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UNE VILLE DE POLAR
Jai toujours pens que Tanger tait une ville de polar. Cest
indissociable dans rapport la ville. Cela tient la tradition
littraire, lunit visuelle, au rapport la violence Cest une ville
avec un imaginaire de la mafia, avec des hros magnifis, une ville o
il y a un rapport au temps trs particulier qui fait que lon est
dans une tension permanente. Une ville interlope, faite de zones
gristres Il y a quelque chose dexcessif, de profondment romantique
dans cette ville. Et puis il y avait cette ide quil tait trs
difficile dentrer dans la Zone Franche, que ctait comme un
check-point, une citadelle barricade. Jy voyais un motif de polar
trs fort. Le polar mamuse. Il permet de vider un peu les choses de
leur substance dramatique, dtre dans le ludique.
CASTING
Jai vu 320 filles Tanger. On a fait distribuer des flyers sur
les plages, dans les cafs, les stands commerciaux, on a pass des
annonces la radio, cr une page Facebook, fait circuler
des choses sur le web Tout le Maroc a dfil, toutes les classes
sociales. Les filles venaient avec les parents, ce qui aurait t
totalement inconcevable il y a vingt ans. Linterdit est tomb : la
star acadmie est passe par l. Aucune des actrices na t choisie
juste pour elle. Cest le quatuor qui comptait. Celles que lon a
gardes avaient en commun une manire assez intuitive de travailler,
sans tre dans la caricature de leur propre image.
PRPARATION
On a fait des essais, une trs longue prparation Tanger. Je leur
ai montr des films, pour quelles comprennent ce que jaime. Wanda de
Barbara Loden, en premier lieu, pour sa libert cinmatographique, sa
mise en scne, pour ce personnage subversif souhait. Cest virtuose
mais il y a ce ct spartiate et trs inventif que jaime normment, qui
passe par linscription dans un espace et dans un moment. Je sais
que les gens ne me suivent pas sur cette ide, mais moi Wanda je la
trouve trs drle. Le jeu devait tre prcis, comme un mtronome, pour
entrer dans le rythme effrn du film, o tout est chorgraphi. Pour
coller aux va-et-vient incessant qui est lessence mme du film, on a
beaucoup travaill la retenue, le placement de voix, la scansion,
les dplacements, la tension physique
On leur a appris tre actrices dans la ville, compter leurs pas
sans que personne ne le remarque. A prendre la lumire, placer
parfaitement leur texte en fonction des ambiances, du bruit
FILMER DANS LA VILLE, AVEC LA VILLE
Depuis que Matt Damon est venu Tanger pour La Mmoire dans la
peau, on ne peut plus tourner librement dans la ville. On navait
pas les moyens financiers et, de toute faon, ce qui mamusait ctait
de balancer mes actrices dans le march. Au dbut, les gens du souk
se sont nervs. Je leur ai dit que jtais tangroise, et quils
nallaient pas tout de mme pas empcher une fille de chez eux de
tourner dans les rues de Tanger. Ils ont rigol, et lide quune
tangroise les filme dans cet endroit leur a plu. Jai donn cinq
minutes au vendeur de tlphone pour apprendre son texte, et on a
fait la scne avec lui. Les films new-yorkais du dbut des annes 1970
sont faits comme a, le no-ralisme aussi. Javais cette mme ide
dessayer de pomper lnergie de la ville en y balanant mes
actrices.
AVANT LES RVOLUTIONS
Les rvolutions arabes ne se sont pas faites en un printemps.
Cette gnration-l, cest ma gnration. Il y a une communaut de
comportements, un refus de lalination de lindividu telle quon la
subit depuis quarante ans. Lcume la plus visible, et certainement
la moins glamour, cest limmigration clandestine. Ce nest rien
dautre que laffirmation de lindividu qui dit : maintenant ce nest
plus possible parce que je naccepte pas ces conditions-l;
je ne peux pas me raliser dans cet espace-l. En Tunisie, en
Egypte, les entrepreneurs, les avocats, ntaient pas les plus
visibles, mais ont jou un rle fondamental. Aussi paradoxal que a
puisse paratre, je pense que cest le mme mouvement. Ce sont des
gens qui ont juste envie de faire du business et qui disent quils
ne peuvent plus continuer travailler dans ces systmes vreux. De la
mme manire, notre gnration ne peut plus accepter cette projection
tellement manichenne dun Orient qui serait enferm dans la dictature
comme si un lan naturel les conduisait vers le despotisme. Kefaya
!, Ca suffit !, cest la phrase quon entend le plus dans le monde
arabe.
SUR LA PLANCHEUN FILM DE LEILA KILANI
SOUFIA ISSAMIMOUNA BAHMAD
NOUZHA AKELSARA BETIOUI
AURORA FILMS & SOCCO CHICO FILMS
DISTRIBUTION Daniel Chabannes Programmation : Jane Roger 55 rue
de la Mare 75020 PARIS info@epicentrefilms.comEPICENTRE FILMS Mob :
+33 (0)6 60 47 56 86 Mob : +33 (0)6 87 31 12 05 Tl. +33 (0)1 43 49
03 03PRESSE Chlo Lorenzi Audrey Grimaud 177, rue du temple 75003
Paris info@makna-presse.comMAKNA PRESSE Mob : +33 (0)6 08 16 60 26
Mob : +33 (0) 06 71 74 98 30 Tl. +33 (0)1 42 77 00 16WORLD SALES
Esther Yeung www.fortissimofilms.com Van Diemenstraat 100
esther@fortissimo-hk.comFORTISSIMO Tel : +31 20 627 3215 1013 CN
Amsterdam Fax: +31 20 626 1155 The Netherlands
FICHE ARTISTIQUE
Ralisation et Scnario : Lela Kilani
Badia : Soufia IssamiImane : Mouna BahmadNawal : Nouzha AkelAsma
: Sara Betioui
Image : Eric DevinMontage : Tina BazSon : Philippe Lecoeur &
Laurent Malan Mixage : Myriam RenMusique : Wilkimix
FICHE TECHNIQUE
France/Maroc/Allemagne -2011 106 mn 35 mm et DCP -Dolby SRD
-1.85visa n 120 874
Producteurs dlgus : Aurora Films - Charlotte VincentSocco Chico
Films - Lela Kilani
Coproducteurs : DKB Productions - Emmanuel BarraultIna - Grald
Collas Vandertastic - Hanneke Van der Tas
Distributeur : Epicentre Films
Vendeur international : Fortissimo
Photos et dossier de presse tlchargeables sur :
WWW.EPICENTREFILMS.COM
LEILA KILANI Ne Casablanca en 1970, Lela Kilani a toujours rv
dtre clown. Elle vit aujourdhui entre Paris et Tanger et soriente
vers le documentaire en 2000 avec des films trs remarqus (Tanger le
rve des Brleurs, Nos lieux interdits) avant de raliser SUR LA
PLANCHE, son premier long mtrage de fiction.
