Top Banner
Ernest Bozzano PENSÉE ET VOLONTÉ
71

Ernesto Bozzano - Pensée Et Volonte (Fr)

Sep 08, 2015

Download

Documents

Las Torres

Spiritisme
Welcome message from author
This document is posted to help you gain knowledge. Please leave a comment to let me know what you think about it! Share it to your friends and learn new things together.
Transcript

Ernest Bozzano

PENSE ET VOLONT

LES FORCES IDOPLASTIQUES

Rien ne peut tre aussi important pour la recherche scientifique et la spculation philosophique que la dmonstration, appuye par des faits, de cette proposition : que ce qui est abstrait peut devenir concret, qu'un phnomne psychologique peut se transformer en un phnomne physiologique, que la pense peut-tre photographie, se concrter en une matrialisation plastique, ou crer un organisme vivant. En d'autres mots : rien ne peut tre aussi important pour la science et la philosophie que d'tablir que la force et la volont sont des forces idoplastiques et organisatrices . En effet, la rvlation de ce fait place le chercheur en prsence d'un acte crateur vrai et propre, avec cette consquence d'identifier l'individualit pensante humaine avec la Puissance Primordiale dont l'univers est une ralisation. Je me rserve de dvelopper, le moment venu, cette conception grandiose de l'Etre.

A propos de la question que nous envisageons ici, je remarquerai tout d'abord que l'ide de l'existence d'une pense et d'une volont substantielles et objectivables, n'est pas nouvelle. Les philosophes alchimistes du XVIe et XVIIe sicle Vanini, Agrippa, Van Helmont attribuaient dj au magntisme projet par la volont les rsultats qu'ils obtenaient par leurs amulettes et leurs charmes. Van Helmont a crit : Le dsir se ralise dans l'ide, laquelle n'est pas une ide vaine, mais une ide-force, une ide qui ralise l'enchantement . Et voil dj formule, avec trois sicles de priorit, la fameuse thorie de Fouille sur les ides-force ; et ceci d'une manire qui est mme plus complte, puisqu'on admet l'objectivation de l'ide. Van Helmont a mme nettement formul la thorie des formes-penses , de l'idoplastie , de la force organisatrice , en attribuant en outre une existence passagre, mais active, aux crations de la pense. Il crit :

Ce que j'appelle les esprits du magntisme ne sont pas prcisment des esprits qui nous viendraient du ciel, et encore moins des esprits infernaux. Ils proviennent d'un principe qui rside dans l'homme mme comme le feu se dgage de la pierre. Grce la volont, l'on dgage de l'organisme humain une faible portion d'esprit , qui prend une forme dtermine, en se transformant en un tre idal . A partir de ce moment, cet esprit vital devient quelque chose d'une nature intermdiaire entre ltre corporel et les tres incorporels : Il peut ainsi se transfrer o la volont le dirige, n'tant plus soumis aux limitations de l'espace et du temps. Ce n'est nullement une consquence du pouvoir dmoniaque ; c'est une facult spirituelle de l'homme, qui est rattache l'homme.

J'ai hsit jusqu'ici rvler au monde ce grand mystre, grce auquel lhomme apprend qu'il y a en lui, la porte de sa main, une nergie qui obit sa volont, lie sa puissance imaginative, et qui peut agir extrieurement en exerant son influence sur des choses et des personnes distance mme une trs grande distance.

Il est bon d'insister sur cette circonstance : que les affirmations de Van Helmont sur les proprits objectivables de la pense et de la volont n'taient pas purement intuitives ; elles taient fondes sur l'observation de phnomnes incontestables, auxquels assistaient souvent ces premiers examinateurs de l'occulte, quoique les temps ne fussent pas mrs encore pour interprter dment ce qu'ils constataient empiriquement. Il n'est pas moins vrai qu'on trouve dj nettement formules chez les alchimistes d'il y a trois sicles, les proprits dynamiques de la pense et de la volont ; proprits que l'on commence peine, de nos jours, tudier avec des mthodes rigoureusement scientifiques.

Maintenant, il me faut prvenir mes lecteurs que les matriaux recueillis par moi sur ce sujet sont si abondants, qu'il me faudrait crire tout un gros volume pour le dvelopper d'une manire complte ; je devrai donc me borner prsenter un rsum substantiel de chacune des catgories dans lesquelles se partage le thme que je me suis propos.

La premire des catgories dont il s'agit est familire tous ; je me bornerai donc y toucher trs brivement. Je veux parler des preuves, de nature simplement inductive, que les expriences de suggestion hypnotique peuvent fournir en faveur de l'hypothse d'une pense objectivable.

Seulement, pour bien claircir le sujet, je crois qu'il est ncessaire de faire prcder quelques notions gnrales sur la signification que l'on doit attacher au terme images au point de vue psychologique.

On appelle ide , ou image , le souvenir d'une ou plusieurs sensations simples ou associes. Chaque pense n'est qu'un phnomne de mmoire ; et qui se rsume dans le rveil, ou dans la reproduction, d'une sensation perue antrieurement. Il y a autant d'agrgats d'images que nous possdons de sens ; il y a donc des groupes d'images visuelles, auditives, tactiles, olfactives, gustatives et motrices. Ce sont l des images qui, en mme temps que les sensations, constituent la matire premire de toutes les oprations intellectuelles. La mmoire, le raisonnement, l'imagination sont des phnomnes psychiques qui, en dernire analyse, consistent grouper et coordonner des images, en saisir les rapports constitus afin de les retoucher et de les grouper en de nouveaux rapports plus ou moins originaux ou complexes, selon la puissance intellectuelle, plus ou moins grande, des individus. Taine a dit : De mme que le corps est un polypier de cellules, de mme l'esprit est un polypier d'images .

On pensait jadis que les ides n'avaient point un corrlatif physiologique, c'est--dire qu'un substratum physique ne leur tait pas ncessaire pour se manifester dans le milieu physique. Aujourd'hui, au contraire, il est prouv que les ides occupent dans le cerveau les mmes localisations que les sensations ; en d'autres termes, il est prouv que la pense n'est qu'une sensation qui renat d'une faon spontane, et que par consquent, la pense est d'une nature plus simple et plus faible que l'impression primitive, quoiqu'elle soit capable d'acqurir, en des conditions spciales, une intensit suffisante pour provoquer l'illusion objective de l'objet auquel on songe. Mais la pense n'est pas uniquement une rsurrection de sensations antrieures : la facult de l'imagination domine en l'homme ; c'est grce elle que les images s'accordent entre elles afin d'en crer d'autres. Cela prouve l'existence dans l'intelligence d'une initiative individuelle vraie et propre, ainsi que d'une libert relative vis--vis des rsultats de l'exprience. Cela est d deux autres facults suprieures de lintelligence : la facult d'abstraction et celle de comparaison . Il s'ensuit que l'imagination, l'abstraction et la comparaison dominent les manifestations de l'esprit ; toutes les inventions, toutes les dcouvertes, toutes les inspirations, et crations du gnie dcoulent d'elles.

Ceci dit, je remarquerai qu'un premier indice de la nature essentiellement objectivable des images est fourni par la manire dont elles se comportent dans les manifestations de la pense. Bien entendu, on se base sur les nouvelles connaissances que l'on possde sur ce sujet et qui amnent modifier le point de vue auquel les modes fonctionnels de l'intelligence ont t envisags jusqu'ici. Sans les dernires connaissances fournies, cet gard, par les recherches mtapsychiques, on ne pourrait certainement pas attribuer aux divers modes fonctionnels par lesquels se ralisent les images, dans la veille comme dans le sommeil normal, la signification que l'on est cependant en droit de leur confrer.

Images conscutives. Lorsqu'une sensation est frquemment rpte, elle acquiert une vivacit exceptionnelle, de manire persister parfois longtemps mme, quand la cause qui l'a produite n'existe plus. Elle peut mme renatre avec toute la vivacit d'une sensation proprement dite. Newton parvenait, par un effort de volont, reproduire l'image conscutive du disque solaire, plusieurs semaines aprs avoir interrompu ses observations astronomiques. M. Binet cite le cas du professeur Pouchet, microbiologiste, qui, en se promenant dans les rues de Paris, vit tout coup surgir devant lui les images de ses prparations microscopiques, images qui se juxtaposaient sur les objets extrieurs. Ces visions surgissaient en lui spontanment, sans aucune association d'ides.

Les hallucinations de cette nature prsentent une nettet caractristique, et l'intensit des images conscutives est telle qu'on pourrait les projeter sur un cran, ou sur une feuille de papier, pour en tracer ensuite les contours avec le crayon. Le Dr Binet remarque que cette reviviscence de l'image, longtemps aprs que la sensation excitatrice a cess d'agir, exclut absolument l'ide que l'image conscutive ait t garde dans la rtine On doit donc en conclure qu'elle a t garde dans le cerveau ; par consquent, que sa renaissance n'implique nullement la mise en activit des petits cnes et des btonnets de la rtine.

Telles sont les modalits par lesquelles se ralisent les images conscutives . Je rpte que si l'on veut les envisager sparment, elles n'offrent pas une base inductive adquate pour conclure l'existence de quelque chose d'objectif en elles. Toutefois, comme les nouvelles recherches que je vais traiter amplement portent admettre que les images en gnral consistent en des projections extriorises de la pense, il n'y a pas de raison pour ne pas conclure dans le mme sens pour les images conscutives . Le fait que leur vivacit est telle qu'on parvient les fixer sur une feuille de papier, en traant leurs contours avec un crayon, est dj fort significatif dans le sens que je viens d'indiquer.

Hallucinations spontanes et volontaires. Dans les vnements de la vie de chaque jour, tous les souvenirs sont constitus par des images, attnues, plus ou moins vagues ; leur faible vivacit ne permet pas d'en distinguer la nature. Mais cette rgle a de nombreuses exceptions, et tous les hommes de gnie, dont la puissance d'imagination est parvenue crer des chefs-d'uvre, ont t dous d'une vision mentale intense, qui leur permettait d'apercevoir intrieurement les personnages et les milieux engendrs par le travail fivreux de leur mental en gestation.

On sait que les grands romanciers parmi lesquels Dickens et Balzac taient parfois comme obsds par la vision des personnages qu'ils avaient crs ; ceci jusquau point de les voir agir devant eux, avec lindpendance de personnes relles.

