HISTOIRES DE BÉTON ARMÉ PATRIMOINE, DURABILITÉ ET INNOVATIONS
Une publication FEBELCEM en collaboration avec FABI Comit Patrimoine et Histoire
FEBELCEM Fdration de lIndustrie Cimentire Belge Boulevard du Souverain 68 - 1170 Bruxelles tl. 02 645 52 11 - fax 02 640 06 70 www.febelcem.be - info@febelcem.be
FABI Fdration Royale dAssociations Belges dIngnieurs Civils, dIngnieurs Agronomes et de Bioingnieurs Rue Hobbema 2 - 1000 Bruxelles tl. 02 734 75 10 - fax 02 734 53 15 www.fabi.be - fabi@fabi.be
Ed. resp. : A. Jasienski
Dans cet ouvrage codit par FEBELCEM et le Comit Patrimoine et Histoire de la FABI, une trentaine de spcialistes minents, ingnieurs, architectes, historiens, professeurs, praticiens, nous font parcourir plus dun sicle dhistoire du bton arm et prcontraint.
Des articles gnraux nous parlent des dcouvertes et de lvolution des techniques, des articles dapplications nous prsentent une trentaine dexemples, principalement en Belgique, mais galement dans le monde, du dbut du 20me sicle nos jours.
En introduction cet ouvrage, une liste chronologique douvrages marquants de lhistoire du bton arm et prcontraint donne des repres au lecteur et cha-cun des sept chapitres qui le composent se termine par une liste de rfrences.
Un glossaire reprenant les termes essentiels du bton arm et prcontraint complte cet ouvrage destin tant aux spcialistes qu tous ceux qui sont intresss par ce matriau incontournable de la construction depuis le dbut du 20me sicle.
HIStoIRES DE Bton ARM Patrimoine, Durabilit et innovations
Assureur des ingnieurs et architectes
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Maison Delsemme Tilff Serge Brison 2002Architectes : Bruno Albert Architecte et Associs Ingnieurs : Bureau Greisch
Passerelle Mativa Lige Jean-Luc Deru 1905Ingnieur : F. Hennebique
Crmatorium Hofheide Holsbeek (Aarschot) Cousse & Goris 2013 Architectes : RCR Aranda Pigem Vilalta Arquitectes & Cousse & Goris architecten Ingnieurs : Studieburo Mouton
Auvent de lInstitut de Sociologie de lULB Bruxelles Michel Provost 1966 Architectes : Robert Puttemans et Pierre Guilissen Ingnieurs : Bureau dtudes Setesco (Andr Paduart)
Banque Bruxelles Lambert (actuellement ING) DECOMO1964/1993 Architectes 1964 : Skidmore, Owings & Merill (Gordon Bunshaft) Architectes 1993 : Skidmore, Owings & Merill - Philippe Samyn and Partners architects & engineers
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Une publication FEBELCEM en collaboration avec FABI Comit Patrimoine et Histoire
FEBELCEM Fdration de lIndustrie Cimentire Belge Boulevard du Souverain 68 - 1170 Bruxelles tl. 02 645 52 11 - fax 02 640 06 70 www.febelcem.be - info@febelcem.be
FABI Fdration Royale dAssociations Belges dIngnieurs Civils, dIngnieurs Agronomes et de Bioingnieurs Rue Hobbema 2 - 1000 Bruxelles tl. 02 734 75 10 - fax 02 734 53 15 www.fabi.be - fabi@fabi.be
Ed. resp. : A. Jasienski
Dans cet ouvrage codit par FEBELCEM et le Comit Patrimoine et Histoire de la FABI, une trentaine de spcialistes minents, ingnieurs, architectes, historiens, professeurs, praticiens, nous font parcourir plus dun sicle dhistoire du bton arm et prcontraint.
Des articles gnraux nous parlent des dcouvertes et de lvolution des techniques, des articles dapplications nous prsentent une trentaine dexemples, principalement en Belgique, mais galement dans le monde, du dbut du 20me sicle nos jours.
En introduction cet ouvrage, une liste chronologique douvrages marquants de lhistoire du bton arm et prcontraint donne des repres au lecteur et cha-cun des sept chapitres qui le composent se termine par une liste de rfrences.
Un glossaire reprenant les termes essentiels du bton arm et prcontraint complte cet ouvrage destin tant aux spcialistes qu tous ceux qui sont intresss par ce matriau incontournable de la construction depuis le dbut du 20me sicle.
HIStoIRES DE Bton ARM Patrimoine, Durabilit et innovations
Assureur des ingnieurs et architectes
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Maison Delsemme Tilff Serge Brison 2002Architectes : Bruno Albert Architecte et Associs Ingnieurs : Bureau Greisch
Passerelle Mativa Lige Jean-Luc Deru 1905Ingnieur : F. Hennebique
Crmatorium Hofheide Holsbeek (Aarschot) Cousse & Goris 2013 Architectes : RCR Aranda Pigem Vilalta Arquitectes & Cousse & Goris architecten Ingnieurs : Studieburo Mouton
Auvent de lInstitut de Sociologie de lULB Bruxelles Michel Provost 1966 Architectes : Robert Puttemans et Pierre Guilissen Ingnieurs : Bureau dtudes Setesco (Andr Paduart)
Banque Bruxelles Lambert (actuellement ING) DECOMO1964/1993 Architectes 1964 : Skidmore, Owings & Merill (Gordon Bunshaft) Architectes 1993 : Skidmore, Owings & Merill - Philippe Samyn and Partners architects & engineers
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HISTOIRES DE BTON ARM PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
Comit de rdaction : Jean-Franois Denol, Bernard Espion, Armande Hellebois, Michel Provost
2 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
SOMMAIRESommaire 2
Avant-propos 4
Introduction 6
Repres historiques 8
1. Les origines du bton arm: de lexprimentation la diffusion 15Du bton des Romains aux dbuts du bton arm 15Bernard Espion
Premire gnration de bton arm: le rgne des brevets, entre systmes commerciaux et normes naissantes 20Armande Hellebois
Prsentation des archives Hennebique 25Simon Vaillant
Le Bton Arm. La gense de la construction en bton arm en Belgique au travers de la revue de Franois Hennebique 27Stephanie Van de Voorde
2. Bton arm et architecture dans la premire moiti du 20me sicle. De matriau de construction matriau darchitecture 35Premiers btons et criture architecturale: la ville nouvelle dHliopolis. 1905-1922 35Anne Van Loo
Lensemble du Stade des jeux et du Thtre en plein air de Namur: Georges Hob, Maurice Prax et le systme Hennebique. 1906-1910 38Raymond Balau
Le cinma thtre Varia Jumet: quand le bton sintroduit dans le berceau de lacier. 1917 43Pascal Simoens et Jean-Sbastien Pirnay
Le Forum Lige. 1922 46Jacques Barlet
Lglise Saint-Aybert Blharies. 1926 47Eric Hennaut
Le Mmorial Interalli de Cointe: entre commmoration civile et religieuse. 1936-1937 50Hugo Claes et Sbastien Mainil
La Boekentoren de lUniversit de Gand. 1936-2016 52David Dewolf
3. Le bton prcontraint, une rvolution dans lart de btir 57Linvention du bton prcontraint 57Bernard Espion
Contributions de Gustave Magnel au dveloppement du bton prcontraint 62Luc Taerwe
Le bton prcontraint. Principes et volutions technologiques 70Michel Provost et Jean-Yves Del Forno
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3 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
4. Les ponts en bton arm et prcontraint 79La passerelle Mativa Lige - Patrimoine exceptionnel. 1905 79Jean-Marie Crmer
La conception des ouvrages en bton arm au dbut du 20me sicle: approches visionnaires de Robert Maillart. 1872-1940 82Denis Zastavni
Apports de la prcontrainte dans larchitecture des ponts 88Jean-Marie Crmer
Points faibles et pathologies des ponts en bton prcontraint 92Philippe Demars
Remplacement de la prcontrainte extrieure dans un pont en caisson 94Yves Rammer
Prcontrainte et corrosion, que faire? 97Pierre-Marie Dubois
5. Lindustrialisation de la construction et la prfabrication 101Le bton maigre dans le logement social aprs la Premire Guerre mondiale. Expriences, innovations, hsitations 101Stephanie Van de Voorde
Le bton prfabriqu dans le btiment de la fin de la Seconde Guerre mondiale nos jours. De la prfabrication ferme la prfabrication ouverte 104Jacques I. Schiffmann
Ieder zijn huis: la prfabrication applique un immeuble de logements sociaux. 1960-2014 110Charlotte Nys et Jan de Moffarts
6. Les voiles minces en bton arm 117Gense des voiles minces en bton arm 117Bernard Espion
Quelques couvertures en parabolode hyperbolique dAndr Paduart 122Michel Provost et Bernard Espion
7. Le bton arm, vecteur dune architecture renouvele 127Le bton en architecture, le bton comme expression architecturale 127Pablo Lhoas
Le dveloppement du bton architectonique en Belgique. Du Foncolin au CBR 132Stephanie Van de Voorde
Quatre exemples dhabitations en bton apparent. 2004-2013 135Guy Mouton
La Maison Delsemme, sur les hauteurs de Tilff. 2002 140Bruno Albert et Vincent Servais
Crmatorium Hofheide Holsbeek (Aarschot). 2013 141Klaas Goris et Guy Mouton
Conclusion 146
Glossaire 151
Auteurs 157
Intervenants et remerciements 158
4 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
AVANT-PROPOSHistoires de bton arm: histoire du bton!
Employ ds la haute antiquit, le bton romain tait fabriqu avec une sorte de ciment et a laiss quelques difices exemplaires toujours visibles aujourdhui comme le Panthon de Rome, difice bti au dbut du deuxime sicle de notre re, qui supporte la plus grande coupole de toute lAntiquit (43,3m de diamtre lintrieur) et qui reste la plus grande du monde en bton non arm, le pont du Gard Tomb dans loubli ensuite, cest en 1817 que le ciment moderne est invent par Louis Vicat qui dcouvre le procd et la composition du ciment Portland en cherchant amliorer la rsistance et une certaine durabilit des mortiers. Trs vite, le bton devient le matriau rvolutionnaire de la construction au vingtime sicle.
Franois Coignet, Franois Hennebique, puis Auguste Perret et ses frres entrepreneurs sont les inventeurs du bton arm. Celui-ci compte parmi les piliers fondateurs dans cette voie rvolu-tionnaire de lart de construire et occupe une place incontournable dans lhistoire de larchitec-ture contemporaine.
Comme lacier a remplac les constructions en bois du dix-neuvime sicle, le bton sest substitu la pierre ds le dbut du sicle dernier pour la construction douvrages importants: ponts, halls industriels, btiments publics, immeubles dhabitations
Considr par de nombreux architectes, dont les plus prestigieux de notre poque, comme un moyen dexpression plastique, le bton tant coul, il permet dimaginer des formes en toute libert et de raliser les constructions les plus audacieuses.
