouvelles. Les quatre ont disparu. »

– Quoi ? Mais ils sont à des kilomètres d’Hawaï, ai-je dit. Ils sont en Écosse.D’ailleurs, ils ont dix-sept ans, pas vingt et un. Ça doit être une coïncidence !

– Des jumeaux ! Ce sont des jumeaux !Je me suis soudain sentie étourdie. J’ai levé la tête vers Derek, qui avait la

mâchoire décrochée et les yeux ronds comme des billes.– Venez, je vais vous montrer ! a dit Eli. Ils ont diffusé leurs photos. Je les ai vus.

Ce sont vos jumeaux, pour l’amour du Ciel !

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’avais dû m’endormir dans les bras de Ben, car le sous-marin a tremblétellement fort que nous avons été projetés au sol, ce qui m’a brusquement

réveillée. J’ai grogné quand ma tête s’est cognée contre le mur. Mon estomac s’estretourné ; nous montions sans doute à la surface.

Plusieurs minutes de silence se sont écoulées, puis nous avons entendu untapage à l’étage. On aurait dit qu’une violente querelle avait éclaté.

– Réalises-tu qui est leur père ?– Évidemment. C’est pour ça qu’on les a pris.– Stellan, quel abruti tu fais !– D’avoir obéi aux ordres d’Annora ?– Menteur. Elle n’aurait jamais ordonné une telle chose.– Elle l’a fait. Quand tu lui as dit que tu avais failli enlever la fille.– Menteur !Nous avons entendu des coups. Des cris. Puis des bruits de pas descendant

rapidement vers nous. On a défoncé la porte en trois coups de pied, faisant craquerle bois et ployer le métal.

Un grand homme se tenait devant nous, une entaille profonde sur la joue, levisage sale et luisant de sueur. Son t-shirt était déchiré, révélant son torse musclé.

Le vampire avec qui j’avais dansé sur la plage.Caleb.Il nous observait de ses yeux d’un brun profond.« Dépêchez-vous, a-t-il dit à bout de souffle. Je vais vous sortir d’ici. »Ben et moi nous sommes immédiatement relevés. Caleb m’a agrippée par le bras

et il m’a poussée dans l’escalier. Ben nous a suivis de près.Un peu avant la dernière marche, Caleb m’a retenue par le bras.« Attends, » a-t-il chuchoté.Il est monté à côté de moi, pressant sa poitrine de roc contre mon dos en étirant

le cou pour voir ce qui se passait à l’étage.« Maintenant ! »Il m’a presque soulevée dans les airs en m’entraînant avec lui. J’ai anxieusement

regardé derrière pour voir si Ben nous suivait toujours.

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Le chaos régnait dans le sous-marin. Une large salle de commande se trouvait àl’avant de l’appareil, tandis que l’arrière consistait en une pièce remplie de sièges.Partout autour de nous, des vampires se bagarraient.

Je n’ai pas vraiment eu le temps de regarder autour de moi, car bientôt, Calebm’a aidée à grimper une échelle étroite. À l’étage supérieur, d’autres vampires sebattaient. Nous avons couru jusqu’à l’échelle suivante. Il m’a encore une foispoussée pour m’aider à monter. Cette fois, une écoutille ouverte se trouvait en hautde l’échelle. J’ai senti une pluie violente sur mon visage. Je me suis accrochée auxrebords de l’ouverture et je me suis hissée à l’extérieur du sous-marin.

Dehors, il faisait nuit et nous semblions flotter au milieu de l’océan. Un autresous-marin flottait parallèlement au nôtre. J’ai marché sur le toit de l’appareil. Lapluie battante embrouillait ma vision et rendait la surface lisse encore plusglissante. J’ai perdu pied, hurlant en cherchant quelque chose à quoi mecramponner, mais il n’y avait rien. J’ai fermé les yeux, me blindant contre la chutedans l’océan, lorsqu’une main forte m’a attrapé la cheville. La main m’a tiréejusqu’à la surface plane du toit. Quand j’ai levé la tête, Caleb me fixait intensément.

« Fais attention ! » m’a-t-il réprimandée.J’ai frissonné en regardant les eaux noires dans lesquelles j’avais failli tomber.

J’ai regardé autour de moi, soupirant de soulagement en voyant Ben sortir del’écoutille. Il s’est accroupi près de moi, me tirant vers lui.

Caleb a sifflé et des vampires ont commencé à sortir par l’écoutille, se tassantsur le toit du sous-marin. Le dernier a claqué la porte derrière lui et trois vampiresl’ont aidé à pousser dessus pour empêcher les autres de sortir.

Caleb a sifflé à nouveau et le sous-marin qui naviguait près de nous s’estapproché. Dès qu’il a été assez proche, les vampires ont commencé à sauter d’untoit à l’autre. Un est resté à bloquer la porte. Ben m’a poussée vers Caleb.

– Vite, prends ma sœur, a-t-il dit en regardant l’écoutille d’un air inquiet.Caleb a hoché la tête, puis il m’a regardée.– Grimpe sur mon dos. Tiens-toi bien.Tremblante, j’ai enroulé les bras autour de son cou et les jambes autour de sa

taille. J’ai fermé les yeux lorsqu’il a sauté. Quand nous avons atterri sur le toit del’autre sous-marin, Caleb a dû s’accrocher à un tuyau pour éviter de glisser.

« Entrons ! » a-t-il ordonné ensuite.– Non ! Attends ! me suis-je exclamée, me débattant alors qu’il essayait de me

pousser dans le sous-marin.Le vampire qui retenait l’écoutille de l’autre appareil a perdu pied et il est tombé

à l’eau.Il ne restait plus que Ben.« Ben ! ai-je crié. Saute ! »Il s’est lancé, mais le vampire roux qui venait d’arriver sur le toit a sauté en

même temps, l’entraînant avec lui dans l’océan.« Non ! Ben ! »Ben a lutté alors que le rouquin le hissait sur le toit de son sous-marin.

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« Caleb ! Fais quelque chose ! » ai-je crié alors que le vampire entraînait Benavec lui dans l’appareil. Je me suis débattue, essayant de me libérer de son emprisepuissante.

Mais il n’aurait même pas eu le temps de sauter. L’écoutille s’est refermée enclaquant, puis le sous-marin a disparu dans les profondeurs de l’océan noir.

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e fixais la télévision d’Eli, croyant à peine ce que je voyais.Les photos de passeport de mes jumeaux sont apparues à l’écran.

– Ce sont les suspects, a dit Eli en pointant l’écran.On diffusait des images de surveillance montrant deux hommes vêtus de longs

manteaux, de gants et de chapeaux noirs, entrant dans le vestibule d’un immeuble.Derek s’est levé et il a juré en voyant les deux hommes entrer dans l’ascenseur

avec Rose et probablement son amie Kristal.– Mais comment est-ce arrivé ? Comment diable se sont-ils retrouvés à Hawaï ?– Oh, mon Dieu ! ai-je dit. Tu sais combien ils se plaignaient de l’Écosse. Ils ont

dû trouver une façon de partir et de se rendre là-bas.Derek a frappé le poing sur la table.– Et qui sont ces hommes ?Il regardait l’écran comme s’il voulait entrer dedans et arracher le cœur des deux

hommes ici et maintenant. Impossible de voir qui ils étaient. Pour le peu que noussachions, ils auraient pu être des humains ordinaires qui cherchaient des jeunesfilles innocentes à kidnapper.

– Voilà la vidéo des deux hommes entrant dans l’appartement, a dit Eli enpointant l’écran avec la télécommande, tremblant. Suivis par deux autres quelquesminutes plus tard. Mais il n’y a aucune vidéo d’eux en sortant. C’est pourquoi lapolice est aussi perplexe. Ils ne comprennent pas comment quatre hommes ont pusortir quatre personnes de là sans se faire filmer par les caméras de surveillance. Ladernière vidéo est celle des hommes entrant dans l’appartement. Après, rien.

– Nous devons partir, ai-je déclaré en me levant. Nous devons les retrouver.Derek et moi sommes sortis de l’appartement d’Eli en trombe et nous avons filé

à travers bois jusqu’au Sanctuaire. Derek a défoncé l’immense porte en bois de sespropres mains et nous avons couru dans les couloirs jusqu’à la chambre principale.

– Ibrahim ! Corrine ! avons-nous hurlé en débarquant dans la pièce.Les deux se sont redressés en se frottant les yeux, somnolents.– Sofia ? a marmonné Corrine. Derek ? Que se passe-t-il ?– Les jumeaux ! ai-je crié. Ils ont été enlevés !Ma déclaration l’a réveillée plus vite qu’un seau d’eau glacé en plein visage.

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– Vous devez nous transporter à Honolulu immédiatement.Elle et Ibrahim se sont dépêchés de sortir du lit et d’enfiler un peignoir. Corrine

m’a saisie par les épaules et elle m’a secouée.– Quoi ? Que racontes-tu ? Hawaï ?– Nous n’avons pas le temps de vous expliquer.Corrine a juré, puis plaqué la main sur sa bouche.– Tout est de ma faute ! a-t-elle frémi.– Quoi ? a demandé Derek en serrant les épaules de Corrine. Que veux-tu dire ?– Pour l’anniversaire des jumeaux, Rose m’a demandé de changer les dates de

naissance sur leurs passeports. Elle m’a promis que ce ne serait que pour—– Derek, nous n’avons pas le temps, ai-je exhorté. Conduisez-nous là-bas ! Tout

de suite !Ibrahim et Corrine nous ont empoigné les épaules et quelques secondes plus

tard, nous avions disparu de l’Ombre en un tourbillon de couleurs.

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CH A P I T R E 1 5 : R O S E

’ai crié lorsque le sous-marin s’est enfoncé dans l’eau.Caleb a resserré son emprise autour de ma taille, me tirant vers l’écoutille,

mais je me suis débattue de plus belle.– Lâche-moi ! ai-je crié.Il m’a serré les poignets et il m’a entraînée dans le sous-marin. J’ai senti des

mains agripper mes jambes et m’aider à descendre. Quand mes pieds ont touché lesol et que Caleb a claqué la porte du sous-marin derrière lui, mes genoux ontflanché et j’ai éclaté en sanglots.

« Ben ! Ben ! Non ! »J’ai fermé les yeux en priant que lorsque je les rouvrirais, je me réveillerais chez

Kristal. Que tout avait été un cauchemar horrible. Je me lèverais et je courrais à lachambre de Ben, où je le trouverais étendu sur son lit dans son pyjama bleu.

« Ben, Ben, Ben, » ai-je murmuré, comme si prononcer son nom me leramènerait.

Caleb s’est accroupi à côté de moi. Je l’ai regardé dans les yeux, ma visionembrouillée par les larmes.

– Je retrouverai ton frère, m’a-t-il assuré de sa voix profonde.Son visage était cendreux, ses cheveux sombres trempés par la pluie. Il s’est levé

et il a commencé à marcher.– Attends, ai-je bégayé en me relevant et en le suivant. Comment ? Comment

vas-tu le retrouver ?Caleb a continué à marcher sans se retourner. Des vampires blessés passaient

devant nous, allant d’une pièce à l’autre tandis que nous longions le couloir étroit.Le vampire n’a rien répondu jusqu’à ce que nous atteignions une porte à l’avant del’appareil. Il l’a poussée, puis il a pris place au poste de pilotage à côté d’un vampirequi était probablement le capitaine du sous-marin.

Une fois assis, Caleb a pivoté dans son fauteuil pour me faire face.– Je vais parler à son supérieur. Il n’avait aucun droit de faire ce qu’il a fait.Je me suis assise dans un fauteuil libre derrière eux.– Mais où allons-nous ? Pourquoi ne pas suivre leur sous-marin et sauver Ben

tout de suite ? Comme tu m’as sauvée.

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Caleb a secoué la tête avant de poser les yeux devant lui à nouveau.– Il est trop tard pour ça.– Mais s’ils lui faisaient quelque chose entre-temps ?– Ils ne lui feront pas de mal.– Comment le sais-tu ?– Je le sais.Voir mon frère se faire enlever par un vampire avait été l’expérience la plus

douloureuse de ma vie.– Où va-t-on maintenant ? ai-je soufflé, les larmes coulant sur mes joues à

nouveau.– On retourne à la base.– La base ?– Tu verras, a dit Caleb, l’impatience manifeste dans sa voix. Cesse de poser des

questions.Essuyant les larmes du dos de ma main, j’ai regardé par la fenêtre pour me

donner une idée d’où nous étions. Mais il n’y avait que l’océan noir à perte de vue.J’ai fermé les yeux.S’il te plaît, Ben. Sois prudent. S’il te plaît.Puis j’ai pensé au portable qu’ils nous avaient confisqué. Nos parents

l’utilisaient pour nous appeler trois fois par semaine : lundi, mercredi et vendredi.Si nous ne les appelions pas, ils se douteraient de quelque chose.

Comment diable vont-ils nous trouver ? Ils vont appeler le bureau du camp desurvie et découvrir que nous sommes partis il y a longtemps.

Mince. Nous aurions dû les appeler et leur parler de ces vampires.Les larmes menaçaient de revenir, bien qu’il ne serve à rien de pleurer. Ça ne

sauverait pas Ben. Ça n’aiderait pas nos parents à nous retrouver. J’ai regardéCaleb.

Il est notre seul espoir.Je ne comprenais pas pourquoi il voulait nous aider et je ne pouvais pas lui faire

confiance, mais il était ma seule lueur d’espoir dans les ténèbres.J’ai éternué. Mes vêtements étaient trempés par la pluie.Caleb s’est retourné pour me regarder et il s’est immédiatement levé.« Suis-moi. »Il m’a emmenée hors de la salle des contrôles. Nous avons longé le couloir

jusqu’à une porte. Il a frappé trois fois.« Frieda, » a-t-il appelé.La porte s’est ouverte et une grande goule à la peau d’ébène serrant une vilaine

entaille sur son bras est apparue dans l’embrasure.« Aurais-tu des vêtements de rechange pour elle ? »Les yeux noisette de la femme se sont posés sur moi et elle a hoché la tête.– Oui, je suis sûre que je peux lui trouver quelque chose. Entre.Caleb a placé la main dans le bas de mon dos et m’a gentiment poussée à

l’intérieur. Frieda a refermé la porte derrière moi.

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« Voyons voir, » a-t-elle dit.La cabine était petite – à peine assez grande pour un lit simple et une armoire.

La femme s’est penchée pour ouvrir un tiroir. Elle en a d’abord sorti une serviette.Puis un long peignoir.

« Ce n’est pas grand-chose, mais ce sera mieux que ces vêtements trempés. »Elle a déposé les affaires sur son lit avant de sortir pour me laisser me changer.Ignorant quoi faire de mon pyjama mouillé, je l’ai laissé dans un coin. Je me suis

séchée le plus possible avec la serviette, puis j’ai enfilé le peignoir. J’ai ensuiteenveloppé mes cheveux dans la serviette. Quand j’ai ouvert la porte, Friedam’attendait de l’autre côté.

– Merci, ai-je murmuré.Elle a hoché la tête et elle s’apprêtait à retourner dans sa chambre quand j’ai

demandé :« Je peux te poser quelques questions ? »– Tu ferais mieux de les poser à Caleb. J’ignore ce que tu as le droit de savoir.Elle a refermé la porte et je suis retournée au poste de pilotage. Quand j’ai

poussé la porte, Caleb s’est retourné et il m’a regardée brièvement, puis il a pivoté ànouveau vers le pare-brise. Je me suis assise.

– Dans combien de temps arrive-t-on à la base ? ai-je demandé.– Environ trois heures.

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CH A P I T R E 1 6 : R O S E

e sous-marin a ralenti et nous avons monté à la surface.« Nous sommes arrivés, » a dit Caleb.

Il s’est levé et je l’ai suivi dans le couloir étroit jusqu’à l’échelle de l’écoutille. Il agrimpé le premier, moi derrière. Les autres vampires se sont mis en rang derrièremoi.

– Oh, ai-je soufflé en regardant autour de moi.Le froid soudain m’a fouettée au visage – on aurait dit que nous étions au pôle

Nord. Tout était enneigé. Nous nous étions arrêtés dans un petit port. Derrièrenous, au loin, les rayons du soleil frappaient l’océan, mais ils étaient bloqués par unsortilège comme celui de l’Ombre.

J’ai regardé devant moi à nouveau. Caleb se tenait sur la jetée de bois glacée et ilme regardait, les bras croisés. Grelottant de froid, j’ai descendu l’échelle. J’ai faillitrébucher à cause du long peignoir de Frieda.

J’ai vite balayé l’horizon des yeux. Malgré le fait que l’île était enneigée, elleressemblait assez à l’Ombre. Il y avait une forêt dense – bien que les arbres nesoient pas aussi grands – et j’ai aperçu une chaîne de montagnes au loin.

– D’où vient ton clan ?Caleb est resté silencieux, regardant droit devant.Quand j’ai répété ma question, il s’est retourné.– Moins tu en sais, plus tu es en sécurité. Ma priorité est de vous ramener, ton

frère et toi, à vos parents. Je te dirai tout ce que tu as besoin de savoir en temps etlieu. Le reste n’a pas d’importance et je te conseille de ne pas poser de questions.

J’ai voulu objecter, mais son expression sévère m’a fait frissonner plus que latempérature.

Après un moment, je me suis retournée pour regarder les vampires de son clan.J’ai reconnu quelques-uns des hommes présents à la beach party. Il devait y avoirune cinquantaine de vampires – femmes et hommes. Ils semblaient tous jeunes,dans la vingtaine.

Nous nous dirigions vers les montagnes. Puis je l’ai aperçu au loin : ungigantesque château de pierre sombre, avec plusieurs tourelles aux toits pointus,juché entre les sommets les plus élevés. Le seul fait de le regarder m’a donné le

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vertige.Caleb s’est tourné vers moi.« La route est longue. Je vais devoir te transporter. »Il n’a pas attendu ma permission. Plaçant un bras derrière mes genoux et

enroulant l’autre autour de ma taille, il m’a soulevée. Puis il s’est mis à grimperl’escalier en colimaçon menant jusqu’au château. Sa vitesse m’a coupé le souffle, levent glacial battait contre mes oreilles. Je me suis cramponnée à son cou. J’airegardé par-dessus son épaule et j’ai vu les autres vampires qui couraient derrière.

Quand nous sommes arrivés au sommet, environ dix minutes plus tard, jetremblais de façon incontrôlable. Quant à Caleb, on aurait dit qu’il revenait d’unepetite promenade, pas d’un sprint jusqu’au sommet d’une montagne enneigée.

Il m’a posée par terre lorsque nous avons atteint les immenses portes en chênedu château. Il les a poussées et elles ont grincé en s’ouvrant.

Hésitante, je l’ai suivi. Nous sommes arrivés dans une gigantesque salle éclairéeseulement par des chandelles. Les flammes dansaient sur les murs ombragés.Marchant sur le sol de marbre noir, nous nous sommes dirigés vers un grandescalier.

L’endroit était tellement lugubre que j’ai instinctivement attrapé la main deCaleb. Il ne m’a pas regardée, mais je l’ai senti se tendre. Puis il a doucementrefermé sa main autour de la mienne.

Nous sommes montés au premier étage, laissant les autres vampires vaquer àleurs occupations, puis nous avons grimpé un escalier en colimaçon interminablejusqu’à ce qui m’a semblé être le sommet d’une tourelle.

Nous nous sommes arrêtés devant une porte noire sur laquelle était gravée uneinscription en langue inconnue. Caleb a lâché ma main et il a frappé.

« Annora ! a-t-il crié. Ouvre. C’est Caleb. »La porte s’est ouverte en grand, révélant une femme blafarde aux cheveux et aux

yeux gris.– Tiens, tiens, a-t-elle dit en me regardant froidement.Caleb est entré en me tirant par le bras.La pièce était rectangulaire, avec une table ovale dans un coin et plusieurs

méridiennes recouvertes de soie dans l’autre. Des rideaux de velours tombaient surles fenêtres.

Caleb a refermé la porte derrière nous.– C’est la fille Novak. Stellan a kidnappé son frère et elle.Stellan. Ça doit être le nom de cet abruti aux cheveux roux.– Alors que vas-tu faire d’elle ? a demandé Annora. J’ai dit à Stellan d’emmener

les deux jumeaux sur l’île, mais je ne les voulais pas ici.– Tu as fait quoi ?La mâchoire de Caleb s’est décrochée et il a dévisagé la femme.Elle a souri froidement en passant un doigt sur sa joue. Il a bronché, sans

toutefois reculer.– Oui, Caleb. J’ai dit à Stellan de les kidnapper.

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– Es-tu folle ? Pourquoi ferais-tu ça ? a fulminé Caleb. Nous avons déjà assez demal à—

– Quand tu m’as dit que tu avais failli enlever cette fille cette nuit-là, j’airéfléchi…

Elle m’a regardé en grimaçant.« Mais ce n’est pas le moment. »– Mon Dieu ! a soufflé Caleb en se massant le front.Annora l’a regardé sévèrement.– As-tu essayé de contrecarrer Stellan ?Caleb a acquiescé.– Jamais je n’aurais cru que tu donnerais un tel ordre.Elle a ricané en passant un bras autour de sa taille, tandis que son autre main a

levé son menton pour qu’il lui fasse face. Il a encore bronché à ses avances, mais iln’a pas reculé.

– Tu ne me fais pas encore confiance, après tout ce temps ?Il a grogné.– Peu importe ton plan, garder ces jumeaux prisonniers nous causera trop

d’ennuis, a-t-il dit, les dents serrées. Ça n’en vaut pas la peine. Nous devons lesramener immédiatement.

– Non, a-t-elle dit, son sourire se dissipant. Le fils Novak restera avec Stellan. Etcomme tu as emmené la fille ici, elle peut rester sous ton contrôle. En y pensantbien, c’est peut-être mieux qu’ils soient séparés.

La mâchoire de Caleb s’est contractée.– Et que vais-je faire d’elle ?– Pour l’instant, traite-la en invitée. Donne-lui sa propre chambre. Bien sûr, tu

devras l’informer de ce qui lui arriverait si elle essayait de s’échapper.– Attendez, non ! S’il vous plaît, ai-je dit en m’agenouillant à ses pieds. Je vous

en prie, laissez-nous partir.Caleb m’a redressée en me tirant par le bras.« Je vous en prie ! ai-je crié lorsqu’il m’a traînée hors de la chambre. Je dois voir

mon frère ! Emmenez-le au moins ici, ou laissez-moi allez là-bas ! »Caleb a claqué la porte derrière nous. Une fois à l’extérieur, il a juré en frappant

le mur de pierre. Je l’ai fixé, retenant mon souffle, les larmes me montant aux yeuxà nouveau.