On doit en dire autant des artistes peintres, dont le pouvoir visualisateur peut parvenir au point de remplacer le modle vivant. Brierre de Boismont, dans son ouvrage sur Les Hallucinations (pp. 26 et 451), rapporte le fait suivant :

Un artiste peintre qui avait hrit en grande partie de la clientle du clbre portraitiste Sir Josu Reynolds, et qui se regardait comme tant suprieur ce dernier, recevait tant de commandes, qu'il me dclara avoir peint dans le courant d'une seule anne trois cents portraits, grands et petits. Une telle production paratrait normalement impossible ; mais le secret de sa rapidit de travail, et du succs extraordinaire de son art, consistait dans cette circonstance : il n'exigeait qu'une unique sance de pose pour chaque modle. Wigan rapporte :

Je l'ai vu moi-mme excuter sous mes yeux, en moins de huit heures, le portrait en miniature d'un monsieur de ma connaissance, et je puis assurer que le portrait tait soigneusement fait, et d'une ressemblance parfaite. Je lui demandai des renseignements sur sa mthode ; il me rpondit : Lorsqu'on me prsente un nouveau modle, je le regarde avec beaucoup d'attention pendant une demi-heure, en fixant, de temps en temps, un dtail de ses traits sur la toile. Une demi-heure me suffit, et je n'ai pas besoin d'autres sances de pose ; je mets la toile de ct et je passe un autre modle. Quand je veux continuer peindre le premier portrait, je pense l'homme que j'ai vu ; avec l'imagination je lassoies sur le tabouret, sur lequel je l'aperois nettement, comme s'il s'y trouvait rellement ; jen distingue mme la forme et la couleur d'une manire plus nette et plus vivace que si elle y tait personnellement. Alors je regarde, de temps autre, la figure imaginaire, je la fixe mon aise sur la toile, et lorsque c'est ncessaire, je suspens le travail pour observer soigneusement le modle dans la pose qu'il a prise. Et chaque fois que je tourne le regard vers le tabouret, j'y vois immanquablement mon homme.

Seulement, cette facult exceptionnelle d'objectivation des images finit par tre fatale l'artiste, qui, un beau jour, ne parvint plus distinguer ses hallucinations volontaires reprsentant certaines personnes, des personnes relles et perdit la raison.

Aussi dans les cas de cette nature, et toujours grce la nouvelle lumire projete par les recherches mtapsychiques sur la gense des hallucinations en gnral, tout concourt dmontrer que dans les formes hallucinatoires auxquelles sont sujets plus ou moins volontairement les romanciers et les artistes, il y a quelque chose d'objectif et de substantiel. Cette induction merge dj plus nettement de l'analyse des hallucinations par suggestion hypnotique, ainsi que je me dispose le dmontrer.

Suggestion hypnotique et post-hypnotique. L'image mentale suggre un patient en tat hypnotique revt une objectivation substantielle si accentue, qu'elle cache les objets rels, ou bien permet d'tre fixe sur une feuille de papier avec une telle fermet que, si on n'enlve pas la suggestion, le sujet l'tat de veille continuera de l'apercevoir. Si l'on introduit la feuille au milieu d'un paquet d'autres feuilles absolument identiques, en invitant ensuite le sujet indiquer celle sur laquelle il voit l'image en question, il le fera sans hsiter et sans se tromper. M. Binet a propos, pour expliquer cette dernire circonstance, l'hypothse de point de repre . Il suppose que la feuille de papier sur laquelle l'image a t cre prsente quelque particularit, comme par exemple, une granulation insignifiante, que le sujet a remarque subconsciemment, et qui lui sert de point de repre pour la reconnatre et pour projeter sur elle l'image hallucinatoire qui lui a t suggre. Cette hypothse parat plausible, jusqu' un certain point, et lorsqu'on ne possdait pas encore les nouvelles donnes importantes ressortant des expriences mtapsychiques, elle constituait la seule hypothse grce laquelle on pt se rendre compte des faits, quoiqu'elle laisst beaucoup dsirer. Je crois cependant que cette hypothse doit tre presque compltement abandonne, pour reconnatre que les diffrentes modalits par lesquelles se manifestent les images hallucinatoires au cours des expriences hypnotiques tendent dmontrer leur nature objective. Je vais dnombrer brivement les modalits plus significatives en ce sens.

Lorsque, l'insu du sujet, on retourne la feuille sur laquelle il aperoit l'image hallucinatoire, de manire lui prsenter en bas la partie d'en haut, le sujet la voit immanquablement retourne. Si on l'invite la regarder travers un prisme, il la voit double, comme il arrive pour les images relles. M. Binet remarque :

Lorsque, pendant le sommeil hypnotique, je suggre la malade que sur la table d'une couleur sombre, place devant elle, il y a un portrait de profil, au rveil elle voit le portrait. Et si alors, sans la prvenir, je place un prisme devant ses yeux, aussitt la malade s'tonne d'apercevoir deux profils, et immanquablement l'image fictive est localise conformment aux lois de la physique... Si la base du prisme est en haut, les deux images sont localises l'une sur l'autre ; si la base est latrale, les images sont visualises latralement. Avec des jumelles, l'image hallucinatoire s'approche et s'loigne, qu'on place devant les yeux de la malade l'oculaire ou l'objectif ; ceci mme si l'on a la prcaution de dissimuler l'extrmit du binocle qu'on lui prsente, et d'viter que des objets rels tombent dans le champ visuel. Si on lui prsente un miroir, la malade y voit rflchie l'image hallucinatoire. Ainsi, par exemple, je lui suggre la prsence d'un objet quelconque sur le coin de la table ; je place ensuite un miroir derrire le coin en question ; et la malade y aperoit immdiatement deux objets analogues, et l'objet rflchi par la glace semble la malade aussi rel que l'objet hallucinatoire, dont il n'est que le rflchissement.

On peut ajouter que le Dr Prinaud, mdecin-chef de la clinique ophtalmologique des maladies nerveuses l'hpital de la Salpetrire, a dmontr que :

L'hallucination d'une couleur peut dvelopper des phnomnes de contraste chromatique, d'une manire identique, et mme plus intense, qu'il n'arrive pour la perception relle de la mme couleur.

Il faut enfin signaler une preuve physiologique en faveur de la ralit substantielle des images hallucinatoires. Elle a trait aux modifications que subit la prunelle des hallucins. Le Dr Fr observe :

Voici ce que nous avons remarqu chez deux hystriques avec lesquelles il est possible d'entrer en communication l'aide de la parole pendant la catalepsie. Lorsqu'on leur ordonne de remarquer un oiseau qui a t se poser sur le sommet d'un clocher, ou un oiseau qui vole en l'air, leurs prunelles se dilatent progressivement jusqu' doubler leur diamtre primitif. Mais si nous faisons redescendre l'oiseau, leurs prunelles se resserrent graduellement. Cette exprience peut se reproduire volont, et le phnomne se renouvelle infailliblement chaque fois qu'on fait observer aux patientes un objet mouvant. Or, ces modifications de la prunelle, provoques chez des sujets cataleptiques, qui ne cessent pas de prsenter tous les phnomnes spciaux de la catalepsie, dmontrent que, dans l'hallucination, l'objet imaginaire est visualis exactement comme s'il tait rel ; ce qui fait qu'il provoque, avec ses mouvements, des efforts d'accommodement de la prunelle, conformment aux mmes lois qui rglent la prunelle lorsqu'il s'agit d'un objet rel.

Ces modalits diverses et complexes par lesquelles se manifestent les hallucinations par suggestion hypnotique, sortent totalement de l'orbite de l'explication par les points de repre . Nanmoins, il tait logique et invitable que les psychologues et les physiologues, peu au courant des recherches mtapsychiques, les envisageassent comme devant tre de nature purement subjective, quoique cette explication ft inconciliable avec les faits. Maintenant, il est temps de reconnatre que, grce aux modalits caractristiques par lesquelles se ralisent les hallucinations dont il s'agit, elles doivent tre considres en rapport avec les formes de la pense visualises par les sensitifs, ainsi que par les formes de la pense restes graves sur les plaques photographiques ; enfin, avec les formes de la pense qui se concrtent et se matrialisent au cours des sances mdiumniques. Tout contribue donc dmontrer que les hallucinations hypnotiques appartiennent la classe des projections objectives par la pense.

FORMES DE LA PENSE

Les magntiseurs de la premire moiti du sicle dernier avaient remarqu dj que leurs somnambules, non seulement percevaient les penses des personnes avec lesquelles ils se trouvaient en rapport, mais les percevaient sous la forme d'images, gnralement localises dans leur cerveau, mais parfois aussi hors du cerveau, et plus ou moins plonges dans l' aura de la personne qui, ce moment-l, avait l'esprit la pense correspondant l'image.

Mme de nos jours, la somnambule clairvoyante Marie Reynes, que les recherches du Dr Pagenstecher sur ses facults psychomtriques ont rendue clbre, a donn la rponse suivante une question qui lui avait t adresse par son hypnotiseur :

Quand on m'ordonne de voir, j'aperois l'intrieur de mon estomac, dans lequel je discerne nettement l'ulcre dont je souffre, sous la forme d'une tache rouge sanglante. Je vois la forme de mon cur et je suis en mesure de voir l'intrieur du cerveau du docteur, lorsqu'il me l'ordonne. En ce cas, j'aperois les images des penses existant ce moment-l dans son cerveau. Ainsi, par exemple, j'ai vu souvent dans son cerveau l'image rayonnante de sa mre, ainsi que celles d'autres personnes auxquelles il pensait sans me le dire ; il a toujours d me dclarer que les images que j'avais perues taient bien celles des personnes auxquelles il pensait (American Proceedings of the S. P. R. ; vol. XVI, p. 113).

Les thosophes, qui ont beaucoup de choses signaler au sujet des formes de la pense affirment, d'aprs les dclarations de leurs voyants dont Mme Annie Besant et Mr C -W. Leadbeater que les formes de la pense ne se bornent pas aux images des personnes et des choses, mais s'tendent aux conceptions abstraites, aux aspirations du sentiment, aux dsirs passionnels, qui prennent des formes caractristiques et trangement symboliques .

A ce sujet il est bien de remarquer que les descriptions des thosophes au sujet de ce symbolisme de la pense concordent d'une manire assez surprenante avec les descriptions qui, de leur ct, en font les sensitifs clairvoyants.

Je rsume ici un passage du livre : Thought-forms d'Annie Besant et G.-W. Leadbeater, en le comparant ensuite un autre passage tir des dclarations d'un sensitif clairvoyant.

Voici donc ce qu'crivent les auteurs de Thought-forms :

Toute pense cre une srie de vibrations dans la substance du corps mental , vibrations correspondant la nature de la pense, qui se combinent avec un jeu merveilleux de couleurs, comme il arrive aux gouttelettes qui se dgagent d'une cascade quand elles sont traverses par un rayon de soleil ; avec cette diffrence que la gamme des couleurs est infiniment plus vivace et plus dlicate. Le corps mental , grce l'impulsion de la pense, projette l'extrieur une fraction de lui-mme, qui prend une forme en rapport avec son intensit vibratoire, de mme que la poudre de lycopode, place sur un disque vibrant l'unisson avec les notes musicales, se dispose en des figures gomtriques, toujours les mmes par rapport aux notes qui se font entendre. Or cet tat vibratoire de la fraction extriorise du corps mental l'effet d'attirer elle, dans le milieu thrique de la substance sublime analogue la sienne. C'est ainsi que se produit une forme-pense , qui est de quelque manire une entit anime par une activit intense qui pivote sur la pense gnratrice... Si cette pense concerne une aspiration personnelle de l'individu qui l'a formule ainsi qu'il arrive pour la plupart des penses elle voltige alors autour de son crateur, toujours prte ragir sur lui, en bien ou en mal, chaque fois qu'il se trouve en des conditions passives...