Rappelons que la population mondiale, qui tait de lordre de 250000individus au dbut de notre re, a atteint un milliard de personnes en 1800 et depuis est passe en deux sicles sept milliards. Le bton a largement contribu la construction des infrastructures ncessaires pour faire face cette explosion dmographique en permettant la ralisation de nombreux ouvrages dart, ouvrages hydrauliques et bien sr de logements. Il offre les solutions aux dfis de notre temps et rpond parfaitement aux trois piliers de la construction durable, ou plutt du dve-loppement soutenable. En effet:
il est produit localement partir de matriaux naturels disponibles en abondance sur la plante. Son nergie grise est quasiment la plus faible de tous les matriaux de construction. Associ une grande longvit et 100% recyclable en fin de vie, il rpond vraiment aux enjeux des missions de gaz effet de serre, de gaz acidifiants et aux impacts environnementaux;
5 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
cest un matriau sain, inerte, imputrescible, incombustible, rsistant au feu, excellent isolant acoustique conu par lhomme et pour lhomme et ce titre, il satisfait aux impratifs du pilier social. Il permet de loger des populations importantes dans dexcellentes conditions dhygine, de scurit et de confort. Grce sa grande capacit et inertie thermique, quivalente celle de la pierre naturelle dantan, son tanchit lair, il rvolutionne le logement passif ou faible consommation dnergie;
enfin, il est conomique. Et, tout en tant, par ses concepts constructifs simples, le garant dune architecture peu onreuse et trs durable dans le sens le plus noble du terme, il constitue une composante essentielle du langage architectural de notre temps.
Grce au concours de nombreux auteurs et la passion quprouvent des historiens, des ingnieurs et des architectes pour ce matriau, il nous a paru important de publier le prsent recueil dhistoires de bton arm. Cet ouvrage, qui ne se veut pas exhaustif, retrace les recherches qui ont prsid la mise au point de ce matriau et toutes ses prouesses, en sappuyant sur de multiples exemples belges et parfois trangers.
La durabilit nest pas un vain mot et pour raliser des constructions de qualit, il faudra encore rpter souvent que la qualit est laffaire de tous: concepteurs, architectes, ingnieurs, producteurs, entrepreneurs, contrleurs Les btons daujourdhui ne sont plus ceux dil y a cinquante ans et leur technicit sest largement dveloppe au cours de ces dernires annes. Bien raliss, les ouvrages en bton sont appels dfier le temps. Soyons donc vigilants et exigeants.
Quil me soit permis de remercier vivement le Comit Patrimoine et Histoire de la FABI qui sous la houlette de son Prsident, Michel Provost, a men bien ce travail dun grand intrt pour toute la communaut des historiens, des ingnieurs et des architectes de ce pays. Merci aussi au Comit de rdaction qui a uvr sans relche la finalisation de ce livre. Ces histoires de bton arm sont le reflet du foisonnement dides, de gnie et dexploits qui ont donn leurs lettres de noblesse ce matriau extraordinaire quest le bton.
Andr JasienskiDirecteur de FEBELCEM
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6 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
INTRODUCTIONLe prsent ouvrage est issu de quatre demi-journes dtude consacres lhistoire du bton arm. Ces demi-journes organises doctobre 2010 avril 2013 par le Comit Patrimoine et Histoire de la FABI avaient pour titre Connaissez-vous les btons arms et prcontraints?.
La FABI (Fdration Royale dAssociations Belges dIngnieurs Civils, dIngnieurs Agronomes et de Bioingnieurs) rassemble les associations dcoles dingnieurs de la Communaut franaise et laile francophone de lAssociation Royale des Ingnieurs Civils issus de la Facult Polytechnique de lcole Royale Militaire. Elle reprsente quelques 7000ingnieurs et assure la promotion des tudes et du mtier de lingnieur.
Le comit Patrimoine et Histoire de la FABI a pour objectif de contribuer la mise en valeur et la protection du patrimoine dingnierie de la construction au travers notammentde lorga-nisation de confrences, de visites, de journes dtudes comme celles qui sont la base de la prsente publication. Ce comit est compos dingnieurs mais aussi darchitectes, dhisto-riens, dhistoriens de lart, darchologues, acteurs du patrimoine en Rgion Wallonne et Rgion de Bruxelles-Capitale.
Les contributions des intervenants ces demi-journes dtude ont ici t regroupes par thmes pour former les sept chapitres de cette publication. Ces thmes sont soit chronologiques (les origines, avant ou aprs la Seconde Guerre mondiale), soit technologiques (le bton arm, le bton prcontraint, lindustrialisation), soit encore lis au type douvrages (btiments, voiles minces ou ponts).
Le bton arm qui apparat dans le dernier quart du 19me sicle sest rapidement rvl comme le matriau incontournablede la construction. Dabord utilis pour sa rsistance au feu, ses carac-de la construction. Dabord utilis pour sa rsistance au feu, ses carac-de la construction. Dabord utilis pour sa rsistance au feu, ses carac-tristiques techniques et son faible cot, il a progressivement t investi par les architectes qui lon fait passer de matriau de construction matriau darchitecture. Il a permis la couverture de grands espaces, dabord par des arcs puis par des voiles minces. Il est omniprsent dans le domaine des ponts principalement partir du milieu du 20me sicle grce au bton prcontraint. Il se prte la prfabrication dabord de manire technologique puis architecturale au travers des faades en bton architectonique. Critiqu quand il a t associ des constructions archi-tecturalement et/ou techniquement mdiocres, il a acquis dfinitivement ses lettres de noblesse depuis la fin du 20me sicle.
7 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
En un peu plus dun sicle, le bton arm a permis la ralisation douvrages exceptionnels qui font aujourdhui partie de notre patrimoine culturel immobilier.
Un ouvrage en bton bien conu et bien ralis rsiste particulirement bien lpreuve du temps. Le bton est un matriau durable.
Arriv maturit depuis le dernier quart du 20me sicle, le bton nen reste pas moins un matriau en pleine volution. Sa technologie est aujourdhui plus quhier une zone dinnovations. Sa composition volue, sa rsistance et son aptitude la mise en uvre augmentent, permettant la ralisation douvrages plus importants, plus complexes.
Afin de situer dans le temps les diffrentes techniques et ralisations dont il est question dans cet ouvrage, nous donnons ci-aprs une liste chronologique de points forts de lhistoire du bton arm et prcontraint. Pour ne pas noyer le lecteur, nous en avons limit le nombre, et donc avons d faire des choix qui sont bien entendu en partie subjectifs.
Le domaine du bton arm nest pas uniquement celui des ingnieurs et des architectes, il fait partie de notre patrimoine collectif. Pour faciliter laccs au lecteur non spcialiste, nous avons ajout en fin douvrage un glossaire qui dfinit les termes techniques essentiels.
La prsente publication, grce aux contributions dingnieurs, darchitectes, dhistoriens, de professeurs, de praticiens, parcourt plus dun sicle dhistoire du bton arm. Quils soient tous remercis ici pour le travail accompli. Mais le travail et la bonne volont ne suffisent pas. Merci galement lInstitut du Patrimoine wallon pour sa participation financire et FEBELCEM pour son soutien actif la ralisation de cet ouvrage.
Nous esprons que cette publication contribuera diffuser la connaissance dans le domaine du bton arm et aidera ainsi la conservation de notre patrimoine culturel immobilier et son dveloppement par la construction douvrages de qualit en bton arm.
Michel ProvostPrsident du Comit FABI Patrimoine et HistoireProfesseur lUniversit Libre de Bruxelles
8 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
REPRES HISTORIQUESNous avons diffrenci
les vnements dterminants non directement lis des constructions les btiments les couvertures despaces en voiles minces les ponts les travaux dinfrastructures: routes et barrages.
Pour les constructions, les dates indiques sont celles de la mise en service ou de linauguration.
1903 Immeuble rue Franklin, 23 - Paris - France. Construit par les frres A. et G.Perret avec la collaboration de F.Hennebique. Le bton arm, ici non apparent, permet de rationnaliser lespace.
1903 Ingalls Building - Cincinnati - USA. Premier immeuble de grande hauteur en bton arm. En faade, le bton est recouvert de marbre et de briques. Architectes: Elzner & Anderson
1855 Barque de J.L.Lambot constitue dun treillis mtallique enduit de mortier prsente lExposition universelle de Paris. Cest une des premires applications de lasso-ciation fer-bton. (voir pp. 17, 83)
1867 Brevet de J.Monier pour la construc-tion de bacs fleurs et de caisses en ciment arm, ce systme sera utilis et surtout amlior par lentreprise allemande Wayss & Freytag ds 1885. (voir pp. 18, 83)
1886 Une des premires utilisations du bton arm: la construction des planchers du Reichstag Berlin par G.Wayss et M.Koenen. Elle lance lapplication du bton arm en Allemagne.
1892 Premier brevet significatif dans le domaine du bton arm dpos en France et en Belgique par F.Hennebique. Il constitue un tournant dans lutilisation et la diffusion du bton arm en Europe. (voir pp. 18, 23, 25, 27, 29, 35, 38, 48, 79)
1894 Les Moulins de Nantes - France. Raliss par lentreprise Hennebique. Une des premires constructions en bton arm importante par la taille et par lutilisation de larges porte--faux.
1 8 9 9 P o nt C a m i l l e d e H o g u e s - Chtellerault - France. Pont 3 traves supportes par des arcs en bton arm. Cest un des premiers ponts en arc en bton arm. Ingnieur: F.Hennebique
1901 Pont de Zuoz - Engadine - Suisse. Pont en arc trois articulations caisson de 38m de porte. Cest le premier pont de ce type construit en bton arm. Ingnieur: R.Maillart (voir p. 84)
Pont de Zuoz1
Immeuble rue Franklin2
9 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
1904 glise Saint-Jean-de-Montmartre - Paris - France. Construite partir de 1894 selon le systme de briques armes de lingnieur P. Cottancin. Architecte: A. de Baudot (voir p. 48)
1905 Hliopolis - Le Caire - gypte. Ville nouvelle fonde par le Belge EdouardEmpain et dont la totalit des constructions est en bton arm systme Hennebique. (voir p. 35)
1905 Passerelle Mativa - Lige - Belgique. Passerelle en bton arm systme Hennebique de 55m de porte et de 35cm dpaisseur la cl. Ingnieur: F.Hennebique (voir pp. 29, 40, 79, 131)
1906 - 1908 Mise en uvre de dalles-champignons par Turner aux USA (Minnapolis) et par R.Maillart en Suisse. (voir pp. 82, 87, 153)
1906 Publication des Instructions franaises relatives lutilisation du bton arm . Cette rglementation servira de document de rfrence en Belgique jusque dans les annes 1920.