« Que va-t-il arriver à mon frère ? »– Ne supplie jamais cette sorcière, a-t-il dit en inspirant profondément, comme

s’il essayait de contenir sa colère. Ça ne fait que l’encourager.– C’est une sorcière ?Il a acquiescé en grimaçant.« Mais c’est toi le chef, ici ? Alors ramène-nous à la maison ! Pourquoi écoutes-

tu cette harpie ? »Il m’a prise par la main et il m’a traînée vers l’escalier.– J’espère vraiment qu’elle ne t’a pas entendue l’appeler ainsi.

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– Réponds-moi ! ai-je dit en tirant sur sa main, peinant à maintenir son rythme.Comme il continuait à descendre en m’ignorant, je me suis arrêtée net, refusant

de faire un pas de plus. Il a lâché ma main avant de m’attraper par la taille et de mebalancer sur son épaule.

« Lâche-moi ! » ai-je crié, le souffle coupé.Quand il m’a enfin déposée, nous étions devant une porte ouverte. Il m’a fait

entrer dans la chambre. Elle était froide, comme le reste du château, mais douillette– voire luxueuse –, avec des rideaux de velours rouges et d’épais édredons.

Le vampire s’est retourné pour partir.« Non ! Tu ne peux pas t’en aller comme ça, ai-je crié en courant derrière lui. J’ai

besoin de réponses ! »Il a claqué et verrouillé la porte.

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’ai crié en martelant la porte pendant environ une heure avant de réaliser quepersonne ne viendrait m’ouvrir. Mes poings étaient à vif à force de buter

contre le bois massif. J’ai marché jusqu’aux portes menant au balcon et je les aiouvertes. Je me suis avancée dehors et j’ai regardé autour de moi.

La sorcière ne lui a pas dit de m’enfermer ici. Je suis censée être traitée eninvitée.

J’ai d’abord regardé la mer. Au loin, il semblait faire nuit – le soleil ne chatoyaitplus sur les vagues hors des limites du sortilège.

J’ai frissonné. Le balcon surplombait une falaise escarpée. Ma chambre setrouvait à un des étages supérieurs du château. M’échapper par ici serait du suicide.Il n’y avait rien d’autre à quoi m’accrocher que des rochers. Des rangs de balconss’étendaient à mon étage comme à celui du haut, mais ils étaient trop espacés pourque je puisse sauter d’un balcon à l’autre.

Je suis rentrée et j’ai balayé la pièce des yeux. Je me suis dirigée vers l’armoire etj’ai été soulagée d’y trouver un peignoir épais. Je me suis emmitouflée dedans, cequi m’a réchauffée, bien que je sois encore frigorifiée.

Le château n’était pas chauffé. Mais il y avait une vieille cheminée dans un coinde la chambre. Elle contenait des bûches sèches et quelques charbons. J’ai pris lepaquet d’allumettes au-dessus de l’âtre, puis j’ai allumé un feu. Je me suis ensuitemise au lit en m’enveloppant sous les couvertures jusqu’à ce que je sente moncorps retrouver une température normale.

C’est là que j’ai entendu le loquet se déverrouiller. Je me suis ruée hors du litjuste à temps pour voir la porte se refermer et se verrouiller à nouveau. Devant laporte se trouvait un plateau. Une cruche d’eau, une tasse vide et un bol en métal. Jeme suis penchée et j’ai reniflé le bol.

Du gruau.Ça alors. Si c’est ça que vous donnez à vos invités, je ne veux pas savoir ce que

vous donnez à vos prisonniers.J’ai bu l’eau, mais je n’avais pas faim. Surtout pas pour de la bouillie d’avoine.J’ai frissonné en me demandant si Ben était mieux traité que moi. Mais sous la

coupe de Stellan, j’en doutais fortement.

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Je suis retournée me recroqueviller sous les couvertures et j’ai essayé dem’endormir. Mais j’en étais incapable. Je suis restée étendue pendant des heures àfixer le lustre au plafond. Je n’arrivais pas à chasser de mon esprit les imagesépouvantables de Ben se faisant entraîner de force dans le sous-marin noir. Je necessais de penser à l’inquiétude de mes parents lorsqu’ils découvriraient que nousn’étions pas en Écosse.

Il devait être minuit passé quand j’ai entendu un bruit sourd. Puis un autre. Onaurait dit que le vacarme provenait de la chambre au-dessus de la mienne. Lesbruits se sont accentués, devenant de plus en plus violents, jusqu’à ce que le lustrese balance au plafond.

Que se passe-t-il ?– Arrête ! a crié un homme.Mon cœur a bondi dans ma poitrine. J’ai entendu du verre se fracasser. Puis

d’autres cris. Je me suis levée et je suis sortie sur le balcon, frissonnant en serrantmon peignoir.

« Ne m’oblige pas à faire ça. »La voix était claire cette fois.La porte du balcon d’en haut doit être ouverte.Puis une voix de femme a dit : « Pourquoi rends-tu ça aussi difficile ? »D’autres coups et éclats.« Caleb ! »Caleb ?J’ai entendu du bois craquer.– Espèce de harpie !Un autre coup au plafond, puis un gémissement de douleur.– Je pense que ça suffit pour aujourd’hui, a dit la femme.Sa voix était plus claire, comme si elle était sur le balcon. Assez claire pour que je

réalise de qui il s’agissait : la sorcière.Je me suis accroupie et j’ai écouté, retenant mon souffle. J’ai entendu des pas

s’estomper, une porte claquer au loin, puis d’autres pas sur le balcon. Je me suistapie dans l’ombre en voyant deux mains agripper la rambarde du haut. J’aientendu une respiration forte et irrégulière.

Je suis restée là, alors que mes pieds nus gelaient, jusqu’à ce que Caleb rentre àl’intérieur et qu’il referme la porte derrière lui. Puis j’en ai fait de même avant deretourner au lit.

J’ai essayé de fermer les yeux et de m’endormir, mais je me sentais plus éveilléeque jamais. Je repensais aux sons violents que j’avais entendus à l’étage. Même s’ilsavaient cessé, ils résonnaient encore dans mon esprit – surtout la façon dont Calebavait gémi de douleur.

Qu’est-ce que cette sorcière lui a fait ?

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e suis sortie du lit au petit matin puis, après avoir traîné ma couverture etmon oreiller jusqu’à la porte, je me suis couchée devant. Je ne fermerais

manifestement pas l’œil de la nuit, aussi j’ai décidé d’attendre près de la portequ’on vienne me porter mon petit déjeuner. Peu importe qui c’était, je devaisl’attraper.

De fait, vers neuf heures du matin d’après la vieille horloge dans ma chambre, laporte s’est ouverte en grinçant. Je me suis dépêchée de me lever et de placer monpied entre le cadre et la porte.

Devant moi se trouvait Frieda, tenant un autre plateau de ce qui semblait être dugruau et une cruche d’eau. Elle a failli le lâcher en me voyant.

Je devais agir vite.– Frieda, ai-je dit. Je ne peux pas manger de gruau. En fait, je suis allergique à

l’avoine. Je n’ai pas mangé la ration que tu m’as apportée hier. Puis-je avoir autrechose ?

Elle m’a dévisagée comme si elle ignorait quoi faire de moi.– C’est ce que nous offrons aux humains ici. Nous n’avons pas grand-chose

d’autre.– Peux-tu m’emmener aux cuisines ? Je suis sûre qu’il y a quelque chose de

meilleur…– Je ne suis pas cuisinière. Je t’apporte ton plateau seulement parce que Caleb

tient à ce que je le fasse – mais j’ignore pourquoi.– D’accord, alors dis-moi où se trouvent les cuisines et j’irai moi-même.Elle a froncé les sourcils.– Caleb n’a pas dit que tu avais le droit de te promener seule dans le château.– Eh bien, la sorcière a dit que j’étais une invitée ici. Pas une prisonnière.La goule semblait toujours hésitante.« Je te promets que je serai de retour dans une demi-heure, ai-je dit pour la

rassurer. Je suis enfermée dans cette petite pièce depuis une éternité. J’ai besoin deme dégourdir les jambes. »

– D’accord, a-t-elle soupiré. Mais je viens avec toi. Je suis sûre que Caleb seraitd’accord si je t’accompagne.

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Elle a déposé le plateau par terre dans mes quartiers, puis elle m’a serré la mainet entraînée dans le sombre couloir. En descendant un étage après l’autre, je n’aipas vu beaucoup d’autres vampires dans le château. Sans doute parce qu’il étaitencore tôt.

– Alors, enlevez-vous des humains souvent ? ai-je demandé en essayant – envain – de sembler indifférente.

Elle s’est arrêtée net et elle m’a observée, semblant se demander si elle devaitrépondre.

– Hmm, nous y allons tous les deux ou trois mois. Mais c’est de plus en plusdifficile.

– Que veux-tu dire ?Elle a froncé les sourcils à nouveau.– Eh bien, évidemment, après des années de disparitions, nous pouvons

seulement cibler les endroits où il n’y a pas de caméras de surveillance, pour éviterde nous faire filmer. Il nous serait difficile d’enlever des gens si nos visages étaientdiffusés partout.

Des années de disparitions.Pourquoi ignorais-je tout ça ? Pourquoi nos parents ne nous l’avaient-ils pas

dit ?– Et les humains que vous enlevez, vous les utilisez pour leur sang ?– Ça ne te regarde pas.– D’accord. Alors, peux-tu me dire d’où vous venez ? Parce que j’ai vécu sur

l’Ombre toute ma vie et je n’ai jamais entendu parler d’autres clans.– Moins tu en sais, mieux c’est.J’ai évité de poser d’autres questions jusqu’à ce que nous arrivions aux cuisines

où des étagères remplies de bouteilles contenant un liquide rouge m’ont faitfrissonner. Il y avait aussi des bouteilles d’alcool.

Frieda avait raison en disant qu’ils n’avaient pas grand-chose d’autre que dugruau. Il y avait plusieurs sacs d’avoine dans un coin, mais j’ai vu un bol rempli defruits. J’ai pris deux pommes et une banane. Si j’étais obligée de manger du gruau,les fruits rendraient au moins mes repas plus attrayants.

Nous sommes remontées jusqu’à ma chambre. Frieda a ouvert et m’a fait signed’entrer. Elle allait refermer la porte quand je l’ai retenue.

– Que se passe-t-il là-haut durant la nuit ? ai-je demandé en pointant leplafond.

Elle m’a fusillée du regard.– Ce qui se passe là-haut est entre lui et la sorcière, compris ?Elle est partie en coup de vent.

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lle a laissé la porte déverrouillée.J’avais dû l’ébranler au point qu’elle oublie de verrouiller la porte. J’ai laissé

tomber les fruits, puis j’ai ouvert et j’ai balayé le sombre couloir des yeux. Voyantqu’il était vide, je suis sortie en m’assurant de laisser la porte entrouverte.

Toujours nu-pieds, je suis retournée à l’escalier d’où Frieda et moi venionsd’arriver. Je me suis accroupie près de la rambarde et j’ai regardé en bas. Satisfaitede voir que la voie était libre, j’ai entamé ma descente. La gorge sèche et le cœurbattant la chamade, j’ai réussi à atteindre le rez-de-chaussée sans me faireremarquer. L’étage semblait désert. J’ai couru jusqu’aux portes de chêne massif etj’ai tourné la lourde poignée de métal dans tous les sens. En vain.

Zut.Les fenêtres.J’ai marché jusqu’à la première pièce vide que j’ai trouvée. On aurait dit une

sorte de salle à manger, avec de hauts plafonds, des fenêtres à vitraux et une longuetable de bois au centre.

Je me suis lancée sous la table et j’ai rampé jusqu’à ce que j’arrive à côté d’unefenêtre. Je me suis relevée et j’ai agrippé la poignée. La fenêtre s’est ouvertefacilement. Mais à mon grand dam, quand j’ai regardé en bas, je me suis à nouveauretrouvée devant une falaise. Il n’y avait rien à quoi m’accrocher, aucun moyen dedescendre.

Je ne survivrais jamais à une telle chute. Et même si, par miracle, je survivais, jemourrais de froid avant même d’atteindre la forêt.

La seule façon de m’enfuir semblait être par la porte d’entrée.Je suis retournée vers l’escalier et j’ai commencé à remonter. J’ai croisé deux

vampires sur mon chemin, mais heureusement, ils ne m’ont pas prêté attention.Ils ont dû se dire qu’on m’avait donné la permission de déambuler.

Au lieu de retourner dans ma chambre, j’ai grimpé jusqu’à l’étage suivant – celuide Caleb. Arrivée devant sa chambre, j’ai placé l’oreille contre la porte. Je n’ai rienentendu.

J’ai essayé d’ouvrir, mais c’était fermé à clé. J’ai frappé.J’ai entendu un léger grognement, puis des pas se diriger vers moi. Quand la

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porte s’est ouverte, j’ai aperçu Caleb à moitié nu, les yeux bouffis. Ses cheveuxsombres étaient ébouriffés et il portait un drap enroulé autour de la taille. J’ai eu lesouffle coupé en regardant son torse nu.

– Tu… Comment as-tu—Avant qu’il puisse prononcer un autre mot, je me suis faufilée à l’intérieur de ses

quartiers.– Si, par mégarde, tu laissais la porte principale déverrouillée, ai-je dit en me

forçant à le regarder dans les yeux, je pourrais m’enfuir. La sorcière n’a pas à lesavoir.

Il est allé dans sa chambre, puis il en est ressorti vêtu d’un peignoir noir.– Qui t’a laissée sortir ?Je l’ai ignoré. Il a tendu la main vers la poignée, mais je me suis plaquée contre la

porte.– Je ne vais nulle part tant que je n’aurai pas eu de réponse.Il s’est frotté le visage en soupirant profondément.– Je ne veux pas d’ennuis. Sors.– Ouvre la porte principale, et je disparaîtrai dans la nuit. Personne ne saura que

tu m’as laissée m’enfuir. N’importe qui dans ce château pourrait oublier deverrouiller la porte.

Il a secoué la tête en me fusillant du regard.– Tu crois vraiment qu’il est facile pour un humain de s’évader d’ici ? Il y a un

sortilège sur l’île qui la rend froide en permanence. Même si tu te rendais jusqu’auport sans te faire prendre ni mourir d’hypothermie, que tu arrivais à entrer dans unsous-marin et que tu trouvais le moyen de le piloter, il y a un autre sortilège quiempêche quiconque de quitter l’île sans permission.

– Alors pourquoi ne pars-tu pas avec moi ? ai-je dit en tirant sur la manche deson peignoir. Pendant que la sorcière est occupée. Elle n’a pas à le savoir.

Il semblait en avoir eu assez de notre conversation. Il m’a traînée hors de sonappartement.

Il s’est arrêté devant ma chambre et il a ouvert la porte.« Non ! »Je me suis cramponnée au cadre de porte lorsqu’il a essayé de me pousser à

l’intérieur.« Tu ne vas pas m’enfermer ici à nouveau. »Il m’a attrapé les mains et les a décrochées du cadre. J’ai sauté sur lui, enroulant

les bras autour de ses épaules et les jambes autour de sa taille. Mon mouvementsoudain lui a fait perdre l’équilibre et il a reculé en chancelant jusqu’à ce que sondos heurte le mur.

Empoignant mes jambes, il les a ôtées de sa taille, puis il en a fait de même avecmes bras.

Je suis restée debout à le fixer. Il a soutenu mon regard.– D’accord ! a-t-il crié. Je ne fermerai pas la porte. Mais si tu essayes de t’enfuir,

tu te feras tuer, ou pire encore. Je t’aurai avertie.

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Je n’ai pas acquiescé, mais je n’ai pas objecté non plus. Il a tourné les talons. J’aiété tentée de lui demander pourquoi il ne pouvait pas s’enfuir avec moi et pourquoiil obéissait à la sorcière, mais je me suis dit que c’était un progrès. Je n’étais plusprisonnière de mes quartiers.

Mais j’étais toujours prisonnière du château.Je n’arrive pas à croire qu’il ne pourrait pas me faire sortir d’ici s’il le voulait.

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e soir-là, étendue dans mon lit, j’ai entendu le vacarme à nouveau.Bang ! Bang ! Bang ! Je me suis redressée sur mon lit, essayant de mieux

entendre les bruits provenant du plafond.– Dis-le, a sifflé la sorcière.J’ai entendu un gémissement. Et le crépitement du feu dans la cheminée.« Je commence à perdre patience. »Des éclats de verre. Le grincement d’un meuble lourd contre le sol.J’ai vite enfilé mon peignoir et je suis sortie de ma chambre. Sur la pointe des

pieds, j’ai monté l’escalier, puis j’ai marché jusqu’à la porte de Caleb. J’ai posél’oreille dessus. Les voix étaient soudain plus claires.

« J’ai besoin que tu le dises. »– Non, a grogné Caleb. Jamais.Sans faire exprès, j’ai poussé sur la porte, qui s’est ouverte. Je me suis figée.Oh, non.Un silence s’est abattu sur la pièce et j’ai aperçu la sorcière. Elle était vêtue

d’une longue robe vert sombre et ses cheveux étaient détachés. Elle avait uncoquart et une profonde entaille sanglante sous la clavicule. Nos regards se sontcroisés et la rage a brasillé dans ses yeux. Elle a marché jusqu’à moi.

– Tiens, tiens, a-t-elle chuchoté d’une voix dangereusement basse.Avant de pouvoir reculer, elle m’a agrippé la gorge. J’ai essayé de crier, mais

aucun son n’est sorti. Elle m’écrasait l’œsophage.« Ta mère ne t’a jamais dit qu’il était impoli d’espionner les gens ? »J’ai essayé de me défaire de son emprise, en vain.– Lâche-la.Les mots étaient parvenus de la chambre en un grondement profond.Caleb est apparu dans l’entrée, une entaille sous l’œil, le t-shirt déchiré et le

torse couvert de plaies sanglantes. La sorcière a ricané en me serrant la gorge deplus belle. Caleb a bondi sur elle. Il lui a enroulé le bras autour du cou par-derrière,serrant jusqu’à ce qu’elle me lâche. J’ai glissé sur le mur derrière moi, luttant pourreprendre mon souffle en me frottant le cou.

« Ne te défoule pas sur elle, a-t-il grondé en projetant la sorcière contre le sol

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de marbre. Et ne l’entraîne pas dans ton petit jeu malsain. »– Tu oses ! a craché la sorcière, les yeux écarquillés de rage, les joues

empourprées.– Oui, j’ose ! a hurlé Caleb. Tu ne peux plus me briser.Elle s’est relevée, lissant sa robe, puis après m’avoir fustigée du regard, elle est

sortie en trombe en claquant la porte.Caleb est retourné dans sa chambre, les yeux brûlants et le corps entier haletant

de furie, mais il n’a pas fermé la porte derrière lui. Je me suis redressée et je me suisapprochée de sa chambre.

En entrant, j’ai regardé autour de moi, horrifiée de constater l’état des lieux.L’appartement spacieux était un loft ; la chambre, la cuisine et le salon ne faisaientqu’une seule pièce. La tapisserie était déchirée, les tableaux avaient été arrachésdes murs. Des draps trempés de sang traînaient par terre. Les rideaux étaientpresque en lambeaux. Caleb était assis dans un coin de la chambre, dos à moi, dansun fauteuil en bois. Je l’ai regardé se verser un verre d’alcool, puis le descendre d’uncoup.

Hésitante, j’ai marché vers lui.« Tu ne devrais pas être ici, » a-t-il dit sans se retourner.Mais il ne s’est pas levé pour me chasser de chez lui comme il l’avait fait la

veille.J’ai fait le tour de sa chaise, arrivant face à lui. J’ai fixé la blessure sous son œil

qui guérissait tranquillement.– Que s’est-il passé ? ai-je soufflé.Il a secoué la tête avant de descendre un deuxième verre.« Pourquoi la laisses-tu te traiter ainsi ? N’es-tu pas le roi de cette île ? »Il s’est levé et il a marché jusqu’à la porte ouverte du balcon, où il est resté

immobile à contempler le ciel étoilé. La pleine lune éclairait son torse musclé.Le salon et la cuisine étaient beaucoup moins endommagés que la chambre. Mes

yeux se sont posés sur une collection d’instruments de musique classique dans uncoin du salon.

Comme il ne semblait pas vouloir répondre à mes questions, j’ai demandé s’il enjouait.

Il a regardé par-dessus son épaule. Un sourire amer s’est dessiné sur son visage.– Non, a-t-il répondu doucement. Plus maintenant.J’ai marché vers les instruments et j’ai été impressionnée par la qualité de leur

facture. Ils étaient couverts d’une épaisse couche de poussière, comme s’ilsn’avaient pas servi depuis des mois, voire des années. Bien que je préfère le pianoet la harpe, je savais jouer de tout ce que je voyais. Mon père était un virtuose et ilnous avait appris, mon frère et moi, à jouer de plusieurs instruments.

J’ai inconsciemment passé la main sur le dessus du piano à queue. Ouvrant lecouvercle, je me suis assise sur le banc et j’ai étiré les doigts au-dessus des touches.J’ai entamé une mélodie. Douce, ensorcelante, mélancolique. J’ai souri doucement.Mon père l’avait jouée à ma mère lorsqu’ils s’étaient rencontrés.

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Caleb est revenu à l’intérieur, marchant jusqu’à moi. Il a déposé son verre sur ledessus du piano, puis il m’a observée. C’était stressant, au début, de jouer sousl’intensité de son regard, mais je ne l’ai pas laissé me distraire.

Quand j’ai eu fini, j’ai levé les yeux vers lui. Il n’avait pas bougé d’un cil. Sesyeux étaient vitreux, comme s’il avait l’esprit ailleurs.

« J’aimerais que tu rejoues cette œuvre… Rose, » a-t-il fini par murmurer.Il avait prononcé mon nom tendrement, comme s’il caressait le mot avec sa

langue. L’attention qu’il me donnait me troublait – j’avais l’habitude qu’ilm’ignore. Sans doute que c’est parce qu’il est ivre. Je fais certainement des chosesétranges quand je le suis. J’ai sondé ses yeux en essayant de lire dans ses pensées.Sa façon de m’observer me décontenançait. On aurait dit qu’il se demandait s’ildevait me regarder.

– D’ac–d’accord, ai-je murmuré.Bien que je n’aie pas reçu les réponses à mes questions cette nuit-là, une chose

est devenue plus claire que jamais : si quiconque pouvait nous sauver, mon frère etmoi, c’était Caleb. Et à ce moment-là, devenir amie avec lui – ou, du moins, essayer– semblait être ma seule option.