Les formes que prend la pense sont trangement symboliques ; quelques-unes reprsentent graphiquement les sentiments dont elles tirent leur origine. L'avarice, l'ambition, l'avidit produisent des formes-pense crochues, comme si elles se disposaient saisir l'objet dsir. La pense qui considre un problme rsoudre, produit une mission de filaments en spirale ; les sentiments tourns vers une autre personne, qu'ils soient de rancune ou d'affection, donnent lieu des formes-pense analogues aux projectiles. La colre ressemble au zigzag rougetre de la foudre ; la peur provoque des jets d'une substance gristre, semblables aux claboussures de boue.

Et voici comment s'exprime sur le mme sujet un sensitif clairvoyant. M. E. A. Quinton remarque ce qui suit au sujet de ses visualisations de la pense des autres :

Les formes-penses que j'aperois peuvent se subdiviser en trois groupes : celles dans lesquelles la pense revt l'image d'une personne ; celles dans lesquelles elle revt l'image d'un objet quelconque, et celles dans lesquelles elle engendre des formes spciales... Les formes-penses appartenant aux deux premiers groupes s'expliquent toutes seules, mais celles du troisime groupe demandent un claircissement... Une pense sereine de paix, lorsqu'elle est engendre par une personne qui en est profondment pntre, est extrmement belle et expressive. Une pense de colre projete par, une personne en proie une impulsion passionnelle est trs rpugnante et horrible. L'avidit et tous les dsirs analogues prennent une forme crochue, pareille une griffe de faucon, comme si celui qui les pense voulait avidement saisir quelque chose pour sa satisfaction personnelle (Light, 1911, p. 401).

Comme il ressort de ces dclarations, thosophes et clairvoyants sont d'accord pour affirmer que les impulsions personnelles de l'avidit et des dsirs analogues donnent lieu des formes crochues de la pense ; ce qui constitue une concordance remarquable. Naturellement, en ce qui concerne la ralit de l'existence de formes abstraites de la pense, nous ne possdons pour le moment d'autre preuve faire valoir que celle ressortant de la concordance des observations chez divers clairvoyants. Je m'empresse toutefois de noter que pour les affirmations des sensitifs relativement aux formes concrtes de la pense (c'est--dire la forme-pense reprsentant des personnes ou des choses), nous disposons d'une preuve absolue de leur ralit, puisque la plaque photographique les enregistre. On est donc logiquement amen tenir compte aussi des affirmations des voyants relativement aux formes de pense abstraite. Et l'on a dmontr que, lorsqu'on songe une personne ou une chose, celles-ci se concrtisent dans une image correspondante. Tout contribue donc faire supposer que les ides abstraites doivent aussi se concrtiser dans quelque chose de correspondant.

Il me reste parler d'un autre trait caractristique que prsenteraient les formes de la pense. C'est qu'en des circonstances spciales elles seraient susceptibles de persister plus ou moins longtemps dans le milieu o elle sont nes, mme lorsque la personne qui les a engendres nest plus l, ou quelle est morte ; ce qu'en termes mtapsychiques, on appelle persistance des images .

Je vais rapporter quelques exemples du genre.

Dans ce premier pisode, les images penses restent, durant, quelques heures seulement, dans le milieu dans lequel elles furent engendres.

J'extrais ce fait du prcieux ouvrage de Vincent Turvey : The Beginning of Seership, ouvrage dans lequel il analyse ses propres facults de sensitif clairvoyant et de mdium. Je remarque tout d'abord que Vincent Turvey, mort, jeune encore, de tuberculose, tait un gentleman riche et instruit qui, tout en prvoyant sa fin prochaine, persvra jusqu'au bout exercer gratuitement ses facults mdiumniques dans l'intrt de la cause spiritualiste. Chaque fois que des phnomnes ou des incidents importants se ralisaient, il se faisait remettre par les exprimentateurs de courts rapports des faits ; il les employa dans son livre pour documenter les faits qu'il relatait ; ce qui confre de la valeur scientifique l'ouvrage en question. Celui-ci contient plusieurs pisodes de visualisations de formes-pense , parmi lesquels est le suivant :

Le 26 fvrier 1908, frappa ma porte un monsieur qui distribuait des brochures et des revues au nom de la Socit de propagande chrtienne . Il me fit tenir un numro de la revue, titre d'essai. J'y remarquai aussitt un article sur le spiritisme, dans lequel on ne contestait pas la ralit des faits, mais on leur attribuait une origine diabolique. Je fis alors entrer le distributeur de brochures, et entamai avec lui une vive discussion contradictoire ; comme d'habitude, chacun de nous en sortit avec l'impression d'avoir triomph des arguments de son contradicteur. Tout de mme, avant de s'en aller, le visiteur rcita une prire dans laquelle il suppliait Dieu de m'ouvrir les yeux la vraie lumire ; par cela il entendait dire, que Dieu m'enlevt le don diabolique de la clairvoyance (qui d'ailleurs, dans les sicles passs, tait le signe rvlateur des serviteurs de Dieu et des prophtes), et que Dieu clairt mon esprit, c'est--dire, qu'il le transforma de manire le conformer aux opinions de celui qui priait. Aprs cela, il m'assura que dsormais on pouvait tre certain que les diables taient expulss de chez moi, et il s'en alla.

Peu aprs, je me couchai sur le sofa, afin de reposer et, en mme temps, mditer. Mais voil que je vois tout coup apparatre trois petits diables , absolument typiques des diables orthodoxes : d'un aspect humain, avec des pattes bifurques de bouc, de petites cornes derrire les oreilles, des cheveux laineux comme ceux des ngres, des mains fournies dgriffs, d'un teint gnral noirtre. J'avoue franchement que, tout d'abord, j'en tressaillis ; je pense que tout autre voyant ma place en aurait fait autant. Je me mis sur mon sant, pour m'assurer que je ne rvais pas ; mais les petits diables taient toujours l. Etais-je victime d'une hallucination ? Ni plus ni moins que lorsque je percevais des esprits , au cours des sances mdiumniques esprits infailliblement identifis par l'un des assistants. Alors je me concentrai, avec l'intention d'atteindre l'tat que j'appelle condition suprieure dans lequel les facults clairvoyantes sont beaucoup plus tendues que lorsque j'exerce ces facults en public.

Je parvins bientt cette condition, et je m'aperus alors que ces petits diables n'taient que des formes vagues, comme des masques en carton. Les esprits-guides me firent ensuite profrer une sentence, dont j'ai oubli la teneur, et qui eut la vertu de dsintgrer et dissoudre instantanment ces petits diables. Pour donner une ide de la faon dont je les ai vus disparatre, je dirai qu'ils se transformrent en un petit nuage pareil la fume du goudron. Je m'exprime ainsi, parce que telles taient la couleur et l'odeur de ces formes-penses engendres par un individu qui croyait en bonne foi que le Trs-Haut et cr des tres mchants aux pieds de boucs, rien que pour tourmenter l'humanit.

Les formes-penses qui apparurent Turvey, bien que curieuses et intressantes cause des circonstances spciales dans lesquelles elles se manifestrent, sont en ralit absolument identiques toutes les formes-penses perues par les voyants. Seulement, ainsi que je l'ai dit, elles prsentent le trait caractristique assez rare d'avoir persist quelque temps dans le milieu o elles avaient t engendres. Cela dpend de l'intensit avec laquelle une ide a t pense d'o l'observation que, d'habitude, les formes-penses qui persistent longtemps se rapportent des situations motionnelles, tragiquement intenses chez l'agent procrateur. Il est donc assez probable que certaines apparitions de fantmes inertes et sans vie dans les lieux hants ne sont pas autre chose que des formes-penses engendres dans la mentalit de celui qui est mort tragiquement dans cet endroit. Il est remarquer que dans les recueils de communications mdiumniques depuis Allan Kardec jusqu' William Stainton Moses on rencontre des messages de personnalits spirituelles dans lesquels on fait allusion la possibilit de l'existence de fantmes hanteurs qui sont de pures formes de la pense ; possibilit qui, en certains cas, est aussi confirme a posteriori par la contre-preuve de l'identification personnelle de la forme-pense perue. Il en est ainsi, par exemple, dans le cas suivant, que j'extrais de l'ouvrage de Myers sur la Conscience Subliminale (Proceedings of the S. P. R. ; vol. IX, p. 79). En cette circonstance, le mdium tait Miss A., une jeune fille trs instruite et trs distingue, parfaitement au courant des mthodes de recherches scientifiques qui permettent de se dfendre des suggestions inconscientes. Invite par la comtesse de Radnor dans sa rsidence de Longford, elle obtint, au cours d'une exprience mdiumnique par l'criture automatique, le message suivant, provenant de la personnalit mdiumnique Estelle, qui se manifestait habituellement par son entremise :

Tu me demandes ce que j'aperois dans ce milieu. Voici : je vois beaucoup d' ombres et quelques esprits ; je vois aussi un certain nombre de choses rflchies . Sais-tu me dire si un petit enfant est dcd dans la chambre au-dessus ? Et s'il est mort presque soudainement ?

Pourquoi me le demandes-tu ?

Parce que j'aperois constamment l'ombre d'un bb dans la chambre ct de la tienne.

Une ombre seulement ?

Oui, uniquement une ombre.

Qu'entends-tu dire ?

Une ombre se forme lorsque quelqu'un songe d'une faon intense et continuelle une personne ; avec cela, on grave l'ombre et le souvenir de la pense dans l'air ambiant. C'est une forme objective qu'il cre ; je suis donc porte croire que les prtendus fantmes des assassins, ou de ceux qui sont morts subitement, sont plus souvent des ombres ou des images que des esprits confins . C'est la consquence de la pense de l'assassin qui, obsd par l'ide du crime qu'il a accompli, projette extrieurement l'ombre ou l'image de l'assassin. Ce serait d'ailleurs bien triste que des mes, aprs avoir souffert en leur vivant sans que ce ft de leur faute, dussent encore souffrir aprs leur mort sous la forme d' esprits confins . N'oublie cependant pas que les esprits confins existent rellement, et qu'ils sont nombreux.

La comtesse de Radnor remarque ce sujet :

Relativement la communication ci-dessus, je confirme que mon frre est mort, tout petit encore, par suite de convulsions, et qu'il est mort dans la chambre dans laquelle la forme du bb a t vue. Je ne saurais vraiment pas imaginer comment Miss A. aurait pu le savoir, et surtout connatre la chambre o l'enfant tait mort.

La dclaration de la comtesse de Radnor montre que, dans le cas ci-dessus, on rencontre une preuve d'identification personnelle qui confirme les affirmations de la personnalit mdiumnique. Ceci montre le bien-fond de la thse que nous soutenons, concernant la ralit objective des formes-penses et la possibilit qu'elles persistent plus ou moins longtemps dans le milieu o elles ont t engendres, en donnant lieu un groupe spcial de fantmes hauteurs.