1910 Pont du Veurdre - France. Pont 3traves supportes par des arcs 3articu-lations en bton arm. Relvement des arcs aprs fluage par utilisation de vrins la cl. Ingnieur: E.Freyssinet (voir p. 58)
1910 Grand Trunk Pacific elevator - Fort William - Ontario - Canada. Une des gigantesques batteries de silos grain qui ont fascin et influenc les architectes W. Gropius et Le Corbusier. (voir p.128)
1911 Pont du Risorgimento - Rome - Italie. Pont en arc en caisson en bton arm de 100m douverture. Record mondial au moment de sa construction. Ingnieur: F.Hennebique (voir pp. 25, 80)
1913 Thtre des Champs lyses - Paris- France. Btiment ossature en bton. En faade le bton est recouvert de marbre. Architectes: H.van de Velde puis A.Perret (voir pp. 127, 128)
1913 Halle du Centenaire - Wroclaw - Pologne. Structure de la couverture compose darcs en bton arm rayonnant de 67m de porte. Architecte : M.Berg - Ingnieur: W.Gehler (voir pp. 15, 119)
1914 Schma Dom-Ino imagin par Charles Edouard Jeanneret (pas encore Le Corbusier). Le bton arm permet de dissocier la structure et la dfinition des espaces. (voir pp. 127, 128)
1918 Premier rfrigrant atmosphrique en voile mince de bton en forme dhyper-bolode de rvolution - Heerlen - Pays-Bas. Hauteur 35m. Ingnieurs: F. K. T.van Iterson et G.Kuypers (voir p. 123)
1920 Ateliers de confection Esders - Paris - France. Immeuble industriel en bton arm. La toiture est supporte par de grands arcs en bton arm. Architectes: A. et G.Perret
1921 Columbia Pike - Virginie - USA. Premiers tronons (exprimentaux) dune route en bton arm continu.
1923 Notre-Dame du Raincy - France. Premire glise de France en bton arm brut. Toiture compose de berceaux surbaisss en voiles minces. Architectes: A. et G.Perret
1923 Hangars dOrly - Paris - France. Couverture parabolique de 86m de porte en voiles plisss en bton arm. Ingnieur: E.Freyssinet - Introduction de la vibration mcanique du bton.
Pont du Risorgimento3
Ateliers Esders4
10 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
1925 Plantarium dIna - Allemagne. Coupole en bton de 6cm dpaisseur et de 25m de diamtre, ralise par gunitage du bton sur le treillis Zeiss-Dywidag (Z-D). (voir p. 118)
1926 Usine Fiat Il Lingotto - Turin - Italie. Btiment industriel en bton arm rampes hlicodales pour laccs des voitures aux pistes dessais en toiture. Architecte: G.Matt Trucco
1928 March couvert de Francfort - Allemagne. Couverture constitue dune srie de votes en berceau long de 36m de porte accoles (systme Z-D). Ingnieurs: F.Dischinger, U.Finsterwalder (voir p. 119)
1928 Goetheanum - Dornach - Suisse. Btiment monumental en bton brut qui apparat comme un bloc monolithique en bton sculpt. Architecte: R.Steiner (voir p.128)
1928 Premier brevet nonant correcte-ment les conditions de ralisation du bton prcontraint, dpos par E. Freyssinet. Avances significatives dans les techniques de durcissement des btons. (voir pp. 57, 59, 79, 88)
1929 Halles du Boulingrin - Reims - France. Couverture en berceau parabolique en voile mince de bton arm de 38m douverture (paisseur 7cm). Architecte: E.Maigrot - Ingnieur: E.Freyssinet (voir p. 119)
1929 March couvert de Leipzig - Allemagne. Couverture en voile mince, constitue de deux coupoles sur plan octogonal de 66m de diamtre. Architecte: H.Ritter - Ingnieur: F.Dischinger (voir p. 119)
1930 Villa Savoye - Poissy - France. Maison ossature en bton arm permettant le plan libre, volume paralllpipdique pos sur de fins pilotis. Architecte: Le Corbusier
1930 Pont du Salginatobel - Grisons - Suisse. Pont en arc 3rotules en bton arm de 90m de porte, souvent considr comme le chef-duvre de lIngnieurR.Maillart. (voir pp. 79, 82, 86)
1930 Le 1erCongrs international du bton arm Lige runit llite des ingnieurs concepteurs de structures en bton arm depuis le dbut du sicle.
1933 March dAlgsiras - Espagne. Coupole surbaisse en voile mince de 48m de diamtre. Ingnieur: E.Torroja (voir p. 121)
1935 Palais 5 du Heysel - Bruxelles - Belgique. Structure de la couverture: 12arcs paraboliques 3rotules en bton arm de 86m de porte. Architecte: J.Van Neck - Ingnieur: L.Baes
1935 Barrage Hoover - Boulder City - USA. Barrage vote-poids de 221m de hauteur, de 200m dpaisseur la base et dun volume 2,5millions de m de bton.
1935 Fronton Recoletos - Madrid - Espagne. Voiles minces en berceau long de 55m de longueur. Ingnieur: E.Torroja (voir p. 121)
1935 Hangars dOrvieto - Italie. Couverture de hangars pour avions par des votes en berceau denviron 45 m de porte en voile nervur en bton arm. Architecte et Ingnieur: P.L.Nervi
1938 Pont de Oelde - Westphalie - Allemagne. Premier pont poutres prcon-traintes (par pr-tension). Porte 32m. Ralis par lentreprise Wayss und Freytag, conces-sionnaire des brevets de Freyssinet. (voir p. 61)
Goetheanum5
Barrage Hoover6
11 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
1939 Johnson Wax Building - Racine - USA. Btiment administratif. Espace central compos de colonnes lances champignons supportant une toiture lanterneaux. Architecte: F.L.Wright
1939 Brevet dEugne Freyssinet pour un dispositif dancrage de fils de prcontrainte en post-tension par frottement entre un cne mle en mortier et un cne femelle en bton frett. (voir pp. 73, 74)
1941 Hippodrome de la Zarzuella - Madrid - Espagne. Couverture de tribune en voile mince en bton arm. Porte--faux 12,6m. Architectes: C.Arniches et M.Dominguer - Ingnieur: E.Torroja. (voir p. 122)
1944 Pont de la Rue du Miroir - Bruxelles. Premier projet de pont-rail en bton prcon-traint au monde. Porte 20m. Ingnieur: G.Magnel. Utilisation du dispositif dancrage Blaton - Magnel (voir p. 65)
1946 Pont de Luzancy - France. Tablier compos de 3poutres en caisson voussoirs prfabriqus en bton arm assembls par post-tension. Porte 54m. Ingnieur: E.Freyssinet (voir pp. 62, 88)
1949 Walnut Lane Bridge - Philadelphie- USA - Premier pont compos de poutres en bton prcontraint aux USA. Porte principale: 47m. Ingnieur: G.Magnel (voir p. 66)
1949 Pont de Sclayn - Pont 2traves de 63m tablier en caisson prcontraint par cbles intrieurs. Premier pont prcontraint au monde poutre continue. Ingnieurs: G.Magnel, A.Birguer (voir pp. 66, 88, 96)
1950 RN8 Leuze-en-Hainaut - Belgique. Premire route en bton arm en Belgique.
1950 Pont construit par encorbellements de Balduinstein-Allemagne (porte 62m), suivi de celui de Worms (1952; 114m). Post-tension par barres Dywidag de 26 mm. Ingnieur: U.Finsterwalder (voir pp. 79, 88, 153)
1951 Laboratoire des rayons cosmiques Mexico - Mexique. Couverture en voile mince en forme de parabolode hyperbolique (PH). paisseur minimale : 2 cm. Architecte et Ingnieur: F.Candela (voir pp. 123, 129)
1952 Unit dhabitation de Marseille- France - Cit radieuse - Immeuble de logements sur pilotis en bton brut (coffrage voliges). Architecte: LeCorbusier (voir pp. 111, 114, 129)
1952 Cration de la FIP (Fdration inter-nationale de la prcontrainte) Cambridge. Le professeur G.Magnel de lUniversit de Gand en est lun des vice-prsidents fondateurs. (voir p. 69)
Johnson Wax Building7
Laboratoire des rayons cosmiques Mexico8
Unit dhabitation de Marseille9
12 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
1953 Cration du CEB (Comit europen du bton) Luxembourg. Le professeur L.Baes de lULB en est lun des vice-prsidents fondateurs. Premires rgles internationales de calcul publies en 1964. (voir p. 69)
1956 Tour de tlvision de Stuttgart - Allemagne - Hauteur totale 217m Ingnieur: FritzLeonhardt
1958 Pavillon Philips lExpo 58 - Bruxelles - Belgique - Couverture compose dun ensemble de voiles minces en PH en bton arm et prcontraint. Architectes : LeCorbusier, IannisXenakis (voir pp. 129, 131)
1958 Flche du Gnie Civil lExpo58 - Bruxelles - Belgique. Flche en voile mince pliss de 78m de porte- faux. Architecte: J.Van Dosselaer - Sculpteur: J.Moeschal - Ingnieur: A.Paduart (voir p. 123)
1958 CNIT - Paris La Dfense - France - Halle dexposition triangulaire de 200m de ct couverte par une vote, double coque en bton arm, appuye en 3points. Ingnieur: N.Esquillan (voir p. 129)
1959 Muse S.R. Guggenheim - New-York- USA - Btiment ossature en bton arm compos principalement dune rampe hlicodale qui slargit progressivement. Architecte: F.L.Wright
1960 Petit Palais des Sports - Rome - Italie. La Couvertureest une coupole nervure en bton arm prfabriqu de 60m de diamtre. Architecte: A.Vitellozzi - Ingnieur: P.L.Nervi
1960 Brasilia - Brsil - Multiples btiments en bton arm aux formes futuristes (Congrs National, Cathdrale) de larchitecte O.Niemeyer. (voir p. 130)
1961 Barrage de le Grande Dixence - Valais Suisse - Barrage poids le plus haut du monde: hauteur 285m, paisseur la base: 200m, volume de bton: 6millions de m.
1962 TWA Flight Centre - Aroport J.F. Kennedy - New-York - USA - Couverture en coque en voiles minces en bton arm. Architecte: E. Saarinen (voir p. 130)
1964 Banque Bruxelles Lambert - Bruxelles- Belgique - Btiment faades en bton architectonique porteur. Architectes: Skidmore, Owings et Merill (G.Bunshaft) (voir pp. 127, 132, 133)
1965 Jonas Salk Institute - San Diego - USA- Centre de recherche - Ensemble de btiments et amnagements extrieurs en bton brut (coffrage lisse). Architecte: L. I.Kahn
1967 Habitat 67 - Montral - Canada - Ensembles de logements, empilements de 354 modules paralllpipdiques en bton arm totalement prfabri-qus. Architecte : M. Safdie (voir p. 130)
1973 Ekofisk - Mer du Nord. Premire plateforme ptrolire offshore en bton. Hauteur 71m. Volume de bton: 75000m3. Ingnieurs: CG DORIS (manation dentre-prises franaises)
Flche du Gnie Civil10
CNIT11 Habitat 6712
13 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
1976 Azuma House - Osaka - Japon - Maison en voiles et dalles en bton brut (coffrage lisse). Une des premires uvres de larchitecte T. Ando (voir p. 131)
1976 CN Tower - Toronto - Canada - Dno-mination officielle Tour nationale du Canada. Hauteur totale: 553m. Architecte: J.Andrew
1977 Pont de Brotonne - France - Pont hauban. Trave centrale de 320m en caisson en bton prcontraint, record du monde au moment de sa construction. Ingnieur: J.Muller (voir p. 90)
1980 Pont du Ganter - Valais - Suisse - Pont route extradoss tablier en poutre en caisson construit par encorbellement. Longueur totale 678m. Trave principale: 174m. Ingnieur: Ch.Menn
1990 Japon - Premire utilisation pour la construction dun immeuble dun bton auto-plaant (BAP) ou auto-compactant, et en 1991 dans les pylnes du pont hauban Shin-kiba Ohashi.
