Top Banner
Q J’ai rencontré Élisabeth Molimard en janvier 2003, la toute première semaine de ma longue formation chez Jean-François Escoulen à Puy-Saint-Martin dans la Drôme. Dans le petit monde du tournage, j’ai rapidement compris qu’elle était une des rares personnes à vivre exclusivement de son art. uarante années dans sa mon- tagne ardéchoise à manier les gouges n’ont pas entamé son amour du bois, bien au contraire. Mais aujourd’hui, Élisabeth souhaite faire tourner son OneWay dans d’autres montagnes, plus au sud-est. Son atelier et sa maison sont en vente et elle aimerait, bien sûr, que l’activité artistique continue d’y avoir une place privilégiée. Aussi je lui ai demandé de nous décrire ce lieu qui l’a nourrie, à tous les sens du terme, depuis ces quatre décennies. Que ceux ou celles qui sont intéressé.es n’hésitent pas à la contacter aux coordonnées indiquées en fin de cet article. Mais d’abord laissons-lui la parole. TOURNAGE « Mon choix de vie a été de privilé- gier la vente sur place et non de courir le monde. Je voyage beaucoup dans mon atelier et dans mon jar- din… « Mon tournage s’est donc axé sur deux pôles : ce que j’appelle “ma production”, restant toujours dans le plaisir. Je choisis les pièces utilitaires que je tourne, en l’occurrence vases, dessous de plat, pieds de lampe, pendules, coupes… (il y a des objets que je ne tourne pas ou plus, genre coquetier) ; « C’est une production assez di- versifiée de façon à toucher le plus de personnes possible et qui reste dans des prix que je considère comme raisonnables : de 5€ à 400 € environ. « Hors saison apparaissent “mes rêves d’hiver”. Ceux qui nommés ainsi — boîtes, bols, coupes, sem- blent ordinaires mais sont pour moi de vrais voyages dans la courbe, la forme… Sans compter mes re- cherches autour des boules creu- sées, de l’écriture, de la calcination, de la pyrogravure… « C’est un équilibre — souvent instable! — entre utilitaire et créa- tion. Mais c’est le sens de la vie! « Au fil des années, j’ai su toucher un public, et affiner son regard qui désormais sait apprécier plus parti- culièrement le côté créatif de mon activité… Et, bien que ce ne soit pas le plus gros de mon chiffre d’affaires, je vends ces pièces à des clients qui ont de vrais coups de cœur, qu’ils soient des inconnus ou des clients fi- dèles qui suivent mon évolution... » 1 PORTRAIT Tourner… la page INTERVIEW D’ÉLISABETH MOLIMARD PAR ISABELLE MARTIN
3

INTERVIEW D’ÉLISABETH MOLIMARD PAR ISABELLE MARTIN …elisabeth-molimard.com/upload/article-elisabeth.pdf · 2020. 11. 27. · du tournage, j’ai rapidement compris qu’elle

Mar 04, 2021

Download

Documents

dariahiddleston
Welcome message from author
This document is posted to help you gain knowledge. Please leave a comment to let me know what you think about it! Share it to your friends and learn new things together.
Transcript
Page 1: INTERVIEW D’ÉLISABETH MOLIMARD PAR ISABELLE MARTIN …elisabeth-molimard.com/upload/article-elisabeth.pdf · 2020. 11. 27. · du tournage, j’ai rapidement compris qu’elle

QJ’ai rencontré ÉlisabethMolimard en janvier 2003, latoute première semaine dema longue formation chezJean-François Escoulen àPuy-Saint-Martin dans laDrôme. Dans le petit mondedu tournage, j’ai rapidementcompris qu’elle était une desrares personnes à vivreexclusivement de son art.

uarante annéesdans sa mon-tagne ardéchoiseà manier lesgouges n’ont pasentamé son

amour du bois, bien au contraire.Mais aujourd’hui, Élisabeth souhaitefaire tourner son OneWay dansd’autres montagnes, plus au sud-est.Son atelier et sa maison sont envente et elle aimerait, bien sûr, que

l’activité artistique continue d’y avoirune place privilégiée. Aussi je lui aidemandé de nous décrire ce lieu quil’a nourrie, à tous les sens du terme,depuis ces quatre décennies. Queceux ou celles qui sont intéressé.esn’hésitent pas à la contacter auxcoordonnées indiquées en fin de cetarticle. Mais d’abord laissons-lui laparole.

