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PARIS PHOTO MOIS DE LA PHOTO N° 9 novembre-décembre 2014 I BEL.: 5,20 I www.sheyemagazine.fr le magazine lifestyle de la PHOTOGRAPHIE Portrait RENCONTREAVEC SAM STOURDZÉ Politique JEAN-CLAUDE COUTAUSSE, L’ŒIL DU MONDE Focus Chine LIANZHOU FAIT SON FESTIVAL Art vidéo L’INVASION URBAINE 2.0 PAR GRAFFITI RESEARCH LAB Économie LA PHOTO D’ART CÔTÉ BOUTIQUE Société RÉCIT D’ANTICIPATION DANS LA FRANCE RURALE PARIS PHOTO & MOIS DE LA PHOTO LES AUTEURS ONT LACOTE L 19203 - 9 - F: 4,90 - RD DOSSIER COMMENT UNE PHOTO DEVIENT - ELLE DE L’ART?
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Fisheye Magazine #9

Apr 06, 2016

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Documents

Au sommaire [ DOSSIER ] Ces photos qui s'invitent sur le marché de l'art [ PORTRAIT ] Sam Stourdzé [ MONDE ] À Lianzhou, la Chine fait son festival [ PORTFOLIO ] Arno Brignon, Free Doors to Spain [ SOCIÉTÉ ] Dystopia d’Alexa Brunet et Patrick Herman [ HISTOIRE ] Rockabilly 82 [ POLITIQUE ] La photo au journal Le Monde [ ART VIDÉO ] Graffiti Research Lab [ PORTFOLIO DÉCOUVERTE ] Laurent Villeret [ PORTRAIT ] Evgen Bavcar, un photographe aveugle [ CHRONIQUE ] Images Sociales par André Gunthert — En kiosque du 10 novembre à fin décembre 2014
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PARIS PHOTOMOIS DE

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le magazine lifestyle de la PHOTOGRAPHIE

PortraitRENCONTRE AVEC SAM STOURDZÉ

PolitiqueJEAN-CLAUDE COUTAUSSE, L’ŒIL DU MONDE

Focus Chine LIANZHOU FAIT SON FESTIVAL

Art vidéoL’INVASION URBAINE 2.0 PAR GRAFFITI RESEARCH LAB

ÉconomieLA PHOTO D’ARTCÔTÉ BOUTIQUE

SociétéRÉCIT D’ANTICIPATION DANS LA FRANCE RURALE

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LES AUTEURS ONT LA COTEL

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DOSSIERCOMMENT UNE PHOTO DEVIENT-ELLE DE L’ART ?

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Directeur de la rédaction et de la publication Benoît [email protected]

Rédacteur en chef Éric [email protected]

Directeur artistique Matthieu [email protected]é de Alissa [email protected]

Secrétaire générale de la rédaction Gaëlle [email protected]

Rédactrices Marie [email protected] Camille Lorente [email protected]

Ont collaboré à ce numéroMaxime Delcourt, Gwenaëlle Fliti, Maxime Lancien, Sylvain Morvan, Camille Moulonguet, Lucie de Ribier, Olivier Richard, Marine Valès

Régie externe Alexandra Rançon / Objectif Mé[email protected] 00 32 484 685 115www.objectif-media.com

Directeur commercial, du développement et de la publicité Tom [email protected] / 06 86 61 87 76

Directeur administratif et financierVirginie Sevilla

Service diffusion, abonnement et opérations spécialesJoseph Bridge [email protected]

Marketing de ventes au numéro Otto Borscha de BO Conseil Analyse Média É[email protected] 67 32 09 34 Impression Léonce Deprez ZI « Le Moulin », 62620 Ruitzwww.leonce-deprez.fr

Photogravure Fotimprim 33, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75011 Paris

Fisheye Magazineest composé en Centennial et en Gill Sans et est imprimé sur du Condat mat 115 g

Fisheye Magazine est édité par Be ContentsSAS au capital de 10 000 €. Président : Patrick Martin. Actionnaire : Denis Cuisy.8-10, passage Beslay, 75011 Paris.Tél. : 01 48 03 73 90 www.becontents.com [email protected]

Dépôt légal : à parution. ISSN : 2267-8417. CPPAP : 0718 K 91912.Tarifs France métropolitaine : 1 numéro, 4,90 € ; 1 an (6 numéros), 25 €. Tarifs Belgique : 5,20 € (1 numéro). Abonnement hors France métropolitaine : 40 € (6 numéros). Bulletin d'abonnement en p. 119.

Tous droits de reproduction réservés. La reproduction, même partielle, de tout article ou image publiés dans Fisheye Magazine est interdite.

Contributeurs

Ours

Laurent VilleretIl découvre la photo au lycée, suit une formation à l’école Louis-Lumière et commence sa carrière dans le golfe persique. Il enseigne ensuite la photographie au Centre Iris et s’intéresse à l’image documentaire. Il travaille pour l’édition et la presse, a cofondé le collectif Dolce Vita (2002) et, depuis 2007, est membre de la coopérative

Picturetank.

André GunthertChercheur en histoire culturelle et études visuelles, il est maître de conférences à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il fonde la revue Études photographiques en 1996, puis le média collaboratif Culture visuelle en 2009. Ses travaux récents sont publiés sur le

blog L’Image sociale.

Jean-Claude CoutausseLauréat du prix Niépce en 1993, il étudie la photo à Orthez et commence sa carrière au service photo de l’armée, puis à l’AFP. Il passe les années 1980 à Libération. Avec l’agence Contact Press Images, ce photographe travaille pour de nombreux titres en France comme à l’étranger, de L’Express à Télérama, en passant par le New York Times Magazine… Aujourd’hui, il est l’un des collaborateurs réguliers du Monde.

Alexa BrunetAprès des études à l’Art College de Belfast, puis à l’ENSP d’Arles, la photographe partage désormais son temps entre les travaux pour la presse et les institutions et des projets personnels qu’elle réalise avec des rédacteurs ou des artistes. Elle fait partie du collectif de photographes Transit et ses images sont diffusées par la coopérative

Picturetank.

Patrick Herman Il se définit lui-même comme un « journaliste-paysan », il a collaboré avec de nombreux titres comme Politis, Le Monde diplomatique, Campagnes solidaires, Paris Match, Alternatives internationales, Sciences et Avenir ou la revue XXI. Il a déjà publié plusieurs livres et travaille

en indépendant.