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CH A P I T R E 2 1 : R O S E

e lendemain matin, j’ai été réveillée par des coups frappés à ma porte. Je suisallée ouvrir et j’ai regardé dans le couloir. Mais la personne avait déjà disparu.

Un petit paquet se trouvait à mes pieds. Je l’ai ramassé, j’ai refermé la porte,puis je suis allée l’ouvrir dans mon lit. Il s’agissait de vêtements enroulés dans undrap noir. Des sous-vêtements, de ravissantes robes, des chaussons en fourrure etun chaud manteau de laine.

Enfin, ai-je pensé. Je me promène nu-pieds, enveloppée dans des couvertures etce vieux peignoir crasseux depuis que je suis arrivée.

J’ai pris une douche, puis, après avoir laissé le peignoir dans un panier, j’ai enfilédes sous-vêtements propres. J’ai été soulagée qu’ils soient en coton et non endentelle. J’ai choisi une robe. Elle était en soie, d’un violet profond. J’ai mis lemanteau et je me suis regardée dans le miroir.

Hmm. Pas si mal.J’ai brossé mes cheveux avec mes doigts.Il ne me resterait plus qu’à mettre le maquillage de Kristal.Kristal. Son nom m’a fait l’effet d’une dague en plein cœur. J’ai prié pour que

rien ne soit arrivé à son frère et elle. Si c’était le cas, ce serait de ma faute et celle deBen.

Je dois sortir d’ici et les sauver.J’ai mis les chaussons, puis j’ai décidé de quitter ma chambre et d’aller me

promener dans le château à nouveau.Ma promenade m’a confirmé que Caleb était mon seul espoir. À l’exception de

Frieda, aucun vampire ne m’adressait la parole. Ils m’évitaient dans les couloirs.J’ai essayé de parler à une femme, qui m’a dévisagée en s’éloignant à la hâte.

Arrivée au rez-de-chaussée, j’ai marché d’une pièce à l’autre jusqu’au fond duchâteau. J’ai fini par arriver aux cuisines, où Frieda m’avait emmenée plus tôt.

J’ai fait le tour de la pièce, passant la main sur le comptoir de métal. L’endroitétait immense – aussi grand que toutes les autres salles.

Je me demande où sont les humains. Si ces vampires boivent leur sang, il seraitpratique de les enfermer près des cuisines. Sans doute dans un donjon. C’esthabituellement là où les pauvres mortels sont tenus prisonniers dans les contes de

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fées.J’ai balayé la pièce des yeux à la recherche d’une porte, d’une trappe, mais je n’ai

rien vu.Hmm.Puis j’ai entendu des sanglots au loin. J’ai retenu mon souffle pour entendre d’où

le bruit parvenait. Je suis revenue sur mes pas, sortant des cuisines et tournant àdroite dans le couloir. Je l’ai longé jusqu’à une porte ouverte. Dans une salle que jen’avais pas encore visitée, une femme était perchée sur le bord d’une fenêtregrande ouverte. Son corps entier convulsait tandis qu’elle sanglotait dans le ventglacial des montagnes.

La sorcière ? Hein ?Ses pleurs étaient tellement déchirants que j’ai dû me rappeler comment elle

nous avait traités, Caleb et moi, pour m’empêcher d’aller lui demander ce quiclochait. Jamais je n’aurais cru qu’une telle créature pouvait vivre de la tristesse.Même les sorcières de l’Ombre cachaient bien leurs émotions. Voir cette femmepleurer ainsi m’a profondément troublée.

Je suis restée là, pantoise, pendant plusieurs minutes. Ce n’est que lorsque j’aientendu des pas descendre l’escalier que j’ai repris mes esprits. Je suis partie àtemps pour voir trois hommes arriver dans le vestibule et se diriger directementjusqu’à la salle à manger. Je suis vite remontée dans mes quartiers.

Tremblante, je me suis mise au lit et blottie sous les couvertures, les sanglots dela sorcière résonnaient encore dans ma tête. Sa tristesse m’atteignait jusqu’à lamoelle des os.

Peu importe où et quel est cet endroit, il est hanté par la douleur et le désarroi.L’Ombre me manque.Je veux rentrer chez moi.

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CH A P I T R E 2 2 : R O S E

e tapage a recommencé vers minuit. J’ai pressé mes mains sur mes oreilles et jeme suis recroquevillée dans mon lit, mais ça n’a pas empêché le bruit

d’atteindre mes tympans. Une autre nuit blanche assurée, ai-je pensé.J’ai enfilé une robe et mon manteau et je suis sortie de ma chambre. Je suis

montée jusqu’à celle de Caleb, mais cette fois, au lieu d’ouvrir sa porte, je me suisassise dans le couloir, cachée dans l’ombre d’une tenture. J’ai imaginé toutes sortesde scénarios cauchemardesques de ce qui se passait à l’intérieur.

La porte s’est enfin ouverte. J’ai retenu mon souffle en voyant la sorcière sortir,échevelée, la robe de travers. Après qu’elle a disparu dans le couloir, je me suislevée et j’ai doucement poussé la porte de Caleb. Je me suis faufilée à l’intérieur etj’ai refermé la porte derrière moi.

Je me suis avancée dans le couloir saccagé et j’ai jeté un coup d’œil dans lachambre.

Les portes du balcon étaient ouvertes et les rideaux flottaient dans le vent.Quand j’ai marché jusqu’aux rideaux et que je les ai tirés, j’ai aperçu Caleb deboutdans le froid, appuyé contre la rambarde, son dos nu musclé blessé d’entaillessanglantes.

Je n’ai pas pu m’empêcher de frémir. Mais bien qu’il ait dû m’entendre, il nes’est pas retourné. J’ai marché jusqu’à lui et j’ai regardé son visage. Ses yeuxfixaient l’horizon, là où l’océan brillait au clair de lune.

Je ne savais plus quoi dire. Il ignorait mes questions. Je me suis demandépourquoi j’étais montée ici. Après avoir entendu les bruits de la visite de la sorcière,je ne pouvais pas les ignorer et m’endormir comme si de rien n’était. Je voulais voirson visage. Le regarder dans les yeux. Je me suis surprise à balbutier : « M’as-tuapporté ces vêtements ? » en pointant ma robe et mon manteau.

– Frieda, a-t-il marmonné sans me regarder.– Mais lui as-tu demandé de le faire ?Il a expiré en frissonnant. Il est rentré dans la chambre. Je l’ai suivi, fermant la

porte du balcon derrière nous. Il a pris place dans son fauteuil de bois, mais cettefois, il ne s’est pas servi d’alcool.

« Je t’aurais remercié si tu m’en avais donné la chance, » ai-je dit en croisant

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les bras. Après un instant à l’observer attentivement, j’ai ajouté : « Voudrais-tuque je joue pour toi ? »

D’après son regard vide, j’ai cru qu’il ne m’avait pas entendue. Mais il a secouéla tête.

« Oh. D’accord. »Je me suis assise sur le lit, face à lui, et j’ai enlevé mon manteau en le fixant. Les

entailles sur son torse et son dos commençaient à guérir.– Pourquoi es-tu venue ici ? a-t-il dit en se levant abruptement, me regardant

dans les yeux pour la première fois.Peut-être qu’il était ivre la nuit dernière lorsqu’il a indiqué qu’il voudrait me

revoir.Ses yeux transperçaient les miens, j’avais l’impression que j’allais fondre. Mais

j’ai soutenu son regard.– Veux-tu que je parte ? C’est ça que tu dis ? ai-je demandé en le fixant, les

sourcils levés en signe de défi.Il m’a fixée intensément. J’en ai fait de même.Il s’est rassis.« Tu sais, tu ne m’apparais pas vraiment comme une personne heureuse, ai-je

dit, une main sur la hanche, en continuant à le fixer. Ça pourrait te faire du bien desourire de temps en temps. »

Mince. On dirait ma mère qui parle. Elle a toujours été Madame Bonne Humeur.Un sourire amer lui a retroussé le coin des lèvres, puis il a soupiré

profondément, se relaxant un peu, et sa mâchoire s’est détendue.– Alors, a-t-il dit après un moment. Tu veux jouer pour moi ?– Si c’est ce que tu veux.Il a hoché la tête.– Oui… Rose.Il a pivoté dans son fauteuil pour faire face au salon. Il m’a suivie du regard alors

que j’ai marché jusqu’aux instruments. Cette fois, je ne me suis pas assise au piano.J’ai regardé autour de moi jusqu’à ce que je trouve un énorme instrument – probablement une harpe. En la sortant de l’étui, j’ai été satisfaite de voir quej’avais deviné juste.

J’ai essuyé les cordes pour ôter la poussière, puis je me suis assise sur un banc etj’ai tiré la harpe entre mes jambes. J’ai entamé une mélodie.

Il ne m’a pas quittée des yeux une seconde. J’aurais même juré le voir taper dupied au rythme de la musique. Après un moment, j’en ai eu marre de la harpe et jesuis passée au violon. Puis à la guitare. Enfin, je suis retournée au piano.

Quand j’ai appuyé sur les touches, Caleb s’est brusquement levé. Il a traversé lapièce, puis il est venu s’asseoir à côté de moi. J’ai arrêté de jouer et je l’ai regardé.

« Non, a-t-il chuchoté en secouant la tête. Ne t’arrête pas. »Le regard toujours rivé sur lui, j’ai repris la mélodie. Il a étiré les doigts avant de

se mettre à jouer en parfaite harmonie avec moi. Il jouait comme s’il connaissait lemorceau par cœur. Il regardait à peine la partition.

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À la fin, mes mains ont glissé des touches et je l’ai regardé, bouche bée. Il fixaitle piano comme s’il ne croyait pas ce qu’il venait de faire.

« C’est la première fois que je touche à un instrument depuis longtemps, » a-t-il soufflé.

– Caleb, c’était merveilleux.J’ai posé une main sur son épaule. Il a bronché en sentant mes doigts sur sa

peau.« Je suis désolée. Est-ce que je t’ai fait mal ? »– Non, non, a-t-il marmonné avant de se lever d’un coup et de retourner à son

fauteuil.Je me suis levée à mon tour. Nous nous sommes fixés en silence pendant un

moment.Je ne comprends pas cet homme.Mal à l’aise, j’ai détourné le regard et j’ai observé la pièce. C’est là que j’ai aperçu

quelque chose, dans un coin, qui détonnait dans le décor : une chaîne stéréo. Je mesuis avancée et j’ai passé les doigts dessus. Sous l’appareil se trouvait une pile deCD.

Sans doute qu’il s’exerce à danser ainsi.J’ai fouillé dans les disques. Sa collection comprenait surtout du blues et de la

musique instrumentale. Au moins, c’était déjà plus moderne que ce que mon pèrem’avait enseigné.

Hmm, mais aucune musique de boîte de nuit. J’avais tort, alors.– Tu as une grande collection, ai-je remarqué.Il a acquiescé.J’ai choisi un disque et je l’ai inséré dans le lecteur. J’ai monté le volume et je me

suis levée quand la musique a commencé à jouer.« Alors… veux-tu, euh, danser encore ? »Il a secoué la tête, l’ombre d’un sourire sur son visage, et il s’est enfoncé dans

son fauteuil.– Je vais te regarder.J’ai renâclé.– Ah oui ? Je ne sais pas danser.– Tu dansais plutôt bien la dernière fois.– Parce que tu guidais tous mes mouvements.Il ne semblait pas avoir de réponse. Il s’est contenté d’acquiescer légèrement en

détournant le regard. J’ai marché vers lui et je me suis assise au bout de son lit.« Il est tard. J’imagine que je vais retourner à ma chambre. »– D’accord.Il est resté immobile, les yeux dans le vide, le corps crispé à nouveau. J’allais

tendre la main pour qu’il la serre, mais en me rappelant la dernière fois où je l’avaistouché, je me suis ravisée. Je lui ai simplement souhaité bonne nuit.

Il n’a pas répondu. J’ai ramassé mon manteau, j’ai remis mes chaussons et je mesuis dirigée vers la porte.

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Au moment où j’allais la refermer, je l’ai entendu murmurer :« Bonne nuit, Rose. »

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R

CH A P I T R E 2 3 : C A L E B

ose Novak était tout ce que je n’étais pas.Innocente. Vibrante. Pure.Un carré de neige fraîche au milieu du verglas noir qu’était ma vie. Je voulais que

personne ne la touche et l’abîme. Encore moins moi.Aussi lorsqu’elle m’avait touché de sa douce main chaude, j’avais bronché.

Lorsqu’elle avait voulu danser avec moi, je l’avais rejetée. Lorsqu’elle m’avait posédes questions sur moi et le château, je l’avais ignorée.

Je ne refusais pas de lui répondre pour la tenir dans l’obscurité, mais parce que jevoulais la protéger de l’obscurité. Je voulais l’enfermer. Loin de moi. Loind’Annora. Je ne voulais pas ternir son âme avec mon univers sombre.

Mais cette nuit-là, j’ignorais pourquoi j’étais de si bonne humeur. Sans douteétait-ce parce qu’Annora m’avait dit qu’elle irait passer du temps sur l’île deStellan. Peu importe la raison, une fois certain que Rose s’était endormie, je me suispermis de descendre sur son balcon.

Quand je l’ai aperçue à travers les rideaux, son expression paisible a provoquéune douleur en moi – douleur qui m’a à la fois troublé et revigoré.

Je me suis remémoré la première fois où j’avais contemplé sa beauté. Son visageperlé de sueur, ses cheveux ébouriffés, son haleine de champagne. Elle secomportait comme n’importe quelle adolescente dans une fête.

Puis elle m’avait dit son nom et je l’avais lâchée plus vite qu’un fer chaud.J’avais entendu des rumeurs sur la princesse de l’Ombre – pas seulement sur sa

beauté, mais sur son innocence, sa pureté, sa lumière. Elle était comme sa mère,disait-on.

Je ne voulais pas être responsable de sa perte. J’étais déjà responsable d’assez demal.

Et maintenant qu’elle était sur l’île, étant donné que je ne pouvais pas la laissers’enfuir – du moins, pour l’instant –, j’ai juré que je ferais tout en mon pouvoirpour la protéger de cet environnement hostile.

En vérité, je ne craignais pas Derek Novak autant que je craignais de briser safille.

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O

CH A P I T R E 2 4 : B E N

n m’avait injecté quelque chose dans le cou après que Stellan m’ait ramené deforce dans le sous-marin et je m’étais réveillé dans un donjon sombre. J’avais perdula notion du temps. J’ai regardé autour de moi et j’ai vu d’autres cellules bondéesd’humains. J’étais le seul prisonnier à avoir une cellule pour moi seul.

Mes yeux se sont posés sur Kristal et Jake dans la cellule d’en face. Jake étaitcouché dans un coin et sa sœur était blottie contre lui, essayant de dormir. Lesvampires qui étaient venus nous porter de l’eau et du pain avaient refusé derépondre à nos questions.

J’espère seulement que Rose est dans un meilleur endroit que nous.– Kristal ! ai-je sifflé à travers les barreaux. Kristal !Quelques humains ont remué et m’ont regardé, mais Kristal n’a pas bougé.

Quelqu’un lui a donné un coup de coude et elle a repris ses esprits. Elle s’est frottéles yeux mollement. La terreur s’est installée sur son visage à nouveau. Elle arampé jusqu’aux barreaux.

– Quelque chose s’est passé depuis que je me suis endormie ?J’ai secoué la tête. Son corps entier tremblait. Les donjons étaient terriblement

froids et nous n’avions pas assez de couvertures. Kristal a agrippé les barreaux,appuyant la tête dessus. Des larmes ont roulé sur ses joues.

« Que vont-ils faire de nous, Ben ? »Je leur avais expliqué, à Jake et elle, que nos kidnappeurs étaient des vampires.

Ils avaient eu du mal à accepter l’idée – et j’étais convaincu que Jake croyaittoujours que j’étais fou. Mais comme ils n’avaient jamais été exposés à descréatures surnaturelles, je ne pouvais pas leur en vouloir. Jake soupçonnait quenous ayons été enlevés en échange d’une rançon, comme leur père était riche.

« Si ces gens sont vraiment des… vampires, a continué Kristal, que veulent-ilsde nous ? »

La vérité aurait été trop troublante pour elle dans l’état où elle se trouvait, aussije me suis contenté de hausser les épaules. Cependant, elle n’allait pas se contenterde cette réponse.

« C’est notre sang qu’ils veulent ? »J’ai expiré, ne sachant pas quoi dire.

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Elle a dû interpréter mon silence comme un oui, car elle a plaqué sa main sur sabouche, tremblant plus que jamais.

– Kristal, ai-je chuchoté. Regarde-moi.Elle a levé les yeux vers moi.« C’est quoi, ça, derrière toi ? » ai-je demandé en pointant quelque chose par

terre.Elle s’est retournée et a rampé vers l’objet en essayant de ne pas réveiller ses

compagnons de cellule qui lui bloquaient le chemin.– Ce n’est qu’une pile de chaînes, a-t-elle murmuré.– Peux-tu me les lancer ?Elle a ramassé les chaînes et elle est revenue vers moi. Elle les a lancées par les

barreaux et j’ai réussi à les attraper avant qu’elles ne heurtent le sol.Il y avait un cadenas accroché à l’un des maillons, mais aucun signe de la clé. On

aurait dit le genre de cadenas que l’on verrouille en poussant jusqu’à ce qu’onentende un déclic.

Je suis resté adossé aux barreaux pendant plusieurs heures, attendantimpatiemment que la porte du donjon s’ouvre. Un vampire était censé venir nousporter notre ration quotidienne d’eau et de pain.

Sans doute mes nerfs me jouaient-ils des tours ce jour-là, mais il semblait êtreen retard. J’ai fini par entendre le bruit de l’ouverture de la porte et des pass’approcher. Un vampire s’est mis à distribuer des cruches d’eau et du pain enpoussant un petit chariot. J’ai essayé de maintenir une respiration régulièrelorsqu’il s’est arrêté devant ma cellule. Il s’est penché pour me donner ma ration.Puis il s’est relevé et, avant qu’il puisse continuer son chemin, j’ai passé les bras àtravers les barreaux et j’ai lancé la chaîne autour de son cou.

Il a lâché le chariot. J’ai tiré la chaîne de toutes mes forces, en dépit de moncorps faible et déshydraté, et j’ai pressé sur le cadenas, qui s’est verrouillé alors quele vampire se débattait. Il a réussi à m’entailler la joue de ses griffes acérées. Je mesuis penché et j’ai décroché le trousseau de clés attaché à sa ceinture.

Je n’avais pas beaucoup de temps. J’ai essayé les clés une à une jusqu’à ce que jetrouve la clé de ma cellule. Puis j’ai couru vers celle de Kristal et Jake et je l’aidéverrouillée, libérant tout le monde. J’ai fait la même chose avec les autrescellules.

« Suivez-moi, ai-je dit une fois que les prisonniers se sont regroupés. Ne faitespas de bruit. »

J’ignorais où je les emmenais. Pour le peu que je sache, je les menaisdirectement vers leur mort. Mais quelque chose me disait que si nous n’essayionspas de nous échapper à la première occasion, nous le regretterions.

« Attendez ici, » ai-je chuchoté lorsque nous sommes arrivés à la porte dudonjon. En jetant un coup d’œil dehors, j’ai vu un escalier menant à l’étage du haut.Il n’y avait personne en vue.

« Bon, suivez-moi. »Je me suis arrêté à nouveau à la dernière marche de l’escalier. Nous étions

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désormais dans une sorte de cuisine. Il y avait de longues tables métalliques aucentre de la pièce et, dans un coin, des cruches remplies d’un liquide rouge. Du sanghumain.

La main tremblante de Kristal a agrippé la mienne.– Quel est cet endroit ? a-t-elle frémi.Je me suis tourné vers elle en portant un doigt à mes lèvres.Puis j’ai longé la pièce jusqu’à la porte suivante. Elle était entrouverte. Quand

j’ai jeté un coup d’œil, j’ai sursauté. Deux vampires discutaient, debout dans unegrande salle sombre.

J’ai fait signe aux humains derrière moi de se cacher sous les tables. J’avaisbesoin qu’ils se cachent pendant que je cherchais un moyen de m’enfuir.Maintenant que j’y pensais, j’aurais dû les laisser sortir de leurs cellules seulementaprès avoir trouvé une issue. Notre disparition aurait été moins évidente au cas oùun vampire descende dans le donjon. Mais il était trop tard.

Se cacher sous les tables ne servirait pas à grand-chose si les vampires entraientdans la cuisine. Je savais qu’ils sentiraient notre sang, mais j’espérais que l’odeursoit masquée par celle des cruches de sang qui se trouvaient déjà dans la pièce.

Après que tout le monde se soit caché, j’ai marché jusqu’à l’autre bout de lacuisine. J’ai poussé la porte le plus silencieusement possible et je me suis retrouvédevant une autre salle aux hauts plafonds. Elle était déserte. Je l’ai traversée et jeme suis caché dans l’ombre de la porte suivante. L’autre salle semblait être unesorte de bibliothèque. Des étagères bordaient les murs et au centre se trouvait unetable ronde avec des piles de livres.

J’allais atteindre la porte suivante quand quelqu’un a parlé.– Puis-je t’aider ?Une femme grande et mince est apparue derrière une des piles. Elle avait de

longs cheveux noirs et des yeux d’un gris froid.« Oh, » a-t-elle dit en grimaçant.J’ai couru jusqu’à la pièce suivante, mais la même femme se trouvait désormais

devant moi, me bloquant le passage.C’est une sorcière.Elle m’a agrippé l’oreille. Quand ses doigts ont touché ma peau, j’ai éprouvé une

sensation de brûlure si intense que j’ai dû me mordre la lèvre pour ne pas hurler dedouleur.

« Où crois-tu aller comme ça ? Stellan ! a-t-elle crié, sa voix résonnant à traversla pièce. Stellan, viens ici tout de suite ! »

Non.Le rouquin qui m’avait entraîné de force dans le sous-marin est arrivé dans la

salle en courant. Sa mâchoire s’est décrochée quand il m’a vu.– Qu’est-ce que…– On dirait que tu vas devoir être plus vigilant.Le regard de Stellan s’est assombri. Il m’a attrapé par le cou et il s’est mis à me

traîner. Je me suis débattu, mais il m’a donné un coup de genou dans le ventre, ce

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qui m’a coupé le souffle. Sa poigne était bien plus puissante que celle d’un mortel.Il m’a traîné jusqu’à la cuisine et dès que nous sommes entrés, Kristal a accouruvers moi.