TOURNAGE« Mon choix de vie a été de privilé-gier la vente sur place et non decourir le monde. Je voyage beaucoupdans mon atelier et dans mon jar-din…

« Mon tournage s’est donc axésur deux pôles : ce que j’appelle “maproduction”, restant toujours dans leplaisir. Je choisis les pièces utilitairesque je tourne, en l’occurrencevases, dessous de plat, pieds delampe, pendules, coupes… (il y a desobjets que je ne tourne pas ou plus,genre coquetier) ;

« C’est une production assez di-versifiée de façon à toucher le plusde personnes possible et qui restedans des prix que je considèrecomme raisonnables : de 5€ à 400 €environ.

« Hors saison apparaissent “mesrêves d’hiver”. Ceux qui nommésainsi —  boîtes, bols, coupes, sem-blent ordinaires mais sont pour moide vrais voyages dans la courbe, laforme… Sans compter mes re-cherches autour des boules creu-sées, de l’écriture, de la calcination,de la pyrogravure…

« C’est un équilibre — souventinstable ! — entre utilitaire et créa-tion. Mais c’est le sens de la vie !

« Au fil des années, j’ai su toucherun public, et affiner son regard quidésormais sait apprécier plus parti-culièrement le côté créatif de monactivité… Et, bien que ce ne soit pasle plus gros de mon chiffre d’affaires,je vends ces pièces à des clients quiont de vrais coups de cœur, qu’ilssoient des inconnus ou des clients fi-dèles qui suivent mon évolution... »

1

PORTRAIT

Tourner… la page

INTERVIEW D’ÉLISABETH MOLIMARDPAR ISABELLE MARTIN

Page 2: INTERVIEW D’ÉLISABETH MOLIMARD PAR ISABELLE MARTIN …elisabeth-molimard.com/upload/article-elisabeth.pdf · 2020. 11. 27. · du tournage, j’ai rapidement compris qu’elle

LA VENTE« Depuis presque quarante ans, jevends l’essentiel de mes pièces,“adaptées” à ce lieu, dans mon expo-sition à La Baraque. Grâce à, toutd’abord et étonnamment, la situationgéographique ! Dans la montagne ar-déchoise, ma maison, isolée au bordd’une route départementale touris-tique, est fréquentée dans la journéede façon raisonnable, et super tran-quille le soir ! Les passants (clientèlesurtout issue du tourisme) ont sou-vent envie de s’arrêter pour voir cequi se passe dans ce lieu un peu im-probable. Le matériau “bois” est por-teur dans l’esprit des gens. Ils ontsouvent un père, un grand-père oueux-mêmes qui sont plus ou moinsdans cette matière et puis “le boisc’est noble !”

«  Certes ma région n’est pasdans les gorges de l’Ardèche et heu-reusement. Mais il y a du tourisme,grâce à certains atouts : magnifiquespaysages, randonnées courues(beaucoup de GR dont le Stevensonproche), fontaine du village où l’eaucoule à 53°C, mais aussi belle rivière,gens “d’en bas” qui viennent se ra-fraîchir dans la montagne. Et une ab-baye à deux kilomètres, qui n’acertes rien de roman, mais dont l’at-trait est certain et les visiteurs nom-breux… Il y a également une petitestation thermale au village qui amènedes curistes, dont les achats équiva-lent à un bon salon à l’extérieur,alors que je suis sur place !

« Quelques locaux plus curieuxque les autres viennent et revien-nent de temps en temps. Et puis tantd’années de présence dans ce lieufont une clientèle fidélisée.

« J’ai participé aussi à des salons,mais j’en fait de moins en moins, unpeu lasse… J’ai privilégié le local —tiens donc !

« Quoi d’autre ? Une boutique as-sociative de producteurs et d’arti-sans, Le Comptoir de la Régordane,ouverte depuis dix ans. Elle est si-tuée à La Garde Guérin, petit villagemédiéval classé à quinze kilomètresde La Baraque. Une boutique — as-sociative aussi — de producteurs etd’artisans à Thines, autre village mé-diéval à vingt-cinq kilomètres de LaBaraque, ouverte depuis des années.Les deux, en plus d’être des lieux devente corrects, sont de bonnes vi-trines qui invitent les visiteurs plusparticulièrement intéressés par montravail à venir à La Baraque. Ils sontsouvent acheteurs.