Arno BrignonInstallé à Toulouse où il répond à des commandes pour la presse, ce photographe développe aussi des projets personnels. Son travail a été distingué par plusieurs prix, bourses et résidences, comme en 2013 celle de la ville de Corbeil-Essonnes qui a donné lieu à une exposition accompagnée d’un livre. Il est représenté par la maison

de photographes Signatures.

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Page 3: Fisheye Magazine #9

ÉditoDE LA CINÉTIQUE

DE L’IMAGEBENOÎT BAUME, DIRECTEUR DE LA RÉDACTION

Pourquoi une photo devient-elle une œuvre d’art ? Voici l’épineuse question que nous avons essayé de prendre à bras-le-corps en ces temps où nous célébrons l’image comme un art, entre Paris Photo et le Mois de la Photo. La réponse pourrait sembler évidente, celles qui se vendent en seraient, alors que les autres n’accéderaient pas à ce statut. Avec la photo, la pro-blématique est non seulement plus complexe, mais elle est en perpétuel mouvement et pas forcément de manière linéaire. Ce qui était vrai hier ne l’est plus aujourd’hui. La question de la classification de la photo – reportage, plasticienne, publicitaire, mode ou vernaculaire – ne fait plus sens. Tout s’entrechoque, et ce sont finalement le point de vue d’auteur et l’originalité de la démarche qui donnent une existence intellectuelle à une image. Au sein de Fisheye, les auteurs sont au cœur de nos quêtes. La dynamique d’une image allie la force de l’esthétique et la pesanteur de son sens. Dans les musées, en galerie, dans un livre, dans un fanzine, sur un site, sur un blog ou dans un post, nous guettons cette alchimie si rare qui peut éclairer votre journée. Sommes-nous un magazine d’art, d’art de vivre, pour vivre la photo ou autre chose ? Fisheye ne se définit pas, il s’invente. Comme la photographie contemporaine. Ce numéro consacre la quête des territoires, que cela soit celle des frontières de l’Espagne avec Arno Brignon ou à travers la force onirique de Laurent Villeret. Deux manières très différentes et originales d’envisager un sujet, mais qui font indéniablement sens. Comme la démarche du nouveau patron des Rencontres d’Arles, Sam Stourdzé qui en appelle à l’audace des curateurs pour inventer de nouvelles formes d’exposition aux côtés des photographes. Sûrement que la réponse de la photo d’art se cache un peu de ce côté-là aussi. Une image a besoin d’un auteur, mais aussi d’un dévoilement et d’une mise en abyme. Une photo, selon l’endroit où elle est montrée, change de sens. Un peu comme avec les images de Théo Gosselin et de ses amis que nous avons publiées dans le premier hors-série de Fisheye (en vente jusqu’à la mi-janvier) et qui trouvent une force différente lorsqu’elles sont imprimées sur papier, sans que cela paraisse évident a priori. Expérimenter, montrer, se tromper et parfois avoir raison, voici notre mission au sein de Fisheye. Notre nouveau site Internet, en ligne depuis un mois, nous aide encore davantage dans cette mission. Nous sommes en mouvement, comme l’image, avec peu de certitudes mais beaucoup d’envie. De quoi pourrions-nous rêver de mieux ?

Page 4: Fisheye Magazine #9

P. 45E XPOS ITIONSVu d’ailleurs

P. 48FOCUSÀ Lianzhou, la Chine fait son festival

P. 52PORTFOLIOFree Doors to SpainArno Brignon

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P. 59SOCIÉTÉDystopiaAlexa Brunet et Patrick Herman

P. 10LES DESSOUS DE L A COUVAndrew B. Myers

P. 13TENDANCEÇa bouge dans les images…

P. 15TENDANCEFilter Fakers, la police du filtre

P. 18MÉTIERDans la mémoire photographiqueValérie Massignon, recherchiste d’images

P. 20PORTR AITSam StourdzéMonsieur le commissaire

P. 22 — DOSS IER

Ces photos qui s’invitent sur le marché de l’art

P. 66HISTOIRERockabilly 82La fureur de vivre

P. 68ÉDUCATIONLes petites graines de la photo

P. 71FONDATIONLa collection J.P. Morgan Chase

instantanés

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P. 78ÉCONOMIEPhoto d’art côté boutique

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P. 83CAMÉR A TESTOlivierEn virée photographique à New York

P. 86SHOPPING APPARE ILSMatos

P. 88SHOPPING ACCESSOIRESKawaii

P. 91ATEL IER PHOTOSmartphoto et spaghettis

P. 93PHOTO MOBILEDe l’art dans le smartphone

sensibilité

P. 110ÉDITIONNeus Une belle réputation en quatre livres

P. 112LIVRESPhotothèque

P. 114AGENDAExpositions d’automne

P. 116FL ASHUne photo, une expo

P. 117IMAGES SOCIALESAndré Gunthert

P. 120COMMUNIT YTumblr des lecteurs

P. 122CHRONIQUE

P. 104EN APARTÉDreamy Camera Cafe, le café grand format

P. 106PORTR AITEvgen Bavcar De l’autre côté du regard

révélateur

P. 73POLITIQUE

L’œil du Monde

P. 95ART V IDÉOGraffiti Research Lab

P. 98PORTFOLIO DÉCOUVERTELaurent Villeret

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Andrew B. Myers

TexTe : Éric KarsenTy – PhoTos : andrew B. Myers

Derrière un store vénitien jaune, une main aux ongles vernis de rouge se glisse entre les lames… Une main de femme à première vue, mais qui sait ? Le début d’intrigue d’un polar sulfureux ? Nous n’en saurons pas plus, Andrew B. Myers aime garder le secret sur ses images délicieusement étranges. Finalement, le goût du mystère est préférable, il laisse libre cours à notre imagination.