II est aussi remarquable que dans le livre rcent de H. D. Bradley : Towards the Stars, on trouve des dclarations identiques provenant de personnalits mdiumniques communiquant par l'entremise des clbres mdiums, Mrs Osborn Lonard et Mrs Travers-Smith.

Ainsi, par exemple, la personnalit mdiumnique de Johannes (mdium Mrs Lonard) observe cet gard :

II me faut d'abord l'expliquer en quoi consistent les fantmes dont il s'agit : ce sont les fantmes de votre cerveau. Ils ne sont pas des esprits, et ils ne sont pas matire. Ils consistent en un lment d'activit intellectuelle qui a laiss derrire elle son empreinte ; ceux qui possdent des facults psychiques trs volues peuvent seuls apercevoir ces formes-penses... Tu demandes pourquoi certains fantmes hanteurs se produisent en certains milieux, et non pas en d'autres o il serait plus logique de les trouver. La raison de ce fait consiste dans la vitalit intense que doit possder l'ide gnratrice. Une prison, un asile d'alins sont bien les derniers milieux susceptibles de devenir hants, parce que l'espoir et l'activit vitale ont dsert ces lieux. Il est donc beaucoup plus probable que le fantme d'un assassin hante la localit o il a tu la victime, qu'il ne se manifeste o il a t tu lui-mme par la justice humaine (p. 272).

Et Astor , l' esprit guide de Mrs Travers-Smith, remarque son tour :

Les fantmes (c'est--dire les formes-penses) apparaissent parfois spontanment ; ceci cause d'motions terribles, jointes la terreur, qui leur procurent les lments ncessaires pour s'extrioriser, En ces conditions, on comprend parfaitement pourquoi la Tour de Londres n'est pas hante. C'tait une prison, parat-il ; c'est--dire que c'tait un endroit o la mentalit des prisonniers devenait obtuse cause de la triste monotonie de leur destine, dpourvue de tout sentiment motionnel ou passionnel ; en d'autres mots, un tat de dsespoir rsign. Et le dsespoir n'est pas un lment favorable la formation des fantmes.

Avant de passer un autre sujet, je vais rapporter encore un pisode, dont l'interprtation est plutt embarrassante.

Mr Joseph Briggs a publi le compte rendu d'une sance qui a eu lieu chez lui avec le fameux mdium voix directe et matrialisations , Mrs Everitt, une riche dame qui servait de mdium par amour de la cause. Je nglige la description des manifestations obtenues et je passe l'incident qui nous intresse. Le rapporteur crit :

Un incident remarquable est venu se greffer aux manifestations ; l'un des assistants, dou de clairvoyance M. Aron Wilkinson s'tant cri tout coup : Un perroquet est sur mon paule ; il bat rapidement des ailes. Maintenant il s'est envol sur Mrs Everitt (qui tait assise de l'autre ct de la table). Mrs Everilt s'cria son tour en percevoir le contact. Wilkinson continua : A prsent le perroquet chante le God Save the Queen (l'hymne royal). Il recommence battre des ailes ; il s'lve dans l'air, il disparat...

Cet incident tait incomprhensible pour tout le monde, hormis pour Mrs Everitt. Celle-ci expliqua que, depuis quelques mois, elle s'tait charge de garder un perroquet, qui s'tait attach extraordinairement elle, et que la veille elle avait reu de chez elle une lettre dans laquelle on l'informait que le perroquet apprenait rapidement chanter : God Save the Queen. Tous les assistants ignoraient le fait.

II faut remarquer que Mrs Everitt habite dans une province loigne. Cet incident est unique dans mon exprience (Light, 1903, p. 492).

Aucun doute que l'pisode en question s'explique par un phnomne d'objectivation de la pense subconsciente de Mrs Everitt. La circonstance que la dame en question avait reu la veille une lettre de chez elle dans laquelle on l'informait que le perroquet avait appris chanter l'hymne auquel le clairvoyant Wilkinson avait fait allusion, ne sert qu' le dmontrer ultrieurement. Toutefois, la description qu'en fit le voyant, combine avec l'affirmation du mdium d'en avoir peru le contact, tendrait prouver que l'on tait en prsence d'une matrialisation de l'image d'un perroquet, et non pas de la simple objectivation d'une forme fluidique de la pense ; ce qui est d'autant plus vraisemblable si l'on songe que Mme Everitt possdait de trs remarquables facults de matrialisation. S'il en tait ainsi, l'pisode appartiendrait la catgorie des phnomnes d'idoplastie, dont nous parlerons plus loin. S'il s'agissait rellement de la matrialisation d'une image subconsciente, on devrait toutefois noter une circonstance plutt exceptionnelle ; c'est que les matrialisations de la pense, quelques rares exceptions prs, sont constamment plastiques , c'est--dire inanimes , tandis que dans l'pisode relat plus haut, le perroquet matrialis aurait vol par-ci par-l dans la chambre, comme un tre vivant. Nanmoins, on pourrait soutenir que ce fait aussi peut tre explicable par l'action de la volont subconsciente du mdium, qui aurait agi distance sur sa propre cration ectoplasmique, en dterminant ses mouvements.

Je termine cette seconde section de ce travail, en remarquant que, jusqu'ici, il n'a t question que des modalits d'objectivation de la pense, qui n'taient pas susceptibles d'une dmonstration exprimentale proprement dite. Mais prsent nos recherches se rapporteront deux catgories de faits, grce auxquelles on atteint la preuve exprimentale scientifique de l'existence incontestable d'une projection objective des formes-penses observes par les voyants. On constatera en mme temps l'existence probable d'une projection objective de la pense aussi dans la circonstance des hallucinations provoques par la suggestion hypnotique, ainsi que dans le cas des hallucinations spontanes, ou volontaires, chez les artistes et, en gnral, dans les hallucinations pathologiques proprement dites.

PHOTOGRAPHIE DE LA PENSE

Le terme de photographie de la pense parat ne pouvoir tre appliqu qu' une partie des manifestations comprises dans cette classe d'expriences. En effet, pour obtenir plusieurs d'entre elles on ne pose pas devant l'appareil photographique ; la plaque est impressionne directement, pendant que l'exprimentateur la tient, dans la plupart des cas, sur son front, en concentrant intensivement sa pense sur l'image extrioriser ; parfois ce qui est impressionn directement c'est le papier sensibilis Ces dernires catgories de manifestations, obtenues sans l'aide de l'appareil photographique, sont dsignes en Amrique sous le nom de psychographies . Mais comme ce terme est dj employ pour les phnomnes de l' criture directe entre les ardoises , on a introduit, depuis quelque temps, pour dsigner les phnomnes en question, le terme de skotographies (impression dans l'obscurit, par antithse des photographies proprement dites, qui sont des impressions la lumire). Ce terme a t propos par Miss Felicia Scatcherd, qui s'est fait connatre dans cet ordre d'expriences.

A propos des skotographies comme propos de photographies de la pense il est remarquer que les rsultats obtenus lorsque l'exprimentateur se propose d'obtenir le phnomne, et qu'il concentre sa pense sur une image donne, se limitent la reproduction d'images trs simples, telles que des sphres, des triangles, des bouteilles, des btons, sans jamais parvenir des images complexes, telles qu'un visage ou une forme humaine. Les meilleurs rsultats, avec des reproductions de visages et de personnes, ont t obtenus fortuitement; c'est--dire lorsque l'exprimentateur ne se propose point d'obtenir une photographie de la pense , ou une skotographie . Mais en ces circonstances on constate infailliblement que l'image reste grave sur la plaque photographique avait, ce moment-l, ou un instant auparavant, travers l'esprit de l'exprimentateur. Tout cela dmontre une fois de plus que dans les manifestations super-normales de la psych , la volont constitue un obstacle leur libre manifestation. En d'autres termes, cela dmontre que les facults super-normales de la psych appartiennent la partie intgrale subconsciente, et par consquent, que la personnalit consciente ne peut les utiliser que de manire exceptionnelle et rudimentaire.

En employant, pour le moment, dans une signification gnrale le terme de photographie de la pense , je dirai que les premires tentatives de ce genre remontent l'an 1896, lorsque le commandant Darget et l'un de ses amis, s'tant persuads que la pense tait une force extriorisable, dcidrent d'essayer concentrer leur pense sur une image donne, dans le but de la projeter sur une plaque photographique. Le 27 mai 1896, M. Darget a fix sur la plaque sensibilise l'image trs nette d'une bouteille laquelle il avait pens avec une telle intensit qu'il s'tait procur un bon mal de tte.

L'exprience a t rpte le 5 juin de la mme anne, avec un plein succs. M. Darget crit :

M. Aviron m'ayant dit que pour carter toute objection, due au hasard ou une concidence, il serait intressant d'obtenir encore une bouteille par le mme procd, nous convnmes d'essayer. Il ne manqua pas de me faire boire de sa mme vieille eau-de-vie, ni moi de regarder longtemps la bouteille. Etant mont au cabinet noir, j'essayai du mme procd que prcdemment, mettant mes doigts ct verre. Lorsque nous avons vu les doigts marqus, nous avons retir la plaque, fixe et lave, et enfin cherch la bouteille que nous avons trouve.

Mais le lendemain, la photo tire sur papier, ce qui nous a le plus frapps, a t une figure de femme avec une coiffe caractristique. C'tait, n'en pas douter, un Esprit qui avait voulu se faire photographier (Revue Scientifique et morale du Spiritisme, 1904, p. 643).

M. Darget a peut-tre raison dans cette dernire remarque, puisque les deux exprimentateurs, non seulement ne pensaient pas du tout des images de personnes, mais n'avaient jamais connu la femme dont la figure est reste imprime sur la plaque, Seulement, quelques jours aprs, au cours d'une sance chez M. Lon Denis, l'crivain spirite bien connu, on eut la manifestation d'une personnalit spirituelle qui dclara s'appeler Sophie et avoir t celle qui impressionna la plaque sensibilise de Darget ; aide en cela par d'autres esprits. Elle a t identifie ensuite pour une marchande de lgumes d'Amiens, appele Sophie, morte quelque temps auparavant. La Revue Scientifique et morale du Spiritisme a reproduit la skotographie dont il s'agit, dans laquelle la figure de la femme est trs visible, au-dessus de la forme de la bouteille.

En poursuivant ses expriences, M. Darget parvnt obtenir la skotographie d'un bton, ainsi qu'une forme plutt vague d'un grand oiseau. Aprs cela, sa facult sur-normale s'affaiblit rapidement, jusqu' disparatre pour toujours.

A la mme poque, l'amricain Ingles Rogers a t amen par hasard s'occuper de la photographie de la pense. Comme il dveloppait des plaques photographiques dans le cabinet noir, il lui arriva de fixer fortuitement une plaque sensibilise qu'il avait devant lui, pendant qu'il rvait intensivement je ne sais quoi. Or, en dveloppant la plaque qu'il avait fixe, il dcouvrit en elle une impression qui ne pouvait pas tre accidentelle. Il dcida de rpter l'exprience, en fixant une pice de monnaie et en pensant intensivement elle ; la pice parut sur la plaque photographique. Il renouvela l'exprience, quelques jours aprs, en prsence d'une Commission de mdecins, en fixant un timbre poste, qui resta imprim sur la plaque photographique.