– Non ! Ben !– Non ! ai-je crié en la repoussant.Mais il était trop tard. Elle avait vendu la mèche.Stellan a appelé des renforts. Cinq vampires sont apparus dans la pièce et ils ont

commencé à sortir les humains de sous les tables. Un sixième vampire est ensuitearrivé avec des chaînes. Ils ont plaqué les humains contre le mur pour les attacher.La sorcière a dévisagé Kristal, qui pleurait à chaudes larmes.

– Hmm. Intéressant, a-t-elle dit doucement.Elle a empoigné les cheveux de Kristal et l’a forcée à se coucher par terre.« Faisons la leçon à ce jeune Novak, a-t-elle déclaré. Comme il sera avec nous

longtemps, s’il fait de ses tentatives de fuite une habitude, ça pourrait devenirplutôt agaçant. »

Les vampires se sont arrêtés pour nous regarder. Stellan me serrait toujours. Lasorcière a sorti une dague de sa poche et l’a placée contre la gorge de Kristal.

– Non ! ai-je crié, réussissant à me libérer de l’emprise de Stellan, mais troisvampires se sont jetés sur moi pour me retenir.

Stellan m’a empoigné la tête, me forçant à regarder Kristal, qui tremblait de tousses membres. Jake tirait sur ses chaînes en criant.

– Regarde, a grogné Stellan.En un mouvement brusque, la sorcière a planté la dague dans le cœur de Kristal.

Son cri a été étouffé par le sang qui a coulé de sa bouche. Jake et moi avons hurléd’horreur, forcés de la regarder saigner à mort devant nous.

– Bon, a dit la sorcière en lâchant les cheveux de Kristal. Que ce soit une leçonpour vous tous. Stellan, demande à tes hommes de recueillir son sang.

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J

CH A P I T R E 2 5 : R O S E

’ai été réveillée le lendemain matin par des coups frappés à ma porte.Quoi encore ?

En ouvrant, je suis tombée face à face avec la harpe de Caleb. Il avait sans doutevoulu me donner quelque chose à faire, comme je passais mes journées seule dansma chambre. Je me suis sentie reconnaissante. Puis mes yeux se sont posés sur lesol près de l’instrument. Un plateau de nourriture. Pas du gruau. Un vrai petitdéjeuner. J’ai traîné la harpe dans ma chambre et je suis retournée ramasser leplateau, que j’ai déposé sur ma table de chevet avant de commencer à manger. Lepain perdu n’avait jamais eu un meilleur goût de toute ma vie. J’ai englouti le touten moins de cinq minutes.

Je me demande où diable Frieda – Caleb – a trouvé cette nourriture. J’ai vu demes propres yeux à quel point la cuisine était vide.

Une fois le repas terminé, j’ai pris une douche et je me suis habillée. Puis je suismontée à la chambre de Caleb. J’ai frappé à sa porte et j’ai attendu. Il a ouvertquelques minutes plus tard, complètement habillé, aucune trace des cicatrices de laveille sur son corps.

– Je, euh… Je me demandais si tu voulais bien m’emmener faire unepromenade ? Dehors. Je n’ai pas fait d’exercice depuis des jours.

Il m’a dévisagée, une lueur d’inconfort traversant son visage, suivie parl’indécision. J’ai cru qu’il allait refuser, mais il a hoché la tête.

– D’accord. Attends ici.Il est réapparu quelques secondes plus tard avec des souliers aux pieds et une

écharpe à la main. Je l’ai regardé sortir de la pièce et refermer la porte derrière lui.– Je ne savais pas que les vampires avaient besoin…Il m’a tendu l’écharpe avant que je puisse finir ma phrase.– Pour toi. Il fait froid dehors.– Oh, merci.Je l’ai prise et je l’ai enroulée autour de mon cou dénudé. Il m’a fait signe de le

suivre.« Merci pour la harpe. Et le petit déjeuner. »Il a hoché la tête, regardant toujours droit devant.

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Nous avons descendu l’escalier en silence. Quand nous sommes arrivés àl’entrée principale, il a sorti une clé de sa poche et il a déverrouillé la serrure. Il apoussé les portes de chêne avec les deux mains et une bourrasque glaciale a soufflésur nous tellement fort que j’en ai eu la respiration coupée.

– Fait-il trop froid pour toi ? a-t-il demandé, les sourcils froncés.– Non, non, ai-je immédiatement répondu.Comme si je ne pouvais pas marcher dans le vent sans son aide.Le froid me faisait déjà larmoyer. M’accrochant à la porte pour ne pas perdre

l’équilibre, j’ai marché jusqu’au bord du perron et, de façon plutôt imprudente, j’aiposé un pied sur le sol verglacé extrêmement glissant.

Je peux le faire. Je n’ai qu’à marcher très lentement.J’ai posé le deuxième pied sur le sol, trouvant assez d’assurance pour lâcher la

porte. Pivotant sur moi-même, j’ai regardé Caleb, qui me regardait à son tour, l’airimpassible. J’ai jeté un coup d’œil autour de moi, époustouflée par la beauté desmontagnes enneigées, puis j’ai perdu ma concentration et j’ai glissé. Juste avant detomber sur la glace, les bras de Caleb m’ont retenue, empêchant ma chute. Sonvisage à quelques centimètres du mien, j’ai senti son souffle froid sur ma jouelorsqu’il m’a redressée.

D’accord, ces chaussons ne sont pas faits pour l’Antarctique.« Alors cette sorcière, ai-je dit en m’éclaircissant la gorge et en passant un bras

autour du sien. Annora. Elle a jeté un sortilège de froid sur l’île pour empêcher leshumains de s’enfuir ? »

– C’est la raison principale.– Et tu dois supporter cette température en permanence ? Quelle idiote.Caleb n’a pas réagi à mon commentaire, mais j’aurais juré voir l’ombre d’un

sourire sur son visage. Je me suis cramponnée à lui et nous avons entamé unedescente dans l’escalier étroit.

« Alors comment t’appelles-tu ? » ai-je demandé.– Tu le sais.– Quel est ton nom complet ?– Caleb… Achille.– Achille ? Comme le héros tragique grec ?J’allais dire « comme le personnage joué par Brad Pitt », mais je n’étais pas sûre

qu’il sache à quoi je faisais référence. J’ignorais s’il regardait des films.– C’est aussi un nom allemand.– Oh, je vois.Je me suis soudain demandé s’il répondrait à toutes mes questions. J’imagine

qu’il n’y a qu’un moyen de le savoir.« As-tu une famille ? »Il a secoué la tête, concentré sur les marches verglacées.« Quel âge as-tu ? »– Dix-neuf ans.– Et quand as-tu été transformé ?

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– Il y a longtemps.Hmm.– Alors quand tu n’enlèves pas des filles, tu boudes dans ce vieux château

lugubre ?– On peut dire ça.Je comprends pourquoi tu es déprimé.Je commençais à en avoir marre de descendre ces marches en chaussons.– Me porterais-tu jusqu’en bas ?Il a grogné et il m’a soulevée. Puis il est parti à la course. Sa vitesse fulgurante,

en plus du vent glacial soufflant sur nous, m’a fait larmoyer à nouveau. Jem’attendais à ce qu’il glisse et que nous déboulions la montagne, mais il n’a pasdérapé une seule fois. Chaque pas était précis.

Il m’a posée par terre au pied de la montagne. Me sentant plus stable sur unesurface plane, je ne me suis pas agrippée à lui. Nous nous dirigions vers la forêtquand j’ai demandé : « Donc j’imagine que tu n’as pas de petite amie ? »

Sans blague, mon cher Watson. À moins qu’elle n’ait pas d’objection à ce qu’il sefasse écharper par une sorcière folle toutes les nuits.

– Tu aurais raison de le présumer.Change de sujet.– Alors comment me connaissais-tu ?Il m’a regardée en levant un sourcil.« Tu semblais savoir qui j’étais quand je t’ai dit mon nom sur la plage. »Il a passé la main dans ses cheveux en serrant la mâchoire.– La plupart des vampires ont entendu parler de toi, a-t-il marmonné. Tu es la

princesse de l’Ombre. Cet endroit est légendaire.– As-tu déjà visité l’Ombre ?Il a secoué la tête.« C’est ravissant. Bien mieux que cet endroit morose. Pourquoi ne viens-tu pas

vivre avec nous ? On pourrait partir maintenant. Je m’assurerais que mes parentst’accueillent et… »

Expirant profondément, il a soudain couru jusqu’à l’arbre le plus près. Il aarraché une grosse branche, qu’il a brisée en deux sur son genou. Puis il s’estappuyé sur l’arbre, dos à moi, haletant violemment.

« Caleb ? » ai-je chuchoté.Il s’est retourné en se redressant, retrouvant sa contenance et son air

impassible.« Rentrons. »

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A

CH A P I T R E 2 6 : R O S E

nnora.J’ai besoin de comprendre ce qui se passe entre elle et Caleb. J’ignore comment

et pourquoi, mais je suis certaine qu’elle est la raison pour laquelle Caleb estprisonnier sur cette île.

Cette nuit-là, je n’ai pas réussi à dormir, comme d’habitude, m’attendant àentendre le tapage commencer vers minuit. Mais rien ne s’est produit. J’ai attendujusqu’à une heure du matin, toujours rien. Je me suis levée, j’ai enfilé meschaussons, puis je suis sortie de ma chambre.

Qu’est-ce que ça signifie ? Elle lui a rendu visite chaque nuit depuis mon arrivéeici. Pourquoi pas cette nuit ?

Je suis montée à pas feutrés jusqu’à la chambre de Caleb et je me suis arrêtéedevant sa porte. Appuyant l’oreille contre le bois, j’ai écouté à la recherche d’un sonqui indiquerait la présence de la sorcière. Mais un silence de mort régnait sur lechâteau.

Au lieu de retourner à ma chambre, je me suis dirigée vers les quartiers de lasorcière. En arrivant près du tapis rouge devant chez elle, j’ai été surprise deconstater que sa porte était ouverte. J’ai regardé autour de moi, ma respirations’accélérant, puis j’ai jeté un coup d’œil à l’intérieur. Le vestibule semblait vide. Jesuis entrée. J’ai fait le tour du salon, passant une main sur les meubles poussiéreuxen observant les lieux.

Ne trouvant rien d’intéressant, je suis passée à la pièce suivante. Déserte, elleaussi.

On aurait dit une sorte de salle à manger. Des étagères bordaient les murs,contenant pour la plupart des livres avec, sur leur reliure, des titres en langueinconnue.

En entendant un tintement, je me suis vite accroupie et j’ai rampé jusqu’à laporte, de l’autre côté de la pièce. Elle était entrouverte et il en émanait une faiblelumière, ainsi qu’une brise glaciale. Osant à peine respirer, j’ai jeté un coup d’œil.Je m’attendais à voir la sorcière. Mais au centre de la pièce, assis sur le tapis, setrouvait Caleb.

La fenêtre était grande ouverte et un vent froid soufflait dans la pièce. Près de

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Caleb se trouvait une coupe de sang et il fouillait dans un vieux coffre en chêne, ensortant toutes sortes d’objets : un collier de perles blanches, une bague en or, et cequi m’a semblé être un bouquet de fleurs séchées. Il les plaçait sur le tapis un à un,les regardant d’un air distant, semblant perdu dans ses pensées.

Il a ramassé la bague, qu’il a fait rouler entre son pouce et son index. Puis,comme si elle venait de le brûler, il l’a lancée par terre avant de ramasser sa coupede sang et de la lancer contre le miroir. Elle s’est fracassée et le sang a coulé sur lemiroir et l’armoire de bois en dessous.

J’ai éternué. Le froid me transperçait les os. J’ai murmuré un juron.Lorsque Caleb s’est retourné, j’ai vite rampé en dessous de la table. La porte

s’est ouverte en grinçant et j’ai vu ses pieds marcher autour de la table. Il reniflait.Oh, non.Il sent mon odeur.Je me suis reculée en me recroquevillant, prenant soin de rester cachée sous la

nappe. Ses pas se sont approchés de plus en plus, jusqu’à ce que je ne puisse plusreculer. J’ai retenu mon souffle quand ses pieds se sont arrêtés à quelquescentimètres seulement d’où j’étais.

J’ai vu sa main soulever la nappe. Son visage n’est pas apparu, mais la partieétait terminée, car mes jambes étaient maintenant visibles. Il a inspiréprofondément. Puis il s’est penché, m’agrippant par le bras et me tirant de sous latable avant de me redresser.

– Que fais-tu là ? a-t-il grondé en me fixant de ses yeux brun sombre.J’ai détourné le regard vers le sol. Il m’a serrée de plus belle et il m’a secouée.« Réponds-moi. »– J’ai–j’ai vu la sorcière pleurer l’autre jour. Et je voulais seulement—Il m’a plaquée contre une armoire.– Ce qui se passe ici ne te regarde pas. Compris ? a-t-il crié en m’écrasant

tellement fort que j’ai eu du mal à respirer.Je n’ai pas répondu, mais il m’a lâchée, ne me quittant cependant pas des yeux.

Tremblante, je suis sortie de l’appartement en courant. Je ne me suis pas retournéejusqu’à ma chambre. Des larmes me sont montées aux yeux quand j’ai poussé laporte et que j’ai couru jusqu’au balcon. Je suis restée debout à fixer le ciel étoilépendant un bon moment, essayant de me calmer.

Je suis restée dans le froid beaucoup trop longtemps. Mais en fermant les yeux,j’avais l’impression que l’air frais me transportait ailleurs. Loin de cet endroitmaudit.

Après environ une demi-heure, j’ai entendu les lourdes portes du châteaugrincer. J’ai regardé en bas et j’ai vu la sombre silhouette d’un homme sortir ets’asseoir sur les marches glacées. Respirant par saccades. La tête dans les mains.

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e n’ai pas vu Caleb pendant plusieurs jours après cet incident. Même si jen’avais pas attrapé la grippe et que je n’avais pas été clouée au lit, je l’aurais

évité comme il m’évitait. Je supposais que j’étais tombée malade après avoir passétrop de temps sur le balcon. Ma tête m’élançait et je n’avais aucun appétit.

Après cinq jours au lit, comme ma santé ne s’améliorait pas, j’ai commencé àm’inquiéter. Il n’y avait pas de médecin ici. Habituellement, quand nous tombionsmalades, Corrine prenait soin de nous. Et j’étais trop troublée par notre dernièrerencontre pour demander quoi que ce soit à Caleb. Aussi je suis restée au lit, melevant pour raviver le feu de temps en temps, enveloppée dans ma veste de laineainsi qu’une couverture.

Au septième jour, Caleb a dû se douter que quelque chose clochait. Frieda estentrée dans ma chambre et elle a marché jusqu’à mon lit. Dès qu’elle m’a vue, elleest repartie en courant.

Ai-je l’air si pitoyable ?Elle est revenue une demi-heure plus tard, accompagnée de Caleb. Il semblait

avoir l’esprit ailleurs. Il a touché mon front de sa main froide. J’ai ressenti une sortede soulagement lorsque sa peau a touché la mienne. Sa main était bien mieux quen’importe quelle serviette froide.

– Elle a de la fièvre, a-t-il marmonné à Frieda. Une fièvre très forte. Reste icijusqu’à ce que je revienne. Assure-toi que le foyer reste chaud. La pièce semble tropfroide. Et assure-toi que les fenêtres soient bien fermées.

Il est sorti et Frieda s’est mise à la tâche. J’ai dû m’endormir, car j’ai été réveilléepar sa main fraîche touchant mon front à nouveau.

« Assieds-toi, » a-t-il demandé.Frieda a placé des oreillers derrière moi et l’a aidé à me redresser en position

assise. Il s’est ensuite assis près de moi et il m’a tendu une tasse en métal.« Bois. »J’ai fixé l’étrange substance brune. Prenant la tasse entre mes mains, je l’ai

reniflée. J’ai grogné, écœurée par l’odeur infecte.« Bois. »Il a poussé la tasse jusqu’à mes lèvres puis, soutenant l’arrière de ma tête, il a

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versé un peu de liquide dans ma bouche. Il m’a brûlé la gorge quand je l’ai avalé.– Ah ! me suis-je écriée. Non. Je n’en veux plus. Ne me fais pas…Mais il versait déjà plus de liquide dans ma bouche. Je me suis étouffée, puis

plainte à nouveau, mais il a ignoré mes protestations, me forçant à boire jusqu’à ladernière goutte.

– Donne-lui de l’eau, maintenant, a-t-il dit à Frieda.Elle m’a tendu un verre d’eau, que j’ai descendu en quelques gorgées. Mais le

goût âcre est resté sur ma langue. Je me suis glissée entre mes couvertures et j’ailevé les yeux vers Caleb.

– C’était quoi, cette horreur ?– Une potion.– Que la sorcière a préparé ?Il a secoué la tête.– La sorcière n’est pas là.Hmm. Ça explique tout.– Alors qui ?– Moi.Je l’ai dévisagé. Danseur. Musicien. Faiseur de potion. Plus je passais du temps

avec lui et moins j’avais l’impression de le connaître.– Alors tu sais jeter des sorts aussi ?Il a secoué la tête à nouveau.– J’ai passé assez de temps avec des sorcières pour apprendre quelques trucs,

c’est tout.Après cette nuit-là, il m’a forcée à boire le liquide infect trois fois par jour,

s’assurant toujours que je l’ingurgite jusqu’à la dernière goutte. Bien que la potionsoit dégoûtante, je ne pouvais pas nier que chaque fois que j’en buvais, je mesentais mieux. Au troisième soir, mon appétit est revenu et j’ai été capable demarcher à nouveau. Caleb s’est assis dans un fauteuil dans un coin de ma chambreet il m’a regardée me dégourdir les jambes.

« Rose, a-t-il dit, brisant le silence dans lequel Frieda nous avait laissés. Jem’excuse de t’avoir fait mal l’autre soir. »

J’ai instinctivement serré mes épaules en me remémorant l’incident. Il m’avaitplus troublée que blessée. J’ai hoché la tête.

– D’accord.Il s’est levé, se dirigeant vers la porte. Avant de l’ouvrir, il s’est tourné vers moi.– Tu dois comprendre qu’il y a des choses dont je ne peux pas te parler et dont je

ne vais pas parler non plus. Il y a plusieurs choses sur moi, la sorcière et cet endroitque tu ne peux pas savoir. Alors cesse de me poser des questions. Mais tu as maparole : je vais faire tout en mon pouvoir pour te sortir d’ici dès que l’occasion seprésentera. Je te veux hors d’ici tout autant que tu veux partir. Je ne peux pas te direquand ni comment ça se produira, mais crois-moi, j’attends ce moment avecimpatience.

Sur ce, il a refermé la porte derrière lui.

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près ce que Caleb m’a dit, j’ai senti qu’un poids avait été enlevé de sur mesépaules. J’ignorais toujours comment j’allais m’enfuir, mais j’avais confiance enlui. En dépit de ses sautes d’humeur et de sa nature imprévisible, quelque chosedans ses yeux me disait qu’il était sincère.

Je ne pouvais pas nier le fait qu’il n’avait jamais semblé vouloir me garder ici.Même qu’il s’était éloigné de moi sur la plage alors qu’il aurait très bien pum’enlever. Je ne comprenais pas pourquoi il ne m’aidait pas à partir maintenantalors qu’il avait tout fait pour nous sauver, Ben et moi. Il avait risqué sa vie et cellede ses hommes pour embusquer Stellan. J’étais certaine qu’il nous auraitimmédiatement ramenés sur l’Ombre.

La sorcière méritait ma rancœur. Mais pas Caleb. Il semblait traîner un poidsdéjà assez lourd sur les épaules. Non, il méritait mieux que ça de ma part. J’avaisessayé de lui poser des questions, ce qui ne m’avait attiré que sa colère. Je devaistout simplement avoir confiance dans le fait qu’il m’aiderait à m’enfuir dès qu’il lepourrait.

Le lendemain soir, alors que je sortais de la douche, j’ai entendu grincer leslourdes portes de chêne. J’ai enfilé mon manteau et je suis sortie pour regarder enbas. Caleb était assis sur la pierre verglacée, fixant l’île sombre et la mer devant lui.Je me suis dépêchée de m’habiller et de sécher mes cheveux le plus que j’ai pu avantde sortir de ma chambre. J’ai descendu l’escalier en courant jusqu’au vestibule.

En atteignant les marches enneigées, j’ai placé une main sur son épaule et j’aiprononcé son nom. Je m’attendais à ce qu’il bronche à mon contact, mais non. Jeme suis assise à côté de lui.

– Merci, ai-je dit doucement.Il m’a fixée d’un air difficile à déchiffrer, comme s’il ne savait pas comment

réagir à ma démonstration de gratitude. Il s’est éclairci la gorge.– Je ne sais pas pourquoi tu me remercies.J’ai soupiré en regardant le ravissant paysage autour de nous.– Tu as essayé de nous sauver des griffes de Stellan, mon frère et moi. Tu

t’occupes de moi depuis mon arrivée ici. Tu m’as aidée à guérir de ma grippe.J’ignore quel est cet endroit, Caleb, mais j’ai honnêtement l’impression de n’avoir

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que toi, ici. Tu me guides. Tu me donnes l’espoir de m’enfuir. Penser à ce que jeferais sans toi… ai-je dit avant de frissonner et de me tourner vers lui à nouveau.Merci, d’accord ? C’est tout. Merci d’être ma lumière dans ce sombre cauchemar.

Il a écarquillé les yeux et ouvert la bouche comme s’il allait répondre quelquechose, mais il a détourné le regard, posant les yeux sur les montagnes à nouveau.

Je me suis rapprochée de lui et, levant son bras, je l’ai placé autour de ma taille.Il s’est crispé, mais je n’ai pas bougé. J’ai appuyé la tête sur son épaule, meblottissant contre son corps.

« Un vampire n’a jamais été aussi chaud que toi en ce moment, » ai-jemurmuré.

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erci d’être ma lumière dans ce sombre cauchemar.Les mots de Sofia ont tourné en boucle dans mon esprit après qu’elle les ait

prononcés.Moi ? Sa lumière ?L’idée me semblait tellement absurde. J’ai d’abord cru qu’elle plaisantait. Mais

quand j’ai sondé ses grands yeux verts, j’ai vu qu’elle était sincère.Je n’ai pas su quoi faire ni quoi dire lorsqu’elle a enroulé mon bras autour de sa

taille fine. Puis son corps chaud s’est rapproché du mien et mes muscles se sonttendus alors que sa présence a envahi mes sens. Comme elle ne semblait pasvouloir bouger, j’ai commencé à m’inquiéter que ma froideur draine la chaleur deson corps.