Andrew B. Myers est né en 1987 dans une petite ville du fin fond de l’Ontario. Ado-lescent, il se consacre au dessin avant de s’intéresser à la photographie. Son travail se focalise sur la banalité du quotidien dont il extrait des images d’une grande rigueur formelle. Il n’a pas toujours d’appareil photo avec lui, mais quand quelque chose attire son attention, il le note pour le reprendre dans un cadre très contrôlé. Andrew B. Myers explore la relation entre les hommes et les objets avec légèreté et humour, dans un style qui met en valeur les couleurs et la composition. Sa

fascination pour la culture pop et son goût pour le vernaculaire s’expriment dans un esprit singulier. Il partage son temps entre New York, Paris et Toronto, et travaille, entre autres, avec Time, GQ, Le Monde, Playboy, Wired, Vice, Target et Universal Music.Toute la rédaction de Fisheye a été unanime. La photo d’Andrew B. Myers s’est imposée comme une évidence pour la couverture de cette neuvième livraison, dont le dossier explore la photo et le marché de l’art. Pourtant, notre directeur artistique et notre graphiste n’avaient pas ménagé leurs efforts en montant plusieurs

dizaines de unes… Mais l’élégance discrète de l’image mâtinée d’une délicieuse étrangeté nous a séduits d’emblée. Nous espérons que son mystère piquera aussi votre curiosité et que, à l’instar du personnage qu’on devine derrière le store, il vous incitera à regarder plus loin. Une invitation à voyager au cœur de votre magazine pour y découvrir les pépites visuelles que la rédaction a dénichées ces dernières semaines.

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CES PHOTOS QUI S’INVITENT SUR LE MARCHÉ DE L’ART

Pourquoi certaines photos sont-elles considérées comme des œuvres d’art, et d’autres pas ? Qu’est-ce qui différencie la photo de M. Tout-le-Monde de celles qui se vendent sur le marché de l’art ? Des questions simples dont les réponses ne le sont pas forcément… D’Andreas Gursky à Ernest Pignon-Ernest en passant par le Mobile Came-ra Club ou la photographie anonyme, Fisheye vous emmène à la rencontre des acteurs et observateurs de ce marché en pleine explosion.

dossier rÉaLisÉ par gWenaëLLe FLiti, Éric karsenty, MaxiMe Lancien, caMiLLe Lorente et caMiLLe MouLonguet

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DE LA ROUTE AUX

CIMAISESLes routes de Mike Brodie, l’Américain, et de Matt Wilson, l’Anglais, vont se croiser cet automne à la galerie Les Filles du Calvaire, à Paris, qui organise leur première exposition personnelle en France. S’ils ont tous deux choisi la photo pour chroniquer leur vie, ils n’avaient pas, à l’origine, l’idée de faire œuvre, ni l’ambition d’être artiste. C’est pourtant bien sur la case « marché de l’art » qu’on les retrouve aujourd’hui.

Mike Brodie est né en Arizona et arpente le territoire américain en nous livrant des images brutes. Durant quatre années, il voyage en clandestin, de train en train, sur 50 000 miles de voies ferrées d’une Amérique déjà tant photographiée. Il faut dire que Mike Brodie débute son périple à 17 ans. Il commence à photographier avec un vieux Polaroid trouvé sur le siège arrière d’une voiture. Sa première série sur les tags laissés sur son passage au gré des errances ferroviaires lui vaudra le surnom de « Polaroid Kidd ». En 2006, il continue son périple en 35 mm. Il égrène alors au fil du temps ses images presque punk, encore nimbées par la poussière de la route.

« Ses œuvres me fascinent, explique Christine Ollier qui organise cette exposition dans le cadre du Mois de la Photo. Mike Brodie a l’intuition d’une photographie très cinématographique, avec les lumières particulières de la Californie. Un sens de la composition qui leur donne une grande puissance, alors qu’elles ont été faites à l’arraché. » Mike Brodie fait des photos de ses amis et de son entourage sans volonté particulière de les montrer. Mais après avoir été présenté à Los Angeles par Benjamin Trigano (fondateur de la galerie californienne M+B) et après une exposition à New York, c’est le travail d’une maison d’édition, Twin Palms Publishers, qui déclenche sa notoriété avec la publication de A Period of Juvenile Prosperity, un livre très vite épuisé qui sera réédité prochainement. « J’ai découvert son travail, il y a deux ou trois ans, à la galerie Yossi Milo, à New York. Une expo que j’ai trouvée formidable. Je n’ai pas décroché de ce travail jusqu’à pouvoir l’exposer, précise Christine Ollier. Désormais, d’après mes informations, Mike Brodie aurait arrêté de faire de la photographie pour se consacrer à la mécanique. »

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MIKE BRODIE, FROM THE SERIES A PERIOD OF JUVENILE PROSPERITY #1027, 2006-2009. C-PRINT. ENTRE 5 000 ET 10 000 €, SELON LE FORMAT.

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MATT WILSON, UNTITLED TEXAS #1, 2011, DE LA SÉRIE UNTITLED (USA), C-PRINT. ENTRE 750 ET 1 600 €, SELON LE FORMAT.

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This Place Called Home, de Matt Wilson, éd. Filigranes.

Matt Wilson prend ses clichés avec nonchalance. C’est un globe-trotter qui aime se balader, utilise des pellicules périmées achetées sur Internet, dont le résultat aléatoire fait partie de l’aventure. « J’ai découvert son travail à New York, pendant la crise de 2008, explique Christine Ollier. Il exposait de toutes petites photos à 250 dollars, c’était sa première expo. Matt Wilson n’a jamais pensé qu’il était artiste. Il se disait vaguement photographe, avec beaucoup d’humilité. » Pourtant, la machine s’emballe vite. « La première fois qu’on l’a présenté à Paris Photo, on a vendu plus de 50 tirages ! Matt Wilson était sidéré de ce succès », précise la galeriste parisienne. Ses prix de vente sont relativement bas (de 750 à 1 600 euros) grâce à une édition assez large de 30 exemplaires. « Je suis aussi une galerie d’art contemporain, mais je pense qu’il faut garder une certaine accessibilité des œuvres », poursuit Christine Ollier.