« Je participe aussi aux manifesta-tions organisées par Trajectoires, as-sociation de Métiers d’Art du SudArdèche, notamment aux biennalesdes Métiers d’Art dans le château deVogüé (à côté d’Aubenas). »

RYTHMES«  Mon exposition est ouverte de9h30 à 19h plus ou moins… saufbien sûr exception ! Mon atelier estouvert lorsque j’y suis, c’est-à-diresouvent…

« Fermer, c’est un choix person-nel. Tout au long de ces années je nesuis pas arrivée à faire une règle quime permette de dire “je ferme teljour”. Alors j’essaie pendant septmois (d’avril à octobre) d’ouvrirtous les jours et d’avoir des amis.esqui ouvrent mon exposition quand jepars en vacances. Et je me permetsdes récréations de temps en temps.

« Et puis il reste cinq mois pourtourner, se balader, voyager.  »

VIVRE ICI«  Isolement géographique ne veutpas dire isolement relationnel maisnécessite de prendre la voiture pourse déplacer. Sauf si on veut aller sepromener dans la forêt derrière lamaison, que ce soit pour se nourrirou se cultiver ! Et puis “isolement”c’est très relatif : je suis à quatre ki-lomètres de deux villages, avec descommerces, une école, une gare(ligne Nîmes, Clermont-Ferrand, Pa-ris). Et à vingt-cinq kilomètres deLangogne, lieu du marché du samediet des “grandes courses”.

« C’est plutôt un immense luxe, àmon sens, de gagner ma vie ici dansces conditions.

2

PORTRAIT

Photo

Cyr

il M

oré.

Photo

Cyr

il M

oré.

Page 3: INTERVIEW D’ÉLISABETH MOLIMARD PAR ISABELLE MARTIN …elisabeth-molimard.com/upload/article-elisabeth.pdf · 2020. 11. 27. · du tournage, j’ai rapidement compris qu’elle

GRANDS MOMENTS, BELLESRENCONTRES« Vivre au rythme des saisons, danscette montagne superbe, recevoirses amis, faire la fête et danser sur laroute sont des moments privilégiés.

«  Et puis la plupart des rencon-tres dans l’exposition sont rarementbanales. Il y a souvent une qualitédans l’échange. Plusieurs clients, au fildes années, sont devenus des amischers.

« Dernièrement sont venus unejournaliste de TF1 (si, si !), CélineBlampain, et un documentariste ca-méraman, Quincy Russell. J’ai passéavec eux une journée formidable ettrès intéressante. Ils ont réalisé unpetit film sympa sur mon travail.

« Très récemment belle rencon-tre professionnelle et humaine : CyrilMoré, tourneur sur bois, qui prépareun livre sur une sélection de tour-neuses et tourneurs français, lequelsortira au printemps prochain.

«  Je propose presque toujoursune démonstration dans l’atelier. J’ypasse des heures depuis longtempset les visiteurs sont souvent touchésd’entrer dans mon univers et heu-reux de voir la transformation de lamatière. Généralement je tourneune toupie, toujours source de rires,ou un bol par exemple si les visiteursont plus de temps. Après la démons-tration ils regardent différemmentles pièces dans l’exposition, et sontparfois acheteurs. »

TRANSMISSION, PASSATION«  Je l’envisage si possible fin 2021,avec pourquoi pas un accompagne-ment ponctuel. Pour la passation dela clientèle, je n’ai pas un super fi-chier client mais j’ai commencé à de-mander les adresses mails auxpersonnes qui seraient intéressées àme suivre, et aussi pour faire le relaisavec le ou la repreneur.se.

« On me demande régulièrementsi c’est possible de vivre seul.e ici.Oui, c’est possible et j’y ai été seuleà certaines périodes de ma vie, mais“à deux c’est mieux !” Par exemplenous avons vécu et tourné en couplependant dix ans sans problème. Si-non il peut y avoir possibilité detrouver un travail dans le coin pourle/la conjoint.e. »

VENTE ATELIER« Je pars avec mon OneWay et mesgouges. Pour le reste du matériel —et il y en a ! — c’est à voir ensemble.Je n’ai pas vraiment pas besoin detout. Je prendrai du bois mais j’en aipas mal. Je serai vraiment heureused’en laisser. Surtout qu’en bois sec,ce n’est pas si facile de trouver debelles essences. Cependant, il estpossible d’en acheter chez Bois deFrance à Vézénobres à côté d’Alès. Lebois vert est plus facile à trouver. »

OÙ SUIS-JE ?Saint-Laurent-les-Bains est situédans la Montagne Ardéchoise, surla D4, dans un triangle comprisentre Aubenas (07), Mende (48) etle Puy-en-Velay (43).tél. +33 (0)4 66 46 03 50mob. +33 (0)6 33 26 24 98mail :[email protected] : www.elisabeth-molimard.com