– Je ne veux pas que tu attrapes froid, ai-je marmonné.J’ai retiré mon bras et, prenant ses mains entre les miennes, je l’ai relevée.

Tenant toujours ses mains, je l’ai entraînée à l’intérieur, puis j’ai verrouillé la portederrière nous. Quand je me suis retourné, elle s’est accrochée à mon cou, exigeantque je la transporte à nouveau. J’ai obéi, déglutissant en voyant son cou délicat àquelques centimètres de ma bouche.

Je l’ai déposée devant sa porte. J’allais partir lorsqu’elle m’a retenu par la main.– Je ne t’ai jamais demandé de me ramener à ma chambre, a-t-elle dit, un

sourire timide illuminant son visage. Ce n’est pas encore l’heure du coucher.Mon estomac s’est noué lorsqu’elle m’a traîné vers l’escalier menant à ma

chambre. Lorsque nous sommes arrivés à mon étage, elle a continué jusqu’à maporte, que j’avais laissée ouverte. Tenant toujours ma main, elle est entrée chez moiet elle m’a conduit jusqu’à ma chambre. Puis elle a ôté son manteau, révélant unerobe d’un vert émeraude qui mettait en valeur ses courbes. Elle a marché jusqu’à lachaîne stéréo dans mon salon.

– Rose ?Elle a regardé derrière son épaule d’un air innocent.– Oui ?– Que fais-tu ?En guise de réponse, elle a inséré un disque dans l’appareil et elle a monté le

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volume. Puis elle a marché vers moi et, serrant mes mains à nouveau, elle m’a tirévers le centre du salon.

– Je suis ta lumière, a-t-elle souri.Si tu savais combien tu l’es déjà.« Danse avec moi, a-t-elle dit en riant. Allez. »Je l’ai regardée, hésitant.« Tu n’étais pas si gêné la première fois que je t’ai demandé de danser. »Elle a enroulé les bras autour de mes épaules. Je me suis à nouveau crispé à sa

proximité.« Allez, monsieur Achille, a-t-elle chuchoté en me regardant et en passant la

main dans mes cheveux. Tu sais que je danse comme un pied sans toi. »Lentement, j’ai laissé mes mains glisser et se poser sur sa taille. J’en ai eu la

chair de poule.« Apprends-moi, » m’a-t-elle encouragé.Elle s’est approchée davantage. J’ai d’abord bougé lentement, la regardant

remuer les pieds, m’assurant de ne pas aller trop vite. Mais plus le rythme s’estaccéléré et plus je me suis détendu. En voyant son visage souriant, j’ai souri à montour.

« Grâce à toi, on dirait que j’ai dansé toute ma vie, » a-t-elle dit en riant.– Vraiment ?Elle a hoché la tête.Puis elle s’est hissée sur la pointe des pieds.Ses douces lèvres ont caressé ma joue.Ma joue blême et froide.

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e ne pouvais pas m’arrêter de sourire tandis que Caleb et moi dansions. Il étaitsi délicat avec moi. Si hésitant au début. Ce que j’ai trouvé charmant.

J’ignore pourquoi j’ai posé un baiser sur sa joue. C’était presque comme si jevoulais le rassurer, le libérer des doutes qu’il aurait pu avoir. Il ne méritait pas la viequ’il était forcé de mener. Caleb était quelqu’un de bien. Je le savais. Je voulaisréchauffer son cœur comme il avait réchauffé le mien.

Après notre danse, j’ai ôté mes bras de sur ses épaules. Il a reculé, ne mequittant cependant pas des yeux. J’ai souri à son air sérieux. J’ai pivoté et j’aiobservé son appartement. J’ai regardé la tapisserie déchirée, les meubles abîmés,les miroirs fracassés. J’ai marché jusqu’à un mur et j’ai passé le doigt sur un tableaulacéré. Je me suis tournée vers Caleb à nouveau. Il me suivait toujours des yeux. Jeme suis éclairci la voix en me préparant mentalement à sa réponse.

– Tu sais que tu n’as pas à vivre ainsi.Il a soupiré avant de me tourner le dos.– Ne dis pas ça, a-t-il marmonné.– Je ne te connais pas, Caleb, ai-je continué. Mais je ne crois pas que tu sois fait

pour vivre ici.Il est resté immobile, mais sa respiration s’est accélérée.« Je te jure que je ne dis pas ça pour que tu me ramènes chez moi. Je suis sincère.

Même après avoir été témoin de ce que tu fais avec les autres vampires, je… je nesais pas pourquoi, mais je sens qu’il manque quelque chose en toi, quelque chosequi devrait être là. »

J’ai marché jusqu’à lui. Il est resté immobile, évitant mon regard.« Je ne te demande pas de m’expliquer ce qui se passe ici. Je te demande

seulement de ne pas traiter ton existence comme si elle ne valait rien. »J’ai serré son bras, espérant qu’il me regarde et qu’il voie l’honnêteté dans mes

yeux.« Tu mérites mieux que ça, ai-je dit en indiquant la pièce ravagée autour de

nous. Et si je peux t’aider de quelque façon… Eh bien, je suis là. »Il n’a pas répondu. J’ai haussé les épaules, puis je me suis dirigée vers l’autre

bout de la pièce, la tête basse, et je me suis assise au bord de son lit. Il a marché

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jusqu’au piano et il s’est assis, passant les doigts au-dessus des touches.– Rose, a-t-il soupiré. Parfois, les choix que l’on fait dans le passé limitent ceux

que l’on a dans le présent.– Peut-être, ai-je répondu. Mais on a toujours le choix.Il n’a rien rétorqué. Il s’est mis à jouer du piano. Mais il semblait agité, ses

doigts voltigeaient d’une touche à l’autre et la mélodie devenait de plus en plusagressive. Puis il s’est arrêté net au beau milieu du morceau. Il s’est levé d’un coupen me regardant d’un air sévère.

– Je veux te montrer quelque chose, a-t-il dit.Il est sorti de la pièce et j’ai dû le rattraper à la course. Il a quitté l’appartement,

tournant à droite et longeant le couloir jusqu’à l’escalier. À ma grande surprise, ilm’a prise par la main et il m’a conduite jusqu’à l’étage de la sorcière. Il a ouvert laporte et il m’a entraînée jusqu’à la pièce où je l’avais espionné quelques joursauparavant, alors qu’il fouillait dans un coffre en bois. Il a marché jusqu’à une tableoù il a allumé quatre chandelles. Puis il s’est approché d’une armoire dans un coinet il en a sorti ce qui m’a semblé être un album photo avec une reliure en cuir.

« Viens ici, » m’a-t-il ordonné.Je me suis approchée. Il a tourné les pages jusqu’au milieu de l’album, qu’il a

déposé sur la table. Étalées sur deux pages se trouvaient quatre vieilles photos noiret blanc. Je me suis penchée pour les observer. Elles représentaient toutes un jeunecouple. Quand j’ai passé le doigt dessus pour enlever la poussière, je n’ai pas pum’empêcher de frémir.

Sur les quatre photos, le couple était debout devant le gouvernail d’un bateau.Elles avaient manifestement été prises le même jour, car ils portaient la mêmetenue : la fille, une robe d’été fleurie ; l’homme, une chemise aux manches rouléesjusqu’aux coudes et un pantalon. Les deux souriaient et s’enlaçaient comme desamants. L’homme était évidemment Caleb, lorsqu’il était encore humain. Lafemme… grande, mince, avec de longs cheveux noirs… la sorcière. Annora.

« C’était mon choix, a dit Caleb, ses yeux d’un brun profond scintillant à la lueurde la chandelle. Comprends-tu ? »

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e n’ai pas quitté ma ravissante prisonnière des yeux tandis qu’elle fixait lesphotos. Elle a levé les yeux vers moi après quelques instants.

– Vous étiez amants ?J’ai acquiescé avant de reprendre l’album et de le replacer sur l’étagère. Je ne

supportais pas de le regarder très longtemps.« Oh… »Elle s’est affalée dans un fauteuil.– Nous étions même fiancés, ai-je dit en marchant jusqu’à l’autre côté de la

table et plaçant les mains dessus, fixant le bois gravé.– Qu’est-il arrivé ?Je me suis assis dans un fauteuil à mon tour et je l’ai fixée. J’ai grimacé en me

préparant à raconter une histoire que j’essayais d’oublier depuis longtemps.

Mon père était propriétaire d’un chantier naval. Comme j’étais son fils unique, ilm’avait appris dès l’enfance à construire et réparer des navires. Il était fier d’être leconstructeur le plus réputé en ville. Tous les riches marchands et les aristocratesvenaient nous voir lorsqu’ils avaient besoin d’acheter ou de faire réparer un bateau.

Un de nos clients était marchand de soie. Il possédait une large flotte de bateauxet faisait régulièrement des affaires avec mon père. J’attendais toujours ses visitesavec impatience, car il emmenait parfois sa fille.

Annora. La plus belle fille que j’avais vue de ma vie. Grande, mince, avec delongs cheveux noirs qui tombaient dans son dos et des yeux d’un gris bleuenchanteur. Chaque fois que son père arrivait avec un navire, je montais à bord etj’en faisais le tour à la recherche d’Annora. J’étais trop timide pour lui parler audébut. Mais j’avais fini par rassembler le courage de l’aborder. Les premières fois,nous avions parlé de tout et de rien, mais elle avait aussi développé une attiranceenvers moi et bientôt, c’était elle qui partait à ma recherche dès qu’ils amarraientleur bateau dans notre port.

Chaque fois que nous nous voyions, mon attirance grandissait. Quand je pense à

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elle aujourd’hui, je n’arrive pas à croire qu’elle est la même personne. Avant, elleétait une créature innocente et réservée. Sa nature délicate m’enivrait. Je désirais saprésence en permanence, souhaitant pouvoir passer plus de temps avec elle. Jour etnuit, elle occupait mes pensées. Je rêvais d’elle.

Notre amitié s’était vite transformée en amour et, bien que son père n’approuvepas vraiment notre relation, car il me considérait comme inférieur, il ne s’yopposait pas non plus. Nous sortions ensemble depuis un an quand, le soir de mondix-neuvième anniversaire, je l’avais demandée en mariage. Elle avaitimmédiatement accepté et juré de m’aimer jusqu’à sa mort. Nous avions prévu denous marier trois mois plus tard et nos familles avaient commencé à planifier lacérémonie.

Puis un soir, le cours de ma vie a changé à jamais.Mon père m’avait envoyé réparer le bateau d’un nouveau client. Un marchand de

safran richissime qui était nouveau en ville et qui exigeait une attention particulière: il avait demandé que son navire soit réparé durant la nuit à cause d’une supposéeaffection des yeux qui le rendait sensible à la lumière du soleil.

Bien que je déteste faire des réparations la nuit – la tâche étant bien plus difficileque le jour –, j’avais accepté la requête de mon père. Le marchand disait avoir unproblème avec le gouvernail de son bateau.

– Bonsoir ? avais-je dit en embarquant sur le pont.Pas de réponse. J’avais marché jusqu’à la cabine du capitaine et j’avais frappé

trois fois. Un grand homme avait ouvert. Ses yeux étaient noirs et sa peauétrangement blafarde. Il semblait âgé d’une quarantaine d’années, habillé chic, lescheveux lissés vers l’arrière avec une sorte de gomina luxueuse.

– Par ici, avait-il dit en refermant la porte derrière lui et me guidant vers legouvernail.

J’avais déposé mes outils par terre et commencé à examiner la barre. L’hommes’était placé tout juste derrière moi. J’avais cru qu’il voulait me regarder travailler,mais il m’avait agrippé le cou de ses mains froides avant d’y planter les dents.

J’avais été trop surpris pour crier au début, mais lorsque je l’avais fait, personnen’aurait pu m’entendre. Le navire était amarré au dernier poste d’ancrage du port.J’avais bientôt perdu la force de lutter. Je m’étais tordu au sol durant latransformation.

Les yeux noirs de l’homme luisaient à la lumière de la chandelle tandis qu’il meregardait me métamorphoser.

Lorsque l’agonie qui me brûlait le corps avait commencé à se calmer et quej’avais cessé de tousser du sang, il m’avait tendu la main et aidé à me relever. Tropfaible pour tenir debout, je m’étais affalé sur une chaise.

– Qu’est-ce que c’est ? avais-je demandé, haletant.– Un cadeau, avait-il répondu en ricanant.Il avait empoigné ma chemise tachée de sang avant de me jeter par-dessus bord.

J’étais resté étendu sur la jetée en bois et le marchand de safran avait pris le large.Les heures suivantes avaient été les plus terrifiantes de toute ma vie. J’ignorais

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où aller et en qui je pouvais avoir confiance. J’avais entendu des rumeurs sur lesvampires. Je n’en savais pas beaucoup sur eux, hormis le fait qu’ils étaient descréatures maléfiques.

Puis pour la première fois, j’avais eu soif de sang. Tellement que j’avais réaliséque je ne pourrais pas retourner chez mes parents sans leur sauter dessus et lessaigner à blanc.

J’avais filé à toute vitesse jusqu’à la mer, loin de la ville. Loin de ma famille. Loind’Annora. J’avais couru pendant des heures, longeant la rive jusqu’au lever dusoleil. Ma peau avait commencé à brûler tellement intensément que j’avais crumourir. Je m’étais réfugié dans la première caverne que j’avais trouvée et je m’étaistapi dans le coin le plus sombre que j’aie pu trouver. Je m’étais replié sur moi-même, essayant de calmer les convulsions provoquées par ma soif de sang.

J’avais essayé de m’endormir pour oublier la souffrance et la faim, en vain.J’étais resté caché dans la caverne jour et nuit. J’avais dû y passer cinq jours entiersavant qu’une équipe se mette à ma recherche – équipe constituée de mes parents,Annora et son frère.

À mon horreur, je les avais vus s’approcher de l’entrée de la caverne un soir,torches à la main. Par miséricorde, j’avais réussi à m’empêcher de bondir sur eux etj’avais pris mes jambes à mon cou. J’avais continué à longer la plage. Ils n’avaientaucune chance de me rattraper cette nuit-là. J’avais trouvé une autre caverne puis,après m’être rassasié du sang d’un requin mort que j’avais trouvé sur la rive, je m’yétais caché pour la nuit.

Mais ils n’avaient pas cessé de me suivre. Au dixième jour, j’avais cessé decourir. Mes parents et Annora avaient trouvé mon refuge une fois de plus. J’étaissorti de la caverne et j’avais grimpé sur les rochers au-dessus. Je m’y étais perchéavant de les regarder.

Puis je leur avais tout raconté.Mes parents n’en croyaient pas leurs oreilles. J’avais dû répéter mon histoire

plusieurs fois avant qu’ils l’acceptent. Annora, quant à elle, était restée immobileet des larmes avaient roulé sur son visage magnifique. Je croyais que la souffranced’être vampire était intolérable, mais l’angoisse de ma fiancée m’avait causé plusd’agonie que ma transformation.

Pendant les semaines suivantes, j’avais vécu dans cette caverne. Mes parentsavaient cessé de me persuader de revenir à la maison et accepté le fait que jereprésente un danger trop grand.

Mais Annora avait continué de me rendre visite. Je l’avais suppliée de m’oublier,en vain.

– Je ne peux pas te laisser, Caleb, avait-elle dit en sanglotant. Je n’aimeraipersonne d’autre que toi.

J’avais essayé d’être impitoyable avec elle. De l’effrayer avec mes crocs et mesgriffes. Mais peu importe ce que je faisais, elle s’entêtait à rester avec moi.

Un soir où elle était venue à ma caverne, après une dispute plutôt violente, ellem’avait demandé de la transformer en vampire. Je lui avais ri au nez, croyant

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qu’elle plaisantait. Mais elle était plus sérieuse que jamais.– Tu as perdu la tête ! avais-je crié en quittant la caverne en trombe.Je n’étais revenu qu’au petit matin, espérant qu’elle soit partie. Mais elle était

toujours là. Elle m’avait attendu toute la nuit. Elle avait marché vers moi dès qu’ellem’avait vu entrer et elle avait pris mes mains entre les siennes. J’avais reculé.

« Combien de fois dois-je te le répéter ? Ne me touche pas. »– Transforme-moi, avait-elle murmuré.Sa voix était rauque, ses yeux rouges d’avoir pleuré.– Annora, arrête, avais-je sifflé.Elle s’était approchée, l’odeur de son sang sucré envahissant mes narines.– Je ne peux pas vivre sans toi.– Tu es jeune et belle. Tu trouveras quelqu’un d’autre.– Non ! avait-elle crié en secouant la tête furieusement.Puis elle avait sorti une dague de son manteau et elle l’avait portée à sa gorge.– Que fais-tu ? Pose ça !Elle m’avait regardé d’un air désespéré.– Transforme-moi, mon amour.J’avais bondi sur elle et je m’étais emparé de la dague avant de la projeter hors

de la caverne. Puis j’étais resté là à la dévisager, incapable de croire qu’elle venaitde me menacer avec sa propre vie. Qu’elle soit prête à abandonner aussi facilement.

Elle avait éclaté en sanglots avant de partir en courant. J’avais d’abord cruqu’elle irait récupérer la dague, mais elle était repartie vers la ville.

Elle ne m’avait pas rendu visite le lendemain ni le jour suivant. Une semaines’était écoulée et elle n’était toujours pas revenue. J’avais cru qu’elle avait enfinaccepté son sort.

Puis le huitième soir, elle était apparue.J’avais été réveillé par la sensation d’un corps chaud et doux contre le mien. En

ouvrant les yeux, à mon horreur, j’avais réalisé que c’était Annora. Elle étaitcomplètement nue et enroulée autour de moi.

Dès que j’avais ouvert les yeux, elle avait grimpé sur moi, pressant ses mainschaudes contre ma poitrine nue, et ses longs cheveux noirs m’avaient effleuré lapeau. Elle m’avait regardé à travers ses longs cils épais.

– Non, avais-je frémi.Elle s’était penchée sur moi et elle avait pressé ses lèvres contre les miennes.

Puis elle avait commencé à détacher mon pantalon d’une main en me serrant lagorge de l’autre et en continuant à m’embrasser de force. Son arôme et la façondont elle me touchait avaient saturé mes sens. J’avais voulu la dévorer.

J’avais essayé de la repousser, mais ma détermination s’évaporait de seconde enseconde. Lorsqu’elle avait placé son cou devant mes lèvres, j’avais perdu la tête.J’avais agrippé sa taille et je l’avais plaquée au sol avant de grimper sur elle et deplanter les crocs dans son cou délicat. J’avais grogné quand son sang chaud avaitcoulé dans ma bouche, enflammant mon corps entier.

– Caleb, avait-elle gémi en se tordant sous moi. Transforme-moi, mon amour.

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Bien que ma conscience me crie d’arrêter, mon corps avait franchi le point denon-retour. J’avais pris trois grandes gorgées de son sang exquis avant d’injectermon venin en elle.

Puis j’avais continué à boire son sang jusqu’à ce qu’il ait un goût amer – ce quisignifiait que sa métamorphose avait commencé. J’avais reculé et je l’avais regardéetrembler, étendue sur la pierre, hurlant de douleur et toussant du sang.

Qu’ai-je fait ?Stupéfait, j’avais regardé la chaleur de son corps se dissiper et la sombre

malédiction consumer son organisme. Puis elle avait cessé de bouger.– Annora ?J’avais accouru vers elle et je l’avais secouée. Elle avait faiblement battu des cils.

J’avais continué à la secouer en criant son nom. Puis ses yeux s’étaient ouverts d’uncoup, désormais d’un gris argenté qui n’avait rien de leur couleur originale.

Elle m’avait agrippé le cou en enfonçant les griffes dans ma chair, puis elles’était redressée pour planter les crocs dans ma gorge. Je l’avais repoussée.

– Du sang ! avait-elle dit, à bout de souffle. Je veux du sang.Assister à sa transformation avait été comme revivre la mienne. L’horreur de

désirer le sang de quelqu’un sans remords. Une soif insatiable que rien n’arrêterait.– Je–je vais te trouver du sang, avais-je bégayé.Ramassant le filet de pêcheur que j’avais trouvé sur la plage, je l’avais entraînée

hors de la caverne. Nous avions marché jusqu’à la mer. Puis nous nous étionsavancés dans l’eau à la recherche de poissons. Maintenant que j’avais goûté le sangd’Annora, le sang de poisson me semblait la chose la plus dégoûtante au monde.

« Annora, » avais-je marmonné en me tournant vers elle.Mais elle n’était plus là – en fait, en quelques secondes à peine, elle avait nagé

jusqu’à la rive. Alarmé, j’avais nagé vers elle. Elle était sortie de l’eau et s’était miseà courir vers la ville.

« Non ! » avais-je crié en courant derrière elle.Sa vitesse égalait presque la mienne, aussi je n’avais réussi à la rattraper

qu’après deux kilomètres de course sur la plage. J’avais sauté sur elle et je l’avaisplaquée au sol.

– Qui va là ?Annora et moi avions levé les yeux. Un jeune pêcheur s’approchait de nous,

traînant un filet rempli d’anguilles derrière lui. Annora avait réussi à se libérer demon emprise et elle avait bondi sur l’homme. J’avais essayé de l’en empêcher, maiselle avait déjà mordu dans sa gorge. Essayer de l’en écarter aurait été inutile. Sescrocs étaient enfoncés tellement profond que le pêcheur n’avait aucune chance desurvivre. Je n’avais pas d’autre choix que de la regarder le saigner à blanc.

Après avoir vidé l’homme de son sang, elle avait laissé son cadavre sur le sable.Puis elle avait levé la tête vers moi essuyant sa bouche avec son bras et elle avaitesquissé un sourire étrange.

Les ténèbres dans ses yeux m’avaient troublé d’une façon que je ne pourraisdécrire. La jeune femme innocente dont j’étais tombé amoureux avait disparu,

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laissant place à un monstre. J’avais essayé de me convaincre qu’elle changerait avecle temps, qu’elle s’habituerait à sa soif de sang. J’avais espéré qu’elle retrouve sapersonnalité d’avant.

C’était pourquoi j’avais essayé de la retenir dans la caverne les jours suivants. Jen’osais même plus dormir au cas où elle fasse une autre victime. Mais il devenait deplus en plus difficile de la surveiller. Son désir était plus fort que le mien et elle nesemblait pas vouloir le contrôler. Une nuit, lorsqu’un groupe d’humains était passéprès de notre refuge, j’avais su qu’il était temps de partir. Mais j’ignorais où.