À ses débuts, Matt Wilson photographie un peu partout en Europe, à commencer par son pays natal, l’Angleterre, mais aussi en France, dans les pays de l’Est, à Cuba, au Cambodge… et à la demande de sa galeriste parisienne, il travaille sur les États-Unis, son pays d’adoption depuis plus de quinze ans. Grâce à ses premières ventes, il dispose

de temps à consacrer à sa photographie et n’est plus obligé de faire des chantiers pour gagner sa vie. « Ce qui est intéressant, c’est de voir comment son travail évolue. On passe de photographies d’amateur, d’une certaine manière, à quelqu’un qui réfléchit et découvre qu’il a un langage, explique la galeriste. Il s’est mis à lire ses images et plus seulement à les faire. Au moment de l’editing, il y a un vrai travail. C’est flagrant sur Cuba où ses premières photos étaient plutôt romantiques. Aujourd’hui, il y a une fulgurance et une précision dans ses compositions. On sent son regard se consolider et son langage se complexifier. »

Le travail de Matt Wilson est donné à voir, à l’encontre des tendances de la photographie contemporaine, dans de tout petits formats, qui conviennent parfaitement à son regard intimiste. Relation qu’on retrouvera dans un livre publié aux éditions Filigranes à l’occasion de cette exposition qui circulera en France et en Angleterre. Entre réel et onirisme, Matt Wilson trouble notre vue et provoque une bascule poétique. Ses paysages ressemblent

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Expositions A Period of Juvenile Prosperity, de Mike Brodie, et This Place called

Home, de Matt Wilson, jusqu’au 30 novembre 2014,

à la galerie Les Filles du Calvaire (Paris).

Retrouvez Matt Wilson en interview sur www.fisheyemagazine.fr / Rubrique « C’est dans le mag ! »

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© AndreAs Gursky / AdAGP PAris 2014 / Courtesy MonikA sPrüth GAlerie, köln et thoMAs hennoque / FondAtion CArMiGnAC.

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LES ACQUISITIONS RÉCENTES DU MoMA DE NEW YORK À PARIS PHOTOPour la première fois de son his-toire, le Museum of Modern Art (MoMA) de New York présente hors les murs une exposition entièrement centrée sur ses ac-quisitions récentes. L’occasion de découvrir 84 photographies de 23 photographes et artistes, toutes acquises depuis 2013, qui reflètent quelques-unes des directions de la politique d’acquisition du dépar-tement dirigé par Quentin Bajac. L’ex-conservateur pour la photogra-phie du centre Pompidou précise : « Nous avons, avec Sarah Meister qui codirige l’exposition avec moi, choisi de nous concentrer, à Paris, sur la photographie américaine au sens large du mot (Amérique du Nord et Amérique latine), car cela nous paraît faire sens de présenter en Europe des photographies non européennes. Cela dit, la politique d’acquisition du MoMA est très dynamique et les œuvres sélection-nées ne représentent qu’une partie d’entre elles. Nous aurions pu faire une exposition d’égale qualité avec les œuvres non américaines acquises ces deux dernières années. À terme, l’objectif est de parvenir, dans les acquisitions, à un équilibre Amérique/non-Amérique – Europe, mais également Afrique, Asie, etc. »

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REGINA SILVEIRA, ENIGME 3, 1981. TIRAGE GÉLATINO-ARGENTIQUE (29,6 X 39,7 CM).

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COLLIER SCHORR, PICTURE FOR WOMEN, 2010. PIGMENTED INKJET PRINT, 166,4 X 125,1 CM, THE MUSEUM OF MODERN ART, NEW YORK, ACQUIRED THROUGH THE GENEROSITY OF THE CONTEMPORARY ARTS COUNCIL OF THE MUSEUM OF MODERN ART.

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Sur quels critères sélectionnez-vous les galeries présentes à Paris Photo ? Les galeries déposent les dossiers des œuvres

qu’elles souhaitent présenter à la foire et leurs candidatures sont étudiées par un comité de sé-lection composé de galeristes reconnus au niveau international. Ce comité examine l’originalité des propositions, leur importance, la pertinence de la direction artistique de la galerie, et essaie de garder un équilibre afin que la diversité du marché soit représentée.

La course aux grands formats semble être passée de mode… Il y a eu un effet de mode où certains

photographes et galeristes se disaient il faut « faire comme », il faut « faire tableau », que les acheteurs en aient pour leur argent. Évidemment, cela a donné lieu à des erreurs. Je pense que nombre de photographes et de galeristes en sont revenus. Une maturité s’est établie pour attribuer un type de format en fonction du type d’image. La photo a retrouvé une sérénité dans laquelle on reconnaît la diversité des approches, c’est d’ailleurs ce qui en fait la richesse : il y a aujourd’hui une diversité de langages et d’écri-tures. On est ému devant une œuvre quand le langage est juste.

« CRÉER L’ESPACE

POUR QUE LE MARCHÉ SE DÉVELOPPE »

JULIEN FRYDMAN, DIRECTEUR

DE PARIS PHOTO

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VALÉRIE BELIN, STILL LIFE WITH MIRROR (14020701), 2014. PIGMENT PRINT ON ENHANCED EPSON PAPER, 135 X 171 CM, ENTRE 25 000 ET 35 000 €.

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François Cheval, le directeur du musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône, était commissaire général de l’édition 2012 du festival de Lianzhou. Il vient d’être nommé directeur honoraire du musée de la Photographie qui est en train d’être construit sur place. Pour lui : « La Chine n’est pas qu’un géant économique basé sur l’exploitation de la classe ouvrière et l’expropriation de la paysannerie. C’est aussi un pays qui est passé directement de la pauvreté à une hyper-modernité, ses photographes sont passionnants. Ils essaient absolument toutes les techniques et se posent des questions de fond au-delà de la technique : est-ce que la photographie sert à quelque chose ? Au profit de qui ? Ils se posent les bonnes questions et sont surprenants. »Éclectiques, les œuvres exposées à Lianzhou ont comme dénominateur commun leur impact : à la destruction du paysage chinois (Wang Jiuliang, Huang Qingjun) répondent les chairs blessées de Chen Zhe ou les corps flétris de

Li Lang. Ces illustrations saisis-santes des outrages subis par la mère patrie et ses habitants sont contrebalancées par l’irruption de la tradition (Chi Peng), qui n’est

Nation-continent, la Chine produit une photographie à son image : protéiforme, turbulente, intelligente, fascinante.

Témoin de cette vitalité, le festival de Lianzhou (proche de Canton) fête son dixième anniversaire en présentant

les œuvres de plus de cent artistes.TexTe : Olivier richard

À Lianzhou, la Chine

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ZENG LI, EAST THIRD RING, WORLD TRADE BRIDGE, 2006.