Un an avant que Darget fit ses expriences, le colonel Albert de Rochas avait obtenu par hasard une photographie de la pense avec Eusapia Paladino (expriences de l'Agnelas). Il en parle dans les termes suivants :

Un jour M. de Watteville voulut, en ma prsence, photographier Eusapia entre le comte de Gramont et le Dr Dariex. La pose ayant t prise, je plaisantai le Dr Dariex qui est de petite taille et qui s'tait camp, la main dans son gilet : Docteur, vous ressemblez Napolon . La pose n'en fut pas moins conserve, mais ce que personne ne prvoyait, c'est le profil de Napolon qui se dtache d'une faon trs nette sur le fond au-dessus de la borne-fontaine qui semble lui servir de pidestal, sans que rien ne pt nous expliquer cette apparence, malgr des essais successifs faits ensuite dans le mme lieu.

Je me demande aujourd'hui si le nom de Napolon n'veilla pas chez Eusapia le souvenir d'un buste qu'elle avait vu et si ce souvenir ne coagula pas la matire fluidique qui mane presque constamment de ses points hypnognes (Annales des Sciences Psychiques, 1908, p. 283).

Cet autre cas, analogue au prcdent, est aussi intressant.

En 1905, M. F. C. Barnes, industriel australien trs connu dans son pays, se rendit chez le mdium photographe Boursnell, pour poser devant l'appareil, dans l'attente d'une manifestation personnelle. Au contraire, quand on dveloppa la plaque, apparut sur la tte de M. Barnes le portrait trs net de l'impratrice Elisabeth d'Autriche. Ce portrait existait tel quel dans le frontispice d'un ouvrage intitul : The Martyrdom of an Empress. M. Barnes avait lu ce livre et pensait souvent ce portrait et la souveraine dcde qu'il reprsentait (Annales des Sciences Psychiques, 1912, p. 217-18).

Dans le cas d'Eusapia Paladino, M. de Rochas suppose logiquement qu'une matire fluidique, mise par ce mdium, s'est coagule autour de la pense-image qu'on avait fait natre involontairement dans la mentalit du mdium, en donnant lieu ainsi une photographie de la pense.

Dans le cas de Mr Barnes, les modalits d'extriorisation seraient un peu diffrentes, puisque l'image qui est reste imprime sur la plaque photographique avait t produite, cette fois, dans la mentalit subconsciente de l'exprimentateur lui-mme. On devrait donc admettre que les fluides dgags par le mdium sont parfois attirs par l'image extriorise fournie par l'exprimentateur, pour se condenser d'une manire suffisante afin de rendre photographiable l'image.

Ces conclusions prsentent une norme valeur thorique. Il faut reconnatre en mme temps qu'elles reprsentent l'hypothse la moins large que l'on puisse formuler cet gard. L'analyse compare des faits ne fait d'ailleurs que dmontrer la ncessit, la lgitimit, la fermet inbranlable de ces conclusions. Nous parlerons plus loin de certaines autres hypothses secondaires, complmentaires de celle que nous venons d'exposer, et auxquelles on est contraint d'avoir recours pour se rendre compte des faits.

Passons maintenant citer quelques expriences du mme genre, ralises par Miss Flicia Scatcherd. Je remarquerai d'abord que cette exprimentatrice persvrante s'est occupe de radiographie, de photographie transcendantale et de skotographie pendant une quarantaine d'annes ; elle tait regarde comme une des personnes les plus comptentes dans cette catgorie de faits. Elle a expriment avec le commandant Darget, le Dr Baraduc, M. Guillaume de Fontenay, l'archidiacre Colley. Nous avons dit que c'est elle qui a propos qu'on dsignt du terme de skotographies les impressions sur-normales obtenues sans l'appareil photographique.

A propos de ses expriences avec l'archidiacre Colley, il est intressant de signaler l'incident suivant, que Miss Scatcherd a rapport au cours d'une confrence qu'elle a faite au sige de la London Spiritualist Alliance, le 3 fvrier 1921. La revue Light la publi l'anne mme (p. 106), dans les termes suivants :

A titre d'exemple relativement au problme troublant de la photographie de la pense , Miss Scatcherd a relat cet incident :

L'archidiacre Colley tait contrari souvent par le fait que, dans les photographies transcendantales, la tte de l esprit est enveloppe d'un petit nuage circulaire, en forme d'aurole. Or il arriva qu'un jour il alla avec l'un de ses amis se faire photographier pour des raisons trangres toute recherche exprimentale. Au grand tonnement de l'archidiacre, sa tte apparut sur la plaque, enveloppe d'un petit nuage circulaire, pareil un halo. Miss Scatcherd, qui tait prsente, demanda l'archidiacre quoi il avait song au moment o il posait devant l'objectif. Il eut un instant d'hsitation ; puis il avoua que son esprit tait ce moment fortement proccup au sujet du sort d'un de ses amis qui traversait, ce moment-l, une terrible crise morale ; aussi, pendant qu'il posait, il priait avec ferveur, en demandant de l'aide pour son ami. Miss Scatcherd remarqua alors : J'espre que vous ne serez plus, prsent, contrari par les auroles spirites, et que vous reconnatrez la valeur technique extraordinaire de votre photographie. Les Saints ont t vus aussi entours de la mme aurole dont l'appareil photographique a rvl tout l'heure l'existence autour de votre tte .

Le Light reproduit la photographie en question, o l'on voit que l'aurole autour de la tte de larchidiacre Colley est absolument analogue celles qu'on remarque dans les photographies transcendantales.

On connat d'ailleurs plusieurs autres photographies d'auroles apparues autour de la tte de personnes qui taient absorbes par de graves proccupations au moment o elles posaient devant l'objectif. On devrait donc en arguer qu'en ces circonstances, l'aurole correspond la substance fluidique, ou thrique, dgage par l'organe crbral intensivement travaill par la pense ; de mme que, dans les photographies avec l'intervention d'un mdium et dans les apparitions de formes transcendantales, l'aurole correspond la substance fluidique dgage par le mdium ; substance grce laquelle les images cres par la pense des assistants, ou par la volont des dcds, sont rendues photographiables.

Ce deuxime fait que j'extrais aussi des expriences de Miss Scatcherd, s'est ralis spontanment en prsence de l'archidiacre Colley, qui tait un sensitif d'une rare puissance ; Miss Scatcherd, son tour, tait une sensitive trs remarquable. Elle crit :

Le 5 juillet 1910, par suite d'un appel urgent, je m'empressai d'aller la gare, o je pris le train pour Stokton Rugby, rsidence de l'archidiacre Colley, me proposant de rentrer chez moi le soir mme. Comme, au moment de mon dpart, un orage allait clater, je m'tais mis un lger impermable sur la robe blanche que je portais la maison. Le soir venu, il m'a t impossible de rentrer chez moi, par manque de trains pouvant me convenir et je passai la nuit au presbytre. Le lendemain matin, juste au moment du dpart, l'archidiacre eut l'ide de me photographier dans le jardin. Il plaa une plaque dans le chssis de l'appareil, rgla celui-ci, et puis il m'appela... Pendant la pose, d'ailleurs trs courte, je me souvins tout coup de mon dpart prcipit de la maison, sans mme revtir une robe de dehors, et je dis moi-mme: Si j'avais mis mon corsage brod, je paratrais moins ridicule dans la photographie ...

Quelques jours aprs, l'archidiacre m'envoya un exemplaire de la photo. Il n'avait eu d'autre intention que celle de se procurer un portrait de moi ; il avait donc t surpris en dcouvrant ct de moi une forme spirituelle... Mais ce qui, par contre, me combla mon tour d'tonnement, ce fut l'essai vident de reproduction sur mon buste du corsage brod que j'avais tellement dsir au moment de la pose : corsage qui se trouvait bien rang dans ma garde-robe.

J'ai employ sciemment le mot essai , parce que le dessin de la broderie n'est pas visible ; mais on voit sur mon buste un corsage diaphane alors qu'en ralit je n'avais sur moi qu'une lgre chemisette. Ce qui prouve qu'il s'agissait bien du corsage auquel j'avais pens, c'est que celui apparu sur la plaque a justement les bords arrondis, tandis que tous mes autres corsages avaient les bord plats...

A titre de contre-preuve, je revtis la robe que j'avais lorsque la photo a t excute, et je me fis photographier afin de m'assurer si la chemisette en question ne contenait pas de coutures, des plis, ou d'autres combinaisons fortuites, pouvant chapper l'il nu, et ayant pu causer une image fictive de mon corsage ; mais je n'y ai absolument rien rencontr ainsi que du reste je m'y attendais... (Light, 1913, p. 356).

Dans un autre article de Miss Scatcherd sur le mme sujet article insr dans le numro de fvrier 1921, p. 106, du Light la photographie en question a t reproduite ; on y voit Miss Scatcherd debout ; elle est visible jusqu'au dessous des genoux. La photogravure est imparfaite, et la forme spirituelle est rduite un petit nuage d'ectoplasme, mais le dessin diaphane du corsage inexistant est net et indubitable.

Cet autre incident racont par Miss Scatcherd est curieux et intressant. Le 24 fvrier 1923, elle alla Crew, chez les fameux mdiums M. Hope et M. Buxton, avec lesquels elle se trouvait en rapports d'troite amiti depuis seize ans. Elle avait apport un paquet de plaques photographiques, tout en n'ayant pas l'intention de les employer, tant venue pour discuter au sujet d'une srie projete d'expriences au sige de la Society for Psychical Rescarch. Les trois interlocuteurs ne tombrent pas d'accord sur certains points du projet ; aussi dcidrent-ils de s'en remettre au conseil de leurs guides spirituels, qui avaient l'habitude de se manifester au moyen de messages imprims sur les plaques photographiques.

Miss Scatcherd sortit deux plaques du paquet qu'elle avait apport, les signa, en y apposant aussi un signe spcial (qu'elle changeait chaque fois), et les introduisit dans les chssis, qui furent placs dans l'appareil photographique. Lorsqu'on eut excut les poses et qu'on eut dvelopp les plaques, on trouva sur l'une d'elles le message dsir ; sur l'autre, au vif dsappointement des mdiums, apparut trs nettement un couvercle de cercueil, derrire la figure de Miss Scatcherd. Celle-ci remarque ce sujet :

La forme trange du couvercle de cercueil pris par l'ectoplasme qui s'tait condens derrire moi, n'est probablement qu'un nouvel exemple du fait, que la subconscience possde la facult de crer et objectiver des images, facult qui s'exerce si souvent dans les expriences de photographie transcendantale. Que l'on remarque, cet gard, que lorsque, le samedi soir, je suis arrive chez les mdiums, j'y ai trouv quelques personnes qui revenaient des obsques d'un membre de l'Eglise Spiritualiste de Crew. D'autre part, la fille du mdium, M. Buxton, avait, le mme jour, rempli les fonctions de porteuse de la bire d'un enfant, dcd dans la maison en face. Lorsque, le lendemain, je posai pour la photographie, Miss Buxton se trouvait dans l'glise anglicane pour assister aux obsques de l'enfant en question (Light, 1923, p. 252).