1994 Gare Lyon-Saint-Exupry TGV (anciennement Satolas-TGV). Couverture des accs aux quais par un ensemble darcs imbriqus en bton blanc. Architecte : S.Calatrava (voir p. 130)
1997 Pont de la Confdration - Canada - Pont route en caisson en bton prcontraint. Longueur totale 12,9km. Trave principale: 250m. Ingnieur: J.Muller
1997 Passerelle de Sherbrooke - Canada. Treillis hybride de 60m de porte construit par l entrepr ise Bouygues. Premire application des Btons Ultra Hautes Performances(BUHP).
2007 Chapelle Saint-Nicolas-de-Fle - Mechernich - Allemagne. Monolithe creux en bton arm de 12m de haut et dont la base est un pentagone irrgulier. Architecte: P.Zumthor
2010 Burj Khalifa - Duba - mirats Arabes Unis. La structure des 600premiers mtres de cette tour la plus haute du monde est en bton arm. Record du monde de hauteur de pompage du bton.
2010 1111LincolnRoad - Miami - USA. Btiment ouvert usages multiples (parkings, commerces) structure apparente en bton. Architectes: Herzog & deMeuron (voir p. 131)Pont du Ganter13
Chapelle Saint-Nicolas-de-Fle14
RFRENCES
1 Crdit photographique : FBM Studio Ltf. - David P. Billington, Robert Maillart and the art of reinforced concrete. The MIT Press, 1990.2 Crdit photographique : A. Hellebois3 fr.structurae.de - 2011 Inge Kanakaris - Wirtl4 J. Badovici. Grandes Constructions. Bton Arm, Acier, Verre. Paris : Albert Moranc (s.d.) (ca 1930)5 commons.wikimedia.org 2007 Bagradian6 www.laboiteverte.fr7 racinepost.blogspot.be8 Crdit photographique : Bruce M. White - Maria E. Garlock and David P. Billington, Flix Candela: Engineer, Builder, Structural Artist. Princeton University Art Museum - Yale University Press, 2008.9 Crdit photographique : M. Provost10 Annales des Travaux publics de Belgique, 1958, N111 melisaki.tumblr.com12 Crdit photographique : 2006 Sarah Donikian - Le monde en images, CCDMD13 Crdit photographique : 2011 Nicolas Amherd - www.valais-community.ch14 Crdit photographique : Ch. Nys
15 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
1. LES ORIGINES DU BTON ARM : DE LEXPRIMENTATION LA DIFFUSION
Lavnement du bton arm, au sens moderne du terme, est rendu possible au 19me sicle grce la production industrielle de ciment artificiel et aux produits finis en fer et acier, barres rondes et plats mtalliques principalement. Cependant, dj au temps des Romains, un bton de masse non arm tait mis en uvre mais il sagissait exclusivement dun mlange base de liant naturel (chaux, ciment naturel, etc.). La priode allant de 1890 1914 constitue une phase charnire pour lessor du bton arm comme matriau de construction. Les progrs accomplis pour en faire un matriau adquat de structure portante sont certainement stimuls par le systme de brevets. Lun des acteurs principaux de cette course aux brevets est Franois Hennebique (1842-1921). Grce son systme technique, son organisation commerciale et sa promotion publicitaire (notamment via sa revue Le Bton Arm), il a su simposer dans le paysage belge et international de la construction en bton arm. Son uvre est accessible grce aux archives du bureau Hennebique, conserves depuis 1989 lInstitut Franais dArchitecture Paris.
DU BTON DES ROMAINS AUX DBUTS DU BTON ARMBernard Espion
LIANTS ET BTONS DANS LANTIQUIT
Toute histoire du bton fait immanquable-ment remonter lorigine de ce matriau la construction romaine, et en particulier lun des chefs-duvre de la construction antique: le Panthon dAgrippa Rome, termin sous le rgne de lempereur Hadrien en 123AD. De quoi sagit-il ? Dune construction en maonnerie concrte non arme recouverte par un dme alvol de 43m de diamtre intrieur. Il faudra attendre 1436 avec lach-vement du dme de Sainte Marie de la Fleur Florence pour quun dme en maonnerie (de briques) prsente un diamtre plus grand, et 1913 avec la Halle du centenaire Wroclaw pour quune couverture en bton arm dpasse cette ouverture. Sagit-il pour autant de bton? Oui et non. Tout dabord non, parce que le liant de cette maonnerie nest pas du ciment, comme dans nos btons modernes, mais de la chaux. Ensuite, la technique prsentait des diffrences, car les Romains constituaient la maonnerie en agglomrant les agrgats ou les moellons au mortier de chaux et de sable pour obtenir une concrtion, alors que de nos jours cest lensemble des matriaux qui est malax pralablement avant dtre mis en place. Mais comme similitude avec nos btons modernes, il y a lieu de noter que cette technique de construction ncessitait lutilisation de moules, coffrages et cintres destins donner la forme aux lments constructifs et soutenir la maonnerie jusqu ce que celle-ci ait acquit une rsistance suffisante. Ce bton des Romains ncessitait aussi probablement la mise en
uvre dun serrage mcanique par damage ou piquage. Enfin, il sagit de maonnerie non arme; lutilisation darmature par les Romains semble exceptionnelle.Revenons au liant de cette maonnerie: la chaux. La faon traditionnelle dobtenir de la chaux est de cuire de la pierre calcaire (CaCO3, pierre chaux) dans un four chaux o la temprature atteint 850. Le rsultat de cette calcination est la chaux vive (CaO, oxyde de calcium), une pierre pulvrulente quil est dangereux de manipuler et que lon teint en laspergeant deau. Le contact de leau et de la chaux vive provoque la dislocation des blocs, une augmentation de temprature, et un gonflement important, quon appelle le foison-nement. La chaux teinte se prsente naturel-lement sous la forme dune farine pulvrulente qui peut tre conditionne et transporte. Le mortier prpar en mlangeant cette chaux avec du sable et de leau ne va normalement durcir qu lair, sous leffet de la carbonata-tion, et non sous eau, sauf cas particulier. Et ce durcissement est trs lent. Les chaux qui ne durcissent qu lair sont appeles chaux ariennes; celles qui durcissent sous leau chaux hydrauliques.
Vitruve nous rapporte dans ses Dix livresdarchitecture au 1er sicle avant notre re que les Romains connaissaient la faon de rendre hydraulique un mortier base de chaux arienne lorsque lapplication le justifiait. Au livre 2, Vitruve cite ladjonction de tuileau, cest--dire dargile torrfie. Au livre 5, il parle dadjonction de terre venant de Pouzzoles, cest--dire la rgion volcanique des champs
16 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
Phlgrens prs de Naples. Il sagit galement dune argile torrfie haute temprature, mais rsultant des ruptions volcaniques. Cette faon de rendre hydraulique les chaux ariennes avec les cendres volcaniques, les Grecs lavaient probablement dcouvert bien avant les Romains avec les cendres volcaniques de Santorin. Mais quoi quil en soit, les gisements naturels de ces matires que lon appelle aujourdhui pouzzolaniques sont rares et ces matires ont toujours t trs chres. Et il nest pas du tout tabli que des matires pouzzolaniques aient t utilises pour composer le bton du Panthon. La maonnerie concrte, ou agglomre, semble avoir disparu avec les Romains, sans quon sache trs bien pourquoi.
LA LENTE DCOUVERTE DU CIMENT PORTLAND
la Renaissance, Vitruve est remis lhonneur. Mais au 18me sicle, on ne sait toujours pas ce qui rend certaines chaux plus hydrauliques que dautres. Blidor (1698-1761) dans son Architecture hydraulique (1737-1753), trait dingnierie de rfrence jusquau dbut du 19me sicle, ne fait que reproduire les rgles de Vitruve, avec les assertions fausses de ce dernier, comme celle qui voudrait que la meilleure chaux soit produite avec les pierres calcaires les plus pures. Beaucoup de savants naturalistes, dans divers pays, essayent de comprendre ce qui fait ce que lon appelle la force des chaux. titre dexemple, lingnieur anglais John Smeaton (1724-1792) travaillant la recons-truction du phare sur les roches dEddystone (au sud de Plymouth) en 1756, ayant besoin dun mortier faisant prise rapidement, fait des expriences systmatiques avec des chaux et dcouvre, contrairement ce quaffirmait Vitruve - et lon sait que Smeaton disposait dune copie de Blidor - que les chaux les plus hydrauliques ne sont pas faites avec les calcaires les plus purs, mais avec des roches marneuses, cest--dire contenant un peu dargile. Il obtient ainsi un mortier qui est, selon ses dires, plus rsistant que la meilleure pierre de Portland. Pourquoi ce nom qui sera si important dans lhistoire du ciment? La pierre calcaire de Portland ne permet pas de faire de la chaux ou du ciment, mais cest, en Angleterre, la roche dont on faonne la pierre de taille pour raliser la maonnerie des constructions de prestige.Cependant, il faut attendre les progrs de
la chimie pour permettre au franais Louis Vicat (1786-1861) dtablir en 1818 ce que Smeaton avait seulement entrevu, savoir quen labsence dargile ou de marne dans la roche calcaire, on pouvait raliser de bonnes chaux hydrauliques en mlangeant artificiel-lement des roches argileuses et du calcaire, et en soumettant le tout cuisson aprs homo-gnisation. Vicat est un ingnieur des Ponts et Chausses. Entre 1812 et 1822, il est en charge de la construction du Pont de Souillac sur le Lot (Dordogne). Ceci lamne devoir raliser des piles en rivire. La lente construction du pont cause de la faiblesse des crdits lui permet de mettre son temps profit pour tudier lhy-draulicit des chaux. Et cest lui qui comprend que lhydraulicit est fonction du poids des lments acides, cest--dire largile Alumine (Al2O3) et Silice (SiO2), par rapport au poids des lments basiques (la chaux) dans la roche ou dans le mlange artificiel soumis cuisson. Ce rapport, cest lindice dhydrauliciti et pour quune chaux soit hydraulique, capable de faire prise sous eau, il faut que i soit suprieur 0,28. Il faudra encore attendre 1884 pour que le chimiste Henry Le Chatelier (1850-1936) en donne la raison. Vicat publie ses rsultats en 1818, mais ne prend pas de brevet. Dailleurs, au dbut ses rsultats ne font pas lunanimit en France.Mais en Angleterre, certains en voient tout de suite lutilit commerciale. Dj en 1796, un vicaire anglican du nom de James Parker (ca 1750 - ca 1825), qui avait eu connaissance des rsultats de Smeaton publis seulement en 1791, avait observ quil pouvait obtenir un ciment naturel partir de roches calcaires haute teneur en Alumine provenant de lle de Sheppey (embouchure de la Tamise). Produit quil baptise ciment romain. Il sagit donc dun ciment naturel, qui est plutt une forme de chaux hydraulique naturelle, qui va rester trs en vogue pendant tout le 19me sicle. Mais sa production dpend de gisements en quantits limites o lon trouve des roches calcaires avec la bonne proportion dargile. Le Boulonnais en est une, mais galement le Tournaisis, o lon produit du ciment romain pendant tout le 19me sicle, la premire cimenterie ne sy installant quau dbut du 20me sicle. Le premier brevet de fabrication du ciment artificiel (par voie humide) date de 1824; il est pris par un briquetier de Leeds du nom de Joseph Aspdin (1779-1855). Lui obtient rellement aprs cuisson des nodules vitrifis - qui sont ce que lon appellerait maintenant du clinker- qui aprs broyage deviennent cette poudre grise que lon appelle
17 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
du ciment. Matire que lui baptise Ciment Portland en probable allusion commerciale la fameuse pierre calcaire utilise en Angleterre en maonnerie de taille de haute qualit. Cependant, Aspdin avait maintenu secret dans son brevet un lment cl, qui est la temprature de clinkrisation, 1450C, beaucoup plus leve que celles ncessaires pour produire des chaux. Si bien que des annes plus tard, la fabrication du ciment demeurait plein de mystre. On attribue enfin au producteur de ciment portland et chimiste anglais Isaac Johnson (1811-1911) davoir brevet scientifiquement la production de clinker en 1844. Les premires cimenteries productrices de ciment artificiel Portland apparaissent sur le continent vers 1850, et la premire en Belgique Cronfestu en 1872.