Je commençais à désespérer lorsqu’un navire s’était arrêté devant notre caverne: celui du marchand de safran. À ce jour, j’ignore encore comment il nous avaitrepérés.

Il nous avait dit qu’il pouvait nous emmener là où d’autres vampires vivaient,loin des humains. À l’abri du monde extérieur. Bien que je ne fasse pas confiance àce serpent, nous n’avions pas d’autre choix que de le suivre.

Il nous avait emmenés au château du Doyen, le Donjon du sang. J’avais su quenous avions fait une erreur dès que j’avais vu les larges portes noires. Del’extérieur, le château semblait être un endroit cauchemardesque ; dès que nous yavions mis les pieds, le cauchemar avait commencé.

Bientôt, les Doyens ne nous voulaient plus, Annora et moi, dans leur château. Ilsvoulaient que nous quittions le royaume des humains.

Ils nous voulaient à Cruor. L’enfer qu’était leur royaume.

J’ai dû m’arrêter un moment, car les souvenirs défilant dans ma tête étaient vivacescomme s’ils dataient d’hier. Rose me fixait intensément, buvant mes paroles, unmélange d’horreur et de fascination sur le visage.

Je lui ai révélé bien plus à propos de moi que j’en avais initialement l’intention.Dès que je me suis tu, elle a froncé les sourcils en demandant :

– Alors tu es allé à Cruor ?J’ai hoché la tête.« C’était comment ? »Ne voulant pas lui donner des cauchemars, je ne lui ai pas dévoilé trop de détails.– Disons simplement que Cruor a rendu Annora encore pire qu’elle l’était. Elle

n’a jamais retrouvé son ancienne personnalité.– Comment t’es-tu enfui ?– Un jour, un groupe de sorcières a rendu visite aux Doyens, offrant un lot

d’humains frais en échange de cinquante vampires. Nous ignorions pourquoi ellesavaient besoin de nous. Nous n’avons pas posé de questions. Trois sorcières sontvenues nous libérer des donjons et nous les avons suivies sans hésiter.

Rose s’est mordu la lèvre inférieure en se frottant le front.– Et Annora… elle n’est plus vampire ?– Elle est une sorcière.

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– Comment est-ce possible ?J’ai réfléchi à sa question un instant.– Ces sorcières étaient… différentes.– Hein ?– Elles ne venaient pas du Sanctuaire.– Alors d’où venaient-elles ?– Elles avaient leur propre demeure en dehors du royaume des sorcières.– Mais qui étaient-elles ? a demandé Rose, frustrée.– Disons qu’elles étaient une espèce de sorcières bien plus sombre que ce que tu

peux imaginer.– Mais… comment sont-elles arrivées ici ? Et toi, comment es-tu arrivé ici ? Je

croyais que les portes entre le royaume des humains et les royaumes surnaturelsavaient toutes été détruites il y a plusieurs années.

J’ai presque souri de sa naïveté, refusant cependant de répondre. Elle a essayé deme soutirer plus d’informations, mais je l’ai ignorée. Elle a soupiré, croisant lesbras.

– Eh bien, continue ton histoire alors. Qu’est-il arrivé à Annora ?J’ai fouillé ma mémoire à nouveau, les yeux dans le vide.– Les sorcières nous ont transportés jusqu’à leur résidence. Durant notre séjour

là-bas, Annora s’est de plus en plus… intéressée à ce qui s’y passait. Elle a adoptéleur mode de vie d’une façon que je n’aurais jamais pu prédire. Un jour, elle m’aavoué qu’elle voulait devenir l’une d’elles. J’ai essayé de lui faire comprendre lesconséquences de son geste, en vain.

– Je ne savais pas que les sorcières pouvaient guérir quelqu’un du vampirisme.Encore moins transformer un vampire en sorcière. Je croyais que seul le sangimmun et—

– Comme je l’ai dit, elles n’étaient pas des sorcières ordinaires.– Alors elles ont fait d’Annora l’une d’elles, a dit Rose lentement.– Son désir de pouvoir était trop grand.– Comment as-tu atterri ici ?– Les sorcières ont leurs raisons de nous vouloir ici, ai-je dit en détournant le

regard. Raisons que je ne te révélerai pas. Comme Annora avait gagné leurconfiance, et étant donné sa relation avec moi, elles ont établi qu’elle était lapersonne idéale pour nous surveiller, Stellan et moi, alors que nous gouvernions cesdeux îles.

– Et tous les vampires qui se trouvent sur ces deux îles ont été amenés de Cruorpar les sorcières ?

– Oui. Nous venons tous de Cruor. En échange de la protection des Doyens, nousavons juré d’obéir à leurs ordres.

Rose a expiré profondément en s’enfonçant dans son fauteuil, passant une maindans ses cheveux.

– Alors vous êtes tous prisonniers de cet endroit ?– On peut dire ça, oui.

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– Et si tu essayais de t’enfuir ?– Annora a jeté un sort sur l’île. Personne ne peut la quitter sans sa permission

expresse.– Alors pourquoi ne pas vous enfuir quand vous avez le droit de sortir – comme

lorsque vous partez à la chasse d’humains ?– Nous sommes… reliés à ces deux îles. Si nous nous en éloignons pendant plus

d’une semaine…J’ai fait une pause, me remémorant la fois où un de mes propres hommes avait

essayé de s’enfuir. J’ai frissonné en me rappelant l’état dans lequel nous l’avionsretrouvé.

Rose n’a pas besoin de connaître ces détails.– Quoi ? a-t-elle demandé.– Nous ne pouvons pas partir pendant plus d’une semaine, c’est tout.

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J

CH A P I T R E 3 2 : R O S E

e fixais le jeune homme à l’autre bout de la table dans la pièce tamisée. Bienqu’il esquive la moitié de mes questions, je me sentais flattée qu’il se confie à

moi. À plusieurs occasions, je me suis demandé pourquoi il m’en révélait autant. Ceque j’avais fait pour gagner sa confiance. Sa franchise. J’ai réalisé qu’il avait dû êtrepénible pour lui de me raconter son histoire.

Une question me brûlait les lèvres depuis le moment où j’avais posé les yeux surles vieilles photos noir et blanc.

– Et Annora et toi… comment en êtes-vous arrivés là ? Pourquoi fait-elle…Il a levé une main. Puis il a marché lentement jusqu’à la fenêtre, où il s’est

arrêté, regardant les montagnes enneigées au loin. Il est resté immobile pendant unbon moment et j’ai cru qu’il n’allait pas me répondre. Puis il a fini par s’éclaircir lagorge.

– Elle est malade, Rose.J’ai retenu mon souffle, attendant qu’il continue.« Je suppose que j’aurais dû le voir plus tôt, a-t-il dit lentement, toujours dos à

moi. Mais j’étais aveugle. »Je me suis levée et j’ai marché jusqu’à lui.– Que se passe-t-il chaque nuit lorsqu’elle est ici ?– Nous nous querellons, a-t-il marmonné.– Pourquoi ?– C’est…Il s’est mordu la lèvre comme s’il pesait ses mots avant de les prononcer.« C’est sa façon de se sentir en vie. »Je l’ai dévisagé.– Quoi ?Il a serré la mâchoire. J’ai été peinée de voir à quel point mes questions le

contrariaient.– C’est sa façon de s’accrocher au passé. À ce que nous avions.– Que veux-tu dire ?– Elle a perdu sa faculté d’aimer au moment où elle s’est offerte aux sorcières.

C’est un des sacrifices qu’elle a dû faire.

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Me sentant soudain étourdie, je me suis appuyée contre le mur.« Nos disputes… sont ce qui se rapproche le plus de notre amour. »Il est retourné à l’autre bout de la pièce, me laissant seule près de la fenêtre.– Caleb, ai-je dit doucement en me retournant. Je crois qu’elle t’aime encore. Je

l’ai vue pleurer à chaudes larmes.Il a secoué la tête.– Elle ressent la douleur, oui. Mais pas l’amour. Je l’ai compris il y a longtemps.Toujours appuyée contre le mur, j’ai glissé au sol et tiré mes genoux contre ma

poitrine. J’étais muette. Mais je comprenais enfin pourquoi il la supportait jouraprès jour.

Caleb se sent responsable de ce qu’elle est devenue.S’il ne l’avait pas transformée, rien de tout ça ne serait arrivé.Il croit qu’il a causé sa perte.« Il est tard, a-t-il fini par dire, brisant le silence. Tu devrais partir. »

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C

CH A P I T R E 3 3 : R O S E

aleb m’a évitée après cette nuit-là.Je ne l’ai pas cherché non plus. Je n’aurais pas su quoi dire si je l’avais vu.Je suis restée enfermée dans ma chambre, essayant de me distraire en jouant de

la musique. Je me sentais doublement reconnaissante qu’il m’ait envoyé la harpe.Bien que j’essaye de chasser le vampire de mon esprit, j’en étais incapable. Les

vieilles photos demeuraient gravées dans mon esprit et le récit de son amour brisérejouait en boucle dans ma tête. Par-dessus tout, je me demandais ce qu’iladviendrait de Caleb.

Une fois que je me serais enfuie de cette île, serait-il forcé à vivre ainsi pour lereste de son existence ? Depuis combien de temps vivait-il déjà ainsi ? Prisonnier decette île glaciale, otage du sortilège de la sorcière et de sa propre culpabilité.

Il mérite mieux que ça.La frustration et la tristesse m’envahissaient lorsque je pensais à lui. J’éprouvais

également une sensation de perte immense. Perte de quoi, je l’ignorais. Lapuissance de mes émotions me déconcertait.

Rien de tout ça ne me regarde. Je devrais me préoccuper de retrouver ma famille.Pourquoi suis-je autant investie ?Cette question m’a hantée jusqu’au petit matin. J’ai fini par me lever et sortir

sur le balcon pour prendre l’air. Je me suis surprise à regarder vers son balcon dansl’espoir de voir ses mains appuyées sur la rambarde.

Mais il n’était pas là.Je suis retournée au lit. Au moment où j’allais me blottir dans les couvertures,

j’ai entendu un déclic. On aurait dit le bruit de ma porte qui s’ouvrait.Caleb ?Je me suis levée et approchée du couloir de l’entrée. Une grande silhouette noire

se tenait dans l’embrasure.Mais ce n’était pas Caleb.La silhouette a marché vers moi et un visage est apparu dans l’éclairage tamisé

de la pièce.Le rouquin aux yeux bleu clair.– Stellan, ai-je frémi en reculant.

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Il a esquissé un léger sourire.– Oui, princesse, c’est moi, a-t-il chuchoté avant de balayer la pièce des yeux,

feignant le soulagement. Je vois qu’il n’y a pas de bouilloire brûlante pour te veniren aide cette fois.

– Que–que fais-tu ici ?– Je t’emmène à un rencart.Il a bondi sur moi, m’écrasant entre ses bras et me jetant par-dessus son épaule.– Non ! ai-je hurlé en martelant de coups son torse de roc, faisant sans doute

plus de mal à mes genoux qu’à lui.J’ai réussi à me hisser et enrouler un bras autour de son cou. J’ai serré de toutes

mes forces, appuyant sur son œsophage, bloquant sa respiration. Il a grogné en melançant sur le lit.

– Tu veux jouer, hein ?Il a grimpé sur moi et il a cloué mes bras au-dessus de ma tête. Agenouillé sur

mes tibias, il a lentement glissé ses genoux vers le haut, relevant ma robe aupassage. Il avait étiré mon corps à un point tel que je n’aurais pas pu bouger d’unpoil sans déchirer un muscle.

Serrant mes poignets dans une main, il a porté l’autre à mon visage et ses griffesont jailli. Il a passé un doigt sur ma joue. J’ai expiré profondément quand il m’aentaillée. Ses yeux luisants se sont posés sur le sang qui s’écoulait. Il a grogné deplaisir en approchant son visage à quelques centimètres du mien. J’ai senti salangue froide sur ma peau et, en même temps, son corps entier frissonner deplaisir.

– Qu’est-ce que tu fais ? ai-je sifflé.– Je t’apprivoise un peu, a-t-il murmuré en regardant ma bouche.Sa main libre m’a ensuite agrippé la cuisse. J’ai serré la mâchoire lorsqu’il m’a

entaillée à nouveau. Il a lâché mes poignets en s’abaissant vers le sang qui coulaitentre mes jambes. J’en ai profité pour attraper la lampe sur ma table de chevet ettirer dessus. Arrachant la prise du mur, j’ai fracassé la lampe contre son crâne.

Je n’avais pas dû lui faire très mal, mais je l’ai assez déstabilisé pour me libéreret me ruer vers la sortie. J’ai couru dans le couloir et j’étais parvenue au sommet del’escalier lorsqu’il m’a rattrapée et qu’il m’a écrasée contre un mur. Les yeuxbrûlant de rage, il m’a lancée par-dessus son épaule à nouveau – s’assurant, cettefois, que je ne puisse pas me hisser et lui attraper le cou. Puis il a commencé àdévaler l’escalier.

– Arrête-toi.Stellan s’est arrêté et il a pivoté. Dans l’angle où j’étais placée, je ne voyais pas

le haut de l’escalier, mais je savais très bien qui avait parlé. Le rouquin a ricané.– Ou quoi ? Tu le diras à la sorcière ?De lourds pas ont descendu l’escalier, s’arrêtant tout juste à côté de nous. J’ai

aperçu les bottes de cuir noir de Caleb.– Pose-la.– Va te faire voir, a craché Stellan avant de reprendre sa descente.

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En une fraction de seconde, Caleb est apparu sur les marches devant Stellan, lesyeux fixés sur lui, l’air impassible.

– Je ne le répéterai pas, a-t-il dit calmement.Stellan m’a lâchée et j’ai grogné en tombant sur les marches pointues. Il est

resté devant moi, m’empêchant de voir Caleb.– Dis, pourquoi es-tu prêt à défier les ordres pour elle ?Caleb a essayé de s’approcher de moi, mais Stellan l’a repoussé.« Tu as couché avec elle, n’est-ce pas ? Et tu ne veux pas partager. »Caleb a empoigné la gorge de Stellan et l’a plaqué au mur. Stellan a sorti les

griffes et il les a plantées dans la poitrine de Caleb, dangereusement près de soncœur, ce qui a déclenché une bagarre entre les deux hommes.

J’ai vite monté l’escalier pour m’écarter du chemin et je les ai regardés se battre,horrifiée. Après environ deux minutes, les deux s’étaient déjà entre-déchirés levisage et la poitrine, et bien que leur peau guérisse en quelques secondes, les plaiesavaient à peine le temps de se refermer avant d’être ouvertes à nouveau.

D’un seul coup puissant, Caleb a réussi à faire perdre l’équilibre à Stellan, qui aroulé au pied de l’escalier. Caleb s’est précipité sur lui. À genoux sur sa poitrine, illui a agrippé le cou et il l’a brisé. Un craquement sourd a résonné dans l’escalier. Lecorps de Stellan est devenu mou et ses yeux vides.

Mais je savais qu’il n’était pas mort. Briser le cou d’un vampire ne faisait que leparalyser temporairement. Caleb a levé la tête vers moi, haletant, la colèrebrasillant dans son regard.

– Retourne dans ta chambre et attends-moi là.J’ai hésité.« Tout de suite ! » a-t-il crié.J’ai remonté l’escalier en courant, puis je me suis enfermée dans ma chambre.

J’ignorais ce qui se passait et quel était son plan. Stellan avait parlé des ordres de lasorcière. Quels ordres ?

J’attendais depuis une dizaine de minutes quand la porte s’est déverrouillée.Caleb est entré. Sa peau était presque complètement guérie de la bagarre. Avant depouvoir ouvrir la bouche, il m’a empoigné une touffe de cheveux et il m’a traînéehors de la chambre.

– Que–que fais-tu ? ai-je frémi, grimaçant de douleur en sentant ses griffess’enfoncer dans mon cuir chevelu.

Il m’a ignorée. Puis il a ouvert la porte de l’appartement de la sorcière et il m’alancée à l’intérieur. J’ai gémi lorsqu’il m’a redressée de force en me tirant par lescheveux.

Quand j’ai levé les yeux, j’étais face à face avec la sorcière.

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L

CH A P I T R E 3 4 : C A L E B

es yeux froids de la sorcière se sont posés sur le visage affolé de Rose. Puis ellem’a regardé, les sourcils froncés.

– Que fais-tu avec elle ? J’ai demandé à Stellan—– Je sais ce que tu as demandé à Stellan, ai-je dit froidement. Mais il a besoin de

repos après sa dernière tâche. Je vais prendre sa place.Elle a regardé la fille et moi successivement. Je me suis assuré de rester

impassible – talent que j’avais développé avec le temps. Elle a fini par acquiescer.– Très bien. Tu as ma permission. Tu sais ce que tu dois faire ?J’ai hoché la tête avant d’agripper les cheveux de Rose à nouveau. Tirant assez

fort pour qu’elle gémisse de douleur, je l’ai entraînée hors des quartiers de lasorcière.

Dès que la porte s’est refermée, j’ai pris Rose dans mes bras et j’ai descendul’escalier. Perplexe, elle a essayé de me demander ce que je faisais, mais je l’aiignorée jusqu’à ce que nous ayons quitté le château, dévalé la montagne et atteint leport. Je l’ai déposée sur la jetée enneigée avant d’ouvrir l’écoutille d’un sous-marin.

Ce n’est qu’après que nous soyons à l’intérieur et que j’aie verrouillé la portederrière nous que je me suis penché pour examiner ses blessures. J’ai juré en voyantle sang qui s’écoulait des plaies causées par Stellan.

Je l’ai prise par la main et je l’ai entraînée jusqu’à la salle des commandes, où jel’ai assise sur un des sièges. Elle me fusillait du regard, les yeux remplis de douleuret d’accusations. J’ai fouillé dans les compartiments à la recherche d’une trousse depremiers soins – chose que nous avions toujours à bord de nos appareils, car noustransportions régulièrement des humains.

Je me suis accroupi près de Rose et j’ai commencé à soigner ses blessures. J’aisalivé en essuyant son sang parfumé et en jetant les mouchoirs. Après avoir panséses plaies, je me suis levé et je l’ai regardée.

– Rose, ai-je dit doucement. Je suis désolé.Elle me regardait, les yeux écarquillés.« Je devais te faire peur. Le regard dans tes yeux l’a convaincue de nous laisser

partir. »

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Elle a légèrement ouvert la bouche en réalisant ce qui s’était passé.– Et maintenant ? a-t-elle demandé d’une voix rauque. Où m’emmènes-tu ?– Chez toi.

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N

CH A P I T R E 3 5 : D E R E K

ous étions découragés. Nous n’avions aucune idée par où commencer nosrecherches. Et bien entendu, les autorités étaient encore plus perdues que nous.

Nous avions fouillé l’appartement où l’enlèvement avait eu lieu. Il y avaitmanifestement eu une bagarre : le salon était sens dessus dessous, une bouilloire etun couteau se trouvaient par terre dans la cuisine, un miroir était fracassé etplusieurs tableaux décrochés. De plus, on avait laissé les fenêtres grandes ouvertes.Comme les caméras de surveillance n’avaient vu personne sortir de l’appartement,nous avions conclu que les ravisseurs s’étaient enfuis avec les quatre adolescentspar la fenêtre. Et étant donné la hauteur, à moins qu’ils aient garé une grue à côtéde l’immeuble, ils n’étaient pas humains.

Nous n’avions pas d’autre choix que de rentrer chez nous. Rester à Hawaï neréglerait rien. De retour sur l’Ombre, nous avons convoqué nos amis proches etnotre famille pour une réunion d’urgence au Grand Dôme. Mais personne ne savaitquoi faire. Nos enfants avaient disparu sans laisser de trace.

Je commençais à perdre la notion du temps qui s’était écoulé depuis leurdisparition. Tout était flou. Nous continuions à tenir des réunions, mais j’avaisl’impression que nous tournions en rond. Nous n’avions pas reçu d’appel de leurportable et lorsque nous essayions de les appeler, nous tombions sur la boîtevocale.

– Alors nous sommes sûrs qu’il s’agit de vampires, Derek ? a demandé Vivienneen me serrant le bras.

J’ai sondé ses yeux inquiets.– C’est la seule explication logique. On voit mal leurs visages sur les

enregistrements des caméras de surveillance, mais leur peau est blême – ilspourraient facilement être des vampires.

– Mais pourquoi ? a demandé Anna. Pourquoi veulent-ils les jumeaux ?– Je ne sais pas.– S’ils sont bel et bien vampires, a dit Xavier, il est possible qu’ils aient

intentionnellement ciblé les jumeaux. Ils veulent quelque chose de l’Ombre.– Mais quoi ? Et comment pouvons-nous leur donner ?– Peut-être que—

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La spéculation d’Eli a été interrompue par la sonnerie d’un téléphone. Sofia afouillé dans sa poche et en a sorti notre portable. Nous l’avons tous fixé,interloqués.

– Mets l’appel en mode haut-parleur !– Rose ? Ben ? a répondu Sofia, tremblante.Pas de réponse.– Allô ? ai-je crié dans le téléphone.– Je m’appelle Stellan, a répondu une voix grave. Je vous suggère d’écouter

attentivement ce que je m’apprête à dire.Mon cœur a chaviré. Sofia a frémi, lâchant presque le portable. Je lui ai arraché

des mains et je l’ai déposé sur la table, puis j’ai fixé l’appareil en essayant de calmermon pouls.

« Nous avons les jumeaux, a continué Stellan. Ils sont encore en vie. »Je voulais hurler des insultes à ce salaud et j’ai dû user de toute ma volonté pour

m’en empêcher. Montrer mes émotions ne servirait qu’à renforcer leur emprise surnous.

– Continue, ai-je grogné.– Nous tenons votre fils et votre fille prisonniers. Nous les avons déjà

maltraités, aussi je vous suggère de coopérer.– Qu’est-ce que vous êtes ? a demandé Sofia d’une voix faible.– Ça n’a pas d’importance. Ce qui compte est que vous soyez attentifs.Nous avons attendu qu’il continue en retenant notre souffle.« Nous savons qu’il y a une immune sur votre île. Si vous voulez revoir vos

enfants, alors donnez-la-nous. »Tous les yeux se sont rivés sur Anna. Elle a blêmi en s’asseyant, posant une main

sur son énorme ventre. J’ai ramassé le portable. Ma résolution s’évaporait deseconde en seconde.