-
QUARANTE ANS DURANT, Quarante ans durant, sa lgende de haut lieu
select navait fait de Tanger quune mtropole rgionale atrophie en
totale rcession conomique. Et puis la ville a explos. Tanger la mal
aime du pouvoir royal, la dlaisse, prenait sa revanche : la ville
transit est elle-mme en transition, charnire de deux mondes. La
ville se mtamorphose autour du nouveau port et de la Zone Franche.
Pour le Maroc, cest le chantier du sicle, lun des douze travaux
dHercule. Cest lEurope en territoire marocain, en terre africaine.
Un miroir aux alouettes dont lobjectif dclar est de crer 250 000
emplois dici 2015 et de faire de la rgion la base arrire
industrielle de lEurope.
AU DPART
A lhiver 2001, je tournais mon premier documentaire. Je filmais
les brleurs, les immigrs clandestins qui tentent de traverser la
Mditerrane. Je les suivais sur le port, la nuit. A laube, au moment
o ils rentraient dormir, on dcouvrait ces armes douvrires, ces
colonnes compactes de femmes qui engorgent la ville dans un va et
vient quotidien.
Ce sont les hordes du Maroc de lIntrieur, celles qui ont pos
leur balluchon dans les collines des faubourgs, dont lnergie, le
mouvement, lapparence offraient un contraste saisissant avec
lonirisme de lattente des brleurs. Ds laube, elles se mettent en
marche et traversent pieds ce genre de paysage commun toutes les
priphries des villes marocaines : des immeubles aux murs de bton
nu, aux rideaux de fer baisss, aux baraques inacheves qui gangrnent
le flanc pel des collines. Paysage de trous - boueux lhiver et
poussireux lt -, o le vent ne tombe jamais, do on ne voit jamais la
mer. Do on oublie que le port donne sur une mer et un ocan la fois
et quon est bien Tanger. Ce motif extrmement physique tait trs
emblmatique de la trans-formation de la ville. Jai commenc discuter
avec ces filles. Leur obsession, cest le travail stable sous
contrat, lusine. Le statut conserver cote que cote. Langoisse : se
mettre ltal pour louer sa force de travail la journe, tre parmi les
autres attendre quun employeur vous dsigne pour une tche.Elles
parlent de la Zone Franche comme de lEurope, reprenant leur compte
un peu du discours officiel. En cela aussi elles sopposent aux
hommes, elles ne veulent pas brler. Elles ny croient pas. Pour
elles, la Zone
Franche cest propre, moderne, tout en verre. Une vraie
technopole, quelles dcrivent de manire trs visuelle. Quand je suis
rentre pour la premire fois jai eu le mme regard quelles.
DES CREVETTES ET DES TEXTILES
Les ouvrires sont rparties en deux castes : les textiles et les
crevettes. Les textiles sont plus faciles aborder. Crevette leurs
yeux, cest pire que le purgatoire. Ce nest pas une question
dargent. Une crevette peut gagner plus quune textile.
Cest une affaire de statut. Les filles crevettes sont payes la
tche. Elles font toujours partie du temps archaque, du temps de la
non-matrise. Laccession la matrise de soi, la matrise de son temps,
cest dtre pay lheure.
Mais la grande affaire cest lodeur. La description quelles font
de lodeur des filles crevettes est incroyable. Quand elles passent
sur le port, leur odeur recouvre celle des camions !. Ce qui est
absolument faux. Mais cest vrai que lodeur est insupportable et
terriblement persistante. Elles disent que quand tu arrtes tu mets
six mois te dbarrasser de lodeur. Elles nont pas de douche chez
elles. Elles vivent dans de tout
petits endroits, o il ny a souvent pas de fentre. Cest souvent
trs joli, trs soign. Et totalement baign dans cette odeur. La fille
crevette est punk. On finit crevette quand on sest fait jeter de
partout. Mais lusine de crevettes, cest aussi la premire porte qui
souvre quand on arrive Tanger. Il ne faut jamais rester plus de
trois mois sinon tes foutue. A
TANGER AUJOURDHUI, quatre jeunes femmes de vingt ans travaillent
pour survivre le jour et vivent la nuit. Elles sont ouvrires
rparties en deux
castes : les textiles et les crevettes. Leur obsession :
bouger.
On est l disent-elles. De laube la nuit la cadence est
effrne, elles traversent la ville. Temps, espace et sommeil
sont
rares. Petites bricoleuses de lurgence qui travaillent les
hommes
et les maisons vides. Ainsi va la course folle de Badia,
Imane,
Asma et Nawal...
partir du moment o tu ten sors, que tu apprends vraiment
plucher, que tu commences faire beaucoup de kilos, tes foutue
disent-elles.On peut appliquer a tout en fait : quand tu fais 100
dirhams par jour, autant dire une fortune, tes foutue. Cest de la
subversion totale. Le revenu, cest ce qui va te tuer.
DES FILLES JEUNES
Ces filles pour moi sont un emblme de la transformation du
Maroc, mais aussi dune transformation plus vaste, qui a lieu
partout. Ce sont des filles jeunes, qui arrivent, qui changent la
ville. Elles sont dans un rapport lespace, un rapport elles-mmes,
un rapport au temps, compltement diffrent. La manire quelles ont
daffirmer leur identit individuelle est totalement nouvelle, pas du
tout idologique. Ce flot dhumains qui vient buter sur cette ville
Tanger cest un peu la Californie dans les annes 1930 ou 1940, avec
en toile de fond la rcession qui frappe toute lAfrique.
ET INSOUMISES
Elles arrivent sans leur famille avec un lan et une vitalit
incroyables. Elles sont dans un bricolage trs intuitif et trs
intelligent de leur survie, dans une libert de fait, pas du tout
revendique. Aux yeux des autres, leurs actes peuvent apparatre
contradictoires mais pour elles tout se tient : la survie doit se
faire dans la jouissance. Elles semparent despaces trs neufs. Elles
ne sinterdisent pas de lieux en cdant des priori. Certaines
sont
serveuses, une profession qui tait encore il y a peu de temps
exclusivement masculine. Leurs relations avec les hommes dailleurs,
elles nappellent pas cela prostitution. Pour elles, cest le tdebar:
la dbrouille. On les dit : tdebarrins. Cet tre tonnant cr par
soixante-dix ans dhistoire marocaine qui bricole sa survie au jour
le jour en funambule, pour continuer tre cet Homo tdebaratus
incassable et combatif, prsent au monde. On est l ! disent-ils. Le
quatuor du film, Badia, Asma, Nawal, Imane sont des tdebarrates.