DBUTS DU BTON ARM
Maintenant que nous avons au milieu du 19me sicle la chaux hydraulique, le ciment naturel (ciment romain) ou le ciment artificiel, passons lassociation avec larmature, qui peut tre le fer doux ou lacier, mme cette poque. Traditionnellement, lhistoire franaise du bton arm fait remonter la premire construction en bton arm (ou ciment arm comme on disait alors) la barque de Lambot en 1848. Joseph Louis Lambot (1814-1887) est un agriculteur Brignolles (Var) qui imagine, pour canoter sur ltang de sa proprit Miraval, de raliser une barque constitu dun treillage en fer enduit de mortier.Cette barque, qui existe toujours (deux
exemplaires ont t raliss), est expose la seconde Exposition universelle, celle de 1855 Paris, mais personne ne la remarque (Fig.1). Lheure nest donc pas encore au ciment arm. En fait, il est probable que lide dassocier du mortier de chaux ou de ciment avec une armature en fer va natre indpendamment dans lesprit de quelques prcurseurs dans divers pays, et pour les planchers, la rsistance au feu est souvent un avantage mis en avant.
En 1851, un manufacturier de produits chimiques dorigine lyonnaise, Franois Coignet (1814-1888) vient stablir Saint-Denis, dans la rgion de Paris. Il se fait construire une maison en sinspirant de la technique traditionnelle du pis (cest--dire dargile dame) remise en lhonneur depuis la fin du 18me sicle par des architectes tels que Franois Cointeraux, Jean-Baptiste Rondelet (Fig.2) et Franois Martin. Mais dans les murs de sa maison, largile est remplace par un bton de chaux agglomr de mchefer (cest--dire de cendre de houille - on dirait aujourdhui du laitier). Et la terrasse de sa maison est entirement en bton agglomr, mais renforce de poutrelles en I en fer. Cet exemple est souvent cit comme application du bton arm, mais il sagit vraiment dune application isole, car lindustriel cherche dabord exploiter commercialement le caractre monolithique du bton non arm. En 1861, il cre une filiale pour exploiter les brevets du bton agglomr et dploie une grande activit commerciale dans le domaine des travaux publics. Le phare de Port Sad en 1869 est lun de ses derniers grands ouvrages car son entreprise priclite en 1872.
Figure 1: La barque
de Lambot (1849)1
18 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
En Grande Bretagne, on reconnat un inventeur isol du bton arm du nom de William B. Wilkinson (1819-1902), de Newcastle. Wilkinson est lun de ces nombreux fabricants de petits lments dcoratifs ou de construction, non arms, en pierre arti-ficielle. En 1854, il dpose un brevet pour la construction de planchers en bton renforcs darmatures, qui apparat beaucoup plus dvelopp que celui de Coignet quant la disposition et lancrage des armatures (Fig.3). On nen connat quune seule application: un cottage construit Newcastle en 1865 et dont la dmolition quelque 90annes plus tard laisse apparatre larmature constitue de cbles de mine remploys. La disposition des armatures prfigure des dispositions correctes qui ne seront retrouves que 40ans plus tard. Mais cette invention et cette application passent parfaitement inaperues.
Aux tats-Unis, William Ward (1821-1901), un ingnieur mcanicien, qui a probablement connaissance du bton agglomr de Coignet, se construit en 1873 Port Chester (NY) une maison de 1200m2 entirement en bton dont tous les lments sont renforcs darmatures mtalliques, suivant une disposition indiquant une parfaite comprhension, en avance sur son temps, du rle de larmature. Il sagit nouveau dune exprience isole. Lheure nest pas encore au bton arm aux USA.Revenons en Europe, quoiquavec un amricain. Thaddeus Hyatt (1816-1901), un juriste New Yorkais de formation, effectue Londres en 1877, dans le clbre laboratoire dessais des matriaux de David Kirkaldy, des expriences novatrices et trs intressantes de rsistance au feu dlments en bton arm, dans laquelle larmature est logiquement dispose. Les rsultats quil publie compte dauteur ne seront reconnus que beaucoup plus tard.Enfin, dans nos prcurseurs des annes 1870, il faut citer Joseph Monier (1823-1906), qui est un jardinier originaire dUzs (Gard), arriv Paris dans les annes 1840, horticulteur paysagiste en 1849. Dans les annes 1860, alors que les rocailles sont la mode, il commence raliser des lments en ferrociment, un peu linstar de Lambot. Son premier brevet, en 1867, concerne des bacs fleurs ou des caisses pour les orangers des Tuileries (Fig. 4). Il va rapidement multiplier les additifs son brevet initial de 1867 dans les domaines les plus varis: tuyaux et bassins fixes (1868), ponts et passerelles (1873) et poutres droites pour planchers et terrasses (1878). Il semble cependant que Monier nait jamais rellement peru le rle exact de larmature. Il y eu quelques applications de ses brevets, mais la commercialisation de ceux-ci en France dans les annes 1870 et 80 na jamais dcoll.
la fin des annes 1870, la construction en bton arm nexiste donc toujours pas. Ce nest que dans les annes 1880 quelle va tout doucement dmarrer.Cest ici quil faut, pour la Belgique et la France, mentionner le rle prpondrant de Franois Hennebique (1842-1921), petit entrepreneur originaire dArras, mais qui vient stablir en Belgique, y dpose son premier brevet en 1886 et ralise la premire construction en bton arm en Belgique: un plancher incombus-tible pour une villa Lombardzijde en 1889. partir de 1892, en prenant comme argument commercial de promotion du bton arm Plus dincendie dsastreux par rapport
Figure 2: Technique
traditionnelle du pis2
Figure 3: Brevet dpos par Wilkinson
pour des planchers en bton arm3
19 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
aux constructions mtalliques, F. Hennebique va construire progressivement un empire du bton arm qui occupera une position prminente pendant au moins quinze ans dans les pays latins, en ce y compris la Belgique.Dans les pays germaniques, Empire Allemand et Empire austro-hongrois, de mme quaux Pays-Bas, les dbuts du bton arm sont associs au nom de Monier. En effet, en 1885, Monier sest fait dpossd des droits de ses brevets en particulier par un ingnieur nomm Gustave Wayss (1851-1917), qui a probablement vu une illustration du systme Monier lors dune Exposition internationale Anvers en 1885 et qui en a peru le potentiel. Recherchant des applications en Allemagne, Wayss parvient convaincre en 1886 lingnieur de ltat prussien en charge de la construction du Reichstag, Mathias Koenen (1849-1924), dy utiliser des planchers en bton arm. Cest cette application qui lance le bton arm en Allemagne, o les dbuts, vers 1887, sont donc un peu antrieurs ceux de Hennebique en Belgique. Trs longtemps en Allemagne, le bton arm est appel Monierbau en rfrence aux brevets initiaux, mme si le renforcement du bton ne ressemble plus en rien celui dcrit dans ces brevets et que Monier nen retire aucun profit.Revenons en France dans les annes 1890.
Certes, Hennebique y jouit dune position dominante, mais il nest pas le seul promouvoir le bton arm. Il existe cette poque quantit de systmes brevets dcrivant la faon darmer les poutres. Il est difficile de nos jours dimaginer cela tant la conception du bton arm et le dtail de larmature sont codifis par des prescriptions rglementaires. Mais rien de tel au dbut du bton arm. Il nexiste que trs peu dessais et pas de thorie: tout est inventer. Sil faut pointer un nom parmi les concurrents de Hennebique, il faut retenir celui dEdmond Coignet (1857-1888), le fils de Franois Coignet, qui y va galement de son systme darmatu-rage dans un brevet de 1892, qui passe pour
Figure 4: Brevet dpos
en 1867 par Monier
pour la fabrication
de pots et caisses4
Figure 5: Exemple de
systmes en bton
arm brevets prsents
par Christophe5
20 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
avoir t le premier utiliser la prfabrication ds 1892 pour le casino de Biarritz et qui lon doit en 1894, en collaboration avec Napolon de Tedesco (1848-1922), responsable du bureau dtudes de lentreprise Coignet, lnonc du premier modle de calcul rationnel de fonc-tionnement dune section de poutre en bton arm soumise flexion.La dcennie 1890 est vraiment celle du lancement de la construction en bton arm. Au terme de celle-ci, en 1899, lingnieur des
Ponts et Chausses belge Paul Christophe (1870-1957) rdige un vritable tat de lart concernant cette technique, recensant brevets, applications, essais disponibles et mthodes de calcul. Le livre quil publie en 1902 avec ses articles crits en 1899 constitue le premier vritable trait de bton arm (Fig.5). Le bton arm est aussi abondamment utilis pour les constructions de lExposition universelle de Parisde 1900; le voil donc bien lanc comme le matriau de construction du 20me sicle.
PREMIRE GNRATION DE BTON ARM : LE RGNE DES BREVETS, ENTRE SYSTMES COMMERCIAUX ET NORMES NAISSANTES Armande Hellebois
INTRODUCTION
Pour conserver les structures en bton arm ralises au tournant du 20me sicle, il est indispensable dtudier en dtail leurs carac-tristiques techniques et technologiques pour ensuite intervenir, si ncessaire, de faon adapte et limite. En effet, les constructions en bton arm de cette priode diffrent des ouvrages postrieurs pour plusieurs raisons. La raison principale est que le bton arm tait rgi par lutilisation dun foisonne-ment de systmes commerciaux, majoritai-rement brevets1. La comptition entre les constructeurs a encourag le dveloppement du matriau et a stimul les innovations. De plus, les structures datant davant la Premire Guerre mondiale sont gouvernes par des mthodes empiriques de dimensionnement et dexcution lies chaque constructeur (entre-preneurs de travaux, architectes ou ingnieurs). Le rle des brevets, dposs en majorit par des praticiens, est donc dterminant dans lessor du bton arm au tournant du 20me sicle. Lap-parition des premires rglementations entre 1904 et 1923 va ensuite remplacer peu peu lutilit des systmes brevets.