– Pourquoi veux-tu une immune ?– Est-ce que je parle à Derek Novak ? a demandé l’homme avant de ricaner. Tu

connais la valeur des immuns. Et comme la plupart d’entre eux sont désormaisenfermés à Cruor, ils sont presque impossibles à trouver.

– Nous n’avons plus l’immune, a dit Sofia. Elle est morte en couches il y aquelques mois. Mais nos sorcières ont prélevé des échantillons de son sang. Nousen avons d’énormes quantités, que nous pourrions vous donner en échange de nosenfants.

Stellan a ri.– Seul le sang frais et chaud des immuns nous est précieux. Alors si votre

immune est bel et bien morte, vous n’avez rien à nous offrir en échange desjumeaux. Réfléchissez-y.

Nous nous sommes tous regardés en silence. Après un moment, Stellan a ajouté: « Je vais vous donner le temps de réfléchir, d’accord ? Rappelez-moi quand vousaurez une réponse. Vous avez mon numéro. J’attendrai votre appel. »

La ligne a coupé.

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– Ils n’auront pas Anna, ont dit presque tous les gens présents dès que levampire a raccroché.

J’ai levé une main pour leur faire signe de se taire. Je devais réfléchir et vite. Leregard paniqué de Sofia s’est posé sur moi. Je me suis assis et j’ai fermé les yeux, lamain sur le front. Nous ne pouvions absolument pas leur donner Anna. Mais nousdevions trouver un moyen de récupérer nos jumeaux indemnes. Je suis restésilencieux pendant plusieurs minutes alors que toutes les paires d’yeux étaientbraquées sur moi, attendant ma solution. J’ai enfin levé la tête.

– Donnez-moi le portable.J’ai composé le numéro des jumeaux et j’ai attendu. Stellan a vite répondu.– Oui ?– Nous avons l’immune, ai-je dit. Nous vous l’échangerons contre les jumeaux.– Hmm, a-t-il dit. Bien. Rencontrez-nous demain soir. Notez bien les

coordonnées.J’ai noté les détails.« Assure-toi d’emmener l’immune, Novak. Et pas de sorcières. Si tu ne

respectes pas cette entente, je briserai la nuque de tes deux enfants de mes propresmains. »

Il a raccroché. Tout le monde dans la pièce me regardait comme si j’avais perdula tête.

– Que viens-tu de dire ? s’est exclamée Sofia.– Nous n’emmènerons pas Anna, ai-je dit à voix haute pour calmer les

protestations. Elle restera ici.– Quoi ? a dit Sofia.– Nous devons les embusquer. Nous emmènerons nos meilleurs guerriers et

autant de sorcières que possible. Tout ce dont nous avons besoin est de nousapprocher de ces gens. Une fois arrivés au point de rencontre, nous ne partirons pasavant d’avoir récupéré Rose et Ben.

Anna s’est levée pour la première fois.– Et s’ils leur faisaient du mal en réalisant que vous avez essayé de les duper ?– Ils n’auront pas le temps. Dès que nous arriverons, nous attaquerons.– Mais nous ne savons même pas qui sont Stellan et ses acolytes, a dit Anna.

Nous ne sommes pas sûrs qu’ils soient des vampires. Comment être sûrs que nousserons capables de les dominer et de récupérer les jumeaux ?

– Anna, ai-je dit, haletant. C’est notre seule option.Tout le monde s’est tu et s’est rassis.– Alors comment allons-nous procéder ? a demandé Xavier.– Écoutez-moi bien, ai-je dit en posant les paumes sur la table, me préparant à

expliquer le plan qui s’était dessiné dans mon esprit.

Plusieurs vampires et quelques sorcières ont rempli les sous-marins de l’île. Sofia

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et moi sommes montés seuls à bord d’un petit appareil et nous nous sommesassurés de voyager loin devant les autres. Nous ne pouvions pas nous permettre queStellan les détecte.

Eli m’avait donné un récepteur de poche avant notre départ. Chaque sous-marinen avait également un. Quand je presserais le mien, les autres recevraient le signalde s’approcher.

Après quelques heures, nous sommes arrivés au point de rencontre. Sofia et moiavons garé le sous-marin sur la plage, puis nous sommes sortis dans l’air tiède de lanuit. Un grand vampire aux cheveux roux attendait sur la rive. Seul. À quelquescentaines de mètres derrière lui se trouvait un sous-marin noir.

Nous avons marché vers lui, nous arrêtant à quelques mètres devant. Balayant laplage des yeux, je n’ai pas vu d’autres vampires dans les parages et le sous-marinamarré au loin semblait être le seul.

– Où sont les jumeaux ? ai-je demandé.– Où est l’immune ? a-t-il rétorqué.– Elle est dans notre sous-marin, ai-je dit en mettant la main dans ma poche et

appuyant sur le bouton pour signaler aux autres sous-marins d’approcher.– Je vous suggère de l’emmener d’abord. Souviens-toi, Novak, tes enfants valent

beaucoup plus à vos yeux que l’immune aux nôtres.J’ai hoché la tête, puis j’ai pris la main de Sofia et nous sommes retournés au

sous-marin. Nous avons marché le plus lentement possible pour ne pas éveiller desoupçons. Puis Sofia et moi avons disparu dans l’écoutille. Nous avons échangé desregards nerveux. Si tout allait comme prévu, dans moins d’une minute, notre arméede vampires ferait surface et prendrait d’assaut leur sous-marin.

Mais Stellan a dû comprendre ce qui se passait, car il a poussé un cri et pris sesjambes à son cou. Sofia et moi sommes ressortis par l’écoutille et nous avons couruà ses trousses. Je l’ai rattrapé sur la plage avant qu’il rejoigne son sous-marin. J’aisauté sur lui et je lui ai saisi la taille. Nous sommes tombés dans le sable, mais il n’apas essayé de se battre. Il s’est vite redressé avant de courir dans la directionopposée. Je l’avais presque rattrapé lorsqu’il a couru dans la mer vers un autre petitsous-marin qui venait d’apparaître. Il a disparu par l’écoutille et l’a refermée avantque je puisse l’atteindre. Quelques secondes plus tard, les vagues avaient submergél’appareil.

Troublé par le comportement de Stellan, je suis retourné à l’autre sous-marinennemi et je me suis hissé sur le toit avant de m’abaisser dans l’écoutille. Le chaostotal régnait à bord. Des vampires se battaient, se griffaient et se mordaient l’unl’autre. J’ai vu Sofia se battre contre une goule particulièrement féroce. Je me suisaccroupi, essayant de passer inaperçu. Je devais trouver Rose et Ben pendant que lesautres étaient occupés.

Longeant les murs, j’ai couru d’une pièce à l’autre jusqu’au sous-sol. J’ai vérifiéchaque cabine avant de m’arrêter devant la seule porte verrouillée. Elle était faitede métal blindé.

– Reculez ! ai-je crié à quiconque se trouvait à l’intérieur.

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J’ai pris mon élan et, avec toute la force que j’ai pu rassembler, je me suis jetécontre la porte. L’impact l’a pliée légèrement, mais elle ne s’est pas ouverte. J’aifoncé dessus à nouveau. Elle était désormais moins solide. Au troisième coup, j’airéussi à arracher les charnières. Je me suis précipité à l’intérieur et j’ai regardéautour de moi.

Mon fils était couché par terre, les yeux fermés. Aucun signe de Rose.J’ai hissé le corps de Ben sur mon épaule, soulagé de constater qu’il respirait

toujours, et je suis sorti de la pièce en courant. J’ai fouillé les autres pièces ànouveau, mais Rose n’était nulle part. Je suis remonté et je me suis faufilé entre lesvampires jusqu’à l’écoutille.

En grimpant l’échelle, j’ai senti une vive douleur à ma cheville. Un vampire avaitplanté les griffes dans ma chair. Je les ai délogées en secouant la jambe, puis je lui aidonné un coup de pied au visage. Je suis sorti du sous-marin et j’ai sauté dans l’eau.Réajustant le poids de Ben sur mes épaules, j’ai couru jusqu’au nôtre et j’ai déposéBen sur une couverture à l’arrière de l’appareil.

Où diable est Rose ?Mon estomac s’est noué lorsque je suis reparti à la course vers le sous-marin.

Mes hommes avaient réussi à neutraliser la plupart des vampires, bien queplusieurs d’entre eux se battent encore. J’ai soupiré de soulagement en voyant quenos ennemis n’avaient pas encore fait de victimes dans notre camp.

Dans un coin, Aiden menottait les vampires que nous avions réussi àtranquilliser. J’ai mis la main sur l’épaule d’Aiden, qui s’est retourné vers moi.

« J’ai trouvé Ben, ai-je dit. Va au petit sous-marin immédiatement. Il est là. Etemmène des sorcières pour qu’elles l’aident à guérir. »

– Et Rose ?– Je ne l’ai pas encore trouvée.Aiden a filé vers le sous-marin tandis que je me suis mis à la recherche de Sofia.

Je l’ai aperçue dans un coin de la pièce. Elle se débattait sous le poids d’un largevampire. J’ai saisi le cou de l’homme et en un seul mouvement brusque, je l’aicassé. J’ai tendu la main vers Sofia et je l’ai redressée. Son visage était perlé desueur.

« J’ai trouvé Ben. Mais Rose n’est pas là. »– Quoi ?– J’ai fouillé le sous-marin de fond en comble. Elle n’est pas ici.J’ai commencé à imaginer le pire – que la raison pour laquelle Stellan avait

décampé aussi vite était parce qu’il tenait Rose séparément de Ben au cas où nouspréparions une embuscade. Il se disait probablement que nous ne risquerions pasun guet-apens ni quoi que ce soit mettant la vie de nos précieux jumeaux en danger.Il croyait que nous lui donnerions tout simplement notre immune. Mais juste au casoù nous essayerions de le piéger, il avait décidé de tenir Rose à l’écart. Après coup,je m’en voulais de ne pas avoir réfléchi à cette probabilité. J’avais été idiot.

– Mais où peut-elle être ?– Nous devons découvrir où résident ces vampires.

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J’ai couru vers Xavier, qui s’apprêtait à injecter un tranquillisant à une goule. Jeme suis emparé de la seringue et j’ai agrippé la femme par le cou. Elle semblaitjeune, ayant sûrement été transformée dans la vingtaine, et ses cheveux étaientblonds et courts. J’ai sorti les griffes et je les ai placées devant son cœur en luiserrant le cou de l’autre main.

« Tu vas nous conduire jusqu’à ta base, » ai-je sifflé.Je l’ai traînée jusqu’au poste de pilotage.« D’où venez-vous ? »Elle est restée silencieuse. J’ai appuyé les griffes sur sa gorge. Elle a gémi, sans

toutefois parler.« Il y a d’autres vampires à qui je pourrais le demander. Alors je te suggère de

parler si tu ne veux pas que je t’arrache le cœur. »– D’accord, a-t-elle fini par geindre.J’ai lâché son cou et elle a repris son souffle.« Nous vivons sur une île à environ une heure d’ici. »– Quelle île ?– Stellan la gouverne. Elle est protégée par le sortilège d’une sorcière.– Un sortilège ? Pourrons-nous y entrer ?Tremblante, elle a acquiescé.– Oui, car vous nous accompagnez.Je l’ai assise dans le siège du capitaine.– Sais-tu comment piloter cet appareil ?– O-oui.– Alors conduis-nous là-bas. Tu dis que ça prend environ une heure. Je

surveillerai l’heure. Tu ferais mieux de me dire la vérité.Elle a regardé mes griffes acérées lorsque je me suis assis à côté d’elle, prêtes à

attaquer si je sentais le moindre soupçon de désobéissance de sa part. Je me suistourné vers Sofia.

« Tous les vampires sont-ils menottés ? »– Oui, on dirait bien.– Alors dis aux autres de regagner leurs appareils. Ils doivent nous suivre de

près. Et tu devrais retourner au petit sous-marin et nous suivre aussi.Sofia a hoché la tête avant de partir à la course. Une fois certain que tout le

monde était en place – laissant Vivienne, Xavier et quelques autres personnes avecmoi pour s’assurer que les vampires tranquillisés demeuraient dociles –, j’aiordonné à la jeune goule de démarrer.

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J

CH A P I T R E 3 6 : R O S E

’ai fixé le vampire, osant à peine croire ses mots.Chez moi.

Il me ramène chez moi.– Mais… ai-je balbutié. Mais qu’en est-il de Stellan ? Ne va-t-il pas tout dire à la

sorcière en se réveillant ?Caleb a secoué la tête.– Après ce que je lui ai fait, il ne se réveillera pas de sitôt. Mais ça n’a pas

d’importance, car je l’ai enfermé dans une des pièces d’entreposage au sous-sol dece sous-marin. Il sera trop faible en se réveillant pour défoncer la porte blindée.

– Que vas-tu dire à la sorcière quand elle demandera ce qui m’est arrivé ?– Ça ne te regarde pas.– Mais qu’arrivera-t-il quand Stellan se réveillera ?Caleb m’a regardée d’un air sombre.– Je m’en occuperai en temps et lieu. Mais tu seras déjà partie.J’ai soupiré en m’enfonçant dans mon siège. Je ne pensais qu’à m’enfuir depuis

tellement longtemps et maintenant que le moment était venu, j’y croyais à peine.« Je ne peux pas te dire quand ni comment ça se produira, mais crois-moi,

j’attends ce moment avec impatience. »Caleb attendait. Depuis tout ce temps, il attendait que l’occasion se présente. Je

me suis dit qu’il n’avait sans doute pas eu beaucoup de temps pour planifierl’évasion. Il avait dû élaborer le plan à l’improviste. Il a pris place sur le siège ducapitaine, puis il a démarré.

– Sais-tu où se trouve l’Ombre ? ai-je demandé.– Non.– Alors comment va-t-on s’y rendre ? Je n’ai aucune idée du trajet.– Tes parents ne sont pas sur l’Ombre.– Quoi ?– Ils sont sur l’île de Stellan. Ils te cherchent.J’ai frémi.– Ont-ils trouvé Ben ? Et Kristal et Jake ? Comment ont-ils trouvé l’île ?– Je ne connais pas tous les détails. Mais oui, ils ont trouvé Ben. J’ignore ce qu’il

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en est des deux autres. Stellan a conclu une entente avec tes parents. Ton frère ettoi contre votre immune.

Je l’ai fixé, bouche bée.– Notre immune ? Pourquoi—– Je ne sais pas pourquoi, a répondu Caleb. Annora ne me dit pas tout.– Alors Stellan allait me rendre à mes parents ?– Non. Il croyait pouvoir duper tes parents pour qu’ils lui donnent l’immune en

échange de ton frère seulement. Mais il a réussi à s’échapper et il était venu techercher pour t’emmener ailleurs au cas où les vampires de l’Ombre attaquent monîle.

– Pourquoi la sorcière voudrait-elle me garder ?Caleb a haussé les épaules.– Pour avoir plus de pouvoir de négociation avec l’Ombre. Sans doute y a-t-il

autre chose sur votre île qui nous serait utile.– Mes parents ont-ils donné Anna à Stellan ? Notre immune ?– Je ne sais pas.Je me suis renversée contre le dossier de mon siège, respirant profondément en

laissant toutes ces informations imprégner mon esprit. Mon cœur battait lachamade à l’idée que la vie d’Anna soit en danger. Elle était aimée de tous. Mesparents nous avaient souvent raconté comment elle avait sauvé Ben alors qu’iln’était encore qu’un nourrisson. Sans elle, je n’aurais sûrement pas eu de frère. Cequi m’inquiétait encore plus était le fait qu’elle soit enceinte. Je priais que mesparents l’aient protégée. Je n’arrivais pas à croire qu’ils la livrent à Stellan.

– Dans combien de temps arrivons-nous ? ai-je demandé nerveusement.– Environ une demi-heure. Ce n’est pas loin.Mon estomac s’est noué et est resté ainsi pendant le reste du trajet. Enfin, le

sous-marin est remonté à la surface. Caleb l’a amarré au port, puis il s’est levé. Il afouillé dans le compartiment de rangement au-dessus de nos têtes et il en a sortiun long manteau noir et des lunettes de soleil.

J’ai sursauté quand il a sorti une dague de sa ceinture et qu’il s’est entaillé lapaume. Il a fait couler son sang sur le manteau et il l’a frotté dessus. Sa paume avite guéri, aussi il a dû se couper plusieurs fois avant d’avoir bien imprégné le tissude son sang.

– Maintenant, enfile ça, a-t-il dit en me tendant le manteau et les lunettes. Monsang aidera à masquer l’odeur du tien. Et garde la capuche sur ta tête.

J’ai obéi et je l’ai suivi jusqu’à la sortie du sous-marin.« Attends ici, » a-t-il murmuré.Je l’ai regardé grimper l’échelle, sortir la tête par l’écoutille et observer les

environs. Puis il m’a tendu le bras. Sa main forte a enveloppé la mienne et il m’atirée jusqu’à lui. Il m’a ensuite soulevée dans ses bras pour sortir du sous-marin etil m’a posée au sol. J’ai frissonné. L’endroit était aussi froid que l’île de Caleb. Ilsemble que la sorcière ait jeté le même sortilège sur les deux îles. Après être sorti àson tour, il s’est placé devant moi, me cachant de son corps musclé. Il s’est

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retourné et il m’a regardée.« Reste près de moi jusqu’à ce qu’on trouve tes parents, compris ? Suis-moi

comme si tu étais mon ombre. »Il m’a empoigné le bras et nous avons commencé à marcher. Je ne voyais pas

grand-chose, à cause des lunettes de soleil et de la capuche tirée jusqu’à mes yeux.Après les instructions strictes de Caleb, je n’osais pas lever la tête non plus. Je nevoyais que le sol à quelques mètres devant moi.

Nous marchions depuis à peine cinq minutes quand il m’a ordonné dem’accroupir. Il m’a poussée dans un buisson, puis il s’est agenouillé à côté de moi.J’ai retenu mon souffle et tendu l’oreille. Il a écarté les buissons pour jeter un coupd’œil.

« Ils partent, » a-t-il chuchoté.– Hein ?Il a écarté les buissons un peu plus et j’ai levé ma capuche et mes lunettes.

Comme nous étions encore près du port, j’ai pu apercevoir un sous-marin quis’enfonçait dans l’eau. Même si je n’avais vu que le dessus de l’appareil, je savaisqu’il s’agissait d’un sous-marin de l’Ombre d’après sa forme distincte.

Avant que je puisse dire un autre mot, il m’a prise dans ses bras et il a courujusqu’à notre sous-marin. Il a ouvert l’écoutille et il m’a poussée à l’intérieur avantde descendre à son tour et de refermer la porte derrière lui. Il s’est précipité jusqu’àla salle des commandes et il a démarré l’appareil avant même que j’aie le temps deregagner mon siège.

– Nous ne pouvons pas les perdre, a-t-il dit. Sinon nous n’aurons aucun moyende savoir où se trouve l’Ombre.

J’ai agrippé mon siège et le sous-marin a foncé droit devant. Regardant par lafenêtre, je n’ai rien vu, mais d’après la façon dont Caleb pilotait, il était évidentqu’il suivait quelqu’un.

Mais quelque chose me taraudait. L’Ombre était le dernier endroit où mesparents iraient s’ils ne m’avaient pas trouvée sur l’île de Stellan. Ils avaient trouvéBen, mais je ne pouvais pas les imaginer rentrer à la maison sans moi.

– Es-tu sûr qu’ils retournent sur l’Ombre ? ai-je demandé.– On dirait bien. Du moins, ils ne se dirigent pas vers mon île.Je me suis dit qu’ils devaient ramener des vampires blessés sur l’île avant de

revenir me chercher. Je me suis enfoncée dans mon siège et j’ai regardé Caleb,concentré sur l’océan sombre devant lui. Des heures se sont écoulées durantlesquelles sa concentration n’a pas flanché. Je me suis dit que nous nous dirigionsvers l’Ombre, car Caleb n’a rien dit qui indiquerait le contraire.

C’est enfin le moment.Je rentre chez moi.J’aurais cru être heureuse et soulagée.Mais en regardant Caleb piloter le sous-marin, étrangement, je ne sentais rien.

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Q

CH A P I T R E 3 7 : R O S E

uelques heures plus tard, le sous-marin a ralenti puis s’est immobilisé.J’ai regardé Caleb. Il s’est levé et il est sorti de la pièce. Il a grimpé l’échelle

et il a ouvert l’écoutille avant de redescendre pour me laisser sortir. Des frissonsm’ont parcouru le dos quand j’ai levé les yeux vers la sortie.

C’est l’heure de lui faire mes adieux.Ses yeux ont rencontré les miens. Il a pris ma main et il a posé un chaste baiser

dessus.– Au revoir, princesse, a-t-il dit doucement.Il allait lâcher ma main quand j’ai agrippé la sienne. J’ai secoué la tête.– Non. Pas tout de suite. Suis-moi, ai-je dit en le tirant vers l’écoutille.– Non. C’est ici que je te laisse.– Caleb, tu viens avec moi, que tu le veuilles ou pas.J’ai commencé à grimper l’échelle en le tirant de toutes mes forces. Il a soupiré

en s’accrochant à un tuyau.– Ne fais pas ça.– Ça ne sera pas long. Promis. S’il te plaît.Il a froncé les sourcils.– Pourquoi ?– Je veux que tu rencontres mes parents. Ils voudront te remercier.Il a semblé encore plus récitent à la mention de mes parents. Mais après

plusieurs minutes à le supplier, il a fini par céder à ma demande et me suivre àl’extérieur. Balayant le port des yeux, j’ai aperçu le large sous-marin amarré nonloin du nôtre. J’ai pris la main froide de Caleb et nos doigts se sont entrelacés, puisnous avons marché jusqu’à l’orée des bois. J’ai regardé son visage alors qu’ilobservait les alentours, affichant une expression mêlant crainte et fascination.

– Maman ? ai-je appelé. Papa ?S’ils avaient été de ce côté de l’île, ils m’auraient facilement entendue – un des

multiples avantages d’avoir des parents vampires.Aucune réponse.Quelques instants plus tard, mon grand-père est apparu, courant vers nous dans

le sentier.

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– Grand-papa ! ai-je crié en courant vers lui.Il a esquissé un large sourire et des larmes de soulagement ont empli ses yeux

lorsqu’il m’a prise dans ses bras.– Rose ! Oh, Rose ! Je ne me souviens plus de la dernière fois où j’ai dormi. Nous

étions tous morts d’inquiétude.Il m’a couverte de baisers et il m’a serrée avant de me reposer par terre.« Comment es-tu revenue ici ? »– Je te présente Caleb, ai-je dit en souriant et en tirant sur la manche du

vampire. Je suis ici grâce à lui. Caleb, voici mon grand-père, Aiden.Aiden s’est redressé et il a posé les yeux sur Caleb pour la première fois. Les deux

hommes se sont serré la main. Puis Aiden a tiré Caleb vers lui et il l’a serré dans sesbras.