Des petites bricoleuses de lurgence moins hors-la-loi que simples
ouvrires mais pas plus. Travailler voulant dire : course la survie
au jour le jour, la transformation des matires, des occasions,
des
opportunits en monnaie dchange, payer de sa personne, de son
temps et se rembourser sur les autres.
Elles passent dun lieu un autre, changent de vtements, ne
renoncent rien. Ces filles-l battent en brche toutes ces
reprsentations orientalistes de la femme arabe qui sont tellement
prgnantes : la femme orientale, au mieux dgoulinante de sensualit
parce quil faut quelle fasse la danse du ventre, au pire
soumise.
LA LANGUE
Elles parlent un marocain trs singulier, la langue de rue du
Maroc daujourdhui. Cest un marocain hachur : la grammaire est
marocaine, mais elle est concasse, nourrie de termes de toutes les
langues qui composent le pays, et de langues inventes, de berbre,
de franais, danglais, despagnol... Cest une langue en perptuelle
rinvention, qui repose sur une posie et une capacit de mtaphoriser
le monde. Plus quun langage, cest un mode de vie, une attitude
laquelle on reconnat les urbains, les affranchis. Un peu comme le
verlan en France, qui peut tre trs crypt quand il est parl au coeur
des cits et moins lorsquil migre dans les autres quartiers. Ceux-ci
dploient donc un vritable art de la Tchatche Jai travaill avec
Soufia en lui faisant couter du rap, la scansion coranique, la
rythmique des conteurs traditionnels, des cadences doralit
marocaine trs anciennes Pour faire rsonner la langue du film un
flux de slam, musical, dans une sorte dhybridations et de mlanges
de rfrences.
UN FAIT DIVERS
Jai crit le film partir dun fait divers. En 2005, je mamusais
lire la presse scandale marocaine. On parlait dun nouveau trend :
la fminisation de la criminalit. Une bande de quatre filles, un peu
ouvrires, mais ce ntait pas tout fait clair, repraient des mecs
dans les cafs et les dvalisaient. Il y avait eu un meurtre. A
partir de cette matire, jai crit un projet, et puis jai propos
Hafed Benotman, un crivain de roman noir qui a aussi son actif
davoir braqu quelques banques, dcrire avec moi. Le film noir ntait
pas un choix de ma part mais une vidence.
PROPOS DE LA RALISATRICE
JE NE VOLE PAS : JE ME REMBOURSEJE NE CAMBRIOLE PAS : JE
RCUPREJE NE TRAFIQUE PAS : JE COMMERCE
JE NE ME PROSTITUE PAS : JE MINVITEJE NE MENS PAS :
JE SUIS DJ CE QUE JE SERAIJE SUIS JUSTE EN AVANCE SUR LA VRIT
:
LA MIENNE
BADIA, LHERONE DU FILM
-
QUARANTE ANS DURANT, Quarante ans durant, sa lgende de haut lieu
select navait fait de Tanger quune mtropole rgionale atrophie en
totale rcession conomique. Et puis la ville a explos. Tanger la mal
aime du pouvoir royal, la dlaisse, prenait sa revanche : la ville
transit est elle-mme en transition, charnire de deux mondes. La
ville se mtamorphose autour du nouveau port et de la Zone Franche.
Pour le Maroc, cest le chantier du sicle, lun des douze travaux
dHercule. Cest lEurope en territoire marocain, en terre africaine.
Un miroir aux alouettes dont lobjectif dclar est de crer 250 000
emplois dici 2015 et de faire de la rgion la base arrire
industrielle de lEurope.
AU DPART
A lhiver 2001, je tournais mon premier documentaire. Je filmais
les brleurs, les immigrs clandestins qui tentent de traverser la
Mditerrane. Je les suivais sur le port, la nuit. A laube, au moment
o ils rentraient dormir, on dcouvrait ces armes douvrires, ces
colonnes compactes de femmes qui engorgent la ville dans un va et
vient quotidien.
Ce sont les hordes du Maroc de lIntrieur, celles qui ont pos
leur balluchon dans les collines des faubourgs, dont lnergie, le
mouvement, lapparence offraient un contraste saisissant avec
lonirisme de lattente des brleurs. Ds laube, elles se mettent en
marche et traversent pieds ce genre de paysage commun toutes les
priphries des villes marocaines : des immeubles aux murs de bton
nu, aux rideaux de fer baisss, aux baraques inacheves qui gangrnent
le flanc pel des collines. Paysage de trous - boueux lhiver et
poussireux lt -, o le vent ne tombe jamais, do on ne voit jamais la
mer. Do on oublie que le port donne sur une mer et un ocan la fois
et quon est bien Tanger. Ce motif extrmement physique tait trs
emblmatique de la trans-formation de la ville. Jai commenc discuter
avec ces filles. Leur obsession, cest le travail stable sous
contrat, lusine. Le statut conserver cote que cote. Langoisse : se
mettre ltal pour louer sa force de travail la journe, tre parmi les
autres attendre quun employeur vous dsigne pour une tche.Elles
parlent de la Zone Franche comme de lEurope, reprenant leur compte
un peu du discours officiel. En cela aussi elles sopposent aux
hommes, elles ne veulent pas brler. Elles ny croient pas. Pour
elles, la Zone
Franche cest propre, moderne, tout en verre. Une vraie
technopole, quelles dcrivent de manire trs visuelle. Quand je suis
rentre pour la premire fois jai eu le mme regard quelles.
DES CREVETTES ET DES TEXTILES
Les ouvrires sont rparties en deux castes : les textiles et les
crevettes. Les textiles sont plus faciles aborder. Crevette leurs
yeux, cest pire que le purgatoire. Ce nest pas une question
dargent. Une crevette peut gagner plus quune textile.
Cest une affaire de statut. Les filles crevettes sont payes la
tche. Elles font toujours partie du temps archaque, du temps de la
non-matrise. Laccession la matrise de soi, la matrise de son temps,
cest dtre pay lheure.