Il est vident que la circonstance des deux enterrements qui ont eu lieu l'poque de l'exprience dont il s'agit, enterrements qui intressaient les membres des familles des mdiums, tend prouver que le couvercle de cercueil apparu sur la plaque sensibilise tait d un phnomne de photographie de la pense. Il est toutefois difficile d'indiquer quelle a t la subconscience qui a fourni la pense-image dont il s'agit. Celle de Miss Buxton serait la plus indique, puisqu'elle tait fille du mdium, et qu'elle avait transport au cimetire le cercueil de l'enfant ; mais Miss Buxton n'tait pas la maison au moment o l'exprience eut lieu. Cependant, comme elle assistait l'enterrement de l'enfant dcd, cette circonstance serait favorable la projection d'une pense subconsciente dans le genre de celle qui est reste imprime sur la plaque photographique.

On pourrait en outre supposer que, comme les mentalits des personnes vivant en ce milieu taient toutes plus ou moins absorbes par l'vnement le plus important de ce jour-l celui des deux enterrements auxquels elles avaient pris part il s'ensuivit que l'ide gnrale de cercueil tait, pour ainsi dire, en l'air. Alors, grce la circonstance favorable de la prsence des deux mdiums, une image collective de cette nature parvint peut-tre s'objectiver et se concrter d'une manire suffisante pour rester imprime sur la plaque photographique.

Le Light reproduit la photographie dont nous avons parl ; le couvercle de cercueil plac derrire le dos de Miss Scatcherd y est tout fait net ; c'est bien un couvercle de cercueil ; pas de doute possible. Il me semble donc qu'il n'est possible de formuler d'autre hypothse explicative en dehors de celle affirmant l'existence d'un rapport entre cause et effet : d'un ct, les enterrements qui avaient eu lieu dans le milieu o l'exprience fut ralise ; de l'autre ct, le phnomne du couvercle de cercueil, apparu sur la plaque sensibilise.

Je remarquerai encore, par rapport l'authenticit du phnomne, que sur le coin gauche de la plaque reproduite par le Light apparaissent nettement les trois sigles que Miss Scatcherd y a places, titre de contrle.

Ayant ainsi puis le sujet concernant l'un des phnomnes qui se sont produits dans les circonstances dont nous nous occupons, il me reste parler de l'autre, consistant dans le message obtenu sur la plaque photographique.

Voici le texte du message, ou plus prcisment, des deux messages reus :

Amis,

Je suis tout prt vous guider de mes conseils. N'acceptez pas de dfis ; il serait vain d'attendre un bon traitement de ceux qui ont menti relativement Stead ; ne vous flattez pas quils vous pargnent. Archidiacre Colley.

Mon cher Hope, Je suis avec l'archidiacre Colley. N'hsite pas, ne t'inquite pas : va Londres. W. T. Stead.

Miss Scatcherd fait remarquer que le premier message, sign de l'archidiacre Colley, est un parfait fac-simil de l'criture du dcd. Elle note en outre que les mots ont menti ont t souligns deux fois ; autre trait caractristique trs spcial de l'archidiacre qui, lorsque, dans une lettre, soulignait des mots le faisait deux fois.

Cette varit de messages photographiques se ralise assez souvent dans les expriences de photographie transcendantale ; elle est de nature rouvrir le dbat sur les modalits par lesquelles se produit la photographie transcendantale en gnral.

Il me faut observer ce propos que les messages super-normaux photographiques ne sont pas obtenus uniquement lorsque la plaque est insre dans l'appareil, mais souvent, quand la plaque est hors de l'appareil. Cette dernire modalit par laquelle le phnomne se ralise nous porte supposer qu'aussi dans les cas dans lesquels la plaque est dans l'appareil, il ne s'agit pas de la photographie d'une criture substantielle expose l'objectif, mais d'un message crit directement sur la plaque sensibilise ; peut-tre l'aide d'un minuscule rayon de lumire ultra-violette, servant de plume.

J'ajoute que le mme fait se rencontre dans le cas des photographies transcendantales dans lesquelles on obtient des impressions de formes spirituelles et de formes de la pense, mme lorsque la plaque a t dpose hors de l'appareil photographique.

Il semblerait donc rationnel de conclure en affirmant qu'aussi dans le cas de la photographie transcendantale de formes spirituelles et de formes de la pense , tout contribue dmontrer que le phnomne ne se produit pas l'aide d'images substantielles qui se prsentent devant l'objectif photographique, mais plutt au moyen d'une forme mystrieuse qui agit directement sur la plaque sensibilise, en dessinant des formes humaines, ou en crivant des messages.

M. James Coates, auteur du livre : Photographing the Invisible, qui s'est spcialis dans l'tude des photographies transcendantales, termine ainsi un article qu'il a crit sur ce sujet :

En conclusion, nous avons appris ce qui suffit pour nous convaincre que nous savons bien peu de chose relativement aux modalits de la production des photographies super-normales. Nous avons en outre appris que les modalits supposes par lesquelles se ralisent ces photographies, modalits selon lesquelles la forme de l' esprit irait se placer en face de l'objectif, ne sont pas confirmes par l'examen des faits. En effet, lorsqu'on braque diffrents appareils photographiques, dont les objectifs convergent tous vers le mme point, l'impression super-normale n'est saisie que par un seul, appareil, tandis que, si cet endroit il y avait eu quelque chose de substantiel, tous les appareils auraient d le saisir... J'espre avoir dmontr dans ces articles que les procds par lesquels se ralisent les photographies exprimentales sont certainement multiples, tandis que les dernires expriences dmontrent que les intelligences qui oprent ne sont pas obliges employer des systmes fixs d'avance... (Light, 1921, p. 122).

En s'exprimant de la sorte, James Coates ne prtend pas nier l'existence de formes spirituelles authentiques de la pense, qui soient substantielles, photographiables et photographies. Il veut seulement faire comprendre que les intelligences qui oprent parviennent obtenir le phnomne en question sans devoir ncessairement recourir l'objectivation d'images substantielles. Ce qui est incontestablement vrai.

De toute manire, pour tre correct dans les dductions tirer des faits, je remarquerai que la circonstance de plusieurs objectifs braqus sur le mme point, o l'un seul d'entre eux saisit une image sur-normale, ne suffit pas dmontrer que dans ce point-l il n'y avait aucune forme, aucune image substantielle. Je rappellerai ce sujet un cas que l'on lit dans un livre intitul : From the other Side, publi en 1925 par M. J.-H. Miller. Cet exprimentateur demanda l'intelligence oprante en quoi consistaient les effets exercs par les fluides sur les plaques photographiques, elle rpondit : L'effet consiste en ceci, que la plaque indique devient plus sensibilise que les autres . Or cette explication, absolument rationnelle et acceptable, est thoriquement prcieuse, parce qu'elle porte logiquement arguer que, si la plaque indique devient plus sensibilise que les autres , ce fait explique admirablement pour quelles causes, dans la circonstance des objectifs photographiques braqus tous sur le mme point, une seule plaque entre toutes reste impressionne par l'image substantielle existant l.

D'ailleurs, un fait concourt dmontrer que, s'il est vrai que certaines prtendues photographies d'images super-normales sont en ralit des dessins, il n'est pas moins vrai que de nombreuses images de cette sorte doivent tre positivement des formes substantielles projetes du dehors sur la plaque photographique. C'est que, lorsque des sensitifs clairvoyants assistent la sance de pose, ils dcrivent d'avance les formes spirituelles qui sont venues se placer devant l'objectif ; leurs descriptions concordent admirablement avec ce qui apparat sur la plaque sensibilise. Je rappellerai ce sujet le cas du Rv. William Stainton Moses, qui dit apercevoir la droite du Dr Speer (qui posait devant l'objectif photographique), une forme de fillette qui le regardait en souriant, forme qu'il dcrivit en dtail, et qui apparut ensuite sur la plaque dveloppe, absolument identique la description fournie d'avance par M. Moses. Le Dr Speer reconnut dans cette image sa petite sur, dcde quarante ans auparavant, l'ge correspondant celui de l'image obtenue. Je rappellerai de mme les expriences bien connues de Mr Beattie, pendant lesquelles les sensitifs dcrivaient d'avance les formes qui se prsentaient devant l'objectif photographique ; descriptions dont on constatait ensuite invariablement l'authenticit. Or, si l'on tient compte du fait que les exemples de sensitifs qui annoncent d'avance quelles sont, les formes qui resteront imprimes dans les plaques sensibilises, sont assez frquents, on est amen conclure que les cas d'objectivations proprement dites de formes spirituelles et de formes de la pense, sont plus nombreux que les cas dans lesquels la photographie est un dessin super-normal, excut directement sur la plaque sensibilise.

Aprs cette explication, je reprends l'expos d'autres exemples de photographies de la pense.

Mrs Cordelia A. Grylls envoya au Light (1921, p. 559), le rcit d'un incident photographique arriv elle-mme.

Elle commence par dire qu'une de ses amies, ayant perdu sa mre, et dsirant tenter d'obtenir sa photographie transcendantale, s'adressa elle, en lui demandant conseil. Mrs Grylls la conduisit chez un monsieur de sa connaissance, qui possdait une mdiumnit remarquable, bien que, depuis longtemps, il et cess d'exprimenter. Le monsieur reut aimablement les visiteuses et se prta l'exprience. On fit six poses ; les deux dames revinrent pour en connatre les rsultats. Mme Grylls continue en disant :

Sur la sixime plaque, sur laquelle M. X. tait photographi, on apercevait nettement de petits nuages et des lueurs placs autour de sa personne. Sur la cinquime plaque sur laquelle j'tais photographie, on voyait, profondment imprime, l'image d'un pendule ! Mon amie et moi, nous reconnmes aussitt dans cette image un symbole transmis par mon pre, auquel j'avais pens intensivement pendant que je posais .

Le pendule est absolument semblable celui d'une horloge ; dans la photographie il a une longueur de 7/8 de pouce, et il est plac un pouce et un quart de distance de mon profil ; mon regard parat dirig vers le pendule.

A ce sujet, il faut remarquer que, depuis plusieurs mois, je recevais des messages d'une entit qui disait tre mon pre et ceci par le systme du pendule oscillant ... Mon pre m'informe que c'est lui qui a projet l'image du pendule sur la plaque, afin de me dmontrer que je possde des facults matrialisantes, qu'il dfinit : aptitude rendre visible la pense . Je remarquerai que l'image du pendule reprsente sa pense, et non pas la mienne...