LGISLATION BELGE SUR LES BREVETS EN VIGUEUR AVANT 1914
Sommairement, un brevet peut se dfinir comme un titre de proprit intellectuelle qui permet celui qui le dtient den avoir le monopole et den tirer du profit. Les effets positifs dun brevet sont de stimuler la recherche et linvention, de diffuser linnova-
tion et de protger linventeur2. Linvention et linnovation, en effet, sont deux concepts complmentaires. Selon Schumpeter, linvention est synonyme du processus de cration tandis que linnovation est le mcanisme qui transforme la nouveaut, cest--dire soit le concept abstrait soit un produit encore ltat de prototype expri-mental, en produit industriel et commercia-lisable. Un brevet reprsente alors un tat intermdiaire entre invention et innovation3.
La loi sur les brevets dinvention publie en 1854 dans le Moniteur Belge sera dapplica-tion en Belgique jusqu la Premire Guerre mondiale ( lexception des articles 7 et 22 qui ont subi des changements mineurs en 1857). Ce texte lgislatif, contenant 27articles, dfinit donc les droits et obligations dun dtenteur de brevet (Fig. 1). Trois types de brevets sont alors possibles: le brevet dinvention, de perfec-: le brevet dinvention, de perfec- le brevet dinvention, de perfec-tionnement et dimportation (art. 1) (Fig. 1). Ils donnent tous les mmes droits et obligations au propritaire de brevets. La dure de validit des brevets est de vingt ans, et le propri-taire de brevets doit sacquitter dune taxe annuelle (art. 3) (Fig. 1). Les droits du propri-taire sont de pouvoir exploiter son invention et de poursuivre en justice toute personne qui contre-faonnerait cette invention (art. 4) (Fig. 1). Cependant, aucun examen pralable du contenu navait lieu au moment de la soumission du brevet (art. 2) (Fig. 1). Par consquent, ni loriginalit ni la faisabilit pratique du brevet ntaient vrifies par le Ministre de lconomie et du Travail, instance charge, lpoque, de recueillir et de conserver les brevets. Cest pourquoi
21 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
on remarque, dune part, que la qualit des brevets est trs variable et, dautre part, que nombre de brevets dposs nont eu quun intrt, scientifique ou commercial, mineur. Cette absence dinspection tait galement courante en France alors quaux tats-Unis ou en Allemagne, les brevets suivaient une procdure plus stricte4. Le nombre de brevets dposs en Belgique jusquen 1914 est lev (autour de 11 000 brevets) compar aux tats voisins et compte tenu du nombre dhabitants3. Cela sexplique notamment par lintensit de lactivit conomique belge au 19me sicle (la Belgique tait alors une des premires puissances industrielles mondiales) et par son systme relativement libral daccs la prise de brevet.
LES PARTICULARITS DU BTON ARM PATENT
Avant la domination des normes sur le bton arm, cest--dire avant le dclenchement de la Premire Guerre mondiale, le bton arm est rgi par une multitude de systmes. Un systme est dfini comme une disposition particulire dlments mtalliques noys dans une matrice de bton5. Les renforce-ments mtalliques reprennent principale-ment les efforts de traction et le bton les efforts de compression. Linventeur dun systme spcifie le plus souvent le but et luti-lisation de son systme. Llment structural est donc clairement tabli dans le brevet et lauteur brevte souvent chaque lment sparment. Le nom de linventeur est ensuite
Figure 1: Articles 1 4
de la loi belge sur les
brevets dinvention
publie en mai 18546
Figure 2: Dtails des
diffrents constituants
dun brevet dinvention
dpos par Lon
Monnoyer et Fils en
1908 pour Blocs ou
claveaux en bton pour la
construction de puits et
ouvrages analogues6;
illustration dune
chemine ralise
avec ce systme7
22 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
associ au systme pour lapplication indus-trielle. Chaque brevet contient, outre le nom de linventeur et ventuellement celui du soumis-sionnaire, la date et le titre de linvention, une description dtaille de celle-ci en ce compris des illustrations et schmas explicatifs et, finalement, en conclusion un rsum de la dcouverte de lauteur (Fig.2).
Ces systmes brevets sont nombreux et, au stade actuel de nos recherches, nous en avons rpertori quelques 608 dposs en Belgique entre 1855 et 1913 inclus au sujet du bton arm au sens large du terme (Fig.3). Compa-3). Compa-3). Compa-rativement, lAllemagne acceptait environ 300 soumissions de brevets sur le bton arm en 1903 (contre 242 pour la Belgique en 1903) et la France recueillait autour de 263 brevets sur ce mme thme avant 1906 (contre 290 pour la Belgique avant 1906)8. En Belgique, le nombre de brevets dinvention est nettement suprieur au nombre dpos dans le registre du perfectionnement ou de lim-portation (Fig.3). Cela sexplique notamment
par le fait quune personne trangre pouvait aisment breveter en Belgique, via un agent local domicili dans le pays. Lutilit dun brevet dimportation tait donc limite. De plus, on remarque distinctement sur la Fig.3 laugmentation rapide de la production des brevets ds lanne 1890 mais surtout partir de lanne 1900 ainsi quun pic de soumission de brevets vers 1910. Cette tendance est observable galement dans le nombre de publications traitant du bton arm9 et dans le nombre de constructions, ou de projets de constructions, en bton arm Bruxelles repris dans notre inventaire. En fait, le bton arm, tel quon le dfinit aujourdhui, nexiste quasiment pas dans le secteur de la construc-tion avant 1890. Laugmentation rapide de dpts de brevets vers 1910 est probablement due une conjoncture favorable au progrs du bton arm. La formation de groupes de travail sur sa fabrication, son comportement, son utilisation a donn lieu aux publications des premires normes nationales et donc une certaine publicit et une confiance gran-
24 % Allemagne
15 % Autres pays
9 % USA
22 % France
30 % Belgique
8 % (3 4 brevets/auteur)
13 % (2 brevets/auteur)
79 % (1 brevet/auteur)
0
10
20
30
40
50
60
70
1850 1860 1870 1880 1890 1900 1910 1920
Nombre de dpts de brevets
Annes
Invention Importation
Perfectionnement Total
Figure 3: Nombres et
types de brevets traitant
du bton arm dposs
en Belgique avant 1914
Figure 4: gauche,
proportions de
brevets selon lorigine
nationale; droite,
statistiques du
nombre de brevets
dposs par auteur
23 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
dissante dans le matriau. De plus, Bruxelles a accueilli lExposition universelle de 1910, ce qui a peut-tre aussi stimul lactivit indus-trielle, puisque cet vnement tait loccasion lpoque dun important transfert de tech-nologies et de savoir-faire.
En ce qui concerne la nationalit des auteurs de brevets, 30% sont dorigine belge, 24% dorigine allemande, 22% dorigine franaise, 9% amricains et les 15% restant de diverses nationalits (Fig.4). Par ailleurs, 79% des auteurs nont dpos quun seul brevet et 8% de soumissionnaires ont dpos plus de trois brevets, ce qui montre lintrt engendr par lintroduction du bton arm dans le secteur de la construction mais aussi la varit dauteurs (Fig.4). Au dbut du 20me sicle, les auteurs de brevets sont principalement des personnes individuelles et non pas des groupes employs par des laboratoires de recherches ou des compagnies internationales10. La formation professionnelle de ces quelques 337auteurs est difficilement identifiable au travers de la seule lecture des brevets. Cependant, il semblerait que la majorit soit probablement des entre-preneurs, bien plus que des architectes ou des ingnieurs. Ceux-ci se sont intresss au nouveau matriau plus tardivement que les entrepreneurs11. Comme Christophe lcrit en 1899: Pendant que les ingnieurs doutaient et que les savants calculaient, les inventeurs ont appliqu et perfectionn, et lexprience, grce eux, saugmente tous les jours de faits nouveaux12.
QUELQUES RALISATIONS ET APPLICATIONS PRATIQUES EN BELGIQUE
Grce au recensement dun inventaire des ouvrages en bton arm implants en rgion bruxelloise et construits avant 1914 (plus de
500 biens linventaire jusqu prsent) ainsi que par le relev dtaill des brevets, il apparait que le systme du franais Franois Hennebique (1842-1921) domine nettement le march belge du bton arm avant la Premire Guerre mondiale. En effet, il a brevet dix-sept inventions ou perfectionnements en Belgique et est impliqu dans plus de 80% des projets en bton arm Bruxelles avant 1914 dans ltat actuel de notre inventaire. Aprs avoir commenc sa carrire en Belgique dans les annes 1880 (il dmnage le sige de son entreprise de Bruxelles Paris en 1897), Hennebique a russi crer un vritable empire et rpandre son systme de bton arm internationalement13. Comme la plupart des systmes de bton arm qui se sont exports avec succs, la russite commerciale de Hennebique rsulte dune combinaison de facteurs: un systme efficace sur le plan structural, une qualit dexcution de bton coul en place fiable et mticuleuse et un sens dvelopp des affaires, en matrisant lart de la promotion et de la publicit notamment. Le systme bien connu de Hennebique comprend un ensemble monolithique form par des dalles (hourdis), poutres et colonnes. Ce systme a, en ralit, volu avec le temps et cela se ressent aussi au travers des brevets.14 (Fig.5).
Dautres systmes ont t imports massivement en Belgique comme les planchers Siegwart ou Herbst par exemple. Des cas belges dexportations russies existent galement comme les claveaux pour la construction de tours par Monnoyer (Fig. 2) ou encore les pieux Franki mouls dans le sol, brevets la premire fois en 1909 par lentrepreneur Edgard Frankignoul (1882-1954) (Fig. 6). De nombreux systmes ont, par contre, t confins lchelle locale ou nationale (systme de lentrepreneur Alphonse Vasanne par exemple). Certaines innovations nont par
Figure 5: Dtails des
modifications de la
poutre dans deux de
ses brevets6 et systme
typique colonne-
poutre-dalle utilis par
Hennebique ds 1897
24 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
contre pas t brevetes mais il semblerait que cela concerne une minorit de cas, mme si Blaton en fut un exemple significatif. Dautres encore ont t utiliss abondamment dans les pays limitrophes mais nont pas eu de rel impact sur la construction belge pour de multiples et diverses raisons (comme, par exemple, les systmes Monier, utiliss en Allemagne notamment ou Considre utiliss en Allemagne et en France). En conclusion, la grande diversit des brevets dmontre un enthousiasme rel pour ce nouveau matriau mais leur impact conomique dans le secteur de la construction est difficile estimer15.