Mais la grande affaire cest lodeur. La description quelles font
de lodeur des filles crevettes est incroyable. Quand elles passent
sur le port, leur odeur recouvre celle des camions !. Ce qui est
absolument faux. Mais cest vrai que lodeur est insupportable et
terriblement persistante. Elles disent que quand tu arrtes tu mets
six mois te dbarrasser de lodeur. Elles nont pas de douche chez
elles. Elles vivent dans de tout
petits endroits, o il ny a souvent pas de fentre. Cest souvent
trs joli, trs soign. Et totalement baign dans cette odeur. La fille
crevette est punk. On finit crevette quand on sest fait jeter de
partout. Mais lusine de crevettes, cest aussi la premire porte qui
souvre quand on arrive Tanger. Il ne faut jamais rester plus de
trois mois sinon tes foutue. A
TANGER AUJOURDHUI, quatre jeunes femmes de vingt ans travaillent
pour survivre le jour et vivent la nuit. Elles sont ouvrires
rparties en deux
castes : les textiles et les crevettes. Leur obsession :
bouger.
On est l disent-elles. De laube la nuit la cadence est
effrne, elles traversent la ville. Temps, espace et sommeil
sont
rares. Petites bricoleuses de lurgence qui travaillent les
hommes
et les maisons vides. Ainsi va la course folle de Badia,
Imane,
Asma et Nawal...
partir du moment o tu ten sors, que tu apprends vraiment
plucher, que tu commences faire beaucoup de kilos, tes foutue
disent-elles.On peut appliquer a tout en fait : quand tu fais 100
dirhams par jour, autant dire une fortune, tes foutue. Cest de la
subversion totale. Le revenu, cest ce qui va te tuer.
DES FILLES JEUNES
Ces filles pour moi sont un emblme de la transformation du
Maroc, mais aussi dune transformation plus vaste, qui a lieu
partout. Ce sont des filles jeunes, qui arrivent, qui changent la
ville. Elles sont dans un rapport lespace, un rapport elles-mmes,
un rapport au temps, compltement diffrent. La manire quelles ont
daffirmer leur identit individuelle est totalement nouvelle, pas du
tout idologique. Ce flot dhumains qui vient buter sur cette ville
Tanger cest un peu la Californie dans les annes 1930 ou 1940, avec
en toile de fond la rcession qui frappe toute lAfrique.
ET INSOUMISES
Elles arrivent sans leur famille avec un lan et une vitalit
incroyables. Elles sont dans un bricolage trs intuitif et trs
intelligent de leur survie, dans une libert de fait, pas du tout
revendique. Aux yeux des autres, leurs actes peuvent apparatre
contradictoires mais pour elles tout se tient : la survie doit se
faire dans la jouissance. Elles semparent despaces trs neufs. Elles
ne sinterdisent pas de lieux en cdant des priori. Certaines
sont
serveuses, une profession qui tait encore il y a peu de temps
exclusivement masculine. Leurs relations avec les hommes dailleurs,
elles nappellent pas cela prostitution. Pour elles, cest le tdebar:
la dbrouille. On les dit : tdebarrins. Cet tre tonnant cr par
soixante-dix ans dhistoire marocaine qui bricole sa survie au jour
le jour en funambule, pour continuer tre cet Homo tdebaratus
incassable et combatif, prsent au monde. On est l ! disent-ils. Le
quatuor du film, Badia, Asma, Nawal, Imane sont des tdebarrates.
Des petites bricoleuses de lurgence moins hors-la-loi que simples
ouvrires mais pas plus. Travailler voulant dire : course la survie
au jour le jour, la transformation des matires, des occasions,
des
opportunits en monnaie dchange, payer de sa personne, de son
temps et se rembourser sur les autres.
Elles passent dun lieu un autre, changent de vtements, ne
renoncent rien. Ces filles-l battent en brche toutes ces
reprsentations orientalistes de la femme arabe qui sont tellement
prgnantes : la femme orientale, au mieux dgoulinante de sensualit
parce quil faut quelle fasse la danse du ventre, au pire
soumise.
LA LANGUE
Elles parlent un marocain trs singulier, la langue de rue du
Maroc daujourdhui. Cest un marocain hachur : la grammaire est
marocaine, mais elle est concasse, nourrie de termes de toutes les
langues qui composent le pays, et de langues inventes, de berbre,
de franais, danglais, despagnol... Cest une langue en perptuelle
rinvention, qui repose sur une posie et une capacit de mtaphoriser
le monde. Plus quun langage, cest un mode de vie, une attitude
laquelle on reconnat les urbains, les affranchis. Un peu comme le
verlan en France, qui peut tre trs crypt quand il est parl au coeur
des cits et moins lorsquil migre dans les autres quartiers. Ceux-ci
dploient donc un vritable art de la Tchatche Jai travaill avec
Soufia en lui faisant couter du rap, la scansion coranique, la
rythmique des conteurs traditionnels, des cadences doralit
marocaine trs anciennes Pour faire rsonner la langue du film un
flux de slam, musical, dans une sorte dhybridations et de mlanges
de rfrences.
UN FAIT DIVERS
Jai crit le film partir dun fait divers. En 2005, je mamusais
lire la presse scandale marocaine. On parlait dun nouveau trend :
la fminisation de la criminalit. Une bande de quatre filles, un peu
ouvrires, mais ce ntait pas tout fait clair, repraient des mecs
dans les cafs et les dvalisaient. Il y avait eu un meurtre. A
partir de cette matire, jai crit un projet, et puis jai propos
Hafed Benotman, un crivain de roman noir qui a aussi son actif
davoir braqu quelques banques, dcrire avec moi. Le film noir ntait
pas un choix de ma part mais une vidence.
PROPOS DE LA RALISATRICE
JE NE VOLE PAS : JE ME REMBOURSEJE NE CAMBRIOLE PAS : JE
RCUPREJE NE TRAFIQUE PAS : JE COMMERCE
JE NE ME PROSTITUE PAS : JE MINVITEJE NE MENS PAS :
JE SUIS DJ CE QUE JE SERAIJE SUIS JUSTE EN AVANCE SUR LA VRIT
:
LA MIENNE
BADIA, LHERONE DU FILM
-
QUARANTE ANS DURANT, Quarante ans durant, sa lgende de haut lieu
select navait fait de Tanger quune mtropole rgionale atrophie en
totale rcession conomique. Et puis la ville a explos. Tanger la mal
aime du pouvoir royal, la dlaisse, prenait sa revanche : la ville
transit est elle-mme en transition, charnire de deux mondes. La
ville se mtamorphose autour du nouveau port et de la Zone Franche.