Telle est l'opinion de la dame qui raconte l'exprience, relativement l'origine extrieure de limage obtenue. Rien n'empche qu'on puisse regarder son avis comme tant bien fond, toutefois, comme on ne possde pas des preuves positives en ce sens, nous ne tiendrons pas compte de cet avis et nous conclurons en remarquant que, si l'on suppose, au contraire, un phnomne d'objectivation de la pense, on devrait convenir que conformment la rgle que j'ai expose au commencement de ce chapitre l'image du pre n'est parvenue s'objectiver, justement parce que Mme Grylls y pensait intensivement ; tandis que l'image du pendule oscillant, auquel elle ne songeait pas ce moment, mais qui vibrait l'tat latent sur le seuil du subconscient de la dame ( puisque le pendule oscillant tait l'appareil mdiumnique qu'elle employait), est parvenue se concrter et impressionner la plaque sensibilise. Le Light reproduit la photographie dont il s'agit, sur laquelle on observe que l'image du pendule, tant trs noire, se dtache nettement sur le fond.

Il est bien d'observer aussi qu'un esprit affirme que la facult matrialisante des mdiums consiste dans l aptitude rendre visible la pense ; ce qui concorde parfaitement avec la thse que je soutiens dans cet ouvrage, et concorde surtout avec l'analyse compare des phnomnes de la photographie transcendantale ; nous verrons qu'elle s'accorde mieux encore avec les phnomnes de l' idoplastie . En d'autres termes, tout contribue dmontrer que la facult de rendre visible la pense est une facult minemment spirituelle, qui, au cours de l'existence incarne, merge de manire rudimentaire et sporadique chez les sensitifs et les mdiums, pour devenir une facult normale dans le milieu spirituel, aprs la crise de la mort.

Cet autre cas contient des dtails thoriquement dcisifs dans le sens que je soutiens.

La direction du Light publie dans le numro de mars 1921 de ce journal (p. 172) le cas suivant, accompagn des photogravures qui s'y rapportent.

Au mois d'aot dernier, MM. Goodwin et West se rendirent Crew, pour y visiter les mdiums M Hope et Mme Buxton. On excuta quelques poses photographiques, et l'on obtint sur une plaque limage super-normale d'un beau-frre de M West, mort depuis six ans environ.

Au mois d'octobre, les mmes messieurs firent une autre visite de surprise aux deux mdiums. M. West avait apport avec lui un mdaillon porte-portrait contenant une photo de son beau-frre, afin de faire remarquer au mdium Hope la ressemblance parfaite existant entre la photographie du dcd et l'image obtenue, quelques mois auparavant. Il s'tait pourvu, en mme temps, d'un paquet de plaques photographiques, dans l'espoir de pouvoir faire quelques nouvelles expriences.

Le mdium Hope accorda volontiers une autre sance aux visiteurs, et lorsque les quatre personnes prirent place autour de la table, dans un but de recueillement et de prire, M West sortit de sa poche le mdaillon porte-portrait et le fit voir aux mdiums, qui reconnurent la parfaite ressemblance existant entre la photographie du dcd et l'image super-normale obtenue. Aprs cela, M. West introduisit soigneusement le mdaillon dans son tui, le replaa dans une poche intrieure o il l'avait toujours gard par un excs de prcaution, et la sance commena.

M. West et M Hope se retirrent dans le cabinet noir , o le premier ouvrit le paquet qu'il avait avec lui en tira deux plaques sur lesquelles il traa ses initiales, et les introduisit dans les chssis. Il porta ensuite lui-mme les chssis dans la vranda vitre qui sert de studio au mdium Hope, et l, il les plaa dans l'appareil photographique. Alors, les mdiums Hope et Buxton prirent place d'un ct et de l'autre de l'appareil et l'on excuta les poses. M. West se retira ensuite avec le mdium Hope dans le cabinet noir et y dveloppa lui-mme les ngatifs. Lorsqu'il fut possible de les examiner la lumire du jour, on aperut, au grand tonnement de tout le monde, sur l'une des plaques, une parfaite reproduction du mdaillon porte-portrait , avec la photographie relative ; ceci en des proportions quatre fois suprieures au naturel, et le tout superpos aux figures de MM. West et Goodwin. Tous les moindres dtails du mdaillon taient reproduits d'une manire admirable.

Comment se rendre compte d'un pareil phnomne ? Je remarquerai qu'en des circonstances analogues on a propos dj l'hypothse d'une projection de la pense de la part de l'un ou de tous les assistants. En mme temps il ne serait pas irrationnel de supposer que le phnomne de la projection de la pense , tout en tant rel, ft d au contraire des oprateurs spirituels... Nous invitons nos lecteurs examiner mrement le cas que nous venons de relater : ils ont leur disposition le rcit des faits et les photographies qu'il leur faut comparer entre elles...

Comme on peut voir, aussi en ce cas le narrateur penche pour l'interprtation spirite des faits ; mais nous ne tiendrons pas compte de cette interprtation, puisque aucune circonstance ne la suggre. Nous noterons en mme temps qu'au point de vue que je soutiens, c'est--dire celui de l'existence relle de formes de la pense objectives et photographiables, il est indiffrent que l'on penche plutt pour une interprtation que pour l'autre, puisque aussi bien dans l'hypothse spirite que dans celle subconsciente, le phnomne de la reproduction supra-normale photographique du mdaillon porte-portraits ne peut avoir d'autre origine que l'objectivation de la pense. Si l'on est port accepter linterprtation spirite des faits, on peut dire que c'est la volont d'une intelligence spirituelle qui a fait projeter devant l'objectif photographique cette image concrte ; si l'on prfre l'interprtation subconsciente, on doit dire que la contemplation prolonge du mdaillon porte-portraits de la part des assistants, a t la cause de l'objectivation d'une image analogue, grce l'effort de la mentalit collective subconsciente des assistants, ou grce l'activit des mdiums seuls. Ne perdons pas de vue que, dans le cas qui nous occupe, le phnomne de l'objectivation de la pense est tellement vident, qu'il n'y a pas de controverse possible ce sujet, mme parmi des mtapsychistes militant en des camps thoriquement opposs. C'est ce qui doit nous suffire pour le moment.

J'ai gard en dernier lieu les clbres expriences du professeur Ochorowicz avec le mdium Mlle Tomczyk, expriences poursuivies au cours de plusieurs annes et dont il a t rendu compte dans une longue srie d'articles parus dans les Annales des Sciences Psychiques (1910-1911-1912). Je les ai gardes pour la fin parce qu'elles sont, au point de vue scientifique, les plus importantes, et qu'elles exigent un plus grand dveloppement dans nos commentaires.

Le Pr Ochorowicz, se fondant sur ses propres expriences, parvint son tour la conclusion que la pense possde la facult de s'extrioriser, et que les images mentales rvlent des proprits actiniques, puisque les plaques photographiques sont impressionnes par les images en question. Dans les expriences dont nous nous occupons on remarque deux cas plus spcialement intressants ; ils consistent dans les photographies supra-normales d'un d et de la lune. Voici comment M. Ochorowicz relate le cas du d:

Un nouveau phnomne extraordinaire a t remarqu au cours de la sance du 22 septembre 1911. On a vu que dans plusieurs radiographies de la main gauche du mdium, on aperoit la bague qu'elle portait constamment l'un de ses doigts. Ce phnomne paraissait indiquer :

1 Qu'une certaine union existe entre le corps et les objets ports sur le corps ;

2 Que la notion occultiste, physiologiquement nouvelle, de l'existence d'un corps astral , n'est peut-tre pas limite aux tres vivants.

Seulement, une question se prsente ce moment : S'il en est ainsi, comment expliquer le fait que la bague apparat uniquement sur certaines photographies, et non pas sur toutes ?

Je me rends compte de la difficult d'entreprendre des recherches exprimentales ce sujet ; d'autre part, cependant, les recherches exprimentales constituent, pour le moment, la seule base dont je reconnais la lgitimit dans cette catgorie d'ides. De toute faon, il me semble qu'un dtail dt tre aisment vrifiable cet gard : c'est de s'assurer si un objet qui n'tait pas constamment port par la somnambule pouvait se reproduire dans quelques-unes des photographies de son double . Pour commencer, je choisis un d d'argent, dont elle se servait rarement...

Je remis le d la somnambule, en expliquant ce que je dsirais ; mais la somnambule trouva l'exprience peu intressante, et me proposa de la compliquer. Mets le d l'un de tes doigts me dit-elle avec l'autre main, garde le contact avec moi. Peut-tre le d passera-t-il mon doigt travers ton corps. Qui sait ! Essayons !

C'est insens ce que tu dis-l !... Nanmoins, me souvenant du mot de Charles Richet qui dit quelque part qu'en mtapsychique il ne faut pas reculer mme devant les essais qui nous paraissent insenss, je ne dis plus rien ; j'ouvre une nouvelle bote de plaques Elka 13 et 18, j'en sors une, je la marque au crayon et la place sur les genoux du mdium, assis ma droite. De ma main droite je maintiens en l'air sa main gauche au-dessus de la plaque, une quarantaine de centimtres environ, je garde le d au mdius de ma main gauche, derrire mon genou gauche et nous attendons le phnomne.

La lampe rouge brle sur la table un mtre de distance.

Au bout d'une minute la somnambule dit : Je sens des fourmillements l'endroit de l'avant-bras o ta main me touche... Oh ! que c'est drle ! On me place quelque chose sur le bout de mon mdius... Je ne sais pas si c'est bien le d ; je sens seulement quelque chose me serrer continuellement le bout du doigt...

Quant moi, je ne vois rien et je n'ai pas de sensation particulire (ni souffle, ni frissons, ni rien de semblable), mais je sens toujours bien le d sur mon mdius gauche, en contrlant cette sensation toutes les secondes peu prs, l'aide de mon pouce ou de mon genou gauche.

Une douleur, pas trs vive cette fois, ressentie par le mdium dans sa main gauche, agissante, termine l'exprience.

Sur le clich apparat une main gauche, peut-tre un peu plus petite que celle du mdium, sauf le troisime doigt qui parat plus long, tant prolong... par un d !...

Le d, comme le doigt qui le porte, paraissent amincis sur la photographie (dtail normal dans les radiographies des objets ronds, lorsque la lumire est proche). La partie infrieure du d, sauf son bord doubl, est moins sombre (sur le positif) que sa partie suprieure ce qui ne rpond plus une projection radiographique, mais l'apparence normale du d, tel qu'on le voit. Enfin le verre bomb qui le termine reste peine visible, comme s'il tait trop transparent pour cela.

En un mot, l'image produit une impression mixte, dconcertante : ce n'est pas une forme dessine d'aprs nature, car elle ne prsente que la partie centrale (axiale) de l'objet ; ce n'est pas une radiographie de profil, car l'on y voit des dtails de surface, incompatibles avec une simple projection ; ce n'est pas non plus une photographie ordinaire par rflexion, puisque dans ce cas la lumire devrait clairer l'objet de face, ce qui, sans objectif et cabinet noir, aurait pour unique effet de voiler la plaque ; ce n'est pas enfin une radiographie la Roentgen, c'est--dire par transparence partielle, puisque les parties galement fortes du mtal sont traverses ingalement, et que la main se montre plutt moins transparente que le mtal.