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Retrouvez plus de photos de la jeune scène chinoise sur www.fisheyemagazine.fr / Rubrique « C’est dans le mag ! »

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HONG HAO, BOOK-KEEPING, 2008.

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HUANG QINGJUN, PHOTOS ISSUES DE LA SÉRIE

FAMILY STYLE, 2013.

jamais bien loin en Chine, et les créations internationales de Wang Qingsong et Hong Hao, ou encore l’humanité bouleversante des portraits de femmes-soldats de Li Yuning.

DE NOUVEAUX COURANTS PHOTOGRAPHIQUES

François Cheval poursuit : « La photographie chinoise est vraiment révélatrice de toutes les lignes de partage de la société. Aujourd’hui, en Chine, se pose la question fondamentale de l’identité et du prix de la modernisation. Il y a des interrogations profondes sur le modèle économique et le coût de la croissance. Certains photographes en parlent directement, d’autres sous forme métaphorique ou allégorique. » Cofondateur de la galerie Paris-Beijing où ont exposé plusieurs grands noms de la photo chinoise (Liu Bolin, Wang Qingsong), Romain Degoul explique : « La photographie chinoise a beaucoup évolué depuis le début des années 1990. À l’époque, elle se

résumait souvent à enregistrer des performances d’artistes plasticiens. Plusieurs grands artistes de cette époque, partis à l’étranger, sont revenus en Chine et ont créé des départements de photographie dans les écoles d’arts visuels, ce qui a créé une émulation. Depuis cinq ou six ans, on assiste à l’émergence de nouveaux courants photographiques. Il y a ce que j’appellerais la “génération numérique”, des artistes qui se servent des outils digitaux pour modifier leurs photographies, exprimer leurs fantasmes, leur moi interne. Il existe aussi un courant plus introspectif, qui est le fruit du travail de ceux nés de la politique de l’enfant unique. Des artistes qui ont autour de la trentaine, qui étaient les enfants chéris de leur famille, et qui ont tendance à regarder leur nombril, à donner leur point de vue sur la société, la politique, la culture, l’environnement… »François Cheval voit, lui aussi, deux tendances principales dans la photographie chinoise de ces dix dernières années : « La première rassemble les photographes qui accompagnent

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Free Doors to Spain TEXTE : ARNO BRIGNON – PHOTOS : ARNO BRIGNON / SIGNATURES

Fisheye laisse carte blanche à Arno Brignon pour un voyage aux frontières de l’Espagne. Une série sur des territoires à la marge de l’Europe, où paradis fiscaux, émigration et

ultralibéralisme composent un mélange détonnant.

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PAGE DE GAUCHE :LARGE DE 14 KILOMÈTRES, LE DÉTROIT DE GIBRALTAR EST LE SEUL PASSAGE MARITIME ENTRE L’OCÉAN ATLANTIQUE ET LA MER MÉDITERRANÉE. CONSIDÉRÉ COMME FAISANT PARTIE DES EAUX INTERNATIONALES, IL VOIT PASSER PLUS DE 100 000 BATEAUX PAR AN. 2013.

ENTOURÉE PAR SA HAUTE BARRIÈRE DE SÉCURITÉ, L’ENCLAVE DE CEUTA RESSEMBLE À UNE NASSE DANS LAQUELLE MIGRANTS MAROCAINS ET ESPAGNOLS SEMBLENT BLOQUÉS EN ATTENTE DE JOURS MEILLEURS. 2010.

À GIBRALTAR, ELDORADO ÉCONOMIQUE, ON VIENT CHERCHER LA FORTUNE. MAIS LE REVERS DE LA MÉDAILLE, C’EST QU’IL FAUT CUMULER DEUX OU TROIS EMPLOIS EN TRAVAILLANT SIX À SEPT JOURS PAR SEMAINE. 2014.

TRAVERSÉE DU DÉTROIT DE GIBRALTAR EN BATEAU. AU FOND, ON APERÇOIT L’ENCLAVE DE CEUTA, TERRITOIRE ESPAGNOL EN TERRE MAROCAINE. 2011.

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MISE AU POINT

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Dystopia est un pays imaginaire situé sur le territoire français. Imaginaire, mais qui plonge ses racines dans la réalité du sys-tème économique et sociétal d’aujourd’hui qui tend à faire de l’agriculture une industrie comme une autre. Le récit utopique des années 1950-1960 sur les bienfaits de l’agriculture dite « moderne » a fait long feu. Chaque jour, nous pouvons constater les atteintes à la santé pu-blique et à l’environnement que cette agriculture porte en elle. Tel est le point de départ de ce travail journalistique incarné par une série de photographies scénographiées et accompagnées de textes documentés. Une enquête qui dénonce en filigrane la responsa-bilité d’un système dans lequel, pour certains, la rentabilité prend le pas sur le devenir de notre territoire commun. « Le chambardement de la France paysanne est, à mes yeux, le spectacle qui l’emporte sur tous les autres, dans la France d’hier et, plus encore, d’aujourd’hui. » Ces

mots de l’historien Fernand Braudel, publiés en 1986 dans L’Identité de la France, restent plus que jamais d’actualité. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une lame de fond balaie les campagnes fran-çaises : il faut nourrir une population épuisée et faire entrer le « progrès » dans un monde paysan jugé archaïque, voire arriéré. Progrès technique et progrès social semblent alors marcher de pair dans l’effervescence d’une « modernisation » menée au pas de charge. L’utopie se décline sous forme d’impératifs qui ne souffrent aucune discussion : de grandes unités produisent plus à surface égale que

de petites et moyennes fermes, la production ne peut augmenter qu’avec l’élimination de nombreux paysans, les exportations permettent de nourrir la planète. Un demi-siècle plus tard, le constat est amer : depuis les années 1970, 60 % des agriculteurs ont disparu et, parmi les survivants, le suicide a un taux de prévalence de 20 % supérieur à la moyenne nationale, l’érosion des sols s’aggrave sans cesse avec la perte de la matière organique indispensable à la vie, des centaines de races animales ont disparu, les pesticides se retrouvent dans nos assiettes, et les algues vertes, sur les côtes, le modèle agroalimentaire

breton est en faillite, tan-dis que la faim gagne du terrain dans le monde. Derrière la modernisa-tion, se dissimulait une industrialisation encou-ragée par l’État, l’utopie des années 1960 est devenue « dystopie ». Ce retournement, Dystopia le raconte par les mots et par les images : 2030, c’est déjà demain !