Pour le Maroc, cest le chantier du sicle, lun des douze travaux
dHercule. Cest lEurope en territoire marocain, en terre africaine.
Un miroir aux alouettes dont lobjectif dclar est de crer 250 000
emplois dici 2015 et de faire de la rgion la base arrire
industrielle de lEurope.
AU DPART
A lhiver 2001, je tournais mon premier documentaire. Je filmais
les brleurs, les immigrs clandestins qui tentent de traverser la
Mditerrane. Je les suivais sur le port, la nuit. A laube, au moment
o ils rentraient dormir, on dcouvrait ces armes douvrires, ces
colonnes compactes de femmes qui engorgent la ville dans un va et
vient quotidien.
Ce sont les hordes du Maroc de lIntrieur, celles qui ont pos
leur balluchon dans les collines des faubourgs, dont lnergie, le
mouvement, lapparence offraient un contraste saisissant avec
lonirisme de lattente des brleurs. Ds laube, elles se mettent en
marche et traversent pieds ce genre de paysage commun toutes les
priphries des villes marocaines : des immeubles aux murs de bton
nu, aux rideaux de fer baisss, aux baraques inacheves qui gangrnent
le flanc pel des collines. Paysage de trous - boueux lhiver et
poussireux lt -, o le vent ne tombe jamais, do on ne voit jamais la
mer. Do on oublie que le port donne sur une mer et un ocan la fois
et quon est bien Tanger. Ce motif extrmement physique tait trs
emblmatique de la trans-formation de la ville. Jai commenc discuter
avec ces filles. Leur obsession, cest le travail stable sous
contrat, lusine. Le statut conserver cote que cote. Langoisse : se
mettre ltal pour louer sa force de travail la journe, tre parmi les
autres attendre quun employeur vous dsigne pour une tche.Elles
parlent de la Zone Franche comme de lEurope, reprenant leur compte
un peu du discours officiel. En cela aussi elles sopposent aux
hommes, elles ne veulent pas brler. Elles ny croient pas. Pour
elles, la Zone
Franche cest propre, moderne, tout en verre. Une vraie
technopole, quelles dcrivent de manire trs visuelle. Quand je suis
rentre pour la premire fois jai eu le mme regard quelles.
DES CREVETTES ET DES TEXTILES
Les ouvrires sont rparties en deux castes : les textiles et les
crevettes. Les textiles sont plus faciles aborder. Crevette leurs
yeux, cest pire que le purgatoire. Ce nest pas une question
dargent. Une crevette peut gagner plus quune textile.
Cest une affaire de statut. Les filles crevettes sont payes la
tche. Elles font toujours partie du temps archaque, du temps de la
non-matrise. Laccession la matrise de soi, la matrise de son temps,
cest dtre pay lheure.
Mais la grande affaire cest lodeur. La description quelles font
de lodeur des filles crevettes est incroyable. Quand elles passent
sur le port, leur odeur recouvre celle des camions !. Ce qui est
absolument faux. Mais cest vrai que lodeur est insupportable et
terriblement persistante. Elles disent que quand tu arrtes tu mets
six mois te dbarrasser de lodeur. Elles nont pas de douche chez
elles. Elles vivent dans de tout
petits endroits, o il ny a souvent pas de fentre. Cest souvent
trs joli, trs soign. Et totalement baign dans cette odeur. La fille
crevette est punk. On finit crevette quand on sest fait jeter de
partout. Mais lusine de crevettes, cest aussi la premire porte qui
souvre quand on arrive Tanger. Il ne faut jamais rester plus de
trois mois sinon tes foutue. A
TANGER AUJOURDHUI, quatre jeunes femmes de vingt ans travaillent
pour survivre le jour et vivent la nuit. Elles sont ouvrires
rparties en deux
castes : les textiles et les crevettes. Leur obsession :
bouger.
On est l disent-elles. De laube la nuit la cadence est
effrne, elles traversent la ville. Temps, espace et sommeil
sont
rares. Petites bricoleuses de lurgence qui travaillent les
hommes
et les maisons vides. Ainsi va la course folle de Badia,
Imane,
Asma et Nawal...
partir du moment o tu ten sors, que tu apprends vraiment
plucher, que tu commences faire beaucoup de kilos, tes foutue
disent-elles.On peut appliquer a tout en fait : quand tu fais 100
dirhams par jour, autant dire une fortune, tes foutue. Cest de la
subversion totale. Le revenu, cest ce qui va te tuer.
DES FILLES JEUNES
Ces filles pour moi sont un emblme de la transformation du
Maroc, mais aussi dune transformation plus vaste, qui a lieu
partout. Ce sont des filles jeunes, qui arrivent, qui changent la
ville. Elles sont dans un rapport lespace, un rapport elles-mmes,
un rapport au temps, compltement diffrent. La manire quelles ont
daffirmer leur identit individuelle est totalement nouvelle, pas du
tout idologique. Ce flot dhumains qui vient buter sur cette ville
Tanger cest un peu la Californie dans les annes 1930 ou 1940, avec
en toile de fond la rcession qui frappe toute lAfrique.
ET INSOUMISES
Elles arrivent sans leur famille avec un lan et une vitalit
incroyables. Elles sont dans un bricolage trs intuitif et trs
intelligent de leur survie, dans une libert de fait, pas du tout
revendique. Aux yeux des autres, leurs actes peuvent apparatre
contradictoires mais pour elles tout se tient : la survie doit se
faire dans la jouissance. Elles semparent despaces trs neufs. Elles
ne sinterdisent pas de lieux en cdant des priori. Certaines
sont
serveuses, une profession qui tait encore il y a peu de temps
exclusivement masculine. Leurs relations avec les hommes dailleurs,
elles nappellent pas cela prostitution. Pour elles, cest le tdebar:
la dbrouille. On les dit : tdebarrins. Cet tre tonnant cr par
soixante-dix ans dhistoire marocaine qui bricole sa survie au jour
le jour en funambule, pour continuer tre cet Homo tdebaratus
incassable et combatif, prsent au monde. On est l ! disent-ils. Le
quatuor du film, Badia, Asma, Nawal, Imane sont des tdebarrates.
Des petites bricoleuses de lurgence moins hors-la-loi que simples
ouvrires mais pas plus. Travailler voulant dire : course la survie
au jour le jour, la transformation des matires, des occasions,
des
opportunits en monnaie dchange, payer de sa personne, de son
temps et se rembourser sur les autres.