LA FIN DE LHGMONIE DES BREVETS
En Belgique, la premire norme sur le bton arm est publie en 1923 par lAssociation Belge de Standardisation. Cette publication est plutt tardive par rapport aux autres pays europens (Allemagne 1904; France, 1906; Italie et Autriche, 1907; Danemark, 1908; Suisse, 1909; Royaume-Uni, 1911; Les Pays-Bas, 1912). Suite lExposition universelle de Paris en 1900, la France avait constitu une commission dtudes charge ddicter des rgles de bonnes pratiques pour la conception dun ouvrage en bton arm, de la composition du bton au dimensionnement de la structure. Cela a abouti en 1906 la Circulaire franaise relative au bton arm, qui sera souvent utilise en Belgique comme document de rfrence jusqu la parution de Instructions relatives
aux ouvrages en bton arm (A.B.S de 1923). Cette directive franaise est nanmoins librale et vasive sur de nombreux aspects laissant ainsi une grande libert aux concepteurs. Lide sous-jacente ce rglement, en effet, tait dencadrer lutilisation croissante du bton arm tout en permettant dencourager son dveloppement thorique et exprimental par les constructeurs experts en la matire. Ces premiers rglements semblent tous privilgier la thorie lastique en contraintes admissibles pour le dimensionnent dune pice en bton arm. Cette thorie fut utilise pendant des dcennies pour tre ensuite progressivement abandonne au profit de modlisations plus ralistes et fiables. laube de la Premire Guerre mondiale, les mondes industriel et universitaire ont commenc collaborer de plus en plus pour amliorer les performances struc-turales du matriau. Ce processus entrainera la fin du monopole des systmes brevets qui tomberont en dsutude par la standardisation du bton arm ds lentre-deux-guerres.
CONCLUSION
De cette recherche sur les brevets dcoulent plusieurs enseignements exposs ci-dessous.
Avant la Premire Guerre mondiale, le bton arm est gouvern par de nombreux systmes, brevets pour la plupart. Les brevets sont donc une source primordiale dinformations actuellement toujours accessible.
Figure 6: gauche,
brevet doctobre 1909
dpos par Frankignoul
pour un pieu coul en
place avec fourreau
provisoire6; droite
exemple de mise en
pratique au chantier
des Fours Coke de
Vilvoorde en 191316
25 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
Le dpouillement des brevets permet didentifier lexpansion rapide du bton arm entre 1890 et 1914 et lactivit conomique qui y est lie. Les types dutilisation du bton arm, cest--dire les diffrents lments de structure employs et les technologies labores, sont galement observables.
Un brevet sur le bton arm ancien contient des renseignements techniques pouvant tre utiles pour comprendre certaines construc-tions existantes, en particulier lors de projets de restauration.
Les brevets comportent parfois des infor-mations sur les inventeurs et leurs pays dorigine (distinction entre invention locale
ou importe de ltranger, indication de la profession de linventeur, etc.). Certains promoteurs actifs dans la diffusion du bton arm sont donc rpertoris dans la base de donnes de lensemble des brevets.
Cependant, ltude des brevets est limite par labsence de contrle de laspect novateur du brevet lpoque, donc nombreux sont les brevets qui nont que peu dintrt scientifique. Par ailleurs, il est ncessaire de confronter les brevets avec dautres sources dinformations pour estimer correctement leur impact rel et leurs applications pratiques. La prise dun brevet, en effet, nest pas gage de leur impl-mentation commerciale concrte.
Le fonds darchives Hennebique est initiale-ment conserv par le Conservatoire National des Arts et Mtiers Paris (CNAM) entre 1967 et 1989, date laquelle il est dpos aux archives de lInstitut Franais dArchi-tecture (Centre darchives darchitecture du 20me sicle de la Cit de larchitecture et du patrimoine Paris). Bien quincomplet (estim 50000dossiers sur les 150000traits par lagence entre 1898 et 1967), ce fonds demeure avec celui du bureau dtudes Pelnard-Consi-dre et Caquot (Archives du monde du travail de Roubaix) lensemble de documents le plus important qui existe sur lhistoire de la construction en bton arm. Trs volumineux, il comprend 400mtres linaires de dossiers dtudes, 10 mtres linaires de pices dagences, 6500photographies (Fig.1) et la quasi- intgralit de la revue Le Bton Arm (1898-1939)1.
Les dossiers dtudes constituent le corps principal du fondset schelonnent de 1892 1939. Dimportance ingale (en termes de volume et de contenu), chaque dossier reoit un numro de commande (numro daffaire) correspondant celui de la srie du bureau central. Les dossiers se composent de pices crites (correspondance, notes de calculs, feuilles de quantits, feuilles de dtail et
Figure 1: Franois
Hennebique et
Giovanni-Antonio
Porcheddu sur le
chantier du pont du
Risorgimento, Rome
(octobre 1910)6
Figure 2: Stand Hennebique, Exposition universelle
de Gand 1913: panneau de photographies montrant
les ouvrages les plus rcents excuts par la firme6
PRSENTATION DES ARCHIVES HENNEBIQUESimon Vaillant
26 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
emploi des armatures) permettant de dresser la commande des matriaux, mais aussi dans certains cas de documents imprims (devis explicatifs, cahiers des charges, affiches dad-judication, etc.), de documents graphiques techniques (tirages et calques de plans darmatures, plans de structures, plans de ferraillages), de documents graphiques archi-tecturaux (tirages et calques de plans darchi-tectes, dingnieurs ou dentrepreneurs)2. Les photographies appartiennent au domaine de lexcution, du chantier ; elles taient envoyes par les agents et les concessionnaires pour tre exposes dans les salons et congrs (Fig.2) ou publies dans la revue Le Bton Arm et dans les brochures commerciales. Archives au sige de la firme (situ de 1902 1967 au 1 rue Danton Paris), elles taient
nettoyes, voire retouches afin de corres-pondre limage de marque dHennebique. Le bureau dtudes rinvestit alors le chantier par la photographie et sapproprie louvrage dont lexcution lui chappe; il se forge ainsi, du corpus trs difficile cerner que constitue la production btie, une vritable identit, ce qui semble faire dfaut ses concurrents3.
La firme cre en 1898 une revue mensuelle qui savrera tre un vritable organe officiel: Le Bton Arm (Fig.3). Les numros se composent de dossiers spcifiques une typologie ddifice (silos, rservoirs, usines, thtres, grands magasins, etc.) ou dexposs thmatiques rcurrents : rsistance aux tremblements de terre, incombustibilit, tanchit, etc. Des planches imprimes montrent les ralisations les plus significa-tives, dtails techniques caractristiques lappui, des images qui oscillent entre lillustra-tion technique et lencart publicitaire. En cela, la revue fait partie intgrante du dispositif prescriptif dtaillant, grce aux planches et notices autographiques, lensemble des oprations ncessaires la mise en uvre du systme Hennebique4.
La majeure partie de ces archives est en bon tat de conservation et ne prsente que peu de signes daltration. Au cours du classement actuellement men, chaque document est rfrenc, cot et class selon une approche topographique, diffrant du classement originel de lagence Hennebique. Celui-ci consistait en un dcoupage typologique deux niveaux de hirarchie: six grandes sries (habitations, btiments publics, btiments industriels, ouvrages du gnie civil, silos et rservoirs et essais) dont les subdivisions tota-
Figure 5: Bureau central Hennebique, Paris (1912),
Edouard Arnaud, arch.; Roquerbe et Compagnie,
entr.; vue intrieure des bureaux dtudes6
Figure 4: Bureau central
Hennebique, Paris (1912),
Edouard Arnaud, arch.;
Roquerbe et Compagnie,
entr.; vue intrieure du
service des archives6
Figure 3: Couverture
de la revue Le Bton
Arm, n 302, avril 1933.
27 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
lisaient 32catgories douvrages. chacune de ces catgories correspondait un rpertoire dans lequel les archivistes de la rue Danton enregistraient les photos (Fig.4). Tous les lments de ce catalogue nous sont parvenus, fournissant de nombreuses informations utilesau classement (indications gogra-phiques, attributions des protagonistes, etc.)2.
Le traitement des photographies a commenc en 1994 pour sachever en 2000. 300tirages ont t numriss; la numrisation intgrale du reste des photographies demeure en projet.Le traitement des dossiers dtudes, commenc en 2005, se poursuivra jusquen 2016. ce jour, plus de deux tiers des dossiers du fonds sont dores et dj consultables grce la saisie instantane de linventaire. Cet inventaire est consultable sur la base de donnes en ligne Archiwebture et lensemble des archives est communicable au Centre darchives dar-chitecture du 20me sicle (Paris). Linterroga-tion synchronique de ce corpus volumineux et complexe fait ressortir des rcurrences topony-
miques,chronologiques, patronymiques - et permet didentifier la concomitance entre la diffusion progressive du matriau bton travers un rseau dingnieurs dpositaires des brevets et lvolution de sa mise en uvre (Fig.5)5.
Alors que lhistoire de larchitecture crdite scrupuleusement le chantier - le confiant lhistoire des techniques - les archives Hennebique rvlent justement larchitec-ture travers sa matrialit constructive. Elles apportent un clairage nouveau sur le travail et sur luvre des architectes qui, trs tt confient leurs projets au constructeur qui a su gagner leur confiance. En exprimentant les potentialits structurale et architectonique du bton, ils assimilent cette nouvelle matire mais perdent le contrle du projet constructif. Ce catalogue douvrages, mi-chemin entre lingnierie et larchitecture, constitue un grand rservoir dinformations dsormais accessible pour les chercheurs.
LE BTON ARM . LA GENSE DE LA CONSTRUCTION EN BTON ARM EN BELGIQUE AU TRAVERS DE LA REVUE DE FRANOIS HENNEBIQUEStephanie Van de Voorde
FRANOIS HENNEBIQUE ET LA BELGIQUE
Bien quil soit sduisant de dire que le bton arm est une invention belge ou encore quHennebique est linventeur de ce matriau, comme il la dclar lui-mme, il est plus correct de dire quil a invent son systme de bton arm pendant son long sjour en Belgique. Il tait Franais de naissance mais lge de 25ans, il franchit la frontire pour dmarrer une entreprise de construction en Belgique, dabord Courtrai et ensuite Bruxelles. Il resta en Belgique pendant 30ans, et durant cette priode il btit les fondations de son futur empire. En 1892, aprs une longue priode dessais et dexprimentation, il dposa un brevet et lexploita commercialement au travers de son bureau dtude Bruxelles. Grce son ingnieux rseau form dagences locales et de concessionnaires, lempire dHen-nebique stendit rapidement, avec des rami-tendit rapidement, avec des rami-it rapidement, avec des rami-fications dans la plupart des pays dEurope de lOuest ds le dbut du 20me sicle. Mme si le sige central fut transfr de Bruxelles Paris en 1897, Hennebique resta trs attach
la Belgique: aprs la France et la Suisse, la Belgique est un des pays o son monopole na cess de grandir. Limportance du rseau dHennebique peut tre value grce lin-ventaire des archives du Fonds Hennebique Paris. Bien quune partie seulement de cet
Figure 1: Page de
couverture de la revue
Le Bton Arm1
IDMTexte tap la machine
28 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
inventaire soit accessible sur Internet, le mot cl Belgique est mentionne quelque mille fois. Le contenu des dossiers varie dune simple photo quelques boites. Une autre approche de recherche, plus pragmatique, est danalyser la revue dHennebique, qui fut publie de 1898 1939 (Fig.1).