DYSTOPIA

Afin de préfigurer à quoi pourrait ressembler la France rurale dans quelques années, Alexa Brunet et Patrick Herman ont

réalisé un reportage d’anticipation sur les ruptures profondes qui affectent la paysannerie française. Des mises en scène

qui dénoncent avec beaucoup de sérieux et une pointe d’ironie l’industrialisation de l’agriculture.

TexTe : PaTrick Herman – PHoTos : alexa BruneT

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APPAUVRISSEMENT DE LA BIODIVERSITÉ

Les messicoles, plantes associées aux moissons, vivent avec les céréales depuis dix mille ans et ont accompagné les migrations de populations à partir du sud du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient. Depuis le début des années 1970, elles ont reculé en France de 30 à 70 % et la majorité des espèces est en voie de raréfaction, beaucoup sont

même en voie d’extinction. Sécurisant l’alimentation des insectes pollinisateurs – dont les abeilles – et offrant refuge aux insectes auxiliaires contre les ravageurs des cultures, elles sont victimes notamment des pratiques de l’agriculture industrielle : utilisation intensive d’herbicides et développement des cultures d’organismes génétiquement modifiés (OGM).

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PESTICIDES

À la guerre comme à la guerre ! Au début du XXe siècle, les fabricants des armes chimiques utilisées pendant la Première Guerre mondiale ont trouvé un nouveau débouché en les transformant en pesticides pour l’agriculture. Avec 62 700 tonnes de substances actives vendues, la France était en 2011 en tête des utilisateurs en Europe. La vigne, avec ses 783 000 hectares qui occupent seulement 3,7 % de la surface agricole utile, en a consommé 20 % la même année. Une enquête a mis en évidence à la fois la contamination des salariés travaillant en viticulture et celle des riverains habitant à proximité des vignes, avec trois résidus identifiés en moyenne chez ces derniers. Une étude récente révèle que les effets toxiques des pesticides sur les cellules humaines sont des centaines de fois plus importants que ceux causés par la seule matière active du produit en raison de la non-prise en compte des adjuvants utilisés. En mai 2014, l’épandage de pesticides a provoqué l’intoxication de 23 élèves et de leur institutrice dans le nord de la Gironde. Le 6 mai dernier, le Conseil d’État a suspendu les autorisations d’épandage aérien en France, mais un arrêté soumis à consultation prévoit de nouvelles dérogations. Opposée à toute réglementation, la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants

Agricoles) a manifesté pour pouvoir continuer à « travailler ».

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OGM

La recherche fondamentale ne chôme jamais : le lapin transgénique fluorescent mis au point par l’Inra s’appelait Alba. On ne connaît pas le nom du poisson transgénique, également fluorescent, apparu aux États-Unis en 2004. Le Canada n’a pas manqué de prendre part à la course, menée par une poignée de grandes compagnies aidées par la recherche publique, avec ses saumons et ses porcs transgéniques dès 2000. Les plantes OGM dites « à pesticides », qu’elles les produisent ou qu’elles les tolèrent, sont aussi depuis longtemps l’objet de toutes les attentions. Avec le blé, le riz, le concombre, la tomate, le prunier, la vigne, etc., l’enjeu est de taille : breveter la base de l’alimentation.

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Évreux, 1982. Gilles Rigoulet croise la route d’une bande de jeunes en blousons de cuir et coiffés de bananes gominées. Des murs des chambres couverts de posters à la chaleur des concerts, ce témoignage sur les jeunes rockers français refait surface dans un livre.

TexTe : Camille lorenTe – PhoTos : Gilles riGouleT

Le grand public le découvre au fil des né-gatifs qu’il ressort de ses cartons. Premier photographe attitré du Monde, Gilles Rigoulet distille ses séries de photos des années 1970 à 1990 pour éclairer notre époque. Après la publication de ses images de la piscine Molitor, parues dans la presse lors de sa rénovation, et son exposition de clichés inédits sur le jazz en septembre dernier, voilà un nouveau reportage qui est exhumé. Ambiance cuir et gomina.

PERSONNE NE FAISAIT SEMBLANT

Flash-back. Dans les années 1980, Gilles Rigoulet collabore à La Dépêche d’Évreux et croise Cartier-Bresson au Monde. Il se passionne pour tous les sujets du moment. C’est ainsi qu’il découvre le Banane’s Club d’Évreux et plonge dans l’univers du rockabilly pour l’hebdo de l’Eure. « J’ai vu ces mecs à Évreux qui por-taient des bananes, se souvient le photographe.

J’ai proposé de les suivre, et ils étaient assez flattés. » À l’époque, Gilles Rigoulet travaille déjà sur le rock en Angleterre. Tous ses copains ont des groupes de musique et il traîne dans les concerts et les festivals de Londres. Mais que font ces garçons (et ces quelques filles) en blouson de cuir au beau milieu de l’Eure, trente ans après la naissance du rock’n’roll ? « Il y avait une base américaine à Évreux, rappelle Gilles Rigoulet. Elle a été fermée par de Gaulle dans les années 1960, mais beaucoup de bars et de dancings créés par les Américains sont restés. » Nées dans les fifties, les contre-cultures rockabilly et Teddy Boys font un retour en Angleterre à la fin des années 1970 et déferlent sur la France. À Paris, le phénomène prend la suite des blousons noirs au son de Rock This Town des Stray Cats. « C’était une époque où il y avait des croyances. Ce n’était pas une panoplie, explique le photographe. C’était leur vie, ça allait très loin. Personne ne faisait semblant. »

Avec les rockab’ d’Évreux, il veut « faire un travail de fond ». Trop de photographes se contentent de chroniquer les sorties de ces jeunes en profitant de leur présence dans les bars et les concerts. Lui souhaite les replacer dans leur contexte social, professionnel et familial. La plupart du temps, ils sont ouvriers ou mécanos. Certains sont fils d’immigrés et les photos racontent le quotidien de cette nouvelle génération venue d’Algérie. « Le truc à avoir, c’était la voiture », se souvient Gilles Rigoulet en évoquant les Simca, ces voitures françaises qui copiaient le style américain. Il suivra durant trois mois ces équipées sauvages, toujours en bande, de leurs chambres au disquaire, du bar au salon de coiffure.