Elles passent dun lieu un autre, changent de vtements, ne
renoncent rien. Ces filles-l battent en brche toutes ces
reprsentations orientalistes de la femme arabe qui sont tellement
prgnantes : la femme orientale, au mieux dgoulinante de sensualit
parce quil faut quelle fasse la danse du ventre, au pire
soumise.
LA LANGUE
Elles parlent un marocain trs singulier, la langue de rue du
Maroc daujourdhui. Cest un marocain hachur : la grammaire est
marocaine, mais elle est concasse, nourrie de termes de toutes les
langues qui composent le pays, et de langues inventes, de berbre,
de franais, danglais, despagnol... Cest une langue en perptuelle
rinvention, qui repose sur une posie et une capacit de mtaphoriser
le monde. Plus quun langage, cest un mode de vie, une attitude
laquelle on reconnat les urbains, les affranchis. Un peu comme le
verlan en France, qui peut tre trs crypt quand il est parl au coeur
des cits et moins lorsquil migre dans les autres quartiers. Ceux-ci
dploient donc un vritable art de la Tchatche Jai travaill avec
Soufia en lui faisant couter du rap, la scansion coranique, la
rythmique des conteurs traditionnels, des cadences doralit
marocaine trs anciennes Pour faire rsonner la langue du film un
flux de slam, musical, dans une sorte dhybridations et de mlanges
de rfrences.
UN FAIT DIVERS
Jai crit le film partir dun fait divers. En 2005, je mamusais
lire la presse scandale marocaine. On parlait dun nouveau trend :
la fminisation de la criminalit. Une bande de quatre filles, un peu
ouvrires, mais ce ntait pas tout fait clair, repraient des mecs
dans les cafs et les dvalisaient. Il y avait eu un meurtre. A
partir de cette matire, jai crit un projet, et puis jai propos
Hafed Benotman, un crivain de roman noir qui a aussi son actif
davoir braqu quelques banques, dcrire avec moi. Le film noir ntait
pas un choix de ma part mais une vidence.
PROPOS DE LA RALISATRICE
JE NE VOLE PAS : JE ME REMBOURSEJE NE CAMBRIOLE PAS : JE
RCUPREJE NE TRAFIQUE PAS : JE COMMERCE
JE NE ME PROSTITUE PAS : JE MINVITEJE NE MENS PAS :
JE SUIS DJ CE QUE JE SERAIJE SUIS JUSTE EN AVANCE SUR LA VRIT
:
LA MIENNE
BADIA, LHERONE DU FILM
-
UNE VILLE DE POLAR
Jai toujours pens que Tanger tait une ville de polar. Cest
indissociable dans rapport la ville. Cela tient la tradition
littraire, lunit visuelle, au rapport la violence Cest une ville
avec un imaginaire de la mafia, avec des hros magnifis, une ville o
il y a un rapport au temps trs particulier qui fait que lon est
dans une tension permanente. Une ville interlope, faite de zones
gristres Il y a quelque chose dexcessif, de profondment romantique
dans cette ville. Et puis il y avait cette ide quil tait trs
difficile dentrer dans la Zone Franche, que ctait comme un
check-point, une citadelle barricade. Jy voyais un motif de polar
trs fort. Le polar mamuse. Il permet de vider un peu les choses de
leur substance dramatique, dtre dans le ludique.
CASTING
Jai vu 320 filles Tanger. On a fait distribuer des flyers sur
les plages, dans les cafs, les stands commerciaux, on a pass des
annonces la radio, cr une page Facebook, fait circuler
des choses sur le web Tout le Maroc a dfil, toutes les classes
sociales. Les filles venaient avec les parents, ce qui aurait t
totalement inconcevable il y a vingt ans. Linterdit est tomb : la
star acadmie est passe par l. Aucune des actrices na t choisie
juste pour elle. Cest le quatuor qui comptait. Celles que lon a
gardes avaient en commun une manire assez intuitive de travailler,
sans tre dans la caricature de leur propre image.
PRPARATION
On a fait des essais, une trs longue prparation Tanger. Je leur
ai montr des films, pour quelles comprennent ce que jaime. Wanda de
Barbara Loden, en premier lieu, pour sa libert cinmatographique, sa
mise en scne, pour ce personnage subversif souhait. Cest virtuose
mais il y a ce ct spartiate et trs inventif que jaime normment, qui
passe par linscription dans un espace et dans un moment. Je sais
que les gens ne me suivent pas sur cette ide, mais moi Wanda je la
trouve trs drle. Le jeu devait tre prcis, comme un mtronome, pour
entrer dans le rythme effrn du film, o tout est chorgraphi. Pour
coller aux va-et-vient incessant qui est lessence mme du film, on a
beaucoup travaill la retenue, le placement de voix, la scansion,
les dplacements, la tension physique
On leur a appris tre actrices dans la ville, compter leurs pas
sans que personne ne le remarque. A prendre la lumire, placer
parfaitement leur texte en fonction des ambiances, du bruit
FILMER DANS LA VILLE, AVEC LA VILLE
Depuis que Matt Damon est venu Tanger pour La Mmoire dans la
peau, on ne peut plus tourner librement dans la ville. On navait
pas les moyens financiers et, de toute faon, ce qui mamusait ctait
de balancer mes actrices dans le march. Au dbut, les gens du souk
se sont nervs. Je leur ai dit que jtais tangroise, et quils
nallaient pas tout de mme pas empcher une fille de chez eux de
tourner dans les rues de Tanger. Ils ont rigol, et lide quune
tangroise les filme dans cet endroit leur a plu. Jai donn cinq
minutes au vendeur de tlphone pour apprendre son texte, et on a
fait la scne avec lui. Les films new-yorkais du dbut des annes 1970
sont faits comme a, le no-ralisme aussi. Javais cette mme ide
dessayer de pomper lnergie de la ville en y balanant mes
actrices.
AVANT LES RVOLUTIONS
Les rvolutions arabes ne se sont pas faites en un printemps.
Cette gnration-l, cest ma gnration. Il y a une communaut de
comportements, un refus de lalination de lindividu telle quon la
subit depuis quarante ans. Lcume la plus visible, et certainement
la moins glamour, cest limmigration clandestine. Ce nest rien
dautre que laffirmation de lindividu qui dit : maintenant ce nest
plus possible parce que je naccepte pas ces conditions-l;
je ne peux pas me raliser dans cet espace-l. En Tunisie, en
Egypte, les entrepreneurs, les avocats, ntaient pas les plus
visibles, mais ont jou un rle fondamental. Aussi paradoxal que a
puisse paratre, je pense que cest le mme mouvement. Ce sont des
gens qui ont juste envie de faire du business et qui disent quils
ne peuvent plus continuer travailler dans ces systmes vreux. De la
mme manire, notre gnration ne peut plus accepter cette projection
tellement manichenne dun Orient qui serait enferm dans la dictature
comme si un lan naturel les conduisait vers le despotisme. Kefaya
!, Ca suffit !, cest la phrase quon entend le plus dans le monde
arabe.