Le mtal !... Mais quel mtal ?... Il n'y avait rien au bout du doigt du mdium ! Le d n'a pas quitt ma main, qui restait loin de l et n'avait aucun rapport avec la plaque. J'en suis absolument sr ! Je suis galement sr de l'impossibilit matrielle d'une simple projection de la main du mdium. La sensation que celui-ci eut sur son doigt ne ft qu'une sensation subjective. Comment admettre alors qu'elle ait pu se photographier comme quelque chose de rel ? Et ne faut-il pas supposer que, comme cette main n'est pas celle du mdium, mais bien celle de son double, de mme l'image du d, avec lequel elle forme un tout harmonieux, constitue, non pas la photographie du d, mais celle de son double...

De son double ou de lide du d... (Annales des Sciences Psychiques, 1912, p. 164-166).

Le Dr Ochorowicz remarque ensuite que ce fait ne peut donner lieu qu' deux hypothses explicatives : ou bien l'on suppose un ddoublement fluidique du d, venu se placer sur le doigt du mdium, ou l'on a recours la photographie de la pense . Il ajoute qu'au point de vue physique et chimique les deux hypothses se valent, puisqu'elles restent toutes les deux en dehors de notre savoir actuel. Et il conclut en disant :

Laquelle de ces deux conceptions, galement extravagantes, est plus prs de la vrit ? Mais quoi qu'on en pense, cette exprience existe, et elle contient une vrit, une vrit nouvelle, puisque les anciennes ne s'y appliquent gure

M. Ochorowicz a raison d'insister sur la circonstance que, quelle que soit l'explication qu'on veut donner de ce mystre, le fait n'existe pas moins ; c'est--dire que ce serait vain, absurde, anti-scientifique, anti-philosophique de feindre de l'ignorer pour garder tranquille et sereine sa conscience scientifique de physiologiste ou de psychologue universitaire.

Au sujet de l'incident que je viens de reproduire, M. Ochorowicz demanda des claircissements au double du mdium, c'est--dire l'entit oprante ; voici le dialogue qui s'ensuivit :

Ochorowicz Eh bien, explique-moi l'exprience du d !

Double. J'avais dtach du d sa partie fluidique et je l'avais mise sur mon doigt.

Etait-elle aussi sur le doigt du mdium ?

Non.

Que voulait dire alors la sensation qu'il eut ?

C'tait naturel. Nous sommes unis. Lorsque je ressens quelque chose, il doit s'en ressentir.

Et puis ?

J'ai mis ma main orne du d, sur la plaque ; voil tout. Je ne sais pas comment se fit la lumire ; elle provenait du mdium.

Ces claircissements du double nous apprennent que le d fantme ne s'tait pas condens sur le doigt de la main corporelle du mdium, mais sur le doigt de sa main fluidique, qui s'tait extriorise pour impressionner la plaque sensibilise. En tout cas, on comprend qu'en ces circonstances la somnambule dut ressentir la sensation de la prsence du d sur son doigt corporel ; comme il arrive dans les expriences de ddoublement dans lesquelles, si l'on pince l'air sur le point o se trouve localis le fantme ddoubl , le sujet endormi ressent la douleur dans ses membres correspondants. Il en rsulte qu'il faut galement conclure que le cas en question constitue un exemple rare d'une forme de la pense , qui ne fut pas seulement photographie, mais aussi perue comme une sensation tactile par la somnambule.

Relativement la question de l'hypothse qu'il convient de prfrer entre les deux que M. Ochorowicz a proposes, il me semble qu'au fond la premire hypothse se greffe la deuxime. Mme si le d fantme avait rellement t constitu de substance fluidique soutire au d mtallique, il s'agirait toujours d'une image photographique cre par la volont subconsciente du mdium ; c'est--dire par sa pense. En d'autres mots : il serait indiffrent de supposer que la substance fluidique ncessaire a t soutire l'objet pens ou l'air ambiant, ou l'ther ambiant attendu que ce qui importe est le fait d'un phnomne qui s'est extrioris grce la force plasticisante et organisatrice, inhrente la pense.

Passons au deuxime cas tir des mmes expriences et dans lequel il s'agit d'une photographie de la pense reprsentant le disque de la lune. Au point de vue scientifique, il est peut tre encore plus important que le cas du d, parce que M. Ochorowicz, aprs avoir obtenu spontanment l'image de la lune en rapport avec une pense analogue du mdium, a excut d'autres expriences, afin d'obtenir exprimentalement la mme image ; ce qui lui russit plusieurs reprises circonstance qui prouve mieux encore que le phnomne de la photographie de la pense doit tre envisag comme un fait scientifiquement constat. Voici le rcit du Dr Ochorowicz :

On se rappelle que, dans la nuit du 7 septembre, ma somnambule fut vivement impressionne par la superbe vue du ciel toile et particulirement de la pleine lune qu'elle contempla longtemps avec admiration. Il en rsulta une excitation de sa curiosit scientifique, en mme temps qu'une obsession sensorielle durable, manifeste dans la premire idoplastie photographique involontaire, obtenue le lendemain.

Au lieu d'une petite main, que nous dsirions tous les deux, apparut sur la plaque une pleine lune, sur le fond d'un nuage blanc. Tout d'abord, nous n'avions pas compris ce que c'tait, car le nuage masquait la lune, en formant une tache unique irrgulire.

Le lendemain je remarquai la rondelle blanche du ct du verre et je m'empressai d'en tirer une preuve positive. C'tait bien difficile, car l'impression avait t tellement forte, que pour sparer la lune du nuage, il fallut exposer cinq heures au soleil, sur papier au chlorure, et quatre-vingts secondes sur du papier au bromure ; autrement la lune disparaissait dans le nuage.

Enfin plusieurs copies permirent de s'assurer : 1 que c'tait rellement la lune ; 2 que son image rpondait exactement ce qu'avait vu la somnambule ; 3 que cette impression avait t double, quoique les deux images, trs rapproches l'une de l'autre, fissent l'effet d'un seul disque oblong...

Physiologiquement, cette photographie de la pense parat sans rapport avec le cerveau. La plaque ne fut pas applique contre la tte du mdium, ni dans cette exprience ni dans d'autres russies...

J'en conclus que l'idoplastie photographique peut ne pas tre due une action directe du corps en gnral et du cerveau en particulier, et qu'elle se trouve en relation directe plutt avec le cerveau thrique , ou en gnral avec le corps thrique extrioris.

Ceux auxquels rpugne l'hypothse d'une physiologie transcendantale, n'auront qu' se contenter d'une explication spiritualiste, sans prciser le mode de l'action physico-chimique de l'me distance. A vrai dire, ce ne serait qu'un aveu de notre profonde ignorance.

Je dois ajouter que la photographie des images mentales visuelles, me semble galement sans relation ncessaire avec la rtine. Le mdium ne fixait pas la plaque, et dans une exprience o il l'avait fait exprs (aprs avoir contempl une bouteille claire par la lumire rouge), je n'obtins rien.

Au point de vue psychologique, il est remarquer qu'au moment du phnomne, l'imagination du mdium fut le terrain d'une lutte entre deux obsessions : l'une consciente et volontaire, celle dune petite main ; l'autre inconsciente et involontaire, celle de la pleine lune qui s'inscrivit toute seule.

C'est donc cette dernire qui l'a emport sur l'autre, ce qui semble indiquer que l'obsession inconsciente se trouve en relation plus intime avec le mcanisme, encore inconnu, de l'idoplastie photographique...

Toutes les considrations qu'on vient de lire se rattachaient la supposition que nous avions rellement affaire une photographie de la pense. Cette certitude, je ne pouvais pas l'avoir de prime abord, et le seul moyen d'y arriver consistait en une rptition de l'exprience, ou plutt en une transformation de l'idoplastie photographique inconsciente suppose, en une idoplastie consciente et voulue.

Je demandai donc au mdium de se reprsenter nettement la pleine lune et de tcher d'en obtenir une nouvelle reproduction.

Le 11 septembre j'obtins le clich n 16. C'tait quelque chose de ressemblant la photographie prcdente quoique d'une apparence bizarre. Le nuage est analogue, mais la lune diffre beaucoup.

Ce n'est pas une lune dis-je au mdium c'est un bouton !

En effet, la photographie reprsentait comme deux disques, incrusts l'un dans l'autre, avec une troisime tache ronde beaucoup plus petite au milieu. Cette tache est plus sombre que le second cercle, et le second plus sombre, que le premier. D'ailleurs, aucun d'eux n'est plus clair que le fond du nuage. (On trouvera plus loin les explications donnes ce sujet par le double).

Mes critiques provoqurent de nouveaux efforts du mdium, et cette fois il se produisit le phnomne inverse ; des deux lunes, la premire, plus petite, est plus blanche, et toutes les deux plus claires que le fond...

Une nouvelle rptition de la mme exprience, le 23 septembre, donna une figure qui ressemble presque tout fait la premire idoplastie inconsciente. En tout cas, la similitude est suffisante pour conclure que dj la premire fois nous avons eu affaire une vraie photographie de la pense.

Enfin, la figure obtenue le 8 octobre doit tre considre comme l'effet suprme des efforts de ma somnambule, qui devinant mes doutes, suscits par la deuxime lune-bouton, concentra de mieux en mieux sa pense consciente, pour me donner pleine satisfaction.

Cette dernire preuve est particulirement intressante sous ce rapport qu'elle prsente quatre ou mme cinq impressions nettes de la lune, de diffrentes grandeurs, prive cette fois de son nuage. Ce dernier est remplac par une aurole qui entoure les plus fortes impressions. Le ct moins fortement imprim de l'image ne prsente pas cette particularit ; mais mme la forte impression de l'aurole ne nuit pas la nettet des contours... (Annales des sciences Psychiques, 1912, p. 205-209).

Au cours d'une sance suivante, le Dr Ochorowicz demanda au double du mdium des explications au sujet des dtails nigmatiques qu'il avait remarqus dans les photographies de la lune ; je reproduis ici une partie du dialogue qui s'ensuivit :

Ochorowicz : La photographie de la pense existe-t-elle rellement ?

Double : Oui..

Y a-t-il un intermdiaire matriel entre la pense et la plaque ?

Non. La pense agit toute seule.

Comment ?

Je ne sais pas.

S'il n'y a pas d'objet intermdiaire qui se dplace, d'o proviennent ces impressions doubles, triples, etc. ?

Des efforts ritrs du mdium. (Cette opinion me semble maintenant juste, elle tait contraire mes suppositions d'alors).

Pourquoi la premire lune obtenue sur commande ressemble-t-elle plutt deux boutons incrusts l'un dans l'autre ?

Le mdium ne savait pas concentrer sa pense ; il se reprsentait par moments une lune plus petite, ou plus grande, plus claire ou plus sombre, ce qui dtermina des ronds concentriques. (Ibidem, p. 237).

Ces dernires explications du double propos des impressions multiples du disque lunaire, parurent absolument bien fondes et dcisives au Dr Ochorowicz ; indubitablement, on ne saurait trouver une explication meilleure du fait. Q