FRAÎCHEUR UNIVERSELLE

En 1982, Aleixandre Rodriguez n’était pas né. Trente ans plus tard, il ren-contre Gilles Rigoulet sur une brocante du

www.fisheyemagazine.fr / Rubrique « C’est dans le mag ! »

Rockabilly 82La fureur de vivre

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Retrouvez plus de photos de Rockabilly 82 sur

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IIIe arrondissement de Paris. Le photographe y vend des reproductions de ses photos. Le trentenaire fan de contre-culture flashe sur sa série Rockabilly 82. Il lui propose de pu-blier ces images très peu vues dans un livre et devient son assistant. « Gilles s’inscrivait dans cette esthétique qui me plaisait déjà, explique Aleixandre. La Beat Generation, les bikers de Danny Lyon, James Dean… » Sous les oripeaux rock, c’est la fraîcheur universelle de l’adolescence qui séduit. « Il y a un côté naïf qui m’a tout de suite accroché, raconte Aleixandre. On voit que les parents ne comprennent pas, mais qu’ils laissent faire quand même. » Auteur d’un blog et pigiste pour des médias culturels sur lesquels il partage ses trouvailles, Aleixandre Rodriguez n’a alors qu’une idée

en tête : montrer ce reportage aussi rare que passionnant. Dans le livre Rockabilly 82, les textes de Gildas Lescop, docteur en sociologie spécialisé dans les sous-cultures, viennent éclairer les photos. « Son intervention donne un vrai cadre informatif pour accompagner les images, se félicite Gilles Rigoulet. C’est un univers extrêmement codé, notamment au niveau vestimentaire, lié aussi à l’histoire de la musique. Il met les choses en perspective. » Le photographe poursuit, quant à lui, son travail sur le rock, mais le rock d’aujourd’hui. Dans quelques décennies, on retrouvera peut-être nos contemporains au détour d’une brocante.

Rockabilly 82, de Gilles Rigoulet (éd. Serious Publishing). Sortie prévue en décembre 2014.

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RÉVÉLATEUR

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La scène se déroule le 7 mai 2012, à l’aube. La France se réveille avec un nouveau président, François Hollande, élu avec plus de 51 % des suffrages. Mais, au 80 boulevard Auguste-Blanqui, dans le XIIIe arrondissement de Paris, les journalistes du Monde se creusent encore les méninges. Quelle image choisir pour cette une qui fera date ? Après de longs débats (auxquels on assiste dans le documentaire Les Gens du Monde, d’Yves Jeuland), le rédacteur en chef, Didier Pourquery, tranche pour une photographie du nouveau chef de l’État à Tulle, tête levée, bras ouverts, aux côtés de sa compagne Valérie Trierweiler, qui le tient par la taille. L’image s’étale sur les deux tiers de la

une, simplement accompagnée d’une citation du nouveau président : « Merci, peuple de France. » Un choix audacieux. Surtout quand on connaît la culture très littéraire du quotidien du soir, où la photo n’a pas toujours eu droit de cité (lire encadré p. 76). « Hollande et Trierweiler ont beaucoup aimé ce cliché, révèle Jean-Claude Coutausse, qui en est l’auteur. Je leur en ai offert un exemplaire. D’ailleurs, elle était encore affichée sur la cheminée du président, à l’Élysée, plusieurs mois après leur rupture… » Par omission ou nostalgie ? Mystère.Jean-Claude Coutausse couvre l’actualité politique pour Le Monde

depuis 2005. « Lui et Sébastien Calvet [dont on présentait le travail pour Libération dans le tout premier numéro de Fisheye, NDLR] sont les deux meilleurs photographes politiques de la place de Paris », assure Nicolas Jimenez, directeur de la photo au Monde. Le parcours qui a mené ce reporter de 54 ans jusqu’aux couloirs de l’Élysée est assez atypique. Issu d’une famille modeste,

Jean-Claude Coutausse a grandi en Dordogne, à Monpazier, bourgade de 500 habitants. « Dans les années 1970, le photographe véhiculait une image de sex-symbol. Quand mes amis du village songeaient à entrer à EDF ou aux PTT, moi, je rêvais

Alors que le quotidien Le Monde fête son 70e anniversaire, Fisheye est allé à la rencontre de l’un de ses éminents reporters, Jean-Claude Coutausse.

Photojournaliste de renom, ce quinquagénaire shoote le gratin de la classe politique française depuis 2005 avec une passion intacte.

texte : sylvain Morvan

L’œil du onde

SOIRÉE DU SECOND TOUR DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE.

FRANÇOIS HOLLANDE EST ÉLU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

ET APPARAÎT DEVANT LA FOULE AVEC SA COMPAGNE, VALÉRIE

TRIERWEILER. TULLE, LE 6 MAI 2012.

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OlivierEn virée photographique à New York

Quel appareil prendre avec vous pour partir deux semaines dans une des villes les plus photogéniques du monde ? Directeur artistique

dans une agence de publicité parisienne, Olivier a embarqué notre sélection spécialement pensée pour visiter la Grosse Pomme.

TexTe eT phoTo : Marie abeille

Olivier, 29 ans — Originaire du sud de la France, Olivier a suivi ses études à l’École supérieure privée d’arts graphiques et de communication visuelle Axe Sud, à Marseille. En 2008, il s’installe à Paris pour travailler en alternance dans l’agence digitale Publicis Net/Marcel en tant qu’assistant directeur artistique dans le cadre de son master.

À la fin de son cursus, le jeune designer graphique s’établit définitivement à Paris et enchaîne les expériences dans diverses agences avant de re-joindre l’agence de publicité Rosapark en 2010. En septembre dernier, il s’envole pour un voyage de deux semaines à New York afin de profiter de l’animation de cette ville cosmopolite et dynamique.

Côté matos, Olivier possède un reflex Canon EOS 40D avec un zoom 18-55 mm proposé en kit et une optique fixe 85 mm f/1,4. Trop encombrant et contraignant pour son usage, il le laisse un peu de côté ces derniers temps et lui préfère son smartphone pour les photos du quotidien et sa GoPro Hero2 pour ramener des images vidéo.