SUR LA PLANCHEUN FILM DE LEILA KILANI
SOUFIA ISSAMIMOUNA BAHMAD
NOUZHA AKELSARA BETIOUI
AURORA FILMS & SOCCO CHICO FILMS
DISTRIBUTION Daniel Chabannes Programmation : Jane Roger 55 rue
de la Mare 75020 PARIS info@epicentrefilms.comEPICENTRE FILMS Mob :
+33 (0)6 60 47 56 86 Mob : +33 (0)6 87 31 12 05 Tl. +33 (0)1 43 49
03 03PRESSE Chlo Lorenzi Audrey Grimaud 177, rue du temple 75003
Paris info@makna-presse.comMAKNA PRESSE Mob : +33 (0)6 08 16 60 26
Mob : +33 (0) 06 71 74 98 30 Tl. +33 (0)1 42 77 00 16WORLD SALES
Esther Yeung www.fortissimofilms.com Van Diemenstraat 100
esther@fortissimo-hk.comFORTISSIMO Tel : +31 20 627 3215 1013 CN
Amsterdam Fax: +31 20 626 1155 The Netherlands
FICHE ARTISTIQUE
Ralisation et Scnario : Lela Kilani
Badia : Soufia IssamiImane : Mouna BahmadNawal : Nouzha AkelAsma
: Sara Betioui
Image : Eric DevinMontage : Tina BazSon : Philippe Lecoeur &
Laurent Malan Mixage : Myriam RenMusique : Wilkimix
FICHE TECHNIQUE
France/Maroc/Allemagne -2011 106 mn 35 mm et DCP -Dolby SRD
-1.85visa n 120 874
Producteurs dlgus : Aurora Films - Charlotte VincentSocco Chico
Films - Lela Kilani
Coproducteurs : DKB Productions - Emmanuel BarraultIna - Grald
Collas Vandertastic - Hanneke Van der Tas
Distributeur : Epicentre Films
Vendeur international : Fortissimo
Photos et dossier de presse tlchargeables sur :
WWW.EPICENTREFILMS.COM
LEILA KILANI Ne Casablanca en 1970, Lela Kilani a toujours rv
dtre clown. Elle vit aujourdhui entre Paris et Tanger et soriente
vers le documentaire en 2000 avec des films trs remarqus (Tanger le
rve des Brleurs, Nos lieux interdits) avant de raliser SUR LA
PLANCHE, son premier long mtrage de fiction.
-
UNE VILLE DE POLAR
Jai toujours pens que Tanger tait une ville de polar. Cest
indissociable dans rapport la ville. Cela tient la tradition
littraire, lunit visuelle, au rapport la violence Cest une ville
avec un imaginaire de la mafia, avec des hros magnifis, une ville o
il y a un rapport au temps trs particulier qui fait que lon est
dans une tension permanente. Une ville interlope, faite de zones
gristres Il y a quelque chose dexcessif, de profondment romantique
dans cette ville. Et puis il y avait cette ide quil tait trs
difficile dentrer dans la Zone Franche, que ctait comme un
check-point, une citadelle barricade. Jy voyais un motif de polar
trs fort. Le polar mamuse. Il permet de vider un peu les choses de
leur substance dramatique, dtre dans le ludique.
CASTING
Jai vu 320 filles Tanger. On a fait distribuer des flyers sur
les plages, dans les cafs, les stands commerciaux, on a pass des
annonces la radio, cr une page Facebook, fait circuler
des choses sur le web Tout le Maroc a dfil, toutes les classes
sociales. Les filles venaient avec les parents, ce qui aurait t
totalement inconcevable il y a vingt ans. Linterdit est tomb : la
star acadmie est passe par l. Aucune des actrices na t choisie
juste pour elle. Cest le quatuor qui comptait. Celles que lon a
gardes avaient en commun une manire assez intuitive de travailler,
sans tre dans la caricature de leur propre image.
PRPARATION
On a fait des essais, une trs longue prparation Tanger. Je leur
ai montr des films, pour quelles comprennent ce que jaime. Wanda de
Barbara Loden, en premier lieu, pour sa libert cinmatographique, sa
mise en scne, pour ce personnage subversif souhait. Cest virtuose
mais il y a ce ct spartiate et trs inventif que jaime normment, qui
passe par linscription dans un espace et dans un moment. Je sais
que les gens ne me suivent pas sur cette ide, mais moi Wanda je la
trouve trs drle. Le jeu devait tre prcis, comme un mtronome, pour
entrer dans le rythme effrn du film, o tout est chorgraphi. Pour
coller aux va-et-vient incessant qui est lessence mme du film, on a
beaucoup travaill la retenue, le placement de voix, la scansion,
les dplacements, la tension physique
On leur a appris tre actrices dans la ville, compter leurs pas
sans que personne ne le remarque. A prendre la lumire, placer
parfaitement leur texte en fonction des ambiances, du bruit
FILMER DANS LA VILLE, AVEC LA VILLE
Depuis que Matt Damon est venu Tanger pour La Mmoire dans la
peau, on ne peut plus tourner librement dans la ville. On navait
pas les moyens financiers et, de toute faon, ce qui mamusait ctait
de balancer mes actrices dans le march. Au dbut, les gens du souk
se sont nervs. Je leur ai dit que jtais tangroise, et quils
nallaient pas tout de mme pas empcher une fille de chez eux de
tourner dans les rues de Tanger. Ils ont rigol, et lide quune
tangroise les filme dans cet endroit leur a plu. Jai donn cinq
minutes au vendeur de tlphone pour apprendre son texte, et on a
fait la scne avec lui. Les films new-yorkais du dbut des annes 1970
sont faits comme a, le no-ralisme aussi. Javais cette mme ide
dessayer de pomper lnergie de la ville en y balanant mes
actrices.
AVANT LES RVOLUTIONS
Les rvolutions arabes ne se sont pas faites en un printemps.