– Je ne te connais pas, jeune homme, mais je te suis à jamais redevable d’avoirramené ma petite-fille.

Caleb a hoché la tête en souriant légèrement– Où est Ben ? ai-je demandé.Le sourire de mon grand-père s’est estompé et il a froncé les sourcils.– Nous l’avons trouvé, inconscient, dans un des sous-marins de Stellan. Il ne

s’est pas encore réveillé, mais nous pensons qu’il va s’en sortir. Corrine le soigneen ce moment au Sanctuaire.

– Et maman et papa ?– Ils sont toujours à ta recherche. Quand nous avons réalisé que tu n’étais pas

avec Stellan, ton père a forcé une de ses vampires à lui révéler l’emplacement deson île. Vivienne, Xavier et un large groupe de vampires sont en train de l’attaqueret de te chercher. J’ai dû revenir plus tôt avec Corrine et quelques autres sorcièresdans un des sous-marins pour m’occuper de ton frère.

– Et Anna ?– Elle est ici. Elle n’a pas quitté l’île. Tes parents n’ont jamais eu l’intention de

la donner à Stellan. Ils prétendaient l’avoir emmenée pour pouvoir embusquer sessous-marins… mais c’est une longue histoire. Je dois appeler ta mère, maintenant.

Il a fouillé dans sa poche et il en a sorti un portable. Il a composé le numéro demes parents.

« Sofia ? Ma chérie, elle est ici. Rose. Elle est avec moi. Ta fille est revenue surl’île. Non, je ne plaisante pas, voyons ! Pour qui me prends-tu ? Veux-tu lui parler ?Oui, bien sûr. Je te la passe. »

Il m’a tendu le téléphone.– Maman ?– Oh, mon Dieu, Rose ! s’est exclamée ma mère.Je l’ai entendue crier : « Derek ! Rose est à la maison ! On peut rentrer

maintenant ! Oui, elle est là ! » Elle s’est adressée à moi à nouveau : « Ma chérie,comment vas-tu ? Es-tu blessée ? Comment es-tu rentrée ? »

– Maman, oui, c’est moi. Je vais bien. Un beau chevalier à l’armure étincelantem’a sauvée, ai-je dit en faisant un clin d’œil à Caleb.

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Il a souri timidement et j’aurais juré voir ses joues rosir.– Nous rentrons à la maison, ma chérie. Nous serons de retour le plus vite

possible, dans quelques heures. Reste où tu es. Ne va nulle part.– Ne t’inquiète pas, maman, ai-je dit en riant légèrement. Je n’ai pas l’intention

de partir.Dès que j’ai raccroché, une voix a crié mon nom. Je me suis retournée et j’ai vu

Griffin qui accourait vers nous. Il avait le teint pâle et des cernes profonds sous lesyeux. On aurait dit qu’il n’avait pas dormi depuis des jours.

– Rose ? a-t-il dit en arrivant devant moi.Je l’ai enlacé et il a enfoui la tête dans mon cou, respirant profondément.« Tu n’as pas idée à quel point on était inquiets pour toi. »– Griff, je suis tellement désolée. Ce qu’on a fait était royalement stupide. Je—– Comment t’es-tu enfuie ? a-t-il demandé en me regardant dans les yeux.J’ai reculé et attrapé le bras de Caleb, puis je l’ai tiré vers moi.– C’est Caleb. Il m’a aidée à m’enfuir. Caleb, voici mon ami, Griffin.J’ai regardé Griffin dévisager Caleb comme s’il ne savait pas quoi faire de lui. Il

semblait à la fois surpris et méfiant.– Eh bien, merci, a-t-il fini par dire en lui tapotant l’épaule. Je ne sais pas ce que

je ferais sans elle.J’ai fixé Griffin, surprise par l’émotion dans sa voix lorsqu’il avait prononcé ces

mots. Nous étions des amis proches, mais j’imagine que je n’avais jamais réalisécombien j’étais précieuse à ses yeux. Griffin s’est tourné vers moi.

« Est-ce que ça va ? »– Oui, je ne suis pas blessée. Seulement quelques égratignures, ai-je dit en

serrant sa main, espérant le rassurer. Mais j’ai vraiment besoin de voir mon frèremaintenant.

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ose a insisté pour que je reste sur l’île jusqu’au retour de ses parents. Bien queje me sente mal à l’aise, je n’ai pas pu m’empêcher de céder à sa requête. Sansdoute parce qu’elle était têtue.

Après avoir salué son grand-père et son ami, nous sommes allés rejoindre sonfrère dans un ravissant temple en pierre blanche appelé le Sanctuaire. Nous avonslongé les couloirs jusqu’à une chambre circulaire où Ben était couché dans un lit.Quand nous sommes entrés, ses yeux étaient déjà ouverts.

– Ben ! a crié Rose.Elle a couru vers lui et elle l’a enlacé avant de poser un baiser sur son front.– Rose, a-t-il murmuré, puis il a toussé et il s’est frotté la gorge.Comparé à Rose, il semblait beaucoup plus mal en point. Ses yeux étaient cernés,

son teint jaunâtre et il était beaucoup plus maigre que la dernière fois où je l’avaisvu. Stellan avait dû lui faire subir l’enfer.

J’ai regardé la femme aux cheveux bruns qui s’occupait de lui avec plusieursautres sorcières. Son visage s’est illuminé dès qu’elle a vu Rose entrer. Elle l’aserrée fort dans ses bras.

« Comment es-tu arrivée ici ? » a demandé Ben.Rose a couru vers moi et elle m’a traîné jusqu’au lit de son frère.– Caleb, a dit la princesse en me regardant d’un air radieux. Il m’a sauvée.Ben m’a regardée et il a souri en hochant la tête.– Je me souviens de toi, a-t-il dit. Merci de l’avoir sauvée… et d’avoir essayé de

me sauver.Il a tendu la main et je l’ai serrée. J’étais mal à l’aise qu’elle vante mes exploits

comme si j’étais une sorte de héros, alors que je n’avais pas fait grand-chose. Maiselle semblait tellement heureuse que je n’ai rien osé dire.

Rose est restée au chevet de Ben un peu plus longtemps, mais il n’étaitmanifestement pas en état de parler. Les sorcières nous ont suggéré de partir pourle laisser se reposer. Nous avons quitté le Sanctuaire avec Aiden, émergeant dansune magnifique cour extérieure illuminée par le clair de lune.

– Grand-papa, a dit Rose, je vais faire visiter l’île à Caleb, d’accord ? Jeretournerai au port dans quelques heures pour voir si papa et maman sont rentrés.

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– D’accord, ma chérie.Aiden a serré sa petite-fille avant de partir de son côté. Une fois que nous étions

seuls, Rose m’a regardé. Un sourire étincelant a illuminé son visage.– Alors, a-t-elle dit en enroulant le bras autour de ma taille, que penses-tu de

l’Ombre ?– C’est plutôt impressionnant, ai-je répondu en me retournant pour admirer le

temple.– Tu n’as encore rien vu ! Je veux t’emmener aux Résidences maintenant, mais

c’est une longue promenade. Peux-tu me transporter ? Je te dirai où aller.Je me suis penché et elle a accroché ses bras à mon cou et ses jambes à ma taille.

J’ai commencé à courir dans la forêt en suivant ses indications.– D’accord, arrête-toi ici, a-t-elle dit lorsque nous sommes arrivés devant un

gigantesque séquoia.Je l’ai posée par terre et elle a pointé le ciel. De magnifiques appartements

s’étendaient à la cime des arbres. Ils étaient encore plus époustouflants que ce queles rumeurs racontaient.

Nous sommes entrés dans l’ascenseur et nous sommes montés au sommet.Nous avons traversé la véranda jusqu’à la porte de l’appartement de Rose et ellem’a conduit à l’intérieur. Nous avons passé un luxueux salon et longé plusieurspasserelles de verre jusqu’à une grande chambre ovale. Elle a poussé la porte et m’afait signe d’entrer.

« Voici ma chambre, » a-t-elle dit fièrement.J’ai regardé la pièce de l’extérieur, hésitant. L’idée d’entrer dans son espace

personnel me rendait mal à l’aise. Impatiente, elle m’a entraîné à l’intérieur entirant sur mon t-shirt. Elle s’est dirigée vers un coin de la pièce et a pointé unelarge collection de disques.

« Comme tu peux le voir, on a surtout de la musique classique, a-t-elle dit, toutsourire. Du moins, c’est mon excuse pour ne pas savoir danser sur la musique deboîte de nuit… maintenant je vais te montrer la Chambre ensoleillée. »

Nous avons longé une passerelle de verre jusqu’à une autre pièce. Elle a ouvert laporte, révélant une chambre magnifiquement illuminée par des LED, créantl’illusion de la lumière du soleil. Une fresque représentant une plage sablonneuserecouvrait les murs.

« Cette pièce a beaucoup d’histoire. Mon père l’a détruite, une fois. Il l’acomplètement déchirée de ses propres mains. Il avait vraiment du mal à contrôlersa colère. Puis ma mère a décidé de la reconstruire. »

Elle m’a ensuite emmenée à la salle de musique. L’appeler une salle était uneuphémisme. On aurait plutôt dit un petit auditorium. Des instruments à vent et àcordes étaient placés le long des murs et au centre se trouvait un grand piano àqueue. J’ai fait le tour de la pièce lentement, regardant attentivement tous lesinstruments.

Rien que le meilleur pour les Novak.Rose s’est assise au piano. Elle a commencé à jouer et j’ai marché vers elle. Mais

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quand je me suis approchée, elle s’est arrêtée. Elle m’a laissé une place sur le bancet m’a fait signe de m’asseoir à côté d’elle. J’ai obéi.

« Maintenant tu es prisonnier de mon château, a-t-elle dit en souriant.J’aimerais que tu joues pour moi, monsieur Caleb Achille. »

J’ai souri en inclinant la tête.– Très bien, Votre Altesse.J’ai étiré les doigts au-dessus des touches. Fermant les yeux, j’ai commencé à

jouer. Immédiatement, j’ai été reconnaissant qu’elle me l’ait demandé. Me perdredans la musique m’a aidé à calmer la souffrance qui me rongeait de l’intérieurdepuis qu’était venu le moment de sauver Rose.

Quand elle a posé la tête sur mon épaule, je n’ai toujours pas ouvert les yeux. Jevoulais rester perdu dans le moment, avec son corps chaud contre le mien. Je suisresté immobile en savourant le moment – souvenir qui, je l’espérais, resterait gravédans ma mémoire jusqu’à la fin des temps. Ses mains douces ont enveloppé monbras.

– J’aimerais tant que tu puisses rester, a-t-elle chuchoté, une douleur dans lavoix.

La même douleur qui me serrait la poitrine.En ouvrant les yeux, j’ai vu son charmant visage. Des larmes bordaient ses yeux

émeraude.J’ignorais quoi lui répondre.Ma gorge était sèche.Sans réfléchir, j’ai caressé ses joues chaudes et rosées du dos de la main.Puis un bruit sourd au salon a brisé le silence.J’ai vite retrouvé ma contenance et je me suis levé à temps pour voir monsieur et

madame Novak entrer dans la salle.

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CH A P I T R E 3 9 : R O S E

ose !Mes parents m’ont serrée dans leurs bras en me couvrant de baisers.

– Que s’est-il passé ? a demandé ma mère en touchant le bandage sur ma joue.– Oh, ce n’est rien. Une égratignure.Après nos étreintes, j’ai reculé et j’ai tiré Caleb vers moi.« Voici Caleb, ai-je dit. Je suis saine et sauve grâce à lui. »Mon père a regardé Caleb de la tête aux pieds, comme s’il le jaugeait. Au début,

je n’étais pas sûre qu’il l’approuve, étant donné son expression sérieuse, mais il afini par sourire en lui serrant chaleureusement la main.

– Caleb, a-t-il dit. Merci.Ma mère a enlacé le vampire.– Si nous pouvons faire quelque chose pour te remercier, a-t-elle dit en lui

agrippant les épaules et en le regardant droit dans les yeux, n’hésite pas à nous ledemander.

– Merci, mais je ne veux rien en retour, a dit Caleb en reculant.– Rose !Vivienne et Xavier ont accouru vers moi, suivis d’un groupe de vampires. Mon

oncle et ma tante m’ont serrée dans leurs bras tour à tour. Puis j’ai regardé lesautres. Tous les gens présents – y compris mes parents – étaient échevelés etcouverts de blessures récemment guéries, et leurs vêtements étaient déchirés etsanglants. En les observant, j’ai éprouvé une immense culpabilité.

Ben et moi leur avons causé tellement d’ennuis.– Toi ! a dit Zinnia en pointant un doigt accusateur vers moi. Tu as causé plus

d’emmerdes dans les dernières vingt-quatre heures que Griffin dans la dernièreannée ! a-t-elle dit avant de m’ébouriffer les cheveux. Je suis heureuse que tu soisen vie, gamine.

Quelqu’un m’a tapoté l’épaule. Je me suis retournée et j’ai vu Ashley qui mefusillait du regard.

– Alors, comment était l’Écosse ?Je n’ai pas pu m’empêcher de rire à l’expression sarcastique sur son visage.– Oui, princesse. Comment était l’Écosse ? a dit Claudia en entrant dans la pièce,

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l’air particulièrement épuisée, ses épais cheveux blonds en bataille. La prochainefois que vous déciderez de faire des bêtises, ton frère et toi, merci de nous enavertir.

– Je suis tellement désolée, les amis, ai-je marmonné.– Je l’espère bien, a dit Eli en croisant les bras et en me regardant sévèrement.

Vous êtes extrêmement chanceux d’être encore en vie. Nous pensionshonnêtement vous avoir perdus.

Mes parents se sont faufilés dans la foule jusqu’à moi. Mon père a posé la mainsur mon épaule et il m’a fixée de son regard intense qui me faisait toujours fondre.

– Vous allez êtres punis, ne t’inquiète pas, a-t-il dit. Mais pour l’instant, allonsvoir comment va ton frère.

Il s’est penché et il a posé un baiser sur ma tête. Puis il est parti et les autresl’ont suivi, nous laissant seuls, Caleb et moi, dans la salle de musique. Il s’était misà l’écart dès que la foule était entrée.

Quand j’ai vu son regard sombre, j’ai tout de suite su ce qu’il allait dire.

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CH A P I T R E 4 0 : R O S E

e dois partir, maintenant.J’ai réalisé que l’inviter sur l’île n’était rien d’autre qu’une excuse pour

remettre ce moment à plus tard.J’ai dégluti et hoché la tête. J’ai passé le bras autour du sien et nous sommes

sortis de la salle. Nous avons longé les couloirs jusqu’à la sortie. Nous sommes tousdeux restés silencieux en prenant l’ascenseur puis en traversant la forêt jusqu’auport.

Dans l’histoire de l’Ombre, le port avait toujours été l’endroit des adieux. Mais jen’avais jamais autant détesté l’endroit qu’à ce moment-là.

J’ai marché avec lui jusqu’au bord de la jetée. Nous nous sommes regardés unedernière fois, respirant tous les deux difficilement.

« Je préférerais écourter ce moment, » a-t-il dit d’une voix rauque en retirantson bras.

J’ai acquiescé en me mordant la lèvre pour l’empêcher de trembler.« Adieu, » a-t-il dit.– Adieu.Il s’est retourné et il allait grimper sur l’échelle lorsque j’ai balbutié son nom. Il

s’est retourné, les sourcils froncés.– Quoi ?– Si un jour tu trouves le moyen de fuir ton île… S’il te plaît, reviens ici.Il s’est figé en entendant ces mots, ses yeux bruns rivés sur moi. Puis quelque

chose a étincelé dans son regard d’une façon plus intense que jamais. La passion. Ledésir. Le feu. Avant que je réalise ce qui se passait, il a enroulé un bras autour de mataille et il m’a serrée contre lui. Agrippant mon menton de l’autre main, il m’aembrassée passionnément.

La puissance de son geste m’a empêchée de lui rendre son baiser. J’ai fermé lesyeux et j’ai passé les doigts dans ses cheveux, serrant sa tête, humant son odeur.J’ai savouré chaque seconde de notre baiser. Puis, il a reculé d’un coup, haletant.

– Je ne suis pas fait pour vivre ici, Rose.Il a grimpé l’échelle du sous-marin et en quelques secondes, il a disparu à

l’intérieur.

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Quand l’écoutille s’est refermée, je n’ai pas pu retenir mes larmes. La douleurdans ma poitrine m’a consumée.

Maudit port cruel et sa tradition de premier-et-dernier baisers.Quand le sous-marin a disparu sous les vagues, j’ai senti une partie de moi

sombrer en même temps.

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CH A P I T R E 4 1 : A I D E N

a vie et celle de la plupart des vampires sur l’île avaient été profondémentébranlées par la disparition des jumeaux. Morts d’inquiétude, nous avions essayé deles retrouver en travaillant jour et nuit. Bien que Ben semble perturbé par ce qu’ilavait vécu sur l’île de Stellan – beaucoup plus que Rose –, les jumeaux étaient deretour.

Tout peut enfin rentrer dans l’ordre.J’ai décidé d’aller trouver Adelle. Elle se faisait un sang d’encre pour eux, comme

tout le monde, mais elle ne nous avait pas accompagnés dans nos excursions, car entant qu’enseignante, elle avait dû continuer à s’occuper des enfants de l’île – toutcomme Abby et d’autres sorcières.

Je me disais qu’à cette heure, elle devait encore être dans sa classe d’école. J’aifilé dans les couloirs jusqu’à sa porte et j’ai frappé quelques coups, soulagé de voirque j’avais deviné juste. Elle s’est levée en écarquillant les yeux.

– Que se passe-t-il ? a-t-elle demandé en me faisant signe d’entrer.– Ils sont de retour, ai-je dit, haletant. Les jumeaux sont en sécurité.– Oh, Dieu merci ! s’est-elle exclamée. J’avais l’impression que l’île entière

retenait son souffle en attendant leur retour.– Ben semble très traumatisé de son expérience, ai-je continué. Mais il refuse

d’en parler. Au moins, physiquement, il s’en remet grâce à Corrine.– Et Rose ?– Elle va bien. Quelques égratignures, mais rien de grave.– Je suis tellement soulagée, a dit Adelle en s’appuyant sur son bureau et en

dégageant une mèche de cheveux de son visage.Imitant son geste, je me suis appuyé contre le tableau noir derrière moi.– Tout peut enfin rentrer dans l’ordre, ai-je dit.– Tu sembles épuisé, a-t-elle remarqué en m’observant.J’ai hoché la tête.– Je pense que je vais aller me reposer. Je voulais seulement t’annoncer la

nouvelle.– Merci. C’est très gentil.– Et euh… Je voulais te dire autre chose.

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Je me suis redressé, fourrant les mains dans mes poches en m’approchantlentement d’elle.

– Quoi donc ? a-t-elle demandé en levant les sourcils.– Adelle, je…Au même moment, Sofia est apparue dans la pièce, paniquée, le front perlé de

sueur.– Avez-vous vu Anna ? a-t-elle demandé, à bout de souffle.– Non, ai-je répondu en marchant jusqu’à ma fille et en lui agrippant les

épaules. Que se passe-t-il, ma chérie ?– Kyle dit qu’elle a disparu.Adelle et moi avons dévisagé Sofia, stupéfaits.

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CH A P I T R E 4 2 : S O F I A

e fixais Derek à l’autre bout de la table de cuisine.« Un piège, » ai-je murmuré.

– Quoi d’autre ? Dès qu’ils ont réalisé que nous n’avions pas Anna, ces vampiresont demandé à Caleb de concocter une ruse pour entrer sur cette île et nous la voler.

Ses mots m’ont étourdie. On avait fouillé l’île de fond en comble ; Anna avait belet bien disparu. Kyle était bouleversé, mais il essayait de garder son sang-froid pourAriana et Jason.

– Je n’arrive pas à croire que nous ayons été assez stupides pour faire confiance àce vampire ! a fulminé Derek.

– Derek ! ai-je dit en pleurant. Anna est enceinte. Elle est enceinte de huit mois,bon Dieu !

J’ai ramassé un vase sur la table et je l’ai lancé au sol de toutes mes forces, lefracassant en mille morceaux. Puis je suis tombée à genoux. Je n’avais jamais été dugenre à exprimer mes émotions avec violence, mais il s’agissait d’Anna.

Quiconque est responsable de sa disparition – que ce soit Caleb ou quelqu’und’autre – vient d’éveiller un côté sombre en moi.

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CH A P I T R E 4 3 : C A L E B

’ai juré dès que l’écoutille s’est refermée derrière moi.Le goût de Rose était toujours présent sur ma langue, son odeur hantait

encore mes sens.À quoi diable ai-je pensé ?J’ai filé jusqu’à la salle des contrôles et j’ai démarré le sous-marin le plus vite

possible.Loin d’elle.J’ai accéléré.– Bonjour, Caleb.J’ai pivoté et j’ai aperçu Stellan qui se tenait à quelques centimètres de moi, une

seringue à la main. Il l’a plantée dans mon cou avant que je puisse réagir.« Ne pas me surveiller pendant des heures, me permettant ainsi de me remettre

de notre bataille, aurait été excusable, mais me tenir prisonnier dans mon propresous-marin ? Comme tu es idiot ! a-t-il sifflé à mon oreille lorsque je suis tombépar terre. J’ai toujours les clés sur moi. »

Il a sorti un trousseau de clés d’une poche secrète de son manteau et il l’a remuédevant moi. Puis il m’a violemment agrippé et il a traîné mon corps mou jusqu’ausous-sol.

Il s’est arrêté devant une pièce d’entreposage. Avant d’ouvrir la porte, il s’estpenché vers moi. Les yeux scintillants, il a sorti une autre seringue de sa poche qu’ila plantée dans mon cou. Ma vision s’est embrouillée.

« Hmm, a-t-il murmuré assez fort pour que je l’entende. Cette dose devrait tefaire dormir pendant un peu plus d’une semaine. Je n’ai plus qu’à décider où telaisser pendant ce temps… »

Il a ouvert la porte. J’ai aperçu une jeune femme enceinte dans un coin avantqu’il me lance contre le sol dur et qu’il verrouille la porte, plongeant la pièce dansl’obscurité.

Prêts pour la suite de l’histoire de Derek, Sofia et des jumeaux ?

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