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Découvrez les photos

d’Olivier à New York sur

www.fisheyemagazine.fr / Rubrique « C’est

dans le mag ! »

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SENSIBILITÉ

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L’histoire du graffiti est faite de mythes, de légendes urbaines, de fantasmes et d’artistes créant plus ou moins dans l’illégalité des œuvres au message foncièrement engagé. C’est le cas du Graffiti Re-search Lab (GRL) qui, au-delà des bombes de peinture ou des pochoirs, tente d’inventer ses propres outils de réappropriation de l’espace urbain. Fondé à New York en 2005 par Evan Roth et James Powderly lors de leur résidence au studio Eyebeam, ce collectif, connu pour avoir inventé le L.A.S.E.R Tag, le EyeWriter (primé au Ars Electronica en 2010) et les LED Throwies (sortes de petites diodes électroluminescentes pouvant être projetées sur des structures métalliques), s’est, depuis, décentralisé dans différents pays du monde. Ces dernières années, des Graffiti

Research Labs se sont en effet créés au Japon, en Australie, au Brésil, au Mexique ou au Luxembourg, mais la plupart n’existent plus. Seuls ceux d’Allemagne et de France restent encore actifs en Europe et reprennent

les intentions du modèle américain, à savoir déve-lopper des outils open source et de communications urbaines à destination d’activistes (graffeurs, etc.).

RÉCUPÉRATION DE TECHNOLOGIE

Jérôme Saint-Clair, à l’origine du GRL fran-çais, nous en dit un peu plus : « J’ai eu l’idée de créer un Graffiti Research Lab en France en mars ou avril 2011, quand j’ai réalisé que j’avais dans mon entourage un certain nombre de personnes susceptibles d’être emballées

par le projet. Grâce au bouche-à-oreille, on a rapidement rassemblé une petite dizaine de personnes et on a lancé officiellement le projet en mai 2011. Depuis, on réunit des personnalités très variées, certains membres sont spécialisés dans le design, l’électronique ou le développe-ment de logiciels, d’autres sont graffeurs ou chercheurs. » Ce large panel de compétences n’a évidemment rien d’anodin : il permet au collectif de réaliser rapidement des projets divers, de s’enrichir des aptitudes de chacun, mais surtout de dresser un très exact portrait du monde contemporain, sans complaisance ni moralisme. Au point d’être davantage considérés comme des hackers plutôt que comme des artistes ? « On n’a aucun problème avec ce mot parce qu’on est dans une logique de récupération de la technologie ou de matériel, dans le détournement, dans une

Depuis 2011, le Graffiti Research Lab français mêle le graffiti aux technologies open source, envahit les villes en mélangeant le réel et le virtuel et transforme les objets du quotidien en outils insolites.

Rencontre avec Jérôme Saint-Clair, initiateur du projet.TEXTE : MAXIME DELCOURT

Graffiti Research Lab : invasion 2.0

de l’espace urbain

ATELIER LIGHTPAINTING AVEC LA COMPAGNIE DE DANSE

HIP-HOP DE DIDIER MAYEMBA, RÉSIDENCE GRL FR À L’ESPACE

JEAN-ROGER CAUSSIMON, TREMBLAY (MARS 2013).

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Continuez à nous envoyer vos photos, Fisheye adore faire de nouvelles découvertes :contact@ becontents.com

C O M M U N I T YS E N S I B I L I T É

Tumblr des lecteurs

MSNG DIARYLes filles sont stylées, et la foule, chauffée à blanc. Moitié journal de bord trash, moitié portfolio mode imprégné de coolitude, le Tumblr de Julian donne envie de se saper pour sortir faire la fête et bouger ses cheveux. Oh, yeah !

msngdiary.tumblr.com

DELLI TAKES PICTURESD’habitude, cette jeune photographe parie plutôt sur la mise en scène pour transcrire ses songes en images. Mais sur ce journal, Delphine Millet conserve ses photos de tous les jours, des captures spontanées mais toujours maîtrisées, qui suivent le fil de ses pérégrinations, de Bali à Strasbourg.

dellitakespictures.tumblr.com

AS I GO OUT SOMETIMESIci, on trouve de tout. Normal puisque Rafaël vient de créer ce Tumblr pour y publier les photos qu’il a prises durant dix ans. Des Polas, des portraits, du voyage : un grand fourre-tout qui trouve sa cohérence dans l’œil cinématographique de ce réalisateur de métier.

airlevy.tumblr.com

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RÉMI LESCLAUZEOn n’aura jamais fini de vanter le bon goût de nos lecteurs… Dans les Hautes-Pyrénées, Rémi traque le détail sensible, la composition fine qui met de la poésie dans le quotidien. Sur son blog, « si peu vu », comme il le déplore, une belle collection noir et blanc de scènes banales et graphiques à la fois.

remilesclauze.tumblr.com

HEY COWBOY« Pas besoin d'être parfait pour inspirer les autres. » Attention, si l’accroche de ce blog est optimiste, les photos sont plutôt dark. Mais la délicatesse est là, et on plonge avec douceur dans les eaux sombres de l’imaginaire d’Héloïse.

heloiserouard.tumblr.com

THE CUBAN TRAVELSi, pour vous, Cuba, ce n’est encore que la musique, le rhum, les cigares et les vieilles voitures colorées, le blog de Laurent va vous emmener plus loin que les cartes postales. Son voyage subjectif sur l’île mêle tension et légèreté pour nous donner à voir la vie cubaine au-delà des clichés.

spirithom.tumblr.com

C O M M U N I T YS E N S I B I L I T É

RÉGIS BODINIERInstallé en Chine depuis deux ans, ce lecteur lointain y photographie son quotidien, ses balades et ses rencontres. Le noir et blanc se fait agressif, et les contrastes, saisissants, pour révéler toutes les facettes d’un pays en pleine mutation culturelle et environnementale.

regisbodinier.tumblr.com

MSPARKESÇa pourrait être n’importe où, ce n’est pas la destination qui compte. En Norvège, en Grèce ou à Paris, Margot tient son journal pour se souvenir du beau anecdotique croisé en route. Parce que c’est le voyage qui importe !

mgsks.tumblr.com