LA FRONTIRE ENTRE INFORMATION ET PROPAGANDE
La revue, avec ses 378numros au total, est un outil prcieux pour comprendre lhritage dHennebique. La revue tait un moyen parmi dautres dans la campagne publicitaire dHen-nebique de diffuser largement son systme. Avec une moyenne de 3000 10000tirages chaque mois, la revue permettait de contrler une grande partie de la presse et dimposer lautorit dHennebique sur la construction en bton. Dans cette perspective, le titre de la revue est rvlateur: en la baptisant Le Bton Arm, elle embrasse en mme temps le matriau en lui-mme et le secteur entier de la construction en bton. Par son caractre international et sa longue dure de publication, la revue fut lavant-garde de la presse technique: la collection, outre le reflet de lempire dHennebique, est aussi une rfrence essentielle pour documenter lhistoire gnrale du bton arm de la fin du 19me sicle jusqu la Seconde Guerre mondiale. Une lecture attentive de la revue permet danalyser son contenu et son importance au fil des annes. Depuis 2011, la collection de la revue Le Bton Arm est, en effet, consultable sous format numrique grce un partenariat de lUniversit de Gand et de lInstitut Franais dArchitecture (http://lib.ugent.be/lebetonarme/). La revue offre un aperu des applications de ce secteur en dveloppement ainsi que de la structure et du fonctionnement de lentreprise. ct des articles factuels, la revue offre aussi des articles plus polmiques. Les thmes rcurrents sont la suprmatie absolue du bton arm, surtout vis--vis de la scurit incendie et de la rsistance au feu, la recherche dun nouveau style architectural pour le bton arm et le dveloppement de normes officielles. Bien que les moyens et le discours de la revue aient chang petit petit, la stratgie principale fut toujours de convaincre et de dominer. Le langage souvent militant et polmique place la revue la frontire entre information et propagande. Lensemble des rsultats du rseau Hennebique fut largement diffus alors que les concurrents taient vivement critiqus.
Bien entendu, la revue ne fait pas mention des revers et tensions lintrieur du rseau Hennebique. Lhistoire relle de la socit prsente donc un dcalage avec son histoire prsente dans sa revue.
LE BTON ARM ET LA BELGIQUE
Le discours gnral de la revue a dj t tudi par exemple par Delhumeau et Simonnet et, grce leur analyse critique, limportance de la revue est largement salue. Vu la relation parti-culire dHennebique avec la Belgique, la revue mrite une tude systmatique en Belgique. La revue spcialise la plus mentionne en Belgique est La Technique des Travaux, qui fut publie par la Compagnie Internationale des Pieux Franki. Une autre revue un peu moins connue est la revue franco-belge Revue du Bton Arm: elle montre certaines ressem-blances avec la revue dHennebique mais, tant publie seulement aprs la Premire Guerre mondiale, elle noffre pas dinformations sur les premires applications du bton en Belgique. La revue dHennebique est donc une source de documentation unique. Une des principales raisons de labsence de plus dtudes sur la revue rside probablement dans la raret de la collection. Ce nest que depuis 2009, grce une donation importante du Fonds Hennebique de Paris que la collection de lUniversit de Gand est maintenant complte aux trois-quarts. La revue contient de nombreuses rfrences divers types de structures et btiments en Belgique. Bien entendu, la revue se concentre principalement sur la France, mais compar dautres pays, il semble que la Belgique soit bien reprsente et que la Belgique soit en fait un cas dtude reprsentatif: les thmes rcurrents comme la qualit de rsistance au feu et les nouvelles possibilits architecturales du bton sont amplement illustrs par des ralisations belges. Bien sr, ds quune tape importante tait franchie ou un anniversaire tait clbr, les activits dHennebique au dbut de sa carrire en Belgique revenaient lesprit. De plus, les publications darticles plus techniques crits par des ingnieurs belges rvlaient ltat de lart en Belgique tant sur le plan des questions pratiques que sur celui des avances thoriques scienti-fiques. Donc, on peut considrer que le climat gnral dpeint dans la revue correspond au contexte du secteur de la construction en bton arm en Belgique, dun point de vue pratique comme thorique.
http://lib.ugent.be/lebetonarme/
29 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
APPLICATIONS ET ARTICLES AVANT LA PREMIRE GUERRE MONDIALE
Linventaire mensuel des travaux excuts par la compagnie tait indiqu dans la rubrique travaux du mois, ce qui est une source valable dinformations sur ltendue du rseau Hennebique en Belgique. Une analyse de cette rubrique montre quavant la Premire Guerre mondiale il y avait 45concessionnaires belges; les plus productifs taient Bolse & Hargot, Hargot & Somers dAnvers, Delvaux de Saint-Gilles, Louis de Waele de Bruxelles et Maurice Prax et sa Socit des Fondations de Lige. La compilation de la liste des travaux du mois du bureau de Bruxelles totalise 1200travaux bien que la collection soit incomplte et que tous les travaux ne soient pas rigoureusement mentionns dans ces listes. Des articles spars donnent plus de dtails sur quelques applications. Par exemple, la maison Dubois-Petit de larchitecte Saintenoy Bruxelles est considre comme une des premires maisons tout en bton arm de Belgique, mais elle a t dmolie aprs quelques annes car elle aurait entrav la vue du roi (Fig.2). Un autre exemple est le pont de Merksem Anvers, un magasin Bruxelles, des travaux de renforcement en sous-uvre de lglise Notre-Dame de Laeken, les structures du Zoo dAnvers, les magasins Tietz Bruxelles (Fig.2) et le stand dHenne-bique lExposition universelle de Gand en 1913 (Fig.2).
Une ralisation en particulier mrite plus dattention: la passerelle Mativa de Lige, construite pour lExposition universelle de 1905. Parce que ce pont est extrmement lanc, il est dcrit comme le pont idal par excellence. Il a t soumis de svres tests, avec application de charges variables de 450cavaliers et un rgiment dinfanterie, raliss en prsence dHennebique lui-mme (Fig.3). Comme le pont a pass avec succs ces tests, la revue a souvent cit ce pont en exemple pour soutenir la thse du bton arm comme le matriau idal pour construire les ponts.
Figure 2: Maison
Dubois-Petit Bruxelles1,
Magasins Tietz
Bruxelles1, Hennebique
lExposition
universelle Gand1
Figure 3: Passerelle
Mativa Lige1
30 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
Un autre vnement spectaculaire et comparable, souvent mentionn, fut le test au feu effectu par Hennebique sur un pavillon lExposition provinciale Gand de 1899: aprs trois heures dincendie intensif avec des tempratures jusqu 1000degrs, la capacit portante du pavillon resta intacte. Outre ces applications pratiques et ces tests, montrer des photos des structures mtalliques endommages par le feu tait une pratique courante, par exemple avec leffondrement de ponts ou encore la catastrophe de lExpo-sition universelle de Bruxelles de 1910. Un cas particulirement frappant illustre bien la supriorit du systme Hennebique: en 1901, en quelques jours seulement, un incendie a dtruit deux usines Bruxelles: lune tait compltement anantie alors que lautre, une filature construite selon le systme Hennebique, tait reste intacte. Cette occasion fortuite fut un exemple parfait pour dmontrer le fameux slogan dHennebique Plus dincendies dsastreux.
Pour valider lautorit dHennebique, la revue cite aussi des spcialistes comme Charles Rabut et Armand Considre, mais aussi des spcialistes belges comme Paul Christophe, un ingnieur belge du ministre des travaux publics qui eut aussi sa tribune. En 1899, Christophe crivit une srie darticles intitul Le bton arm et ses applications pour Les Annales des Travaux Publics de Belgique. Un peu plus tt cette anne-l, Christophe assista un congrs annuel dHennebique. Ceci permet de comprendre pourquoi le systme Hennebique occupe une place prpondrante dans les crits de Christophe. Hennebique fut trs satisfait de reproduire ces articles dans sa propre revue. En 1902, Christophe publia une dition revue et largie de ses articles dans un livre, qui est reconnu internationalement comme un des tous premiers recueils sur le bton arm.Un autre ingnieur et architecte belge cit dans la revue est Louis Cloquet, professeur lUniversit de Gand et qui travailla plusieurs reprises avec Hennebique. Il ajouta une contribution intressante au dbat entre bton arm et architecture, lillustrant avec un exemple dimmeuble quil avait construit Gand (Fig.4). Cependant, il conclut avec une remarque critique sur lutilisation du bton arm en faade, laquelle manquait encore souvent dexpression car, toujours selon Cloquet, le style architectural appropri pour le bton arm navait pas encore t trouv. Le comit de rdaction de la revue sempressa dajouter une note dans laquelle il nuana le propos de Louis Cloquet.
LE BTON ARM PENDANT LENTRE-DEUX-GUERRES
Aprs la guerre, la structure et le contenu de la revue furent transforms: puisque le bton arm tait petit petit accept, la revue perdit sa raison dtre. Le nombre croissant dentrepreneurs et dingnieurs spcialiss en bton arm fit perdre lentreprise Hennebique sa spcificit et le nom dHenne-bique perdit de son pouvoir commercial. En tmoigne le changement dans le sous-titre, qui avant la guerre soulignait la cohrence du rseau dHennebique, mais qui aprs la guerre, devint plus gnral avec Revue technique et documentaire en bton arm systme Hennebique. En 1932, la rfrence Hennebique disparait compltement du sous-titre, encore que le Post-it improvis sur la page de couverture des derniers numros,
Figure 4: Immeuble dhabitation Gand par Louis Cloquet1
31 HISTOIRES DE BTON ARM - PATRIMOINE, DURABILIT ET INNOVATIONS
montre une tentative de restaurer le lien avec son fondateur. ct du contraste frappant de forme et dimpact, la revue perdit aussi de sa valeur informative: presque trois-quarts de la revue concerne des publicits et numration des concessionnaires. Souvent, la revue contient seulement un ou deux articles de fond, qui pour la plupart consistent en photos. De plus, trs peu darticles sont originaux, la plupart tant des reproductions provenant dautres revues, par exemple Lmulation , la revue de la Socit Centrale dArchitecture de Belgique, qui publia des articles sur lglise de Blharies dHenri Lacoste et des nouveaux btiments de lUniversit de Bruxelles. Le Bton Arm reproduisit galement des articles de La Technique des Travaux, qui ironiquement fit de la publicit dans Le Bton Arm, indiquant quil sagit dune revue quil faut lire pour se tenir au courant ! Les deux derniers numros de la revue sont consacrs exclusivement la Belgique. En juillet 1939, la revue donne des dtails sur le laboratoire de bton arm Gand, cr par Gustave Magnel (Fig.5). Aussi la rubrique Saviez-vous? se concentre sur la Belgique (Fig. 5). Le dernier numro offre une rtrospec-tive des 50ans du bton arm en Belgique, avec seize pages de reportage photo sur les structures les plus