Cette gnration-l, cest ma gnration. Il y a une communaut de
comportements, un refus de lalination de lindividu telle quon la
subit depuis quarante ans. Lcume la plus visible, et certainement
la moins glamour, cest limmigration clandestine. Ce nest rien
dautre que laffirmation de lindividu qui dit : maintenant ce nest
plus possible parce que je naccepte pas ces conditions-l;
je ne peux pas me raliser dans cet espace-l. En Tunisie, en
Egypte, les entrepreneurs, les avocats, ntaient pas les plus
visibles, mais ont jou un rle fondamental. Aussi paradoxal que a
puisse paratre, je pense que cest le mme mouvement. Ce sont des
gens qui ont juste envie de faire du business et qui disent quils
ne peuvent plus continuer travailler dans ces systmes vreux. De la
mme manire, notre gnration ne peut plus accepter cette projection
tellement manichenne dun Orient qui serait enferm dans la dictature
comme si un lan naturel les conduisait vers le despotisme. Kefaya
!, Ca suffit !, cest la phrase quon entend le plus dans le monde
arabe.
SUR LA PLANCHEUN FILM DE LEILA KILANI
SOUFIA ISSAMIMOUNA BAHMAD
NOUZHA AKELSARA BETIOUI
AURORA FILMS & SOCCO CHICO FILMS
DISTRIBUTION Daniel Chabannes Programmation : Jane Roger 55 rue
de la Mare 75020 PARIS info@epicentrefilms.comEPICENTRE FILMS Mob :
+33 (0)6 60 47 56 86 Mob : +33 (0)6 87 31 12 05 Tl. +33 (0)1 43 49
03 03PRESSE Chlo Lorenzi Audrey Grimaud 177, rue du temple 75003
Paris info@makna-presse.comMAKNA PRESSE Mob : +33 (0)6 08 16 60 26
Mob : +33 (0) 06 71 74 98 30 Tl. +33 (0)1 42 77 00 16WORLD SALES
Esther Yeung www.fortissimofilms.com Van Diemenstraat 100
esther@fortissimo-hk.comFORTISSIMO Tel : +31 20 627 3215 1013 CN
Amsterdam Fax: +31 20 626 1155 The Netherlands
FICHE ARTISTIQUE
Ralisation et Scnario : Lela Kilani
Badia : Soufia IssamiImane : Mouna BahmadNawal : Nouzha AkelAsma
: Sara Betioui
Image : Eric DevinMontage : Tina BazSon : Philippe Lecoeur &
Laurent Malan Mixage : Myriam RenMusique : Wilkimix
FICHE TECHNIQUE
France/Maroc/Allemagne -2011 106 mn 35 mm et DCP -Dolby SRD
-1.85visa n 120 874
Producteurs dlgus : Aurora Films - Charlotte VincentSocco Chico
Films - Lela Kilani
Coproducteurs : DKB Productions - Emmanuel BarraultIna - Grald
Collas Vandertastic - Hanneke Van der Tas
Distributeur : Epicentre Films
Vendeur international : Fortissimo
Photos et dossier de presse tlchargeables sur :
WWW.EPICENTREFILMS.COM
LEILA KILANI Ne Casablanca en 1970, Lela Kilani a toujours rv
dtre clown. Elle vit aujourdhui entre Paris et Tanger et soriente
vers le documentaire en 2000 avec des films trs remarqus (Tanger le
rve des Brleurs, Nos lieux interdits) avant de raliser SUR LA
PLANCHE, son premier long mtrage de fiction.
-
1.02.2012 les inrockuptibles
Sur la planche de Lela Kilaniavec Soufia Issami, Mouna Bahmad,
Nouzha AkelLe quotidien de quelques jeunes filles Tanger. Tonique
et secouant.
retrouvez toute lactu cinma sur
Pas franchement surf, Sur la planche (expression qui signifie
sur la corde raide ou au bord de labme) nous embarque direct et
sans prliminaires dans le quotidien de jeunes filles en situation
de survie Tanger. Badia et ses copines, la vingtaine, travaillent
plus pour gagner moins dans les usines de fringues et de produits
marins dune zone portuaire en pleine expansion. Les fruits de la
croissance ntant pas redistribus ces ouvrires, elles pratiquent la
dbrouille pour mettre du beurre dans leur maigre semoule:
prostitution, arnaques, petits larcins On ne trouvera pas le
moindre gramme de misrabilisme dans lattitude de ces bad girls, ni
dans le regard que porte sur elles Lela Kilani. Comme dit Badia: Je
ne vole pas, je me rembourse.
Souvent porte lpaule, la camra de Kilani colle aux basques de
ces petites bombes dnergie. Ce style physique pourrait faire penser
aux Dardenne ou Kechiche, en plus brut de dcoffrage. Cela dit, le
point fort du film nest pas tant son filmage que ce quil saisit:
des jeunes femmes qui pulvrisent toutes les ides reues sur la femme
arabe, un peu putes mais totalement insoumises, animes dune libido
dvastatrice, propulses par une vigueur folle et une conscience aigu
de leur condition. Elles tracent leur route en toute autonomie dans
la jungle de lconomie librale et de linjustice sociale, hurlant un
gros fuck aux convenances de leur socit ultrapatriarcale. Un de
leurs trsors est la parole:
un flow denfer, entre posie, rap, slam, scat, qui rpand son
krosne dans tout le film et lectrise le spectateur, mme celui qui
ne comprend pas un mot darabe.
Si Sur la planche ntait que cette dcharge fminine et
marocknrollienne presque aussi secouante que les mouvements
sismiques de la rgion, il vaudrait dj le coup dtre vu. Mais cest
aussi un formidable document sur le Maroc contemporain et ses
mutations, tourn en immersion avec des comdiennes amateurs pches
dans les cafs, sur les plages et les pages Facebook.
On y apprend les codes de la rue tangroise, la lutte des classes
et des sous-classes, la frontire entre les ouvrires textile et les
ouvrires crevettes, ces dernires tant considres comme la lie du bas
de lchelle sociale Les plans dans la conserverie de crustacs nous
font presque ressentir son odeur cre et tenace, qui colle
littralement la peau de Badia.
Ce film trs urbain et nocturne (qui fut lan dernier, comme Corpo
celeste, lune des belles surprises de la Quinzaine des
ralisateurs), constamment stri de tension, nest pas sans voquer
Cassavetes ou les premiers Scorsese. On fantasme beaucoup sur
Tanger, lieu littraire marqu par Bowles ou Burroughs. Sans effacer
cette dimension fantasmatique sduisante mais un peu poussireuse,
Lela Kilani nous montre une autre facette de la ville, beaucoup
plus relle et contemporaine, dans un film la fois galvanisant et
tragique. Serge Kaganski